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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2013-7144 |
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Date : |
22 JUILLET 2013 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me CAROL JOBIN |
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SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER, SECTION LOCALE 480 (F.T.Q.) |
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- Partie syndicale
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Et |
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AIRBOSS, PRODUITS D’INGÉNIERIE INC. |
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- Partie patronale |
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Plaignant : |
Syndicat |
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Grief : |
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480-SD-14-12 |
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Sujet : |
Affichage de poste temporaire et article 16.04 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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(Code du travail, L.R.Q., c. C-27, a.100) |
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I. LE LITIGE
[1] Le grief syndical no 480-SD-14-12 du 20 juin 2012 allègue que (S-2) :
«Suite à l’affichage en vert [ du poste ] de Monique Girard du 04-06-12, la Cie n’a pas réintégré Martine Claude qui appartient au Quartier et qui était transférée à l’Équipe de travail.»
[2] Dans sa version originale, le grief réclamait la réintégration de Martine Claude à son département d’origine, soit au Quartier, ainsi qu’un dédommagement monétaire pour la section locale du Syndicat.
[3] Ces réclamations sont abandonnées et le grief, au plan des demandes, est amendé, sans objection, pour se lire comme suit :
«Que l’arbitre déclare que l’article 16.04 s’applique en priorité dans les cas d’affichages temporaires prévus à l’article 13.15.»
[4] Il est admis que la procédure de grief a été respectée et que l’arbitre est validement saisi du grief tel qu’amendé.
[5] Les faits sont relativement simples et ils ne sont pas contestés ou contredits.
[6] Guylaine Girard et Martine Claude détenaient des postes au département « Quartier » lorsque l’Employeur a décidé d’en réduire les effectifs. Suite à la fermeture de leur poste, les deux salariées ont, le 30 mai 2012, exercé, selon leur ancienneté, leur droit de déplacement sur des postes du département « Équipe de travail » (S-4 et S-5), le tout selon les dispositions de l’article 14 (Mouvements de personnel).
[7] Tout en déplaçant dans un autre département (Équipe de travail), les deux salariées continuaient d’appartenir à leur département d’origine (Quartier). L’article 14.01 c) prévoit en effet que ce n’est qu’après deux mois de la date de son transfert qu’un salarié peut demander par écrit d’appartenir à son nouveau département. D’après la preuve, Guylaine Girard et Martine Claude n’ont pas fait une telle demande.
[8] Le 7 juin 2012, un poste impliquant un travail identique à celui qu’avaient effectué ces deux salariées a été affiché au département Quartier (S-3). Il s’agissait d’un affichage de poste temporaire au sens de l’article 13.15. Le poste en question était celui détenu par Monique Girard, absente pour plus de 4 semaines. L’affichage a eu lieu dans le département concerné (Quartier).
[9] Au moment de cet affichage, Martine Claude et Guylaine Girard, bien qu’étant en poste au département Équipe de travail, appartenaient toujours au département Quartier.
[10] À l’époque de l’affichage, Martine Claude avait plus d’ancienneté que Guylaine Girard (S-6).
[11] Guylaine Girard fut la seule salariée à poser sa candidature au poste temporaire affiché et l’Employeur lui a octroyé ce poste (S-3).
[12] Par son grief, le Syndicat soutient qu’en plus d’appliquer l’article 13.15 (i.e. « Affichage de poste temporaire »), l’Employeur se devait d’appliquer également l’article 16.04 qui prévoit que (S-1) :
«16.04 Le salarié qui aura été transféré ou réengagé dans un autre département sans apposer sa signature sur un affichage devra réintégrer le département auquel il appartenait lorsque ses services sont requis.»
[13] Plus précisément, le Syndicat considère que Martine Claude, sans poser sa candidature sur l’affichage de poste temporaire, aurait dû être rappelée à ce poste compte tenu de son ancienneté supérieure à celle de Guylaine Girard.
La convention collective
[14] Pour une meilleure compréhension des argumentations, je reproduis ci-après les dispositions (ou extraits de dispositions) de la convention collective (S-1) auxquelles elles font référence.
