Bégin c. Silencieux R.L. Carline

2013 QCCQ 7612

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-024020-115

 

DATE :

6 juin 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

DENIS LE RESTE, J.C.Q.

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RICHARD BÉGIN,

Partie demanderesse

c.

SILENCIEUX R.L. CARLINE,

Partie défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            Le demandeur réclame 806,45 $ de la défenderesse pour les bris occasionnés par cette dernière au système de climatisation de son véhicule.

 

LES FAITS:

[2]            Voici les faits les plus pertinents retenus par le Tribunal.

[3]            Le demandeur décrit la chronologie des événements comme suit.

[4]            Au début mai 2011, il se rend chez la défenderesse pour qu'on vérifie le système de climatisation de son véhicule.

[5]            Il leur explique que l'air climatisé ne fonctionne que par intermittence.

[6]            Le mécanicien de la défenderesse touche à des tuyaux à proximité du moteur et de l'air climatisé et indique au demandeur qu'il est froid.

[7]            Le demandeur les informe que ce jour-là, l'air climatisé fonctionne, mais que la veille, ce n'était pas le cas.

[8]            Le mécanicien lui demande de prendre rendez-vous pour la semaine suivante.  C'est le 9 mai 2011 que le rendez-vous est fixé.

[9]            Le mécanicien de défenderesse ajoute alors du colorant au système de climatisation pour vérifier s'il y a une fuite.  Une facture de 17,09 $ du 9 mai 2011 est assumée par le demandeur à ce titre.

[10]         Un autre rendez-vous est fixé pour le 12 mai afin de vérifier le résultat des tests avec le colorant.  Le mécanicien de la défenderesse utilise une lampe à lumière ultraviolette sur l'ensemble du système de climatisation.  Il procède alors à la récupération du gaz par succion avec un appareil spécialisé.

[11]         Par la suite, le véhicule est soulevé pour que le mécanicien puisse, par le dessous, faire certaines vérifications.

[12]         Le mécanicien déboulonne le support reliant les tuyaux au châssis.  Un support relie la jonction du tuyau à deux endroits.  Le mécanicien ayant de la difficulté à procéder, il demande à un autre mécanicien de l'aider.  On utilise ensuite une torche à oxycoupage pour surchauffer la pièce afin que les tuyaux se séparent des pièces mécaniques.

[13]         Selon le demandeur, la surchauffe à l'aide de cet appareil a eu comme conséquence de couper l'acier de façon à permettre au mécanicien d'avoir accès au tuyau.  Il a nettoyé l'intérieur et fait installer un nouveau support métallique à l'aide de boulons.

[14]         Certaines pièces étant endommagées, le mécanicien utilise des tiges de rapprochement en plastique pour maintenir en place des composantes du système de climatisation.

[15]         Après la réparation effectuée, on descend le véhicule au sol et on ajoute du gaz de type «R-134A».

[16]         On demande par la suite au demandeur de mettre en marche son véhicule et l'air climatisé.  Un nuage de vapeur apparaît et il arrête aussitôt le moteur.

[17]         On soulève de nouveau le véhicule et on constate qu'un liquide verdâtre s'échappe d'un des embouts des tuyaux.  Le mécanicien va, par la suite, discuter avec un autre préposé de la défenderesse.

[18]         Après un certain temps, il reçoit un fax de Vimont Toyota.  En fait, ce document est un diagramme du système de climatisation où certaines composantes sont encerclées.  On remplace alors une pièce et le demandeur assume une facture de 82,03 $.  Le demandeur quitte ensuite les lieux.

[19]         Plus tard, le demandeur a requis les services de Vimont Toyota Laval puisqu'il estime que certaines pièces ont été endommagées par le mécanicien de la défenderesse.

[20]         En fait, nous pouvons voir que le jour même du 12 mai 2011, il a acheté certaines pièces totalisant 428,02 $ chez ce concessionnaire Toyota.

[21]         La réclamation de 806,45 $ est composée de ce déboursé et des montants suivants:

-         82,03 $ pour le travail mal exécuté;

-         136,80 $ pour 1,75 heure de travail effectué par le demandeur lui-même; et

-         159,60 $ pour le remplissage du système d'air climatisé (gaz fréon).

 

[22]         En résumé, le demandeur estime que lors de travaux, le mécanicien de la défenderesse a endommagé d'autres pièces qu'il a dû acheter et remplacer lui-même.

[23]         Pour sa part, le représentant de la défenderesse conteste la réclamation.  Il explique qu'il s'agit d'un Toyota Corolla de l'année 1996 et que le demandeur ne l'avait pas, selon lui, entretenu convenablement.

[24]         On explique que le demandeur s'est présenté à leur commerce en sachant très bien quelles pièces précisément il voulait que leur mécanicien remplace.

[25]         Le demandeur leur aurait mentionné qu'il avait lui-même essayé d'enlever certaines pièces et de procéder à leur remplacement, mais il en avait été incapable.

[26]         La défenderesse soutient que c'est le demandeur à ce moment-là qui a endommagé son propre véhicule.

[27]         Le représentant de la défenderesse prétend que le demandeur a refusé qu'on effectue un test d'étanchéité à l'azote du système de réfrigération de son véhicule.  Il a insisté pour qu'on change uniquement un joint entre les deux tuyaux et que le test d'étanchéité n'était pas nécessaire.

