Pincourt (Ville de) c. Construction Cogerex ltée |
2013 QCCA 1773 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
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500-09-020295-101, 500-09-020296-109, 500-09-020297-107, 500-09-020298-105, 500-09-020299-103, 500-09-020300-109, 500-09-020301-107, 500-09-020302-105, 500-09-020303-103, 500-09-020304-101 et 500-09-020273-090 |
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(500-17-021405-041, 500-17-020562-040, 500-17-020930-049, 500-17-020563-048, 500-17-020216-043, 500-17-022681-046, 500-17-020889-047, 500-17-032613-062, 500-17-033436-067 et 500-17-025080-055) |
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DATE : |
10 OCTOBRE 2013 |
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N° : 500-09-020250-098 (500-17-021405-041) |
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VILLE DE PINCOURT |
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APPELANTE - Mise en cause forcée |
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c. |
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CONSTRUCTION COGEREX LTÉE |
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INTIMÉE - Demanderesse |
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MARCEL PAQUETTE, MICHEL PERRIER, FRANCE BRISSETTE, ROBERT BRISSETTE, SIMON GRENIER, BANQUE NATIONALE DU CANADA |
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INTIMÉS - Défendeurs |
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et |
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AXA ASSURANCES INC. |
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INTIMÉE EN REPRISE D'INSTANCE |
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et |
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COMPLEXE SPORTIF ET CULTUREL RÉGIONAL, ÎLE PERROT |
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MIS EN CAUSE - Mis en cause |
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N° : 500-09-020295-101 à 500-09-020304-101 |
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MICHEL PERRIER, ROBERT BRISSETTE |
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APPELANTS - Défendeurs - Défendeurs en garantie |
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c. |
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CONSTRUCTION COGEREX LTÉE |
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INTIMÉE - Demanderesse - Défenderesse principale - Demanderesse en garantie |
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et |
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AXA ASSURANCES INC. |
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INTIMÉE EN REPRISE D'INSTANCE - Demanderesse en reprise d'instance (500-09-020295-101 / 500-17-021405-041) MISE EN CAUSE - Défenderesse principale (500-09-020303-103 / 500-17-033436-067) (500-09-020304-101 / 500-17-025080-055) |
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et |
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COMPLEXE SPORTIF ET CULTUREL RÉGIONAL, ÎLE PERROT |
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MIS EN CAUSE - Mis en cause (500-09-020295-101 / 500-17-021405-041) MIS ENCAUSE - Défendeur principal (500-09-020303-103 / 500-17-033436-067) |
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et |
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VILLE DE PINCOURT |
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MISE EN CAUSE - Mise en cause forcée (500-09-020295-101 / 500-17-021405-041) |
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et |
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PLOMBERIE LECLERC INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020296-109 / 500-17-020562-040) |
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et |
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REVÊTEMENT R.H.R. INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020297-107 / 500-17-020930-049) |
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et |
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9028-0157 QUÉBEC INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020298-105 / 500-17-020563-048) |
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et |
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CONSTRUCTION ST-LÉONARD (1996) INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020299-103 / 500-17-020216-043) |
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et |
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MAÇONNERIE A.S.P. INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020300-109 / 500-17-022681-046) |
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et |
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TOITURES COUTURE & ASSOCIÉS INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020301-107 / 500-17-020889-047) |
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et |
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LAMELLÉ QUÉBEC INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020302-105 / 500-17-032613-062) |
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et |
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I.T.R. ACOUSTIQUE INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020303-103 / 500-17-033436-067) |
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et |
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C-FLOOR SYSTEMS INC. / SYSTÈMES C-FLOOR INC. |
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MISE EN CAUSE - Demanderesse principale (500-09-020304-101 / 500-17-025080-055) |
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et |
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MARCEL PAQUETTE, FRANCE BRISSETTE, SIMON GRENIER |
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MIS EN CAUSE - Défendeurs - Défendeurs en garantie |
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et |
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BANQUE NATIONALE DU CANADA |
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MISE EN CAUSE - Défenderesse - Défenderesse en garantie |
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N° : 500-09-020273-090 (500-17-021405-041) |
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CONSTRUCTION COGEREX LTÉE |
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APPELANTE - INTIMÉE INCIDENTE - Demanderesse |
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AXA ASSURANCES INC. |
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APPELANTE EN REPRISE D'INSTANCE |
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c. |
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MICHEL PERRIER, ROBERT BRISSETTE, MARCEL PAQUETTE, FRANCE BRISSETTE, SIMON GRENIER |
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INTIMÉS - Défendeurs |
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et |
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VILLE DE PINCOURT |
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INTIMÉE - Mise en cause forcée |
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et |
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BANQUE NATIONALE DU CANADA |
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MISE EN CAUSE - APPELANTE INCIDENTE - Défenderesse |
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et |
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COMPLEXE SPORTIF ET CULTUREL RÉGIONAL DE L'ÎLE PERROT, AU SOIN DE RAYMOND CHABOT, SYNDIC |
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MIS EN CAUSE - Mis en cause |
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[2] Pour les motifs du juge Rochette, auxquels souscrivent les juges Pelletier et Léger,
LA COUR :
[3] Dans le dossier d'appel numéro 500-09-020250-098 , ACCUEILLE le pourvoi de la Ville de Pincourt, à la seule fin de remplacer l'avant-dernier alinéa du jugement par le suivant :
CONDAMNE
la
mise en cause forcée,
Ville de Pincourt
, à payer à la
défenderesse,
Banque Nationale du Canada
, un montant de
1 824 000 $, avec intérêts courus et à courir sur telle somme
selon les termes de l'
Offre de financement
du 11 avril 2003, et
l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
[4] Avec dépens contre la Ville de Pincourt;
[5] Dans les dossiers d'appel numéros 500-09-020295-101 et al. , REJETTE les pourvois de Michel Perrier et Robert Brissette, sans frais;
[6] Dans le dossier d'appel numéro 500-09-020273-090 , ACCUEILLE le pourvoi de Construction Cogerex Ltée, avec dépens, aux fins de remplacer les premier et troisième alinéas du dispositif du jugement statuant sur la requête introductive en dommages amendée (500-17-021405-041) par les paragraphes suivants :
· ACCUEILLE en partie la Requête introductive d'instance amendée intentée contre les défendeurs Michel Perrier et Robert Brissette et la mise en cause forcée - intimée Ville de Pincourt ;
[…]
· DÉCLARE que la créance de la demanderesse, Construction Cogerex Ltée , représente un montant de 1 283 051,74 $ , soit le total des montants adjugés aux créances des sous-traitants visés par la réunion d'actions et identifiés au paragraphe [18] du présent jugement, et ce, après déduction des montants que la demanderesse a retenus pour son bénéfice et dont elle était redevable à certains d'entre eux, plus un montant de 150 000 $;
· CONDAMNE les défendeurs-intimés Michel Poirier et Robert Brissette et la mise en cause forcée - intimée Ville de Pincourt à payer solidairement à la demanderesse, Construction Cogerex Ltée, 1 283 051,74 $, incluant un montant de 150 000 $ auquel il faut ajouter l'intérêt et l'indemnité additionnelle prévus par la loi, depuis le 29 décembre 2003;
[7] Par souci de cohérence, le premier alinéa du dispositif du jugement statuant sur la requête pour mise en cause forcée de Ville de Pincourt par Banque Nationale du Canada est remplacé par le suivant :
· CONDAMNE la mise en cause forcée, Ville de Pincourt , à payer à la demanderesse, Construction Cogerex Ltée , solidairement avec les défendeurs Michel Perrier et Robert Brissette , 1 283 051,74 $, soit 1 133 051,74 $ ventilé, en capital et intérêts, selon les modalités mentionnées aux conclusions des jugements que le Tribunal a rendus ce jour dans les dossiers suivants :
Dossiers |
Montant |
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500-17-020216-043 |
46 288,44 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 8 janvier 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue
à l'
article
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500-17-020562-040 |
280 155,39 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 5 janvier 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue
à l'
article
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500-17-020563-048 |
120 304,65 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 22 janvier 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue
à l'
article
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500-17-020889-047 |
166 147,22 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 13 janvier 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue
à l'
article
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500-17-020930-049 |
88 333,45 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 5 avril 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à
l'
article
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500-17-021572-048 |
Nil |
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500-17-022681-046 |
108 613,51 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 8 octobre 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue
à l'
article
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500-17-025080-055 |
17 546,32 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 23 février 2005 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue
à l'
article
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500-17-032613-062 |
194 391,02 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 8 décembre 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue
à l'
article
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500-17-033436-067 |
111 271,74 $ |
(avec intérêt au taux
légal depuis le 16 mars 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à
l'
article
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Plus un montant de 150 000 $ auquel il faut ajouter l'intérêt et l'indemnité additionnelle prévus par la loi, depuis le 29 décembre 2003;
[8] Les autres paragraphes du dispositif du jugement demeurent inchangés;
[9] Dans ce même dossier d'appel, REJETTE l'appel incident de la Banque Nationale du Canada, avec dépens.
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MOTIFS DU JUGE ROCHETTE |
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[10] La juge de première instance fait une mise en situation de cette affaire qu'il est opportun de reproduire d'entrée de jeu :
[1] Le 14 mai 2003, le Complexe sportif et culturel régional Île Perrot (le Complexe), un organisme sans but lucratif, et Construction Cogerex Ltée (Cogerex) concluent un contrat à forfait (le Contrat) au montant de 5 300 000 $ avant taxes au terme duquel l'entrepreneur général s'engage à construire un aréna sur un terrain situé sur le territoire de la Ville de Pincourt (la Ville).
