Van Lith (Succession de) c. Résidence de Lachute |
2013 QCCS 4846 |
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JN0235
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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N° : |
700-17-006091-093 |
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DATE : |
8 OCTOBRE 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
RICHARD NADEAU, J.C.S. |
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CYNTHIA ANNE HANKIN (VAN LITH), en sa qualité de liquidatrice de la succession de feu Willem Van Lith |
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Et |
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THE ROYAL TRUST COMPANY , en sa qualité de co-liquidatrice de la Succession de feu Willem Van Lith
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Demanderesses en reprise d'instance |
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c.
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LA RÉSIDENCE DE LACHUTE
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SYLVIE D'ARAGON
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] L'histoire qui va suivre est d'une tristesse incommensurable puisqu'elle résulte d'une mésentente sur le rôle de mandataire qu'avait la demanderesse en vertu d'un mandat dûment homologué et celui que doivent remplir ceux qui, au Québec, doivent prodiguer des soins à des personnes en perte d'autonomie comme ici.
[2] À la suite d'une série de mésententes ou carrément de confrontations entre madame Van Lith, ses filles et la direction et le personnel de la Résidence défenderesse, il s'est malheureusement développé une telle méfiance que la demanderesse a voulu s'ingérer au quotidien dans la gestion des soins prodigués à son mari, tout comme dans l'utilisation de médicaments rendus nécessaires par l'accélération de la dégringolade de monsieur dans la démence provoquée par la maladie d'Alzheimer.
[3] Le point culminant, qui fait l'objet de la présente poursuite, s'est produit lorsque la directrice, madame D'Aragon (« D'Aragon »), après de multiples tentatives pour obtenir le consentement de madame et de ses filles afin de faire évaluer leur mari/père par des experts au Centre Hospitalier Douglas à Montréal, s'est fait exprimer un refus total. Devant la situation que nous allons examiner, elle a néanmoins, avec l'accord de représentants du Douglas, fait transporter monsieur Van Lith par ambulance au Douglas où le Dr Desrochers les aurait convaincu d'accepter qu'il y soit évalué, contre leur gré, disent-elles!
[4] La demanderesse poursuit donc pour violation des droits de feu monsieur, pour non-respect de la loi qui, selon elle, aurait obligé la Résidence d'obtenir un ordre du tribunal avant de faire quoi que ce soit. Elle réclame des dommages moraux et punitifs, bien qu'à l'enquête, la demanderesse a indiqué que ce qu'elle recherchait surtout, c'était qu'un juge puisse conclure qu'on avait mal fait dans le cas de son mari, qu'on avait fait fi de son mandat et qu'il fallait éviter qu'une situation de ce genre ne se reproduise.
[5] Pour les raisons qui suivent, le tribunal ne donnera pas raison à la demanderesse.
LES FAITS
[6] Willem Van Lith arrive au Canada de la Hollande à l'âge de 12 ans.
[7] Homme brillant, selon madame, il fera carrière dans la finance et réussira très bien.
[8] Madame et lui se marient et auront deux filles, encore très proches de leur mère. Elles ont joué un rôle actif dans les évènements qui nous concernent.
[9] Malgré qu'il ait été un colosse (6' et 2" pesant 85 kg), un grand sportif et homme de la nature, il est diagnostiqué de la maladie d'Alzheimer en 2002/2003 alors qu'il a 68 ans. Il avait signé en 2000 un mandat pour cause d'inaptitude en faveur de madame, lequel sera homologué par la greffière du Tribunal le 13 septembre 2005.
[10] Madame décide au début de sa maladie de le garder à la maison, mais la gestion de sa dégénérescence finit par l'épuiser et elle devra se résoudre à lui trouver un centre d'hébergement. Comme le seul centre du genre qui reçoit une clientèle anglophone est la Résidence de Lachute (« la Résidence »), c'est vers cette ressource qu'on se dirigera avec l'aide de représentants du CSSS de la région où madame et monsieur habitent.
[11] Le travailleur social Boutin viendra à domicile en août 2005 et préparera une « Évaluation de l'autonomie » (D-18) qui constate la désorganisation de monsieur et son besoin et celui de madame, épuisée, qu'il soit placé à la Résidence .
[12] Il dira au procès qu'à l'époque où il a fait cette évaluation, monsieur était rendu au stade 5 sur 7 dans l'échelle de dégradation de patients atteints d'Alzheimer.
