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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2013-6428 |
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Date : |
5 juillet 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
Jacques Larivière, arbitre |
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AGROPUR, COOPÉRATIVE AGRO-ALIMENTAIRE |
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Ci-après « l’employeur » |
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SYNDICAT DES SALARIÉS(ES) DE LA FROMAGERIE (CSD) |
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Ci-après « le syndicat » |
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Plaignant : |
Syndicat |
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Griefs : |
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n os 1207 - suspension / 1208 - congédiement |
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Convention collective |
SYNDICAT DES SALARIÉS(ES) DE LA FROMAGERIE (CSD) et AGROPUR, COOPÉRATIVE AGRO-ALIMENTAIRE en vigueur du 24 juillet 2007 au 23 juillet 2014 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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[1] Le syndicat conteste deux mesures disciplinaires imposées à l’un de ses membres. La première concerne une suspension temporaire à compter du 13 avril 2011 aux fins d’enquête et la deuxième, un congédiement imposé le 21 avril 2011 à la fin de l’enquête.
[2] La suspension aux fins d’enquête est contestée par le premier grief :
L’employeur m’a remis une suspension aux fins d’enquête, je considère ce geste arbitraire illégal et contraire à mes droits
Je réclame que l’employeur mette fin immédiatement à ma suspension que je sois réintégré immédiatement au travail que je sois remboursé de tout somme d’argents (sic) dont je suis privé et que je sois rétabli dans tout mes droit (sic) avantages et privilaiges (sic) le tout sujet au paiement de dommages de quelque nature que ce soit et intérêt (sic)
[3] La fin d’emploi est motivée par la teneur de l’avis reçu le 21 avril 2011 du directeur de production de la fromagerie de Granby, Sylvain Bergeron. Celui-ci a été complété à la suite d’une demande de précisions formulée par la partie syndicale et qui a fait l’objet d’une sentence interlocutoire [1] .
[4] Voici le texte de cet avis de congédiement auquel nous avons intégré les précisions fournies par la partie patronale :
Objet : Congédiement
Monsieur (le plaignant),
La présente fait suite aux évènements survenus dans la nuit du 12 avril dernier. Vous avez tenu un langage inapproprié et vulgaire envers votre supérieur immédiat.
Précisions : Les paroles jugées inappropriées et vulgaires prononcées par (le plaignant) à l’endroit de son supérieur immédiat à l’occasion des événements survenus dans la nuit du 12 avril 2011 sont les suivantes :
« Va chier »; et
« Tes christ de “S » tu te les fourreras dans le cul »
Les directives de travail reçues par (le plaignant) de son supérieur immédiat dont il a contesté ou argumenté le bien-fondé et qu’il a refusé d’accomplir à l’occasion des événements survenus dans la nuit du 12 avril 2011 sont les suivants :
De plus, vous avez argumenté sans aucune raison ses directives de travail en plus de ne pas les accomplir. L’ensemble des événements survenus lors de votre quart de travail nous démontre un manque flagrant de sérieux envers votre emploi, de l’insubordination envers votre supérieur immédiat de même qu’une attitude négative et contestataire. En raison de la gravité de la situation, vous avez été suspendu aux fins d’enquête dès le 13 avril.
Lors de notre rencontre du 19 avril 2011, nous vous avons posé plusieurs questions afin, de tenter de comprendre la situation et votre comportement lors de cette nuit-là. Votre version de la situation est contradictoire avec les faits évoqués par Monsieur Chouinard. De plus, des preuves, nous démontrent que vous avez menti lors de cette enquête puisque vos propos sont contraires à nos faits.
L’étude de votre dossier nous confirme, sans aucun doute, une problématique majeure au niveau de votre comportement, attitude et assiduité au travail. En effet, vous avez récemment été discipliné pour diverses raisons et nous avons dû vous suspendre à plusieurs reprises. La mesure disciplinaire datée du 3 juin dernier en est la preuve et fait état de l’ensemble de votre dossier des derniers mois. Enfin, il vous a clairement été spécifié dans cette mesure que toute récidive entraînera votre congédiement immédiat.
Notre patience envers vous à (sic) atteint sa limite. Le lien de confiance entre un employeur et son employé se doit d’exister et malheureusement, l’ensemble des actions des derniers mois à (sic) rompu définitivement ce lien.
En raison de l’ampleur de votre dossier disciplinaire, de votre comportement inacceptable du 12 avril dernier de même que la perte du lien de confiance, nous mettons fin à votre lien d’emploi en date du 13 avril 2011.
[5] Cette mesure fait l’objet du grief déposé le 21 avril 2012 et se lit de la manière suivante :
Je conteste la lettre de congédiement remis le 21 avril 2011 par mon employeur. Je considère ce geste arbitrèrte (sic) illégal et contraire à mes droits
Je réclame que ma mesure disciplinaire soit annulé (sic), que la lettre qui en fait état soit retiré (sic) de mon dossier, que je sois réintégré au travail que je sois remboursé de tout sommes d’argent dont je suis privé et que je sois rétabli dans tout mes droit (sic), avantage (sic) et privilège (sic), le tout sujet au paiement de dommages de quelque nature que ce soit et intérêt (sic) et tout les autres droits que me donne la convention collective de travail.
La preuve de l’employeur
[6] Le plaignant occupait avant son congédiement un emploi de cariste à la fromagerie Agropur à Granby où il travaillait depuis 1986. Il est invité par la partie patronale à offrir sa version des événements survenus dans la nuit du 12 avril 2011, entre minuit et 8 h, pendant son quart de nuit. Il est alors sous l’autorité du superviseur Sylvain Chouinard dont le quart de travail débute une heure plus tôt et termine une heure avant l’équipe de nuit.
[7] Pendant ce quart de travail, les besoins de l’usine requièrent les services de deux caristes. L’un est affecté à l’entrepôt ou à la réception-expédition et le second, en l’occurrence le plaignant, a pour tâches principales d’alimenter la chaîne de production en fournitures comme les palettes et les boîtes dans lesquelles le fromage est empaqueté. Il doit aussi déplacer les boîtes de fromage de la zone de production vers la zone réfrigérée où elles sont rangées et pesées. Il accomplit aussi diverses tâches de nettoyage des planchers et des réfrigérateurs.
[8] Le cariste production voit aussi à la pesée des boîtes d’échantillons couramment appelées les « S », abréviation de « Sample ». En effet, comme le fromage est facturé au poids, une boîte de fromage sur quatre, pesant environ 300 k, doit être repesée dans les quarante-huit heures de sa fabrication parce que le poids varie légèrement au cours de cette période. Ces boîtes échantillons dûment identifiées sont mises de côté dans le but d’être repesées. Le poids de chacune de ces boîtes avant et après ce contrôle est rigoureusement enregistré et il en est tenu compte au moment de la facturation du client.
[9] Le plaignant affirme que la pesée des « S » est habituellement confiée et exécutée par le cariste de l’entrepôt travaillant de nuit parce qu’il dispose de plus de temps que le cariste du secteur production. Selon lui, les « S » seraient pesés entre deux productions de fromage de différent type, pendant le temps requis pour modifier la chaîne de production.
[10] Les salariés du quart de nuit ont droit à deux (2) pauses de 15 min et à une pause de 30 m. Cependant, le temps d’une pause est parfois jumelé à celui de la période de repas ce qui permet aux salariés de rester à la cafeteria située au deuxième étage, au-dessus de l’aire de production, pendant 45 min. Or, le plaignant déclare avoir appris de son superviseur la nuit du 12 avril 2011 être programmé pour ses pauses en même temps qu’un groupe de salariés. C’est ce qu’il appert d’un document affiché dans le secteur de la production qui mentionne que « Le cariste production fait partie du groupe 1 pour sa pause » alors que le plaignant avait, dit-il, plutôt la latitude de prendre ses pauses comme bon lui semblait sans être astreint à faire partie d’un groupe particulier.
[11] Le plaignant ne manque pas de souligner à son supérieur que son nom n’est pas explicitement intégré à la liste des noms des salariés composant l’un ou l’autre des quatre (4) groupes autorisés à quitter l’aire de production pour le temps des pauses et du repas et qui se succèdent les uns après les autres pour prendre leurs pauses de manière à ne pas interrompre la production.
[12] Il reconnaît qu’au début du quart de travail son superviseur lui a remis une liste identifiant les boîtes de « S » devant être repesées. Il lui est demandé de profiter de toute période au cours de laquelle la production est suspendue à cause d’un changement de produit pour peser les « S » qui commençaient à s’accumuler dans la zone réfrigérée.
[13] La veille, pendant son quart de nuit, le plaignant n’a pas pesé de « S » pour cause de manque de temps malgré le fait qu’il a quitté l’aire de production 15 à 20 minutes avant la fin du quart. Il avait laissé, apposée au babillard dans le bureau des caristes, la liste des « S » qui auraient dû être pesées le 11 avril 2011.
[14] Habituellement les « S » sont pesés pendant les périodes d’arrêt de la production des différents types de fromage, appelés « le gros fromage » et le « pasta ». Le plaignant déclare que le 12 avril 2011, son superviseur lui signale que les « S » de la veille n’ont pas été faits et lui demande d’accomplir cette tâche sur un ton arrogant. Il précise que cette demande lui a été adressée un peu après 0 h 30 sans que la liste des « S » à peser qu’il avait laissée au bureau ne lui ait pas été remise.
[15] Il poursuit son témoignage en disant qu’il n’a pas répliqué à son superviseur avec qui il ne voulait pas s’obstiner et il s’est dirigé vers son poste de travail. Il ajoute que le superviseur ne lui a pas demandé formellement de faire les « S ».
[16] La nuit du 12 avril 2011, il travaillait à l’approvisionnement de la chaîne de production et au déplacement des boîtes de fromage dénommé « Pasta » jusqu’à ce qu’il prenne sa pause repas à 2 h qu’il aurait même écourtée de 5 min. À 2 h 40 le superviseur le rejoint au deuxième étage pour l’aviser que sa présence dans l’aire de production est requise en lui précisant que la production est arrêtée en raison de son absence et que les gars attendent après lui. Le plaignant n’apprécie pas le ton arrogant et baveux de son supérieur, mais il n’y a pas eu d’échange d’insultes.
[17] De retour la zone de production, il constate que les activités n’ont pas cessé pendant sa période de repas et qu’il restait encore une palette à remplir qui n’avait pas besoin d’être dès lors déplacée par le cariste. À une suggestion du procureur patronal, il ajoute qu’il était à la cafeteria pour prendre son repas et non pas pour jouer aux cartes ce qu’il aurait fait plutôt pendant la pause de 4 h et ce n’est pas à ce moment que le superviseur est allé lui parler. Constatant que la production n’est pas suspendue, fâché parce qu’on lui a menti, il s’adresse à son superviseur pour lui dire qu’il aurait facilement pu faire appel à un manœuvre au lieu d’aller le quérir à la cafeteria.
