TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2013-5808

 

Date :

28 mai 2013

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

ANDRÉ BERGERON 

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DISTAGRO, DIVISION DE SYSCO CANADA INC.,  

 

ci-après appelé « l’employeur »

 

Et

 

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DE DISTAGRO BOUCHERVILLE (CSN),

 

ci-après appelée « le syndicat »   

 

 

Grief syndical numéro 18-03-2013

 

 

 

Nature du litige : Interprétation de la clause 15.02 B) relative aux vacances

 

Convention collective : 4 octobre 2012 au 1 er octobre 2017

 

 

 

Audience  :17 mai 2013

Décision  : 28 mai 2013

 

 

                      

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SENTENCE ARBITRALE

(Art. 100 et ss. C.t.)

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I-    LES PRÉLIMINAIRES

[1]    Le 7 mai 2013 , le Service d’arbitrage accéléré — auquel les parties s’étaient adressées — m’a désigné à titre d’arbitre pour entendre le grief qui fait l’objet de la présente décision et décider de son sort.

[2]    L’audience s’est par la suite tenue à Boucherville le 17 mai 2013. M e Marie Cousineau y représentait l’employeur et M e Benoît Laurin, le syndicat.

[3]    Dès le début de l’audience, les procureurs ont admis que les procédures de grief et d’arbitrage prévues à la convention collective avaient régulièrement été suivies, que j’étais valablement saisi du litige et que j’avais compétence pour décider de son sort.

II-   LE GRIEF

[4]    Le grief à l’étude [pièce S-3] - déposé par le Syndicat le 10 mars 2013 - se lit comme suit :

Description du grief : Suite au CRT du 15 mars 2013, le syndicat conteste la décision de l’employeur visant le nombre d’employés en vacances la même semaine. La décision va à l’encontre de la convention collective.

Description de la réclamation : Le syndicat réclame que le nombre d’employés en vacances la même semaine respecte la convention collective et tous les droits prévus à la convention collective et dédommagement pour préjudices subis, incluant les dommages moraux et exemplaires, ainsi que le préjudice fiscal, le tout rétroactivement avec intérêts au taux prévu au code du travail et sans préjudice aux autres droits dévolus.

III-  LA PREUVE

[5]    Les parties ont d’abord déposé la liste d’admissions suivante, datée du 17 mai 2013 :

ADMISSIONS DE FAITS

Essence du litige

1.     Les parties ne s’entendent pas sur l’interprétation de la clause 15.02 B) de la convention collective en vigueur depuis le 4 octobre 2012 et ce jusqu’au 1 er  octobre 2017, pièce S-1 ;

Les parties

2.     Le Syndicat des travailleuses et travailleurs de Distagro Boucherville - CSN est une association de salariés accréditée par la Commission des relations du travail afin de représenter :

«  Toutes et tous les salariés au sens du Code du travail affectés à la préparation des commandes.  »

De : Distagro, division de Sysco Canada Inc.

1225, rue Volta

Boucherville (Québec)  H1S 227 [ sic ]

 

Établissement visé :

1225, rue Volta

Boucherville (Québec)  H1S 227 [ sic ]

Tel qu’il appert de l’ordonnance d’accréditation émise par la Commission des relations du travail le 23 avril 2013, dans le dossier d’accréditation AM-2001-4290, pièce S-2.

3.     L’entreprise exploitée par l’employeur est un centre de distribution alimentaire.

4.     À cette fin, l’employeur s’approvisionne auprès de différents fournisseurs et distribue à son tour des aliments secs, frais et congelés chez différentes entreprises de restauration rapide et de dépanneurs partout au Québec et dans les maritimes.

Les faits

5.     L’employeur exerce ses activités sur trois (3) quarts de travail.

6.     L’équipe de jour reçoit la marchandise et l’entrepose dans l’établissement à l’aide de chariots élévateurs et de transpalettes électriques.