[13] Il arrive à la Résidence le 20 avril 2006 en avant-midi. Après les formalités d'admission, il commence ce qui deviendra une récurrence de plus en plus fréquente de tentatives de fugues lors desquelles il réussit souvent à sortir parce que d'autres visiteurs le croient lui-même en visite à cause de sa prestance.
[14] Les notes des infirmières sont remplies de détails concernant non seulement ses fugues ou tentatives de fugues, mais aussi de réactions de plus en plus agressives lorsqu'il est empêché de sortir. Frustré devant une porte verrouillée, un jour, il donnera un coup de poing sur le cadrage de la porte et se blessera légèrement.
[15] Il fait de même à l'occasion avec d'autres pensionnaires ou membres du personnel mais, au début, se calme assez rapidement lorsque pris en charge avec douceur par les préposés.
[16] Et comme sa maladie le fait dégénérer rapidement, les incidents se produiront de plus en plus fréquemment, à preuve les Rapports d'incidents (31) produits au dossier (D-16). Madame reconnaîtra au procès avoir été avisée de ces incidents dans au moins 22 instances, alors qu'au début de son témoignage, elle se plaignait de ne pas avoir été suffisamment avertie.
[17] Parallèlement, madame a commencé assez tôt à exiger d'être informée de presque tout ce qu'on ferait à son mari, incluant une intention claire d'accepter ou non tout changement à la médication qui pourrait être prescrite à celui-ci par ses médecins à la Résidence. Les notes d'infirmières regorgent de mentions de ce genre venant de madame, de confrontations fréquentes, d'une forme d'intimidation (invocation de son titre de mandataire à tous égards, menaces de poursuites, etc.). Le dossier est également rempli de demandes de madame (P-14, D-4, D-6, D-14) qui voulait apparemment tout savoir et tout contrôler. On trouve à la pièce D-15 des notes de réunions interdisciplinaires avant comme après le séjour de monsieur au Douglas qui montrent la crainte des membres de la Résidence à l'égard de madame et sa famille.
[18] Ainsi, alors que la situation de monsieur se dégrade et qu'on éprouve plusieurs difficultés à convaincre madame du besoin de modifier les dosages de médicaments de contrôle déjà utilisés (« Seroquel ») ou d'en utiliser d'autres plus efficaces pour amenuiser les manifestations d'agressivité plus fréquentes de monsieur (« Haldol »), madame s'objectera et il faudra beaucoup d'efforts du Dr Mitchell (D-8) et des infirmières pour la convaincre, ce qu'elle finira par accepter, mais de mauvais gré.
[19] Devant la dangerosité grandissante de monsieur, et la réduction précipitée de ses facultés cognitives, D'Aragon commencera au début du mois de mai de tenter d'obtenir une recommandation du Dr Mitchell pour que monsieur soit référé au Douglas pour une évaluation psychogériatrique afin de connaître l'ampleur de ses problèmes pour trouver des solutions sécuritaires pour la suite de son séjour à la Résidence.
[20] Et dans une note du Dr Mitchell au dossier le 3 mai 2007, on trouve les mots suivants : « Discussion avec DG… vu épisodes de violence du pt avec patients et personnel et...vu recommandation du (sic) directrice intérimaire de nursing pour Évaluation psychogériatrique au Douglas….C…demande évaluation psycho géri au Douglas. »
[21] Forte de cette demande, D'Aragon communique avec le Douglas et parle à la Dr Dastoor, psychologue qui joue un rôle aux admissions. Elle se fait dire que la liste d'attente est longue et qu'elle doit lui acheminer une lettre détaillée qui sera examinée par le Douglas pour déterminer de l'urgence du cas ou non.
[22] Avisée de la démarche qu'on veut entreprendre, la demanderesse se présente au poste des infirmières le 3 mai avec une lettre qu'elle veut faire mettre au dossier et qui exprime son refus catégorique d'évaluations psychiatriques. Elle dit avoir réduit le niveau de soins (une formule est prévue pour ces décisions / P-3 en liasse) pour éviter ces évaluations. Elle demande que tout le personnel soit avisé de ce changement. Elle dit espérer que sa décision soit respectée sinon, comme le note l'infirmière Hélène Franc, « se dit prête à brasser de la marde… »!
[23] L'infirmière la réconfortera et lui dira que le Dr Mitchell sera avisé.
