Jean-Louis c. Banque Nationale du Canada |
2013 QCCQ 7696 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-122401-104 |
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DATE : |
25 juin 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
GILSON LACHANCE, J.C.Q. |
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VANIA JEAN-LOUIS |
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Partie demanderesse
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c.
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BANQUE NATIONALE DU CANADA |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse Vania Jean-Louis réclame à la défenderesse la Banque Nationale du Canada la somme de 7000 $ en remboursement partiel de retraits faits frauduleusement dans son compte bancaire.
[2] La Banque Nationale du Canada conteste la réclamation en ces termes :
Faits
[3] La demanderesse fait affaires avec la défenderesse depuis environ trente (30 ans).
[4] Elle détient une carte débit de la Banque Nationale du Canada.
[5] Elle est infirmière et elle travaille durant la nuit.
[6] Elle n’a jamais perdu de carte et ne s’est pas fait voler de cartes.
[7] Elle prend des précautions lors de l’utilisation de sa carte car elle cache la composition du NIP.
[8] Elle n’a jamais dévoilé son NIP soit verbalement ou par écrit.
[9] Le Tribunal croit qu’il s’agit d’une personne honnête.
[10] Des prélèvements automatiques ont eu lieu au guichet automatique dans son compte surtout la nuit pendant qu’elle travaillait.
[11] Le 14 mai 2009, elle s’est aperçue qu’il y avait eu des transactions frauduleuses dans son compte aux dates et pour les montants ci-après détaillés.
16 mars 2009 200 $
17 mars 2009 200 $
17 mars 2009 200 $
17 mars 2009 100 $
20 mars 2009 500 $
23 mars 2009 300 $
13 avril 2009 200 $
13 avril 2009 100 $
13 avril 2009 200 $
13 avril 2009 260 $
13 avril 2009 500 $
20 avril 2009 300 $
24 avril 2009 400 $
30 avril 2009 500 $
1 er mai 2009 500 $
7 mai 2009 500 $
11 mai 2009 300 $
14 mai 2009 500 $
Total 5 760 $
[12] Suite à la dénonciation, le 15 mai, la défenderesse lui a émis une nouvelle carte.
[13] La demanderesse reproche le manque de suivi et de vigilance par la défenderesse.
[14] Même après l’émission d’une nouvelle carte, des retraits frauduleux ont eu lieu ainsi détaillés.
19 mai 2009 400 $
19 mai 2009 400 $
21 mai 2009 400 $
25 mai 2009 500 $
28 mai 2009 500 $
29 mai 2009 500 $
Total 2 300 $
[15] À l’endroit où les retraits ont eu lieu, il n’y avait aucune caméra ou gardien de sécurité.
[16] La défenderesse refuse de rembourser les montants perdus par la demanderesse car les faits et les éléments portés à sa connaissance ne permettent pas de conclure que ces transactions ont été faites sans le consentement de la demanderesse.
[17] La défenderesse se base sur l’entente de service à laquelle la demanderesse a adhéré lors de l’émission de la carte de débit. Cette entente est intitulée « Convention d’émission et d’utilisation des services bancaires automatisés » et elle prévoit notamment ceci :
[18] De plus, la défenderesse fait appel aux Renseignements généraux et Convention de la Banque Nationale produits comme pièce D-2 et qui prévoit :
« Vous avez le devoir de vérifier les inscriptions à vos comptes.
Cette vérification doit également être faite chaque mois en ce qui a trait au relevé mensuel que nous vous expédions à votre dernière adresse inscrite.
«
À l’item La vérification des inscriptions à mes
comptes, il est prévu :
[19] Au mois de décembre 2009, la demanderesse a refusé l’offre faite par l’Ombudsman de la Banque Nationale de 1 100 $.
Analyse
[20] Mon collègue, le Juge Daniel Dortelus, dans la cause Nathacha Yanovela Daméus c. Banque Royale du Canada [1] a fait une revue de la jurisprudence.
[21] Le Tribunal est d’accord avec ce jugement.
[22] Dans le présent cas, aucune faute n’a été prouvée contre la demanderesse.
[23] Elle n’est pas liée aux transactions frauduleuses.
[24] Ces transactions frauduleuses ne sont pas expliquées mais ce manque d’explication ne peut établir une faute pour la demanderesse.
[25] Par contre, elle a manqué dans les 30 jours du relevé du 4 avril 2009 d’avertir la banque parce qu’elle ne s’en est pas aperçu avant le 14 mai 2009.
[26] Pour la première carte, si elle s’était aperçue des transactions frauduleuses avant la date limite du 4 mai 2009, elle aurait évité la réclamation pour les 7, 11 et 14 mai 2009, soit 1 300 $.
[27] Pour la deuxième carte, cette question ne se pose pas.