[18] La production de « Pasta » a pris fin, selon le plaignant avant la fin de son quart, vers 5 h 30 et le plaignant croit se souvenir avoir déplacé les fournitures et préparer le lavage des planchers avant de se rendre à sa deuxième pause de 6 h.
[19] Selon le plaignant, la ligne de production a été en marche cette nuit-là de 2 h 45 à 4 h 30 et de 4 h 30 à 5 h. Il lui fallait enlever les fournitures non utilisées entre 5 h 30 et 6 h. Il n’a pas fait de « S » par la suite à cause d’une réunion appelée « Info usine » déjà programmée, mais qui, à la toute dernière minute, a été reportée. Il était en pause de 6 h 40 à 7 h, mais il a prolongé cette pause en attendant la réunion « Info usine ». Il n’a donc pas pesé de « S » après sa deuxième pause.
[20] De plus, le coordonnateur de jour lui a demandé d’aller chercher une remorque pour la conduire à l’atelier de réparation. Cette tâche l’occupe de 7 h 15 à 8 h 15.
[21] De nouveau interrogé sur les demandes de son superviseur d’exécuter la pesée des « S », le plaignant admet qu’il a reçu deux (2) demandes à cet effet. La première a lieu après 4 h 30. Il devait être dans l’aire de production à ce moment. Il se fait demander au téléphone par Sylvain Chouinard où il en est avec les « S » et il répond qu’il ne les a pas encore pesés parce que la production n’est pas terminée. Il reçoit un deuxième appel après 6 h pour savoir s’il a commencé à faire ses « S ». Il répond non et ne reçoit aucune instruction de s’exécuter.
[22] Il justifie le fait qu’il n’avait pas pesé de « S » la nuit du 11 avril 2011 parce qu’il devait avoir de l’aide d’un manœuvre, mais Sylvain Chouinard ne lui en a assigné aucun. Il admet que le coordonnateur peut lui demander d’aller peser les « S » qui s’accumulent dans le réfrigérateur ce qui ne lui a pas été demandé. D’ailleurs, il n’avait pas son téléphone que son superviseur ne lui avait pas demandé de garder sur lui.
[23] Il nie le reproche de l’employeur voulant qu’il ait dit à Sylvain Chouinard que les « S » il pouvait « se les fourrer dans le cul. » Certes il était fâché après lui lorsqu’il lui a été reproché de prolonger sa pause repas, mais il nie l’avoir envoyé promener. Cet esclandre est une histoire inventée, affirme-t-il.
[24] Le 13 avril 2011, le directeur de la production lui laisse un message à son domicile l’avisant qu’il est suspendu aux fins d’enquête. Il avait déjà téléphoné à la fromagerie pour se déclarer absent pour raison de maladie.
[25] Le 19 avril 2011, il participe à une entrevue avec le directeur de la production, Sylvain Bergeron accompagné de Lina Lachapelle des ressources humaines. Ses supérieurs désirent obtenir sa version des événements survenus dans la nuit du 12 avril 2011. Il se rappelle peu la teneur des échanges au cours de cette rencontre et il n’avait pas envie de tenter de se justifier parce que le directeur de la production, de toute façon, prend toujours pour les contremaîtres. Il n’a pas souvenir d’avoir déclaré que son superviseur ne lui avait pas remis la liste des « » S » à peser le 12 avril 2011.
[26] Le plaignant est confronté au témoignage qu’il a livré devant le Conseil arbitral de l’assurance-emploi (ci-après « Conseil arbitral ») le 29 juin 2011. Selon la transcription des notes sténographiques de son témoignage (à la page 12), il a déclaré que le 12 avril 2011 « le boss » lui a « demandé de peser des “S”, mais je ne peux pas faire deux « jobs» en même temps, je m’occupe de la production. Un coup que la production est finie, oui, j’ai le temps de peser des « S», mais la production était en cours... »
[27] À l’audition des présents griefs, il déclare qu’on ne lui a pas demandé de peser des « S » avant de recevoir un appel de son superviseur vers 4 h 30. Il se dit d’opinion que lorsqu’on le lui a demandé c’était probablement pour l’écœurer. Il admet que le ton a monté, mais qu’il n’a pas été désobligeant ou insultant.
[28] Devant le Conseil arbitral, le plaignant a aussi nié avoir exprimé les propos disgracieux qu’on lui reproche. C’est totalement faux, a-t-il affirmé et de plus ayant déjà été averti qu’il risquait d’être congédié à cause de son comportement devant un ancien contremaître, ce n’était pas à son avantage de péter sa coche sachant très bien que mes heures étaient comptées et qu’il « n’aurait pas fait exprès de perdre sa job. » (Aux pages 18-19 de la transcription.)
[29] Le procureur de l’employeur a présenté au plaignant un avis disciplinaire du 8 juin 2010 imposant pour des faits survenus le 20 mai 2010 « vingt-cinq (22) » (sic) jours de suspension sans solde, du 21 mai au 11 juin 2010, pour insubordination. Comme cet avis fait directement référence à plusieurs autres mesures disciplinaires imposées au cours des années 2009 et 2010, la procureure syndicale a porté à notre attention ce qu’elle perçoit comme une clause d’amnistie à savoir la clause 19.03 si les faits reprochés datent de plus de douze (12) mois.
[30] Le superviseur Sylvain Chouinard a sous son autorité environ vingt-six (26) employés chargés de la production plus deux (2) caristes. Il convient qu’il est difficile de procéder à la pesée des « S » pendant que la ligne de production est en activité. Entre deux productions, il donne instruction au cariste de faire la pesée des « S » lorsque se présente un temps d’arrêt. Également, comme la ligne de production permet une certaine accumulation de produits, le cariste peut avoir du temps pour aller peser les échantillons pendant la production.
[31] L’employeur affiche une liste des divers postes de travail où doivent se trouver les salariés selon le type de fromage en production. Le document mentionne ceci : « N.B. Il n’y a personne à la fermeture et seal durant la pause du groupe #1. Le cariste production fait partie du groupe 1 pour sa pause ». Ainsi, le groupe 1 prend sa pause repas de 1 h 15 à 2 h, sa première pause de 3 h 30 à 4 h et sa deuxième pause de 5 h 30 à 6 h.
[32] L’inclusion du cariste dans un des quatre groupes de salariés assujettis à un horaire de pauses et de repas n’est pas nouvelle et l’horaire est dûment affiché dans l’aire de production. Il est vrai que le cariste peut parfois être assisté à la pesée des « S » par un manœuvre, mais pas nécessairement. La pesée des « S » doit se faire environ trois (3) fois par semaine et il avise habituellement au début du quart de travail le cariste de le faire à l’aide d’une liste complète fournie par le système informatique des boîtes à être pesées et qui sont toutes numérotées.
[33] Le 11 avril 2012, il avait demandé au plaignant de peser des « S » selon le temps dont il disposerait et de fait, aucune boîte d’échantillons n’a été pesée. Au début du quart de nuit, le 12 avril 2012, après avoir fait sa tournée, il signale au plaignant qu’il a des « S » à faire. Lorsque la dernière boîte de production de fromage « Pasta » est entrée au réfrigérateur, il remet au plaignant la liste des « S » à faire avant que la production reprenne à 2 h 45 et que la première palette de produits emballés arrive au réfrigérateur vers 3 h.
[34] Il affirme que le plaignant s’est absenté pour sa pause de 2 h 15 à 2 h 45 pendant un arrêt de production requis pour compléter le temps de saumurage. Cela signifie que le plaignant aurait pu s’activer à la pesée des « S » de 0 h 15 à 2 h 45 heure à laquelle il est revenu de sa pause. À 4 h 30, constatant que le convoyeur était rempli, il tente de joindre le plaignant par téléphone en laissant sonner longtemps, mais en vain. Il se rend à la cafeteria où il trouve le plaignant à jouer aux cartes. Il lui demande de descendre immédiatement à la production et que ce n’est pas le moment de prolonger une pause parce le convoyeur est rempli et qu’il faut déplacer les boîtes au réfrigérateur sans délai. Il se rend bien compte que le plaignant est mécontent.
[35] Le plaignant commence à déplacer les palettes du convoyeur vers le réfrigérateur, mais avant d’avoir terminé, il l’interpelle pour lui dire que son nom n’est même pas mentionné dans la liste des salariés composant les groupes assujettis à un horaire de pauses et demande à être remplacé pendant ses pauses pour ne pas être surchargé de travail à cause des « S » à peser en plus de déplacer la production. Selon le coordonnateur, ce n’est pas une pratique employée dans l’usine que de remplacer les caristes pendant leur pause. Il est d’opinion que le cariste a le temps de peser le « S » même en s’absentant pour ses pauses.
[36] Lorsque le superviseur demande au plaignant de voir à la pesée des « S » il se fait répondre qu’il pouvait se les mettre dans le cul. Il lui demande alors de répéter ce qu’il vient d’entendre et le plaignant lui dit-il, les crisses de « S » il devra ses les mettre dedans. La conversation s’est arrêtée là et Sylvain Chouinard a poursuivi sa tournée de l’aire de production. Il se souvient avoir parlé au téléphone avec le plaignant vers 6 h 30 pour lui rappeler de faire les « S » et d’en remettre la liste au prochain coordonnateur. Lorsqu’il lui parle vers 4 h 30 en allant le chercher à la cafeteria, le plaignant est plutôt insolent.
[37] Sylvain Chouinard rapporte au directeur de l’usine vers 6 h 30 les incidents survenus pendant le quart de nuit. Il a aussi été rencontré le 14 avril 2011 par le directeur de la production en présence d’une représentante des ressources humaines. Sa déclaration écrite par son supérieur est cohérente avec l’essentiel de son témoignage : vers 0 h 15 le 12 avril 2011, il a remis au plaignant la feuille des « S » à faire, sa pause repas devait se dérouler de 1 h 15 à 2 h, mais le plaignant est resté à la salle de repos jusqu’à 2 h 45, à 4 h 30 il doit aller le chercher à la salle de repos parce que le convoyeur est en train d’être rempli, puis survient l’échange verbal et enfin, il rappelle au plaignant vers 6 h 20 de faire les « S ».
[38] Contre-interrogé par la procureure du syndicat, le superviseur reconnaît que les deux caristes sont susceptibles de peser des « S ». Tout dépens des tâches qu’ils doivent accomplir pendant leur quart de travail. Il affirme que l’horaire des pauses et des repas associant le cariste à un groupe précis de salariés a été publié et affiché il y a longtemps. Il n’y a rien de nouveau dans cela même si le plaignant prétend n’en avoir jamais été informé.
