Durand c. Cece |
2013 QCCQ 10430 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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LOCALITÉ DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-128660-117 |
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DATE : |
Le 12 août 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.Q. |
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BENJAMIN DURAND […]Montréal (Québec) […] |
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Demanderesse |
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c. |
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SALVATORE CECE […]Montréal (Québec) […] |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur, monsieur Benjamin Durand (« Durand »), réclame le remboursement du prix versé au défendeur, monsieur Salvatore Cece (« Cece »), lors de l’achat d’une automobile Nissan Altima GXE 1998 (Numéro d’identification du véhicule : 1N4DL01D2WC110149) (la « Nissan ») ainsi que certains dommages encourus pour un montant total de 1 639,08 $.
[2] Durand soutient que la Nissan était affectée d’un vice caché majeur qui a fait en sorte qu’il n’a jamais pu se servir de la voiture après son achat si ce n’est que de se rendre du garage où il l’a achetée, à Lachine, à sa résidence, à Longueuil; puis, un second trajet chez un garagiste qui a constaté que le moteur était fini (aucune pression d’huile) pour enfin l’entreposer sur le terrain de stationnement de son logement.
[3] Cece conteste la réclamation de Durand aux motifs qu’il a vendu la Nissan de bonne foi, qu’il a dénoncé tous les défauts avant de la vendre et, ultimement, qu'il a demandé qu’on lui retourne la Nissan pour obtenir un remboursement total, ce que l’ex-conjointe de Durand aurait refusé. En dernier lieu, Cece reproche à Durand d’avoir envoyé la Nissan à la ferraille. Il n’a donc jamais pu inspecter le moteur pour vérifier la justesse des affirmations de Durand et ne peut plus récupérer celle-ci au cas où le Tribunal prononcerait l’annulation de la vente.
[4] Durand rétorque qu’il a dû se débarrasser de la Nissan car Cece refusait l’idée d’annuler la vente et de le rembourser intégralement. Il a offert à Cece de venir inspecter la Nissan à l’endroit où elle était mise au rancart, mais ce dernier a toujours refusé. Qui plus est, le véhicule était remisé dans le stationnement de son bloc à appartements où se trouvait son logement. Il ne pouvait le conserver indéfiniment à cet endroit et Cece refusait de venir le récupérer, d’autant plus que la voiture ne pouvait plus fonctionner. Il fallait donc la faire remorquer et Durand ne voulait pas encourir les frais de remorquage.
QUESTIONS EN LITIGE
[5]
Le Tribunal doit déterminer, dans un premier temps, si Durand a droit à
l’annulation demandée. Dans un deuxième temps, si l’annulation de la vente est
prononcée, qu’en est-il de l’obligation de restitution d’une partie et d’autre
(article
LES FAITS
[6] La preuve révèle qu’une annonce sur le site web de Kijiji a retenu l’attention de Durand en mars 2011. Il s’intéresse à la Nissan Altima GXE 1999 annoncée en vente au prix de 1 750 $. L’annonce mentionne aussi : NISSAN ALTIMA GXE 1999 Tout Équipe, 120 000 Km. Automatique, Moteur 2.5 litres (4 cylindres), AM/FM Stéréo, Air climatisé, Anti-démarreur, Miroirs électriques, Vitres électriques, Très bien entretenue, Propre mécanique, très fiable. [7] Le 17 mars 2011, Durand se rend à un garage situé à Lachine où on y répare des automobiles. La Nissan y est entreposée à l’extérieur sur le terrain de stationnement. Durand est alors accompagné de sa conjointe d’alors, madame Éliane Bouchard (« Bouchard »). [8] Il rencontre alors Cece. Il comprend que le garage appartient à son neveu, mécanicien. [9] Comme Durand est un mécanicien automobile diplômé, il effectue lui-même une inspection générale de base de la Nissan. Il a même avec lui un ordinateur portatif (scanner) qu’il branche à la voiture pour détecter tout code d’erreur. Il n’y en a pas. Il ne peut cependant pas faire soulever la voiture car elle se trouve à l’extérieur et le neveu est sur le point de fermer le garage pour la journée. Comme la Nissan n’est pas immatriculée, il ne peut faire un essai sur la rue et Cece n’a