TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2013-8539

 

Date :

4 septembre 2013

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

JACQUES DORÉ

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Syndicat des travailleuses et travailleurs du Marriott Château Champlain - CSN

Ci-après appelé « le syndicat »

Et

9006-6051 Québec Inc. et la Société en commandite 9016-7586 Québec Inc. opérant le Marriott Château Champlain.

Ci-après appelées « l’employeur »

 

 

Plaignant :

Grief collectif

 

Grief :

n o du syndicat

02-13

 

 

 

 

Convention collective :

Entre les mêmes parties 2012-2016

 

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SENTENCE ARBITRALE

(article 100 du Code du travail )

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[1]Le 21 mars 2013, le ministère du Travail me confiait le grief mentionné ci-dessus afin qu'il soit procédé à son arbitrage.  Les parties furent convoquées pour être entendues le 22 août 2013.

[2]Dans les documents qui me furent présentés à titre de preuve des faits de l'affaire, les parties ont fait les admissions d'usage quant au respect de la procédure et quant au fait que le soussigné pouvait entendre et peut disposer du grief (pièce PS-5).

 

LE LITIGE

[3]Le grief (pièce S-2) se lit comme suit: « Nous contestons la décision de l'employeur de changer le mode d'attribution des chambres puisqu'il ne permet pas d'assigner le maximum de chambres sur le même étage pour les préposées responsables d'un étage. »  Le syndicat réclame de revenir à la procédure antérieure, « soit de donner la responsabilité de toutes les chambres du même étage à la préposée assignée à cet étage, et tous les autres droits... »  En plus de réclamer le retour à l'ancienne méthode d'assignation, le syndicat réclame une compensation de 10$ pour chaque jour où chacune des salariées touchées n'aura pas eu les chambres qu'elle aurait dû avoir depuis le 22 décembre 2013.  Le syndicat demande à l'arbitre de réserver sa compétence sur le quantum des sommes dues, le cas échéant.

[4]Le grief repose sur les dispositions du paragraphe « 27,02 - Entretien ménager » de la convention collective qui prévoit le mode d'attribution du travail:

« a)  Nombre de chambres et conditions facilitantes

Le nombre de chambres maximum pour une journée complète de travail est de quatorze (14) chambres, à l'exception des dimanches et des lundis où le maximum est de treize (13) chambres.

Cependant, entre le 1er mai et le 31 août de chaque année, la charge de travail est d'un maximum de treize (13) chambres.

De plus la charge de travail est réduite de la façon suivante:

l   Lorsque la charge de travail est effectuée sur trois (3) étages ou plus, la charge est réduite d'une (1) chambre;

l   Lorsque la charge de travail comprend onze (11) départs (C/O) ou plus sur un étage avec deux lits, la charge est réduite d'une (1) chambre.

b)  Pour les étages de suites (34e et 35e et #410) une préposée aux chambres est assignée au nettoyage.  Le tout conformément à la pratique actuelle.

l   la suite présidentielle équivaut à deux (2) chambres;

l   une suite à deux (2) chambres équivaut à deux (2) chambres;

l   une suite à une (1) chambre équivaut à une (1) chambre;

c)  L'employeur détermine les étages assignés aux préposés aux chambres en tenant compte de leur ancienneté, la priorité de l'employeur étant d'assigner le maximum de chambres sur le même étage.

Si une préposée aux chambres n'a pas d'étage assigné ou s'il n'y a pas assez de chambres à nettoyer sur son étage habituel, les étages sont également assignés en tenant compte de leur ancienneté, la priorité de l'employeur étant d'assigner le maximum de chambres sur le même étage.

Quand une préposée aux chambres qui avait un étage assigné quitte l'hôtel, l'employeur offre ledit étage par ordre d'ancienneté.

d)  Dans la mesure du possible, les préposées aux chambres qui travaillent le soir sont cédulées deux à la fois pour travailler sur le même étage.

e)  La lingerie et la ratine, les produits de toilettes et les robes de chambres nécessaires à l'exécution du travail d'une préposée aux chambres se trouvent, en autant que possible, aux lingeries de chacun des étages.  Malgré ce qui précède, les préposées aux chambres continueront de transporter certains matériaux qui ne peuvent être entreposés sur les étages.»   (tiré de la convention collective S-1).