[39] Une fois sur trois, il peut assigner un manœuvre pour assister le cariste à la pesée des « S » selon la disponibilité des salariés et la répartition des tâches. Le cariste doit aussi voir au nettoyage des réfrigérateurs et du chariot élévateur. Le 11 avril, il est entré au travail vers 11 h 45. Il aperçoit le plaignant vers 0 h 5 et il a l’habitude de commencer son quart de travail à partir du poinçon près de l’escalier conduisant à la cafétéria. Le plaignant doit prendre environ 5 minutes pour se nettoyer les mains et s’habiller avant de récupérer son chariot élévateur. À ce moment, il a remis la liste des « S » à peser au plaignant qui n’en avait fait aucun la veille. Un arrêt de production d’environ deux heures était prévisible ce qui donnait amplement de temps pour peser les échantillons.
[40] En réalité, l’arrêt de production consistait à modifier le format de l’empaquetage du fromage ce qui occupe les manœuvres. Il convient que ce n’est pas toujours évident de réussir à peser des « S » pendant que la production est en marche. Il n’a pas offert au plaignant l’assistance d’un autre salarié puisque la production était arrêtée. Il réitère avoir remis au plaignant la liste des « S » à faire. Il l’aperçoit se diriger vers les escaliers qui conduisent à la cafeteria puis il le revoit vers 4 h 30. Il répète que c’est vers 4 h 30 que le plaignant fait preuve d’insolence à son égard et identifie précisément à l’aide d’un plan de l’usine le lieu de l’altercation verbale.
[41] Après lui avoir rappelé qu’il y avait toujours les « S » à faire, il entend le plaignant lui dire d’aller chier. À ce moment, il est à trois (3) mètres de lui et il se retourne en lui disant « Pardon » pour lui faire répéter même s’il avait bien compris. Il se tourne vers lui et demande de redire ce qu’il a entendu. Comme le plaignant ne répète pas ses paroles, il se retourne pour aller vaguer à ses occupations et c’est alors qu’il entend le plaignant lui dire que ses crisses de « S » il peut se les mettre dans le cul. Le superviseur poursuit son chemin sans réagir.
[42] La tâche de peser les « S » s’impose environ trois (3) fois par semaine et le cariste possède une liste des boîtes à être repesées laquelle est utilisée pour marquer les boîtes qui ont été controlées. Le plaignant n’a pas pesé de « S » la nuit du 11 avril 2012 et malgré la demande qu’il lui ait été fait vers 0 h 15, aucun « S » n’a été pesé au cours de la nuit du 12 avril 2012. Le plaignant a quitté le plancher de production pour une pause de 0 h 15 min à 2 h 45 min pendant une période au cours de laquelle il n’y avait pas de production parce qu’il fallait attendre de compléter le saumurage.
[43] Plus tard, il essaie de joindre le plaignant vers 4 h 30 min parce que le convoyeur était plein. Il a dû se rendre à la cafétéria où il a trouvé le plaignant en train de jouer aux cartes. Ce dernier n’était pas content de s’être fait déranger pendant sa pause et en examinant la liste des groupes programmés pour les pauses, le plaignant dit que son nom n’est pas mentionné. Mécontent, il s’exprime grossièrement sans que le contremaître réagisse. Vers 6 h 30, il réitère au plaignant sa demande de peser les « S », mais il n’en fera rien.
[44] Contre-interrogé par la procureure du syndicat, Sylvain Chouinard affirme que la mention associant le cariste au groupe 1 telle qu’affichée existe depuis son arrivée à l’usine en 2008 ou 2009. Il assigne un manœuvre au cariste une fois sur trois pour la pesée des « S » selon la disponibilité du personnel. Selon les documents déposés en preuve, il y avait environ soixante-deux (62) boîtes de « S » à peser au cours d’une période de 3 à 4 heures. Il est formel : la liste des « S » a été remise au plaignant au début de son quart de travail vers 0 h 5. L’arrêt de production étant prévu vers 2 h.
[45] Sylvain Chouinard admet ne pas avoir assigné au cariste un manœuvre pour l’assister à la pesée des « S » alors qu’il reconnaît que 3 d’entre eux n’étaient pas occupés de 2 h à 2 h 45. Il faut plus ou moins 2 minutes pour peser une boîte d’échantillons. Par ailleurs, le plaignant n’a pas demandé d’avoir de l’aide et la pesée des « S » peut être faite par le cariste sans assistance.
[46] Le directeur de la production Sylvain Bergeron explique l’importance de repeser les boîtes de « S » après avoir retiré le liquide de la boîte par aspiration. Il y a perte d’une partie du poids et des corrections sont apportées après la nouvelle pesée.
[47] Le 12 avril 2012, au début de sa journée de travail, il procède à un débriefing avec ses superviseurs. À cette occasion, le superviseur de nuit, Sylvain Chouinard, lui décrit le comportement du plaignant au cours de la nuit et lui rapporte ses paroles offensantes dans les termes employés par le superviseur au moment de son témoignage. Cette conversation faisait suite à la demande du superviseur de peser les « S ». De nouveau, alors que le coordonnateur se trouve à son bureau, il appelle le plaignant, vers 6 h 15 pour lui rappeler qu’il aura le temps de faire les « S ». Le plaignant ne s’est pas exécuté.
[48] Le 13 avril 2012, le plaignant n’est pas au travail et Mylène Lachapelle l’avise de sa suspension provisoire. Dès le 14 avril 2012, le processus d’enquête est en marche et le coordonnateur Sylvain Chouinard est rencontré dès ce jour-là par Sylvain Bergeron. Sa version des événements présentée devant Mylène Lachapelle des ressources humaines est notée au long par le directeur de l’usine. Elle est brève, mais conforme pour l’essentiel au témoignage rendu par le coordonnateur.
[49] Le 19 avril 2012, le plaignant est invité à donner à la direction sa version des événements. Sa déclaration, questions et réponses, est notée par le directeur de l’usine en présence de deux représentants syndicaux, Stéphane Bellavance et Yves Bouchard et de Mylène Lachapelle des ressources humaines.
[50] Selon les notes du directeur de l’usine qui écrivait les questions et les réponses du plaignant, le plaignant reconnaît que Sylvain Chouinard lui a remis la feuille des « S » au tout début du quart de travail, entre 0 h et 0 h 15 h. Il a pris sa pause avec ses collègues du groupe 2 tout en reconnaissant être programmé avec le groupe 1. Vers 4 h 30, le coordonnateur le rejoint à la salle de repos pour lui dire que la track est pleine et qu’il doit descendre pour ne pas que la production arrête. Il avait oublié son téléphone dans son manteau ce qui explique qu’il ne pouvait être rejoint. Il n’a pas pesé les « S » et il déclare qu’il n’y avait pas de tension entre lui et son coordonnateur et qu’il n’a jamais dit les propos qu’on lui reproche.
[51] Il confirme aussi que vers 6 h 20, le coordonnateur l’a appelé pour lui demander de faire les « S » et il ne s’est pas exécuté. Il admet avoir travaillé plus ou moins six (6) heures pendant toute la durée de son quart de travail. Il déclare également être allé chercher une valve de quatre (4) pieds avec son chariot élévateur à la demande d’un collègue chargé de l’entretien préventif. Il remplit sa déclaration en reconnaissant avoir dit, parlant de ses supérieurs, qu’on va les avoir à l’arbitrage.
[52] Le directeur de production, Sylvain Bergeron, rapporte d’autres informations obtenues pendant l’enquête après avoir vérifié les rapports de production du 12 avril 2012. Le rapport de cadence révèle qu’il n’y avait pas de palette sur le convoyeur avant 2 h 30 contrairement à ce que prétend le plaignant, il n’y avait pas de production entre 0 h 9 et 3 h 21. Il fallait laisser le fromage dans la saumure pendant 3 heures avant de procéder à l’empaquetage par la Multivac. Plus tard, la production a cessé à 6 h 15 et non pas à 7 h 30 comme l’affirme le plaignant.
[53] Également, Sylvain Bergeron a vérifié la prétention du plaignant voulant qu’il soit resté à la salle de repos dans le but de participer à la réunion Info-production prévue pour le 12 avril 2012. Or, vérification faite, l’avis de convocation formel indique bien que cette réunion d’information pour l’équipe de nuit a été programmée à 7 h le 13 avril seulement. La prétention du salarié au sujet du report de cette rencontre d’information du 12 au 13 avril 2012 est fausse à ses yeux.
[54] Le directeur de la production déclare que non seulement le plaignant aurait eu le temps de peser les « S » pendant son quart du 12 avril 2011, mais il avait eu aussi le temps d’en faire le 11 avril 2011 puisque la production avait cessé cette nuit-là vers 6 h 20.
[55] Constatant le défaut du plaignant d’exécuter son travail comme demandé et constatant les prétentions inexactes du plaignant, il signe l’avis de congédiement, jugeant le lien de confiance brisé. Il prête foi au rapport du coordonnateur portant sur les propos disgracieux du plaignant ne voyant pas pourquoi Sylvain Chouinard les aurait inventés.
[56] Le comportement inapproprié du plaignant n’est pas nouveau comme le rapporte l’avis du 8 juin 2010 qui avait suspendu le salarié du 21 mai au 11 juin 2010. Celui-ci avait été avisé que toute récidive entraînerait son congédiement immédiat. Les insubordinations dont s’est rendu responsable le plaignant et les incidents du 12 avril 2011 ont provoqué la rupture du lien de confiance justifiant aux yeux du directeur de l’usine la mesure de congédiement.
[57] Contre-interrogé par la procureure syndicale, Sylvain Bergeron ne peut pas nommer les diverses tâches secondaires dévolues au cariste de la production puisqu’il n’a pas à se trouver sur l’aire de production. La rencontre du 19 avril 2011 avec le plaignant aurait duré environ quinze (15) minutes et le directeur de l’usine ne s’est pas attardé aux tâches qu’il avait accomplies pendant la durée de son quart de travail du 12 avril 2011. Comme l’arrêt de production avait été nécessaire pour modifier le type d’emballage, il n’était pas nécessaire de procéder au lavage entre chaque de la production.
[58] Il doit admettre ne pas avoir rencontré au cours de son enquête de témoin de l’altercation verbale et il se dit d’opinion que le niveau de bruit dans l’environnement du lieu où elle se serait déroulée n’est pas très élevé. Il ne connaît pas le document qui lui est présenté au sujet du volume sonore dans l’aire de production.