ARTICLE 13 - AFFICHAGE DE POSTE
13.01 Pour fins d’application de la présente clause, les parties conviennent que douze (12) jours équivalent à douze (12) quarts de travail. La Compagnie et le Syndicat pourront toutefois d’un commun accord déroger à cette règle pour les contrats militaires.
Pour combler un poste vacant ou nouvellement créé, la Compagnie procédera en respectant les étapes prévues au présent article.
(…)
(…)
13.03 L’avis d’affichage indique ce qui suit :
a) La date et l’heure du début de l’affichage et la date et l’heure de la fin de celui-ci;
b) Le titre du poste et l’identification de produit ou de production;
c) Les heures de travail;
d) Le taux de salaire;
e) Les primes, s’il y a lieu; douche, soir, nuit, jour, bonus;
f) Les qualifications requises, s’il y a lieu, tel qu’indiqué à l’Annexe G;
g) Le nom de la personne qui détenait le poste ou s‘il s’agit d’un nouveau poste;
h) Poste temporaire ou poste permanent.
13.04 Il est de la responsabilité de la Compagnie de s’assurer que chaque salarié qui est absent du travail sauf pour congé sans solde, qui travaille ailleurs que dans son département, ou qui n’a pas accès à l’affichage en raison de son horaire de travail soit informé des affichages afin de lui donner la possibilité d’exercer son droit de postuler. La Compagnie remettra copie des refus au Syndicat.
13.05 Premier affichage (département) :
Tout poste vacant ou tout nouveau poste créé par la Compagnie pour une période de plus de douze (12) jours ouvrables, sera affiché dans le département pour une durée de deux (2) jours. Tout affichage de poste devra être ouvert et en opération un minimum de quatre (4) jours ouvrables consécutifs.
Parmi les salariés qui ont soumis leur candidature, la Compagnie comble le poste en choisissant parmi les salariés du département possédant les qualifications requises selon l’ordre d’ancienneté;
Deuxième affichage (général) :
À défaut d’avoir comblé le poste selon le premier affichage, le poste sera affiché dans tous les autres départements et division pour une durée de quatre (4) jours, l’affichage débutant toujours un jeudi avant 15h00 et se terminant un lundi à 16h00.
Parmi les salariés qui ont soumis leur candidature, la Compagnie procède de la façon suivante :
a) La Compagnie comble le poste en choisissant parmi les salariés d’un autre département de la même division possédant les qualifications requises selon l’annexe G et l’ordre d’ancienneté;
b) À défaut d’avoir comblé le poste selon l’alinéa a), la Compagnie comble le poste parmi les salariés d’une autre division ayant les qualifications requises selon l’annexe G et l’ordre d’ancienneté;
c) À défaut d’avoir comblé le poste selon l’alinéa b), la Compagnie comble le poste en choisissant parmi les salariés du pool ayant les qualifications requises selon l’annexe G et l’ordre d’ancienneté;
d) À défaut d’avoir comblé le poste selon l’alinéa c), la Compagnie comble le poste en l’attribuant au plus ancien salarié du pool ayant les qualifications requises selon l’annexe I et sans égard au fait qu’il ait soumis ou non sa candidature;
e) À défaut d’avoir comblé le poste selon l’alinéa d), la Compagnie comble le poste en choisissant un candidat de l’extérieur.
(…)
13.15 Affichage de poste temporaire
a) On entend par poste temporaire tout poste laissé vacant pour une période de quatre (4) semaines et plus en raison d’une absence temporaire. Dès qu’il est apparent selon le document présenté par un salarié que son absence se prolongera au-delà de quatre (4) semaines, le poste vacant sera affiché (en vert) temporairement.
b) Ce poste doit être affiché dans le département concerné.
c) La Compagnie doit octroyer le poste au salarié qui a le plus d’ancienneté et qui a les qualifications requises pour le combler immédiatement.
d) S’il n’y a pas de salarié qualifié, la compagnie donnera une formation au salarié ayant le plus d’ancienneté qui a postulé sur l’affichage de ce poste.
e) Le salarié qui a obtenu un poste temporaire pourra soumettre sa candidature sur tout poste affiché et les règles normales d’obtention du poste seront appliquées selon les modalités du présent article.
f) Lors du retour au travail du salarié absent, chacun retourne à son occupation d’origine.