pas de plaque lui permettant de le faire. Durand essaie néanmoins la Nissan dans le stationnement du garage. Tout semble en ordre sauf pour le tuyau d’échappement et les pneus qui doivent être changés. Il est satisfait d’autant plus que Cece se fait rassurant par ses propos qui font écho à l’annonce dans Kijiji. [10] Le prix demandé est de 1 750 $. Ils s’entendent à 1 500 $. Durand est prêt à l’acheter sur-le-champ, mais Cece n’accepte pas de chèque. Il exige de l’argent comptant. Durand se rend alors à une institution financière pour y obtenir la somme demandée en argent comptant et il revient au garage pour compléter la transaction avec Cece. Ils se rendent aussitôt à un bureau de la SAAQ. Le transfert du titre de propriété est effectué à 17 h 28, le 17 mars 2011. Les parties déclarent à la SAAQ une valeur de 100 $ pour la transaction. [11] Une fois le titre de propriété échangé et l’argent remis à Cece, ce dernier, pour la première fois, informe Durand de ne pas s’inquiéter si, de temps à autre, le témoin lumineux de la pression d’huile s’allume au tableau de bord. Durand ne doit pas s’en faire car il ne s’agit que d’un problème au niveau du détecteur ou du capteur de pression seulement lequel devrait être remplacé; Cece précise qu’il ne s’agit pas d’un problème de pression d’huile dans le moteur. Durand a confiance en lui et le croit sur parole car s’il y avait un problème de pression d’huile, il n’aurait pas acheté la Nissan sans pousser plus loin son inspection et il ne serait jamais parti de Lachine en conduisant la voiture sans s’assurer que le moteur était en bonne condition. Ce n’était qu’un problème de capteur défectueux, tel que l’en assurait Cece. [12] Durand quitte le garage à bord de la Nissan et se dirige vers sa résidence à Longueuil. En cours de route, le témoin lumineux de pression d’huile s’allume et s’éteint à quelques reprises. Sur la foi des assurances verbales faites par Cece, Durand ne s’en fait pas. Dans son esprit, ce n’est pas un véritable problème de pression dans le moteur. Il va faire remplacer le capteur sous peu. [13] Dans les jours qui suivent, Durand se rend dans un garage pour faire changer le capteur de pression d’huile. Il s’agit d’une pièce peu coûteuse (20 $). Le capteur est remplacé, mais lorsque le mécanicien fait redémarrer le moteur, le témoin lumineux s’allume à nouveau. Le mécanicien fait d’autres vérifications du moteur à la demande de Durand pour découvrir que le capteur n’était pas défectueux. C’est plutôt qu’il n’y aucune pression d’huile dans le moteur. Le moteur est fini, il s’agit d’un problème extrêmement grave qui nécessite le remplacement du moteur au coût de 2 324,25 $ par un autre moteur usagé (P-6). [14] Durand découvre aussi, en examinant le reçu émis par la SAAQ, que Cece lui a menti sur l’âge réel de la Nissan qui n’est pas un modèle 1999 comme représenté dans l’annonce Kijiji, mais plutôt un modèle 1998. [15] Il communique avec Cece au téléphone. Quand Cece retournera l’appel, il parlera avec Bouchard, sa conjointe d’alors. Ce n’est pas son problème, de répondre Cece. Il nie toute responsabilité. Il demande que l’on rapporte la Nissan au garage pour la faire réparer aux frais de Durand. Son neveu va lui faire un bon prix. La réponse de Cece incite Durand à lui transmettre une première lettre. [16] Le 29 mars 2011, Durand envoie une mise en demeure (P-7) à Cece dans laquelle il relate les faits. Il reproche à Cece d’avoir menti sur l’âge réel du véhicule et de lui avoir caché l’existence d’un vice majeur affectant le moteur en lui vendant la voiture. Comme le coût pour réparer la Nissan et la rendre fonctionnelle dépasse le prix payé, il demande d’annuler la vente. La lettre mentionne, entre autres : Si vous accepter [de lui rembourser le prix d’achat] vous devrez venir chercher le véhicule par vos propres moyens dans un délai raisonnable. Si vous ne voulez pas le ravoir, nous enverrons la voiture à la ferraille. [17] Cece répond quelques jours après la réception de la lettre P-7 en appelant Durand à la maison. Ce dernier n’est pas là; Bouchard répond à l’appel. [18] Bouchard a témoigné que lors du premier appel, elle a décrit à Cece les problèmes découverts. Cece lui répond que ce n’est pas de