[5]Les conventions collectives antérieures entre les mêmes parties (pièces S-7 et S-8) contiennent une disposition au même effet.  Même la convention des TCA (pièce S-6) qui représentaient le groupe avant 2003, contient une disposition à propos de laquelle le procureur syndical dira qu'on y retrouve la même idée « d'assignation des étages » que dans le paragraphe 27.02 cité ci-dessus.

[6]La convention collective contient aussi une disposition relative aux droits de la direction.  Le paragraphe 4.01 se lit comme suit:

« Le syndicat reconnaît que l'employeur a le droit exclusif de gérer et d'opérer son établissement afin d'assurer l'efficacité et la rentabilité de ses opérations et de plus, il conserve tous les droits et privilèges sujet aux seules restrictions imposées par les lois ou par la présente convention collective.  L'employeur s'engage à exercer ses droits de direction de façon compatible avec la présente convention à défaut de quoi un grief peut être soumis

 

LA PREUVE

Les admissions

[7]La preuve a été administrée à l'aide d'un document d'admissions rédigé par les deux parties (pièce PS-5) et de quelques autres pièces déposées par le syndicat.  Il y a lieu d'en reprendre les éléments significatifs.

[8] «L'employeur administre un hôtel dont le nombre de chambres par étage est réparti comme suit:»  Suivent les 32 étages pour lesquels on identifie le nombre de chambres et « l'équivalent selon les conditions facilitantes ».  Cette dernière notion fait référence aux dispositions prévues au paragraphe 27.02 de la convention collective S-1 qui détermine la charge de travail de chaque préposée. 

[9]Vingt-huit des 32 étages ont 20 chambres sans remarque particulière.  Le 19e étage en a 17.  Les 4e, 34e et 35e étages ont quant à eux des nombres différents de chambres et un « équivalent... ».  Le 4e étage en a 13 mais il peut équivaloir à 14 chambres.  Le 34e en a 11 qui équivalent à 13,5 chambres.  Le dernier en a 10 équivalentes à 12,5 (pièce PS-5).

[10]Les parties poursuivent leurs admissions: 

« 4 - Le premier mai 2012, le nombre de préposées aux chambres était réparti ainsi: 44 temps complet et 10 de statut occasionnel.

5 - Le 15 février 2013, le nombre de préposées aux chambres était réparti ainsi: 45 temps complet, 1 temps partiel, 8 de statut occasionnel et 6 sont en probation.» 

6 - Le 21 décembre 2012, l'employeur a changé sa façon de distribuer le travail aux préposées aux chambres.» (pièce PS-5).

Avant le 21 décembre 2012

7 - Depuis au moins 1989, la charge de travail était distribuée ainsi:

a.  À chaque début de quart de travail, la préposée aux chambres attitrée à un étage «housekeeper» recevait de la superviseure un document rédigé en anglais, comme celui déposé sous la cote S-3, qui contenait la liste de toutes les chambres à nettoyer sur l'étage où elle était affectée.

b.  La fonction de «housekeeper» est accordée par ordre d'ancienneté parmi les salariées intéressées.

c.  Chacune des chambres apparaissant sur la pièce S-3 était identifiée selon un des codes suivants:  OD :«occupied»: la chambre est louée.  Si un client quitte pendant la journée, on inscrit «Y» (yes) dans la colonne «DEPT».  Si l'heure de départ est différente de midi, elle est indiquée dans la colonne «CK-Out» («Check out»).  VD : la chambre n'est pas louée et nécessite un nettoyage.

d.  Lorsqu'un client désire ne pas être dérangé, il place le carton «Privacy please» sur la porte de sa chambre et on indique «DND» (do not disturb) sur le document de la pièece S-3.