(…)
ARTICLE 14 - MOUVEMENTS DE PERSONNEL
14.01
a) Un salarié peut déplacer à un autre poste de travail permanent ou temporaire, (vert) dans les cas suivants :
- Fermeture de son poste;
- Fermeture de son département;
- Fermeture de sa division;
- Ou parce qu’il a été déplacé par un autre salarié.
A le droit de déplacer un salarié qui possède moins d’ancienneté effectuant un travail pour la Compagnie prévu pour une durée de plus de douze (12) jours ouvrables en autant qu’il possède les qualifications requises, ou dans le cas de la division industrielle, dans une occupation prévue pour moins de douze (12) jours ouvrables pour laquelle il a les qualifications requises pour le combler immédiatement. Si la Compagnie a mal évalué la durée du travail et par conséquent, induit le salarié en erreur, la compagnie doit dédommager le salarié en lui versant le salaire perdu pour la période concernée.
Il est entendu que l’ordre dans lequel un salarié doit exercer ses droits prévus au présent paragraphe est le suivant :
1. à l’intérieur de son département à 100% de son ancienneté;
2. à l’intérieur de sa division à 100% de son ancienneté;
3. à l’intérieur de l’autre division à 100% de son ancienneté.
b) Le salarié qui ne peut ou qui ne veut exercer son droit de déplacer un autre salarié sera mis à pied comme surplus de main-d’œuvre jusqu’à ce que les besoins de la Compagnie requièrent à nouveau ses services.
c) Après deux (2) mois si le salarié en fait la demande par écrit il appartiendra à son nouveau département et toute son ancienneté lui sera reconnue. Le rappel du salarié dans son département d’origine pour une période de moins de 12 jours n’aura pour effet d’interrompre l’accumulation du temps couru pour l’acquisition du deux (2) mois prévue à la présente clause.
(…)
ARTICLE 16 - AFFECTATION TEMPORAIRE
16.01 La Compagnie ne sera pas tenue de suivre les dispositions des articles se rapportant à l’ancienneté lorsque des salariés seront absents pour cause de maladie, d’accident ou d’assignation temporaire pour une période de temps inférieure à quatre (4) semaines de calendrier. Le poste sera affiché tel que prévu à la clause 13.15.
(…)
(…)
16.03 La Compagnie ne sera pas obligée de suivre les règles d’ancienneté quand il s’agira de combler des absences temporaires. Faute de volontaire, la Compagnie affectera le plus jeune salarié qualifié de ce quart de travail et de ce département.
16.04 Le salarié qui aura été transféré ou réengagé dans un autre département sans apposer sa signature sur un affichage devra réintégrer le département auquel il appartenait lorsque ses services seront requis.
16.05 Tout salarié qui sera affecté temporairement à un ouvrage autre que son travail régulier, recevra le taux de l’occupation à laquelle il est affecté ou son taux régulier si celui-ci est plus élevé. Telle affectation temporaire ne pourra être faite sans motif valable et ne devra pas excéder une période de dix-huit (18) jours ouvrables consécutifs; cependant cette période de dix-huit (18) jours ouvrables pourra être prolongée par entente mutuelle entre les parties.
La compagnie procédera en assignant les salariés à sa guise en autant qu’un tel salarié est volontaire pour accepter le transfert proposé faute de volontaire, le plus jeune qualifié sur l’équipe sera affecté;
(…)
II. ARGUMENTATIONS
Partie syndicale
[15] La partie syndicale considère qu’il faut interpréter les dispositions de la convention collective les unes par rapport aux autres. Ainsi, l’article 13 traite de l’affichage de postes dans diverses situations. À l’article 13.05 relatif à l’affichage de tout poste vacant ou nouvellement créé, deux étapes sont prévues, à savoir : d’abord, au niveau du département (1 er affichage) puis, si nécessaire, au niveau général (2 e affichage). Dans chacun de ces cas, il est expressément prévu que le poste sera attribué « parmi les salariés qui ont soumis leur candidature ».