[24] Madame porte une plainte auprès d'une dame Crisante qui est en charge de la gestion des plaintes d'usagers.
[25] Celle-ci avisera le personnel de la réduction du niveau de soins par madame et son refus que soient administrés des antibiotiques à monsieur le 10 mai, comme le montre une note au dossier. Elle avise aussi du refus par madame d'une évaluation de monsieur au Douglas.
[26] La note du 11 mai au dossier montre que madame est apparemment décidée de ne pas accepter d'interventions médicamenteuses, sauf quelques situations à être décidées au cas par cas par elle, et que son désir est que monsieur « not suffer at all and that he be allowed to die peacefully…».
[27] Une note du 14 mai d'une infirmière indique une conversation avec le Dr Mitchell « psychiatric consult ordered ».
[28] Et le même jour, plus tard : « telephone call from Dr Mitchell at my home to discuss resident's status. Conclusion to refer to Douglas.. »
[29] Ce jour, D'Aragon aura une rencontre avec madame et sa fille pour discuter de la situation et pour examiner avec elles les points qui seront soulevés dans la lettre qu'elle enverra le lendemain au Douglas pour essayer de les convaincre de la gravité de la situation de monsieur et de la nécessité impérative de le faire évaluer pour contrer les risques d'agression ou de blessures aux autres patients ou au personnel.
[30] La demanderesse et sa fille tentent de minimiser les risques aux autres patients en soulignant que les autres patients ou leurs familles acceptent la possibilité de risques en entrant dans une résidence du genre… En somme, elles craignent que la conclusion de l'évaluation de monsieur sera qu'il ne puisse revenir à Lachute (près de leur domicile) ou, pire, qu'il revienne mais lourdement médicamenté pour le contrôler.
[31] Elles veulent encore gagner du temps et repousser l'évaluation mais D'Aragon craint de plus en plus un désastre ou un accident grave et décide d'envoyer sa lettre au Douglas (D-9).
[32] La Dr Dastoor appellera à la Résidence le 18 mai et parlera d'une possibilité d'ouverture au Douglas dans deux semaines…Après vérification, elle rappellera en après-midi pour indiquer qu'il faudra prévoir non pas deux semaines pour l'évaluation mais un maximum de 60 jours pendant lesquels on verra soit à isoler monsieur, si requis, soit le médicamenter, au besoin. Elle est avisée du problème de résistance de la famille…(Voir note J. Darlington R.N.).
[33] Les notes au dossier montrent de plus en plus d'errance, de nudité, de gestes agressifs : « Se fâche et prend mon poignet gauche et serre fort. Me lâche après quelques instants…» « Pt se lève nue (sic) et se présente au salon… ».
[34] Pendant ces jours, D'Aragon continue de tenter de convaincre la famille d'accepter le transport au Douglas pour l'évaluation. La famille est résistante mais ne s'oppose pas radicalement, tentant d'explorer des alternatives…
[35] Toutefois, la preuve révèle que la famille serait allé visiter le Douglas le 30 mai et qu'à son retour, aurait exprimé un refus formel et catégorique au transfert au Douglas pour que monsieur y soit évalué!
[36] D'Aragon, préparée à cette éventualité, avait pris la précaution de vérifier auprès d'une avocate du ministère ou d'une Agence du système de santé pour se faire dire qu'il faudrait au moins un délai d'une semaine pour obtenir une ordonnance d'un tribunal au cas de refus injustifié de soins.
[37] Elle dit avoir parlé au Dr Desautels qui était à l'époque Directeur des Services de gérontopsychiatrie au Douglas, tout comme Directeur de la gérontopsychiatrie à l'Université McGill et chef d'unité à l'Unité Moe Levin du Douglas, pour le traitement des « démences avec comportement sévère »…Il lui dira de faire amener le patient de Lachute par ambulance (où il y a des infirmiers entraînés en cas de problèmes de comportement (interrogatoire hors cour du Dr Desautels du 25 juin 2013 page 13), le lendemain matin et d'avertir la famille de se présenter également pour qu'il tente de les convaincre du bien-fondé de l'évaluation à faire.
[38] Elle arrivera au Douglas en même temps que l'ambulance et presque en même temps que la famille qui tentera de refuser qu'il soit admis. Après une attente assez longue, D'Aragon verra le Dr Desautels avec monsieur puis, le Dr verra la famille et réussira à les convaincre en leur donnant leurs options limitées à ce point. Il leur aurait extirpé un consentement, ont-elles témoigné, en leur parlant d'un refus de la Résidence de le reprendre sans évaluation, ne laissant que le retour à domicile, mais sans ressources, ou le Douglas!