[59] Après discussion entre les procureurs, les parties ont consenti à la production d’une évaluation environnementale d’avril 2012 du CSSS de la Haute-Yamaska portant sur le volume sonore dans l’aire de production à certains moments de la journée et selon le type de produit en fabrication. Sans reprendre les nombreuses conclusions particularisées de cette étude, celle-ci révèle que le niveau de bruit dans le secteur où a eu lieu l’altercation pouvait se situer entre 85 et 91 dB (A) justifiant le port de protecteurs auditifs.
[60] La procureure syndicale a fait entendre le président du syndicat Mathieu Racine qui travaillait sur le même quart que le plaignant. Il se souvient que vers 4 h ou 4 h 30 le 12 avril 2011, le plaignant est allé lui montrer le document affiché sur un des piliers de l’aire de production comprenant les horaires des pauses pour lui demander de valider l’absence de son nom dans l’un ou l’autre des groupes de salariés. Effectivement, il ne distingue pas le nom du plaignant dans l’un ou l’autre des groupes. Il est témoin, une dizaine de minutes plus tard d’une conversation entre le plaignant et le coordonnateur alors qu’il est à environ trois (3) mètres d’eux. Il porte des coquilles contre le bruit dont il évalue l’intensité à 92 dB (A). Il a vu ces deux (2) personnes s’adresser la parole, mais il n’a rien entendu des propos qu’ils ont échangés. D’ailleurs, Mathieu Racine porte des coquilles comme protection auditive.
[61] Le plaignant, répondant aux questions de la procureure syndicale, convient que la dernière boîte a été déposée 6 h 19 comme le mentionne les rapports de production ce qui ne veut pas dire qu’il n’avait plus rien à faire par la suite. Il devait à partir de ce moment retirer la mise en place de la chaîne de production, faire du lavage et prévoir le matériel pour la production suivante ce qui peut prendre de quinze (15) à trente (30) minutes. Il souligne qu’il a pu faire erreur en témoignant sur les heures des activités qui se sont déroulées le 12 avril 2011.
[62] Il explique à l’aide du plan de l’usine les déplacements qu’il doit accomplir dans l’exécution de ses tâches. Au début de son quart, il doit passer au poinçon, voir au lavage des mains, s’habiller chaudement en raison de ses déplacements dans la zone réfrigérée et faire le tour de la chaîne de production pour s’assurer que les manœuvres ne manquent pas de matériel. Il doit récupérer ensuite son chariot élévateur et passer à l’entrepôt pour prendre possession des boîtes à être assemblées. Il doit également ramasser les palettes et les fournitures propres à chaque type de production.
[63] La discussion avec son coordonnateur a bien eu lieu vers 4 h, 4 h 30 et il jure que les paroles grossières qui lui sont reprochées n’ont jamais été exprimées. En ce qui concerne la réunion d’information des salariés, il admet s’être trompé de jour. Ce n’est que le 12 avril qu’il apprend devoir prendre ses pauses avec le groupe 1. Il y a des « S » à peser chaque semaine et lorsqu’il lui est arrivé de ne pas avoir le temps, il n’a jamais eu de mesure disciplinaire pour cela. Il maintient ne jamais avoir refusé de peser les échantillons.
[64] Réinterrogé par le procureur patronal, le plaignant décrit ses activités entre 6 h 20 et 7 h 45. Il a enlevé la mise en place (« set up ») de la production accomplie pendant le quart de travail, il est monté à la salle de repos pour aller chercher le manœuvre promis pour l’aider à la pesée des « S ». Celui-ci n’a pas voulu descendre pour aller l’aider.
[65] Toutefois, il savait bien qu’il avait des « S » à faire et le tout pouvait se réaliser sans aide. Comme il restait peu de temps avant la fin du quart, de 6 h 45 à 7 h 45 et que la pratique lui permet de cesser ses activités quinze (15) minutes avant 8 h, moment de la fin de son quart, il a jugé que ça ne valait pas la peine d’entreprendre ce travail. Il déclare avoir pris quinze (15) minutes pour parler avec un manœuvre qui a refusé de venir l’aider. Il a choisi de rejoindre les autres en haut, à la salle de repos. Il admet que pendant quarante-cinq (45) minutes il aurait eu le temps de peser trois (3) à quatre (4) « S », mais que ça ne valait pas la peine.
[66] Il reconnaît avoir déclaré devant le Conseil arbitral que le coordonnateur lui a bien demandé de faire des « S », mais il ne peut faire deux choses en même temps parce que la priorité c’est la production et il était occupé de 0 h à 2 h. Cependant, il affirme que Sylvain Chouinard ne lui a jamais remis la liste des « S » devant être repesés. Vers 4 h, il était à la cafeteria où Sylvain Chouinard est venu le chercher puis de 4 h 30 à 6 h 20 il y avait de la production. Il est monté à la salle de repos à 7 h d’où il a été appelé pour aller chercher une valve.
[67] Le plaignant maintient que le coordonnateur ne lui a pas remis la liste des « S » à peser, mais qu’il lui a demandé dans son bureau, au début de son quart de travail, de procéder à leur pesée.
[68] Réinvité à témoigner, le coordonnateur déclare qu’il faut cinq (5) et non quinze (15) minutes au début du quart pour être prêt à se mettre au travail et entre la production de « Pasta » et de fromage destiné à « Pizza Hutt », il faut quinze (15) minutes pour mettre en place le matériel requis à la production ce qui se réalise en trois (3) voyages avec le chariot et dix (10) minutes pour replacer les boîtes de fin de production.
[69] Le résumé de la preuve ne serait pas complet si nous passions sous silence les informations fournies le plaignant lorsqu’il livre témoignage devant le Conseil arbitral le 29 juin 2011. La transcription de son témoignage a d’abord été évoquée et déposée en preuve par le procureur de l’employeur à l’occasion de la demande en précisions présentée par la procureure syndicale. Cette demande a été partiellement accordée et une sentence préliminaire a été rendue à ce sujet [2] . Cette transcription a été employée par le procureur patronal au cours du contre-interrogatoire du plaignant. Le 29 juin 2011, le plaignant était représenté par un représentant syndical et la demande de révision de la décision administrative refusant le droit à des prestations d’assurance-emploi a été renversée. L’audition de l’appel a procédé en l’absence de la partie patronale.
[70] Le Conseil arbitral a conclu que le bénéfice du doute devait être accordé au salarié [3] . Évidemment, les conclusions de faits tirées par cet organisme ne lient pas le tribunal d’arbitrage. Cependant, les témoignages qu’il a entendus font partie de la preuve dans la présente instance et ils doivent être appréciés comme tout autre témoignage, dont celui du plaignant. Il faut aussi faire remarquer que la simple lecture de la transcription des notes sténographiques de cette audience laisse voir que le représentant du salarié par des explications, des commentaires et des questions éminemment suggestives, a en quelque sorte « témoigné » plus que le salarié lui-même.
[71] Deux volets ont été explorés devant le Conseil arbitral : les événements survenus le 12 avril 2012 et le dossier disciplinaire du plaignant.
[72] Après avoir bien expliqué la procédure de la pesée des « S », le plaignant affirme qu’il n’avait pas à peser de « S » parce qu’on était en pleine production de « Pasta ». Il admet que le « boss » lui a demandé de peser des « S », mais il doit prioriser la production et après, disait-il, « ... j’ai le temps de peser des « S » « . (Page 12 de la transcription.) Il ajoute ensuite à la question de son représentant : « Si on aurait été sur les lavages ou en arrêt d’usine, tu en aurais demandé des « S », de peser des « S »?. De répondre le plaignant : « Oui je les aurais pesés, mais on était en pleine production de « pasta ». (Page 14 de la transcription.)
[73] Il admet que ce n’était pas à lui de dire au contremaître d’aller voir l’autre cariste pour lui demander de peser les « S » ce qu’il ne pouvait faire à cause de la production qui « aurait arrêté » s’il avait obéi. (Pages 16, 17 et 18 de la transcription.) Or, le plaignant a témoigné devant nous pour dire qu’il était monté à la salle de repos pour aller cherche un manœuvre pour l’aider à peser les « S ».
[74] Il nie fermement avoir prononcé les paroles vulgaires qui lui sont reprochées (page 18 de la transcription). Il s’explique comme suit :
Non, j’ai jamais dit ça. Parce que j’avais déjà eu une altercation avec un ancien contremaître et puis j’avais eu un disciplinaire et puis à la fin de cette lettre-là, il me disait que la prochaine fois c’était pour arriver que j’étais pour être congédié immédiatement. C’était pas à mon avantage - excusez le terme -, mais comme péter ma coche sachant très bien que mes heures étaient comptées là. J’aurais pas fait exprès, perdre ma job. (Pages 18-19 de la transcription.)
[75] La mesure à laquelle il fait allusion déposée en preuve par l’employeur se lit comme suit :
Granby, le 8 juin 2010
La présente fait suite aux événements survenus le 20 mai 2010.
Notre enquête révèle que le 20 mai 2010, vous étiez sur le quart de nuit. Vers 0 h 30, votre coordonnateur Mathieu Royer vous a donné instruction d’effectuer une tâche, à savoir procéder au « lavage des assiettes ». À ce moment, l’usine était en arrêt de production et plusieurs employés étaient affectés à des tâches de sanitation de cette nature. Vous avez alors refusé, sans raison valable, d’effectuer cette tâche assignée par votre superviseur. Celui-ci vous a alors proposé d’effectuer une autre tâche en lieu et place de la première. Vous avez encore une fois, sans raison valable, refusé d’effectuer cette deuxième tâche en affirmant également que vous acceptiez finalement d’effectuer la première. Lorsque votre coordonnateur vous a averti qu’il s’assurerait alors de vérifier la qualité de votre prestation de travail, vous avez déclaré ne plus être en mesure de compléter votre quart de travail en raison d’un problème médical. Vous avez donc quitté votre poste de travail et l’usine.
Ce comportement est totalement inacceptable et ne peut être toléré. En effet, vous avez fait preuve d’insubordination en refusant, sans raison valable, d’effectuer le travail qui vous avait été assigné par votre supérieur immédiat. Le problème médical que vous avez invoqué pour expliquer votre refus n’est absolument pas fondé. À cet effet, vous n’avez notamment jamais été en mesure d’expliquer la nature de celui-ci.
Considérant la gravité de la faute que vous avez commise le 20 mai dernier, nous avons pris la décision de vous imposer une mesure disciplinaire. Dans le cadre du choix de la mesure à vous imposer, nous avons notamment considéré votre dossier disciplinaire.
Or, l’étude de ce dossier démontre, sans équivoque , une importante problématique au niveau de votre comportement au travail. En effet, vous avez récemment été discipliné pour les motifs. suivants :
- Le 6 avril 2010, vous avez été discipliné (suspension sans solde de cinq (5) jours) pour avoir délibérément déclenché une fausse alarme d’incendie à l’usine;
- Le 5 février 2010, vous avez été discipliné (suspension sans solde de dix (10) jours) pour avoir dormi au travail. Cette mesure disciplinaire pour avoir dormi au travail a été précédée par d’autres mesures qui vous reprochaient le même comportement :
o le 30 juin 2009 (suspension sans solde de 3 jours);
o le 26 août 2009 (suspension sans solde 5 jours).
