Bédard c. Lac-Mégantic (Ville de)

2013 QCCQ 6725

COUR DU QUÉBEC

« Division administrative et d'appel »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MÉGANTIC

« Chambre civile  »

N°:

480-80-000002-101

 

DATE :

27 juin 2013

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MARK SHAMIE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

STEVE BÉDARD

Appelant

c.

VILLE DE LAC-MÉGANTIC

Intimée

et

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU QUÉBEC

Mis en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Le Tribunal est saisi d'un appel logé par Steve Bédard à l'encontre d'une décision rendue par la section des affaires immobilières du Tribunal administratif du Québec (TAQ) le 8 mars 2010 (la décision du TAQ) [1] .

[2]            L'appel, autorisé par le juge Patrick Théroux le 29 novembre 2010 [2] , est relatif à certains aspects de la décision du TAQ à l'égard de la détermination de la valeur du terrain exproprié.

1.            MISE EN CONTEXTE

[3]            Les éléments contextuels pertinents sont relatés par le TAQ aux paragraphes 1 à 18 de sa décision et par le juge Théroux aux paragraphes 11 à 24 du jugement autorisant l'appel.

[4]            L'appel ne remet pas en cause l'appréciation par le TAQ de la preuve. M. Bédard plaide plutôt que le TAQ, à la lumière de la preuve, aurait dû conclure autrement.

[5]            Les faits pour l'essentiel ne sont donc pas contestés par les parties à ce stade-ci des procédures. Le Tribunal pourra y recourir plus précisément au besoin lors de l'analyse.

[6]            Il convient cependant de mettre en relief certains faits saillants, lesquels sont résumés dans les paragraphes qui suivent.

[7]            Afin d'agrandir son parc industriel et aménager une voie de contournement, la Ville de Lac-Mégantic (Mégantic) décrète l'expropriation de plusieurs immeubles.

[8]            Parmi ceux-ci, l'immeuble de M. Bédard, lequel est exproprié le 7 juin 2002.

[9]            Cet immeuble est constitué d'un terrain boisé (« Terre à bois ») contenant 4,4 millions pieds carrés ou 40,95 hectares.

[10]         Il est plus amplement décrit au paragraphe 3 de la décision du TAQ aux pages 2 à 8 (le terrain ou l'emprise).

[11]         Le TAQ conclut que Mégantic a pris physiquement possession du terrain le 19 juillet 2002 et, à l'instar des experts des deux parties, retient le 19 juillet 2002 comme date d'évaluation.

[12]         Il n'y a pas de contestation à ce sujet.

[13]         À la demande de Mégantic, la Commission de la Protection du Territoire Agricole du Québec (CPTAQ) ordonne le 2 juillet 2002 l'exclusion du terrain de la zone agricole. L'avis d'exclusion n'est toutefois inscrit au Registre foncier que le 1 er octobre 2012.

[14]         Suite à une démarche initiée préalablement à l'expropriation, le règlement de zonage de Mégantic est modifié pour prévoir un zonage industriel à l'égard du terrain à une date contemporaine à la date d'évaluation du 19 juillet 2002.

[15]         Selon les deux expertises, cette modification au zonage est entrée en vigueur le 20 août 2002, donc postérieurement à la date d'évaluation.

[16]         Malgré une divergence de point de vue entre les experts de part et d'autre, le TAQ conclut que l'utilisation optimale du terrain est à des fins industrielles.

[17]         La valeur du terrain a donc été établie en fonction d'un tel usage.

[18]         Cette conclusion n'est pas remise en cause en appel.

[19]         L'indemnité définitive établie par le TAQ se répartit comme ceci :

Indemnité principale :

307 500 $

Indemnité accessoire :

52 450 $

Indemnité définitive :

359 950 $

[20]         La valeur du terrain, qui est comprise dans l'indemnité principale, est fixée à 235 585 $, soit 5 753 $ l'hectare.

[21]         L'appel porte sur certaines considérations qui ont conduit le TAQ à retenir un tel taux unitaire.

2.            LES QUESTIONS EN LITIGE

[22]         Le juge Théroux permet l'appel centré sur quatre questions qu'il formule ainsi :

1. Le TAQ a-t-il erré en statuant que le prix auquel Mégantic vend son terrain industriel constitue une indication de marché local empêchant la considération d'un marché externe pour établir la valeur du terrain industriel qu'elle exproprie?

2. Le TAQ a-t-il erré en statuant que le prix auquel Mégantic vend son terrain industriel constitue un plafonnement sectoriel du marché qui ne peut être écarté pour en arriver à une valeur virtuelle?

3. Le TAQ a-t-il erré en statuant que la valeur du terrain à vocation industrielle ne pouvait dépasser 7 500 $ l'hectare sur le territoire de Mégantic à la date de l'expropriation en litige?

4. Le TAQ a-t-il erré en retenant la valeur soumise par l'évaluateur Sansfaçon, l'expert de Mégantic?

3.            L'ANALYSE RELATIVE À LA NORME DE CONTRÔLE

[23]         Le TAQ a retenu les conclusions de l'expert de l'expropriante, Henri Sansfaçon, pour fixer la valeur du terrain exproprié et écarter celle de l'expert de l'exproprié, Roger Lessard.

[24]         L'argumentaire de M. Bédard, tant dans ses plaidoiries écrites qu'orale, vise fondamentalement à ce que la décision du TAQ soit renversée de manière à ce que les conclusions de son expert, M. Lessard, soient préférées à celles de M. Sansfaçon.

[25]         M. Bédard plaide que c'est en raison de motifs erronés que le TAQ a retenu les conclusions de M. Sansfaçon.

[26]         Ces motifs que conteste M. Bédard, sont reflétés dans les quatre questions formulées par le juge Théroux.

[27]         Les questions visent essentiellement le raisonnement technique soulevé par le TAQ pour évaluer le terrain exproprié dans le cadre de la fixation de l'indemnité d'expropriation et qui a conduit celui-ci à retenir une valeur de 5 753 $ l'hectare.

[28]         Les deux parties plaident que la décision du TAQ doit être analysée sous l'angle de la norme de la décision raisonnable.

[29]         Il faut leur donner raison.

[30]         L'article 58 le la Loi sur l'expropriation (ci-après LE) [3] prévoit ceci :

58.  L'indemnité est fixée d'après la valeur du bien exproprié et du préjudice directement causé par l'expropriation.

[31]         Comme le souligne la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Parent c. Ville de Laval :

En matière d'expropriation, le législateur a, depuis plusieurs décennies, confié à un tribunal spécialisé pleine compétence pour fixer les indemnités, c'est aujourd'hui la Chambre de l'expropriation de la Cour du Québec, c'était hier le Tribunal de l'expropriation et avant lui la Régie des services publics. Si la loi a toujours reconnu un droit d'appel des décisions sur les indemnités d'expropriation, la jurisprudence de notre Cour et de la Cour suprême a balisé ce pouvoir d'intervention. […] [4]

[32]         Selon une jurisprudence dominante, le TAQ est depuis sa création considéré comme un tribunal spécialisé.