e.  Lorsqu'une chambre a été nettoyée, la «housekeeper» inscrit l'un des codes suivants sur le document S-3: OCC (la chambre occupée a été nettoyée) ou VAC (la chambre a été nettoyée et peut être louée).

f.  Lorsqu'une chambre «VAC» a été nettoyée, la préposée qui a nettoyé la chambre le signale au système informatique en utilisant le clavier du téléphone de la chambre: 70862 : «Occupe» ou 70861 «C/O».  Ces codes apparaissent au bas du document S-3.

g.  La préposée aux chambres attitrée à un étage décidait quels numéros de chambres seraient faites par qui (elle-même ou la préposée aux chambres non-attitrée) et quand.

h.  (biffé)

i.  Chaque préposée qui n'a pas reçu la liste des chambres de l'étage (S-3) reçoit un papier sur lequel on a indiqué les étages où elle doit travailler et, pour chacun de ces étages, le nombre de chambres à y nettoyer.

j.  Lorsque la «housekeeper» n'a pas suffisamment de chambres à nettoyer par elle, elle ne donne aucune chambre à l'autre préposée aux chambres et demande à la gouvernante quelle chambre elle peut nettoyer sur un autre étage.

k.  La préposée aux chambres non attitrée devait demander à la gouvernante des chambres à faire sur un autre étage lorsque sa tâche n'était pas complète.

Depuis le 21 décembre 2012

8.  Depuis le 21 décembre 2012, le système informatique a été modifié; ce qui a eu pour conséquence de répartir le travail de la façon suivante:

a.  A chaque début de quart, on remet un document semblable à la pièce S-4, à chacune des préposées aux chambres en assignant le maximum de chambres possibles par étage.

b.  Les codes apparaissant sur la pièce correspond à S-4 sont les suivants: «STAY» signifie que le client demeure à l'hôtel pour une autre nuitée et «COUT» signifie «check out», le client doit quitter l'hôtel.

c.  Lorsque le client ne veut pas de service, la préposée inscrit sur le formulaire (du type S-4) qu'il a refusé le service (ex: REF) et demande à la gouvernante une autre chambre.

d.  A la fin d'une journée de travail, la préposée aux chambres la plus ancienne de l'étage a pu être affectée à une chambre sur un autre étage alors qu'une autre préposée aux chambres moins ancienne a nettoyé une chambre sur le même étage puisqu'on (la) lui a octroyée sur le document de type S-4 qui lui a été donné en début de journée.

e.  Les chambres non distribuées en début de journée, le sont habituellement en après-midi, par la gouvernante, en tenant compte de l'ordre d'arrivée des demandes des préposées aux chambres qui n'ont pas pu compléter leur travail sur leur étage habituel.

f.  La charge de travail de la préposée aux chambres la plus ancienne travaillant sur un étage peut comprendre des chambres plus difficiles à nettoyer que celles accordées à des salariées moins anciennes.»  (pièce PS-5)

[11]L'ensemble de la preuve fournie par les admissions citées mais aussi par les autres documents produits l'ont été sans contestation.  Il semble donc que l'employeur et le syndicat soient d'accord pour l'essentiel quant aux données du litige.  Mais ils divergent d'opinion quant à sa solution.

 

LES ARGUMENTS DES PARTIES

- Le syndicat

[12]Le syndicat s'appuie sur le texte de la convention collective et sur la pratique passée que la convention codifie.  Il lit le paragraphe 27.02 comme signifiant que l'employeur distribue d'abord des étages aux préposées qui deviendront ainsi responsables de ces étages.  Puis la responsable de l'étage (« housekeeper » dans le vocabulaire de l'hôtel) bénéficie d'une certaine autonomie pour distribuer les chambres excédant sa propre charge de travail aux préposées ne bénéficiant pas d'une responsabilité d'étage.  Ainsi la responsable d'étage peut faire toute sa charge de travail sur son étage et utiliser les services d'autres préposées qui ne sont pas responsables d'étage pour compléter le travail requis sur son étage.  C'est là ce que prévoit la convention et ce qui était la pratique avant que l'employeur ne change les choses le 21 décembre 2012.