7.     En date d’aujourd’hui, l’équipe de jour est composée de quatorze (14) salariés réguliers.

8.     Ces salariés détiennent le titre d’emploi de préposé à la réception ou au chariot élévateur.

9.     L’équipe de jour travaille du lundi au vendredi et les horaires de travail oscillent entre 5h00 et 17h30 ou entre 6h00 et 18h30, tel qu’il appert de l’ annexe C de la convention collective.

10.   L’équipe de soir prépare les commandes qui doivent être distribuées à la clientèle de l’employeur.

11.   En date d’aujourd’hui, l’équipe de soir est composée de trente-deux (32) salariés réguliers.

12.   Ces salariés détiennent le titre d’emploi de préparateur de commandes et de préposé au chariot élévateur.

13.   Les préparateurs de commandes et les préposés au chariot élévateur travaillent également à l’aide de transpalettes électriques, dans le cas des premiers, et de chariots élévateurs, dans le cas des seconds.

 

14.   L’équipe de soir travaille :

a.     du lundi au vendredi et les horaires de travail oscillent entre 14h30 et 1h30;

b.     du dimanche au jeudi et les horaires de travail oscillent entre 14h00 et 1h30 :

c.     du lundi au vendredi et les horaires de travail oscillent entre 13h00 et 1h30;

d.     du dimanche au jeudi et les horaires de travail oscillent entre 13h00 et 1h30.

tel qu’il appert de l’annexe C de la convention collective.

15.   Les préposés au chariot élévateur s’occupent principalement de descendre ou de monter la marchandise qui est en hauteur dans l’entrepôt.

16.   Les préparateurs de commandes les confectionnent à l’aide d’un transpalette électrique.

17.   Pour ce faire, ils sont assistés d’un système audio numérique appelé « Vocollect » qui les guide dans l’entrepôt, localise la marchandise et leur indique la quantité requise par palette et par client.

18.   Lorsque la commande est complétée, le préparateur de commandes porte sa palette au quai de chargement.

19.   L’équipe de nuit prépare les commandes comme l’équipe de soir.

20.   L’équipe de nuit travaille du dimanche au jeudi et les horaires de travail oscillent entre 19h00 et 7h00, tel qu’il appert de l’annexe C de la convention collective.

21.   En date d’aujourd’hui, l’équipe de nuit est composée de vingt-et-un (21) salariés réguliers.

22.   Ces salariés détiennent également le titre d’emploi de préparateur de commandes et de préposé au chariot élévateur.

23.   L’équipe de nuit exécute le même travail que l’équipe de soir, soit la préparation des commandes.

Le litige

24.   L’article 15.02 de la convention collective prévoit ce qui suit :

A)    L’ancienneté prévaut dans la préparation et l’établissement du programme des vacances à l’intérieur de l’unité d’accréditation. Les salariés choisissent leurs dates de vacances avant le 1 er avril de chaque année. Les vacances sont affichées au plus tard le 15 avril et ne pourront alors être changées à moins d’entente entre les parties. Le choix des vacances se fait parmi les salariés de l’unité d’accréditation et par équipe.

B)    L’Employeur détermine le nombre de salariés réguliers qui peuvent partir en vacances en fonction de ses besoins opérationnels tout en permettant à un minimum de 10% des salariés appartenant à l’équipe de jour, 10% des salariés appartenant à l’équipe de soir et 10% des salariés appartenant à l’équipe de nuit de partir en vacances lors d’une même semaine.

(…)

25.   En prévision des vacances estivales 2013, l’employeur a décidé de laisser partir en vacances trois (3) salariés appartenant à l’équipe de soir, et allègue que cette décision respecte l’article 15.02 B) de la convention collective. Le syndicat soutient plutôt que, selon le même article de la convention collective, l’employeur devrait en laisser partir quatre (4).

26.   En prévision de ces mêmes vacances, l’employeur a décidé de laisser partir en vacances deux (2) salariés appartenant à l’équipe de nuit et allègue que cette décision respecte l’article 15.02 B) de la convention collective. Le syndicat soutient plutôt que, selon le même article de la convention collective, l’employeur devrait en laisser partir trois (3).