[33]         La vocation de la section des affaires immobilières du TAQ est vouée à la détermination de valeur d'immeuble pour fins de taxation ou aux fins de déterminer l'indemnité dans le cadre d'un processus d'expropriation.

[34]         L'article 32 de la Loi sur la justice administrative prévoit ceci :

32.  La section des affaires immobilières est chargée de statuer sur des recours portant notamment sur l'exactitude, la présence ou l'absence d'une inscription au rôle d'évaluation foncière ou au rôle de la valeur locative, les exemptions ou remboursements de taxes foncières ou d'affaires, la fixation des indemnités découlant de l'imposition de réserves pour fins publiques ou de l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers ou de dommages causés par des travaux publics ou sur la valeur ou le prix d'acquisition de certains biens, lesquels sont énumérés à l'annexe II. [5]

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

[35]         La fixation de l'indemnité d'expropriation comporte la détermination de la valeur de l'immeuble et cette tâche se situe au cœur de la compétence spécialisée du TAQ.

[36]         Le TAQ est appelé dans cette démarche à appliquer divers principes régissant le droit de l'expropriation.

[37]         Les trois premières questions sont mixtes et font référence à ces notions que le TAQ a la tâche d'appliquer dans le cadre de sa mission plus globale qui est de fixer l'indemnité d'expropriation.

[38]         Elles visent donc un mélange de faits, de droit et de connaissance ou de considération d'ordre technique.

[39]         L'article 15 LJA confère au TAQ « le pouvoir de décider toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence », ce qui inclut manifestement le pouvoir d'appliquer les principes issus du droit de l'expropriation.

[40]         Dans l'affaire Dunsmuir , la Cour suprême nous enseigne ce qui suit :

[51]       Après avoir examiné la nature des normes de contrôle, nous nous penchons maintenant sur le mode de détermination de la norme applicable dans un cas donné. Nous verrons qu’en présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, la norme de la raisonnabilité s’applique généralement . De nombreuses questions de droit commandent l’application de la norme de la décision correcte, mais certaines d’entre elles sont assujetties à la norme plus déférente de la raisonnabilité.

[…]

[53]       En présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée ( Mossop , p. 599-600; Dr Q , par. 29; Suresh , par. 29-30). Nous sommes d’avis que la même norme de contrôle doit s’appliquer lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés .

[54]       La jurisprudence actuelle peut être mise à contribution pour déterminer quelles questions emportent l’application de la norme de la raisonnabilité. Lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise : Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail) , [1995] 1 R.C.S. 157 , par. 48; Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15 , [1997] 1 R.C.S. 487 , par. 39. Elle peut également s’imposer lorsque le tribunal administratif a acquis une expertise dans l’application d’une règle générale de common law ou de droit civil dans son domaine spécialisé : Toronto (Ville) c. S.C.F.P. , par. 72. L’arbitrage en droit du travail demeure un domaine où cette approche se révèle particulièrement indiquée. La jurisprudence a considérablement évolué depuis l’arrêt McLeod c. Egan , [1975] 1 R.C.S. 517 , et la Cour s’est dissociée de la position stricte qu’elle y avait adoptée. Dans cette affaire, la Cour avait statué que l’interprétation, par un décideur administratif, d’une autre loi que celle qui le constitue est toujours susceptible d’annulation par voie de contrôle judiciaire. [6]

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

[41]         La quatrième question remet en cause tout le processus d'évaluation qui a conduit le TAQ à retenir les indications de valeur soumises par M. Sansfaçon.

[42]         M. Bédard affirme que le TAQ aurait dû retenir la conclusion de son expert fondée sur la transaction qui fournit selon lui la valeur la plus représentative.

[43]         La mission du TAQ comporte sans contredit la faculté de faire un choix parmi les méthodes proposées ou d'identifier à l'intérieur de la technique de parité, les ventes comparables appropriées, afin d'assurer à l'exproprié une juste indemnité.

[44]         Le TAQ détient en somme la faculté de former sa propre opinion en fonction de la preuve et de ses connaissances spécialisées.

[45]         Les quatre questions soumises en appel seront donc analysées sous l'angle de la norme de la décision raisonnable.

[46]         Dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan , la Cour suprême décrivait comme suit la norme de la décision raisonnable : « […] La norme de la décision raisonnable consiste essentiellement à se demander « si, après un examen assez poussé, les motifs donnés, pris dans leur ensemble, étayent la décision ». […] » [7] . La majorité de la Cour suprême dans l'affaire Ministre de la citoyenneté et de l'immigration c. Sukhvir Singh Khosa rappelle la portée de la norme de la décision raisonnable qu'elle a circonscrite dans ses arrêts antérieurs. À ce sujet elle mentionne ceci :

[59]       La raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte. L’arrêt Dunsmuir avait notamment pour objectif de libérer les cours saisies d’une demande de contrôle judiciaire de ce que l’on est venu à considérer comme une complexité et un formalisme excessifs. Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles-mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle-ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » ( Dunsmuir , par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable. [8]

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

4.            ANALYSE

4.1.         Remarques préliminaires

[47]         Une remarque préliminaire s'impose puisque M. Bédard prétend qu'une erreur s'est glissée au paragraphe 43 de la décision du TAQ.

[48]         Il indique en effet dans son mémoire notamment ceci :

21.           Le taux unitaire retenu par le TAQ repose sur les conclusions suivantes atteintes par le premier tribunal :

-                       […]

-                       Même si le TAQ conclut qu’il ne peut retenir les conclusions de la méthode de parité mise en œuvre par Sansfaçon, il conclut néanmoins que le taux unitaire dégagé par Sansfaçon au terme de son étude est adéquat pour fixer la valeur du terrain exproprié (par. 43; nous soulignons ici que bien que le TAQ écrive «l’expert Lessard», il est manifeste qu’il réfère à Sansfaçon puisque, tel que nous l’avons vu plus haut, c’est Sansfaçon qui conclut à un taux de 5 753$ / hectare) ; [9]

                                                                                 (Soulignements ajoutés)

[49]         L'erreur que M. Bédard invoque a un impact significatif sur son argumentation puisqu'elle l'autorise à soulever une incongruité voulant que le TAQ ait rejeté une approche tout en retenant la conclusion qui en découle.

[50]         Il plaide dans ce contexte que la décision du TAQ est déraisonnable en ce qu'il n'aurait pas dû retenir un taux unitaire issu d'une méthode qu'il juge non probante [10] .