[13]C'est pourquoi toutes les chambres à faire à l'étage X apparaissaient sur un document ressemblant à la pièce S-3.  Ce document était remis à la responsable de l'étage qui procédait comme décrit plus haut.

[14]Après les changements apportés par l'employeur en décembre 2012, chacune des préposées reçoit un document comme celui présenté à la pièce S-4.  Personne n'est plus responsable de l'étage puisque les chambres sont déjà partagées.

[15]Comme il arrive toujours des circonstances qui empêchent de faire un chambre (affichette «ne pas déranger», ou autre), une salariée plus ancienne doit alors combler sa charge de travail en allant sur d'autres étages alors qu'elle aurait pu trouver assez de travail sur son étage.  Ainsi l'ancienneté ne sert plus à rien.

[16]Si la convention collective parle d'étages notamment au point c) qu'on a pu lire plus haut, c'est que les parties voulaient que les choses se passent comme il a été décrit.

[17]Le partage des chambres se faisait d'abord par étages qui sont dévolus par ancienneté puis on distribue les chambres.  Dans le document S-3, qui était remis à chaque « housekeeper » avant le 21 décembre 2012, on retrouve deux feuilles brochées correspondant chacune à une « section » de l'étage de la responsable d'étage.  Cette dernière recevait les deux feuilles et les utilisait pour partager le travail. 

[18]En changeant la méthode, l'employeur a ajouté des « sections » aux étages. Désormais, l'employeur distribue les chambres par section plutôt que par étage comme le prévoit la convention.  L'employeur a voulu changer la convention collective; la procédure qu'il utilise maintenant ressemble à celle d'un autre hôtel (voir pièce S-9).  Le texte du paragraphe 27.02 est pourtant resté resté le même ou presque, depuis dix ans.

[19]Il demande donc à l'arbitre d'ordonner à l'employeur de revenir à l'ancien système et d'octroyer les dédommagements demandés.

- L'employeur

[20]L'employeur conteste l'allégation syndicale selon laquelle le texte de la convention collection appuierait clairement son interprétation.  Il note par exemple que la déléguée syndicale des préposées avait et a toujours le 21e étage avant et après les changements.  Il allègue que l'ancienne procédure alourdissait la tâche des préposées.

[21]L'objectif de l'entretien des chambres est d'y effectuer l'entretien afin de les rendre de nouveau disponibles à la location.  Pour le faire, l'employeur dispose de droits qui sont reconnus par la convention collective (article 4.01 cité plus haut).  Ces droits ne sont pas vraiment limités par la paragraphe 27.02 en ce qui a trait à l'organisation du travail.

[22]La clause 27.02 détermine le nombre maximum de chambres par jour qui peuvent être confiées à une préposée et qui doit les attribuer.  L'employeur a des obligations de moyens dont il s'acquitte conformément à la convention collective.  Ainsi il assigne le maximum de chambres sur le même étage: c'est prouvé.  Si le syndicat voulait changer les choses et rendre l'ancien système plus permanent il lui fallait proposer de modifier la convention comme elle le prévoit à son paragraphe 2.02.  Il ne l'a pas fait.

[23]L'employeur se conforme à la convention collective car il donne à chaque salariée des assignations de chambres sur un étage à chaque matin.  Une fois le travail distribué la situation échappe à l'employeur.  Les affichettes «ne pas déranger» et d'autres empêchements modifient la distribution des chambres sans que l'employeur n'y puisse rien.  Ainsi des préposées se retrouvent en manque de travail et doivent aller en chercher auprès de la responsable.  L'employeur n'y peut rien.  Il n'a pas d'obligation de résultat en la matière mais une obligation de moyens.  Le texte de la convention rend bien cette idée.

