Services environnementaux Delsan Aim inc. et CPQMC international

2013 QCCLP 5859

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

2 octobre 2013

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

508620-62-1304

 

Dossier CSST :

4177304

 

Commissaire :

Lucie Couture, juge administrative

 

Membres :

Jean Litalien, associations d’employeurs

 

Lucy Mousseau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Services Environnementaux Delsan Aim inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

C.P.Q.M.C. international

 

C.S.D. - Construction

 

C.S.N. - Construction Montréal

 

F.T.Q. - Conseil Conjoint

 

Groupe Aecon Québec Ltée

 

Mécanique Électrique CMPL inc.

 

Syndicat québécois de la construction

 

Parties intéressées

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]            Le 18 avril 2013, Services Environnementaux Delsan Aim inc. (l’employeur) dépose une requête, à la Commission des lésions professionnelles, par laquelle il conteste la décision rendue le 18 mars 2013, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]            Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 24 janvier 2013, par l’inspecteur de la CSST. Elle confirme la décision ordonnant la suspension des travaux de démolition en hauteur à l’intérieur de l’ancien Zellers situé au 7200, boul. Taschereau à Brossard.

[3]            Lors de l’audience tenue à Longueuil, le 1 er octobre 2013, l’employeur est présent et représenté. La CSST qui est intervenue au dossier conformément à la Loi sur la santé et la sécurité du travail [1] (la LSST) est également présente et représentée par sa procureure.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[4]            La requête de l’employeur semble avoir été produite en dehors des délais prévus à la LSST. Le tribunal devra d’abord déterminer si cette requête est recevable.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]            L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST ne pouvait suspendre les travaux, tel qu’il l’a fait dans sa décision du 24 janvier 2013.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]            Le membre issu des associations d’employeurs, monsieur Jean Litalien et la membre issue des associations syndicales, madame Lucy Mousseau sont d’avis de déclarer irrecevable la requête de l’employeur. Ils sont d’avis que la preuve offerte ne permet pas de conclure que l’employeur avait des motifs raisonnables pour ne pas avoir contesté la décision du 18 mars 2013, dans le délai prévu à la loi. En conséquence, l’employeur ne peut être relevé de son défaut et par conséquent, sa requête étant irrecevable, la décision rendue le 18 mars 2013, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative, demeure inchangée.


 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]            La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la requête produite par l’employeur, le 18 avril 2013, est recevable.

[8]            Les articles 186 et suivants de la LSST prévoient ce qui suit :

186.  Un inspecteur peut ordonner la suspension des travaux ou la fermeture, en tout ou en partie, d'un lieu de travail et, s'il y a lieu, apposer les scellés lorsqu'il juge qu'il y a danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique des travailleurs.

 

Il doit alors motiver sa décision par écrit dans les plus brefs délais et indiquer les mesures à prendre pour éliminer le danger.

 

L'article 183 s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à cet ordre de l'inspecteur.

__________

1979, c. 63, a. 186.

 

 

 

191.  Un ordre ou une décision d'un inspecteur a effet immédiatement, malgré une demande de révision.

__________

1979, c. 63, a. 191; 1985, c. 6, a. 545.

 

 

 

191.1.  Une personne qui se croit lésée par un ordre ou une décision d'un inspecteur peut, dans les 10 jours de sa notification, en demander la révision par la Commission conformément aux articles 358.1 à 358.5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001).

__________

1985, c. 6, a. 545; 1997, c. 27, a. 43.

 

 

 

191.2.  Lorsque la révision porte sur la fermeture, en tout ou en partie, d'un lieu de travail ou sur l'exercice du droit de refus, la Commission doit procéder d'urgence.

__________

1985, c. 6, a. 545; 1997, c. 27, a. 44.

 

 

 

192.  Une décision rendue par la Commission à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 191.1 a effet immédiatement, malgré la contestation devant la Commission des lésions professionnelles.

__________

1979, c. 63, a. 192; 1985, c. 6, a. 545; 1997, c. 27, a. 45.

 

 

193.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 191.1 peut, dans les 10 jours de sa notification, la contester devant la Commission des lésions professionnelles.