[51]         Les paragraphes 41, 42, 43, 45 et 46 de la décision du TAQ sont rédigés ainsi :

[41]       L’expert Sansfaçon appuie sa conclusion de taux unitaire du terrain en cause sur le fait qu’il a dû procéder à des ajustements en raison de l’absence de services disponibles au terrain et que le terrain en cause est sectionné par une emprise de chemin de fer sur toute sa longueur. Il prend également en considération l’accès au terrain par un chemin privé qui est le prolongement de la rue Villeneuve est un désavantage par rapport à ses comparables avant de conclure à un taux unitaire de 5 753 $ l’hectare.

[42]       L’expert Sansfaçon n’applique toutefois ce taux unitaire que sur une superficie de 15,28 hectares et non sur celle de plus de 40 hectares faisant l’objet de la présente expropriation. Les ventes rapportées par l’évaluateur Lessard ne montrent cependant aucun fléchissement des taux unitaires des prix de vente pour une parcelle de superficie supérieure à l’ensemble du terrain exproprié en l’espèce.

[43]       Même si le Tribunal ne peut retenir les conclusions de la méthode de parité mise en oeuvre par l’expert Lessard pour les motifs indiqués plus loin, un simple procédé paritaire autorise à croire que ce taux est adéquat pour une superficie aussi grande que celle ici en cause. Au surplus, le terrain exproprié est scindé par une ancienne emprise de chemin de fer formant deux parcelles d’une superficie de l’ordre d’une vingtaine d’hectares chacune.

[…]

[45]       La conclusion de l’expert de l’exproprié est fondée sur la prémisse que le terrain ne se trouve pas sur le territoire de l’expropriante, soit en un lieu où les règles de compétition de marché ne seraient pas altérées par les décisions d’une autorité publique locale. Ce n’est pas le cas. Le Tribunal ne peut adhérer à cette conclusion qui ferait que l’expropriante achète du terrain industriel non desservi à 19 500 $ l’hectare alors qu’elle vend du terrain desservi aux mêmes fins à 7 500 $ l’hectare à cette époque.

[46]       Les précédents invoqués par l’exproprié à l’effet qu’il faille nécessairement s’en remettre à un marché externe ne sont applicables qu’en l’absence d’indications de marché locales. Lorsque certaines de ces indications existent, notamment un plafonnement sectoriel du marché, elles ne peuvent être écartées pour en arriver à une valeur virtuelle.

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

[52]         Selon M. Bédard, il faudrait donc substituer « l'expert Sansfaçon » à « l'expert Lessard » au paragraphe 43 ci-haut reproduit.

[53]         Au paragraphe 43, le TAQ indique qu'il ne peut retenir les conclusions de l'expert Lessard « pour les motifs indiqués plus loin » en l'occurrence les paragraphes 45 et 46.

[54]         Le TAQ expose en effet aux paragraphes 45 et 46 les motifs pour lesquels il ne retient pas les conclusions de l'expert de l'exproprié, Roger Lessard, et non pas celles de l'expert de l'expropriante, Henri Sansfaçon.

[55]         S'il fallait substituer Sansfaçon à Lessard au paragraphe 43 comme le suggère M. Bédard, le membre de phrase « pour les motifs indiqués plus loin » n'aurait plus de sens puisque le TAQ retient les conclusions de M. Sansfaçon et ne dit donc pas « plus loin » pourquoi il ne les retient pas.

[56]         Le TAQ parle du taux unitaire de M. Sansfaçon aux paragraphes 41 et 42 de sa décision. Il utilise l'expression « ce taux » au paragraphe 42 en référence au paragraphe 41 et au taux unitaire suggéré par M. Sansfaçon.

[57]         Quand le TAQ utilise l'expression « ce taux » au paragraphe 43, il réfère encore à ce même taux dont il parle dans les deux paragraphes précédents, soit celui de M. Sansfaçon.

[58]         Au paragraphe 42, le TAQ mentionne que M. Sansfaçon applique ce taux uniquement sur 15,28 hectares, mais le TAQ précise que le marché, sur la base de l'expertise de M. Lessard, ne montre pas de fluctuation des prix unitaires pour des terrains de dimension supérieure à l'emprise expropriée.

[59]         Au paragraphe 43, le TAQ enchaîne en disant que même s'il ne retient pas les conclusions de M. Lessard, il conclut tout de même que le taux de M. Sansfaçon est adéquat pour une superficie équivalente à celle expropriée puisque les indications du marché issues de l'expertise de M. Lessard, tel que mentionné au paragraphe 42 de la décision, « ne montrent […] aucun fléchissement des taux unitaires des prix de vente pour une parcelle de superficie supérieure à l'ensemble du terrain exproprié en l'espèce ».

[60]         Le Tribunal conclut qu'il n'y a pas d'erreur au paragraphe 43 de la décision du TAQ.

4.2.         Sommaire des expertises

[61]         M. Sansfaçon répertorie treize ventes de terrains industriels situés à Mégantic ou sur le territoire de municipalité environnante faisant toute partie de la même municipalité régionale de comté (M.R.C), en l'occurrence, la M.R.C. du granit.

[62]         Il fait état de quatre ventes impliquant Mégantic, survenues entre 1999 et 2002 relativement à des terrains desservis situés dans son parc industriel, et toutes conclues à un prix unitaire de 0,75 $ le mètre carré ou 7 500 $ l'hectare.

[63]         Il est d'opinion que deux ventes d'immeubles à vocation industrielle situés respectivement sur le territoire de Stornaway et sur celui de Saint-Ludger (respectivement vente Stornaway et vente Saint-Luger) doivent être privilégiées puisqu'elles sont relatives à des terrains non desservis.

[64]         Il ajuste ensuite à la hausse ou à la baisse les prix dérivés des deux transactions pour tenir compte de la localisation plus avantageuse à Mégantic, mais aussi pour faire refléter certains désavantages (forme, accessibilité et usage permis) du terrain exproprié par rapport aux deux comparables.

[65]         Il conclut à 5 753 $ l'hectare pour un terrain non desservi à vocation industrielle à la date de référence pertinente.

[66]         Parmi les vingt-trois ventes répertoriées par M. Lessard, il analyse plus particulièrement cinq ventes.

[67]         Il note que l'activité immobilière à Mégantic est dominée par Mégantic et qu'il y a peu de ventes issues du secteur privé, ce que reflète son répertoire de ventes puisque quatorze ventes sur vingt-trois impliquent une municipalité ou une organisation qui peut y être associée.

[68]         M. Lessard émet l'opinion que parmi les cinq ventes qu'il analyse plus particulièrement, trois ventes sont relatives à des terrains comparables. Ce sont ses ventes 11, 17 et 23.

[69]         Parmi les cinq ventes plus particulièrement analysées, quatre ventes impliquent une municipalité et il en va de même pour ses trois comparables.

[70]         Il écarte la vente numéro 11 et retient les ventes 17 et 23, lesquelles, selon lui, indiquent des taux unitaires respectivement de 10 776 $ l'hectare et 19 506 $ l'hectare après un seul ajustement pour tenir compte du facteur temps.