[2] Outre une convention MasterCard Affaires pour une limite autorisée de 10 000 $, la Banque Nationale du Canada (BNC) accepte alors de mettre à la disposition du Complexe les financements suivants :
Ø 200 000 $ à titre de financement d'exploitation;
Ø 5 461 000 $ à titre de prêt hypothécaire commercial;
Ø 350 000 $ à titre de crédit spécial rotatif;
[3] Par ailleurs, en vue de se conforter dans l'octroi d'un prêt d'une telle importance à un organisme sans but lucratif, BNC obtient de la part de la Ville de souscrire divers engagements financiers à son endroit.
[4] Débutés au mois de mai 2003, les travaux seront suspendus au mois de décembre suivant en raison d'un différend qui persiste alors depuis plusieurs semaines entre les principaux intervenants impliqués dans le projet, à telle enseigne que les Demandes et certificats de paiement que l'entrepreneur général soumettra au chargé de projet du maître de l'ouvrage à compter du mois de septembre 2003 demeureront impayées.
[5] Cogerex réclame ainsi des cinq (5) administrateurs du Complexe, Marcel Paquette (Paquette), Michel Perrier (Perrier), France Brissette (Madame Brissette), Robert Brissette (Brissette) et Simon Grenier (Grenier), et de BNC un montant de 3 105 158,31 $ ventilé comme suit :
Ø Demandes et certificats de paiement numéros 7, 8 et 9 : 2 846 005,62 $
Ø Extras soumis et acceptés 259 152,69 $
Total : 3 105 158,31 $
[6] Au soutien de sa réclamation contre les administrateurs du Complexe, Cogerex allègue que « (…) par leurs fautes, manquements et abus de droit (…) », ces derniers lui ont « intentionnellement » causé les dommages qu'elle réclame, notamment en ce qu'ils ont :
[…]
[7] Les administrateurs contestent le recours que Cogerex a intenté à leur encontre et plaident qu'il n'existe aucun lien de droit entre eux et l'entrepreneur général. Ils ajoutent avoir toujours agi de bonne foi pour mener à terme le projet et, dès lors, ne rien devoir à Cogerex.
[8] Sollicitant par ailleurs la condamnation conjointe et solidaire de BNC du montant qu'elle réclame, Cogerex dénonce le comportement de l'institution financière en ces termes :
[…]
[9] BNC conteste le recours que Cogerex a intenté à son encontre et soutient qu'il n'existe aucun lien de droit entre elle et l'entrepreneur général. Elle ajoute qu'elle était non seulement justifiée de suspendre les déboursements du prêt hypothécaire qu'elle avait consenti au Complexe, mais qu'elle a même été dans l'obligation d'agir ainsi en raison du différend qui opposait le Complexe et la Ville à Cogerex et qui mettait sans conteste en péril la poursuite de l'ensemble des travaux et, partant, la réalisation du projet.
[10] BNC plaide ainsi n'avoir commis aucune faute et avoir de surcroît tout mis en œuvre pour tenter de résoudre l'impasse et relancer le projet, notamment en proposant en vain des solutions réalistes et raisonnables aux termes desquelles toutes les parties impliquées auraient trouvé leur compte.
[11] Alléguant par ailleurs que le projet a été « initié, dirigé et supporté » par la Ville qui s'est en outre engagée envers elle de façon à lui donner tout le « confort » qu'elle recherchait aux fins d'accorder au Complexe le financement dont il avait besoin, BNC a requis la mise en cause forcée de la Ville et sollicité sa condamnation à payer à Cogerex un montant équivalant au coût des travaux que l'entrepreneur général et les sous-traitants ont exécutés, de même qu'un montant de 1 824 000 $ représentant le total des déboursements effectués à la date où les travaux ont été suspendus.
[12] Au soutien de ces conclusions, BNC plaide que non seulement la Ville a fait défaut de respecter les engagements souscrits envers elle, mais elle a également manqué à son devoir de négocier de bonne foi dans le cadre des discussions visant à relancer le projet, faisant dès lors fi de l'obligation qu'elle avait envers elle de prendre tous les moyens nécessaires pour ne pas préjudicier sa terminaison.
[13] Subsidiairement, BNC recherche la condamnation de la Ville à lui payer une somme de 45 000 $ représentant le montant du cautionnement consenti aux fins de garantir les obligations du Complexe, de même que tout montant auquel elle pourrait être condamnée aux termes du présent jugement.
[14] Cogerex souscrit aux prétentions de BNC quant à la responsabilité de la Ville.
[15] La Ville conteste les prétentions que BNC entretient à son endroit et plaide que l'institution financière connaissait les limites des engagements qu'elle a souscrit lors de l'octroi du financement au Complexe.
[16] Elle nie par ailleurs avoir eu le contrôle du projet dont il est ici question et avoir été partie au différend à l'origine du présent litige et qui a mené le Complexe à la faillite le 1 er mai 2004.
[Référence omise]
[11] La juge analyse d'abord la responsabilité des administrateurs du Complexe sportif et culturel régional Île Perrot [Complexe] à l'aune de la responsabilité extracontractuelle. Elle se penche sur la façon dont les administrateurs ont géré le différend entre Complexe et Construction Cogerex Ltée [Cogerex] et conclut à la responsabilité de Robert Brissette [Brissette] et de Michel Perrier [Perrier]. Elle accueille, pour partie, la Requête introductive d'instance amendée de Cogerex contre ceux-ci.
[12] Ensuite, la juge examine le reproche formulé par Cogerex à l'endroit de la Banque Nationale du Canada [BNC]. Elle ne retient pas la responsabilité extracontractuelle de cette dernière qui « s'est toujours comportée de façon raisonnable en prenant des décisions basées sur des critères économiques, objectifs et pertinents qu'elle a en outre évalués de bonne foi » [1] .
[13] Pour ce qui concerne la mise en cause forcée de la ville de Pincourt [Ville] par la BNC, la juge retient la responsabilité tant contractuelle qu'extracontractuelle de la Ville.
[14] Elle chiffre la créance de Cogerex à 1 133 051,74 $ et rejette sa réclamation pour les extras de 259 152,69 $. Enfin, elle condamne la Ville à payer à la BNC 1 824 000 $, avec l'intérêt couru et à courir selon l' Offre de financement du 11 avril 2003, plus l'indemnité additionnelle.
* * *
[15] Les administrateurs Brissette et Perrier se pourvoient et demandent le rejet du recours introductif de Cogerex, à leur égard [2] . La Ville se pourvoit également et demande le rejet de la mise en cause forcée de la BNC et des condamnations en découlant, au bénéfice de Cogerex et de la BNC [3] .
[16] Cogerex se porte, elle aussi, appelante [4] . Elle demande de hausser le quantum de la condamnation à 3 411 245,33 $ et, subsidiairement, d'infirmer une décision de la juge qui l'a empêchée de déposer des pièces additionnelles, puis de renvoyer les parties devant le tribunal pour compléter la preuve, de sorte qu'une décision soit rendue sur « le mérite » de sa réclamation.
[17] Enfin, la BNC se porte appelante-incidente dans le dossier de l'appel de Cogerex [5] . Elle demande d'infirmer la décision de la juge de refuser de condamner Cogerex aux honoraires extrajudiciaires encourus par la BNC en raison des recours abusifs intentés contre elle. Sa réclamation s'élève à 334 353,21 $.
[18] Il est logique de débuter l'examen du litige par l'appel interjeté par la Ville.
[19] La juge de première instance résume ainsi la « genèse du projet » :
[22] À la fin des années 1990, la situation financière de la Ville est peu reluisante.
[23] Outre d'avoir repris plus de six cents (600) acres de terrain pour non-paiement de taxes et vu sa dette augmentée de plus de 5 000 000 $, son taux de taxation est alors supérieur à celui des villes avoisinantes, voire même à celui de l'ouest de Montréal.
[24] Comme elle doit concentrer ses efforts à mettre en valeur le territoire mentionné ci-devant et améliorer sa situation financière dans les meilleurs délais possibles, la Ville procède dès lors au refinancement de sa dette sur une période de quinze (15) ans et révise l'ensemble de son règlement de zonage afin de promouvoir le développement immobilier sur son territoire, notamment par l'implantation d'une école secondaire régionale, d'un complexe sportif et culturel régional, d'un parcours de golf de type urbain et d'un parc forestier urbain, et par l'acquisition d'équipements majeurs en sports et loisirs.
[25] C'est dans la foulée de ces projets qu'à la fin de l'année 2000, Perrier, alors directeur du développement urbain à la Ville et adjoint au directeur général [6] , et Grenier, directeur du développement des loisirs à la Ville, rencontrent Brissette, alors président de l'Association du Hockey Mineur de la Ville de Pincourt (AHMP), pour discuter de la possibilité que l'organisme s'implique avec la Ville dans la réalisation d'un complexe sportif et culturel régional.
[26] À cette époque, l'AHMP dispose de 500 000 $ accumulés au fil des années via diverses activités de financement.
[27] Comme Brissette partage la même vision que celle de la Ville, soit de mettre en place une infrastructure intéressante tant pour l'AHMP que pour la Ville, cette dernière décide d'aller de l'avant dans la réalisation du projet, et ce, en partenariat avec l'AHMP.
[28] Vu toutefois sa situation financière à cette époque, il n'est aucunement question pour la Ville de solliciter un emprunt pour financer un tel projet, d'où les discussions avec Brissette à l'effet d'envisager la création d'un organisme sans but lucratif qui deviendrait propriétaire des installations et prendrait alors charge des opérations.
[29] Au mois de janvier 2001, l'AHMP retient donc les services de la firme CBEC-Réseau (CBEC) pour qu'elle procède à une étude de faisabilité et de rentabilité d'un tel projet. Au mois d'août 2001, CBEC dépose son rapport qui conclut favorablement à l'implantation d'un aréna sur le territoire de la Ville.
[30] L'AHMP mandate alors l'architecte Michel Goyette (Goyette) pour qu'il élabore un Programme architectural .