- L e 18 septembre 2009, vous avez été discipliné (suspension sans solde de trois (3) jours) pour absence injustifiée. Cette mesure disciplinaire pour absence injustifiée au travail a été précédée par d’autres qui vous reprochaient le même comportement :
o le 3 juin 2009 (suspension sans solde 1 jour);
o le 8 juillet 2009 (avis disciplinaire).
- Le 26 août 2009, vous avez été discipliné (suspension sans solde de dix (10) jours) pour insubordination, manque de respect et intimidation à l’égard d’un supérieur.
Considérant ce qui précède, nous n’avons d’autre choix, afin de vous faire comprendre la gravité de la situation, que de vous suspendre sans solde pour vingt-cinq (22) jours. Vous serez donc suspendu sans solde du 21 mai au 11 juin 2010. Vous serez de retour à l’horaire le 12 juin 2010.
Nous espérons que cette mesure disciplinaire, plus longue que les précédentes. vous aidera à réaliser le sérieux de la situation et l’importance de corriger immédiatement votre comportement au travail qui est inacceptable.
Compte tenu de tout ce qui précède, nous désirons vous aviser que toute récidive entraînera votre congédiement immédiat .
Sylvain Bergeron
Directeur de production
[76] En tout, la transcription des témoignages entendus par le Conseil arbitral compte une centaine de pages avec des nombreuses interventions du représentant syndical. On y sommairement fait le procès des contremaîtres en général et de la mauvaise gestion de l’établissement, des relations de travail difficiles, du roulement des contremaîtres et de leur incompétence. Le plaignant aurait fait une plainte de harcèlement. Tout y passe. Au sujet de cette plainte de harcèlenemt, on ne sait pas quand, contre qui, à quel sujet et ce qu’il en est advenue. Ces thèmes abordés devant le Conseil arbitral en l’absence d’un représentant de l’employeur, étonnamment, ne sont pas réapparus à l’audition du présent grief.
[77] Cette transcription fait aussi ressortir que le 17 mars 2011 une audition avait été prévue devant un autre arbitre pour entendre une série de griefs portant sur des mesures disciplinaires. Vraisemblablement, il y a tout lieu de penser qu’il s’agit des mesures disciplinaires mentionnées dans l’avis du 8 juin 2010. Or, la lettre du 8 juin 2010 en sus de la suspension qui en découle de vingt-deux (22) jours, révèle un dossier disciplinaire chargé par trente-sept (37) jours de suspension. Il a été mentionné devant le Conseil arbitral ceci : « On règle pour 15 » (Pages 43-46 de la transcription.)
[78] D’autres commentaires indiquent que 17 mars 2011, les parties ont décidé de régler plusieurs griefs contestant quarante (40) jours de suspension ce qui mathématiquement parlant ne comprendrait pas la suspension de vingt-deux (22) jours du 8 juin 2010. Comme le fait observer le Conseil arbitral, tout ça est un peu flou! On a aussi prétendu devant le Conseil arbitral que toutes les mesures disciplinaires « ... ça a été effacé de son dossier... » (À la page 59 de la transcription.) Si nous décodons les observations présentées devant le Conseil arbitral, sur un total de plus ou moins quarante (40) jours de suspension, l’employeur a acheté la paix en remboursant au salarié quinze (15) journées de solde et on ne sait pas ce qui est advenu des vingt-deux (22) jours de suspension du 8 juin 2010. (Page 49 de la transcription et aux pages 82 et 83.) L’entente à ce sujet est totalement passée sous silence à l’audition du grief.
Représentations de la partie patronale
[79] Le procureur de l’employeur, rappelant les motifs allégués dans l’avis du 21 avril 2011 pour justifier le congédiement, est d’opinion que la preuve des faits reprochés a été faite. Il maintient que le langage grossier du plaignant à l’endroit de son supérieur a été prouvé et que le salarié a bel et bien refusé de s’exécuter et d’accomplir la pesée des « S » comme il reconnaît que cela lui a été demandé.
[80] Il affirme que le plaignant a menti et que la version exposée par Sylvain Chouinard doit être retenue. De même, la version du directeur de l’usine n’a aucunement été contredite. Celui-ci, à l’aide de divers rapports de production, a pu décrire avec précision les activités auxquelles le plaignant devait participer contredisant de cette façon les prétentions du plaignant voulant qu’il n’ait pas eu le temps de peser des « S ».
[81] L’affirmation du plaignant qu’il est victime d’un coup monté ne tient pas la route. Il a grandement intérêt à ne pas reconnaître avoir dit les paroles qu’on lui reproche alors que le témoignage du coordonnateur est beaucoup précis, plus neutre et désintéressé. Avec beaucoup d’hésitation, le plaignant a fini par admettre qu’il s’était fait demander de peser les « S » et il est faux qu’il avait été dans l’impossibilité de répondre à cette demande entre minuit et 2 h 45 du matin le 12 avril. De même, le salarié aurait eu le temps de s’atteler à la tâche dans les dernières heures de son quart de travail au lieu de perdre son temps à la salle de repos.
[82] Reprenant un à un les critères retenus par la jurisprudence arbitrale pour apprécier la crédibilité des témoins et décrits dans une sentence de l’arbitre Richard Marcheterre rendue dans l’affaire Casavant frères ltée et Syndicat des employés de Casavant frères ltée (C.S.D.) le 26 juin 1986, le procureur patronal nous invite à prêter foi à la version des témoins de l’employeur.
[83] En ce qui regarde la sanction de congédiement, le procureur patronal plaide qu’elle est parfaitement justifiée dans les circonstances. Il fait observer que l’arbitre n’a pas un pouvoir absolu de substituer son opinion au choix de l’employeur de conclure au congédiement tenant compte de la mesure de vingt-deux (22) jours de suspension imposée en juin 2010 assortie d’une mise en garde qu’à défaut de récidive il y aura congédiement. La compétence de l’arbitre ne comprend pas le pouvoir d’accorder à un salarié une dernière chance.
[84] La plaidoirie du procureur patronale est appuyée par les autorités et la jurisprudence mentionnées à l’annexe 1 de la présente sentence.
[85] Représentations de la partie syndicale
[86] La procureure du syndicat nous invite à tenir compte de la clause 19.05 de la convention collective qui révèle l’intention des parties d’établir un processus disciplinaire fondé sur la progressivité des sanctions eu égard à la gravité de l’offense et à la fréquence des écarts de conduite.
[87] Elle convient que la mesure disciplinaire du 8 juin 2010 n’est pas suffisamment ancienne pour être visée par la clause d’amnistie prévue par la clause 19.03. Cependant, il ne faut pas tenir compte de tout passé disciplinaire au-delà des douze (12) mois de la mesure de congédiement du 21 avril 2011.
[88] Elle souligne que l’avis de congédiement ne porte pas du tout sur les événements survenus dans la nuit du 11 avril 2011, mais uniquement ceux de la nuit du 12 avril 2011. Cela illustre que la pesée des « S » n’est pas une activité aussi importante que tente de le laisser croire l’employeur. Cette tâche doit s’exécuter par le cariste lorsqu’il a le temps de l’accomplir et ce faisant, le plaignant n’a jamais reçu d’ordre spécifique de peser les « S ». Il n’en avait pas fait la veille et cela ne lui a jamais été reproché.
[89] La procureure suggère que la décision de conclure au congédiement était déjà prise par le directeur de production Sylvain Bergeron avant même la fin de l’enquête. Celui-ci connaît mal les tâches du cariste et tient pour acquis qu’il n’avait rien à faire entre 24 h et 3 h dans la nuit du 12 avril 2011. L’employeur avait le fardeau de prouver que le plaignant n’avait pas travaillé pendant cette période.
[90] Elle juge la preuve insuffisante pour conclure que le salarié a protesté contre la demande de procéder à la pesée des « S » au début de son quart de travail. S’il n’a pas exécuté ce travail, c’est tout simplement parce qu’il n’en a pas eu le temps. L’ordre d’exécuter en priorité ce travail en délaissant ses autres activités n’a pas été formulé par son supérieur immédiat.
[91] L’employeur insiste sur l’idée que le plaignant a menti lorsqu’il a nié avoir prononcé des paroles déplacées. La question est plutôt de se demander en présence d’une preuve contradictoire si l’employeur a réussi à démontrer de manière prépondérante que le coordonnateur dit vrai et que le plaignant ment au sujet du commentaire qui lui est reproché. L’existence de versions contradictoire de l’incident n’est tout simplement pas suffisante pour tirer la conclusion que le salarié ne dit pas la vérité. La procureure du syndicat met en doute qu’il eut été possible pour le coordonnateur d’entendre ce que le salarié a pu dire à une distance de trois (3) mètres dans un environnement très bruyant. Il fallait crier pour s’entendre parler et Sylvain Chouinard ne peut rapporter des paroles qu’il ne pouvait entendre. Par ailleurs, le plaignant a toujours nié les avoir prononcées. De toute façon, comme la jurisprudence arbitrale l’affirme, le défaut de reconnaître la vérité n’est pas un motif autonome de sanction, mais un facteur aggravant qui comme tout autre, doit être pris en compte par l’arbitre.
[92] Subsidiairement, en supposant que le salarié aurait eu le temps de peser des « S », ce n’est pas un comportement justifiant la mesure de congédiement sans sanction préalable parce qu’un tel refus n’a pas la gravité nécessaire pour passer outre à l’absence de sanction pour une supposée offense de même nature.
[93] Dans une semblable situation, l’arbitre a le loisir, comme le prévoit la clause 19.02 d’ordonner la réintégration du salarié ou de faire toute autre recommandation ou de rendre toute autre décision jugée équitable. Dans la présente affaire, il faut prendre en compte les facteurs atténuants suivants :
· l’ancienneté du salarié : vingt-cinq (25) ans;
· le caractère non approprié de la mesure eu égard à la faute prouvée;
· l’absence d’accumulation de faute de même nature;
· le caractère satisfaisant et suffisant d’une longue suspension pour redresser le comportement déviant s’il y avait.
[94] Elle nous invite à nous pencher sur les sentences arbitrales citées et commentées brièvement en annexe à la présente décision.
Discussion et décision
[95] Les fautes reprochées au plaignant ont-elles été prouvées de façon prépondérante et, si tel était le cas, les circonstances justifient-elles une sanction de congédiement?