[39] Mais le Dr Desautels témoignera hors cour de la façon suivante :
« C'était un cas de démence avec comportement dangereux, quelquefois agressif.
C'est un homme quand même qui faisait…six pieds et trois…un ancien athlète qui avait coutume, on l'a vu à plusieurs reprises, de partir en courant dans un corridor d'un bout à l'autre…avec des gens déments ou âgés, il les bousculait etc., les faire tomber.
Alors, c'est un comportement vraiment très dangereux pour les autres. Il était aussi « résistif »…
J'ai recommandé l'admission parce qu'il y a absolument rien d'autre à faire, je crois, pour un cas comme ça. C'était impossible de le retourner…
J'ai rencontré la famille…Je leur ai demandé c'était quoi le problème, qu'est-ce qu'elles en pensaient, je leur ai expliquées (sic) quel était le problème et ce que moi j'en pensais et ce qui était proposé finalement comme plan de traitement et elles ont acquiescé. Et alors là, on a admis le patient.»
[40] Monsieur sera par contre admis sans un consentement écrit de la mandataire, Mme Van Lith, ce qui fera l'objet d'une plainte. Elle se plaindra aussi de ne pas avoir été suffisamment informée du plan d'intervention auprès de son mari ni d'avoir été requise de signer ce plan ou de ne pas avoir pu en refuser des aspects.
[41] Monsieur sera admis et évalué et ressortira environ 60 jours plus tard, diminué selon la famille. Comme entendu au préalable entre D'Aragon et le Douglas, il a été ramené à la Résidence où il restera pendant environ 15 mois, de moins en moins apte ou lucide, mentalement et physiquement, puis la famille réussira à obtenir les services d'aide requis pour le ramener à la maison jusqu'à son décès le 19 juin 2009.
[42] Notons enfin que madame a porté deux plaintes contre D'Aragon et la Résidence, contre le Dr Desautels, en première instance et en appel, puis, selon son témoignage, auprès du Protecteur du Citoyen!... mais, dans ce dernier cas, aucune preuve n'en a été apportée au procès devant le soussigné.
LE DROIT
[43] La demande poursuit en responsabilité civile et la faute alléguée consiste en une/des violations de certains droit contenus au Code civil du Québec , à la Charte des droits et libertés de la personne , de même qu'à certaines dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui :
« Charte des droits et libertés de la personne
1. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne.
Il possède également la personnalité juridique.
4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. »
« Code civil du Québec
« 10. Toute personne est inviolable et a droit à son intégrité.
Sauf dans les cas prévus par la loi, nul ne peut lui porter atteinte sans son consentement libre et éclairé.
11. Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention.
Si l'intéressé est inapte à donner ou à refuser son consentement à des soins, une personne autorisée par la loi ou par un mandat donné en prévision de son inaptitude peut le remplacer.
15.
Lorsque l'inaptitude d'un
majeur à consentir aux soins requis par son état de santé est constatée, le
consentement est donné par le mandataire, le tuteur ou le curateur. Si le
majeur n'est pas ainsi représenté, le consentement est donné par le conjoint,
qu'il soit marié, en union civile ou en union de fait, ou, à défaut de conjoint
ou en cas d'empêchement de celui-ci, par un proche parent ou par une personne
qui démontre pour le majeur un intérêt particulier.
16. L'autorisation du tribunal est nécessaire en cas d'empêchement ou de refus injustifié de celui qui peut consentir à des soins requis par l'état de santé d'un mineur ou d'un majeur inapte à donner son consentement; elle l'est également si le majeur inapte à consentir refuse catégoriquement de recevoir les soins, à moins qu'il ne s'agisse de soins d'hygiène ou d'un cas d'urgence. […] »
« Loi sur les services de santé et les services sociaux
« 2. Afin de permettre la réalisation de ces objectifs, la présente loi établit un mode d'organisation des ressources humaines, matérielles et financières destiné à :
[…]
4° rendre accessibles des services continus de façon à répondre aux besoins des individus, des familles et des groupes aux plans physique, psychique et social;
[…]
8° favoriser la prestation efficace et efficiente de services de santé et de services sociaux, dans le respect des droits des usagers de ces services;
8.1° assurer aux usagers la prestation sécuritaire de services de santé et de services sociaux; »
5. Toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire.
9. Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitement ou de toute autre intervention.