[31] Le 29 janvier 2002, la Ville adopte une résolution autorisant le maire Michel Kandyba (Kandyba) et la greffière de la Ville à l'époque, madame Hélène Boudreault (Madame Boudreault), à signer avec l'AHMP, pour et au nom de la Ville, un protocole d'entente en vue de l'implantation d'un complexe sportif et culturel régional sur le territoire de la Ville. La Ville y réitère en outre ses engagements dans un tel projet, et ce, en partenariat avec l'AHMP.
[20] Complexe est constitué le 5 février 2002 et le 29 avril 2002, il signe, avec la Ville, une entente pour la réalisation du projet. On recherche du financement à l'automne 2002 auprès de la BNC, par l'intermédiaire de Brissette et Perrier [7] . La Ville fait la promotion du projet. Le 10 décembre 2002, elle désigne Perrier et Grenier pour agir comme ses représentants au conseil d'administration [CA] de Complexe. La négociation se poursuit avec la BNC.
[21] Le 14 mai 2003, le contrat de construction est signé entre Complexe et Cogerex. Le 4 juin suivant, lors d'une séance de clôture, diverses ententes sont signées « visant à mettre en place les engagements financiers que Complexe et la Ville ont souscrit à l'égard de la BNC » [8] . Les travaux sont alors en cours depuis le milieu du mois de mai.
[22] Statuant sur la mise en cause forcée de la Ville par la BNC, la juge retient la responsabilité de la Ville pour les motifs suivants.
[23] Au plan contractuel , elle constate que la Ville s'est engagée, aux termes d'une Convention de rachat des actifs signée le 4 juin 2003, à racheter les actifs de Complexe dans un délai de 30 jours d'une demande écrite de la BNC en ce sens, dans le cas où la banque en viendrait à réaliser ses sûretés [9] . Le prix de l'acquisition est fixé « jusqu'à concurrence » du solde du prêt à terme accordé par la BNC. La juge précise :
[281] Cette convention, conclue entre le Complexe, BNC et la Ville, répondait à une exigence spécifique que BNC avait formulée dans le cadre de l' Offre de financement du 11 avril 2003 et qui prévoyait notamment, aux Conditions préalables au déboursement des fonds , que la Ville adopte, d'ici la fin du bail à intervenir entre elle et le Complexe et prévu pour une durée de cinq (5) ans, une résolution aux fins d'entreprendre les démarches nécessaires auprès du MAMM [10] pour effectuer le rachat.
[282] Le délai dont il est alors question avait été concédé par BNC à la demande expresse de la Ville qui souhaitait à cette époque redresser sa situation financière avant d'entreprendre une telle démarche auprès du MAMM. C'est d'ailleurs en raison de sa situation financière précaire de l'époque que la Ville avait approché Brissette pour créer le Complexe et réaliser le complexe sportif et culturel qui était alors sensé revitaliser son économie.
[283] Or, à ce jour et malgré la faillite du Complexe depuis le 1 er mai 2004, la Ville n'a entrepris aucune démarche auprès du MAMM pour racheter les actifs du Complexe, une procédure qui pourtant ne pose généralement aucun problème.
[24] La juge note également qu'une Convention de jouissance paisible [11] est intervenue, le même jour, entre Complexe, la BNC et la Ville, selon laquelle la prestation de cette dernière, à titre de locataire de Complexe, est essentielle à la réalisation du projet et à son financement. De même, la Ville cède à la BNC :
[285] […] non seulement […] toute priorité à laquelle elle pourrait prétendre aux termes des divers documents que les parties ont signés […], mais aux termes de la clause 4 de la convention, elle s'est en outre engagée à n'opposer à l'institution financière aucun défaut que le Complexe pourrait avoir envers elle.
[25] Le 4 juin 2003, une Offre de location a été signée par la Ville et Complexe qui garantit la location d'heures de glace pour un revenu d'au moins 730 000 $. La juge poursuit :
[290] En l'espèce, la garantie de location d'heures de glace pour un revenu minimal annuel de 730 000 $ constituait la condition sine qua non du financement du projet par BNC. Le Complexe bénéficiait ainsi de revenus suffisants, alors que la Ville pouvait espérer redresser entre-temps sa situation financière avant de demander au MAMM l'autorisation de signer la Convention de rachat des actifs. N'eut été de cette condition, BNC n'aurait jamais accepté de financer le Complexe.
[291] Cette condition a par ailleurs été expressément acceptée par la Ville alors qu'elle adoptait, le 16 avril 2003, une résolution […] :
[…]
[293] La garantie de louer annuellement 3 500 heures de glace et de procurer ainsi au Complexe un revenu annuel minimal de 730 000 $, a donc été contractée par la Ville au bénéfice de BNC . L'objectif de cette garantie visait de faciliter la réalisation du projet tout en assurant au Complexe des revenus suffisants pour supporter son financement pendant une période de cinq (5) ans, soit le temps pour la Ville d'obtenir l'autorisation du MAMM de signer la Convention de rachat des actifs .
[294] Dans ces circonstances, l' Offre de location constitue une stipulation pour autrui en faveur de BNC et engage dès lors la responsabilité contractuelle de la Ville à l'égard de l'institution financière.
[Soulignement ajouté]
[26] Enfin, comme l'exigeait la BNC, la Ville a cautionné les obligations de Complexe à concurrence de 45 000 $ [12] .
[27] La juge retient aussi la responsabilité extracontractuelle de la Ville et s'en explique.
[297] La preuve révèle que depuis le début du projet, la Ville a exercé un contrôle de facto de toutes les décisions prises par le Complexe, notamment celles de refuser de payer les Demandes et certificats de paiement numéros 7 et 8 et de participer à une solution négociée avec l'entrepreneur général et BNC aux fins de compléter le projet à un coût acceptable pour tous, tel projet respectant par ailleurs les fonctionnalités recherchées par le Complexe et la Ville.
[298] Comme Brissette l'a mentionné à maintes reprises, la Ville « avait un droit de vie ou de mort » sur le projet.
[299] La Ville a ainsi utilisé le Complexe à titre de mécanisme juridique aux seules fins d'entreprendre et réaliser un projet d'importance pour elle et qui s'inscrivait, faut-il le rappeler, au cœur même de la revitalisation de son économie.
[300] La Ville a été omniprésente à toutes les phases du projet et en a conservé la mainmise tant lors de sa conception, sa préparation et sa réalisation qu'au cours des discussions visant sa relance et lors de la décision d'y mettre fin.
[301] Les efforts que Brissette, Perrier et Goyette ont déployés pour limiter le rôle de Perrier à celui de simple bénévole, administrateur du Complexe et convaincre ainsi le Tribunal que les procès-verbaux dont il est question ci-devant contenaient tous une erreur à cet égard, ont été vains.
[302] Non seulement le témoignage qu'ils ont livré est contredit par les procès-verbaux qui ont été rédigés par Goyette de façon contemporaine aux événements, mais bien que tels procès-verbaux leur aient tous été communiqués, ni Perrier ni Brissette n'ont jugé utile de demander à Goyette de corriger l'erreur dont ils se réclament aujourd'hui pour que Perrier y soit plutôt désigné à titre d' administrateur du Complexe [13] .
[303] Mais, il y a plus.
[304] Lors de la Réunion de coordination du 9 septembre 2003, alors que le maire Kandyba est présent, c'est Perrier qui prend position au nom de la Ville. Le procès-verbal que Goyette a rédigé à cette occasion est éloquent à cet égard :
« (…)
1.8 Position de la Ville :
Monsieur Perrier avise l'assemblée que la Ville est unie au propriétaire jusqu'à la fin du projet . (…) »
(L'emphase est dans le texte)
(Le Tribunal souligne)
[305] Par ailleurs, à l'audience, Goyette a finalement reconnu que Perrier avait bel et bien assisté à la Réunion de coordination à titre de représentant de la Ville .
[306] Perrier, qui communiquait en outre avec Brissette de façon quasi quotidienne, a été un acteur de premier plan dans toutes les phases du projet aux fins d'assurer la préservation des intérêts de la Ville. Prétendre encore aujourd'hui le contraire constitue une insulte à l'intelligence de quiconque a assisté à l'audition et pris connaissance de l'ensemble des pièces qui ont été produites.
[307] Perrier a participé à titre de représentant de la Ville aux réunions de chantier, dont la Réunion de coordination du 9 septembre 2003, et a adhéré sans réserve à la décision de ne pas payer l'entrepreneur général et, partant, les sous-traitants, et ce, tant et aussi longtemps qu'un règlement global n'interviendrait pas avec Cogerex, et ce, alors que les travaux se poursuivaient sur le chantier de construction.
[308] Si Cogerex et les sous-traitants n'ont pas encore été payés à ce jour pour les travaux effectués à compter du mois de septembre 2003, cette situation résulte également des faits et gestes de la Ville qui a agi par l'intermédiaire de Perrier.
[309] Aux termes de l'
article
Phase de relance du projet
· Perrier a assisté à toutes les rencontres visant à trouver une solution pour relancer le projet ;
· Lors de la rencontre du 21 avril 2004, Perrier est intervenu au nom de la Ville pour informer les personnes présentes qu'avant de faire connaître la position de la Ville, il devait effectuer certaines vérifications d'ordre financier puisque les délais encourus à pareille date compromettaient selon lui la possibilité pour la Ville de louer des heures de glace ;
· Lors de la rencontre du 27 avril 2004, Perrier a informé les personnes présentes que la Ville ne pouvait mettre plus d'efforts qu'elle n'en avait déjà faits et qu'elle refusait dès lors la proposition de Tremblay [14] , ajoutant par ailleurs que la Ville abandonnait le projet notamment en raison de la perte des éléments techniques que la Ville estimait essentiels pour le fonctionnement du complexe sportif et culturel.
[310] Lors des rencontres des 21 et 27 avril 2004, par ailleurs cruciales pour l'avenir du Complexe, Perrier a encore là agi à titre de représentant de la Ville .