__________

1979, c. 63, a. 193; 1985, c. 6, a. 545; 1992, c. 11, a. 76; 1997, c. 27, a. 46.

 

 

 

[9]            La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [2] (la loi) prévoit, à son article 429.19, ce qui suit relativement à une possible prolongation de délai :

429.19.  La Commission des lésions professionnelles peut prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que celle-ci n'a pu respecter le délai prescrit pour un motif raisonnable et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]         Quels sont les faits du présent dossier.

[11]         Le 23 janvier 2013, l’inspecteur de la CSST se rend sur le chantier situé au 7200, boul. Taschereau à Brossard lors d’une intervention pour vérification de conformité du chantier. Il s’agit d’un chantier de rénovation-démolition-conversion d’un bâtiment commercial, anciennement le magasin Zellers, pour accueillir le nouveau magasin Target. Cette visite fait suite à une précédente ayant eu lieu le 10 janvier 2013. Elle précédait les travaux de démolition ayant eu lieu depuis.

[12]         Lors de cette visite du 23 janvier 2013, l’inspecteur constate plusieurs choses. Au moment où il effectue sa visite, un travailleur était monté dans une plate-forme élévatrice et est en train de couper, au plafond, un tuyau de PVC d’un diamètre de 4 pouces et mesurant 100 pieds de longueur. Ce tuyau tombe du plafond sur le sol à proximité d’un autre travailleur situé sous ledit tuyau, manquant de le frapper à la tête. L’inspecteur constate qu’un autre tuyau au plafond menace de tomber, car tous ses ancrages sont cassés.

[13]         L’inspecteur informe alors le travailleur en question qu’il ne peut poursuivre les travaux et qu’un périmètre de sécurité doit être établi sous la section où il travaille en hauteur. L’inspecteur informe alors ce travailleur qu’il suspend les travaux. Il interdit le travail superposé et une méthode de travail sécuritaire doit être élaborée.

[14]         Le travailleur en question établit un périmètre de sécurité en dessous de la zone où il travaille en hauteur.

[15]         Un autre travailleur, de la compagnie Mécanique Électrique CMPL, qui a manqué être frappé par le tuyau, est informé de ne pas travailler dans la zone délimitée.

[16]         L’inspecteur suspend donc les travaux le 23 janvier 2013 vers 13 h 58. Puis, le même jour, vers 14 h 05, l’inspecteur autorise la reprise des travaux étant donné qu’un périmètre de sécurité autour des travaux de démolition a été établi. De plus, le tuyau restant à couper sera coupé en plus petite section éliminant ainsi le risque de chute.

[17]         Le 24 janvier 2013, l’inspecteur consigne par écrit dans un rapport portant le numéro RAP0824401 les actions prises. De plus, des dérogations ont été également indiquées à son rapport. Ce rapport concernant la suspension et la reprise des travaux est dirigé à l’employeur et au Groupe Aecon Québec Ltée, le coordonnateur du projet.

[18]         Le 1 er février 2013, le représentant de Groupe Aecon Québec Ltée conteste ce rapport. Il mentionne que contrairement à ce qui est indiqué au rapport, le représentant de Groupe Aecon Québec Ltée n’a pas été avisé de la suspension et de la reprise des travaux et que, de plus, le travailleur était situé à 20 pieds du tuyau, lorsqu’il est tombé.

[19]         Le 1 er février 2013, le coordonnateur santé et sécurité du travail de l’employeur, monsieur Durocher, demande une révision du même rapport. Cette demande de révision est adressée à l’inspecteur ayant rendu la décision.

[20]         Le 18 mars 2013, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision de l’inspecteur de suspension et de reprise des travaux. Cette décision est adressée au Groupe Aecon Québec Ltée qui avait demandé la révision de cette décision. Une copie de cette décision est aussi acheminée à l’employeur. Cette décision ne traite pas cependant de la demande de révision faite par l’employeur.

[21]         Le 28 mars 2013, la CSST, à la suite d’une révision administrative déclare irrecevable la demande de révision faite par l’employeur le 1 er février 2013. Elle précise avoir épuisé sa compétence étant donné la décision rendue le 18 mars 2013.

[22]         Le 18 avril 2013, l’employeur, par le biais de ses procureurs, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles contestant la décision du 18 mars 2013.

