Lareau c. Castiglia

2013 QCCQ 8225

COUR DU QUÉBEC

(Division  administrative et d'appel)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-80-020930-112

 

 

 

DATE :

 06 août 2013

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ARMANDO AZNAR, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

STEPHANE LAREAU

APPELANT

c.

GIOVANNI CASTIGLIA, ès qualité de syndic

de l'OACIQ

INTIMÉ

et

LE COMITÉ DE DISCIPLINE DE L'ORGANISME

D'AUTORÉGLEMENTATION DU COURTAGE

IMMOBILIER DU QUÉBEC

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

           MIS-EN-CAUSE

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Le Tribunal est saisi d'un appel de l'appelant, Stéphane Lareau, relativement à une décision rendue le 14 novembre 2011 par le Comité de discipline de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).  Aux termes de cette décision, le Comité de discipline a accueilli une requête en irrecevabilité présentée par l'intimé, Giovanni Castiglia, ès qualité de syndic de l'OACIQ.

[2]            La requête en irrecevabilité demandait que soit déclaré irrecevable pour motif de tardiveté l'avis de l'appelant, déposée en vertu de l'article 95 du Code de procédure civile, dont l'objet était le suivant:

«De faire déclaré inapplicable, invalide et inopérants constitutionnellement les articles 131 et 132 de la Loi sur le courtage immobilier du Québec (L.R.Q., c.C-73.1), l'article 94 de la Loi sur le courtage immobilier (L.R.Q., c.C-73.2) et l'article 19 du Règlement sur les instances disciplinaires de l'Organisme d'autorèglementation du courtage immobilier du Québec (RRQ, c.C-73.2, r.6), puisque le mode de nomination des membres du comité de discipline de l'OACIQ, la durée et le renouvellement de leur mandat ne respectent pas les exigences d'indépendance et d'impartialité garanties par l'article 23 de la Charte des droits et liberté de la personne.»

[3]            L'avis en vertu de l'article 95 C.p.c., amendé subséquemment, a été signifié à l'intimé et au mis-en-cause, le Procureur général du Québec, le 22 septembre 2011, soit 10 mois après la décision sur culpabilité prononcée le 24 novembre 2010 par le Comité de discipline, l'appelant souhaitant alors soulever ce moyen, pour la première fois, lors de l'audience sur sanction que ledit Comité de discipline devait tenir le 25 octobre 2011.

[4]            Lors de l'audience du 25 octobre 2011, le procureur de l'intimé a présenté une requête en irrecevabilité du moyen constitutionnel soulevé par l'appelant soutenant que l'avis en vertu de l'article 95 C.p.c. aurait dû être soumis au Comité de discipline avant la décision sur culpabilité plaidant que la partie qui conteste la validité constitutionnelle du Tribunal devant lequel il comparaît doit invoquer ce moyen à la première occasion.

[5]            Le 14 novembre 2011, après audience de la requête en irrecevabilité, le Comité de discipline a accueilli ladite requête.  Le dispositif de la décision se lit comme suit:

«Déclare irrecevable, au motif de tardiveté, l'argument de l'intimé d'absence d'indépendance et apparence de partialité du Comité de discipline de l'organisme d'autoréglementation du Courtage immobilier du Québec.»

[6]            Suite à cette décision du Comité de discipline, l'appelant a présenté à la Cour du Québec une requête pour permission d'appeler.

[7]            Par jugement rendu le 13 juin 2012, la Cour du Québec, sous la plume du juge David L. Cameron, a accueilli la requête autorisant ainsi l'appelant à interjeter appel de la décision rendue le 14 novembre 2011 par le Comité de discipline.

LES FAITS

[8]            Les faits menant à l'appel interjeté par l'appelant sont simples et bien résumés dans le jugement de la Cour du Québec daté du 13 juin 2012.

[9]            Ainsi, aux paragraphes 4, 5, 6 et 7 du jugement, le juge Cameron écrit:

«[4] Cet avis a été signifié dans le cadre d'un dossier disciplinaire, comportant 47 chefs contre l'intimé.  Au moment de l'envoi de l'avis, le processus avait déjà donné lieu à une décision sur culpabilité le 24 novembre 2010.

[5] L'audience sur sanction devait procéder le 25 octobre 2011.

[6] Le Comité avait refusé d'accorder une remise de cette audition demandée par monsieur Lareau comme étant prématurée.

[7] Lors de l'audience du 25 octobre, Me Isabelle Bouvier, représentante du Syndic Castiglia, a présenté sa requête en irrecevabilité du moyen constitutionnel soutenant que l'avis aurait dû être soumis avant la décision sur culpabilité, appliquant le principe que la partie qui conteste la validité constitutionnelle du Tribunal devant qui il comparaît doit invoquer ses moyens à la première occasion.»