[311] Le Tribunal est d'avis que la perte des éléments techniques dont il se réclame alors pour justifier la décision de la Ville ne constituait qu'un prétexte pour occulter le véritable motif à la base de cette décision, soit celui de la baisse des engagements des municipalités avoisinantes de louer et/ou de garantir la location d'heures de glace, notamment pour l'année 2004-2005, et partant l'obligation pour la Ville d'honorer l'engagement qu'elle avait souscrit aux termes de l' Offre de location , soit d'assurer au Complexe un revenu annuel de 730 000 $.
[312] D'abord, à la rencontre du 21 avril 2004, Perrier a en effet invoqué cette baisse de clientèle et son obligation d'effectuer certaines vérifications d'ordre financier avant de faire connaître la position de la Ville relativement à la proposition que Tremblay avait formulée.
[313] La Ville n'a en outre administré aucune preuve pour démontrer quelle était la nature d'une telle perte d' éléments techniques qui semblait pourtant si essentielle pour elle. Au contraire, selon Tremblay, le coût de 5 800 000 $ tenait compte du fait que les éléments techniques que revendiquaient haut et fort le Complexe et la Ville étaient respectés, ce que Brissette a d'ailleurs reconnu lors du témoignage qu'il a livré.
[314] Par ailleurs, la baisse de clientèle dont s'inquiétait Perrier n'affectait en rien le Complexe, mais uniquement la Ville qui, aux termes de l'Offre de location , lui garantissait un revenu annuel de 730 000 $.
[315] Se fondant alors sur la croyance que Perrier entretenait à cette époque, la Ville, qui était la seule partie ayant intérêt à ce que le projet achoppe, a décidé de mettre un terme au projet et provoquer ainsi la faillite du Complexe, convaincue qu'elle était alors de pouvoir se soustraire à ses engagements financiers et, en initiant une procédure de vente pour taxes, récupérer l'immeuble libre de toute charge.
[316] Ce faisant et en refusant de participer à une solution négociée avec l'entrepreneur général et BNC aux fins de poursuivre et finaliser le projet selon un budget acceptable pour tous et qui assurait de surcroît la viabilité et la rentabilité du Complexe, tel projet comportant par ailleurs les fonctionnalités recherchées pour le Complexe et la Ville, cette dernière a manqué à son obligation la plus élémentaire de collaborer et de négocier de bonne foi et a ainsi mis fin brutalement aux négociations pour des raisons qui n'avaient alors rien à voir avec la teneur des discussions jusqu'alors entreprises avec Cogerex et BNC.
[317] En orchestrant en outre le manque de loyauté de Brissette et Perrier à l'égard du Complexe et en provoquant la faillite de l'organisme , la Ville a utilisé la position privilégiée qu'elle détenait au sein du conseil d'administration du Complexe pour que soient prises des décisions manifestement contraires aux intérêts de ce dernier, ce qui a eu de lourdes conséquences à l'égard de tous les intervenants impliqués dans le projet, notamment à l'égard de l'entrepreneur général, des sous-traitants et de BNC.
[318] Un tel comportement, de surcroît de la part d'un organisme public, est tout à fait déplorable et inacceptable et engage sa responsabilité contractuelle .
[Soulignement ajouté]
* * *
[29] La Ville avance six moyens au soutien de son pourvoi, qui reprochent autant d'erreurs à la juge de première instance. Ils seront abordés dans un ordre qui diffère de celui privilégié par la Ville.
[30] La Ville reproche à Cogerex sa témérité pour avoir contracté avec Complexe, un organisme sans but lucratif qui n'avait que des ressources limitées à investir dans le projet, sans exiger des garanties suffisantes. Elle formule le même reproche à la BNC et ajoute que les garanties « requises initialement par la Banque n'ont pas été fournies par la Ville » et que celles octroyées sont limitées. Les conclusions quant à la responsabilité extracontractuelle auraient pour effet de fournir à la BNC des garanties refusées lors de la signature de l'entente.
[31] Ces allégations générales, qui ne sont pas étayées, ne ciblent pas d'erreur révisable dans le jugement entrepris, une démonstration dont le fardeau repose sur les épaules de la partie appelante. La Ville ne peut se contenter de plaider sa cause comme elle l'a fait en première instance. Nous y reviendrons un peu plus loin.
[32] Par ailleurs, ce n'est pas la situation juridique de Complexe qui est en cause ni la portée des garanties octroyées à la BNC, mais la conduite répréhensible de la Ville qui a, de l'avis de la juge, engagé sa responsabilité. Enfin, l'on peut se demander en quoi il est, en principe, téméraire de conclure un contrat avec un OSBL et en quoi la juge aurait erré de façon manifeste et déterminante en ne retenant pas, sous ce rapport, de faute contre Cogerex et la BNC.
[33] Ce moyen est sans fondement.
[34] Selon la Ville, cette conclusion de la juge ne trouverait pas appui dans la preuve.
[35] Elle plaide d'abord qu'une municipalité, personne morale de droit public, ne parle que par résolution. Les actes d'un administrateur ou d'un employé ne peuvent donc l'engager contractuellement.
[36] Se référant ensuite au témoignage de Brissette, elle affirme que c'est l'Association de Hockey mineur de Pincourt [AHMP] qui a initié les démarches auprès d'elle, à la recherche d'infrastructures susceptibles d'accommoder les jeunes pratiquant le hockey dans la région. La juge commettrait donc une erreur en affirmant que les approches ont été faites par la Ville [15] . Elle ajoute que la demande d'aide financière transmise au MAMM visait plusieurs investissements, en outre du complexe sportif, et n'apporte donc rien au débat.
[37] Cela dit, la Ville reconnaît que les lettres patentes de Complexe prévoient la dévolution éventuelle de ses biens à la Ville, mais ajoute qu'elles étaient publiques et que la BNC en avait pris connaissance. Par ailleurs, la dévolution des biens d'un OSBL serait chose courante. Au surplus, cette clause aurait été ajoutée à l'initiative de Brissette, sans consultation avec la Ville.
[38] La Ville reconnaît aussi qu'en vertu des Règlements généraux de Complexe, le CA devait être composé exclusivement de représentants désignés par elle, à l'expiration d'un délai de cinq ans. Mais elle ajoute que la BNC le savait. La Ville concède également qu'elle entendait céder le terrain de Complexe à titre gratuit, mais précise qu'elle s'est ravisée, après avoir réalisé qu'un tel don était illégal.
[39] La Ville ne conteste pas davantage avoir « conclu avec le Complexe une Entente […] aux termes de laquelle elle a souscrit non seulement plusieurs engagements financiers envers l'organisme, mais également un engagement à l'effet d'appuyer ce dernier dans ses démarches visant à bénéficier des exemptions de taxes foncières municipales et scolaires ou de lui proposer une formule compensatoire pour suppléer à telles exemptions si celles-ci ne lui étaient pas octroyées » [16] .
[40] Au sujet du rôle joué par les administrateurs Grenier et Perrier nommés par elle, la Ville affirme que leur présence au CA était justifiée et que Perrier a agi comme son représentant seulement lorsqu'il a « négocié les termes du financement avec la Banque ». Quant au reste, il aurait toujours agi dans l'intérêt de Complexe.
[41] À l'étape du financement , le fait que Perrier ait communiqué avec la BNC pour lui présenter le projet est « au mieux banal » car la Ville appuyait le projet et était prête à offrir des garanties pour sa réalisation. Serait également banal le fait que la BNC était déjà en relation d'affaires avec la Ville.
[42] La Ville ajoute que : elle a fait la majeure partie de la présentation lors de la rencontre de janvier 2003 réunissant ses représentants, ceux de la BNC et Robert Brissette, mais il n'y aurait rien là d'extraordinaire; elle n'entendait pas, pour autant, devenir l'exploitante et la gestionnaire du complexe sportif; la garantie donnée par son maire selon laquelle la BNC « ne perdrait pas un sou » constituait un simple engagement « politique et verbal » et ne pouvait pas engager la Ville au-delà « des résolutions et des ententes »; Brissette n'a pas été impliqué dans la négociation des garanties exigées par la BNC, mais il a négocié « au nom du Complexe les clauses qui s'appliquaient à lui ».
[43] Pour ce qui concerne la phase construction , la Ville argumente que : la présence de Perrier sur le CA de Complexe ne fait pas d'elle le « cocontractant … de Cogerex et de la Banque »; une erreur cléricale a été commise par Goyette aux procès-verbaux dans lesquels il désigne Perrier comme représentant de la Ville; les témoignages de Brissette et de Perrier auraient dû être considérés à ce sujet; ni Perrier ni la Ville n'ont participé, selon la preuve documentaire, « à l'élaboration du projet de construction … ni à sa gestion quotidienne »; Perrier était la « courroie de transmission » entre la Ville et Complexe et s'en est remis aux professionnels pour prendre ses décisions; Complexe a géré le projet de construction de façon autonome, du début à la fin, sans intervention « de la Ville autre que celle découlant des engagements qu'elle avait contractés envers la Banque ».
[44] Au regard du rôle qui lui est reproché dans la déloyauté de Perrier et Brissette , la Ville plaide que : Perrier s'est fié aux professionnels « pour soutenir le Complexe dans certaines décisions relatives au chantier », notamment lors de la réunion du 9 septembre 2003; Brissette a témoigné de son dévouement envers Complexe et avait tout à perdre de la faillite de celui-ci; Perrier a affirmé que la mise en faillite « découle des menaces de Cogerex et de la décision de la Banque de la devancer en prenant l'initiative de la faillite »; elle était disposée à respecter ses engagements et ne retirait aucun avantage de l'échec du projet.
[45] Enfin, la réponse donnée par Brissette selon lequel la Ville avait « un droit de vie ou de mort sur le projet » aurait une portée restreinte puisque l'avocat de la BNC cherchait alors à déterminer s'il avait exigé le paiement des 3 500 heures de location de glace garanti par la Ville. Elle reconnaît toutefois l'admission de Brissette qu'« il n'avait jamais envisagé le scénario où il aurait demandé à la Ville de respecter sa garantie » [17] .
