Paquin c. Club Explo-Sylva inc. |
2013 QCCQ 6963 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE |
SHERBROOKE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
450-32-015736-127 |
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DATE : |
27 juin 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MADELEINE AUBÉ, J.C.Q. |
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JEAN PAQUIN , domicilié et résidant au […], Victoriaville (Québec) […] |
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Demandeur |
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c. |
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CLUB EXPLO-SYLVA INC. , ayant un établissement au 4101, rue Radisson, Montréal (Québec) H1M 1X7 |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] N'ayant ni vu, ni abattu un caribou pendant son séjour, avec cinq autres chasseurs [1] , au camp de chasse de la défenderesse, le demandeur réclame 6 634,71 $.
[2] Il détaille sa réclamation ainsi :
· remboursement complet du forfait [2] |
4 490,00 $ |
· hôtel [3] |
48,45 $ |
· essence (82 km x 0,43 $/km) |
35,26 $ |
· permis de chasse [4] |
61,00 $ |
· troubles, pertes et inconvénients |
1 000,00 $ |
· dommages punitifs pour atteinte à sa sécurité |
1 000,00 $ |
[3] La défenderesse conteste la réclamation invoquant qu'elle a rempli toutes les obligations auxquelles elle était tenue. Elle soutient également que le demandeur était informé qu'elle ne peut être responsable de l'absence de migration de caribou sur son territoire.
[4] Subsidiairement, elle précise que le demandeur ne peut à la fois réclamer le remboursement total du forfait et, de surcroît, une réduction qu'il n'a pas payée.
[5] Le 20 mars 2008, une réservation est effectuée pour lui et cinq autres personnes pour un forfait de chasse au caribou du 29 août au 4 septembre 2009 [5] . Le coût du séjour est de 4 490 $ par personne [6] .
[6] Le dépliant publicitaire décrit le forfait en ces termes [7] :
Forfait 3 - Forfait « l'intermédiaire » plan américain modifié · Transport aller-retour par avion Montréal-Caniapiscau · Transport par hydravion de la base au camp · Gardien de camp · Tous les repas sur le site de chasse · Camp de bois équipé pour 6 chasseurs · Douche à l'eau chaude · 1 embarcation par 3 chasseurs avec moteur et essence inclus · Abri à gibier grillagé · Coton à gibier et boîtes de transport · Entrepôt réfrigéré pour la viande à Caniapiscau et à Montréal · Système de communication par satellite au camp régulier · Génératrice · Carte topographique du territoire · Limite de bagages de 60 lbs par personne à l'aller et au retour · Transport de 3 boîtes de viande de 65 lbs chacune au retour · Transport d'un panache entier ou 2 panaches coupés au retour · Coucher a l'aéroport de Caniapiscau si nécessaire · Stationnement gratuit à Montréal · Service de réception · Transfert de site de chasse conformément à notre politique · Pêche, chasse à l'ours et au petit gibier · Repas à la base de Caniapiscau NON INCLUS [Transcription conforme] |
[7] Selon la recommandation de la défenderesse [8] , le demandeur se rend à Montréal la veille du départ pour Caniapiscau [9] .
[8] À son arrivée, le demandeur apprend qu'aucun caribou ne se trouve, à ce moment, sur le territoire desservi par le camp de la défenderesse. Ni la défenderesse, ni le demandeur ne parlent de reporter le voyage.
[9] Le demandeur et ses compagnons s'installent au camp numéro 16 « Lodge Twin », situé le plus au nord [10] , avec deux aides de camp.
[10] Le 2 septembre 2009, le demandeur discute avec les aides de camp de la possibilité d'un déplacement avant la fin de son séjour, prévue le 4 septembre.
[11] Le camp de séjour du demandeur étant situé le plus au nord, la défenderesse ne leur propose pas un séjour dans un autre camp, afin de ne pas diminuer les chances de voir des caribous.
[12] Selon le demandeur, il n'y avait que trois gilets de sauvetage pour quatre personnes, dans les embarcations de plaisance. Deux gilets auraient eu une fermeture adéquate et aucune n'a de sangle de sécurité, ce que nie la défenderesse.
[13] Le demandeur et ses compagnons pouvaient, comme activité secondaire, pratiquer la pêche. Aucun incident n'est survenu.
[14] De retour à la maison, un des compagnons de chasse du demandeur fait des recherches sur la migration des caribous. Les rapports a posteriori sont accessibles au public [11] . Il contacte le responsable au ministère des Ressources naturelles et de la Faune [12] .
[15] Le 15 septembre 2010, le demandeur met en demeure la défenderesse l'enjoignant de lui rembourser la totalité du prix payé pour le forfait et payer les dommages réclamés [13] .
[16] La Loi sur la protection du consommateur s'applique à un contrat pour un bien ou un service conclu entre un commerçant et un consommateur [14] .