[71]         À propos des ventes 17 et 23, M. Lessard précise qu'elles « montrent des indices probants de la valeur au propriétaire dans un contexte ou l'acheteur désire un terrain pour le développement de son futur parc industriel tout en dédommageant le propriétaire » (sic).

[72]         Il ne retient finalement que la valeur la plus élevée dérivée de la vente 23, soit 19 500 $ l'hectare, laquelle, selon lui, « est un bon indicateur de la valeur maximale d'un terrain industriel dans un marché relativement similaire à celui de Lac-Mégantic ».

[73]         La vente 23 est relative à un terrain situé à Coaticook et implique la ville du même nom situé à 120 kilomètres de Mégantic, selon le rapport de M. Lessard ou 129 kilomètres, selon la preuve de l'expropriante.

[74]         Il est utile de noter que la vente 17 de M. Lessard correspond à la vente Saint-Ludger de M. Sansfaçon.

[75]         Les constats suivants se dégagent de l'analyse qui précède :

-                     Les comparables des deux experts impliquent toutes des municipalités, en l'occurrence Stornaway, Saint-Ludger et Coaticook;

-                     Les comparables des deux experts sont à l'extérieur de Mégantic.

4.3.         Les questions en litige

[76]         La preuve administrée par les deux parties indique que le marché est dominé par des transactions impliquant des municipalités.

[77]         Les expertises de part et d'autre sont fondées sur la technique de parité et les deux experts, tant pour l'exproprié que pour l'expropriante, fondent leur opinion sur des transactions de cette nature, comme étant des comparables représentatifs de la valeur du terrain exproprié.

[78]         Dans l'opinion des deux experts, il n'existe donc aucun comparable représentatif de la valeur du terrain sujet qui est issu du marché privé.

[79]         C'est dans ce contexte particulier, auquel le TAQ est confronté selon la preuve administrée devant lui, que s'inscrit sa décision.

[80]         En principe, en droit de l'expropriation, les transactions intervenues avec un corps public possédant des pouvoirs d'expropriation doivent être mises de côté. Il existe toutefois un courant de pensée important qui autorise de recourir, lorsqu'il y a rareté de transactions, à des ventes impliquant de tels corps publics pourvu notamment que celles-ci soient relatives à des immeubles comparables.

[81]         À cet égard, M. Bédard, dans sa plaidoirie à l'audience, fait une distinction entre les ventes en vertu desquelles le corps public achète et celles où le corps public vend.

[82]         Selon lui, il n'y a aucune raison d'écarter les premières transactions lorsque le corps public est acheteur puisque dans ce cas, le vendeur n'a aucune raison de vendre à une valeur inférieure au marché. Seules les secondes transactions devraient être prises avec réserve.

[83]         Le principe de base est tout autant applicable aux deux types de situations. D'ailleurs, dans deux précédents qu'il cite, les transactions ayant donné lieu à la discussion du principe impliquent justement une situation où une ville est acheteuse [11] .

[84]         Le prix de vente dans un tel cas peut être le reflet de l'attribution d'une indemnité d'expropriation au vendeur, incluant la valeur à cet autre propriétaire et des dommages, et ainsi se révélé inapproprié comme comparable afin d'établir la valeur du terrain faisant l'objet de l'estimation.

[85]         La distinction proposée par M. Bédard n'est donc pas justifiée au niveau des principes.

[86]         L'idée maîtresse derrière une technique de parité est de retrouver des ventes de terrain comparable pour en extraire des prix représentatifs de la valeur de l'immeuble sujet à l'évaluation.

[87]         Le prix de vente issu d'une transaction reflétant une indemnité d'expropriation attribuée à un autre propriétaire ne remplit pas ces critères.

[88]         M. Lessard conclut en retenant un taux unitaire de 19 500 $ l'hectare dérivé d'une seule transaction, soit sa vente 23 impliquant la Ville de Coaticook (Coaticook).

[89]         Aux paragraphes 45 et 46 de sa décision, le TAQ mentionne ceci :

[45]       La conclusion de l’expert de l’exproprié est fondée sur la prémisse que le terrain ne se trouve pas sur le territoire de l’expropriante, soit en un lieu où les règles de compétition de marché ne seraient pas altérées par les décisions d’une autorité publique locale. Ce n’est pas le cas . Le Tribunal ne peut adhérer à cette conclusion qui ferait que l’expropriante achète du terrain industriel non desservi à 19 500 $ l’hectare alors qu’elle vend du terrain desservi aux mêmes fins à 7 500 $ l’hectare à cette époque.

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

[46]       Les précédents invoqués par l’exproprié à l’effet qu’il faille nécessairement s’en remettre à un marché externe ne sont applicables qu’en l’absence d’indications de marché locales. Lorsque certaines de ces indications existent, notamment un plafonnement sectoriel du marché, elles ne peuvent être écartées pour en arriver à une valeur virtuelle.

[90]         Le terrain dont parle le TAQ au paragraphe 45 ne peut être le terrain exproprié puisque celui-ci se trouve sur le territoire de Mégantic.

[91]         Le TAQ vise donc au paragraphe 45 de sa décision le seul comparable de M. Lessard (vente 23) en vertu duquel il dérive son taux unitaire de 19 500 $ l'hectare.

[92]         Le TAQ se dit d'avis que le terrain objet de cette vente est situé en un lieu où les règles du marché ne sont pas à l'abri de l'intervention municipale.

[93]         Le prix de vente issu de cette transaction, comme indiqué ci-après, reflète en effet davantage une indemnité d'expropriation qu'un prix obtenu sur un marché libre et ouvert à la compétition.

[94]         Ce terrain d'une superficie de 582 600 mètres carrés (ou 58,26 hectares) a une façade de 528,51 mètres sur la route 141 et bénéficie « des services d'aqueduc et d'égout sur une portion de 48,63 mètres » [12] .

[95]         Coaticook a obtenu l'exclusion de la zone agricole d'une partie du terrain (17,45 hectares) selon la description de la vente 23 par M. Lessard dans son rapport [13] .

[96]         Parmi les différents motifs exposés au TAQ pour indiquer que la vente 23 ne constitue pas un comparable valable, M. Sansfaçon mentionne ceci :

Me ROBERT GIGUÈRE :

[…]

 

R.

[…]

Le but de cette acquisition-là, c'est principalement au niveau du dézonage du sept hectares, c'est 75 % commerce grande surface et 25 % industrie . Ce secteur-là tel qu'il est décrit dans la demande de… dans la décision de la commission, c'est un terrain qui est situé sur la rue Main Ouest à l'intersection de la rue Morgan, c'est collé directement , là, à la … au tissu urbain et ils ont besoin ils avaient besoin de superficie du commerce de grande surface, là, genre Costco, Wal-Mart . Alors, c'est le premier but dans le… du sept hectares qui dézoné commerce de grande surface et 25 % industrie. Ce qu'il m'a mentionné, c'est que l'industrie qu'il recherche pour implanter dans ce parc-là, c'est une industrie qui serait rattachée à l'agro-alimentaire…

[…]

 

Me ROBERT GIGUÈRE :

[…]

 

R.