[46] Au surplus, la Ville plaide qu'elle ne peut être considérée comme l' alter ego de Complexe. Le financement d'un OSBL par une autre entité ne peut entraîner la confusion de deux personnes morales distinctes, ce qui occasionnerait une insécurité juridique non souhaitable [18] .
* * *
[47] La responsabilité extracontractuelle d'une corporation municipale peut être engagée, dans sa sphère opérationnelle [19] , par exemple lorsque ses préposés « commettent une faute dans la mise en œuvre d'un règlement relevant de la sphère opérationnelle de leurs activités » [20] . Il n'y a pas d'immunité sous ce rapport et « la simple faute au sens du Code civil peut engager leur responsabilité » [21] .
[48] L'enquête et l'audition de cette affaire ont requis 26 jours. Plus de 250 pièces ont été produites, dont plusieurs dizaines en liasse, qui totalisent 1 225 pages de preuve documentaire. Les témoignages sont relatés sur plus de 3 100 pages de notes sténographiques.
[49] Les contrats intervenus entre les parties, le cadre juridique applicable et les pouvoirs généraux des municipalités ne sont pas en litige. Au soutien de ce moyen d'appel, la Ville réfère essentiellement la Cour, pour ce qui concerne la preuve testimoniale, à des extraits choisis des témoignages de Brissette et de Perrier, et réitère que la conduite de ses préposés n'a pas été fautive, qu'on l'examine selon les principes de la responsabilité contractuelle ou extraontractuelle.
[50] La Cour a rappelé, en plusieurs occasions, que l'appel n'est pas une occasion de refaire le procès [22] . Il revient à la partie appelante de faire le travail minutieux et exigeant de déceler les erreurs et de démontrer leur aspect manifeste. Cela s'avère fondamental lorsqu'un dossier est essentiellement factuel. C'est le cas ici :
[10] Comme il s’agit d’un appel portant en grande partie sur les faits, l’appelante doit démontrer non seulement l’existence d’erreurs manifestes, mais également le caractère déterminant de ces erreurs. Pour ce faire, il est nécessaire de cibler ces erreurs, de même que leur impact sur le résultat, en attirant l’attention du lecteur tant sur les passages erronés du jugement (ou sur l’absence d’examen de ces faits) que sur la preuve pertinente. [23]
[51] Le seul amalgame de faits chirurgicalement choisis dans l'ensemble de la preuve pour ressasser la vision de l'appelante ne permet pas l'intervention de la Cour [24] . La partie appelante doit donc « montrer du doigt » [25] les erreurs manifestes et déterminantes et cela est encore plus vrai dans les dossiers complexes ou d'envergure :
[55] Lorsqu’une preuve de quelque complexité prête à interprétation et requiert de la part du juge de première instance l’appréciation individuelle puis globale de multiples éléments, dont certains sont divergents ou contradictoires, il ne suffit pas de sélectionner aux fins du pourvoi tout ce qui aurait pu être interprété différemment, à l’exclusion de tout le reste, afin de réitérer une thèse déjà tenue pour non fondée par le juge qui a entendu le procès. Une erreur dans la détermination d’un fait litigieux n’est manifeste que si son caractère évident ou flagrant se dégage avec netteté du ré-examen de la partie pertinente de la preuve et qu’une conclusion différente sur ce fait litigieux s’impose dès lors à l’esprit . Une erreur n’est déterminante que si elle prive le jugement entrepris d’une assise nécessaire en fait, faussant ainsi le dispositif de la décision rendue en première instance et commandant réformation de ce dispositif pour cette raison . […] [26]
[Soulignement ajouté]
[52] Une telle démonstration n'a pas été faite par la Ville.
[53] La juge de première instance conclut que la Ville a manqué aux engagements pris envers la BNC en vertu de la Convention de rachats des actifs [27] , dans le contexte où elle avait cédé à la BNC toute priorité à laquelle elle pourrait prétendre et s'était engagée à n'opposer à la banque aucun défaut que Complexe pourrait avoir envers la Ville, en vertu de la Convention de jouissance paisible [28] . Elle conclut, par ailleurs, que l' Offre de location intervenue entre Complexe et la Ville constitue une stipulation pour autrui au bénéfice de la BNC et une condition sine qua non du financement du projet par cette dernière [29] . Elle retient la responsabilité contractuelle de la Ville envers la BNC pour avoir manqué à divers engagements.
[54] Aucune erreur ne vicie ces déterminations.
[55] La juge conclut également à la responsabilité extracontractuelle de la Ville, tant à l'égard de la BNC que de Cogerex.
[56] Elle explique que la Ville avait le contrôle, dans les faits, du projet et de Complexe, qu'elle a utilisé ce mécanisme juridique pour réaliser le projet sur lequel elle a gardé la mainmise à toutes les phases de conception, préparation et réalisation, incluant les discussions visant sa relance et la décision d'y mettre fin [30] . La juge émaille son propos de nombreuses références à la preuve documentaire et testimoniale en regard, notamment, des phases pré-construction, financement et construction [31] .
[57] Il est vrai qu'une personne morale de droit public ne parle que par résolution, mais il ne s'agit pas de cela ici. Il est clairement établi, notamment par les témoignages de Brissette, Lebel [32] , Leduc [33] , Goyette et de Christian Bourque [34] , que l'influence de la Ville a pesé lourd, tout au long du projet, se manifestant notamment par les interventions du maire et de Perrier, ses mandataires.
[58] Mentionnons, pour un exemple donné, la relation faite par la juge d'une rencontre tenue en janvier 2003 à Pincourt, près d'un an après la constitution de Complexe [35] :
[42] Au mois de janvier 2003, une rencontre a lieu à l'Omnicentre de la Ville. Y sont présents Brissette et Perrier, le maire Kandyba, la trésorière de la Ville à cette époque, madame Céline Bussières (Madame Bussières), le vice-président BNC-Montérégie, monsieur Jean-Pierre Lambert (Lambert), de même que Leduc et son supérieur immédiat, monsieur Michel Perreault (Perreault).
[43] La Ville fait alors une présentation des sujets suivants :
· Le bilan du partenariat BNC-Ville ;
· La situation financière de la Ville ;
· Les perspectives de développement économique ;
· Le positionnement stratégique du complexe sportif et culturel régional ;
· L'évolution du dossier du complexe sportif et culturel régional ;
· Les perspectives de partenariat pour l'implantation du complexe sportif et culturel régional. [36]
[44] À l'occasion de cette rencontre qui sera, aux dires de tous, un point tournant dans les négociations relatives au financement du projet, le maire Kandyba et Perrier donnent à BNC la garantie qu'elle ne perdra aucun montant d'argent dans cette « aventure ».
[45] C'est d'ailleurs dans cette perspective que la Ville propose alors à BNC ce qui suit :
· De signer une Convention de rachat des actifs du Complexe au cas où ce dernier, l'éventuel emprunteur de BNC, ne puisse s'acquitter de ses obligations financières, telle convention devant toutefois faire l'objet d'une demande d'approbation auprès du MAMM;
· De bénéficier d'un délai maximum de cinq (5) ans pour obtenir telle autorisation aux fins de lui permettre d'améliorer, au cours de cette période, son profil économique et financier, le processus normal étant d'obtenir cette autorisation avant le début d'un projet;
· Vu les délais requis par la Ville, de se porter garante d'un certain nombre d'heures de location de glace , ce qui permettra alors à BNC de s'assurer de la rentabilité des opérations du Complexe par la garantie d'un revenu minimal pour telle période de cinq (5) ans .
[Soulignement ajouté]
[59] Un autre exemple en dit long sur le rôle central joué par la Ville et sur l'attitude de ses préposés à un moment où le contrat de construction « fast track » a déjà été octroyé à Cogerex :
[66] Le 22 mai 2003, Brissette, Perrier et Goyette se rendent à la municipalité de La Pêche et assistent à une présentation de la firme Dessau-Soprin Inc. (Dessau) portant sur la récupération d'énergie. Monsieur Christian Roy (Roy), l'ingénieur en électromécanique dont le Complexe a retenu les services, n'est toutefois pas avisé de cette démarche .
[67] C'est à la suite de cette présentation que l' Association des arénas du Québec et la Ville mandatent Dessau pour effectuer une étude de faisabilité en efficacité énergétique visant à évaluer certaines mesures à être intégrées à l'aréna dans le but de diminuer la consommation énergétique du bâtiment.
[68] Le 9 juin 2003, Dessau produit un Rapport d'analyse technico-économique (Rapport Dessau) et le présente lors d'une rencontre qui a lieu à l'Omnicentre de la Ville et à laquelle assistent une vingtaine de personnes, dont les membres du conseil d'administration du Complexe et des représentants de la Ville, de Cogerex, du ministère des Ressources naturelles et de la Faune et de Hydro-Québec. Roy n'y est toutefois pas présent.
[69] Le 17 juin 2003, après avoir pris connaissance du Rapport Dessau qui lui a été transmis, Roy dépose une Étude comparative en récupération d'énergie qui compare le Rapport Dessau avec le concept qu'il a développé en collaboration avec Cogerex et le sous-traitant Cimco .
[70] Le 19 juin 2003, se disant insatisfait du travail qu'il a accompli, le Complexe congédie Roy et mandate Dessau pour prendre charge du volet électromécanique du projet. Le Complexe n'avise toutefois pas BNC de ce changement .
[71] Le congédiement de Roy et l'arrivée de Dessau sur le chantier de construction constituera sans conteste un point tournant dans les relations entre les différents intervenants impliqués dans le projet.
[72] Le 27 juin 2003, Dessau écrit à Brissette pour lui faire part de l'avancement des plans en électromécanique que Roy a confectionnés. Il lui précise notamment ce qui suit :
« (…)
Plomberie : 50 %
Ventilation : 75 % (Concept à reprendre au complet)
Réfrigération : 0 %
Protection incendie : 0 %
Réfrigération automatique : 0 %
Électricité : 2 %
Aucune spécification d'équipements n'a été faite.