[10]         Ceci dit, le Tribunal estime approprié de faire référence à quelques faits additionnels qui sont résumés comme suit au mémoire déposé par le mis-en-cause:

«[3] Une plainte disciplinaire comportant 47 chefs d'accusation a été déposée par le syndic de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier (ci-après «l'OACIQ» ) le 2 octobre 2008.

[4] L'audience sur culpabilité a duré quatre jours soit les 17, 18, 20 et 25 mai 2010.

[5] Durant l'audience sur culpabilité, l'intimé a été présent et représenté par avocat.

[6] En début d'audience sur culpabilité, l'intimé a plaidé coupable sur les chefs 2, 4, 8, 13, 17, 37 et 45 de la plainte.

[7] Le 24 novembre 2010, la décision sur culpabilité a été rendue.

[8] Tout le long de ce processus, l'impartialité et l'indépendance du comité de discipline n'a jamais été remise en doute.

[9] Le 22 septembre 2011, l'appelant a transmis au Procureur général du Québec un avis selon l'article 95 C.p.c. car il conteste dorénavant le mode de nomination des membres du comité de discipline de l'organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (ci-après «l'OACIQ» ), la durée et le renouvellement de leur mandat.  L'appelant allègue que ceux-ci ne permettent pas au comité de discipline de respecter les exigences d'indépendance et d'impartialité garanties par l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne .

[10] Cet avis, selon l'aveu même de l'appelant et de son avocat, est proposé suite à la décision du juge Lemelin dans l'Association des juges administratifs de la Commission des légions professionnelles c. Québec (P.G.).  Des avis semblables ont été transmis dans de nombreux dossiers disciplinaires intéressants l'OACIQ.  Ces avis ont été transmis par le cabinet de Me Alain Mongeau, procureur de l'appelant dans le présent dossier.  Le comité de discipline de l'OACIQ est donc confronté à non loin de 30 dossiers de même nature.

[11] La particularité du présent dossier tient du fait que la transmission de l'avis ait été entre la décision sur culpabilité et l'audience sur sanction.»

QUESTIONS EN LITIGE

[11]         A son mémoire, l'appelant soumet qu'il y a quatre questions en litige, qu'il identifie comme suit:

«1. Le Comité de discipline a-t-il manifestement erré en appliquant la raisonnement de l'arrêt Blackman c. Lebel et al aux faits du présent litige?

2. Le Comité de discipline avait-il compétence pour se prononcer sur le moyen constitutionnel au stade de l'audition sur la sanction ou était-il functus officio après la décision sur la culpabilité?

3. Advenant le cas où la Cour en arrive à la conclusion que le Comité de discipline a effectivement compétence pour disposer du moyen constitutionnel, ce dernier a-t-il manifestement erré en faits et en droit en déclarant irrecevable, l'argument de l 'Appelant/Intimé invoquant l'absence d'indépendance et d'apparence de partialité du Comité de discipline de l' OACIQ , au motif de la tardiveté de l'avis d'intention?

4. Advenant le cas où la Cour réponde par l'affirmative à la troisième question, quel remède le Comité de discipline a-t-il compétence à accorder à ce stade-ci des procédures?»

[12]         Pour sa part, à son mémoire, l'intimé identifie les questions en litige comme suit:

«1. Quelle est la norme d'intervention applicable quant à la décision rendue par le Comité de discipline?

2. Le Comité de discipline a-t-il erré en accueillant la requête en irrecevabilité de l'avis d'intention selon l'article 95 C.p.c. au motif que ce moyen avait été soulevé de façon tardive devant le Comité de discipline?

3. Le Comité de discipline a-t-il erré en appliquant le raisonnement de l'affaire Blackman c. Lebel aux faits du présent litige?

4. Le Comité de discipline avait-il la compétence pour se prononcer sur le moyen constitutionnel au stade de l'audition sur la sanction ou était-il functus officio après la décision sur la culpabilité?

5. Dans l'éventualité où cette honorable Cour répondait par l'affirmative à la quatrième question en litige ci-dessus, le Comité de discipline a-t-il la compétence pour rétracter sa décision sur la culpabilité?»

[13]         Enfin, dans le mémoire qu'il a déposé, le mis-en-cause identifie comme suit la question en litige:

«La décision interlocutoire rejetant l'avis donné au Procureur général du Québec en vertu de l'article 95 C.p.c. au motif de sa tardiveté, est-elle bien fondée?»

[14]         Ceci dit, à la lecture du mémoire du mis-en-cause, le Tribunal constate que celui-ci plaide aussi que le Comité de discipline n'a pas, aux termes de la Loi sur le courtage immobilier [1] , le pouvoir de rétracter la décision sur culpabilité qu'il a rendue le 24 novembre 2010 et que, bien que selon lui, il n'est pas nécessaire de statuer sur la question, il plaide que le Comité de discipline était functus officio au stade de l'audition sur sanction, pour entendre et disposer au mérite de l'avis selon l'article 95 C.p.c. signifié par l'appelant.