[96] En matière disciplinaire, la convention collective détermine ceci à son article 19 :
19.01
L’Employeur peut réprimander, suspendre, congédier ou rétrograder tout salarié pour une juste cause.
19.02
a) Tout salarié rétrogradé, suspendu ou congédié peut, s’il croit qu’il est injustement traité ou que les mesures prises par l’Employeur à son égard sont excessives ou sans cause sérieuse, soumettre son cas à la procédure de griefs et l’arbitre unique, s’il y lieu, dans les dix (10) ouvrables de l’avis reçu. L’arbitre a le loisir d’ordonner réinstallation du salarié concerné ou de faire toute autre recommandation et de décréter le paiement de toute compensation jugée équitable.
b) Toute divergence de vue concernant l’interprétation ou l’application du présent article est sujette à la procédure de griefs et l’arbitre peut :
1) Réintégrer le salarié avec pleine compensation;
2) Maintenir la mesure disciplinaire;
3) Rendre toute autre décision jugée équitable dans les circonstances y compris, déterminer s’il y a lieu, le montant de la compensation et de l’intérêt au taux légal auquel un salarié injustement traité pourrait avoir droit, en tenant compte toutefois des gains que le salarié a pu recevoir dans l’intervalle.
19.03
Aucune plainte, avis ou mesure disciplinaire ne pourra être invoqué contre un salarié si les faits qui lui sont reprochés datent de plus de douze (12) mois. L’Employeur, s’il décide de donner avis écrit, doit le faire dans les quatorze (14) jours qui suivent la commission de l’offense ou de la prise de connaissance des faits. À Défaut de le faire dans ce laps de temps, l’avis écrit est considéré nul et non-avenu.
19.04
Le Syndicat recevra, le même jour que le salarié, une copie de toute sanction disciplinaire inscrite au dossier d’un salarié.
19.05
Selon la gravité de l’offense, la fréquence et tenant compte des circonstances, les mesures disciplinaires suivantes peuvent être prises : réprimande verbale, avertissement écrit, suspension, rétrogradation, congédiement.
[97]
Les
pouvoirs accordés par la convention collective à l’arbitre en matière
disciplinaire nous semblent plus larges que ceux mentionnés à l’article
[98] Ajoutons à ces observations générales qu’en matière disciplinaire, le fardeau de prouver l’existence des faits à l’origine de l’intervention disciplinaire et le caractère approprié de la sanction choisie repose sur les épaules de la partie patronale.
[99] Nous n’oublions pas que la présente instance concerne deux (2) griefs à savoir, la suspension pour fin d’enquête et le congédiement. Nous conservons à l’esprit l’existence de ces deux réclamations même si nous commencerons à traiter en profondeur de la réclamation portant sur le congédiement.
[100] L’avis du 21 avril 2011 comporte les reproches suivants :
1. Le langage inapproprié du plaignant envers son supérieur (Sylvain Chouinard) dans la nuit du 12 avril 2011, à savoir les mots « Va chier, t’es christ de “S ” tu te les fourreras dans le cul »;
2. Argumentation sans raison des directives de travail;
3. Refus d’accomplir le travail demandé ou refus de peser les « S »;
4. Manque de sérieux à l’égard de son travail et insubordination;
5. Mensonge à l’occasion de l’enquête.
[101] À ces reproches, l’employeur ajoute comme facteur aggravant l’existence d’une mesure disciplinaire du 8 juin 2010 comprenant une sanction de vingt-deux (22) jours de suspension et un préavis formel qu’en cas de récidive il y aura congédiement.
[102] Au cours de son quart de travail du 12 avril 2011, de minuit à 8 h, la preuve révèle que le plaignant s’est fait demandé par deux (2) fois de peser les boîtes d’échantillons de fromage communément appelés les « S ». Il reconnaît que cela lui a été demandé par son coordonnateur Sylvain Chouinard, mais il nie avoir reçu l’ordre de le faire.
[103] Fort d’une ancienneté de vingt-cinq (25) années, le plaignant connaît la raison d’être de cette opération et la manière efficace de bien l’exécuter. Il n’en avait pas pesé la veille et les « S » à peser comptait environ une soixantaine de boîtes. Ce travail prendrait de une (1) à trois (3) minutes par « S ». Ces boîtes sont identifiées dans une liste facilement accessible laquelle lui a été remise en mains propres par le coordonnateur au tout début de son quart avec instruction de les peser entre deux productions. La demande lui a aussi été formulée vers 4 h 30. Tous les prétextes étaient bons pour éviter d’accomplir cette tâche peu complexe et routinière, mais passablement importante en raison de la facturation au poids du fromage livré à la clientèle de la coopérative.
[104] La version du plaignant prétendant ne pas avoir eu le temps de peser les « S » ne résiste pas à l’analyse. Le directeur de production Sylvain Bergeron à l’aide des documents informatisés et de rapports formels de la production nous a fait la démonstration que la fabrication du fromage a été suspendue ou arrêtée pendant une partie de la nuit. S’il est vrai que le cariste à la production n’a guère le temps de peser les « S » pendant le fonctionnement de la chaîne de production, le plaignant ne peut pas prétendre comme il l’a fait qu’il n’y a eu aucune suspension ou arrêt de la production cette nuit du 12 avril 2011.
[105] En supposant que le plaignant devant exécuter ce travail seul, sans l’aide d’un manœuvre, en y consacrant trois (3) minutes par boîtes, il aurait eu besoin de plus ou moins trois (3) heures pour peser tous les échantillons.
[106] Le problème n’est pas qu’il n’ait pas réussi à tout faire, mais c’est qu’il n’a même pas tenté de peser une seule boîte de « S ». Il n’y avait pas touché la veille et le lendemain, 13 avril 2011 non plus, s’étant absenté subitement pour raison de maladie. Pourtant, il admet avoir effectivement travaillé seulement six (6) heures pendant tout son quart de travail de huit (8) heures. La preuve que la production avait été suspendue entre 0 h 15 et 2 h et qu’elle était complétée vers 4 h nous satisfait. Nous ne disons pas que le plaignant n’avait pas de tâches secondaires à accomplir ou encore des périodes de pause ou de repas comme tous ses compagnons de travail. Il avait cependant amplement le temps de prendre l’initiative de par deux (2) fois.
[107] Ses explications impressionnent peu. Il reproche en quelque sorte à son supérieur de ne pas lui avoir remis la liste des « S » à peser comme s’il ne savait où trouver ce document qui se trouve au bureau du coordonnateur dont il a accès. Par ailleurs, il affirme le contraire en reconnaissant qu’au début de son quart de travail il s’est fait remettre par Sylvain Chouinard la liste des « S » à peser.
[108] Il confronte son supérieur sur une évidence au sujet de son appartenance au groupe 1 déterminant l’heure de ses pauses et il perd son temps à solliciter l’opinion de ses compagnons pour leur montrer que son nom n’est pas dans la liste des groupes même s’il est écrit que le cariste fait partie du groupe 1. Par ailleurs, dans sa déclaration du 19 avril 2012 devant Sylvain Bergeron le directeur de production, il reconnaît qu’il est programmé pour prendre ses pauses avec le groupe 1, mais il a l’habitude d’aller à ses pauses avec le groupe 2. Il insiste sur le fait qu’il devait avoir de l’aide pour peser les « S » comme si cette aide supposément promise l’aurait dispensé totalement de contribuer à l’exécution d’une partie de cette tâche.
[109] Il met de l’avant le prétexte d’une réunion d’information programmée en prétendant qu’elle devait se dérouler avant la fin de son quart de travail. Il préfère attendre à la cafétéria où il joue aux cartes que cette réunion débute au lieu de descendre au niveau de l’aire de production pour se mettre à peser des « S ». Il est faux d’affirmer que cette réunion des salariés devait avoir lieu cette nuit-là. Document à l’appui, le directeur de production prouve que la réunion ne pouvait pas avoir été reportée au lendemain puisque l’avis de convocation était bien pour le 13 avril 2011.
[110] Le plaigant omet de garder sur lui le téléphone maison privant ainsi ses supérieurs de la possibilité de le contacter. De fait, Sylvain Chouinard a été obligé de se déplacer pour réussir à lui parler. Le plaignant tente même de justifier son absence de l’aire de la production en affirmant être retourné à la cafeteria pour trouver un manœuvre alors qu’il reconnaît ne pas avoir autorité pour désigner un autre salarié à accomplir en tout ou en partie la tâche de peser les « S ». En peu de mots, il a joué au chat et à la souris avec son coordonnateur pour se défaire de la tâche de peser les « S » qui s’accumulaient depuis la veille.
[111] Dans ces circonstances, nous sommes d’opinion que l’employeur a prouvé que le plaignant ne prenait pas au sérieux les ordres qui lui ont été donnés par son supérieur de commencer à peser les « S » comme il se doit pendant les périodes où la production est suspendue ou complétée. La demande répétée, sans compter le fait que la tâche de peser les « S » s’impose par elle-même et le coordonateur ne devrait être obligé de demander que les « S » soient repesés, correspond à un ordre même s’il n’a pas été formulé sur un ton autoritaire avec menace de sanction à l’appui. Le plaignant en refusant d’obéir savait très bien ce qu’il faisait. Il s’est entêté à ne pas peser les « S » comme s’il prenait plaisir à s’opposer à son supérieur. C’est une attitude contestataire qui n’a pas sa place dans le milieu de travail surtout que la demande et la façon dont elle a été formulé à deux (2) reprises n’était pas du tout vexatoire.
[112] En ce qui concerne les propos grossiers prêtés au plaignant à l’endroit de son supérieur, le plaignant nie tout tant devant ses supérieurs le 19 avril 2011, devant la Conseil arbitral de l’assurance-emploi le 29 juin 2011 et aussi à l’audition des présents griefs. Nous devons admettre que sa version n’a pas changé. Elle heurte de front celle de son supérieur Sylvain Chouinard. Qui devons nous croire?
[113] Les critères d’appréciation de la crédibilité des témoins rapportant des versions contradictoires dans le contexte d’un fardeau de preuve prépondérant ont été fort bien énoncés par l’arbitre Richard Marcheterre dans l’affaire Syndicat des employés de Casavant frères ltée (grief de Gilles St-Onge) c. Casavant frères ltée rendue l e 26 juin 1986 et réitérés depuis à plusieurs reprises par les arbitres de griefs.
