Lefebvre c. Beaulieu-Arpin |
2013 QCCQ 10607 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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LOCALITÉ DE |
JOLIETTE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
705-32-012556-129 |
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DATE : |
12 septembre 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
YVAN NOLET J.C.Q. |
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mario lefEbvre |
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Partie demanderesse |
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c.
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valerie beaulieu-arpiN et michael tessier |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Mario Lefebvre réclame 7 000 $ aux défendeurs pour avoir fait défaut de respecter une promesse d'achat de l'immeuble dont il est le propriétaire.
[2] Valérie Beaulieu-Arpin et Michael Tessier admettent ne pas avoir donné suite à leur promesse d'achat. Ils soutiennent toutefois que c'est à bon droit qu'ils ont agi ainsi.
[3] Selon les défendeurs, le demandeur n'a pu leur garantir un droit d'accès privé au lac alors que c'est ce qu'il leur avait représenté avant la signature de la promesse d'achat.
LES FAITS
[4] Le 1 er février 2012, monsieur Lefebvre annonce sur le site « LesPAC » la vente de sa propriété située sur le chemin […] à St-Jean de Matha.
[5] Cette annonce indique « avec accès au Lac Noir »;
[6] Les défendeurs sont intéressés par cette annonce et ils communiquent avec monsieur Lefebvre.
[7] Valérie Beaulieu-Arpin indique qu'elle connaît monsieur Lefebvre, car les deux ont vécu leur jeunesse dans la même municipalité.
[8] Les défendeurs visitent la propriété et échangent avec le demandeur concernant l'accès au lac et l'approvisionnement en eau de la propriété.
[9] Monsieur Lefebvre leur indique que l'accès au lac est situé à moins de 500 pieds de la propriété. Il mentionne également que l'approvisionnement en eau est assuré par un puits commun.
[10] Madame Beaulieu-Arpin se sent en confiance avec le demandeur. Après les explications reçues de monsieur Lefebvre, les parties négocient le prix demandé et une promesse de vente est rapidement signée.
[11] Les défendeurs avisent leur propriétaire qu'ils ne renouvelleront pas le bail de leur logement et ils débutent sans tarder les préparatifs de leur déménagement.
[12] Des arrangements sont également pris auprès de Poste Canada afin de rendre effectif leur changement d'adresse dès le 1 er juin 2012. De plus, ils se rendent même à la propriété et, avec l'accord du demandeur, coupe le gazon de celle-ci.
[13] Après la signature de la promesse d'achat, les défendeurs confient mandat au notaire Baril afin que celui-ci prépare la documentation légale relative à l'hypothèque et à l'acte de vente.
[14] En mai 2012, les défendeurs se rendent au bureau du notaire Baril afin de signer l'hypothèque devant grever leur future propriété. Lors de cette rencontre, le notaire Baril leur indique qu'il constate deux problèmes avec la propriété.
[15] Le premier, c'est que le vendeur ne possède aucune servitude lui donnant un droit d'accès privé au lac. Le deuxième, c'est que la servitude concernant l'approvisionnement en eau n'est pas indiquée à l'acte d'acquisition du demandeur ni à son certificat de localisation. C'est dans un acte de 1980 qu'une servitude d'approvisionnement en eau précise l'emplacement du puits. Le problème soulevé par le notaire, c'est que cette servitude ne concerne pas le même puits.
[16] De plus, le nouveau puits approvisionne également le voisin du demandeur. Les tuyaux de canalisation passent ainsi sur le terrain du demandeur sans savoir précisément à quel endroit.
[17] Après des échanges entre le demandeur et les défendeurs, celui-ci admet qu'il ne possède pas une servitude d'accès au lac. Il précise que l'accès dont il bénéficie à environ 500 pieds de sa propriété découle d'une entente personnelle avec un ami.
[18] Le demandeur soutient que les défendeurs bénéficiaient tout de même de l'accès public au lac qui est situé un peu plus loin.