27.   Les parties se réservent le droit d’apporter des précisions relativement aux énoncés ci-haut mentionnés et de compléter leur preuve par l’entremise de témoignages et de pièces additionnels.

[6]    L’employeur a par la suite fait entendre M. Frantz Roc, vice-président de la compagnie.

[7]    M. Roc a d’abord expliqué que Distagro, distributrice de produits alimentaires, et Sysco Québec, filiale de Sysco Canada, étaient deux compagnies compétitrices lorsque le 17 décembre 2012, cette dernière a acquis Distagro.

[8]    M. Roc - qui, à ce moment, était vice-président de Sysco Québec - a pris la direction de Distagro dont le marché est celui de la restauration et du détail.

[9]    L’effectif de Distagro est composé de quelque 140 employés, dont 67 sont syndiqués et se chargent, sur l’un des trois quarts de travail de l’entrepôt, de la réception de la marchandise et de la préparation des commandes, de la manière décrite dans les admissions.

[10]         De ce nombre, 32 travaillent sur le quart de soir, 21 sur le quart de nuit et 14 sur le quart de jour.

[11]         Les commandes reçues avant 17 h sont préparées le soir et la nuit, et les camions de livraison quittent l’entrepôt entre 3 h et 5 h.

[12]         L’employeur s’engage par ailleurs à livrer les commandes de chacun de ses clients à l’intérieur d’une plage horaire indiquée dans le contrat qu’il a signé avec lui. À titre d’exemple, M. Roc a mentionné que l’employeur s’est engagé, avec le restaurant Scores de Boucherville, à livrer la marchandise entre 7 h et 9 h.

[13]         Après avoir souligné l’importance que revêt pour l’employeur le respect de la plage horaire convenue avec chaque client, M. Roc a précisé que le respect de ces plages horaires dépendait principalement du rendement des salariés « réguliers » qui sont au travail, puisque, selon le témoin, le rendement des employés occasionnels - qui proviennent de diverses agences — n’équivaut qu’à 60% de celui des salariés « réguliers ».

[14]         Or, d’ajouter le témoin, outre un taux d’absences moyen de l’ordre de 10% à 14%, les diverses absences prévues à la convention collective - tels les congés parentaux, les congés de maladie de longue durée et les congés fériés reportés - contribuent à diminuer significativement le taux de rendement.

[15]         Par ailleurs, de souligner M. Roc, l’été constitue l’une des périodes les plus achalandées pour l’employeur et il est donc normal qu’il veuille avoir à sa disposition le plus de salariés « réguliers » possible. C’est pour cette raison, d’expliquer le témoin, que l’employeur a décidé - dans le respect du paragraphe 15.02 B) de la convention collective — de limiter à trois le nombre de salariés « réguliers » qui peuvent partir en vacances « lors d’une même semaine » sur le quart de soir, et à deux sur le quart de nuit.

IV- LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

A)    La plaidoirie syndicale

[16]         Le procureur syndical a d’abord fait valoir que selon le libellé du paragraphe 15.02 B), ce ne sont pas les besoins opérationnels de l’entreprise qui doivent prévaloir lors de l’attribution des vacances aux salariés « réguliers », mais bien le fait que l’employeur doit permettre «  à un minimum de 10% des salariés [de chaque équipe] de partir en vacances lors d’une même semaine  ».

[17]         C’est donc dire que pour le quart de soir — qui compte 32 salariés « réguliers » —, a expliqué le procureur, l’employeur doit permettre à un minimum de 3,2 salariés « réguliers » de prendre leurs vacances « lors d’une même semaine ». Or, comme il est impossible de parler d’une fraction de salarié, a-t-il ajouté, il faut donc arrondir ce nombre vers le haut, parce qu’en ne permettant qu’à trois salariés « réguliers » de partir en vacances « lors d’une même semaine », l’employeur n’autoriserait que 9,375% des salariés « réguliers » à le faire, ce qui est inférieur au pourcentage de 10% prévu par le paragraphe 15.02 B).