[15]         Dans l'opinion du Tribunal, afin disposer du présent appel, il suffit de répondre aux deux questions suivantes:

1-         Quelle est la norme d'intervention applicable quant à la décision rendue par le Comité de discipline?

2-         La décision du Comité de discipline rejetant l'avis donné au Procureur général du Québec en vertu de l'article 95 C.p.c. au motif qu'il a été soulevé tardivement satisfait-elle à la norme d'intervention applicable?

QUESTION NO. 1

1-         Quelle est la norme d'intervention applicable quant à la décision rendue par le Comité de discipline?

[16]         A l'audience, les procureurs de l'appelante et du mis-en-cause ont informé le Tribunal qu'ils partageaient la position énoncée par le procureur de l'intimé à son mémoire à l'effet que la norme d'intervention applicable en l'instance est celle de la décision correcte.

[17]         En l'espèce, la question qui est soumise au Tribunal relativement à la tardiveté de la présentation de l'avis en vertu de l'article 95 C.p.c. soulevant l'inconstitutionnalité des articles 94 de la Loi sur le courtage immobilier (L.R.Q., c.C-73.2) et 131 et 132 de la Loi sur le courtage immobilier (L.R.Q., c.C-73.1) ainsi que de l'article 19 du Règlement sur les instances disciplinaires constituent une question de droit qui est étrangère au domaine d'expertise du Comité de discipline.

[18]         Dans de telles circonstances, la jurisprudence nous enseigne que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

[19]         A cet égard, dans l'arrêt Dunsmuir [2] , la Cour suprême du Canada, sous la plume des juges Bastarache et LeBel, ont écrit ce qui suit:

«[59] Un organisme administratif doit également statuer correctement sur une question touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité.  Nous mentionnons la question touchant véritablement à la constitutionnalité afin de nous distancier des définitions larges retenues avant l'arrêt S.C.F.P .  Il importe en l'espèce de considérer la compétence avec rigueur.  Loin de nous l'idée de revenir à la théorie de la compétence ou de la condition préalable qui, dans ce domaine, a pesé sur la jurisprudence pendant de nombreuses années.  La «compétence» s'entend au sens strict de la faculté du tribunal administratif de connaître de la question.  Autrement dit, une véritable question de compétence se pose lorsque le tribunal administratif doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l'a investi l'autorisent à trancher une question.  L'interprétation de ces pouvoirs doit être juste, sinon les actes sont tenus pour ultra vires ou assimilés à un refus injustifié d'exercer sa compétence: D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles), p. 14-3 et 14-6.  L'affaire United Taxi Drivers' Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville) , [2004] 1 R.C.S. 485 , 2004 CSC 19, constitue un bon exemple.  Il s'agissait de savoir si les dispositions municipales en cause autorisaient la ville de Calgary à limiter par règlement le nombre de permis de taxi délivrés (par. 5, juge Bastarache).  Cette affaire relative aux pouvoirs décisionnels d'une municipalité offre un exemple de véritable question de compétence ou de constitutionnalité.  L'examen relatif à l'une et l'autre questions a une portée restreinte.  Il convient de rappeler la mise en garde du juge Dickson selon laquelle, en cas de doute, il faut se garder de qualifier un point de question de compétence (S.C.F.P.) .

[60] Rappelons que dans le cas d'une question de droit générale «à la fois, d'une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d'expertise de l'arbitre» (Toronto (Ville) c. S.C.F.P ., par. 62, le juge LeBel), la cour de révision doit également continuer de substituer à la décision rendue celle qu'elle estime constituer la bonne.  Pareille question doit être tranchée de manière uniforme et cohérente étant donné ses répercussions sur l'administration de la justice dans son ensemble.  C'est ce que la Cour a conclu dans l'affaire Toronto (Ville) c. S.C.F.P. , où étaient en cause des règles de common law complexes ainsi qu'une jurisprudence contradictoire concernant les doctrines de la chose jugée et de l'abus de procédure, des questions qui jouent un rôle central dans l'administration de la justice (par. 15, la juge Arbour).»

[20]         Subséquemment, dans l'arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général) [3] , la Cour suprême, sous la plume des juges LeBel et Cromwell, réitère le susdit principe comme suit:

«[18]     L’arrêt Dunsmuir reconnaît que la norme de la décision correcte continue de s’appliquer aux questions constitutionnelles, aux questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du décideur, ainsi qu’aux questions portant sur la « délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents » (par. 58, 60-61; voir également l’arrêt Smith c. Alliance Pipeline Ltd. , 2011 CSC 7 , [2011] 1 R.C.S. 160, par. 26, le juge Fish). La norme de la décision correcte vaut aussi pour les questions touchant véritablement à la compétence.  À cet égard, la Cour se distancie expressément des définitions larges de la compétence de façon qu’une question se rapportant à celle-ci se pose uniquement lorsque le tribunal administratif « doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l’a investi l’autorisent à trancher une question » (par. 59; voir également l’arrêt United Taxi Drivers’ Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville) , 2004 CSC 19 , [2004] 1 R.C.S. 485, par. 5).»

