Tim-Br Marts Ltd. c. Commission des relations du travail |
2013 QCCS 3429 |
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JC1227
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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(En matière civile)
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N° : |
200-17-017705-138 |
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DATE : |
2 juillet 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
PAUL CORRIVEAU, J.C.S. |
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TIM-BR MARTS LTD. , personne morale légalement constituée, ayant une place d'affaires au 303, boulevard Pierre-Roux Est, C.P. 70, Victoriaville G6P 6S6, district de Arthabaska |
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Requérante |
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c. |
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COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL , personne morale de droit public, constitué en vertu du Code du travail, L.R.Q. c. C-27, ayant une place d'affaires au 900, boulevard René-Lévesque Est, 5 e étage, Québec, G1R 6C9, district de Québec et
KIM LEGAULT , ès-qualités de juge administratif, ayant une place d'affaires au 900, boulevard René-Lévesque Est, 5 e étage, Québec, G1R 6C9, district de Québec Intimées et
MARCEL SIMONEAU , domicilié et résidant au […] , Victoriaville, […] , district de Arthabaska |
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Mis en cause |
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JUGEMENT SUR REQUÊTE EN RÉVISION JUDICIAIRE |
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[1]
Suite à une décision du 21 décembre 2012 (P-1) rendue par la Commission
des relations du travail, une plainte formulée pour congédiement sans cause
juste et suffisante en vertu de l'article
[2] La requérante demande l'annulation de cette décision sous les trois motifs suivants stipulés aux paragraphes 3 a) b) et c) de sa requête:
« a) La juge administratif a imposé à la Requérante un fardeau de preuve qu'elle n'avait pas à assumer et s'est immiscée illégalement dans le droit de gérance de la Requérante et ce, malgré avoir constaté l'existence d'un motif économique légitime;
b) La juge administratif a ignoré ou refusé de considérer la preuve de faits déterminants, ce qui a eu pour effet de fausser complètement sa compréhension de la situation factuelle dont elle était saisie. Ce faisant, la juge administratif a rendu une décision déraisonnable en fonction de faits qui ne correspondent en aucune façon à la preuve administrée devant elle.
c) La juge administratif a conclu à tort que la Requérante ne pouvait légalement considérer la prise de congés sans solde et la réduction volontaire du nombre de journées de travail comme faits objectifs lui permettant d'évaluer l 'intérêt pour la fonction de ses employés; »
[3] En argumentation, le procureur de la requérante reprend la décision (P-1) pour en faire ressortir les causes d'annulation soulevées dans la requête.
[4] Il rappelle qu'au paragraphe 59 de sa décision, la juge administrative a correctement référé aux principes applicables en matière de licenciement pour justifier une fin d'emploi.
[5] Cependant, lorsque par la suite elle fait l'analyse de la preuve, elle intervient dans le processus de licenciement retenu par l'employeur et l'apprécie de façon non conforme pour conclure, en son paragraphe 72, que les occupations du mis en cause Simoneau, en dehors de ses heures régulières de travail ou pendant un congé sans solde dûment autorisé, ne pouvait être légalement retenues contre lui pour justifier sa mise à pied.
[6] Appliquant cette règle au cas sous espèce, il en résulte que sa cliente ne peut tirer aucune inférence des congés sans solde pris par Simoneau qui avait pris de tels congés pour travailler pour une autre entreprise pour laquelle il avait commencé à démontrer de l'intérêt plusieurs années auparavant.
[7] Le procureur du mis en cause Simoneau plaide que la juge n'a pas retenu les explications de l'employeur quant au licenciement de son client en concluant avec les faits démontrés, que l'employeur a congédié sans motif Marcel Simoneau.
[8] Suite à l'argumentation des procureurs , il convient de résumer brièvement les faits retenus par la juge pour soutenir sa décision.
[9] La preuve démontre que Marcel Simoneau a commencé à travailler en 1976 pour Chalifour , une entreprise de distribution en matière de quincaillerie qui a été achetée par la requérante.
[10] Suite à une réorganisation de l'entreprise et l'abolition de postes de représentant, Simoneau est devenu un vendeur «interne» en 1996.
[11] À sa cessation d'emploi, il travaillait à l'établissement de Victoriaville.
[12] À l'automne 2008, il a eu la permission de son employeur d'aller suivre une formation d'une semaine pour Universitas et par la suite il a commencé à travailler à temps partiel pour elle.
[13] De préciser la juge :
« [23] Jamais le plaignant n'a songé à laisser son emploi chez TIM-BR-MARTS Ltd pour se consacrer totalement à la vente de produit Universitas. Pour lui, il s'agissait d'un « à côté» pour arrondir les fins de mois puisque son salaire annuel stagnait à 44 000 $. L'emploi chez Universitas n'offrait aucune sécurité, aucun bénéfice marginal, aucune vacance. »
[14] Voulant consacrer plus de temps à Universitas , en janvier 2010, il a demandé à la requérante de ne travailler que trois jours semaine, ce qu'elle a accepté «moyennant certaines conditions».