[18]         Il en va de même pour le quart de nuit, qui compte 21 salariés « réguliers », de poursuivre le procureur. L’employeur doit en effet permettre à trois salariés « réguliers » de ce quart de travail de prendre leurs vacances « lors d’une même semaine » pour respecter le paragraphe 15.02 B), parce que s’il ne le permettait qu’à deux salariés « réguliers », il n’autoriserait que 9,523% des salariés « réguliers » du quart de nuit à le faire.

[19]         Quant au taux d’absences qui, selon M. Roc, nuit à la productivité de l’entreprise, le procureur syndical a rappelé que le paragraphe 15.02 B) ne prévoit pas que l’employeur peut tenir compte de cette donnée pour déterminer le nombre de salariés « réguliers » d’une même équipe qui peuvent prendre leurs vacances « lors d’une même semaine ».

[20]         Au soutien de ses prétentions, le procureur syndical a déposé les autorités énumérées à l’annexe « A » de la présente décision.

B)    La plaidoirie patronale

[21]         Selon la procureure patronale, le calcul du nombre de salariés « réguliers » ayant droit de prendre leurs vacances « lors d’une même semaine » ne doit pas être le fruit d’un simple calcul mathématique, puisque le paragraphe 15.02 B) prévoit expressément que «  l’Employeur détermine le nombre de salariés réguliers qui peuvent partir en vacances en fonction de ses besoins opérationnels  ».

[22]         Or, de rappeler la procureure, le témoin Roc a clairement expliqué que les besoins opérationnels de l’employeur étaient tels qu’il devait restreindre le plus possible le nombre de salariés « réguliers » qui prennent leurs vacances « lors d’une même semaine ».

[23]         La procureure a ensuite souligné qu’en appliquant le pourcentage de 10% prévu au paragraphe 15.02 B), on obtient 3,2 salariés « réguliers » autorisés à partir en vacances « lors d’une même semaine » sur le quart de soir, et 2,1 sur le quart de nuit. Comme la fraction est inférieure à 0,5, il est donc normal, selon elle, d’arrondir vers le bas, c’est-à-dire d’autoriser trois salariés « réguliers » sur le quart de soir à partir en vacances « lors d’une même semaine », et deux salariés « réguliers » sur le quart de nuit.

[24]         Au soutien de ses prétentions, la procureure patronale a déposé les autorités énumérées à l’annexe « B » de la convention collective.

C)    La réplique syndicale

[25]         En réplique, le procureur syndical a d’abord soutenu - en faisant référence aux autorités soumises par la partie patronale — que le site Wikipedia ne pouvait être considéré comme une autorité.

[26]         Quant à la prétention patronale selon laquelle les besoins opérationnels de l’employeur justifiaient sa position, le procureur syndical a fait valoir que ce dernier n’a jamais démontré que ses besoins opérationnels étaient tels, qu’il ne pouvait autoriser quatre salariés « réguliers » sur le quart de soir et trois salariés « réguliers » sur le quart de nuit à partir en vacances « lors d’une même semaine ».

[27]         Il est vrai, a admis le procureur, que l’employeur doit respecter les plages horaires de livraison dont il a convenu avec ses clients, mais à son dire, aucun élément de la preuve ne permet d’affirmer qu’il ne peut y parvenir avec quatre salariés « réguliers » en moins sur le quart de soir et trois salariés « réguliers » en moins sur le quart de nuit, d’autant plus qu’il a reconnu qu’il pouvait les remplacer par des employés occasionnels.

[28]         Enfin, relativement à la prétention patronale selon laquelle il faut arrondir vers le bas lorsqu’une décimale est inférieure à 0,5 le procureur a soutenu que non seulement la convention collective ne prévoit aucune disposition à cet effet, mais le paragraphe 15.02 B) stipule clairement que l’employeur doit permettre «  à un minimum de 10% des salariés [de chaque quart de travail] de partir en vacances lors d’une même semaine  ».

