Dépelteau c. Location Réjean Bigras inc.

2013 QCCQ 10201

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

SAINT-JÉRÔME

« Chambre civile »

N° :

700-32-024655-100

 

 

 

DATE :

9 SEPTEMBRE 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JIMMY VALLÉE, J.C.Q.

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SYLVIE DÉPELTEAU

-et-

PATRICK MINOGUE

Demandeurs

c.

LOCATION RÉJEAN BIGRAS INC.

Défenderesse

-et-

VILLE DE PRÉVOST

Appelée en garantie

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Sylvie Dépelteau et Patrick Minogue réclament 7 000 $ à Location Réjean Bigras inc. («Bigras») pour des dommages leur ayant été causés suite à la construction d'un système d'épuration par cette dernière sur l'immeuble leur appartenant, construction qui s'est avérée défectueuse et non conforme à la législation applicable.

[2]            Madame Sylvie Dépelteau et son conjoint achètent un terrain en 2005. Dès la fin de l'année 2005, ils confient mandat à Location Réjean Bigras inc. de procéder à la mise en place d'un champ d'épuration conforme aux normes gouvernementales.

[3]            En mai 2009, lorsque vient le temps de revendre leur résidence à monsieur Christian Barbier, quelques problèmes surgissent en ce qui a trait à ce champ d'épuration.

[4]            Dépelteau [1] et Minogue confient mandat à la firme Imausar afin de procéder à une expertise technique et à la rédaction d'un rapport d'expertise, lequel conclut que l'élément épurateur modifié construit n'est pas conforme au règlement sur l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q-2, R.8).

[5]            Imausar reproche à l'entrepreneur plusieurs fautes et erreurs commises lors de la construction, erreurs qui ont entraîné le colmatage prématuré de l'installation septique.

[6]            Le 14 juillet 2009, une rencontre se tient entre Dépelteau, son acheteur Christian Barbier, Réjean Bigras, représentant de la défenderesse et Sébastien Dehaies, ingénieur ayant réalisé l'expertise pour le compte d'Imausar. Il est à ce moment convenu que Bigras procède à certains travaux devant permettre de corriger la situation.

[7]            Bigras refuse par la suite d'émettre une lettre attestant de la conformité des installations et, aux yeux des représentants de la municipalité de Prévost, celles-ci ne sont toujours pas conformes.

[8]            Se sentant responsable envers son acheteur, Dépelteau décide au printemps 2010, après plusieurs échanges de correspondance entre les avocats respectifs des parties, de faire construire un nouveau champ d'épuration afin de rendre le tout conforme.

[9]            De son côté, monsieur Bigras prétend en défense que des travaux d'Hydro-Québec à l'arrière de l'immeuble auraient pu être la cause des eaux en quantité abondante qui viennent noyer le champ d'épuration.

[10]         Il admet dans son témoignage la non-conformité du champ d'épuration et précise qu'il était d'accord, lors de la rencontre de juillet 2009, pour assumer les frais de machinerie et de main-d'œuvre afin de corriger la situation. Selon lui, le coût du matériel n'était pas «grand chose». Il n'a pas eu d'autres nouvelles par la suite des demandeurs avant de recevoir une facture de plus de 11 000 $ pour les travaux ayant été effectués.

[11]         Monsieur Sébastien Dehaies a préparé l'expertise P-1 qui conclut à la non-conformité des travaux effectués par Bigras en 2005. Il y avait une importante accumulation d'eau sur le champ d'épuration et une fuite de la fosse septique. Il était présent à la rencontre de la mi-juillet et confirme que monsieur Bigras a alors offert de payer pour la main-d'œuvre et la machinerie en ce qui a trait aux travaux à être exécutés.

[12]         Frédéric Marceau, coordonnateur à l'environnement pour la municipalité de Prévost est également entendu et confirme que l'installation n'était pas conforme aux normes réglementaires.

Le fardeau de preuve

[13]         Afin de faciliter la compréhension du présent jugement par les parties, le Tribunal croit important de reproduire les articles du Code civil du Québec qui reçoivent ici application.

[14]         L'article 2803 C.c.Q énonce:

« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

[15]         Cet article impose au demandeur le fardeau de prouver les allégations contenues dans sa demande et ce, par prépondérance de preuve.