[15] À compter de l'automne 2010, il a commencé à vivre des difficultés avec son superviseur, Yves Moreau.
[16] Le 9 février lors d'une rencontre avec le directeur et le gestionnaire des ressources humaines de l'employeur il se voit reprocher «un usage inapproprié des équipements informatiques de l'entreprise du fait qu'il s'en sert pour son travail chez Universitas .»
[17] Le 15 mars 2011, il demande à TIM-BR de s'absenter du 4 juillet au 4 septembre 2011 et il est convenu qu'il s'absenterait du 11 mai au 5 septembre.
[18] De reprendre la juge :
« [30] L'entente prévoit que la totalité de cette période sera admise comme congé sans solde, le plaignant conservant ses semaines de vacances annuelles en réserve. Il est aussi convenu, en autres conditions, que le plaignant pourra occuper un autre emploi pendant cette période à condition que ce ne soit pas pour une entreprise concurrente .»
[19] À son retour au travail, en octobre 2011, Simoneau se fait aviser qu'il devra reprendre un horaire de cinq jours par semaine.
[20] Lors de sa première journée, à son retour au travail, son superviseur lui annonce qu'il y aura une restructuration du service et qu'après le 31 décembre 2011 ses services ne seront plus requis et qu'il sera mis à pied.
[21] Le 5 octobre 2011 il rencontre le directeur Scalesse qui lui remet un avis écrit de fin d'emploi au 31 décembre.
[22] Scalesse lui explique qu'aucun des critères avancés par le mis en cause, pour le maintien de son emploi, savoir son expérience, sa compétence ainsi que son ancienneté, ne lui permettent de déterminer lequel parmi les membres de l'équipe devait être mis à pied, tous les vendeurs étant suffisamment compétents, expérimentés et également appréciés par l'employeur.
[23] Toute chose étant égale, l'employeur a jugé que le mis en cause montrait le moins d'intérêt pour le poste et il l'a licencié.
[24] De retenir la juge :
« [43] … Non pas que cela se manifeste dans son travail par une baisse de rendement où autre indice. Il affirme, ( Scalesse ) au contraire, qu'il n'a rien à reprocher au plaignant. Il le répète devant la Commission. (…)
[44] L'employeur réitère que le travail du plaignant pour Universitas est légitime, de même que ses congés sans solde et qu'il ne lui fait aucun reproche à ce sujet non plus. »
[25] Rappelant les principes qui vont la guider, la juge écrit :
« [51] La Commission doit d'abord décider si la fin de l'emploi du plaignant est due à un congédiement ou à un licenciement. En effet, ce n'est que dans la première éventualité que s'ouvre au plaignant le recours qu'il a entrepris. Dans la seconde, la compétence de la Commission se limite à vérifier si la décision de l'employeur est fondée sur des critères objectifs, impartiaux, en regard des besoins de l'entreprise et non inspirés d'éléments subjectifs propres à l'employé ciblé, ou si cette décision cache, au contraire, un congédiement sans cause juste et suffisante.
[…]
[55] Pour la Commission, la preuve est faite que l'intimé a procédé à une réorganisation de son entreprise pour ces motifs. Il ressort clairement de la preuve que le département des ventes «internes» fonctionnait très bien malgré des effectifs réduits pendant les vacances et même pendant le reste de l'année en l'absence du plaignant. Ni le plaignant, ni l'adjointe n'ont été remplacés depuis la fin de leur emploi.
[56] Dès lors, il appartenait au plaignant de démontrer que, contrairement aux apparences, sa mise à pied était fondée sur des caractères partiaux, illicites ou discriminatoires ou, plus généralement, qu'il était victime d'un congédiement déguisé.
[57] La Commission est d'avis qu'il a fait cette démonstration.
[…]
[64] Dans le contexte ci-dessus relaté où le plaignant s'investit professionnellement de plus en plus auprès de Universitas et que, par la même occasion, il est moins présent chez l'employeur, «l'intérêt démontré pour la fonction» a été le seul critère que l'employeur a trouvé lui permettant de faire une sélection rationnelle parmi les membres de l'équipe de vendeurs «internes».
[…]
[66] En l'espèce, l'intérêt du plaignant n'a pas été jugé insuffisant pour occuper la fonction, il a seulement été jugé moindre que celui manifesté par les autres membres de l'équipe. Or, même si l'employeur prétend qu'il n'a aucun reproche à faire au plaignant, qu'il n'a pas tenu compte de la réprimande déposée à son dossier au printemps 2011, ni de ses congés sans solde prolongés ou de son implication auprès de Universitas, il n'a fait valoir aucun fait objectif lui permettant d'arriver à la conclusion que le plaignant, portait moins d'intérêt à son travail que ses collègues.