sa faute et que la Nissan fonctionnait quand Durand a quitté le garage. C’est votre problème et non le sien, lui aurait-il dit. [19] Au deuxième appel, suivant la première mise en demeure, Cece reconnaît avoir reçu la lettre P-7. Il demande à Bouchard de rapporter la Nissan au garage, on va la réparer pour eux au coût de 500 $. Bouchard est surprise qu’il faille maintenant payer à Cece une somme additionnelle pour que la Nissan devienne fonctionnelle. Bouchard insiste qu’il n’a jamais été question que Cece rembourse le prix d’achat. Tout ce qu’il était prêt à faire était de faire réparer la Nissan, et ce, aux frais de Durand. [20] Lorsque Durand apprend la « nouvelle » réponse de Cece, il lui envoie une seconde mise en demeure, le 5 avril 2011 (P-8). Il réitère sa demande de remboursement intégral. Il avise que la Nissan sera envoyée à la ferraille puisque Cece refuse d’inspecter et de récupérer le véhicule. Vous avez refusé toute autre forme d’arrangement à l’amiable que nous vous avons proposé en niant toute responsabilité . Néanmoins, il invite à nouveau Cece à venir inspecter la Nissan. Nous mettrons la voiture à votre disposition jusqu’au 15 avril 2011 après quoi elle sera mise au rancart, puis recyclée . Il termine la mise en demeure en réclamant la somme totale de 1 639,08 $ (1 500 $ prix d’achat, 78,38 $ inspection mécanique, 40,90 $ transfert et immatriculation et 19,80 $ envoi de deux lettres recommandées). [21] Cece ne répondra et ne donnera jamais suite à cette lettre. [22] Durand attend jusqu’au 27 avril 2011 avant de mettre la Nissan au rancart et remet la plaque d’immatriculation à la SAAQ (P-9). [23] Étant toujours sans nouvelles de Cece le 6 mai 2011, il donne la Nissan à la Fondation canadienne du rein. Il recevra un reçu de charité de 80 $ pour ce don. Durand insiste que la Nissan n’étant plus fonctionnelle ni immatriculée; il ne pouvait la laisser entreposée sur le terrain de stationnement de son locateur, d’où la nécessité de l’envoyer à la ferraille compte tenu que Cece n’en voulait manifestement plus. [24] En défense, Cece offre une version fort différente des faits. Il explique que Durand arrive au garage de son neveu à 16 h 00. Le garage ferme à 17 h 00. [25] En arrivant, il fait démarrer la Nissan devant Durand au moyen du démarreur à distance. Tout fonctionne bien. Il déclare avoir mentionné la présence du témoin lumineux qui s’allume de temps à autre tout en soulignant qu’il lui a spécifié qu’il ignorait si c’était un capteur défectueux ou un problème de pression d’huile à l’intérieur du moteur. Durand veut absolument l’acheter, dit-il. Il a vérifié l’automobile avec Bouchard et tout est bien. Il veut l’acheter tout de suite. [26] Cece lui offre de revenir le lendemain car il pourrait alors avoir une plaque d’immatriculation temporaire « X » pour lui permettre d’essayer la Nissan sur la route. Durand aurait refusé l’offre car il ne voulait pas revenir une seconde fois de Longueuil. Il veut l’acheter tout de suite. Cece rajoute que s’il y avait réellement eu un problème avec la Nissan, Durand aurait dû l’appeler dès son arrivée à la maison et non pas attendre quelques jours plus tard après sa visite chez le mécanicien qui a identifié le problème de moteur. À ce sujet, Durand répondra que s’il ne l’a pas appelé dès son arrivée à la maison le 17 mars, c’était tout simplement en raisons des fausses assurances conviées par Cece qu’il ne s’agissait que d’une défectuosité du capteur et non pas du moteur. [27] Au sujet de ses conversations téléphoniques avec Bouchard, Cece nie la version des faits offerte par celle-ci. Bref, il n’a jamais demandé de faire réparer l’automobile chez son neveu, aux frais de Durand, et il était même prêt à lui rembourser le prix payé sur remise du véhicule. Cece relate qu’il a demandé initialement à Bouchard de rapporter la Nissan afin qu’il puisse la faire vérifier. Bouchard refuse, c’est plutôt à Cece de venir la chercher à Longueuil, ce qu’il refuse de faire car la Nissan ne lui appartient plus, d’autant plus qu’il n’a jamais eu de problèmes de moteur lorsqu’il en était le propriétaire et qu’il avait dûment informé Durand du témoin lumineux. [28] Cece reproche à Durand de ne pas avoir retourné la Nissan