[16] En comparaison, à l’article 13.15 qui vise spécifiquement l’affichage de poste temporaire (ce qui est le cas ici), on prévoit plutôt, à 13.15 c), que « la Compagnie doit octroyer le poste au salarié qui a le plus d’ancienneté et qui a les qualifications requises (…) ». Il n’est pas question de l’octroyer parmi les candidats qui ont postulé.
[17] Cette particularité s’explique du fait, qu’à l’article 16.04, on prévoit que le salarié transféré dans un autre département « sans apposer sa signature sur un affichage devra réintégrer le département auquel il appartenait lorsque ses services sont requis ». C’était le cas de Martine Claude.
[18] Il n’y a pas contradiction entre l’article 13.15 et l’article 16.04. Ces deux dispositions sont complémentaires et on doit les interpréter de manière à ce que l’application de l’article 13.15 n’empêche pas l’application de l’article 16.04.
[19] Martine Claude a supplanté dans un autre département (Équipe de travail). Durant les deux premiers mois suivants, elle gardait son appartenance à son département d’origine (Quartier) selon l’article 14.01 c). Cette disposition prévoit qu’elle peut être rappelée à son département d’origine pour une période de moins de 12 jours sans que cela n’affecte la continuité de la période de 2 mois durant laquelle elle continue d’appartenir à son département d’origine. Si un tel rappel est envisagé, c’est en raison de l’article 16.04. C’est aussi une possibilité prévue par la convention collective et il n’est toujours pas question de postuler sur un affichage
[20] Martine Claude appartenait encore au département Quartier lorsque des services furent requis dans le département (i.e. en raison de l’absence de Monique Girard). Elle n’avait pas à faire acte de candidature. Elle devait être réintégrée à son département. L’Employeur n’avait pas discrétion pour décider de cette réintégration. C’est la règle de l’ancienneté qui s’appliquait et Martine Claude en avait davantage que Guylaine Girard.
[21] L’Employeur admet que si Martine Claude avait appliqué, il aurait dû lui attribuer le poste temporaire en raison de son ancienneté supérieure à celle de Guylaine Girard. C’était aussi sa responsabilité d’informer Martine Claude de l’existence d’un affichage pour lui permettre de postuler.
Partie patronale
[22] Il y a eu affichage de poste temporaire en raison d’une absence de plus de 4 semaines. Dans un tel cas, l’Employeur se devait d’appliquer l’article 13.15, c’est-à-dire de procéder à l’affichage. La partie syndicale soutient qu’il fallait en plus appliquer l’article 16.04. Rien n’autorise une telle interprétation pour divers motifs.
[23] En premier lieu, la convention collective prévoit expressément une procédure lorsqu’un poste est temporairement vacant en raison d’une absence de plus de 4 semaines. L’article 13.15 s’applique alors et rien ne suggère qu’il faille recourir à d’autres dispositions. L’article 13.15 constitue un ensemble complet et autonome visant spécifiquement « l’affichage d’un poste temporaire ». Ce poste « doit » être affiché (para. b), et ce, dans le département concerné (Quartier). La partie syndicale élude cette obligation en soutenant que l’Employeur devrait aller chercher ou rappeler une salariée plus ancienne qui se trouvait dans un autre département pour lui imposer de revenir dans son département d’origine afin d’occuper un poste temporairement vacant.
[24] Ainsi, l’Employeur doit afficher le poste et l’octroyer au salarié le plus ancien qui est qualifié (para. c). Ce paragraphe (c) se situe dans la suite logique du paragraphe précédent (b) qui oblige de procéder à l’affichage. Il en découle que le poste sera nécessairement octroyé à un salarié parmi ceux qui ont posé leur candidature à l’affichage. Le paragraphe d) vient le confirmer lorsqu’il stipule que si aucun salarié n’est qualifié, « la compagnie donnera une formation au salarié ayant le plus d’ancienneté qui a postulé sur l’affichage de ce poste .»