[17] Un contrat qui lie un client et un organisateur de voyages est soumis à la Loi sur la protection du consommateur [15] . Les dispositions suivantes de cette loi s'appliquent donc en la matière :
16. L'obligation principale du commerçant consiste dans la livraison du bien ou la prestation du service prévue dans le contrat. […]
40. Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.
41. Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.
42. Une déclaration écrite ou verbale faite par le représentant d'un commerçant ou d'un fabricant à propos d'un bien ou d'un service lie ce commerçant ou ce fabricant.
228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.
[18]
De plus, le contrat est un « contrat de services
»
au
sens du
Code civil du Québec
[16]
.
L'article
2098. Le contrat […] de service est celui par lequel une personne, [...] le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, [...] à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.
[19]
Les obligations du prestataire de services sont notamment décrites à
l'article
2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
[20] En matière de voyages, les obligations contractées sont généralement des obligations de résultat [17] .
[21] Ce type de contrat comporte cinq obligations principales [18] , à savoir un devoir :
· d'information;
· de choisir des prestataires compétents (grossistes, voyagistes, hôteliers);
· de procurer au client un voyage conforme aux prestations promises;
· de procurer un séjour sécuritaire;
· de fournir une assistance raisonnable en cas de besoin.
[22] La révision de la jurisprudence indique également que le forfait livré ou le service fourni doit être « substantiellement » conforme aux informations qui lui ont été fournies avant le départ, sans être nécessairement respectées de façon intégrale et immuable.
[23] La défenderesse a-t-elle exécuté ses obligations?
[24] Le séjour en forêt fait partie des charmes du voyage et le Tribunal n'a pas entendu de plainte sur la qualité du transport, du logement et de la nourriture au camp. Les services de la défenderesse en ces matières ne sont pas remis en cause.
[25] Le demandeur se plaint d'abord de l'état et du nombre de gilets de sauvetage. Selon le dépliant publicitaire [19] , il devait y avoir trois gilets par embarcation. La preuve étant contradictoire en ce qui concerne le nombre et l'état des gilets de sauvetage, le Tribunal ne peut conclure que le demandeur a rencontré le fardeau de preuve qui lui incombe [20] .
[26] La réclamation de dommages punitifs est rejetée puisque la preuve ne démontre pas qu'il y ait eu atteinte à la sécurité du demandeur.
[27] Le reproche principal du demandeur est lié à l'absence de caribou sur le territoire lors de son séjour et à son droit de transfert sur un autre territoire.
[28] Selon le demandeur, la défenderesse laisse croire aux chasseurs qu'ils peuvent raisonnablement s'attendre à la possibilité d'abattre deux caribous chacun et qu'ils pourraient être déplacés à un autre camp.
[29] Le demandeur n'invoque pas de représentations verbales, mais réfère aux pièces P-7 et D-1.
[30] Qu'en est-il? Le dépliant P-7 et D-1 permet de connaître l'information livrée aux chasseurs.
[31] La page frontispice contient une étiquette rouge qui indique « deux caribous par chasseur » [21] .
[32] Est-ce là une garantie? Le Tribunal ne le croit pas. Il pourrait bien s'agir d'un maximum.
[33] À la deuxième page, la mention suivante apparaît sous le titre « SUCCÈS DE NOS CHASSEURS » [22] :
La région dans laquelle sont situés nos camps de chasse est à la croisée des mouvements migratoires des caribous, qu'ils viennent de l'est ou du nord. Cette forte concentration de ces cervidés procure à nos chasseurs un succès souvent au-delà de celui que connaissent les autres sportifs chassant plus au nord. A titre d'exemple, permettez-nous de vous mentionner qu'habituellement le taux de succès de nos clients est supérieur à la moyenne de toute l'industrie. Le taux de succès de la chasse au caribou demeure le plus élevé au monde pour le gros gibier. Afin de vous assurer une chasse fructueuse, le Club Explo-Sylva, chef de file dans le domaine, vous offre un nombre record de territoires dans le Nouveau-Québec et une politique de déplacement spécifiquement adaptée aux besoins des chasseurs. [Transcription conforme] |
[34] Le demandeur soutient qu'il aurait été possible pour la défenderesse de le déplacer afin de faciliter la chasse [23] .