à l’endroit où il l’avait achetée pour qu’il puisse l’inspecter et au besoin le rembourser. Il nie que le moteur ait été défectueux et n’accepte pas la preuve offerte par Durand, à cet égard. Maintenant que la Nissan a été recyclée, il n’aura jamais la chance d’examiner le moteur afin de se satisfaire de l’existence du problème dont se plaint Durand. La seule preuve acceptable à ses yeux aurait été de lui permettre d’inspecter la voiture au garage de son neveu. Il n’avait pas à se déplacer à Longueuil ou à aller récupérer la Nissan là-bas à ses frais. [29] En terminant, Cece dit que la Nissan est leur voiture et qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient avec elle (comme l’envoyer au recyclage). Ils ont décidé de s’en débarrasser, ce qui était leur choix et leur privilège. Il n’a pas à en assumer les conséquences financières. Ce n’est pas son problème. [30] Le témoignage de Cece est contredit par Durand et par son ex-conjointe Bouchard laquelle est apparue crédible aux yeux du Tribunal d’autant plus qu’elle n’a aucun intérêt dans l’issue de ce litige, n’étant pas partie à la transaction attaquée. Quant à Durand, son témoignage est apparu sincère, spontané, plausible; bref, crédible. Il est un mécanicien expérimenté qui insiste que lors de son inspection de la Nissan, il n’y avait aucun indice de problèmes. Lorsqu’il a essayé la Nissan sur le terrain de stationnement, le témoin lumineux ne s’est jamais allumé. Les propos de Cece étaient rassurants, à l’image des commentaires formulés dans l’annonce sur Kijiji ( Très bien entretenue, Propre mécanique, Très fiable ). De plus, la voiture se trouvait chez son neveu, mécanicien par surcroît. [31] Durand insiste qu’en aucun temps, Cece n’a soulevé la question du témoin lumineux avant le paiement du prix d’achat à la SAAQ. S’il l’avait fait avant, il n’aurait pas acheté le véhicule avant de pousser son inspection plus loin. À titre de mécanicien expérimenté, il connaît la gravité d’un manque de pression d’huile dans un moteur. [32] De plus, lorsqu’il l’a averti du témoin lumineux après l’achat, Cece s’est voulu rassurant. Cece s’est donné la peine de spécifier que ce n’était pas un problème de pression d’huile, mais simplement un capteur défectueux qui devait être changé. À ses yeux, Cece, un homme d’un certain âge à l’air très respectable, ne suscitait en lui aucune raison de croire que le problème du témoin lumineux n’était pas mineur et que Cece mentait. Après tout, la Nissan était chez son neveu mécanicien, par surcroît. Jamais, jamais n'aurait-il accepté de quitter le garage du neveu au volant de la Nissan après l’avoir achetée s’il y avait eu la possibilité d’un problème de pression d’huile à l’intérieur du moteur. Tous les messages et signes offerts par Cece étaient à l’effet contraire. [33] Bref, Cece a menti sur l’année véritable du véhicule, il lui a fait de fausses représentations dans l’annonce Kijiji ainsi qu'une fois sur place au garage de son neveu, tant avant qu’après la transaction complétée à la SAAQ. Si Cece lui avait dit la vérité sur la condition réelle de la Nissan, Durand ne l’aurait jamais achetée. ANALYSE [34] La preuve prépondérante convainc le Tribunal que la Nissan était affectée d’un vice caché majeur au moteur qui la rendait inutilisable et que Cece connaissait ce vice ou, à tout le moins, devait vraisemblablement le connaître au moment de la vente. Il s’agissait d’une information que Cece avait l’obligation de communiquer, à titre de vendeur, à l’acheteur potentiel avant de compléter la transaction, car une telle information connue de l’acheteur aurait définitivement eu un impact sur sa décision d’acheter et sur le prix offert. [35] Le Tribunal considère que la version des faits offerte par Durand et Bouchard est beaucoup plus plausible, vraisemblable et crédible que celle de Cece. Qui plus est, Durand voulait régler à l’amiable; ses lettres en font foi. Elles ne reflètent aucunement que Cece était prêt à annuler la vente et que le seul litige entre eux était de savoir qui allait faire transporter la Nissan au garage du neveu de Cece. La version de Cece n’est tout simplement pas plausible et crédible. [36] Il s’agit clairement d’un cas où la vente devrait être annulée.