[25] En second lieu, il est erroné de soutenir que l’article 16.04 pouvait s’appliquer en l’espèce. L’article 16.04 fait partie de l’article 16 qui traite des « Affectations temporaires » et qui s’applique à des périodes de temps inférieures à 4 semaines (16.01).
[26] Le raisonnement de la partie syndicale est biaisé. Il isole l’article 16.04 de son contexte puis il l’importe dans un autre. Il établit un lien entre les articles 14.01 c) et 13.15 sans pertinence.
[27] Enfin, la procureure évoque certains éléments parallèles. Martine Claude n’a pas soumis de grief. Si l’Employeur, suivant l’interprétation du Syndicat, lui avait imposé un retour dans son département d’origine, Martine Claude aurait pu faire grief en invoquant qu’on ne pouvait lui imposer un tel transfert compte tenu de son rang d’ancienneté. De fait, l’interprétation syndicale tendrait à limiter les droits découlant de l’ancienneté de Martine Claude.
[28] Dans le présent cas, l’ancienneté de Martine Claude lui donnait plus de liberté et de choix. Face à un affichage de poste temporaire, elle avait le choix, soit de postuler (donc de faire jouer son ancienneté prioritaire pour obtenir le poste), soit de ne pas postuler et de conserver librement le poste qu’elle détenait au département Équipe de travail.
III. ANALYSE ET DÉCISION
[29] La preuve, non contredite, démontre qu’il y a eu absence pour une durée de plus de 4 semaines de Monique Girard, titulaire d’un poste au département Quartier.
[30] La convention collective traite spécifiquement d’un tel cas à son article 13.15 intitulé « Affichage de poste temporaire ». À son paragraphe a), le poste temporaire est défini comme un poste laissé vacant pour une période de 4 semaines ou plus en raison d’une absence temporaire, ce qui est bien le cas de la situation créée par l’absence de Monique Girard. Il est expressément prévu qu’un tel « poste vacant sera affiché (en vert) temporairement » (para. a) et que l’affichage « doit » avoir lieu dans le département concerné (para. b), soit, ici, le Quartier.
[31] Jusqu’ici les parties s’entendent. L’article 13.15 doit s’appliquer.
[32] Le litige prend forme autour de l’attribution du poste. L’article 13.15 c) stipule que :
«La compagnie doit octroyer le poste au salarié qui a le plus d’ancienneté et qui a les qualifications requises pour le combler immédiatement.»
[33] La partie syndicale estime que cette disposition, contrairement à ce qui est prévu lors de l’affichage régulier d’un poste vacant ou nouvellement créé (i.e. poste non temporaire) à l’article 13.05, n’exige pas que le poste soit attribué « parmi les salariés qui ont soumis leur candidature ».
[34] Avec respect, je considère que cette prétention n’est pas fondée. D’une part, il m’apparaît implicite de conclure que s’il y a affichage, c’est que, logiquement, le but est de susciter des candidatures. Le libellé de l’affichage S-3 ne permet aucun doute à ce sujet lorsqu’on y lit, entre autres :
«Affichage de poste temporaire
Conformément à l’article 13.15
Avis est donné que l’opération décrite ci-dessous est vacante.
(…)
Au poste de : Monique Girard
Tout candidat qui désire remplir cette opération devra s’inscrire au plus tard le 4 juin 2012 avant 13h30.
[ Suit un espace où les employés intéressés peuvent inscrire leur nom; le seul y apparaissant étant celui de Guylaine Girard ].»
[35] Si un doute pouvait subsister, le paragraphe d) de l’article 13.15 le dissipe (mon soulignement) :
«d) S’il n’y a pas de salarié qualifié, la compagnie donnera une formation au salarié ayant le plus d’ancienneté qui a postulé sur l’affichage de ce poste .»
[36] On ne peut déduire autre chose des paragraphes c) et d) faisant partie d’un même mécanisme que l’octroi du poste se fait à partir des candidatures reçues et non autrement, du moins lorsqu’on applique l’article 13.15. Le poste doit être octroyé au candidat le plus ancien qui est qualifié et qui a postulé et, si aucun candidat n’est qualifié, le salarié le plus ancien qui a postulé aura droit à une formation pour occuper le poste temporaire.