[35] Le dépliant P-7 et D-1 indique la politique de déplacement de la défenderesse, en ces termes :
La pourvoirie déplacera ses clients chasseurs à un autre campement s'il n'y a pas eu de caribou sur le site de chasse durant les quatres premiers jours du forfait et si les conditions météorologiques permettent le vol sécuritaire des hydravions. Le déplacement des chasseurs est cependant conditionnel à la migration du caribou sur les territoires de réserve octroyés par le gouvernement au Club Explo-Sylva Inc. Les chasseurs déplacés devront accepter, dans certains cas, une réduction des services offerts et auront droit à un (1) caribou seulement. Dans certains cas, un déplacement au début du séjour pourra être effectué si nous constatons que la migration ne passera pas sur le territoire du camp réservé; ceci sera considéré comme un déplacement. En aucun temps, le Club Explo-Sylva Inc. ne pourra être tenu responsable de l'absence de migration de caribou sur son territoire. [Transcription conforme] |
[36] La défenderesse reconnaît qu'il n'y avait aucun caribou à l'endroit où le demandeur se trouvait. Les fiches de suivi de migration de caribous pour les périodes du 11 août au 21 septembre 2009 le démontrent [24] .
[37] Ces fiches sont postérieures au moment de la chasse.
[38] Le représentant de la défenderesse produit les résultats de la chasse dans tous ses camps en 2009 [25] . Cinq caribous ont été abattus, avant l'arrivée du demandeur [26] , par les occupants qui ont utilisé un hélicoptère. Ce service n'est pas offert par la défenderesse. Le caribou est arrivé vers le camp, dans la semaine du 4 septembre 2009 [27] .
[39] Le document [28] déposé par la défenderesse démontre une variabilité de la migration des caribous au fil des ans.
[40] Le but principal du voyage du demandeur était la chasse au caribou. La défenderesse devait faire tous les efforts possibles pour diriger le demandeur vers un territoire où il y a des caribous. Il ne lui suffit pas, pour satisfaire à son obligation, d'amener ses clients chasseurs au camp de chasse [29] .
[41] Toutefois, l'offre de déplacement ne peut être interprétée comme une obligation de déplacer les chasseurs sans tenir compte de la zone la plus propice à la présence du caribou.
[42] Le Tribunal est d'avis que la défenderesse a fait tous les efforts possibles afin de mettre le demandeur en contact avec le troupeau en migration.
[43] Bien qu'elle soit tenue à une obligation de résultat, pour les services annoncés, il faut tenir compte dans un tel voyage que les prises ne sont pas garanties.
[44] Le dépliant [30] dont le demandeur a pris connaissance ne fait pas état d'une garantie de résultat de la chasse.
[45] Le Tribunal conclut que le demandeur n'a pas prouvé que la défenderesse s'est engagée à ce qu'il puisse tuer un caribou. De plus, la défenderesse a respecté l'objectif du déplacement offert, soit d'aller au meilleur site pour augmenter les chances de succès de la chasse.
[46] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[47] REJETTE la demande;
[48] CONDAMNE le demandeur à payer à la défenderesse les frais judiciaires de 199 $.
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__________________________________ MADELEINE AUBÉ, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
8 avril 2013 |
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[1] L'audition de ce dossier a été réunie avec les cinq autres dossiers suivants : 450-32-015671-118, 450-32-015737-125, 450-32-015738-123, 450-32-015739-121 et 450-32-015740-129.
[2] Pièces P-1 et P-2.
[3] Pièce P-5.
[4] Pièce P-3.
[5] Pièce P-1.
[6] Pièces P-1 et P-2.
[7] Pièces P-7 et D-1.
[8] Pièce P-4.
[9] Pièce P-5.
[10] Pièces P-7 et D-1, à la carte GPS.
[11] Pièce P-8.
[12] Pièce P-6.
[13] Pièce P-9.
[14]
Article
[15]
Trudeau
c.
Entreprises Dorette Va/Go,
[16]
Voir notamment l'opinion de Monsieur le juge Baudouin dans
Lambert
c.
La Minerve Canada, Compagnie de transport aérien inc.
,
[17] Saraïlis c. Voyages Héritage J & A inc. , préc., note 16.
[18]
Saraïlis
c.
Voyages Héritage J. & A. inc.
, préc., note 16; BAUDOUIN, Jean-Louis et DESLAURIERS, Patrice,
La Responsabilité Civile
, 6
e
édition, 2003, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1319 à 1321; lire
également dans le même sens
Faucher
c.
Voyages Terre et Monde inc.
,
[19] Pièces P-7 et D-1.
[20]
Articles
[21] Pièces P-7 et D-1.
[22] Pièces P-7 et D-1.
[23] Pièce P-6.
[24] Pièce P-8.
[25] Pièce D-5 déposée dans le dossier portant le numéro 450-32-015671-118.
[26] Pièce D-6 déposée dans le dossier portant le numéro 450-32-015671-118.
[27] Pièce D-6 déposée dans le dossier portant le numéro 450-32-015671-118.
[28] Pièce D-2 déposée dans le dossier portant le numéro 450-32-015671-118.
[29]
Ricard
c.
Club Explo-Sylva inc.
,
[30] Pièces P-7 et D-1.