[37]
Il y a lieu de citer à ce sujet l'article
1422. Le contrat frappé de nullité est réputé n'avoir jamais existé . Chacune des parties est, dans ce cas, tenue de restituer à l'autre les prestations qu'elle a reçues. [Soulignement ajouté]
[38]
Dans le cas d'annulation, la restitution des prestations est prévue
aux articles
1699. La restitution des prestations a lieu chaque fois qu'une personne est, en vertu de la loi, tenue de rendre à une autre des biens qu'elle a reçus sans droit ou par erreur, ou encore en vertu d'un acte juridique qui est subséquemment anéanti de façon rétroactive ou dont les obligations deviennent impossibles à exécuter en raison d'une force majeure. Le tribunal peut, exceptionnellement, refuser la restitution lorsqu'elle aurait pour effet d'accorder à l'une des parties, débiteur ou créancier, un avantage indu, à moins qu'il ne juge suffisant, dans ce cas, de modifier plutôt l'étendue ou les modalités de la restitution .
1700. La restitution des prestations se fait en nature, mais si elle ne peut se faire ainsi en raison d'une impossibilité ou d'un inconvénient sérieux, elle se fait par équivalent . L'équivalence s'apprécie au moment où le débiteur a reçu ce qu'il doit restituer . 1705. Les frais de la restitution sont supportés par les parties, en proportion, le cas échéant, de la valeur des prestations qu'elles se restituent mutuellement. Toutefois, lorsque l'une d'elles est de mauvaise foi ou que la cause de la restitution est due à sa faute, elle seule supporte les frais de la restitution. [Soulignement ajouté] [39] Lorsqu'un contrat est annulé, les parties doivent être remises dans le même état que si le contrat n'avait jamais été conclu. Ainsi, Durand doit remettre la Nissan à Cece pour que celui-ci lui rembourse le prix de vente payé. En l’espèce, cela est impossible en raison d’un fait imputable à Durand exclusivement. Au lieu de retourner à Cece la Nissan qu’il ne voulait plus, il a choisi de l’envoyer au recyclage moyennant un reçu de charité de 80 $, sous prétexte que Cece ne voulait pas venir chercher le véhicule chez lui. [40] En ce faisant, Durand a commis une erreur. Le Tribunal peut comprendre le fait qu’à titre de locataire, il ne pouvait entreposer indéfiniment la Nissan sur le terrain de stationnement de son locateur. Par ailleurs, s’il voulait faire annuler la vente, il se devait de retourner le véhicule à l’endroit où il l’avait acheté ou à tout autre endroit alors convenu avec le vendeur, ce qui n’est pas le cas ici. Le fait que la Nissan n’était plus mobile et fonctionnelle ne faisait pas en sorte que l’obligation de la retourner au garage du neveu de Cece incombait alors à ce dernier. [41] Bref, ayant décidé d’annuler la vente, Durand avait l’obligation de retourner la Nissan à l’endroit où il en avait pris possession. Si ce retour lui avait occasionné des frais de remorquage, il aurait facilement pu les ajouter à sa réclamation. Il n’aurait pas encouru inutilement de tels frais. [42] Le geste posé par Durand de se débarrasser de la Nissan, et ainsi empêcher par le fait même sa restitution à Cece pour compléter l’annulation de la vente qu’il recherchait, devrait normalement résulter par le rejet de sa réclamation, faute pour le Tribunal de pouvoir ordonner la remise en état des parties.
