Tremblay c. Clinique vétérinaire Fabreville

2013 QCCQ 10071

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-024735-126

 

 

 

DATE :

Le 28 août 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

BENOIT SABOURIN, J.C.Q.

 

 

 

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Marie-Andrée TREMBLAY

Demanderesse

c.

CLINIQUE VÉTÉRINAIRE FABREVILLE

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Marie-Andrée Tremblay réclame 2 500 $ à la Clinique Vétérinaire Fabreville (la Clinique). Elle prétend que la Clinique n'a pas prodigué à sa chatte les soins requis par son état de santé.

[2]            La Clinique rétorque qu'elle est tenue à une obligation de moyen envers Mme Tremblay, qu'elle n'a commis aucune faute dans les circonstances et que tous les traitements requis par l'état de santé de la chatte de Mme Tremblay ont été prodigués.

QUESTIONS EN LITIGE

A)         Le Dr Sylvain Hamel, vétérinaire, a-t-il commis une faute ?

B)         La Clinique a-t-elle respecté ses obligations contractuelles découlant des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec ?

C)         Le cas échéant, quels sont les dommages liés à la faute ou à l'inexécution contractuelle de la Clinique et quelle est la valeur de ces dommages ?

CONTEXTE ET ANALYSE

[3]            Marie-Andrée Tremblay est propriétaire d'une chatte prénommée Chloée. Cette chatte est suivie à la Clinique depuis 2001.

[4]            La chatte de Mme Tremblay va à l'extérieur et revient régulièrement avec des blessures nécessitant des soins vétérinaires.

[5]            Le 13 juillet 2011, Mme Tremblay découvre une bosse à la hanche de sa chatte qui est alors âgée de 11 ans.

[6]            Elle se présente à la Clinique le jour même. Le Dr Sylvain Hamel, vétérinaire, lui diagnostique un abcès fermé à la base de la queue de forme irrégulière mesurant environ 15 centimètres.

[7]            Il recommande d'intervenir chirurgicalement. L'intervention ne peut se faire le jour même. La chatte est hospitalisée. L'intervention est prévue pour le lendemain.

[8]            Dr Hamel procède à l'intervention le 14 juillet 2011, en après-midi. La chatte est anesthésiée et intubée. L'intervention vise à lancer l'abcès en vue d'en vider le liquide.

[9]            Une première incision cutanée permet de recueillir 30cc de liquide. Suite à cette incision, le Dr Hamel constate que l'abcès est plus volumineux que prévu.

[10]         Il procède à une deuxième incision cutanée et à un autre endroit en vue de drainer le plus de liquide possible.

[11]         La lésion est nettoyée et des antibiotiques et des anti-inflammatoires sont administrés par injection sous-cutanée.

[12]         Pour le Dr Hamel, l'intervention s'est bien déroulée. L'état général de la chatte, à son réveil, est satisfaisant.

[13]         La Clinique n'offre pas un service continu 24 heures sur 24. Les animaux hospitalisés à la Clinique doivent être stables et capables d'y passer la nuit sans surveillance constante. Lorsqu'une telle surveillance est requise, l'animal est habituellement transféré au Centre Vétérinaire Laval. Pour le Dr Hamel, un tel transfert n'était pas requis suite aux constatations qu'il a faites suite au réveil de la chatte de Mme Tremblay.

[14]         Le lendemain, lors de la réévaluation, Dr Hamel constate que l'état de la chatte s'est détérioré. Le membre antérieur gauche présente une diminution du tonus musculaire. La chatte a de la difficulté à se déplacer. Elle est déshydratée et en hypothermie.

[15]         Le Dr Hamel tente de joindre Mme Tremblay, sans succès. On prodigue à la chatte tous les traitements requis par son état (sac chauffant, médicaments). Le Dr Hamel doit quitter la Clinique car il a un rendez-vous à l'extérieur. Il n'a toujours pas réussi à parler à Mme Tremblay.

[16]         Sans préavis, Mme Tremblay se présente à la Clinique vers l'heure du dîner et constate que sa chatte est dans un piètre état. Il n'y a pas de vétérinaire sur place pour lui expliquer ce qui se passe. Une technicienne en santé animale lui résume brièvement la situation.

[17]         On informe Mme Tremblay que la chatte doit quitter la Clinique, et ce, même si elle n'est pas stable. En effet, vu l'horaire d'été, la Clinique ferme plus tôt le vendredi et il n'y a pas de surveillance au cours de la fin de semaine.

[18]         Le congé est donc donné à la chatte et des médicaments lui sont prescrits. On suggère à Mme Tremblay de suivre l'évolution de sa chatte et, si la situation se détériore, de revenir à la Clinique le lundi suivant. En cas d'urgence, on invite Mme Tremblay à se rendre à la Clinique Vétérinaire de Laval qui offre des services 24 heures sur 24, sept jours par semaine.