[37] Les principes sous-jacents m’apparaissent clairs. Le poste temporaire doit faire l’objet d’un affichage, donc d’un appel à des candidatures volontaires et l’ancienneté présidera à l’octroi du poste, soit dans le cas où il y a plusieurs candidats qualifiés, soit dans le cas où aucun des candidats n’est qualifié.
[38] Le poste étant temporaire, celui qui l’obtient pourra soumettre sa candidature sur tout autre poste affiché (13.15, para. e) et la boucle est bouclée lorsque le salarié temporairement absent est de retour à son poste : « chacun retourne à son occupation d’origine » (13.15, para. f).
[39] L’argument majeur de la partie syndicale se fonde sur l’article 16.04. Pour le Syndicat, l’article 16.04 doit s’appliquer concurremment et, en définitive, prioritairement par rapport à l’article 13.15. Ces deux articles seraient complémentaires en ce que l’applicabilité de l’article 13.15 n’exclurait pas l’application de l’article 16.04. Cela aurait comme effet, en l’espèce, que le poste temporaire devrait être octroyé à Martine Claude qui a une ancienneté supérieure à celle de Guylaine Girard, et ce, même si Martine Claude n’a pas posé sa candidature sur l’affichage S-3.
[40] L’article 16.04 fait partie de l’article 16 portant sur l’« Affectation temporaire ». L’article 16.01 nous place dans le contexte suivant (mon soulignement) :
«16.01 La Compagnie ne sera pas tenue de suivre les dispositions des articles se rapportant à l’ancienneté lorsque des salariés seront absents pour cause de maladie, d’accident ou d’assignation temporaire pour une période inférieure à quatre (4) semaines de calendrier . Le poste sera affiché tel que prévu à la clause 13.15.»
[41] Les dispositions de l’article 16 traitant de l’affectation temporaire visent clairement une situation distincte de celles de l’article 13.15 concernant l’affichage de poste temporaire. L’article 16 s’applique à des absences de moins de 4 semaines et la règle d’ancienneté ne lie pas la Compagnie en un tel cas. Par contre, l’article 13.15 s’applique à des absences de 4 semaines et plus et, comme on l’a vu plus haut, la Compagnie « doit octroyer le poste au salarié qui a le plus d’ancienneté » (para. c).
[42] Il y a donc lieu de douter, dès le départ, que les dispositions contenues dans l’article 16, ayant pour objet l’affectation temporaire , puissent s’appliquer concurremment à celles de l’article 13.15 qui traite du poste temporaire . Il est possible que, dans les premières 4 semaines d’une absence, l’article 16 s’applique mais, dès que cette durée est franchie (ou dès que l’on saura qu’elle sera excédée), c’est l’article 13.15 qui doit s’appliquer.
[43] Ceci étant posé, examinons de plus près la suite de l’article 16.
[44] L’article 16.03 réitère que la Compagnie ne sera pas tenue de suivre les règles d’ancienneté lorsqu’il s’agira de combler des absences temporaires. On ajoute que « faute de volontaire, la Compagnie affectera le plus jeune salarié qualifié de ce quart de travail et de ce département ».
[45] Vient ensuite l’article 16.04 qu’invoque ici le Syndicat qui y voit la source de l’obligation de l’Employeur d’attribuer le poste temporaire à Martine Claude qui n’a pas postulé sur l’affichage S-3.
[46] Cette disposition stipule (S-1) :
«16.04 Le salarié qui aura été transféré ou réengagé dans un autre département sans apposer sa signature sur un affichage devra réintégrer le département auquel il appartenait lorsque ses services seront requis.»
[47] En premier lieu, rappelons que nous sommes ici, avec l’article 16.04, en contexte d’affectation temporaire et que c’est ce que les règles de l’article 16 veulent régir. À cet égard, un constat s’impose. Martine Claude, au moment où s’ouvre un poste temporaire, n’est pas en assignation temporaire. Son poste au département Quartier a été aboli et elle a exercé son droit de déplacement selon son ancienneté qui l’a amenée à occuper un poste au département Équipe de travail (S-5), et ce, en vertu de l’article 14.01. Elle n’est donc pas une salariée « qui aura été transférée ou réengagée dans un autre département sans apposer sa signature sur un affichage » au sens de l’article 16.04, c’est-à-dire dans le cadre d’une assignation temporaire.