[43]
Toutefois, l'article
1702. Lorsque le bien qu'il rend a subi une perte partielle, telle une détérioration ou une autre dépréciation de valeur, celui qui a l'obligation de restituer est tenu d'indemniser le créancier pour cette perte, à moins que celle-ci ne résulte de l'usage normal du bien. [44] À cet égard, il ne fait aucun doute que la Nissan est devenue inutilisable à l’intérieur de moins de 100 kilomètres d’utilisation depuis son achat. L’automobile a donc subi, entre les mains de Durand, une détérioration majeure voire même sa perte totale qui l’empêchait dès lors de servir aux fins pour lesquelles Durand l’avait achetée. [45] À la lumière de la prépondérance de la preuve, Durand ne doit pas être tenu responsable de cette détérioration et de cette perte totale. Cece connaissait ou devait connaître l’état réel du véhicule vendu et, plus particulièrement, l’état du moteur. Il connaissait ou devait connaître les conséquences pour la Nissan de laisser Durand quitter l’endroit où celle-ci se trouvait garée depuis une certaine période de temps. Cece a tenté de prendre indûment avantage de la situation en induisant en erreur Durand sur la condition réelle du moteur, et ce, en taisant les dangers que ce dernier encourait en conduisant le véhicule sans autres formalités. De fait, Cece s’est plutôt efforcé d’éliminer, dans l'esprit de Durand, tout soupçon que le témoin lumineux reflétait en réalité un problème de moteur sérieux et grave. Le Tribunal ne croit pas que Cece, avant de compléter la vente de la Nissan, a identifié la question du témoin lumineux et qu’il ait spécifiquement averti Durand qu’en s’allumant, il ignorait si c’était un simple problème au niveau du capteur ou plutôt un problème de pression d’huile dans le moteur. [46] À la lumière de ce qui précède, il n’y a pas lieu de faire supporter par Durand la perte totale du véhicule en raison de la condition de son moteur. Cette perte n’a pas été causée directement par Durand. [47] Par ailleurs, la situation n’exonérait pas pour autant Durand de son obligation de restituer le véhicule quel que soit l’état dans lequel il se trouvait alors.
[48]
Rappelons que le deuxième paragraphe de l’article
[49] En l’espèce, Cece a vendu à Durand une automobile sans aucune valeur, celle-ci ne pouvant servir aux fins pour lesquelles Durand l’a achetée sans que ce dernier ne doive payer une somme additionnelle de plus du double de ce qu’il avait payé à Cece. De fait, Cece savait que des réparations devaient être effectuées car, lors de ses conversations avec Bouchard, il a lui demandé de rapporter le véhicule au garage de son neveu afin que ce dernier effectue les réparations requises à un prix d’ami . [50] Le Tribunal est convaincu que le simple fait de rejeter le présent recours, faute de Durand de pouvoir restituer le véhicule vendu, confèrerait un avantage indu à Cece qui profiterait de la situation qu’il a créée lui-même en toute connaissance de cause. [51] Durand réclame de Cece la somme totale de 1 639,08 $, c'est-à-dire le prix d’achat de 1 500 $, le coût de l’inspection mécanique et du remplacement du capteur de 78,38 $, les coûts de transfert et d’immatriculation de 40,90 $ et les frais d’envoi de deux lettres recommandées de 19,80 $.
[52]
Eu égard aux circonstances particulières, voire exceptionnelles, de
cette affaire, il est opportun que le Tribunal exerce la discrétion
judiciaire que lui confère l’article
[53] Durand doit donc supporter une partie de la responsabilité découlant de son obligation de restituer la Nissan en nature. [54] En conséquence, le Tribunal considère que Durand a droit de demander l’annulation de la vente de la Nissan et, comme il doit supporter une partie des frais reliés à l’impossibilité de restituer le véhicule à Cece, le Tribunal fixe à 1 100 $ la somme globale à laquelle Durand a droit à la suite de l’annulation de la vente. [55] Dans les circonstances, Cece n’a pas droit de récupérer la Nissan, et ce, même s’il doit rembourser la somme de 1 100 $ à Durand.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : ACCUEILLE en partie la réclamation du demandeur, monsieur Benjamin Durand; ANNULLE , à toutes fins que de droit, la vente de l’automobile Nissan Altima GXE 1998 (Numéro d’identification du véhicule : 1N4DL01D2WC110149) effectuée le 17 mars 2011 entre le demandeur, monsieur Benjamin Durand, et le défendeur, monsieur Salvatore Cece;
CONDAMNE
le défendeur,
monsieur Salvatore Cece, à payer au demandeur, monsieur Benjamin Durand, la
somme totale de 1 100 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l’an et
l’indemnité prévue à l’article
DISPENSE le demandeur, monsieur Benjamin Durand, de restituer au défendeur, monsieur Salvatore Cece, l’automobile Nissan Altima GXE 1998 (Numéro d’identification du véhicule : 1N4DL01D2WC110149); LE TOUT, avec les frais judiciaires de 100 $ payables par le défendeur, monsieur Salvatore Cece, au demandeur, monsieur Benjamin Durand.
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__________________________________ MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
10 juin 2013 |
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