[29]         Or, en l’espèce de rappeler le procureur, le nombre de salariés « réguliers » d’un même quart de travail que l’employeur entend autoriser à partir en vacances « lors d’une même semaine » ne représente pas 10% des salariés, ni pour le quart de soir, ni pour le quart de nuit.

D)    La supplique patronale

[30]         En réponse à la réplique syndicale, la procureure patronale a reconnu qu’aucune disposition de la convention collective ne prévoyait comment arrondir une décimale inférieure 0,5 dans le cas à l’étude, mais cette dernière a ajouté que dans un tel cas, les droits de direction que reconnaît l’article 3 de la convention collective à l’employeur l’autorisent à prendre la décision qu’il estime la meilleure pour le bien de l’entreprise.

V-  DÉCISION ET MOTIFS

[31]         Dans la présente affaire, le litige découle du paragraphe 15.02 B) de la convention collective dont le libellé, on en conviendra, est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté en stipulant qu’aux fins de l’établissement du programme de vacances, «  l’Employeur détermine le nombre de salariés réguliers qui peuvent partir en vacances en fonction de ses besoins opérationnels tout en permettant à un minimum de 10% des salariés appartenant [à chacune des équipes] à partir en vacances lors d’une même semaine  ».

[32]         En d’autres termes, l’employeur est tenu de permettre à un minimum de 10% des salariés « réguliers » appartenant à une équipe de travail de partir en vacances « lors d’une même semaine », et si plus que 10% des salariés « réguliers » d’une équipe désirent le faire, l’employeur est autorisé à tenir compte de ses besoins opérationnels pour décider s’il leur accordera les vacances demandées.

[33]         L’employeur ne peut donc refuser d’accorder à un salarié « régulier » les vacances qu’il demande que lorsqu’il a déjà autorisé 10% des salariés « réguliers » de son équipe à prendre leurs vacances « lors de la même semaine ».

[34]         En fait, le litige découle essentiellement de la fraction qui peut résulter du calcul de 10% des salariés « réguliers » d’une même équipe.

[35]         Si le nombre de salariés « réguliers » travaillant sur un même quart de travail est un multiple de 10, il n’y a effectivement aucun problème, puisque 10% d’un tel nombre donnera toujours un nombre entier.

[36]         Il en va autrement en l’espèce, puisque le calcul du nombre de salariés « réguliers » autorisés à partir en vacances « lors d’une même semaine » s’effectue à partir de 32 salariés pour le quart de soir et de 21 salariés pour le quart de nuit, ce qui donne des résultats respectifs de 3,2 salariés et 2,1 salariés, ce qui, on en conviendra, cause un problème et oblige l’employeur à arrondir ces résultats pour éliminer les fractions.

[37]         L’employeur a prétendu que puisque la convention collective est muette sur la façon d’arrondir ces résultats, ses droits de direction l’autorisent à décider de quelle façon il veut le faire.

[38]         S’il est vrai qu’aucune disposition de la convention collective ne prévoit expressément comment arrondir, le cas échéant, le résultat du calcul requis par le paragraphe 15.02 B) pour établir le nombre de salariés « réguliers » d’une équipe pouvant partir en vacances « lors d’une même semaine », en revanche cette même clause stipule clairement que l’employeur doit permettre à «  un minimum de 10% des salariés [réguliers de chaque équipe] de partir en vacances lors d’une même semaine  ».

[39]         Il en résulte donc que si le nombre de salariés « réguliers » d’une même équipe autorisés à partir en vacances « lors d’une même semaine » ne peut être inférieur à 10%, il doit être égal ou supérieur à 10%, ce qui signifie qu’il faut arrondir le résultat du calcul vers le haut.

[40]         Il s’agit là du raisonnement retenu dans l’affaire Hudon et Deaudelin, dont s’est inspirée l’arbitre Viau dans l’affaire Parmalat Canada [1] invoquée par la partie syndicale.