[19] Selon monsieur Lefebvre, son annonce ne parle pas d'un droit d'accès, mais seulement d'un accès. Il soutient donc que les défendeurs ne pouvaient donc pas refuser d'acheter sa propriété.
[20] Les défendeurs ont demandé au demandeur de rectifier la servitude d'approvisionnement en eau et de renégocier le prix de vente de la propriété, ce que le demandeur a refusé. Pour ce dernier, cette promesse d'achat a été signée et les défendeurs devaient la respecter au prix convenu à celle-ci.
DISCUSSION ET CONCLUSION
[21] Lors de l'analyse des prétentions des parties, le Tribunal doit tenir compte des règles de preuve contenues au Code civil du Québec .
[22]
L'article
[23] Si le demandeur ne s'acquitte pas de son fardeau de preuve, sa demande sera rejetée.
[24]
L'article
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[25] Cet article consacre le principe à l'effet que dans un procès civil, la prépondérance d'une preuve concernant un fait est suffisante afin de prouver l'existence de ce fait. Le Tribunal doit donc analyser l'ensemble de la preuve en s'interrogeant sur l'existence d'une preuve prépondérante soutenant les prétentions qu'une partie désire faire valoir.
[26] La preuve révèle, dès le départ, que l'accès au lac avait une grande importance pour les défendeurs. Les questions qu'ils ont posées au demandeur et les réponses qu'ils ont obtenues confirmaient qu'ils avaient un accès au lac à 500 pieds de la propriété. Monsieur Lefebvre leur a même indiqué l'endroit précis de l'emplacement de l'accès en question.
[27] Comme le mentionnait madame Beaulieu-Arpin, ce n'est pas de l'accès public dont il a été question. C'est d'un accès privé par lequel elle pouvait se rendre se baigner au lac avec ses enfants. L'accès public, par définition, est accessible à tous.
[28] La preuve confirme que le demandeur ne détenait pas vraiment un droit d'accès au lac. Ainsi, à cet égard, les défendeurs ont été induits en erreur par l'annonce du demandeur et par ses représentations rassurantes.
[29] D'autre part, il y avait également la question de la servitude d'approvisionnement en eau qui devait être corrigée. Selon la preuve, il était nécessaire que la servitude précise l'emplacement exact du nouveau puits et des tuyaux approvisionnant les utilisateurs en eau courante. Cette dernière précision aurait ainsi permis d'identifier la partie du terrain du demandeur où sont situés les tuyaux servant à l'approvisionnement de son voisin.
[30] Malgré les démarches effectuées par les défendeurs auprès du demandeur afin de régler les problèmes de l'accès au lac et de la servitude, aucune entente n'est intervenue entre les parties.
[31]
L'article
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.
[32] Le demandeur savait qu'il ne possédait pas un droit d'accès au lac. Il savait également que l'endroit indiqué aux défendeurs résultait d'une entente amicale, pas d'un droit doit les défendeurs pouvaient bénéficier.
[33]
L'article
1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.
[34] Dans son traité sur La vente [1] , l'auteur Jobin mentionne :
« […]
Pour que le dol soit sanctionné, il faut d'abord qu'il ait été commis par le cocontractant lui-même, par son représentant ou par un tiers à la connaissance du cocontractant. En second lieu, il doit avoir été établi que, n'eut été du dol, la victime n'aurait pas contracté, ou aurait seulement accepté de contracter à des conditions différentes - par exemple, en payant un prix moindre; le législateur exige donc que le dol soit déterminant ou simplement incident. [citations retirées]
[…] »
[35] Ainsi, en ne dévoilant pas cette information aux défendeurs, monsieur Lefebvre a commis un dol qui a eu pour effet de vicier le consentement des défendeurs.
[36] Dans les circonstances, les défendeurs étaient donc justifiés d'annuler leur promesse d'achat et il y a lieu de rejeter la réclamation du demandeur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] REJETTE la demande, avec frais.
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__________________________________ YVAN NOLET, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
9 août 2013 |
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