Alors, l'objectif c'est de vendre du terrain commercial, le prix qui était… la mise en marché au moment de la transaction, on parle de 90¢ le pied carré pour le terrain  commercial et on parlait de 15¢ le pied carré pour le terrain industriel. À cela, la ville ajoutait 50¢ le pied carré pour les services que ce soit un emplacement commercial ou industriel. Tous ces éléments-là mis ensemble, il m'apparaît assez difficile de faire des comparaisons directes entre le terrain de la municipalité de… que Coaticook a acheté versus l'emplacement de monsieur Bédard à Lac-Mégantic. [14]

[97]         Le terrain à Coaticook revêt donc pour partie un potentiel commercial que n'a pas le terrain exproprié.

[98]         Le vendeur en est conscient puisque l'article 8.2 du contrat de vente prévoit ceci :

8.2                               Reconnaît être informé que le terrain acquis aux termes des présentes servira incessamment pour le développement industriel et commercial, accepte les conséquences d'un tel développement et renonce à tous recours et dommages contre le présent acquéreur ou contre tout autre acquéreur éventuel, relativement à ladite utilisation industrielle et commerciale et des inconvénients qu'elle comporte. [15]

[99]         Dans ce contexte, il est vraisemblable que le prix convenu avec une corporation municipale possédant des pouvoirs d'expropriation reflète cette situation particulière en intégrant la valeur du plein potentiel du terrain.

[100]      Le prix intègre aussi vraisemblablement une espèce de dommage au résidu vu le rapprochement de la résidence, sur le terrain adjacent, de la zone industrielle et commerciale.

[101]      C'est ce qui ressort du témoignage de M. Lessard lorsqu'en contre-interrogatoire, il mentionne ceci :

Me ROBERT GIGUÈRE :

[…]

 

Q.

[…] Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cette résidence-là ne prendra certainement pas de valeur si elle est pour être à côté d'un développement industriel?

R.

Je pense pas, non.

[…]

 

R.

Bien, écoutez, la municipalité lui a offert un prix justement qui inclus… c'est pour ça qu'il… je pense qu'ici, là en tout cas, je présume, écoutez bien là, en fonction de ce que je peux lire ici, là, que la municipalité a offert un prix qui justement montre bien la valeur à l'indemnité recherchée qu'on doit offrir à… et non une valeur marchande , puis qui vient justement, t'sais, dans ce 1 220 000 là refléter le prix que devrait se payer une propriété comme vient d'acquérir la Ville de Coaticook. [16]

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

[102]      M. Lessard admet, malgré beaucoup d'hésitations, que le prix issu de la vente 23 reflète davantage une indemnité qu'une valeur marchande.

[103]      M. Lessard finit par admettre que le prix issu de la vente 23 tient compte de la renonciation précédemment mentionnée, mais qu'il n'a pas fait d'ajustement pour en tenir compte. Il déclare en effet ceci :

Me ROBERT GIGUÈRE :

[…]

 

Q.

[…] et ma question était, compte tenu de cette renonciation-là est-ce que lui… probablement comme évaluateur agréé, il en a tenu compte dans son prix de vente?

R.

Fort probable qu'il en a tenu compte dans son prix de vente, mais…

[…]

 

R.

[…] Donc, j'ai pas voulu faire d'ajustement parce que, là, ça relève de presque de la haute voltige que de dire : « Bon, quels seraient les vrais dommages qui pourraient avoir lieu pour cette… ce bâtiment-là, là? » Je vous dirais que ce serait très difficile à déterminer.

Q.

O.K. Vous n'avez pas fait le redressement parce qu'il est trop difficile à évaluer?

R.

À déterminer, oui . [17]

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

[104]      En plus des considérations sur le prix de vente, que n'ont pas manqué d'avoir les parties, compte tenu des objectifs poursuivis par Coaticook ayant motivé son intervention, le TAQ rejette les conclusions de M. Lessard basées sur la vente 23 parce que non comparable pour un second motif lié à la situation géographique du terrain [18] .

[105]      Le terrain est situé en plein cœur de Coaticook sur la rue Main à quelque 120 kilomètres de Mégantic.

[106]      Le TAQ considère qu'il n'y a pas lieu de recourir à « ce marché externe » qui aurait pour effet de fixer « une valeur virtuelle » dans le contexte où il existe un marché local ou un marché situé dans un secteur limitrophe.

[107]      Selon un principe bien ancré en jurisprudence, il n'y a pas lieu de recourir à des comparables provenant des municipalités voisines à moins que le marché local ne fournisse pas de données suffisantes et pourvu que le marché externe puisse fournir une base de comparaison valable [19] .

[108]      En l'occurrence, les circonstances se présentent sous un jour quelque peu différent dans la mesure où :

-                     Il n'y a pas d'absence complète de données provenant de Mégantic. Par contre, les comparables provenant du marché de Mégantic fournissent des indications de valeur pour un terrain desservi, ce qui n'est pas le cas du terrain exproprié et;

-                     Le TAQ retient la conclusion de M. Sansfaçon afin de déterminer l'indemnité d'expropriation afférente au terrain, laquelle est fondée sur des ventes de terrains situés dans des municipalités voisines faisant partie de la même MRC, en l'occurrence Stornaway et Saint-Ludger.

[109]      La vente Stornaway a déjà été analysée dans une autre occasion et le TAQ a conclu qu'elle est représentative de la valeur d'un terrain à vocation industrielle non desservi à une date (le 10-10-02) contemporaine à la date d'évaluation retenue en l'instance [20] .

[110]      Le TAQ réfère spécifiquement à ce facteur au paragraphe 44 de sa décision. La vente Stornaway sur laquelle se fonde M. Sansfaçon fait partie intégrante de la preuve administrée par les parties, lesquelles ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue à cet égard.

[111]      Dans sa démarche, le TAQ tient compte de la preuve devant lui puisqu'il ne retient pas le taux unitaire de 3 200 $ l'hectare fixé dans l'affaire Roy .

[112]      Il n'est pas déraisonnable pour le TAQ de recourir dans les circonstances à ses connaissances spécialisées pour reconnaître le caractère comparable d'une vente à l'instar de l'expert d'une partie et d'une autre division du TAQ.

[113]      Par ailleurs, tant M. Sansfaçon que M. Lessard considèrent que la vente Saint-Ludger constitue un comparable approprié.

[114]      La question n'est donc pas tellement de savoir si le TAQ pouvait recourir à un marché extérieur, mais plutôt lequel des marchés extérieurs constitue un outil de référence comparable.

[115]      Or, l'unique vente à Coaticook sur laquelle repose l'opinion de M. Lessard est relative à un terrain qui possède une façade importante sur une voie publique au cœur de la ville, est partiellement desservi et revêt un potentiel plus avantageux que le terrain exproprié, lequel de plus n'a aucun accès à une voie publique et est scindé par un chemin de fer.