[41]         Quant à l’affaire Casino de Charlevoix [2] [grief Pierre Boily], sur laquelle s’est appuyée la procureure patronale et à laquelle a souscrit l’arbitre Beaulieu dans l’affaire Casino de Charlevoix [3] [grief Lise Bergeron], il est vrai que l’arbitre Ménard y conclut que les impératifs opérationnels de l’employeur avaient priorité sur le pourcentage d’employés que l’annexe « L » de la convention collective alors à l’étude autorisait à partir en vacances en même temps. Il faut cependant rappeler que le paragraphe 13.04 a) de cette convention était différent du paragraphe 15.02 B) à l’étude, en prévoyant :

13.04   Choix de vacances

a)   L’employeur détermine le nombre de salariés qui peuvent partir en vacances en même temps, selon les impératifs opérationnels. L’employeur tient compte des ratios déterminés selon l’annexe « L ».

[42]         Dans cette affaire, l’employeur n’avait donc pas l’obligation de respecter les ratios déterminés selon l’annexe « L », mais uniquement d’en tenir compte lorsqu’après avoir évalué ses impératifs opérationnels, il devait déterminer le nombre de salariés pouvant partir en vacances en même temps.

[43]         Or, pour les motifs expliqués précédemment, le libellé du paragraphe 15.02 B) mène à une tout autre conclusion, puisque cette clause prévoit spécifiquement que l’employeur doit respecter le minimum de 10%.

[44]         Pour tous ces motifs,

-        J’ACCUEILLE le grief numéro 18-03-2013 déposé par le syndicat le 18 mars 2013;

-        JE DÉCLARE que le nombre minimum de salariés « réguliers » d’une équipe qui peuvent partir en vacances « lors d’une même semaine » en vertu du paragraphe 15.02 B) de la convention collective doit être égal à 10% des salariés « réguliers » de cette équipe ou, si le résultat du calcul est une fraction, à l’unité supérieure.

-        J’ORDONNE par conséquent à l’employeur, aux fins du programme de vacances en vigueur pour 2013, d’autoriser quatre salariés « réguliers » de l’équipe de soir et trois salariés « réguliers» de l’équipe de nuit à partir en vacances « lors d’une même semaine ».

-        JE CONSERVE ma compétence en cas de désaccord entre les parties sur l’application de la présente décision.

     

 

 _______________________________ __

André Bergeron, arbitre

 

 

Pour le syndicat :

 

 

M e Benoît Laurin

Pour l’employeur :

M e Marie Cousineau

 

N. Réf. : S-13-156

c:\bergeron\distagro-mai13


 

 

 

ANNEXE « A »

 

AUTORITÉS SOUMISES PAR LA PARTIE SYNDICALE

 

 

 

-        Syndicat des travailleuses et des travailleurs de Parmalat (CSN) -et- Parmalat Canada (grief collectif et Stéphane Plante) , M e Louise Viau, arbitre, 29 octobre 2007, AZ-50456419 , DTE 2007T-994

 

-        Hudon et Deaudelin ltée -et- Union internationale des travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 , M e Huguette Gagnon, arbitre, 18 décembre 2000, AZ-01141060 , DTE 2001T-221 .

 


 

 

 

ANNEXE « B »

 

AUTORITÉS SOUMISES PAR LA PARTIE PATRONALE

 

 

 

-        Syndicat des employés(es) du Casino de Charlevoix (CSN) (Unité générale) -et- Société des casinos du Québec inc. , AZ-50415917

 

-        Union internationale des travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 -et- Société des casinos du Québec inc.. - Casino de Charlevoix, unité générale , DTE 2001T-8

 

-        GAGNON, Robert P. Le droit du travail au Québec , 6 e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008

 

-        Extraits du site internet www.wikipedia.org



[1] Voir l’annexe « A » pour la référence exacte.

[2] Voir l’annexe « B » pour la référence exacte.

[3] Voir l’annexe « B » pour la référence exacte.