[114] Le plaignant nie plusieurs fois avoir dit à son supérieur immédiat que ses « S » il pouvait se le mettre au cul. Il est environ 4 h 3 0 à ce moment-là. Selon le coordonnateur, c’est bien ce qu’il a entendu une seule fois, le plaignant ayant refusé de répéter ses paroles. Nous retenons de cet échange verbal que les propos du plaignant surtout sont cohérents avec son refus d’accomplir la tâche demandée. Depuis le début de son quart de travail, le plaignant fait preuve de détermination dans sa décision de ne pas se soumettre aux instructions de son supérieur et il déclare de lui-même qu’il était fâché contre son supérieur qui était monté à la salle de repos pour lui rappeler qu’il avait du travail à faire. Les propos s’accordent parfaitement à son état d’esprit ce qui incite à penser qu’il est tout à fait vraisemblable que le plaignant a prononcé ces paroles grossières à l’endroit de son supérieur.
[115] Le syndicat a présenté une preuve portant sur le niveau de bruit émanant de la zone de production autour du lieu de la discussion. Mis à part un rapport technique à ce sujet, ce n’est pas parce qu’il y avait du bruit ambiant que le plaignant ne s’est pas exprimé comme on le lui reproche. Or le témoin, Mathieu Racine n’a rien entendu et il n’apporte pas grand soutien à la thèse du plaignant. Au surplus, ce témoin porte des coquilles. Cela ne peut pas prouver que le plaignant n’a pas rouspété grossièrement devant son coordonnateur alors que ce dernier terminait une conversation avec le plaignant au sujet de la pesée des « S ». La question n’est pas de savoir si le coordonnateur a bien entendu, mais de déterminer si le plaignant a prononcé les paroles grossières qu’on lui reproche.
[116] Mis à part la dénégation du plaignant lui-même, aucun témoin ne soutient sa version voulant qu’il n’ait pas envoyé promener son supérieur à l’occasion d’une discussion qui a bien eu lieu. Par ailleurs, le coordonnateur est formel. Son emploi n’est pas en jeu. Il ne fait pas montre de vindicte à l’endroit du plaignant lorsqu’il témoigne à l’audition. Il se contente de rapporter les faits le plus objectivement possible comme il l’avait fait devant le directeur de la production et la représentante des ressources humaines dès le 14 avril 2011 et aussi le 12 avril à l’occasion du débriefing du matin avec le directeur de la production.
[117] Le coordonnateur n’a pas été contre-interrogé de manière à mettre en cause sa crédibilité et sa réputation. La partie syndicale n’a pas tenté de démontrer qu’il était toujours sur le dos du plaignant ou de d’autres salariés, qu’il faisait preuve d’intransigeance avec les uns et les autres, qu’il aurait été lui-même l’objet de sanctions ou de réprimandes en raison d’une attitude autoritaire ou encore qu’il aurait reçu l’ordre de suivre à la trace le plaignant et de ne rien laisser passer dans le but de se départir de ses services le plus rapidement possible. Force est de reconnaître que le dossier d’emploi du contremaître Sylvain Chouinard est sans tache ce qui contraste fort avec celui du plaignant.
[118] Son dossier disciplinaire n’est pas très reluisant. Le 8 juin 2010, il reçoit une sanction de vingt-deux (22) jours de suspension sans solde en raison d’écarts de conduite commis le 20 mai 2010. La sévérité de cette mesure repose sur l’existence de huit (8) autres mesures disciplinaires totalisant trente-sept (37) jours de suspension imposés entre le 3 juin 2009 et le 6 avril 2010. Elle est cohérente avec une approche disciplinaire progressive. Une seule de ces sanctions remonte à plus de douze (12) mois de l’avis du 8 juin 2010, soit celle du 3 juin 2009, mais nous ignorons le jour de la survenance des incidents à l’origine de cette sanction. Dans la mesure où nous concevons que la clause 19.03 interdirait de faire allusion à un fait reproché datant de plus de douze (12) mois, les autres incidents au dossier du plaignant sont tous survenus à l’intérieur d’un délai de douze (12) mois.
[119] Surgissent ensuite les événements de la nuit du 12 avril 2011, moins de douze (12) mois de la mesure du 8 juin 2010 et moins de douze (12) mois de la survenance des événements du 20 mai 2010 mentionnés dans cet avis du 8 juin 2010.
[120] La clause 19.03 et principalement sa première phrase est imprécise et elle doit se lire avec la deuxième. Il ressort clairement de la deuxième phrase que l’employeur doit prendre action dans les quatroze (14) jours qui suivent la commission de l’offense si l’employeur le sait ou dans ce même délai de la connaissance de l’incident fautif s’il l’a appris plus tard dans la mesure ou il n’attend pas douze (12) mois de la commission des gestes reprochés. C’est ce qui s’appele en langage juridique un délai de prescription. Il y a une différence importante entre le délai pour agir ou pour prendre une action disciplinaire et l’utilisation d’une sanction disciplinaire passée comme justificatif d’une sanction pour des faits nouveaux. La clause 19.03 n’est pas très précise et nous sommes loin d’être certain qu’elle a pour but de purger totalement le dossier disciplinaire d’un salarié dont les fautes sanctionnées ont été commises il y a plus de douze (12) mois ou encore lorsqu’une mesure disciplinaire a été prise contre le salarié il y a plus de douze (12) mois.
[121] Le débat resye à faire et il n’est pas, dans les circonstances, utile d’élaborer plus longtemps sur le sujet puisqu’en adoptant le point de vue le plus favorable à la partie syndicale, reste néanmoins que le dossier disciplinaire du plaignant était au moment de la survenance des faits événements du 12 avril 2011 suffisamment chargé par des événements sanctionnés il y avait moins de douze (12) mois pour retenir que l’avertissement du 8 juin 2010 au sujet des risques de congédiement en cas de récidive devait être pris au sérieux par le plaignant advenant une nouvelle frasque. De plus, l’ensemble du dossier disciplinaire demeure pertinent à l’évaluation de la crédibilité du salarié lorsqu’il affirme à l’audition ne pas avoir prononcé de paroles grossières à l’endroit du coordonnateur.
[122] Nous jugeons que cet avis du 8 juin 2010 est recevable en preuve. Il est bien impossible de se mettre à le découper. Tout au plus le plus ancien reproche peut être mis de côté mais celui-ci n’est pas déterminant dans la décision de l’employeur d’avertir le salarié que la prochain intarcarde sera la goutte de trop. iIl prouve que l’employeur a véritablement mis de l’avant une discipline progressive pour tenter de redresser une situation problématique manifeste depuis plusieurs mois. Il y a une similitude entre les événements du 20 mai 2010 et ceux du 12 avril 2011 suffisamment importante pour conclure que les faits survenus le 12 avril 2011 sont un récidive de ceux du 20 mai 2010.
[123] Le 20 mai 2010, le plaignant refuse d’exécuter la tâche demandée par le coordonnateur en période d’arrêt de production puis abandonne le travail sous un prétexte médical après s’être fait dire que son travail serait l’objet d’un contrôle. Ces énoncés ne sont pas contredits. Le 12 avril 2011, le même modèle de comportement se reproduit : refus d’accomplir un travail plutôt routinier déjà négligé la veille et, le lendemain, nouvelle opposition à l’exécution de la tâche après deux (2) demandes précises à ce sujet et, absence du plaignant le lendemain pour raison médicale inconnue. La preuve est plutôt silencieuse sur la nature précise des motifs du départ précipité du 20 mai 2010 ou de l’absence du 13 avril 2011, mais cette coïncidence paraît suffisante pour douter de la bonne volonté du plaignant.
[124] Par ailleurs, sur quelle base serait-il possible de mettre en doute la crédibilité du supérieur ? La preuve n’a nullement permis de faire ressortir que son dossier présente la moindre faiblesse, qu’il était un coordonateur intransigeant et inutilement autoritaire, qu’il aurait menti sur un aspect accessoire des événements du 12 avril 2011, qu’il se serait acharné sur le plaignant dans le but de le provoquer et de lui faire perdre le contrôle de lui-même. Les demandes de procéder à la pesée des « S » étaient raisonnables et légitimes. Le coordonnateur n’a jamais exigé du plaignant qu’il épuise totalement la liste des échantillons à peser pendant son quart de nuit du 12 avril 2011. Il lui a seulement demandé poliment de s’atteler à la tâche de la pesée des « S » ce qui faisait partie des tâches régulières du plaignant qu’il n’avait pas exécutées le 11 avril 2011 pour des raisons qu’il n’a pas explicitées à l’audition. Manifestement, le plaignant tolère mal qu’il lui soit demandé de travailler comme il se doit et c’est peut-être là tout le problème !
[125] Bref, nous jugeons peu crédible la version du plaignant et suffisamment fiable le témoignage du coordonateur pour en arriver à la conclusion que l’employeur a prouvé par prépondérance que le plaignant a tenu un langage vulgaire et inapproprié à l’endroit de son supérieur.
[126] Cette appréciation de la preuve produit des conséquences importantes. Cela signifie que le plaignant au cours de l’enquête et plus précisément le 19 avril 2001 n’a pas dit la vérité aux représentants de l’employeur. Ce comportement manifesté au cours de l’enquête et dûment allégué dans l’avis de congédiement est un motif additionnel de sanction. Il devient de plus un comportement aggravant à cause du témoignage rendu par le plaignant devant le Conseil arbitral et surtout devant nous lorsque le plaignant réitère une version non crédible.
[127] Le plaignant avait été averti noir sur blanc le 8 juin 2010 qu’une récidive entraînerait son congédiement et le plaignant en était fort conscient. Il n’est donc pas étonnant que l’employeur ait jugé le 21 avril 2011 que le plaignant n’avait les aptitudes nécessaires pour réaliser que son comportement n’était pas acceptable.
[128] La dépôt en preuve de la transcription des témoignages présentés au Conseil arbitral de l’Assurance-emploi soulève quelques interrogations sur lesquelles les procureurs ne se sont guère penchés. Le plaignant, après avoir donné au Conseil arbitral sa version des événements du 12 avril 2011, introduit dans la discussion l’existence d’un règlement hors cour des nombreux griefs en suspens lesquels portaient sur des mesures disciplinaires.
[129] On peut, sans risque d’erreur, penser que les griefs objet du règlement dont il a été question faisaient suite aux mesures disciplinaires mentionnées dans l’avis du 8 juin 2010. Le 17 mars 2011 se tient une séance d’arbitrage (page 41 de la transcription) et les parties auraient conclue un règlement réduisant, selon ce qui a été déclaré au Conseil d’arbitrage, de quinze (15) jours le total des journées de suspension qui se seraient élevées à environ quarante jours de suspension (chiffre difficilement vérifiable en raison des imprécisons de la preuve devant le Conseil arbitral, pages 39 à 50). Une entente aurait été signée à cet effet. Cette entente nous ne la connaissons pas autrement que pas ces allusions et nous ne savons pas de quelle manière a été traitée la mesure disciplinaire du 8 juin 2010 avec la longue suspension et la mise en garde qu’elle contient. D’ailleurs, nous ne savons même pas si cette dernière mesure a été contestée par voie de grief.