[67] Il a toujours été entendu que le plaignant privilégiait son travail pour l'employeur et qu'il ne prenait congé que dans la mesure où les circonstances le permettaient. L'employeur ne peut pas lui reprocher d'avoir pris congé ou de poursuivre des activités lucratives en dehors des heures de travail alors qu'il y a consenti sans autres conditions que celles stipulées à l'entente et que le plaignant a respecté cette entente en tous points.
[68] Après plus de 35 ans au service de l'employeur, après les baisses de salaires et les années sans augmentations de salaire, la Commission est plutôt d'avis que le plaignant a démontré, au contraire, un grand intérêt pour son poste au fil du temps et n'a donné aucun indice de démotivation permettant à l'employeur de justifier sa sélection.
[…]
[70] Dans le contexte du présent dossier, il apparaît peu plausible que l'employeur n'ait pas retenu les congés prolongés successifs du plaignant comme indice de son «intérêt moindre». Aussi, l'intérêt moindre qu'il invoque par l'employeur s'apparente plutôt à un prétexte pour mettre fin à son emploi.
[…]
[72] La Commission est d'avis que les énergies du plaignant consacrées à son travail pour Universitas ont participé à donner à l'employeur l'impression que le plaignant était moins motivé par son travail. Les occupations de ce dernier en dehors de ses heures régulières de travail ou pendant un congé sans solde dûment autorisé sont légitimes et ne peuvent légalement être retenues contre lui pour justifier sa mise à pied. »
[26] Suite à cette décision et à l'argumentation des procureurs , il convient de rappeler que dans l'affaire Donohue Inc. c. Simard la Cour d'appel a décidé que :
« … le commissaire a compétence pour déterminer si la décision de l'employeur est un licenciement ou un congédiement déguisé .
Le principe est clair. Un employeur ne peut utiliser le prétexte d'un licenciement pour se débarrasser d'un indésirable. Les motifs qui sont retenus par l'employeur doivent être objectifs, impartiaux et non inspirés d'éléments subjectifs propre à l'employé ciblé . »
[27]
Traitant de la démarche à suivre dans l'examen d'une plainte selon
l'article
« Pour décider si la terminaison d'emploi est un congédiement ou un licenciement, le commissaire est autorisé à se pencher sur les critères de sélection. S'ils sont raisonnables, ils ne sont pas indicatifs d'un déguisement. S'ils ne le sont pas, ils en seront un indice. Lorsqu'au terme de son examen, le commissaire conclut qu'il s'agit d'un licenciement et non d'un congédiement, sa compétence est épuisée et il doit rejeter la plainte sans se pencher sur la sélection des employés . »
[28] Après avoir décidé que la décision de l'employeur de procéder à une restructuration était bien fondée, la juge conclut qu' : « il appartenait au mise en cause de démontrer que sa mise à pied était fondée sur des critères partiaux, illicites ou discriminatoires ou, plus généralement, qu'il était victime d'un congédiement déguisé .»
[29] Selon la juge, le mis en cause a fait la démonstration que sa mise à pied était un congédiement déguisé, son employeur ayant illégalement tenu compte qu'il avait diminué ses disponibilités en travaillant pour Universitas ce qu'il ne pouvait faire après avoir autorisé ses absences.
[30] Avec égard, le Tribunal estime déraisonnable la conclusion de la juge de déclarer illégale la considération par l'employeur du travail de Simoneau pour Universitas pour décider de son licenciement.
[31] Même si c'était le cas, il est pertinent et légitime pour l'employeur, à qui on a reconnu le droit de prendre comme critère de sélection pour un licenciement, l'intérêt d'un employé à l'égard de son travail, de tenir compte du comportement de cet employé dans l'exercice de son emploi lorsque rien, comme une convention collective, l'en empêche.
[32] Ici, l'employeur n'a jamais renoncé à l'un quelconque de ses droits lorsqu'il a consenti à ce que Simoneau s'absente de son travail pour Universitas .
[33] S'interrogeant sur l'intérêt de cet employé quant à son travail, il pouvait tenir compte du comportement de celui-ci qui, depuis plusieurs années, demandait de s'absenter de son travail pour travailler ailleurs, et en tirer des conclusions.
[34] Déclarer illégale cette façon de faire est déraisonnable et justifie l'intervention de cette Cour.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] ACCUEILLE la requête;
[36] ANNULE la décision rendue le 21 décembre 2012 par la Commission;
[37] REJETTE la plainte du mis en cause Marcel Simoneau;
[38] MAINTIENT la décision de l'employeur TIM-BR-MARTS Ltd quant au licenciement du mis en cause;
[39] Avec dépens .
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________________________________ PAUL CORRIVEAU, J.C.S. |
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M e Simon Laberge ( casier 130) |
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HEENAN BLAIKIE, avocats |
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Procureurs de la requérante |
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M e Norman Dumais (casier 90) |
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RIVEST TELLIER PARADIS, avocats |
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Procureurs du mis en cause |
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Date d’audience : |
2013-06-17 |
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