[21]         Ceci étant, le Tribunal est d'accord avec les parties à l'effet que la norme d'intervention applicable est celle de la décision correcte.

QUESTION NO. 2

2-         La décision du Comité de discipline rejetant l'avis donné au Procureur général du Québec en vertu de l'article 95 C.p.c. au motif qu'il a été soulevé tardivement satisfait-elle à la norme d'intervention applicable?

ANALYSE ET DISCUSSION

[22]         Tel que le plaident le mis-en-cause et l'intimé à leur mémoire respectif, les circonstances précises dans lesquelles l'appelant a transmis son avis selon l'article 95 C.p.c. sont cruciales.

[23]         En l'espèce, l'appelant a contesté le mode de nomination des membres du Comité de discipline et le mode de renouvellement de leur mandat tel que prévu dans la loi.  Selon lui, le mode de nomination des membres dudit Comité de discipline ne lui permet pas d'avoir une audience impartiale.

[24]         A ce stade-ci, il convient de rappeler certains des faits ayant mené à la décision du Comité de discipline accueillant la requête en irrecevabilité de l'intimé.

[25]         Ces faits sont résumés comme suit au mémoire de l'intimé:

«Les 17, 18, 20 et 25 mai 2010, le Comité de discipline a entendu la preuve sur la culpabilité dans le dossier de l'Appelant, sans que jamais aucune question constitutionnelle ne soit soulevée.

Le 24 novembre 2010, le Comité de discipline a rendu une décision sur la culpabilité de l'appelant.

Ce n'est que le 22 septembre 2011, soit plus de 9 mois et demi après la décision du Comité de discipline déclarant l'appelant coupable, que ce dernier a signifié un premier avis d'intention selon l'article 95.  Il convient de reproduire le texte contenu à l'avis d'intention amendé signifié par la suite:

« PRENEZ AVIS que lors de la présentation de sa défense devant le Comité de discipline de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec , l'intimé a l'intention de demander de faire déclarer inapplicable, invalide et inopérant constitutionnellement les articles 131 et 132 de la Loi sur le courtage immobilier du Québec (L.R.Q., c. C-73.1) , l'article 94 de la Loi sur le courtage immobilier (L.R.Q., c. C-73.2) et l'article 19 du Règlement sur les instances disciplinaires de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilie r du Québec (RRQ. C. C-73.2 r.6) puisque le mode de nomination des membres du comité de discipline de l'OACIQ, la durée et le renouvellement de leur mandat ne respectent pas les exigences d'indépendance et d'impartialité garanties par l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne.

[…]

Les prétentions de l'intimé et ses arguments sont à l'effet qu'une personne raisonnablement informée arriverait à la conclusion qu'en raison de l'absence de règlementation quant au mode de renouvellement du mandat des membres du Comité et de la durée arbitraire de leur mandat, le processus de renouvellement du mandat des membres du Comité de discipline de l'OACIQ ne répond pas aux garanties constitutionnelles d'indépendance et d'impartialité énoncées à l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne.  Cet article de la loi doit par conséquent être déclaré invalide et inopérant.

L'intimé soulève une crainte de partialité à l'endroit du Comité de discipline de l'OACIQ.

Dans l'arrêt Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles c.  Québec (Procureur général) rendu le 1 er avril 2011 par le juge Jean Lemelin j.c.s., il a été jugé que la Commission des lésions professionnelles était un tribunal administratif exerçant essentiellement une fonction juridictionnelle devant garantir un niveau élevé dans le spectre de l'indépendance judiciaire.  Les articles 392 et 395 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) ont été déclarés nuls, inopérants et sans effet en raison des motifs invoqués au présent avis quant au mode de renouvellement des membres du Comité de discipline de l'OACIQ.

Nous soumettons que le Comité de discipline a plusieurs similarités avec la Commission des lésions professionnelles et devrait rencontrer les plus hautes exigences d'indépendance et d'impartialité:

- Les membres du Comité de discipline sont également investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête ;

- Les membres ont la capacité de trancher toutes questions constitutionnelles si cela est nécessaire à l'exercice de leur compétence;

- Quant à sa compétence d'attribution et son mode de fonctionnement, le Comité de discipline s'apparente à un tribunal judiciaire;

- Il a pour objectif la protection du public;

Le Comité de discipline de l'OACIQ possède des pouvoirs juridictionnels majeurs pouvant aller jusqu'à la radiation d'un membre.  Etant habilité par le gouvernement québécois à rendre des décisions d'une telle ampleur, le Comité de discipline se doit de rencontrer les exigences d'indépendance et d'impartialité supérieures à celles qui sont offertes par le mode de renouvellement du mandat de ses membres énoncé à l'article 132 de la Loi sur le courtage immobilier du Québec.»