Le consentement aux soins ou
l'autorisation de les prodiguer est donné ou refusé par l'usager ou, le cas
échéant, son représentant ou le tribunal, dans les circonstances et de la
manière prévues aux articles
10. Tout usager a le droit de participer à toute décision affectant son état de santé ou de bien-être.
Il a notamment le droit de participer à l'élaboration de son plan d'intervention ou de son plan de services individualisé, lorsque de tels plans sont requis conformément aux articles 102 et 103.
Il en est de même pour toute modification apportée à ces plans.
12. Les droits reconnus à toute personne dans la présente loi peuvent être exercés par un représentant.
Sont présumées être des représentants les personnes suivantes, selon les circonstances et sous réserve des priorités prévues au Code civil:
1° le titulaire de l'autorité parentale de l'usager mineur ou le tuteur de cet usager;
2° le curateur, le tuteur, le conjoint ou un proche parent de l'usager majeur inapte;
3° la personne autorisée par un mandat donné par l'usager majeur inapte antérieurement à son inaptitude;
4° la personne qui démontre un intérêt particulier pour l'usager majeur inapte.
13. Le droit aux services de santé et aux services sociaux et le droit de choisir le professionnel et l'établissement prévus aux articles 5 et 6, s'exercent en tenant compte des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement ainsi que des ressources humaines, matérielles et financières dont il dispose.
14. Un établissement ne peut cesser d'héberger un usager qui a reçu son congé que si l'état de celui-ci permet son retour ou son intégration à domicile ou si une place lui est assurée auprès d'un autre établissement ou de l'une de ses ressources intermédiaires ou d'une ressource de type familial où il pourra recevoir les services que requiert son état.
Sous réserve du premier alinéa, un usager doit quitter l'établissement qui lui dispense des services d'hébergement dès qu'il reçoit son congé conformément aux dispositions du règlement pris en vertu du paragraphe 28° de l'article 505.
15. Toute personne d'expression anglaise a le droit de recevoir en langue anglaise des services de santé et des services sociaux, compte tenu de l'organisation et des ressources humaines, matérielles et financières des établissements qui dispensent ces services et dans la mesure où le prévoit un programme d'accès visé à l'article 348.
16. Rien dans la présente loi ne limite le droit d'une personne ou de ses ayants cause d'exercer un recours contre un établissement, ses administrateurs, employés ou préposés ou un professionnel en raison d'une faute professionnelle ou autre. Un tel recours ne peut faire l'objet d'une renonciation.
Il en est de même à l'égard du droit d'exercer un recours contre une ressource de type familial.
17. Tout usager de 14 ans et plus a droit d'accès à son dossier. Toutefois, l'établissement peut lui en refuser l'accès momentanément si, de l'avis de son médecin traitant ou du médecin désigné par le directeur général de l'établissement, la communication du dossier ou d'une partie de celui-ci causerait vraisemblablement un préjudice grave à la santé de l'usager. Dans ce cas, l'établissement, sur la recommandation du médecin, détermine le moment où le dossier ou la partie dont l'accès a été refusé pourra être communiqué à l'usager et en avise celui-ci.
22. Le tuteur, le curateur, le mandataire ou la personne qui peut consentir aux soins d'un usager a droit d'accès aux renseignements contenus au dossier de l'usager dans la mesure où cette communication est nécessaire pour l'exercice de ce pouvoir.
La personne qui atteste sous serment qu'elle entend demander pour un usager l'ouverture ou la révision d'un régime de protection ou l'homologation d'un mandat donné en prévision de son inaptitude, a droit d'accès aux renseignements contenus dans l'évaluation médicale et psychosociale de cet usager, lorsque l'évaluation conclut à l'inaptitude de la personne à prendre soin d'elle-même et à administrer ses biens. Un seul requérant a droit d'accès à ces renseignements.