[130] Nous soulignons l’existence supposée d’un règlement hors cour d’un amoncellement de mesures disciplinaires uniquement pour indiquer que le syndicat n’a pas présenté de preuve ni d’argument suggérant que la mesure disciplinaire du 8 juin 2010 avait été retirée ou substantiellement modifiée au point ou il aurait été possible de mettre de côté l’avertissement de congédiement en cas de récidive. Si cela avait été le cas, il fallait déposer l’entente de règlement des griefs portant sur les nombreuses mesures disciplinaires au dossier du salarié. En l’absence de toute preuve à l’égard du contenu et de la portée de cette entente de réglement des sanctions disciplinaires il nous faut conclure que la mesure du 8 juin 2010 est demeurée pour l’essentiel inaltérée bien que nous supposons que globalement certaines sanctions auraient été réduites.
[131] Autre détail à signaler à partir de la transcription des propos exprimés devant le Conseil d’arbitrage. L’arbitrage de plusieurs griefs contestant les mesures disciplinaires était prévu pour le 17 mars 2011. Ce jour-là les parties discutent et vraisemblablement revoient tout le dossier disciplinaire du salarié. À peine un mois plus tard surviennent les événements du 12 avril 2011 reproduisant le même comportement déviant déjà souligné précédemment. Ce n’est pas ce qui peut nous laisser croire que le plaignant était disposé à faire preuve de bonne foi dans ses relations avec son employeur et ses supérieurs immédiats.
[132] En étudiant la jurisprudence citée par la procureure syndicale, nous constatons bien sûr que les cas d’espèce qui nous sont présentés n’offrent pas beaucoup d’anologie avec la présente affaire. Cette dernière se dinstingue particulièrement par la présence chez le plaignant d’un refus répété de se soumettre à l’autorité de ses supérieurs comme le démontre son dossier disciplinaire. Malgré la suspension et l’avertissement reçue le 8 juin 2010 que toute récidive entraînera son congédiement, le plaignant a reproduit une dizaine de mois plus tard le genre de comportement déjà réprouvé. L a jurisprudence arbitrale n’est pas toujours sévère à l’égard des écarts de langage mais dans le présent cas, le plaignant n’est pas jugé crédible lorsqu’il nie à l’occasion de deux témoignages avoir commis une telle faute ce qui le prive maintenant de faire valoir que ses paroles ont outrepassé sa pensée ou encore qu’il pourrait ressentir quelque regret et présenter des excuses.
[133] Comme facteur disculpant, la partie syndicale fait valoir la grande ancienneté du plaignant. Cette ancienneté est une arme à deux tranchants. Le plaignant connaît depuis longtemps la nécessité de voir à la pesée « S » et il sait très bien comment exécuter cette tâche. Il a l’expérience nécessaire pour la faire rapidement et pour planifier lui-même son travail de manière à occuper efficacement son temps. Il ne devait pas avoir besion de se faire rappeler ce qu’il doit accomplir au cours de son quart de travail. En deux mots, son ancienneté joue contre lui et rend encore plus inexcusable son comportement.
[134] Le syndicat en nous demandant de faire droit au grief de congédiement ne nous a pas proposé d’assortir, comme cela est prévu par la clause 19.02, une réintégration (« réinstallation ») d’une recommandation susceptible de garantir à l’employeur la fin de la confrontation entretenue par le plaignant depuis trop longtemps. À défaut d’autre proposition permettant le réglement d’une situation problématique pourrissant le climat de travail nous n’avons guère le choix de confirmer le caractère approprié de la solution retenu par l’employeur de mettre un terme au lien d’emploi du plaignant.
[135] En ce qui concerne le grief contestant la mesure de suspension aux fins d’enquête, nous devons le rejeter. La partie syndicale n’a pas offert d’argument en faveur du maintien de ce grief. La suspension aux fins d’enquête n’est pas interdite par le Code du travail même lorsque la convention colllective est silencieuse à ce sujet comme c’est ici le cas. Les faits reprochés au plaignant et leur conséquence annoncée depuis le mois de juin 2010 justifiaient l’employeur de faire enquête avant de prendre une décision. Tenant compte du dossier disciplinaire du plaignant, la suspension immédiate n’est pas abusive. L’enquête a été faite avec grande diligence et avec sérieux. Il était sage d’établir sans délai une distance entre les deux protagonistes soit le plaignant et son coordonateur de manière à éviter tout risque d’altercation. Dans les circonstances la mesure provisoire nous paraît être suffisamment justifiée.
Pour ces raisons, après avoir pris connaissance des autorités et de la jurisprudence citée par les procureurs des parties et tenant compte de toutes les circonstances prouvées, nous sommes d’avis que l’employeur était justifié, tenant compte de l’avertissement déjà donné au plaignant et de ses antécédents disciplinaires, de passer à l’étape de la sanction ultime.
Par ces motifs
Rejetons le grief no 1208 contestant le congédiement du salarié et rejetons le grief no 1207 ayant contesté la suspension pour enquête préalablement à ce congédiement.
Shefford, le 5 juillet 2013 |
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_____________________________ __ Jacques Larivière, arbitre
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Représentant du syndicat : |
Maître Marie-Claude St-Amant |
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Représentant de l’employeur : |
Maître Alexis-François Charette |
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Dates d’audition : 23 janvier 2013, 12 février 2013 et 9 avril 2013 |
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ANNEXE 1
SENTENCES CITÉES PAR LA PARTIE PATRONALE :
1. Louise VERSCHELDEN, La preuve et la procédure en arbitrage de griefs , Wilson & Lafleur, Montréal, 1994;
2.
Casavant frères Ltée
et
Syndicat des employés de Casavant
frères Ltée (C.S.D.),
T.A. Me Richard Marcheterre, arbitre, 26 juin 1986,
3. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (CTC) et De Luxe Produits de papier Ltée , T.A., Me Suzanne Moro, arbitre, 30 septembre 2011, 2011 CanLII 62773 (QC SAT);
4. Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA Canada), section locale 1004 et Nova Bus , T.A., Me Francine Lamy, arbitre, 7 septembre 2011. (Références non fournies);
5.
Alliance internationale des employés de scène et de cinéma (IATSE),
section locale 56 et
Société de la salle Jean-Grimaldi (Alain Fournier),
T.A., Me Richard Guay, arbitre, 11 février 2008,
6.
Société minière Raglan du Québec Itée
et
Métallurgistes
unis d’Amérique, section locale 9449 (FTQ) (Mark Rutetzki)
, T.A., Me Guy E.
Dulude, arbitre, 1
er
mars 2006,
7.
Fraternité des policiers de la Régie intermunicipale de police de
Roussillon inc. (Fédération des policières et policiers municipaux du Québec)
et
Régie intermunicipale de Roussillon
, T.A., Me André Ladouceur,
arbitre, 9 septembre 2002,
8. Sonolab inc. et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2154 , Me Jean-Yves Durand, arbitre, 28 mars 1994, SA 94-03011;
9. Club de golf Royal Québec (Services) et Union des employés et employées de service, section locale 800 , Me Francine Beaulieu, arbitre, 25 janvier 2010, SA 10-01036;
10.
Syndicat
des travailleuses et travailleurs de la Station Mont-Tremblant (CSN)
et
Station
Mont-Tremblant, s.e. c. (Benoît Aubin)
, T.A., Me Jean-Pierre Tremblay,
arbitre, 30 janvier 2007,
11.
152348
Canada inc. (Provigo)
et
Travailleurs unis de l’alimentation et
du commerce, section locale
500
, T.A., Me André Cournoyer, arbitre,
24 avril 1989,
12.
Syndicat
canadien de la fonction publique, section locale 1224
et
Centre d’hébergement
et de soins de longue durée Estriade (Foyer St-Joseph), (Mme Lise Bouffard)
,
T.A., Me André Ladouceur, arbitre, 18 janvier 1999,
ANNEXE 2
SENTENCES CITÉES PAR LA PARTIE SYNDICALE ET COMMENTAIRES DE L’ARBITRE :
-
Union des employé(e) s de service, Section locale 298 (F.T.Q.) et
Foyer pour personnes agées St-Laurent inc.,
sentence de Jean-Guy Ménard, 10
février 1995,
- UZ-ITE/TAPIS I.B.E.INC. et MÉTALLURGISTES UNIS D’AMÉRIQUE, Section locale 8990 , 24 mai 2005, sentence de l’arbitre Richard Marcheterre. L’arbitre a jugé inappropriée une mesure de congédiement décrétée à l’encontre d’un salarié ayant refusé d’obtempérer à un ordre clair de ramasser des morceaux de verre. Tenant compte du dossier disciplinaire du salarié, l’arbitre estime raisonnable une suspension de trois mois pour ce qui a été jugé comme un défi volontaire et conscient à l’autorité.
-
Culinar inc. et Syndicat national des employés de la cie Stuart ltée
(CSN)
, 12 mars 1990, arbitre Alain Corriveau,
- Louisiana-Pacific Canada ltd. division Québec-Maniwaki-OSB et Syndicat des travailleuses et travailleurs Louisiana-Pacific - CSN, sentence de François Bastien, arbitre, 2006 CanLll22146 (QC SAT). Une suspension d’un mois a été substituée au congédiement d’un salarié à qui il avait reproché un langage blasphématoire, un méfait (bris d’une fenêtre) et une omission de déclarer un bris d’équipement. Dans ce cas, il s’agissait d’une première offense.
-
Syndicat des salariés en revêtement de produits chimiques (CSD) et
Sixpro
, sentence de Rodrigue Blouin, 29 septembre 2004,
-
Le syndicat des travailleuses (eurs) en garderie de Montréal et
Centre de la petite enfance La garderie du manoir inc
., arbitre Nicolas Cliche,
16 mai 2005,
-
Le Syndicat des travailleurs des produits laitiers de Notre-Dame-du-Bon-Conseil
(CSD) et Agropur, coopérative
, ME DENIS GAGNON, 30 septembre 2004,
-
CENTRE DE PROTECTION ET DE RÉADAPTATION DE LA CÔTE-NORD et SYNDICAT
DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DU CPR DE LA CÔTE-NORD (FSSS-CSN)
arbitre
Michel Bolduc, 9 avril 2009,
______________________________
[1]
Syndicat des salariées et salariés de la fromagerie (CSD) et
Agropur, coopérative agro-alimentaire
(T.A.,
2012-12-20),
[2] Agropur, coopérative Agro-alimentaire et Syndicat des salariés (es) de la fromagerie (CSD) , sentence du 20 décembre 2012.
[3] (Salarié) vs Agropur coopérative - Granby , 29 juin 2011, Conseil arbitral Assurance-emploi présidé par Marie Collard, no 11-0045, dopssier 599-913.