[48] Par ailleurs, l’article 16.04, traitant du salarié transféré en assignation temporaire, prévoit qu’il sera réintégré à son département d’appartenance « lorsque ses services seront requis ».
[49] Peut-on qualifier l’absence de Monique Girard pour une durée de plus de 4 semaines comme une situation où les services de Martine Claude étaient requis? Je crois qu’il faut répondre par la négative en raison du fait que, dans un cas comme celui de l’absence de Monique Girard, les parties ont expressément prévu un mécanisme de création d’un poste temporaire soumis à une procédure d’affichage (art. 13.15).
[50] En somme, j’en viens à la conclusion que l’article 16.04 ne peut s’appliquer alternativement ou concurremment à l’article 13.15 et que l’article 16.04 est invoqué ici hors de son contexte qui est celui d’une affectation temporaire. Il n’y a pas complémentarité entre ces règles qui visent des situations bien distinctes.
[51] Par ailleurs, l’expression « devra réintégrer le département auquel il appartenait lorsque ses services seront requis » signifie, dans le contexte de l’article 16 (affectation temporaire), que l’Employeur a la faculté d’imposer au salarié le retour à son département d’origine. Si cette disposition s’appliquait à Martine Claude, elle aurait l’obligation d’occuper le poste temporaire et non pas le droit de l’occuper. Une telle approche semble totalement antinomique et contradictoire avec ce qui m’apparaît être la volonté des parties à l’article 13.15. Selon le mécanisme prévu à cet article, Martine Claude avait le choix de poser sa candidature et d’ainsi faire valoir son ancienneté. En ne le faisant pas, elle choisissait de demeurer sur le poste où elle avait été déplacée et l’Employeur ne pouvait lui imposer de revenir au département Quartier.
[52] On notera qu’autant en matière d’affichage de poste temporaire qu’en matière d’affectation temporaire, les parties privilégient le volontariat et l’ancienneté. En matière de poste temporaire, il se manifeste par le fait de postuler sur un affichage (art. 13.15). En matière d’assignation temporaire, on fait appel au volontariat (art. 16.03 et 16.05) et ce n’est que faute de volontaire que l’on affectera « le plus jeune salarié qualifié ».
[53] L’interprétation syndicale va à l’encontre de ces principes et aurait pour résultat de rendre inopérant l’article 13.15 qui est pourtant clairement applicable ici et qui doit produire ses effets selon la volonté des parties.
[54] Pour toutes ces raisons, j’en viens donc à la conclusion que l’article 16.04 ne s’applique pas en priorité dans les cas d’affichages temporaires prévus à l’article 13.15.
IV. DISPOSITIF
POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE REJETTE LE GRIEF SYNDICAL No 480-SD-14-12.
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________________________________ __ Me Carol Jobin, arbitre |
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Pour la partie syndicale : |
M. Don Mckay (SCEP) |
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Pour la partie patronale : |
Me Béatrice Arronis (Miller, Thomson) |
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Nomination : |
par les parties, 29 août 2012 |
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Audience : |
Saint-Hyacinthe, 28 juin 2013
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ANNEXE : COMPOSITION DU DOSSIER
A) Pièces
S-1 Convention collective 2012-2014
S-2 Grief no 480-SD-14-12, Syndicat (21-06-12)
S-3 Affichage (en vert) de poste temporaire, poste de Monique Girard (07-06-12)
S-4 Avis de déplacement, Guylaine Girard (30-05-12)
S-5 Avis de déplacement, Martine Claude (30-05-12)
S-6 Liste d’ancienneté, Quartier - Couture - Masque (30-04-12)
E-1 Rapport des événements, Martine Claude (du 12-06-06 au 21-08-12)
B) Témoins
- M. Sylvain Langelier, remplaçant général et trésorier du Syndicat
- M. Gilles Simard, directeur des ressources humaines