On constate, à la lecture de l'avis d'intention reproduit ci-dessus, que les motifs allégués par l'appelant au soutien du moyen constitutionnel qu'il soulève sont à l'effet que le mode de nomination des membres, ainsi que la durée et le renouvellement de leur mandat ne respectent pas les règles en matière d'indépendance et d'impartialité.»

[26]         Il appert donc, à la lecture de l'avis en vertu de l'article 95 C.p.c., que les motifs allégués par l'appelant au soutien du moyen constitutionnel soulevé par lui sont à l'effet que le mode de nomination des membres du Comité de discipline ainsi que la durée et le renouvellement de leur mandat ne respectent pas les règles en matière d'indépendance et d'impartialité. 

[27]         Or, à cet égard, la doctrine et la jurisprudence enseignent que celui qui désire soulever la partialité et le manque d'indépendance d'un tribunal doit le faire à la première occasion.

[28]         A cet égard, l'auteur Patrice  Garant écrit:

«Lorsque le ou les membres d'un tribunal ont des doutes au regard de la règle d'impartialité, ils doivent le mentionner aux parties dès le début de l'audience et demander, afin d'être éclairés, si ces dernières ont une crainte raisonnable que le tribunal ne soit préjugé.   D'un autre côté, si l'administré veut contester la validité d'une loi ou d'un acte administratif en regard des chartes, il doit le faire dès le début de l'instance.» [4]

[29]         Dans l'arrêt Houle c. Vermette et al [5] , la Cour d'appel énonce ce qui suit:

«Quant au second moyen, fondé sur la partialité institutionnelle du comité en regard de l'art. 23 de la Charte québécoise, il est sans fondement.  D'abord, comme le souligne avec justesse le premier juge, l'appelant n'a jamais soulevé ce moyen fondé sur l'impartialité institutionnelle alors qu'il a participé à l'audition pendant six jours, fait entendre des témoins, produit des documents et présenté ses observations devant le comité.  Ce n'est qu'une fois la déclaration de culpabilité prononcée qu'il jugea à propos de soulever, dans sa requête en révision, la contestation relative à l'impartialité institutionnelle.  Finalement, nous estimons que le premier juge était justifié de conclure, à l'examen du Code des professions et de la jurisprudence soumise, à l'existence d'une audition impartiale devant le comité de discipline.»

[30]         Par ailleurs, dans l'arrêt Commission des droits de la personne c. Taylor [6] , la Cour suprême, sous la plume de la juge Mc Lachlin, énonce ceci:

«Puisque la présente instance, par ses faits, est manifestement différente de l'affaire MacBain, il est inutile que je décide du bien-fondé des principes énoncés dans cet arrêt.  Dans l'affaire MacBain, la question de la partialité a été soulevée dès le début des procédures, car MacBain a allégué la partialité même avant la première séance du tribunal.  Inversement, les appelants en l'espèce ont soulevé la question de la partialité plusieurs années  après l'audience initiale.  Puisqu'ils ne l'ont pas soulevée ni au départ ni au cours des audiences du Tribunal ni aux audiences relatives à l'outrage au tribunal, les appelants doivent être réputés avoir maintenant renoncé au droit d'invoquer la partialité.

Je fais miens les motifs du juge MacGuigan dans l'affaire intéressant le Tribunal des droits de la personne et énergie atomique Canada Ltée [1986] 1 C.F. 103 (C.A.).  Dans cette affaire, comme en l'espèce, la requérante a omis de soulever la question de la partialité au commencement des procédures.

[…]

En l'espèce, on n'a produit aucun élément de preuve établissant que la question de la partialité a été soulevée avant les débats devant la Cour d'appel fédérale.  Il peut y avoir des circonstances dans lesquelles l'omission de soulever la partialité au départ ne constitue pas une renonciation implicite (par exemple lorsque, comme en l'espèce, la partie intéressée n'est pas représentée par un avocat à l'audience initiale).  Il n'est toutefois pas nécessaire aux fins de la présente instance de préciser un moment où la partialité doit être soulevée, car les faits me convainquent que les appelants n'ont pas fait l'allégation «à la première occasion».  Je conclus que, comme la requérante dans l'arrêt Tribunal des droits de la personnes, les appelants doivent être réputés avoir renoncé implicitement à tout droit d'alléguer la partialité.»