[116]      Le prix de vente lui-même du terrain à Coaticook reflète davantage l'attribution d'une indemnité d'expropriation.

[117]      Dans les circonstances révélées par la preuve, il n'est donc pas déraisonnable pour le TAQ de fixer l'indemnité sur la base de transaction issue d'un marché comparable qu'il qualifie de local, en l'occurrence Stornaway et Saint-Ludger.

[118]      L'identification d'un marché et d'une transaction relative à un immeuble pouvant se comparer fait partie des compétences spécialisées du TAQ, un tribunal d'expert spécifiquement désigné pour estimer la valeur du bien exproprié.

[119]      Sa conclusion à cet égard fait partie des issues possibles et acceptables au regard des faits et du droit.

[120]      Les trois premières questions sont relatives aux considérations du TAQ exprimées aux paragraphes 36, 38, 39, 40, 45 et 46 de sa décision. L'idée derrière ces considérations est bien reflétée dans les paragraphes 36, 38, 39 et 40 que voici :

[36]       Le Tribunal est au fait qu'il est courant au Québec de voir les municipalités agir à titre de promoteurs immobiliers en matière industrielle. Les politiques qu’elles mettent en place à cet égard, notamment quant aux prix auxquels elles vendent leurs emplacements industriels sont déterminantes de la valeur des terrains voués à cette vocation.

[38]       Le propriétaire d’un terrain à destination industrielle à Lac-Mégantic ne peut raisonnablement s’attendre à obtenir un prix de vente supérieur à celui auquel la ville vend ses emplacements sans égard à leur superficie à la date d’évaluation, soit 0,75 $ le mètre carré ou 7 500 $ l’hectare. Le contrôle qu’exerce la municipalité sur le marché local ne permet pas de concurrence au-delà du niveau de prix qu’elle fixe.

[39]       C’est la situation qu’a observé le Tribunal dans Drummondville c. Coderre alors que même un terrain industriel à l’angle des routes 20 et 55, ce qui n’est pas la moins bonne situation que l’on retrouve au Québec, ne se vend pas plus de 0,50 $ le pied carré en raison des politiques de vente de la ville. Dans cette affaire, l’exproprié prétendait qu’un marché libre et ouvert à la concurrence aurait justifié un niveau de prix plus élevé, soit 0,95 $ le pied carré pour l’effet vitrine de la localisation. Cet argument n’a pu être retenu puisque la valeur du terrain industriel sur ce territoire est plafonnée par les politiques de mise en marché de la ville.

[40]       Nous croyons également que la valeur d’un terrain à vocation industrielle ne pouvait de la même manière dépasser le seuil de 7 500 $ l’hectare sur le territoire de la ville expropriante à la date pertinente. Cette situation est solidement démontrée par les quatre ventes rapportées par l’expert Sansfaçon, toutes conclues à un taux unitaire de 0,75 $ le mètre carré entre 1999 et 2002 dans le parc industriel de Lac-Mégantic avant la présente expansion.

[121]      Le constat n'est pas nouveau puisqu'il a déjà été observé par le TAQ dans d'autres occasions.

[122]      Ainsi dans Municipalité de Saint-Bernard c. Labrecque le TAQ conclut comme ceci :

[94]       La plupart de ces transactions sont réalisées par les municipalités ou les comités industriels municipaux et comportent manifestement des incitatifs à l’établissement d’industries dans les divers parcs industriels de ces villes. Il n’existe pas de marché de terrain à vocation industrielle entre particuliers à cause précisément de cette compétition des agents municipaux qui contrôlent pour ainsi dire les prix pratiqués .

[…]

[97]       Quoiqu’il en soit, le marché du terrain industriel est sous le contrôle des corps publics, vendeurs ou acheteurs sont à la merci des agents économiques et cette situation se reflète dans les constantes observées dans les diverses municipalités analysées. Ainsi, le propriétaire d’un terrain dont la vocation est, comme le sujet, exclusivement industrielle, ne peut pratiquer de prix supérieurs à ceux révélés par la présente analyse puisqu’il se placerait hors marché .

[98]       Une indemnité basée sur les taux unitaires pratiqués dans ce genre de marché constitue donc une compensation justifiable dans la présente affaire et répond adéquatement aux critères de la juste indemnisation . [21]

[123]      La même situation se reproduit en l'espèce puisque les comparables déclarés tels par les deux experts sont des ventes auxquelles ont participé des municipalités pour les fins de leur parc industriel.

[124]      Dans le cas de la vente 23 de M. Lessard, le même scénario que Mégantic se reproduit puisque Coaticook a fait des démarches pour qu'une partie du terrain acquis soit exclue de la zone agricole.

[125]      Pour les motifs déjà énoncés, cette vente n'est pas comparable comme le TAQ en a décidé.

[126]      Or, le TAQ n'avalise pas un comportement du corps expropriant en conséquence duquel celui-ci fixe lui-même à l'avance le prix des terrains qu'il envisage exproprier.

[127]      C'est à cette problématique centrale à laquelle renvoient les trois premières questions telles que libellées.

[128]      À de nombreuses reprises, comme dans le présent cas, à la lumière de la preuve qui lui est présentée, le TAQ fait le constat, dans le cadre de ses attributions d'expert, que c'est le marché lui-même qui est conditionné par l'intervention des municipalités souhaitant établir un parc industriel pour des raisons d'intérêt public.

[129]      La valeur du terrain exproprié ne se trouve pas réduite, mais se voit plutôt conférée un potentiel plus avantageux en raison de cette intervention.

[130]      Telle est la conclusion du TAQ dans l'affaire Drummond citée au paragraphe 39 de la décision en appel :

[41]       S’il est vrai que le prix de vente unique par la Ville a une influence directe sur le marché des terrains industriels à Drummondville et même à l’extérieur puisque la concurrence entre municipalités et parcs industriels existe véritablement, il appert que dans la présente affaire, le développement industriel effectué par la Ville dans le secteur Saint-Nicéphore a pour effet de valoriser le terrain exproprié; il lui confère un potentiel industriel, donc supérieur à la valeur d’un terrain agricole . L’action municipale, en provoquant le dézonage d’une partie du terrain de l’exproprié et en faisant la promotion industriel du secteur où il est situé, contribue à en accroître la valeur et non à la réduire . C’est d’ailleurs cet usage industriel, le plus favorable à la partie expropriée, que considère le Tribunal en fixant l’indemnité.