[23]         Lors de l’audience, monsieur Durocher, le coordonnateur en santé et sécurité du travail de l’employeur a témoigné. Il indique avoir reçu le rapport numéro RAP0824401 de l’inspecteur, le 24 janvier 2013 et avoir immédiatement consulté son contremaître et celui du maître d’œuvre ainsi que le travailleur affecté à la coupe du tuyau. Il explique que chez l’employeur, les directives sont claires concernant la délimitation d’une zone de sécurité sur le chantier et que même s’il est possible que les rubans délimitant cette zone aient été enlevés temporairement, ils ont été replacés dès qu’on a constaté qu’ils n’étaient plus en place. Il explique également que son contremaître et les autres personnes rencontrées lui ont confirmé ne pas avoir été informés de la décision de suspension des travaux. Il indique qu’il désire donc contester cette décision de l’inspecteur parce que cette conclusion est un élément important pour l’employeur. Il explique que l’entreprise effectue des travaux de démolition d’usines pour divers clients et que cette décision de l’inspecteur pourrait avoir une influence négative dans d’éventuels contrats avec de grosses compagnies. C’est dans ce contexte qu’il a, le 1 er  février 2013, écrit à la CSST pour contester ce rapport de l’inspecteur.

[24]         Le ou vers le 18 mars 2013, il a reçu copie de la décision rendue par la CSST, à la suite d’une révision administrative et relative à la demande de révision faite par le Groupe Aecon Québec Ltée, laquelle concerne le même rapport d’intervention du 24 janvier 2013. Cette décision confirmait le même rapport d’intervention, qu’il désirait voir modifié.

[25]         Il a pris connaissance à ce moment de la mention faite à la première page de cet envoi du fait qu’une personne lésée par cette décision pouvait la contester dans les 10 jours à la Commission des lésions professionnelles.

[26]         Cependant, comme il n’avait pas reçu de nouvelles de sa propre demande de révision, il a joint l’agente de révision ayant rendu la décision du 18 mars 2013, pour savoir ce qu’il advenait de sa demande de révision. Cette dernière l’informe, le 25 mars 2013, qu’elle vient de recevoir ladite demande de révision. L’agente lui mentionne qu’elle ne peut rien faire étant donné qu’elle a déjà rendu une décision le 18 mars 2013. Elle rend en effet, le 28 mars 2013, une décision déclarant irrecevable la demande de révision de l’employeur faite également le 1 er février 2013.

[27]         Le témoin explique avoir reçu cette décision le ou vers le 28 mars 2013. Il explique avoir pris quelque temps pour confectionner son dossier qu’il a transmis à la conseillère de l’association de la construction et par la suite, la requête a été logée le 18 avril 2013. Il était au courant du délai de 10 jours même s’il précise qu’il est davantage familier avec les délais pour les infractions pénales.

[28]         La procureure de l’employeur soutient qu’en raison d’un quiproquo, la requête de l’employeur a été logée en dehors des délais prévus à la loi. Elle demande à la Commission des lésions professionnelles de relever l’employeur de son défaut puisqu’il lui serait préjudiciable de ne pas être entendu sur sa requête au fond. Elle soutient que la CSST n’en subit, elle, aucun préjudice. Elle est d’avis que l’employeur avait des motifs raisonnables pour ne pas avoir soumis sa requête dans le délai prévu.

[29]         La CSST, quant à elle, demande au tribunal de déclarer irrecevable la requête de l’employeur puisque ce dernier n’a pas démontré de motifs raisonnables pour expliquer le retard à contester.

[30]         Le tribunal est d’avis que la requête de l’employeur est irrecevable. Le tribunal est en effet d’avis que l’employeur n’a pas démontré de motifs raisonnables permettant à celui-ci de le relever de son défaut d’avoir contesté la décision du 18 mars 2013, dans le délai prévu.

[31]         En effet, dès le 18 mars 2013, l’employeur était au courant qu’une décision maintenant le rapport d’intervention du 24 janvier 2013 avait été rendue. Il est informé dès cette date qu’il peut déposer une requête à la Commission des lésions professionnelles.