[28]         Devant l'incapacité du mécanicien à retirer le tuyau, on aurait expliqué au demandeur qu'il fallait changer la pièce.  C'est celle qui a été commandée par le demandeur chez Vimont Toyota la même journée.  Ce n'est pas le représentant de la défenderesse qui l'aurait endommagée;  cette pièce étant depuis fort longtemps détruite entièrement par la corrosion.

[29]         Dans sa défense, la défenderesse écrivait ceci (pièce D-1):

« (…) Je conteste cette demande basé sur la mauvaise foi du demandeur:

1-Le demandeur s'est présenté au garage avec un système d'air climatisé non fonctionnel, il ne m'a demandé aucune réparation sur son véhicule ni sur son système d'air climatisé, sa seule demande était de changer un joint en particulier, il savait exactement lequel.

2-Son refus de faire un test d'étanchéité avant de changer le joint,

3-Pourquoi n'est-il pas venu nous voir avant d'aller ailleurs pour ensuite nous refiler la facture cela aurait été plus simple

4-Il a choisi un garage de son choix ou il a payé un prix beaucoup plus chers que le prix que je lui ai donné au premier rendez-vous (…) » (sic)

 

[30]         En fait, le représentant de la défenderesse explique que leur travail était pourtant garanti et que le demandeur ne leur a pas laissé le temps de s'ajuster ou de remplacer les pièces qui, théoriquement, auraient pu être endommagées par un de leurs mécaniciens.

[31]         C'est donc dire que la défenderesse invoque le fait que le demandeur ne les a pas avisés ou mis en demeure avant de faire effectuer les travaux ou les réparations ailleurs.

 

LE DROIT APPLICABLE:

[32]         Le Tribunal souligne l'article 1458 du Code civil du Québec .

1458.   Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés.

 

Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

 

[33]         Le Tribunal souligne également les articles 176 et 177 de la Loi sur la protection du consommateur [1] .

176.   Une réparation est garantie pour trois mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint. La garantie prend effet au moment de la livraison de l'automobile.


177.   La garantie prévue à l'article 176 ne couvre pas un dommage qui résulte d'un usage abusif par le consommateur après la réparation.

 

[34]         L'honorable Alain Désy, j.c.Q., dans sa décision Couture-Poulin c. Performance NC inc. [2] écrit:

[29]             Dans le cas d'un bris ou d'une usure dite prématurée, le réclamant doit faire une démonstration minimale de la détériorisation pour que la Cour soit en mesure de statuer si elle est vraiment prématurée, et ainsi forcer le commerçant à s'exonérer du problème qui lui est reproché.

[30]             Est-il nécessaire de rappeler que même si la garantie obligatoire des articles 159 et 164 de la Loi sur la protection du consommateur est expirée, les protections prévues aux articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur demeurent d'application quant à la durabilité et à l'usage normalement destiné du bien vendu, et ces deux derniers articles cités de loi ne sont pas nécessairement conséquents d'un vice caché.

[31]             Citons maintenant l'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur que le consommateur peut invoquer lorsque le commerçant a enfreint une des dispositions prévues à la Loi sur la protection du consommateur.

   272.   Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas :

a) l'exécution de l'obligation;

b) l'autorisation de la faire exécuter aux  frais du commerçant ou du fabricant;

c) la réduction de son obligation;

d) la résiliation du contrat;

e) la résolution du contrat; ou

f) la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

[32]             Il importe également de signaler que le commerçant a droit à la dénonciation du vice et à la mise en demeure avant que le consommateur ne procède aux réparations, le tout sujet aux limites de l'article 1597 du Code civil du Québec.

   1597.  Le débiteur est en demeure de plein droit, par le seul effet de la loi, lorsque l'obligation ne pouvait être exécutée utilement que dans un certain temps qu'il a laissé s'écouler ou qu'il ne l'a pas exécutée immédiatement alors qu'il y avait urgence.

Il est également en demeure de plein droit lorsqu'il a manqué à une obligation de ne pas faire, ou qu'il a, par sa faute, rendu impossible l'exécution en nature de l'obligation; il l'est encore lorsqu'il a clairement manifesté au créancier son intention de ne pas exécuter l'obligation ou, s'il s'agit d'une obligation à exécution successive, qu'il refuse ou néglige de l'exécuter de manière répétée. »

(Références omises)

 

ANALYSE ET DISCUSSION:

[35]         Le Tribunal estime que la preuve prépondérante démontre que le demandeur a agi sans mettre en demeure la défenderesse de procéder aux réparations requises par l'état de son véhicule.

[36]         Le demandeur a agi trop rapidement en se faisant justice lui-même.  Les travaux de réparation effectués par la défenderesse comportaient une garantie en vertu de la Loi sur la protection du consommateur et du Code civil du Québec . Le demandeur devait tout simplement alors requérir de la défenderesse qu'on respecte la garantie.

[37]         Au contraire, le jour même des réparations effectuées par la défenderesse, le demandeur a commandé chez Vimont Toyota d'autres pièces qu'il a, par la suite, lui-même remplacées.  Le demandeur ne pouvait pas agir ainsi et il se devait d'exiger de la défenderesse qu'elle procède elle-même aux travaux correctifs.

[38]         Le demandeur n'a pas respecté les paramètres de la loi et le Tribunal, en pareilles circonstances, ne peut accueillir la réclamation.

[39]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[40]         REJETTE la réclamation.

[41]         CONDAMNE le demandeur à rembourser à la défenderesse les frais de sa contestation au montant de 105 $.

 

 

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DENIS LE RESTE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

16 avril 2013

 



[1] L.R.Q., c. P-40.1.

[2] 2012 QCCQ 1264 .