[31]         Enfin, dans l'affaire In Re Tribunal des droits de la personne et énergie Atomique du Canada [7] , la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Pratte, énonce ce qui suit:

 «Corrélativement, le droit de celui qui craint que le tribunal devant lequel il se présente ne soit partial a toujours été, encore une fois selon mon interprétation de la jurisprudence, le droit de s'opposer à être jugé par le tribunal, mais un droit qui ne subsiste que jusqu'à ce qu'il se soumette à lui de manière expresse ou implicite.  C'est seulement parce que M. MacBain a soulevé ses objections au début de l'affaire que sa contestation à l'égard des procédures pouvait réussir.

[…]

Toutefois, même si l'on écarte cette renonciation expresse, toute la manière d'agir d'EACL devant le Tribunal constituait une renonciation implicite de toute affirmation d'une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal.  La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion.  En l'espèce, EACL a cité des témoins, a contre-interroger les témoins cités par la Commission, a présenté un grand nombre d'arguments au Tribunal et a engagé des procédures devant la Division de première instance et cette Cour sans contester l'indépendance de la Commission.  Bref, elle a participé d'une manière complète à l'audience et, par conséquent, on doit tenir pour acquis qu'elle a implicitement renoncé à son droit de s'opposer.»

[32]         En réplique à l'argument de tardiveté soulevé par l'intimé et le mis-en-cause, l'appelant soutient avoir invoqué les moyens énoncés à l'avis 95 C.p.c. à la première occasion, soit après avoir pris connaissance du jugement rendu par la Cour supérieure dans l'affaire Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles c. Québec (Procureur général) [8] .

[33]         Or, sur cette même question, saisi d'une requête pour être autorisé à présenter une preuve nouvelle et indispensable dans le cadre d'un appel d'une décision du Comité de discipline, monsieur le juge Pinsonnault s'exprime comme suit dans Blackman c. Lebel [9] :

«[36] Le Tribunal y voit plutôt une tentative de soulever un moyen de nature constitutionnelle qui pouvait et qui aurait dû être soulevé devant le Comité.  Les faits et les dispositions législatives qui donnent ouverture au moyen existaient à l'époque étaient connus de M. Blackman, la requête en récusation en fait amplement foi.

[…]

[47] Le Tribunal ne le croit pas d'autant plus qu'encore une fois, le moyen aurait pu être soulevé par M. Blackman en première instance.  Tous les faits maintenant invoqués existaient et étaient connus de M. Blackman ou, à tout le moins, de son avocat.  Le fait qu'un jugement ait subséquemment permis à certains de réaliser qu'ils pouvaient formuler un moyen de nature constitutionnelle (possiblement avec succès) ne constitue pas en soi une circonstance exceptionnelle.

[48] Qui plus est, ce moyen en raison de sa nature générale pourrait être invoqué dans toutes causes entendues en première instance par le Comité de discipline de l'OACIQ.  Les fins de la justice requièrent qu'un tel moyen soit invoqué et disposé en première instance en fonction de la preuve alors offerte et ce, avant que le Comité de discipline se prononce sur la culpabilité d'un membre et non pas en appel après que le membre ait été reconnu coupable d'une faute déontologique.»

[34]         Tout comme dans l'affaire Blackman [10] , en l'espèce, les faits qui sont à la base de l'avis selon l'article 95 C.p.c. de l'appelant, sont la partialité et le manque d'indépendance du Comité de discipline.

[35]         Les faits invoqués par l'appelant à l'avis en vertu de l'article 95 C.p.c. justifiant son argument de partialité et de manque d'indépendance du Comité de discipline existaient bien avant la décision rendue le 1 er avril 2011 en Cour supérieure dans l'affaire de l'Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles .  Ils étaient connus ou devaient être connus de l'appelant et de son avocat au moment où s'est déroulée l'audience sur culpabilité devant le Comité de discipline.

[36]         En fait, bien que le Comité de discipline ait tenu audience sur la culpabilité les 17, 18, 20 et 25 mai 2010, lors de ces audiences, l'appelant et son avocat n'ont jamais soulevé la question de la constitutionnalité du mode de nomination et de renouvellement de mandat des membres du Comité de discipline.

[37]         L'on ne peut sérieusement soutenir, comme le fait l'appelant, que la décision rendue par la Cour supérieure dans l'affaire Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles constitue un fait nouveau.

[38]         En effet, le mode de nomination des membres du Comité de discipline, la durée et le mode de renouvellement de leur mandat étaient connus puisqu'ils découlaient de l'application des articles de la Loi sur le courtage immobilier du Québec dont il est fait mention à l'avis en vertu de l'article 95 C.p.c. déposé par l'appelant.