[16]         L'article 2804 C.c.Q. ajoute:

« La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »

[17]         Ce dernier article permet au Tribunal d'apprécier la preuve présentée de part et d'autre par les parties, afin de déterminer si, effectivement, l'existence d'un fait est plus probable que son inexistence.

Le droit applicable

[18]         Le recours intenté par Dépelteau et Minogue est basé sur une faute contractuelle qu'aurait commise Bigras dans l'exécution des travaux en 2005. L'article 1458 du Code civil du Québec s'applique dans ces circonstances. Il se lit ainsi :

1458.  Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés.

 

Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

 

[19]         Le contrat intervenu entre les parties et exécuté en 2005 en était un d'entreprise au sens du Code civil du Québec ( C.c.Q. , art. 2098). Bigras s'est engagé envers Dépelteau et Minogue à réaliser un ouvrage matériel, moyennant un prix que ces derniers se sont obligés à lui payer.

[20]         Bigras avait dès lors l'obligation d'exécuter les travaux selon les règles de l'art. Il devait se rapporter à l'ensemble des techniques et pratiques de construction approuvées qui assurent des ouvrages de qualité. Il est assujetti à une obligation de résultat (article 2100 C.c.Q).

[21]         L'entrepreneur, tenu au résultat, ne peut se dégager de sa responsabilité qu'en prouvant force majeure (2 e al. de l'article 2100 C.c.Q). Telle preuve n'a pas été faite en l'instance.

[22]         De façon non équivoque, il ressort de la preuve que les travaux de 2005 n'ont pas été exécutés selon les règles de l'art et qu'ils n'étaient pas entièrement conformes aux normes. Monsieur Bigras ne semble d'ailleurs pas vouloir nier ce fait.

[23]         Il précise même qu'il était prêt à assumer la majeure partie des frais nécessaires à rendre conformes les installations, soit la main d'œuvre et la machinerie. Il s'agit là d'un aveu, au sens des dispositions des articles 2850 et 2852 C.c.Q. , lesquels édictent:

2850.  L'aveu est la reconnaissance d'un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur.


2852.  L'aveu fait par une partie au litige, ou par un mandataire autorisé à cette fin, fait preuve contre elle, s'il est fait au cours de l'instance où il est invoqué. Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait.

 

La force probante de tout autre aveu est laissée à l'appréciation du tribunal.

 

 

[24]         De son côté, l'article 2811 considère l'aveu comme un moyen de prouver un fait ou un acte juridique. Il se lit ainsi:

2811.   La preuve d'un acte juridique ou d'un fait peut être établie par écrit, par témoignage, par présomption, par aveu ou par la présentation d'un élément matériel, conformément aux règles énoncées dans le présent livre et de la manière indiquée par le Code de procédure civile (chapitre C-25) ou par quelque autre loi.

Les soulignés sont du tribunal

 

[25]         La responsabilité de l'entreprise défenderesse est donc clairement engagée.

[26]         Malgré l'offre de Bigras d'exécuter les travaux, le Tribunal croit que, vu les circonstances, Dépelteau et Minogue étaient justifiés de faire exécuter les travaux par un tiers, ayant perdu confiance en Bigras.

[27]         Bigras devra donc compenser, en numéraire, partie des dommages occasionnés à Dépelteau et Minogue par sa faute contractuelle. Usant de la discrétion judiciaire dont il jouit, le Tribunal arbitre à 5 000 $ les dommages que Bigras devra verser à Dépelteau et Minogue.

[28]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]         ACCUEILLE en partie la demande;

[30]         CONDAMNE Location Réjean Bigras inc. à payer à Sylvie Dépelteau et Patrick Minogue la somme de 5 000 $ avec intérêts au taux légal de 5% l'an majorés de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à compter du 12 novembre 2010 et les frais judiciaires de 159 $.

[31]         REJETTE l'appel en garantie contre Ville de Prévost, sans frais.

 

 

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JIMMY VALLÉE, j.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

30 AOÛT 2013

 



[1]     L'utilisation des seuls noms de famille dans le présent jugement a pour seul but d'alléger le texte et ne doit aucunement être interprété comme un manque de courtoisie à l'égard des personnes concernées.