[42] L’objectif de la loi est qu’après l’expropriation, la partie expropriée soit rétablie dans la même situation qu’antérieurement. Elle ne doit être ni enrichie ni appauvrie. Le « planning blight » tel qu’on l’entend généralement, par exemple un zonage spécifique à des fins de parc (spot zoning), peut causer une diminution de la valeur. En d’autres mots, les actions de la partie expropriante, même de bonne foi, parce qu’elle détient et utilise plusieurs outils utiles à son développement, ne doivent pas avoir pour effet de réduire l’indemnité. C’est ce que craint la partie expropriée. Ici, la Ville est un intervenant majeur sur le marché des terrains industriels. Elle n’a pas tué le marché comme l’allègue la partie expropriée, elle crée des conditions favorables à son développement, du moins, c’est ce que soutient la mairesse. [22] (sic)

[131]      En l'espèce, la problématique ne trouve qu'indirectement sa place pour les raisons suivantes :

-                     Le TAQ ne refuse pas de considérer le marché extérieur, mais considère que la vente survenue à Coaticook n'est pas représentative de la valeur à Mégantic;

-                     La valeur du terrain exproprié est fixée en fonction de prix issus de transactions qui n'impliquent pas Mégantic;

-                     Le terrain exproprié n'est pas desservi et sa valeur est attribuée en fonction de prix payé pour des terrains de même nature situés dans des municipalités limitrophes;

-                     Le prix de vente est donc établi en fonction du marché et non en fonction de l'action de Mégantic sauf pour les avantages qu'a pu procurer cette action;

-                     Le prix plafond auquel réfère le TAQ à 7 500 $ l'hectare correspond au prix de vente par Mégantic de ses terrains pour fins industrielles après construction des infrastructures municipales.

[132]      En somme, le TAQ conclut qu'il lui paraît inconcevable qu'un acheteur puisse être prêt à acheter à Mégantic un terrain non desservi à un prix supérieur au prix qu'il pourrait payer pour acquérir un terrain desservi.

[133]      Cette conclusion n'est pas déraisonnable si l'on considère le constat provenant de la jurisprudence du TAQ à l'égard du marché des immeubles industriels.

[134]      Dans un dossier connexe impliquant les mêmes parties, le TAQ est en mesure de constater que M. Bédard a lui-même acheté le 16 juin 2006 un terrain de son frère exactement au même prix que Mégantic vend ses terrains industriels desservis à cette date.

[135]      Le TAQ conclut en effet comme ceci :

[44]       Il est notable que l’expert Lessard écarte la vente par laquelle l’exproprié est devenu propriétaire de l’immeuble au motif qu’il s’agit d’une transaction entre deux frères et donc non à distance. Il est pourtant rare que ce genre de transactions entre personnes apparentées donne lieu à des prix supérieurs à ceux que l’on observe généralement sur le marché. Les liens familiaux entre les parties donnent plus souvent ouverture à des prix moindres que supérieurs à ceux que l’on retrouve généralement sur le marché.

[45]       L’examen du titre de propriété de l’exproprié montre que le vendeur a renoncé à la répartition des taxes municipales et scolaires et qu’aucun intérêt n’est exigé sur le solde du prix de vente. Outre ces accommodements en faveur de l’acheteur et une prime payée pour la terre végétale, on ne peut que constater que le prix convenu à cette vente est exactement celui qui prévaut dans ce parc industriel à la date de vente .

[…]

[50]       Le Tribunal ne partage pas l’opinion de l’expert Lessard à l’effet que les prix auxquels la Ville vend son terrain industriel n’est pas représentatif du marché. Il s’agit plutôt d’une limite supérieure au marché des terrains industriels qui ne peut être franchie sur le marché local. [23] (sic)

[136]      Dans les circonstances, il n'apparaît pas déraisonnable de refuser d'écarter complètement le marché de Mégantic, qui sert en l'occurrence d'étalon de mesure, au profit entièrement d'un marché extérieur constitué tout autant de transactions impliquant des corporations municipales poursuivant elles aussi leurs propres objectifs.

[137]      M. Lessard établit un taux unitaire de 10 776 $ l'hectare en ajustant le prix pour le terrain Saint-Ludger (vente 17) pour le facteur temps.

[138]      Le taux unitaire de M. Sansfaçon pour la même vente à Saint-Ludger est plutôt de 7 992,75 $ l'hectare. M. Sansfaçon procède à faire plusieurs ajustements pour les raisons suivantes :

[…] Le terrain offre une façade très importante sur une voie publique qui est déjà aménagé; les terrains directement en façade représente 25% de l'aire disponible. Il s'agit d'un net avantage par rapport au site sujet qui n'est accessible que par un chemin privé (prolongement de la rue Villeneuve).

L'usage autorisé par le règlement de zonage est également un facteur déterminant dans le prix; la diversité des établissements commerciaux et industriels qui peuvent s'établir sur le site aura un impact certain sur le délai de ventes des terrains et par voie de conséquence justifie un taux unitaire payé plus élevé puisque le retour sur investissement risque d'être meilleur.

La topographie du terrain à St-Ludger présente une topographie avantageuse avec une pente faible vers la route assurant un bon drainage et le terrain n'a pas exigé un déboisement important puisque l'usage précédent était de la culture. (sic)

La superficie de terrain acquise, la large vitrine sur un lien routier important, la topographie et l'éventail d'utilisations permises sont autant de facteurs qui contribuent améliorer le rendement d'un investissement public de ce type.

La valeur à l'exproprié du terrain sujet ne peut atteindre un taux unitaire aussi élevé à cause de l'accessibilité et à cause des facteurs juridiques qui ne permettent pas des usages commerciaux. [24]

[139]      Le TAQ partage l'opinion de M. Sansfaçon pour les motifs énoncés dans sa décision comme ceci :

[41]       L’expert Sansfaçon appuie sa conclusion de taux unitaire du terrain en cause sur le fait qu’il a dû procéder à des ajustements en raison de l’absence de services disponibles au terrain et que le terrain en cause est sectionné par une emprise de chemin de fer sur toute sa longueur. Il prend également en considération l’accès au terrain par un chemin privé qui est le prolongement de la rue Villeneuve est un désavantage par rapport à ses comparables avant de conclure à un taux unitaire de 5 753 $ l’hectare.

[…]

[43]       Même si le Tribunal ne peut retenir les conclusions de la méthode de parité mise en oeuvre par l’expert Lessard pour les motifs indiqués plus loin, un simple procédé paritaire autorise à croire que ce taux est adéquat pour une superficie aussi grande que celle ici en cause. Au surplus, le terrain exproprié est scindé par une ancienne emprise de chemin de fer formant deux parcelles d’une superficie de l’ordre d’une vingtaine d’hectares chacune.

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

[140]      Les taux d'ajustement sont formulés uniquement sur la base de l'opinion de M. Sansfaçon, mais que partage le TAQ.

[141]      Ce sont les seuls taux révélés par la preuve qui tiennent compte des avantages et des désavantages du comparable Saint-Ludger par rapport au terrain exproprié.

[142]      Il n'est pas établi d'erreur significative quant aux éléments qui distinguent les deux terrains.

[143]      Par ailleurs, l'évaluation d'un immeuble ne relève pas d'une science exacte.