[39]         A cet égard, dans l'arrêt Thibault c. Collège des médecins et al [11] , la Cour d'appel, sous la plume du juge Baudouin, écrit ce qui suit:

«On notera ensuite que tous les moyens invoqués dans le second avis du procureur de l'appelant sont des moyens de droit strict qui étaient apparents, connus et existants dès le début des procédures et fondés sur la situation factuelle qui existait alors.  Il ne s'agit pas, en effet, de moyens qui se seraient révélés par la suite, durant, par exemple, la période d'attente de la décision de la Cour d'appel.  Un procureur chevronné comme celui qui représentait l'appelant ne pouvait bien évidemment pas les ignorer à l'époque, comme on peut le constater à la lecture de certains passages de ce second avis d'inconstitutionnalité.

[…]

Notre Cour, au moins à deux reprises, a fermement rappelé que «l'application des Chartes ne devait pas dégénérer en purs jeux de procédure» ce qui, avec le plus grand respect, me semble, peut-être, avoir été le cas dans la présente instance.

En 1988, dans Tordion c. Co d'assurance du Home Canadien , C.A.Q. 200-09-000179-876, (16 novembre 1988), mes collègues MM" les juges Rothman, LeBel et Mme la juge Tourigny s'exprimaient ainsi:

«Le seul fait que l'on entende plaider un moyen tiré de la Charte ne lui confère pas le caractère de circonstances exceptionnelles, malgré leur tardiveté et la connaissance que l'on en pouvait avoir.  L'on n'en est plus à la période qui a suivi immédiatement l'entrée en vigueur des Chartes.  De plus, l'existence de la Charte fédérale ne doit pas entraîner, surtout plus de six ans après son adoption, un bouleversement de tout le cadre du procès civil.  Celui-ci assure le respect des droits de toutes les parties au procès et doit se dérouler dans un ordre déterminé à l'avance, où les moyens sont plaidés et les preuves nécessaires recueillies en principe en première instance.  Notamment, lorsque la violation alléguée des chartes exigerait une preuve élaborée, l'on doit normalement exiger que les parties présentent la preuve et les arguments nécessaires en temps utile, devant le tribunal.

En règle générale, les chartes ne doivent pas devenir des moyens d'ultime recours, que l'on utilise en désespoir de cause, sans souci de l'ordre et des règles du procès civil.

Comme l'a noté mon collègue M. le juge Louis LeBel dans Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Bilodeau , [1986] R.J.Q. 2302 (C.A.), le fait qu'un justiciable plaide la violation de ses droits fondamentaux n'a pas pour effet de le dispenser de respecter le système procédural mis en place pour les faire valoir.

Pour ces raisons, je suis donc d'avis que le second avis était tardif, que la requête en irrecevabilité était justifiée et recevable et que le pourvoi doit être rejeté avec les dépens applicables en pareil cas selon les règles en vigueur.»

[40]         Enfin, dans Public School Board Association of Alberta c. Alberta (P.G.) [12] , saisi d'une requête en production de nouveaux éléments de preuve, la Cour suprême, sous la plume du juge Binnie, écrit:

«…On ne peut faire droit à une telle prétention.  Les cours d'appel rendent constamment des décisions.  Une partie ne peut invoquer une décision récente pour rouvrir le procès en présentant un élément de preuve qui ne l'a pas été lors de l'audition initiale.  Une demande visant le dépôt d'une preuve nouvelle ne peut être justifiée uniquement par le fait qu'une nouvelle décision judiciaire permet à un avocat de présenter un vieil argument sous un angle nouveau.»

[41]         Eu égard à ce qui précède, le Tribunal est aussi d'avis que l'appelant avait non seulement l'obligation de soulever, à la première occasion, les arguments relatifs à la partialité et au manque d'indépendance du Comité de discipline mais, en l'espèce, il y a renoncé en se soumettant à l'autorité dudit comité et ce en plaidant coupable à certains des chefs qui lui étaient reprochés ainsi qu'en participant pleinement au processus disciplinaire sur culpabilité dont l'audience a duré quatre jours.

[42]         L'appelant soutient que le Comité de discipline a erré en appliquant au présent litige le jugement rendu par la Cour du Québec dans l'affaire Blackman où l'appelant tentait d'introduire un moyen constitutionnel comme nouvelle preuve dans le cadre de l'appel.

[43]          Cet argument de l'appelant est contesté par l'intimé ainsi que le mis-en-cause lesquels soutiennent qu'il n'y a pas lieu de distinguer le présent dossier de la situation prévalant dans l'affaire Blackman , le droit applicable étant, selon eux, le même.

[44]         Avec égard et respect pour l'opinion contraire, le Tribunal est d'avis que les principes de droit énoncés par la Cour du Québec dans l'affaire Blackman s'appliquent aux justiciables qui soulèvent l'inconstitutionnalité d'un tribunal, et ce, tant devant la Cour du Québec lorsqu'elle siège en appel d'une décision d'un comité de discipline que devant un comité de discipline siégeant en première instance.