[32]         Il est vrai que l’employeur avait également produit une demande de révision à la CSST et qu’il n’avait pas eu de nouvelles, en date du 18 mars 2013 de sa propre demande de révision.

[33]         Cependant, après ses démarches du 25 mars 2013 auprès de l’agente de révision de la CSST, il était au courant que la décision du 18 mars 2013 ne serait pas modifiée et qu’il pouvait la contester.

[34]         Même si le témoin a expliqué avoir pris quelque temps après la réception de la décision du 28 mars 2013, déclarant irrecevable sa propre demande de révision datée du 1 er février 2013, pour monter son dossier et le transmettre à l’Association de la construction du Québec pour qu’elle transmette ce dossier à son contentieux, rien n’explique que la requête ait été déposée uniquement le 18 avril 2013.

[35]         Le tribunal note que le coordonnateur avait lui-même déposé sa demande de révision à la CSST. Rien ne l’empêchait de produire sa requête à la Commission des lésions professionnelles.

[36]         Le législateur a édicté des règles et des délais particuliers pour contester un ordre d’un inspecteur de la CSST. Ces délais, très courts, ont été édictés précisément en raison du caractère urgent des décisions prises par les inspecteurs et les conséquences importantes pour les parties.

[37]         Le tribunal est d’avis que l’employeur n’a démontré aucun motif raisonnable pour être relevé du défaut d’avoir contesté la décision du 18 mars 2013, dans le délai prévu à la loi.

[38]         Même si le tribunal retenait que l’employeur ne pouvait savoir avant le 28 mars 2013 ce qu’il était advenu de sa propre demande de révision, il a tout de même reconnu avoir pris connaissance de la décision du 18 mars 2013, le ou vers le 18 mars 2013, laquelle confirmait le rapport d’intervention qu’il désirait voir amendé.

[39]         Même si on retenait que l’employeur a décidé d’attendre le sort de sa propre demande de révision, il a tout de même pris connaissance le 28 mars 2013 que ce rapport du 24 janvier 2013 demeurait inchangé puisque sa propre demande de révision était déclarée irrecevable. Il a reconnu avoir su dès le 25 mars 2013 que la décision du 18 mars 2013 confirmant ce rapport du 24 janvier 2013 demeurait inchangée. Il était de plus au courant qu’il disposait d’un délai de 10 jours pour produire sa requête.

[40]         Le coordonnateur santé et sécurité de l’employeur n’a pas produit sa requête dans le délai prévu à la loi. Il a pris environ une semaine pour colliger ses informations avant de transmettre le tout à l’Association de la construction du Québec et la requête n’a été produite à la Commission des lésions professionnelles que le 18 avril 2013, soit plus de 30 jours après la décision du 18 mars 2013 et vingt jours après celle du 28 mars 2013.

[41]         Le tribunal est d’avis que les motifs soumis par la procureure de l’employeur ne constituent pas des motifs raisonnables permettant de relever l’employeur de son défaut d’avoir produit sa requête dans le délai prévu à la loi. Cette requête est donc irrecevable. Il ne suffit pas d’alléguer un éventuel préjudice si le tribunal n’entend pas sa requête au fond, pour que cela constitue des motifs raisonnables pour être relevé du défaut d’avoir soumis sa requête dans le délai prévu à la loi.

[42]         Le tribunal est d’avis que dès le 18 mars 2013, l’employeur savait que le rapport d’intervention du 24 janvier 2013 était confirmé. Cette information lui a été réitérée le ou vers le 25 mars 2013. Puis, une nouvelle fois le 28 mars 2013. Le tribunal estime que rien ne peut expliquer le délai de 20 jours, pour contester cette décision. La requête de l’employeur est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DÉCLARE irrecevable la requête produite par Services Environnementaux Delsan Aim inc., l’employeur, le 18 avril 2013;

DÉCLARE qu’en conséquence, la décision rendue le 18 mars 2013, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative, demeure inchangée.

 

 

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Lucie Couture

 

 

 

 

M e Marie-Pier Comeau

LEBLANC, LAMONTAGNE et ASSOCIÉS

Représentante de la partie requérante

 

 

M e Audrey Alarie

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]          Loi sur la santé et la sécurité du travail , L.R.Q., c. S-2.1.

 

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.