[28] Comme l’a écrit le juge Dortelus dans la cause cité précédemment :
[
50
]
La Convention liant les parties est un contrat
d’adhésion. Dans un tel contrat, est abusive toute clause qui désavantage
l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable allant ainsi à l’encontre
de ce qu’exige la bonne foi, c’est ce que prévoit l’
article
[ 51 ] La portée de la clause 5 de la Convention, tel qu’invoquée et soutenue par la Banque est de rendre Madame Daméus responsable des transactions frauduleuses dans lesquelles, elle n’a aucune implication et pour lesquelles, sa faute contractuelle n’a aucun lien de causalité; dans ce cas, Il s’agit d’une clause abusive qui rend nulle l’obligation pour Madame Daméus d’assumer ces transactions frauduleuses, selon le Tribunal. [2]
[29] Malgré que l’enlèvement de la somme de 1 300 $ aurait peu d’influence sur le jugement, puisque le montant initial était de 8 060 $, le Tribunal est d’accord avec le jugement de la juge Eliana Marengo dans la cause Éric Helene c. La Banque Toronto-Dominion :
[ 16 ] Le contrat conclu avec une banque et la convention d'utilisation qui y est rattachée constitue clairement un contrat d'adhésion.
[ 17 ] Telle que libellée, la clause reproduite précédemment fait effectivement peser sur le titulaire du compte et de la carte de débit une responsabilité absolue en cas d'incident et ce, dès le 30è jour suivant l'envoi du relevé. Ainsi, après 30 jours, le contenu du relevé et du livret sont "considérés comme exacts". À la fin de cette période, la banque se considère comme libérée de toute réclamation pour négligence, abus de confiance ou autre.
[
18
]
L'
article
« 1437. La clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible.
Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci.»
[ 19 ] L'effet de la clause du contrat est de ni plus ni moins établir une présomption de responsabilité envers l'adhérent. Or, lue comme telle, cette clause pourra dans certaines circonstances désavantager clairement de façon excessive et déraisonnable le client de la banque.
[ 20 ] Certes, il est clair que dans un soucis de mitigation des dommages et dans une optique de bonne foi, l'adhérent doit communiquer avec sa banque dès qu'il constate que des retraits non autorisées ont été effectués sur son compte. Référer à une période de 30 jours peut même constituer un bon guide pour apprécier la promptitude à réagir. C'est cette rapidité de réaction qui permet à la banque de prendre les mesures nécessaires afin que cessent les retraits frauduleux.
[ 21 ] Par contre, il existe des situations où il est concevable et justifiable que le consommateur ne puisse avoir pris connaissance des retraits frauduleux qu'après cette période 30 jours suivant l'envoi du relevé. Lorsque le consommateur est de bonne foi et que ses explications sont valables, il est alors abusif de le rendre responsable ou d'exonérer la banque de toute responsabilité uniquement sous prétexte que cette période de temps est dépassée.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande ;
CONDAMNE
la Banque nationale du Canada à payer à Vania Jean-louis la somme de
7 000 $ avec les intérêts au taux légal de 5% l'an plus l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
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__________________________________ GILSON LACHANCE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
20 mai 2013 |
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Doctrine et Jurisprudence consultée :
·
Daméus
c.
Banque Royale du Canada
,
·
Bessaoud
c.
Caisse Desjardins du
Marigot de Laval
, [2002]
·
Joseph
c.
Caisse populaire
Desjardins de Christ-Roi-de-Châteauguay
,
·
Heleine
c.
Banque Toronto-Dominion
, [2005]
·
Bourque
c.
Caisse populaire de
Louiseville
, [2002]
·
Villeneuve
c.
Caisses populaires
Desjardins, Les Grands boulevard (centre de services)
,
·
Banque Nationale du Canada
c.
Babafemi-Fayomi
,
·
Berthiaume
c.
Banque Royale RBC
(Succursale Les Galeries de St-Hyacinthe)
,
·
Fabre
c.
Banque de Montréal,
groupe financier BMO
,
·
Blais
c.
Banque Nationale du
Canada
, [2005]
·
Faucher
c.
Banque de Montréal
, [2002]
· Marc LACOURSIÈRE, « Chronique - L'utilisation frauduleuse d'une carte de débit », dans Repères , août 2008, Droit civil en ligne (DCL), EYB2008REP733.
· Nicole L'HEUREUX, Édith FORTIN et Marc LACOURSIÈRE, Droit bancaire, 4 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 957 p. — Voir Chapitre II - La carte de débit, plus particulièrement à la page 677 - Usage illicite par un tiers.
· Code canadien de pratique des services de cartes de débit , Groupe de travail sur le transfert électronique de fond, révision 2004, section 5 - Responsabilité en cas de perte et annexe A.