[45]         Le moyen constitutionnel soumis par l'appelant en vertu de l'article 95 C.p.c. devait être invoqué par lui à la première occasion soit devant le Comité de discipline lors de l'audience sur culpabilité, avant le prononcé de la décision sur culpabilité.

[46]         A cet égard, dans  l'affaire Blackman , le juge Pinsonnault écrit:

«[43] En résumé et avec grand respect pour l'opinion contraire, le Tribunal est d'avis que les faits que M. Blackman souhaite introduire en preuve en appel ne constituent pas des faits nouveaux et indispensables.  Ces faits existaient en première instance et étaient connus à l'époque.  M. Blackman aurait pu faire valoir ce moyen constitutionnel devant le Comité.  De fait, il devait le faire valoir en première instance d'autant plus qu'il s'agissait d'une question reliée à l'impartialité des membres du Comité.

[…]

[47] Le Tribunal ne le croit pas d'autant plus qu'encore une fois, le moyen aurait pu être soulevé par M. Blackman en première instance.  Tous les faits maintenant invoqués existaient et étaient connus de M. Blackman ou, à tout le moins, de son avocat.  Le fait qu'un jugement ait subséquemment permis à certains de réaliser qu'ils pouvaient formuler un moyen de nature constitutionnelle (possiblement avec succès) ne constitue pas en soi une circonstance exceptionnelle.

[48] Qui plus est, ce moyen en raison de sa nature générale pourrait être invoqué dans toutes causes entendues en première instance par le Comité de discipline de l'OACIQ.  Les fins de la justice requièrent qu'un tel moyen soit invoqué et disposé en première instance en fonction de la preuve alors offerte et ce, avant que le Comité de discipline se prononce sur la culpabilité d'un membre et non pas en appel après que le membre ait été reconnu coupable d'une faute déontologique.»

[47]         En conséquence, pour les susdits motifs, le Tribunal conclut que la décision du Comité de discipline accueillant la requête en irrecevabilité de l'intimé satisfait à la norme d'intervention applicable soit celle de la décision correcte.

[48]         De plus, considérant ce qui précède, le Tribunal est d'avis qu'il n'est ni nécessaire ni utile de se prononcer sur les questions 2 et 4 soulevées par l'appelant à son mémoire, celles-ci étant devenues théoriques.  Ces questions sont reproduites au paragraphe 11 du présent jugement.

[49]         A cet égard, lorsqu'on examine la décision du Comité de discipline, l'on constate que celui-ci a accueilli la requête en irrecevabilité de l'intimé uniquement au motif que le moyen d'inconstitutionnalité soulevé par l'appelant à l'avis en vertu de l'article 95 C.p.c. l'a été tardivement.  Le Comité de discipline n'a pas statué qu'il était devenu functus officio.

[50]         Dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général) [13] , la Cour suprême, sous la plume du juge Sopinka, reconnaît le pouvoir discrétionnaire du Tribunal de ne pas se prononcer sur une question qui est devenue théorique.  A cet égard, il écrit:

«La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite.  Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties.  Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire.

[…]

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps.  En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique.  En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire.

CONCLUSION

[51]         En conséquence, pour les motifs énoncés précédemment, le Tribunal est d'avis que l'appel de l'appelant est mal fondé et doit être rejeté.

[52]         PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[53]         REJETTE l'appel de l'appelant;

[54]         LE TOUT avec dépens.

 

 

__________________________________

ARMANDO AZNAR, J.C.Q.

 

 

 

Me Alain Mongeau

Par Me Héloïse Blondy

Procureure de l'appelant Stéphane Lareau

 

 

 

 

 

 

Me Yannick Chartrand

Savoie, Pelletier & Fortin

Procureur de l'intimé Giovanni Castiglia

 

Me Eric Cantin et Me Marilène Boisvert

Bernard, Roy

Procureurs du mis-en-cause, Procureur général du Québec

 

 

Date d’audience :

15 mai 2013

 



[1] L.R.Q., c.C-73.2

[2] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 , [2008] R.C.S. 190

[3] 2011 C.S.C. 53 , [2011] 3 R.C.S. 471

[4] GARANT, Patrice, Droit administratif , 6 e édition, Editions Yvon Blais , p. 762

[5] 1997 CanLII 10662 (QC CA) p.6

[6] [1990] 3 R.C.S. 892 , 971, 972

[7] [1986] 1 C.F. 103, 110, 113

[8] 2011 QCCS 1614 , (2011) R.J.Q. 774

[9] 2011 QCCQ 11547

[10] opp. cit., note 9

[11] 1998 CanLII 13224 (QC CA), pp.10, 12 et 13

[12] [2000] 1 R.C.S. 44 , 51

[13] [1989] 1 R.C.S. 342 , 353