[24]À chaque étage, il y a généralement deux préposées au travail.  Le syndicat demande de confier à la préposée attitrée à l'étage la distribution du travail à la seconde préposée jusqu'à ce que la première ait terminé son travail.  C'est inadmissible et ce n'est pas ce que dit la convention.

[25]Par ailleurs, la convention ne contient pas de clause de droits acquis.  L'examen de la pratique passée est donc inutile.  La convention aurait dû être modifiée pour octroyer le droit que réclame le syndicat.  Les parties n'ont jamais convenu de telles modifications.  Il faut rejeter le grief.

 

 

- La réplique syndicale

[26]Contrairement à l'employeur, le syndicat croit que l'employeur a une obligation de résultat inscrite dans les termes mêmes du paragraphe 27.02.  D'ailleurs c'est l'employeur qui aurait dû demander une modification de la convention avant d'implanter les changements contestés ici.

[27]Le syndicat rappelle qu'il ne faut pas mélanger les moyens mis en oeuvre et les droits sur lesquels ils s'appuient.  Dans notre cas, il existe un nombre considérable d'imprévus qui peuvent modifier la distribution des chambres.  C'est pourquoi les parties ont confié cette responsabilité à la responsable d'étage qui fait la distribution des chambres une fois qu'elle s'est servie.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[28]Le grief dont je suis saisi en est un d'interprétation de la convention collective. 

[29]Le 21 décembre 2012, l'employeur a modifié un système établi antérieurement et qui perdurait depuis au moins dix ans, nous dit le syndicat.  L'employeur l'a remplacé par un système différent surtout sur un aspect: il fait disparaître la mainmise de la préposée attitrée sur son étage.  Les points 7 g) et k) des admissions décrivent bien les conséquences de cette mainmise:

«g.  La préposée aux chambres attitrée à un étage décidait quels numéros de chambres seraient faites par qui (elle-même ou la préposée aux chambres non-attitrée) et quand.

k.  La préposée aux chambres non attitrée devait demander à la gouvernante des chambres à faire sur un autre étage lorsque sa tâche n'était pas complète.»  (pièce PS-5).

[30]L'employeur a décidé d'abolir ces petites mainmises.  Les motifs qui l'ont poussé à changer le système n'ont pas été explicités.  Mais le plaidoyer du porte-parole patronal et le texte des admissions fournissent des indices.  Ainsi le début du point 8 des admissions qui présente les changements indique que le système informatique a été modifié.  D'autre part des remarques faites en audience par l'employeur font croire qu'il visait à mettre fin aux petites hégémonies exercées par chacune des «housekeepers» sur sa collègue.

[31]L'effet de ces changements sur la tâche des femmes de chambres est explicité au point 8 d des admissions:

« d.  A la fin d'une journée de travail, la préposée aux chambres la plus ancienne de l'étage a pu être affectée à une chambre sur un autre étage alors qu'une autre préposée aux chambres moins ancienne a nettoyé une chambre sur le même étage puisqu'on (la) lui a octroyée sur le document de type S-4 qui lui a été donné en début de journée.»

[32]Il y a donc eu changement aux conditions de travail.  L'employeur avait-il le droit de faire ces changements?  La convention collective est-elle explicite, comme l'allègue le syndicat, au point d'empêcher l'employeur d'exercer ses droits de gérance comme il l'a fait?

[33]Il faut constater d'abord que la convention ne contient pas de disposition empêchant l'employeur d'apporter des changements à son organisation sans en donner les motifs et sans qu'ils soient valables.

[34]Ensuite la lecture de la clause 27.02 de la convention, surtout de son alinéa c), indique que l'affectation des femmes de chambres est faite par étage et par ancienneté.  Chacune choisit l'étage où elle veut travailler en fonction de son ancienneté.

[35]Le texte de l'alinéa ne contient cependant aucune allusion à l'hégémonie de celle qu'on nomme «housekeeper», sur son étage:

«c)  L'employeur détermine les étages assignés aux préposés aux chambres en tenant compte de leur ancienneté, la priorité de l'employeur étant d'assigner le maximum de chambres sur le même étage.