76.4. Malgré toute disposition incompatible d'une loi, un commissaire local ou un commissaire régional aux plaintes et à la qualité des services, un commissaire local adjoint, un consultant ou un expert externe visé aux articles 32 ou 65, une personne qui agit sous l'autorité d'un commissaire régional aux plaintes et à la qualité des services, un médecin examinateur, un consultant ou un expert externe visé à l'article 47, un comité de révision visé à l'article 51 ou un de ses membres, ne peut être contraint devant une instance judiciaire ou une personne ou un organisme exerçant des fonctions juridictionnelles de faire une déposition portant sur un renseignement confidentiel qu'il a obtenu dans l'exercice de ses fonctions, ni de produire un document contenant un tel renseignement, si ce n'est aux fins du contrôle de sa confidentialité.
76.5. Aucun élément de contenu du dossier de plainte d'un usager ou d'un dossier d'intervention, y compris les conclusions motivées et, le cas échéant, les recommandations qui les accompagnent, ne peut constituer une déclaration, une reconnaissance ou un aveu extrajudiciaire d'une faute professionnelle, administrative ou autre de nature à engager la responsabilité civile d'une partie devant une instance judiciaire.
79. Les services de santé et les services sociaux sont fournis par les établissements dans les centres suivants:
1° un centre local de services communautaires;
2° un centre hospitalier;
3° un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse;
4° un centre d'hébergement et de soins de longue durée;
5° un centre de réadaptation.
80. La mission d'un centre local de services communautaires est d'offrir en première ligne des services de santé et des services sociaux courants et, à la population du territoire qu'il dessert, des services de santé et des services sociaux de nature préventive ou curative, de réadaptation ou de réinsertion.
À cette fin, l'établissement qui exploite un tel centre s'assure que les personnes qui requièrent de tels services pour elles-mêmes ou pour leurs familles soient rejointes, que leurs besoins soient évalués et que les services requis leur soient offerts à l'intérieur de ses installations ou dans leur milieu de vie, à l'école, au travail ou à domicile ou, si nécessaire, s'assure qu'elles soient dirigées vers les centres, les organismes ou les personnes les plus aptes à leur venir en aide.
La mission d'un tel centre est également de réaliser des activités de santé publique sur son territoire, conformément aux dispositions prévues dans la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2).
83. La mission d'un centre d'hébergement et de soins de longue durée est d'offrir de façon temporaire ou permanente un milieu de vie substitut, des services d'hébergement, d'assistance, de soutien et de surveillance ainsi que des services de réadaptation, psychosociaux, infirmiers, pharmaceutiques et médicaux aux adultes qui, en raison de leur perte d'autonomie fonctionnelle ou psychosociale, ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel, malgré le support de leur entourage.
À cette fin, l'établissement qui exploite un tel centre reçoit, sur référence, les personnes qui requièrent de tels services, veille à ce que leurs besoins soient évalués périodiquement et que les services requis leur soient offerts à l'intérieur de ses installations.
La mission d'un tel centre peut comprendre l'exploitation d'un centre de jour ou d'un hôpital de jour. »
« Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui
« 1. Les dispositions de la présente loi complètent celles du Code civil portant sur la garde par un établissement de santé et de services sociaux des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui et sur l'évaluation psychiatrique visant à déterminer la nécessité d'une telle garde.
7. Tout médecin exerçant auprès d'un tel établissement peut, malgré l'absence de consentement, sans autorisation du tribunal et sans qu'un examen psychiatrique ait été effectué, mettre une personne sous garde préventive dans une installation maintenue par cet établissement pendant au plus soixante-douze heures, s'il est d'avis que l'état mental de cette personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui.
Le médecin qui procède à la mise sous garde de cette personne doit immédiatement en aviser le directeur des services professionnels ou, à défaut d'un tel directeur, le directeur général de l'établissement.
À l'expiration de la période de 72 heures, la personne doit être libérée, à moins qu'un tribunal n'ait ordonné que la garde soit prolongée afin de lui faire subir une évaluation psychiatrique. Toutefois, si cette période se termine un samedi ou un jour non juridique, qu'aucun juge compétent ne peut agir et que cesser la garde présente un danger, celle-ci peut être prolongée jusqu'à l'expiration du premier jour juridique qui suit. »
[44] Essentiellement, la position de la demande est que D'Aragon n'avait pas le droit de transférer monsieur à un autre Centre Hospitalier du Réseau en l'absence du consentement de la mandataire madame Van Lith, quel qu'en soit le motif, sauf peut-être en cas de grave urgence ou de danger imminent.
[45] Et si elle estimait que le refus était injustifié, elle se devait obligatoirement de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une autorisation d'agir.