Nous n'utiliserons aucun des plans de M. Christian Roy . Les plans seront repris selon notre format . Au niveau du drainage, il est possible que nous utilisions quelques éléments qui se trouvent sur ces plans et qui sont déjà construits. (…) » [37]
[Le Tribunal souligne]
[73] Le 1 er juillet 2003, Cogerex écrit à Brissette pour l'informer que le remplacement de Roy et l'arrivée de Dessau entraîneront d'importantes perturbations au niveau de l'échéancier des travaux et des coûts du projet, le concept mis de l'avant par le Rapport Dessau affectant les travaux en électromécanique et, partant, tous les autres travaux visés par le projet. L'entrepreneur général fait en outre part à Brissette de sa préoccupation à l'effet qu'il ne dispose encore d'aucun plan et devis en électromécanique et ne peut ainsi retenir les services d'aucun sous-traitant dans ce domaine.
[Soulignement ajouté]
[60] La juge blâme également Perrier et la Ville pour le refus de donner suite aux Demandes et certificats de paiement numéros 7 et 8 et pour la stratégie fautive, le « plan de match » élaboré pour que Cogerex « flanche » ou « casse » [38] .
[61] Sur le tout, la Ville ne montre pas « du doigt » d'erreur manifeste et déterminante au regard des déterminations de faits auxquelles parvient la juge de première instance.
[62] Ajoutons que, contrairement à ce que soutient la Ville, ce n'est pas l'AHMP, mais Simon Grenier qui, en recherchant des investisseurs potentiels pour les projets de développement de la Ville, a initié le contact. Perrier en témoigne.
[63] La Ville affirme que les décisions de Complexe prises à la fin de l'été 2003 étaient fondées sur les recommandations des professionnels. Cela n'exempte pas les personnes fautives de répondre de leurs actes ni ne les disculpe de n'avoir pas consulté, en temps utile, une personne compétente, en l'occurrence ici un avocat ou une avocate, sur la difficulté qui se posait. La loi en vigueur à l'époque formulait la présomption qu'un administrateur agit avec prudence et diligence lorsque sa décision est fondée sur l'opinion d'un expert [39] . Encore faut-il qu'il possède une expertise dans le domaine pertinent au type de décision qui doit être prise [40] . Ainsi, l'administrateur fera « appel à des banquiers ou des conseillers financiers pour des problèmes financiers, à des avocats pour des problèmes juridiques, etc. » [41] . De surcroît, il ne fait pas de doute que la consultation d'un expert n'exonère pas l'administrateur d'être prudent et diligent dans son processus décisionnel [42] .
[64] De fait, Perrier ne s'est jamais assuré que la demande de ventilation des coûts formulée à cette époque était valable et recevable, malgré l'effet radical qu'elle pouvait avoir sur la suite du projet et les créances de Cogerex et des sous-traitants. Également, il ressort du procès-verbal de la réunion du 9 septembre 2003 que les recommandations de fermer le chantier et d'informer la BNC de la situation, formulées par des professionnels, n'ont pas été suivies. Nous y reviendrons.
[65]
Pour ce qui est de l'argument fondé sur la notion d'
alter ego
[43]
,
soumis par la Ville, il n'a pas d'application ici
[44]
.
Il ne s'agit pas de qualifier une relation entre un actionnaire et une société
[45]
.
Cela dit, la juge de première instance refuse, à bon droit, de
prononcer la levée du voile corporatif, en vertu de l'article
[66] La juge retient également la responsabilité extracontractuelle de la Ville en raison de son refus d'accepter la solution négociée par les principaux intéressés en avril 2004. La Ville aurait orchestré la déloyauté des administrateurs et choisi de provoquer l'échec du projet pour être libérée de ses obligations contractuelles et même tirer profit de cette déconfiture [47] . La juge qualifie le comportement de la Ville de « déplorable et inacceptable » [48] , d'autant qu'elle est un organisme public.
[67] La Ville réplique qu'elle n'a pu profiter du projet. L'aréna, inutilisé, doit être protégé du vandalisme. Il est situé sur une artère importante de la municipalité et constitue « une espèce d'œil au beurre noir ». Elle ajoute que le rejet de la proposition de relance était raisonnable puisque Complexe ne pouvait investir davantage dans le projet. Elle ajoute que son implication se limitait à une « garantie de revenus de Complexe, mais uniquement lorsque bâti et fonctionnel ».
[68] Au sujet de la rencontre du 21 avril 2004, la Ville conteste la conclusion suivante de la juge :
[312] D'abord, à la rencontre du 21 avril 2004, Perrier a en effet invoqué cette baisse de clientèle et son obligation d'effectuer certaines vérifications d'ordre financier avant de faire connaître la position de la Ville relativement à la proposition que Tremblay avait formulée [49] .
[69] Elle soutient que, selon Perrier, les changements proposés réduisaient les fonctionnalités de l'immeuble et mettaient en péril la tenue d'évènements culturels « et également la tenue de certains événements sur glace ». Et il n'était pas certain que l'aréna respecte les normes d'une équipe de hockey junior AAA qu'ils voulaient accueillir. Somme toute, « l'infrastructure proposée était de loin très différente de celle qu'il y avait sur le plan et ne répondait pas aux attentes et aux besoins du Complexe ». Il y aurait eu des pertes de revenus découlant des événements et de l'opération des concessions. La Ville ajoute que, selon Brissette, les comptables prévoyaient un déficit annuel d'opération de 290 000 $.
[70] Enfin, la Ville se réfère au témoignage de Perrier selon lequel il n'y aurait eu, avant la rencontre du 27 avril 2004, ni réunion ni décision sur la proposition Tremblay, mais seulement une séance d'information pour le maire. La Ville ajoute qu'elle n'avait pas les moyens d'emprunter pour financer l'infrastructure.
* * *
[71] D'abord, l'état de l'immeuble abritant l'aréna au moment du procès est dénué de pertinence. Il ne permet pas d'inférer, loin s'en faut, que la juge se trompe de façon manifeste en concluant que la Ville a provoqué l'échec du projet en 2004 pour des motifs qu'elle explique.
[72] La juge s'attarde, d'autre part, à l'argument de Perrier sur la perte d'éléments techniques découlant du projet modifié selon la proposition Tremblay et conclut qu'il s'agissait d'un prétexte pour déguiser le véritable motif à la base de la décision, soit la baisse des engagements des municipalités voisines et la décision de la Ville d'éviter d'honorer la garantie de location des heures de glace [50] . C'était d'ailleurs l'avis du syndic Bourque . Rappelons que la juge mentionne notamment :
[313] La Ville n'a en outre administré aucune preuve pour démontrer quelle était la nature d'une telle perte d' éléments techniques qui semblait pourtant si essentielle pour elle. Au contraire, selon Tremblay, le coût de 5 800 000 $ tenait compte du fait que les éléments techniques que revendiquaient haut et fort le Complexe et la Ville étaient respectés […]. [51]
[Soulignement ajouté]
[73] Rien ne permet de mettre de côté ces déterminations de fait.
[74] Ajoutons que la juge a pu entendre et voir le témoin Perrier s'exprimer, notamment sur ce sujet, pendant une journée entière. Or, elle conclut que le directeur général de l'appelante « avait manifestement l'intention de privilégier les intérêts de la Ville au détriment de ceux du Complexe » [52] . En réalité, la Ville s'est imposée lors des négociations d'avril 2004 auxquelles Brissette n'a pas été associé. Il témoigne même en avoir été exclu. La Ville a exercé le contrôle de facto qu'elle avait sur Complexe pour prendre les décisions en lieu et place de celui-ci qui avait abdiqué son pouvoir décisionnel.
[75] Brissette a témoigné que si la Ville avait respecté ses engagements quant aux heures de glace garanties, le cash-flow aurait été positif. La BNC précise, à ce sujet, que la Ville ne prévoyait, dans son budget annuel, que 430 heures de glaces sur les 3 500 heures garanties, d'où le déficit important appréhendé. Il est opportun de reproduire les passages suivants de la décision dont appel :
[223] D'ailleurs, pressé de questions par le procureur de BNC, Brissette finira par reconnaître que si la Ville avait respecté son engagement, le Complexe n'aurait subi aucune perte , ceci d'autant plus que BNC lui octroyait un congé de capital d'une année tant sur le Prêt hypothécaire commercial initial que sur l'emprunt additionnel de 500 000 $.
[224] Or, Brissette a témoigné que dans le cadre des discussions qui se sont tenues aux fins de relancer le projet, il n'a jamais tenu compte de ces considérations qui étaient importantes, voire même cruciales dans les circonstances . Il a en outre reconnu n'avoir non plus jamais envisagé d'obliger la Ville à respecter son engagement puisque, comme il l'a mentionné, « La Ville m'aurait fait des problèmes » et « Perrier n'a jamais voulu aller là » , c'est-à-dire payer un montant de 730 000 $ même si la glace était inoccupée.
[…]
[229] Il a en outre totalement ignoré l'engagement que la Ville avait souscrit à l'égard du Complexe dans le cadre de l' Offre de location du 4 juin 2003, de même que le congé de capital d'une année dont l'organisme bénéficiait tant aux termes de l' Offre de financement initiale qu'aux termes du prêt additionnel de 500 000 $ que BNC était disposée à lui octroyer.
[230] Comme Brissette l'a reconnu lors de son témoignage, s'il avait pris en compte ces deux éléments, il n'aurait alors eu d'autre choix que celui de conclure à la viabilité du projet, ce que Bourque et Tremblay avaient d'ailleurs clairement expliqué aux personnes présentes lors des réunions des 21 et 27 avril 2004 .
[Soulignement ajouté]
[76] Brissette reconnaît, sans ambages, que la Ville « c'était le cœur, la pierre angulaire de tout ça ».