[19]         Le lendemain, un samedi, l'état de la chatte ne s'est pas amélioré. Mme Tremblay consulte un autre vétérinaire faisant partie de l'Hôpital Vétérinaire Ste-Rose Enr.  La vétérinaire procède à l'examen et constate que la chatte présente une paralysie vraisemblablement post-chirurgicale. Elle constate la déshydratation et l'état d'hypothermie de la chatte.

[20]         Elle suggère une hospitalisation sous fluide et installation d'un coussin chauffant pour la fin de semaine. Mme Tremblay, ayant atteint le maximum des frais qu'elle était prête à investir, décide de faire euthanasier sa chatte.

[21]         L'euthanasie est pratiquée le jour même.

A)        Le Dr Sylvain Hamel, vétérinaire, a-t-il commis une faute ?

[22]         Le Tribunal conclut que le Dr Hamel n'a pas commis de faute lors de l'intervention chirurgicale du 14 juillet 2011. Il était tenu à une obligation de moyen et le Tribunal est convaincu que le Dr Hamel a pris tous les moyens à sa disposition dans les circonstances.

[23]         Mme Tremblay était informée des risques liés à une intervention chirurgicale et à l'anesthésie et elle avait accepté ces risques.

[24]         L'intervention devait être pratiquée, il y a eu des complications mais, selon la preuve entendue, elles ne sont pas imputables à une quelconque faute commise par le Dr Hamel.

B)        La Clinique a-t-elle respecté ses obligations contractuelles découlant des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec ?

[25]         Malgré la conclusion à laquelle le Tribunal en vient quant à l'absence de faute commise par le Dr Hamel, le Tribunal considère que la Clinique dans le cadre du contrat de service qui le lie à Mme Tremblay, n'a pas agi « au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence » [1] .

[26]         À l'audience, le Dr Hamel admet candidement que la communication n'a pas très bien fonctionné durant la période où la Clinique a eu la garde de la chatte. De plus, les contraintes liées à l'horaire d'été ont fait en sorte que la chatte de Mme Tremblay a reçu son congé alors que son état de santé n'était pas stabilisé.

[27]         L'absence du Dr Hamel lors du passage de Mme Tremblay et le fait qu'on ne semblait pas en mesure de lui expliquer adéquatement la situation démontrent que la Clinique n'a pas agi dans les meilleurs intérêts de Mme Tremblay, et ce, contrairement à ses obligations découlant notamment de l'article 2100 du Code civil du Québec.

[28]         Le Tribunal conclut donc qu'il y a eu inexécution contractuelle dans le cadre du contrat de service liant les parties, ce qui donne ouverture au remède prévu à l'article 1604 du Code civil du Québec qui se lit ainsi :

« 1604 . Le créancier, s'il ne se prévaut pas du droit de forcer, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation contractuelle de son débiteur, a droit à la résolution du contrat, ou à sa résiliation s'il s'agit d'un contrat à exécution successive.

Cependant, il n'y a pas droit, malgré toute stipulation contraire, lorsque le défaut du débiteur est de peu d'importance, à moins que, s'agissant d'une obligation à exécution successive, ce défaut n'ait un caractère répétitif; mais il a droit, alors, à la réduction proportionnelle de son obligation corrélative.

La réduction proportionnelle de l'obligation corrélative s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances appropriées; si elle ne peut avoir lieu, le créancier n'a droit qu'à des dommages-intérêts. »

[nos soulignements]

C)        Le cas échéant, quels sont les dommages liés à la faute ou à l'inexécution contractuelle de la Clinique et quelle est la valeur de ces dommages ?

[29]         Vu la conclusion à laquelle en vient le Tribunal à l'effet qu'il y a eu inexécution contractuelle par la Clinique, le Tribunal, usant de sa discrétion, réduit la facture du 15 juillet 2011 de 75%, réduction qui sera arrondie à la somme de 350 $.

[30]         Quant aux autres réclamations de Mme Tremblay, elles sont rejetées. Les frais d'euthanasie de 144,68$ découlent du choix de Mme Tremblay de ne pas aller plus loin dans les traitements vétérinaires. De plus, vu la conclusion du Tribunal à l'effet que le Dr Hamel n'a pas commis de faute lors de l'intervention, la Clinique ne peut être tenue responsable desdits frais.

[31]         Quant au solde de la réclamation de Mme Tremblay (1 883,61$), le Tribunal ne dispose d'aucune preuve lui permettant d'accorder de tels dommages.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la demande en partie.

CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 350 $ avec les intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 26 octobre 2011, date de la mise en demeure P-3, plus les frais judiciaires au montant de 103 $.

 

 

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BENOIT SABOURIN, j.c.q.

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

Le 2 août 2013.

 



[1]      Extrait de l'article 2100 du Code civil du Québec