[46] La défense, quant à elle, plaide au contraire qu'il ne s'agissait pas d'un transfert de Centre à Centre mais plutôt d'une mesure administrative visant, dans un cas problème de dangerosité croissante et d'imprévisibilité d'un bénéficiaire, à obtenir une évaluation psychogériatrique par des experts reconnus, ceux du Douglas.
[47] Et tout cela, malgré le refus de la mandataire, pour se faire guider et aider dans la poursuite de la gestion des besoins du client, dans le respect de la sécurité des autres pensionnaires et du personnel de la Résidence.
[48] D'Aragon dira qu'elle a même dû s'engager par écrit à reprendre monsieur à la fin de la période d'évaluation, quelle que soit alors sa condition, ce qui a été fait.
DISCUSSION
[49] Le soussigné doit d'emblée dire qu'il n'arrive pas à comprendre la position et la rigidité de la demanderesse et de ses filles dans toute cette triste affaire.
[50] Comment, en effet, a-t-on pu vouloir se substituer à des professionnels reconnus, la Résidence, un CHSLD accrédité, à D'Aragon, une experte dans le domaine du travail social qui a monté dans le système de santé du Québec jusqu'à sa nomination comme DG de la Résidence, à des infirmières reconnues et des médecins dont le Dr Mitchell qui, semaine après semaine, constatent des dérapages ou déraillements de monsieur dont la maladie fait en sorte qu'il ne se rend compte de rien?
[51] L'impression qui se dégage de la preuve offerte et des éléments du dossier, confirmée en partie par les témoignages des membres de la famille, est qu'elles n'ont pas pu ou voulu reconnaître que leur époux/père était malheureusement dément et n'ont pas compris ou voulu comprendre que les gestes d'impatience ou d'agressivité qu'il posait de plus en plus n'étaient pas posés par l'homme qu'elles avaient connu et aimé ou admiré mais par la coquille physique de ce qu'il avait sans doute été.
[52] Elles ont témoigné de leur affection pour l'homme gentil et doux, pour l'intellectuel et amoureux de la nature, pour l'époux aimant et le père dévoué et présent.
[53] Il ne faut pas oublier qu'elles ont eu le temps de le voir sombrer progressivement dans sa maladie et dans la démence. Pendant trois ans, madame et ses filles ont pu le voir dégénérer et devenir une autre personne nécessitant de plus en plus de soins et d'attention, ce qu'elles ont donné au détriment de leur santé, surtout celle de madame.
[54] Et c'est de guerre lasse que madame, supportée par ses filles. sans doute, a dû décider de le faire placer dans la Résidence au moment où, tel que dit par le témoin Boutin dès août 2005, il était déjà avancé dans sa maladie.
[55] Il est par ailleurs évident qu'en le déplaçant dans un autre endroit, on devait réaliser qu'il serait en contact avec d'autres pensionnaires et qu'il devait être contrôlé ou contrôlable.
[56] Et alors que madame aurait dû se fier aux membres du personnel de la Résidence tout en s'informant régulièrement de la condition dégénérative de monsieur, elle a rapidement tenté de prendre le contrôle de la gestion du séjour, a décrété que rien ou presque ne serait fait sans son consentement exprès, a même refusé systématiquement que de nouveaux médicaments soient utilisés lors de crises, bref, elle est devenue ennuyante, voire ennuyeuse.
[57] Et non seulement a-t-elle systématiquement mis des bâtons dans les roues du personnel avec des demandes et exigences farfelues, elle a même décrété unilatéralement que le minimum de soins seulement soit fournis à monsieur à compter du 24 août 2007 en signant un formulaire à cet égard (P-3).
[58] Pourquoi? Sans doute pour qu'il décède dans la dignité, mais elles n'ont pas compris ou accepté que monsieur était costaud et que, même si sa tête était partie, son corps allait durer encore des années!
[59] Et c'est dans la recherche de solutions que D'Aragon en est venue à demander une évaluation de l'état de dégradation mentale de monsieur de façon à éviter que ne se produise un incident sérieux, voire un accident grave impliquant d'autres pensionnaires de la Résidence. Comme elle l'a expliqué, il n'y avait que trois méthodes utilisables dans des cas d'agressivité de moins en moins prévisible : la médication, la contention ou l'isolement!