Si une préposée aux chambres n'a pas d'étage assigné ou s'il n'y a pas assez de chambres à nettoyer sur son étage habituel, les étages sont également assignés en tenant compte de leur ancienneté, la priorité de l'employeur étant d'assigner le maximum de chambres sur le même étage.

Quand une préposée aux chambres qui avait un étage assigné quitte l'hôtel, l'employeur offre ledit étage par ordre d'ancienneté.»

(tiré de la convention pièce S-1 - mes soulignements).

 

[36]La clause 27.02 de la convention établit les règles de partage du travail entre les préposées aux chambres.  Le travail est partagé par étage.  C'est toujours le cas avec la nouvelle procédure. 

[37]Rien dans la convention collective n'indique qu'une des préposées aurait un droit supérieur à ses collègues à demeurer sur le même étage.  Son ancienneté lui permettra sans doute de choisir un étage moins pénible ou plus attrayant mais si l'assignation qu'elle reçoit au début de son travail ne permet pas de s'acquitter de ses 13 ou 14 chambres à nettoyer, elle devra en référer à sa supérieure comme les autres préposées pour compléter sa tâche quotidienne et travailler sur un autre étage.  Il n'est nullement prévu qu'une femme de chambre agisse comme chef d'équipe ou répartitrice du travail avec ses collègues.

[38]Au début de la journée, l'employeur ne peut deviner les obstacles qui empêcheront les femmes de chambres de nettoyer toutes les chambres qui leur sont assignées.  Il assignera les chambres comme il est prévu à l'alinéa c) et gérera les cas spéciaux lorsqu'ils se présenteront.  L'employeur a ici une obligation de moyen.  Le texte de la convention est à cet égard assez limpide.

[39]La femme de chambre dont l'ancienneté lui a permis de revendiquer un seul étage pour travailler aura toujours un avantage sur sa collègue qui doit compléter sa charge de travail sur deux étages de toutes façons.  Statistiquement elle encourt moins de risques de devoir changer d'étage pour compléter son travail.

[40]La nouvelle façon de distribuer le travail est en revanche plus conforme à la lettre de la clause 27.02 puisque c'est l'employeur qui distribue les assignations de chambres par étage et non plus les femmes de chambres attitrées aux étages.  Si le syndicat voulait encadrer cette activité de façon différente il aurait fallu le prévoir.

 

EN CONSÉQUENCE, le soussigné

REJETTE le grief

 

 

 

________________________________ __

Jacques Doré, arbitre

 

 

Pour le syndicat :

M. Michel Trépanier, Fédération du commerce CSN, assisté de M. Hugo Chénier, Fédération du commerce CSN,

 

Pour l’employeur :

M. Jacques Giroux, Soresh inc.

 

 

Date d’audience :

22 août 2013

 

 

 

 


 

ANNEXE

 

Jurisprudence et autorités citées par les parties

 

 

 

Autorités de la partie syndicale

 

Doctrine

F. Morin et R. Blouin, Droit de l’arbitrage de grief , 6 e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, pp. 498-499, 510-511 et 524-525

 

Autre

ROBERT, Paul et al , Le Petit Robert - « étage » et « section » , Dictionnaire de la langue française

 

Jurisprudence

Hôpital Général de Montréal c . Syndicat des employés de l’Hôpital Général de Montrèal (FSSS-CSN) , 2004 CanLII 47816 (QC SAT), 4 février 2004, Gilles Lavoie

 

 

 

Autorités de la partie patronale

 

Doctrine

F. Morin et R. Blouin, Droit de l’arbitrage de grief , 6 e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, pp. 331 et 332

 

Jurisprudence

Provigo Distribution Inc. c . Travailleurs et travailleuses de l’alimentation et du commerce T.U.A.C., section locale 500, AZ-50445164 , (T.A.), 27 juillet 2007, Me Robert Choquette