[144]      L'autre approche possible aurait été de rejeter la vente de Stornaway parce que trop éloignée dans le temps et la vente Saint-Ludger parce que nécessitant trop d'ajustements, vu les avantages importants que comporte le terrain visé par cette vente par rapport au terrain sujet.

[145]      Il ne resterait ainsi aucun comparable vu les considérations précédentes à propos de la vente Coaticook.

[146]      Le TAQ en a décidé autrement et sa décision appartient aux issues possibles et acceptables.

[147]      Dans les circonstances, à la lumière de la situation particulière que reflète la présente analyse, le Tribunal ne peut en effet conclure que la décision du TAQ ayant l'effet de retenir l'opinion d'un expert plutôt que celle de l'autre expert est erronée au point d'être déraisonnable.

[148]      Il en va de même en ce qui a trait à la décision du TAQ de retenir le taux unitaire de M. Sansfaçon résultant d'une moyenne mathématique entre le taux unitaire de la vente à Saint-Ludger et la vente à Stornaway.

[149]      Bien que la vente à Stornaway survienne à une date quelque peu éloignée de la date d'évaluation, elle est considérée comme un comparable adéquat par deux bancs distincts du TAQ.

[150]      En l'absence d'autre indication du marché, la moyenne représente un moyen pour concilier deux ventes de comparables donnant des indications de valeur différentes.

[151]      Elle représente également un moyen de tenir compte de l'étalon de mesure que représente le prix des terrains desservis à Mégantic.

[152]      Le rôle du Tribunal en l'occurrence n'est pas de substituer son opinion à celle du Tribunal d'expert ni de reprendre à la base le processus d'évaluation qui a conduit cet organisme à retenir une valeur plutôt qu'une autre.

[153]      Son rôle en révision consiste à contrôler les erreurs pouvant être qualifiées de déraisonnables selon le sens donné à cette expression par la jurisprudence.

[154]      Selon les enseignements de la Cour suprême, la déférence commande aussi le respect du choix par l'organisme d'expert, fondé sur ses connaissances spécialisées et son expérience, d'une solution rationnelle parmi l'éventail de celle pouvant s'offrir.

[155]      Dans l'arrêt Dunsmuir , elle indique en effet ceci :

[47] La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables . La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[…]

[49] La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur. Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [ TRADUCTION ] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review : The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93. La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier , ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien. [25]

[156]      Ces propos sont repris par la Cour suprême dans un jugement unanime comme ceci :

[29]       La norme du caractère raisonnable constitue donc une norme déférente qui se veut respectueuse de l’expérience et de l’expertise du décideur administratif . La notion de déférence joue un rôle fondamental en matière de contrôle judiciaire, comme le conclut la Cour dans l’arrêt charnière Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick , [1979] 2 R.C.S. 227 . La déférence envers un tribunal administratif tient compte de la possibilité de plusieurs interprétations concurrentes. Cette prise en compte permet de se demander qui du tribunal administratif ou de la cour de justice est le mieux placé pour faire ce choix (Macklin, p. 205). [26]

                                                                                             (Soulignements ajoutés)

[157]      Il ne revient donc pas au Tribunal de retenir une solution qu'il juge préférable, mais de porter une attention respectueuse à la décision et déterminer si celle-ci possède les attributs de la rationalité.

[158]      Or, la décision du TAQ, selon l'analyse qui précède, est rationnelle et le résultat obtenu représente une opinion motivée de valeur qui se défend.

[159]      POUR CES MOTIFS, le Tribunal

REJETTE l'appel;

LE TOUT avec dépens.

 

 

 

__________________________________

MARK SHAMIE, J.C.Q.

 

Me Sylvain Bélair

De Grandpré Chait

Procureurs de l'appelant

 

Me Robert Giguère

Monty Coulombe

Procureurs de l'intimée

 

Date d’audience :

 27 juin 2012

 



[1]     2010 QCTAQ 02595 .

[2]     2010 QCCQ 11213 .

[3]     L.R.Q., c. E-24.

[4]     J.E. 96-188 .

[5]     L.R.Q., c. J-3 (ci-après LJA). Voir aussi l'annexe II, 4 o .

[6]     Dunsmuir c. Nouveau-Brunwick , 2008 CSC 9 , paragr. 51, 53 et 54.

[7]     2003 CSC 20 , paragr. 47.

[8]     2009 CSC 12 .

[9]     Extrait du paragr. 21 du mémoire de M. Bédard.

[10]    Voir à cet égard les paragraphes 41 et 70 du mémoire en appel de M. Bédard.

[11]    Ville de Montréal c. Dubeau-Boulay , AZ-50008153 , voir 2 e et 3 e paragraphe, p. 15. Voir également Forget c. Ville de Terrebonne , (C.Q., 2003-02-24 (jugement rectifié le 2003-06-20)), AZ-50166627 , paragr. 28 à 32.

[12]    Pièce EE-1, p. 24 et 36 et pièce EE-2, annexe O, p. 23.

[13]    Pièce EE-1, p. 36.

[14]    Interrogatoire de M. Henri Sansfaçon, le 4 septembre 2009, p. 730, lignes 24 et 25, et p. 731, lignes 1 à 13, et p. 741, lignes 10 à 21.

[15]    Acte de vente entre Lafaille et Fils Ltée et Ville de Coaticook , pièce EA-15, art. 8.2, p. 9.

[16]    Interrogatoire de M. Roger Lessard, le 4 septembre 2009, p. 622, lignes 2 à 6, et lignes 16 à 25.

[17]    Interrogatoire de M. Roger Lessard, le 4 septembre 2009, p. 624, lignes 3 à 8, et p. 625, lignes 14 à 22.

[18]    Voir le paragr. 46 de la décision du TAQ.

[19]    Voir Sommet vert inc. c. Commission scolaire Chaudière-Etchemin , (C.A., 1993-02-01) EYB 1993-64093, paragr. 9 à 16. Voir également Perrier c. Papineauville (Municipalité de) , 2006 QCCQ 16639 , paragr. 20 et St-Bernard (Municipalité de) c. Labrecque , [2004] T.A.Q. 1218 .

[20]    Lac-Mégantic (Ville de) c. Roy , [2005] T.A.Q. 390 (affaire Roy ).

[21]    St-Bernard (Municipalité de) c. Labrecque , supra note 19 , paragr. 94, 97 et 98. Voir également St-Anselme (Municipalité de) c. Bédard , AZ-50393334 .

 

[22]    Drummondville (Ville de) c. Coderre , 2008 QCTAQ 12333 .

[23]    Lac-Mégantic (Ville de) c. Bédard , 2010 QCTAQ 06770 .

[24]    Rapport de Henri Sansfaçon, pièce EA-3, p. 37 et 38.

[25]    Dunsmuir, supra note 6, paragr. 47 et 49.

[26]    Commission canadienne des droits de la personne c. Procureur général du Canada , [2011] 3 R.C.S. 471 , paragr. 29