[77] Ces déterminations ne sont pas affaiblies par l'argumentaire proposé par la Ville.
[78] Enfin, pour un autre exemple donné, il est utile de reproduire un extrait du rapport du syndic agissant à l'avis d'intention de Complexe et rédigé le 30 avril 2004 :
Lors d'une rencontre tenue le 27 avril dernier, les représentants du CSCRIP [53] et de la ville de Pincourt ont informé le séquestre intérimaire qu'ils rejetaient la proposition de règlement élaborée par monsieur Denis Tremblay. Cette décision faisait suite à une réunion du Conseil Municipal de la ville de Pincourt, tenue le 26 avril dernier .
Ce refus est motivé par les arguments suivants :
§ […]
§ Pertes non récupérables de revenus des villes environnantes à cause du retard des travaux faisant en sorte que l'engagement de location d'heures de glace de la ville de Pincourt serait pleinement utilisée ;
§ Incapacité de la ville de Pincourt de contribuer davantage au financement du projet et à son budget de fonctionnement , mis à part une contribution additionnelle de 45 000 $.
[Soulignement ajouté]
[79] Ajoutons que le retard dans l'exécution des travaux dont se plaint la Ville au printemps 2004 n'est pas étranger aux choix que Perrier et Brissette ont faits à compter de septembre 2003 et que la juge qualifie, à l'étude de la responsabilité des administrateurs [54] , de décisions « qui s'avéreront déraisonnables et démontreront … une totale indifférence des conséquences qui devaient manifestement en découler » [55] .
[80] Au surplus, Perrier attribue la diminution du marché convoité, dans son témoignage, à bien autre chose :
C'est un marché moindre parce qu'il y a des infrastructures qui se développent ailleurs à ce moment-là.
[81] Enfin, Perrier était convaincu que la Ville n'était liée envers la BNC, en ce qui concerne la garantie des revenus d'opération, qu'à compter du « jour 1 de l'opération ». Il fallait tout simplement éviter d'en venir là.
[82] Ce moyen doit également échouer.
[83] Ce moyen, étroitement lié au précédent, fait notamment écho aux constats suivants de la première juge :
[243] La décision que Perrier a prise lors de la réunion du 27 avril 2004 à titre, a-t-il pris soin de préciser, d' administrateur du Complexe , est d'autant plus condamnable qu'il a reconnu qu'elle était « lourde de conséquences » tant pour le Complexe que pour l'entrepreneur général et les sous-traitants.
[244] Perrier a en outre reconnu qu'il était alors d'opinion qu'en cas de faillite du Complexe, non seulement la Ville n'était pas tenue de respecter sa garantie de location d'heures de glace mais, en cas de vente de l'immeuble pour taxes, elle en devenait propriétaire, ceci libre de toute charge .
[…]
[315] Se fondant alors sur la croyance que Perrier entretenait à cette époque, la Ville, qui était la seule partie ayant intérêt à ce que le projet achoppe, a décidé de mettre un terme au projet et provoquer ainsi la faillite du Complexe, convaincue qu'elle était alors de pouvoir se soustraire à ses engagements
financiers et, en initiant une procédure de vente pour taxes, récupérer l'immeuble libre de toute charge [56] .
[Soulignement ajouté]
[84] La Ville plaide que Cogerex a, la première, menacé de mettre Complexe en faillite pour contrer la BNC. L'initiative de la faillite ne venait donc pas de la Ville. Elle souligne, ensuite, que la mise en vente de l'immeuble pour taxes impayées était nécessaire pour éviter la prescription de ce recours et qu'elle n'aurait pu reprendre Complexe « ne pouvant enchérir que pour le montant des taxes » [57] . Si elle s'était portée adjudicataire, l'immeuble était sujet au droit de retrait. Également, les créanciers sont colloqués suivant le rang que leur confère la loi dans le cas d'une vente pour taxes.
[85] La juge a analysé la preuve et conclut qu'au moment des négociations pour le sauvetage du projet, la Ville prenait les décisions dans le sens de ce qu'elle croyait alors être son seul intérêt et anticipait, au bout du compte, récupérer Complexe à peu de frais. La Ville, qui n'avait pas investi un sou dans le projet, comptait bien récupérer le terrain mis à la disposition de Complexe et la bâtisse. Seul son cautionnement de 45 000 $ consenti pour garantir les obligations de Complexe auprès de la BNC lui serait réclamé.
[86] Aucune erreur manifeste et déterminante n'est davantage démontrée au regard de ces déterminations de faits.
[87] Une fois la faute contractuelle et extracontractuelle de la Ville établie, la juge la condamne à payer à Cogerex 1 133 051,74 $, soit « le total des montants adjugés aux créances des sous-traitants visés par la réunion d'actions et identifiés au paragraphe [18] du présent jugement [58] , et ce, après déduction des montants que la demanderesse [59] a retenus pour son bénéfice et dont elle était redevable à certains d'entre eux» [60] . La juge de première instance aura précisé, au préalable :
[325] […] ce sont les montants que Perrier et Brissette ont été condamnés à verser à Cogerex à la suite des Requêtes introductives d'instance en garantie que l'entrepreneur général a instituées contre ces derniers dans chacun des dossiers impliquant les sous-traitants visés par la réunion d'actions dont il est ici question qui doivent être tenus en compte, soit un montant total de 1 133 051,74 $ […].
[88] Les administrateurs Perrier et Brissette sont condamnés à payer ce montant, solidairement avec la Ville.
[89] La Ville reproche à la juge d'avoir réglé trop rapidement la question de sa responsabilité face à Cogerex et d'avoir erré en droit en ne se prononçant pas sur l'existence d'un lien causalité entre la faute imputée à la Ville et les dommages octroyés.
[90] Plus particulièrement, la juge aurait commis une erreur en concluant que la présence de Perrier à la réunion de coordination du 9 septembre 2003 engageait la responsabilité de la Ville. Perrier n'aurait fait qu'une intervention à cette occasion, soit d'informer l'assemblée que la Ville était unie à Complexe. La Ville répète que la décision de Brissette et de Perrier était fondée sur l'avis des professionnels et que l'opinion de Goyette n'était ni frivole ni manifestement erronée.
[91] Elle ajoute que si Cogerex avait fourni les informations demandées, on n’en serait pas là. La juge ignorerait également que la BNC a décidé, en octobre 2003, de suspendre les débours jusqu'à la réception du formulaire « cost to complete ». De surcroît, Cogerex aurait été intransigeante sur la divulgation des coûts de construction et les communications avec elle étaient acrimonieuses.
* * *
[92] La thèse de la Ville, qui nous invite de nouveau à privilégier certains éléments de la preuve, ramène la problématique à la seule réunion du 9 septembre 2003. Cela est par trop réducteur.
[93] La juge de première instance impute plusieurs fautes à la Ville, qui découlent pour beaucoup des faits, gestes et décisions de son directeur général, par ailleurs administrateur de Complexe. La juge estime aussi que la Ville a mené le projet de la réflexion qui l'a vu naître jusqu'à sa liquidation. À ce stade-ci, il est approprié de revenir sur certains événements qui auront également une pertinence à l'examen de la responsabilité des administrateurs Perrier et Brissette.
[94] À la fin de l'an 2000, Brissette et Perrier se rencontrent [61] et envisagent une association entre la Ville et l'AHMP qui permettrait de réaliser un complexe sportif et culturel. La Ville décide d'aller de l'avant avec ce projet commun. À l'été 2001, l'AHMP confie à Michel Goyette le mandat d'élaborer un Programme architectural. En mars 2002, Goyette présente à Brissette, Perrier et à l'entrepreneur général alors pressenti [CEDEC], un projet multifonctionnel dont le coût s'élève à 12,4 M $. En février 2003, le projet est revu à la baisse par Goyette. On construira une patinoire intérieure de dimensions standards avec plancher amovible.
[95] Perrier envoie peu après à la BNC, qui pourrait financer le projet, une ventilation des coûts révisés. Ils totalisent 6 111 317,84 $. Le calendrier de construction précise que les travaux doivent être entrepris au début de mars, les travaux de plomberie, ventilation et climatisation, réfrigération et électricité au début d'avril. Perrier négocie avec la BNC les conditions de financement du projet.
[96] À la suggestion de CEDEC, Cogerex intervient dans le projet. Le 14 mars 2003, Dubreuil et Lebel rencontrent Brissette et Perrier et conviennent de réaliser le projet pour 5,3 M $ sur la base d'esquisses, les plans pour fins de construction n'étant pas encore préparés. L'entente est réitérée lors d'une rencontre tenue le 14 avril 2003. Le 17 avril, Complexe confirme par écrit son intention d'octroyer le contrat de construction « clé en main » à Cogerex pour un montant de 5,3 M $, selon « les plans fournis par la firme d'architectes désignée au dossier » et « selon les coûts de constructions fournis par CEDEC-Cogerex » [62] . Goyette est en copie conforme sur cet envoi.
[97] Le 14 mai 2003, Complexe et Cogerex signent le contrat de construction pour le montant prévu de 5,3 M $, sans les taxes, qui stipule notamment que les travaux doivent débuter le 9 mai [63] et que le contrat ne peut être modifié que selon les documents contractuels [64] . On trouve, entre autres choses, dans les documents contractuels, les dessins préparés par les architectes Paradis Schmidt et les dessins d'électro-mécanique préparés par l'ingénieur Christian R. Roy [Roy].
[98] La juge reproduit, dans son jugement, les clause relatives au paiement, au rôle du professionnel, aux allocations pour imprévu, aux demandes de paiement d'acompte, aux modifications et aux avenants de modification [65] . Le contrat mentionne également que l'intention des documents contractuels « n'est pas d'obliger l' entrepreneur à fournir des produits ou à exécuter des travaux qui ne seraient pas compatibles avec les documents contractuels, ou qui n'y seraient ni mentionnés directement ni implicitement inclus » [66] .