[60] Or, dans le cadre de la Résidence où habitait monsieur, il semblerait que seule la médication pouvait être utilisée, malgré certains effets secondaires moins souhaitables. Espérer autre chose aurait impliqué transférer monsieur dans un autre centre spécialisé en maladies mentales avec dangerosité, ce qui n'était pas la mission de la Résidence.
[61] Bref, le transport de monsieur vers le Douglas aurait peut-être nécessité le consentement de madame et, dans un cas normal, ce consentement aurait été donné sans problème. Malheureusement ici, l'obstination de madame et de ses filles à réduire au minimum les soins à monsieur constituait un obstacle et un danger potentiel pour les autres patients de la Résidence qui devait être écarté, comme en a décidé à bon droit D'Aragon.
[62] Que monsieur soit revenu à la Résidence après son séjour d'évaluation au Douglas une personne désormais affaiblie ne tient pas de ce qu'on lui a fait ou pu lui faire pendant son évaluation, mais plutôt de sa maladie dont la progression, tel que vu, s'accélérait et, n'eût été sa résistance physique, en aurait probablement eu raison bien avant son décès ultime.
[63] Il n'est pas inutile de rappeler à ce stade, les propos du juge Claude Rioux qui, dans l'affaire de Turcotte-Gilbert [1] disait ce qui suit :
« En dotant la population d'un système public d'hôpitaux, le législateur n'a pas entendu créer, en faveur de chaque individu, un droit absolu de recevoir tous les soins qu'il demande, quel qu'en soit le coût et quel que soient les services disponibles. Au contraire, la loi contient là-dessus une restriction importante, en ce que les services de santé doivent être attribués compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services.
C'est dire qu'au contraire de celui qui veut bien payer de sa poche les soins qu'il demande à une institution privée, la personne qui s'adresse à un hôpital public ne peut, quelque sympathique, que soit son cas, se faire réserver à l'avance et en exclusivité un lit d'hôpital, du personnel et des services, ni demander au Tribunal d'ordonner qu'il en soit ainsi. Les soins hospitaliers sont ouverts à tous, ce qui signifie qu'ils ne peuvent être exclusivement retenus en faveur d'un particulier. Il peut bien se produire que chacun n'obtienne pas tous les services qu'il souhaiterait, mais c'est là la rançon à payer pour jouir d'un système universel d'hospitalisation. La loi a pourvu à un système complexe de réglementation pour assurer à chacun son dû, et a doté les hôpitaux des mécanismes voulus pour parvenir à ce résultat.
Or, réduite aux intérêts de la requérante et de son enfant, c'est précisément l'effet qu'aurait une ordonnance du Tribunal accordant à la requérante une injonction mandatoire.
Il pourrait arriver que, même en présence de décisions légalement prises, un individu ne reçoive pas les services de santé auxquels il a droit, compte tenu de l'organisation et des ressources de l'établissement auquel il s'adresse, et que le Tribunal juge nécessaire d'intervenir par voie d'injonction pour assurer l'exercice de ses droits. Tel n'est pas le cas ici…
L'une des conditions requises pour obtenir une injonction interlocutoire est la démonstration, de la part du requérant, d'une apparence de droit en sa faveur. Cette condition fait ici défaut, car rien ne démontre que les ressources dont l'enfant Kathy a besoin n'existent plus ou cesseront d'exister, de sorte que le Tribunal se doit de rejeter la requête. »
[64] Si madame et ses filles voulaient un régime particulier pour leur cher époux/père, il leur fallait s'assurer de services au privé de tout le personnel médical ou non pour ce faire. Leur décision de placer monsieur dans une institution publique assujettissait ses besoins, ou ceux perçus comme tel par la famille immédiate, aux exigences d'un plus grand nombre de patients qui avaient aussi des besoins et des droits, dont celui à leur sécurité.
[65] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[66] REJETTE l'action, avec dépens
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__________________________________ RICHARD NADEAU, J.C.S. |
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Me Sylvie Vanasse Procureure des demanderesses en reprise d'instance |
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Me Stéphanie Rainville MONETTE BARAKETT Procureurs des défenderesses |
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Dates d’audience : |
23, 24, 25, 26 septembre 2013 |
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[1]
C.S. Beauce n
o
350-05-000034-841, 9 mars 1984;Voir aussi:
Touzel
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C.S. Baie-Comeau, n
o
655-05-000007-872, 20 mars 1987;
Bélanger
- 1990 R.J.Q., p. 1914;
Paré
c.
Centre hospitalier de Dolbeau
,