[99] Le contrat est transmis à la BNC par Brissette le 15 mai 2003. Roy développe avec Cogerex et le sous-traitant Cimco un concept de récupération d'énergie [67] .
[100] Il se produit peu après des événements que la juge de première instance qualifie de « point tournant dans les relations entre les divers intervenants » [68] , propos qui sont plus largement reproduits ci-haut [69] .
[101] Le 22 mai 2003, alors que les travaux sont en cours et que l'ingénieur Christian Roy, embauché par Complexe, travaille le volet électromécanique du projet, en collaboration avec Cogerex [70] , Perrier, Brissette et Goyette s'intéressent à la « récupération d'énergie » lors d'une présentation faite par une firme concurrente, Dessau-Soprin [Dessau]. Roy n'y est pas invité. La Ville commande ensuite à cette firme une étude de faisabilité [71] qui sera présentée le 9 juin 2003, lors d'une rencontre tenue encore une fois en l'absence de Roy.
[102] Dans l'intervalle, Roy compare sa solution avec celle préconisée par le concurrent, mais il est congédié peu après par Complexe qui n'en avise pas la BNC [72] .
[103] L'ingénieur François Noreau [Noreau] de Dessau prend en charge le volet électromécanique du projet. Le 27 juin 2003, Dessau informe Brissette que les plans seront repris et que le travail effectué par Roy ne servira pas.
[104] Cogerex estime qu'il en résulte d'importantes perturbations [73] :
[73] Le 1 er juillet 2003, Cogerex écrit à Brissette pour l'informer que le remplacement de Roy et l'arrivée de Dessau entraîneront d'importantes perturbations au niveau de l'échéancier des travaux et des coûts du projet, le concept mis de l'avant par le Rapport Dessau affectant les travaux en électromécanique et, partant, tous les autres travaux visés par le projet. L'entrepreneur général fait en outre part à Brissette de sa préoccupation à l'effet qu'il ne dispose encore d'aucun plan et devis en électromécanique et ne peut ainsi retenir les services d'aucun sous-traitant dans ce domaine [74] .
[74] Le 7 juillet 2003, Brissette répond à Cogerex que si des modifications doivent être apportées au projet, elles seront traitées en temps et lieu et conformément aux clauses contractuelles applicables.
[Soulignement ajouté]
[105] Il est vrai que la juge ne s'est pas penchée sur le bien-fondé de cette décision et des demandes de modification de Cogerex qui en découleront [75] , mais force est de constater que la façon cavalière dont Perrier, Brissette et la Ville se sont comportés dès le départ à l'endroit de Cogerex n'annonçait rien de bon, ce que la suite des choses confirmera. Et le chantier accuse du retard.
[106] Le 9 septembre 2003, une Réunion de coordination importante est convoquée à laquelle assistent trois représentants de la Ville, dont Perrier et le maire [76] , sans que Cogerex en soit toutefois avisée. Il s'agit pourtant de discuter des demandes de modifications soumises par Cogerex [77] qui découlent, en partie, des changements apportés en électromécanique plus d'un mois et demi après l'octroi du contrat et près de deux mois après le début des travaux.
[107] Il est hors de question d'accepter une hausse des coûts ! On propose « d'établir une stratégie et de faire front commun » [78] . Le nouvel ingénieur en électromécanique, François Noreau, suggère de « fermer le chantier immédiatement », mais prévient qu'il faudra dédommager l'entrepreneur d'environ 150 000 $. Brissette souligne qu'il sera « très difficile de trouver du temps de glace » au mois de novembre, en raison du retard du chantier, mais estime préférable de « déplaire les (sic) clients que de débourser des montants additionnels que personne ne pourra payer » [79] .
[108] On analyse alors les possibilités de résiliation du contrat conclu avec Cogerex. Le compte-rendu de la réunion mentionne que : il n'est pas question d'accepter les modifications demandées par Cogerex; il faut fermer le chantier; la BNC n'est pas au courant de la réflexion entreprise; si on retourne en appel d'offres, il y aura des sommes additionnelles à débourser; la lettre d'intention donnée à Cogerex pour que les travaux débutent s'est appuyée sur des estimés budgétaires préparés par le prédécesseur de Cogerex et mis à jour en avril 2003, soit bien avant les changements en électromécanique [80] .
[109] Ces changements ne sont pas banals. Aucun des plans confectionnés par Roy n'ont été utilisés. Le concept de la ventilation a été repris entièrement.
[110] Pourtant, mettant de côté la recommandation de l'ingénieur Noreau, on décide de ne pas fermer le chantier. Le lendemain, 10 septembre 2003, à l'occasion d'une réunion de chantier, on demande plutôt à Cogerex de ventiler les coûts des différents postes budgétaires. Cogerex estime ne pas être tenue d'effectuer ce travail, compte tenu de la nature de l'entente intervenue. Des informations sont néanmoins échangées et on laisse les travaux se poursuivre, sans informer Cogerex qu'à l'avenir, ses demandes de paiement ne seront pas honorées. La juge écrit, au sujet d'événements qui se sont déroulés au mois d'octobre 2003 :
[101] Quant à Cogerex, elle ne se doute nullement de la position que le Complexe et la Ville ont prise lors de la Réunion de coordination du 9 septembre 2003, ni d'ailleurs de celle voulant que les Demandes et certificats de paiement qu'elle produira à l'avenir ne seront pas honorées, et ce, tant et aussi longtemps qu'une entente globale n'interviendra pas entre les différents intervenants impliqués dans le projet et qu'elle n'aura pas satisfait la demande du Complexe et des professionnels de fournir une ventilation détaillée de chacun des coûts mentionnés aux différents postes budgétaires dont fait état le document que CEDEC a préparé.
[111] Sur ces entrefaites, Complexe retient, pendant plusieurs jours, le chèque en paiement de la Demande et certificat de paiement numéro 6 [81] , même si elle a été dûment approuvée [82] . On tente de faire « flancher » Cogerex. Le traitement des Demandes et certificats de paiement numéros 7 et 8 sera davantage problématique. Les constats de fait auxquels parvient la juge sont les suivants :
[190] Ce premier incident, quoique rapidement résolu et sans conséquence, constituera toutefois une première illustration du « plan de match » que toutes les personnes présentes à la Réunion de coordination du 9 septembre 2003 ont convenu d'adopter pour l'avenir aux fins, comme l'ont si bien dit certaines d'entre elles, dont Brissette, que Cogerex « flanche » ou « casse » et obtempère ainsi à leur demande de fournir une ventilation détaillée de chacun des coûts mentionnés aux différents postes budgétaires dont fait état le document que CEDEC a préparé.
[191] Même si une telle décision ne reposait sur aucune assise légale et/ou contractuelle, il n'est désormais plus question de payer l'entrepreneur général, et ce, tant et aussi longtemps qu'un règlement global n'interviendra pas avec ce dernier relativement au différend qui l'oppose au Complexe et aux principaux intervenants sur le chantier de construction et qui se résume à la question de savoir si Cogerex doit ou non fournir une ventilation détaillée de chacun des coûts mentionnés aux différents postes budgétaires dont fait état le document que CEDEC a préparé et quels sont les coûts des travaux qui sont inclus ou non dans le coût total du Contrat au montant de 5 300 000 $.
[192] Or, malgré cette prise de position pour le moins cruciale , et ce, tant pour l'entrepreneur général que pour l'ensemble des sous-traitants, Brissette n'estimera pas utile d'en informer Dubreuil et/ou Lebel. Une telle attitude est d'autant plus déplorable qu'il échangeait à cette époque une correspondance assidue avec Lebel relativement aux documents qui étaient requis de l'entrepreneur général et aux demandes de modification que ce dernier sollicitait.
[193] Brissette reconnaîtra d'ailleurs que la « stratégie » adoptée lors de la Réunion de coordination du 9 septembre 2003 visait non seulement à exercer de la pression sur l'entrepreneur général, mais également à assurer que les travaux se poursuivent, d'où la décision de ne pas informer Cogerex de leur prise de position.
[194] D'ailleurs, tenus dans l'ignorance la plus complète à cet égard, Cogerex et les sous-traitants poursuivront leurs travaux sans se douter par ailleurs qu'ils ne seront pas payés tant et aussi longtemps que l'entrepreneur général ne « flanchera » pas.
[195] Cette « stratégie » se matérialisera à nouveau alors que Goyette ne daignera même pas analyser ni soumettre pour analyse à St-Germain (l'ingénieur en structure) et Noreau (l'ingénieur en électromécanique) la Demande et certificat de paiement numéro 7 que Cogerex lui a transmise le 30 septembre 2003.
[196] Là encore, la preuve révèle que Brissette a approuvé sans réserve cette façon de faire. Le courriel qu'il a transmis à Leduc le 8 octobre 2003 et auquel était annexée la Demande et certificat de paiement numéro 7 , de même que les propos qu'il a tenus lors de la rencontre que lui et Perrier ont eue quelques jours plus tard avec les représentants de BNC, démontrent qu'il a été un acteur de premier plan dans la réalisation de cette « stratégie ».
[197] Par ailleurs, bien que BNC lui ait écrit le 14 octobre 2003 pour l'informer qu'elle suspend tout déboursement jusqu'à ce que le Complexe lui transmette le document « Cost to complete » que l'institution financière requiert, Brissette ignore totalement cette demande sous prétexte, précisera-t-il, qu'il n'était pas en mesure de fournir un tel document en raison du différend qui persistait alors avec l'entrepreneur général .
[198] Or, à pareille date, non seulement Brissette détenait tous les renseignements nécessaires pour informer BNC des travaux qui avaient été effectués et des coûts y rattachés, mais il possédait de plus toutes les informations utiles pour fournir à BNC les informations demandées , l'entrepreneur général ayant déjà fait parvenir à Noreau et Goyette le détail du coût des modifications qu'il revendiquait pour le volet électromécanique du projet (soit un montant additionnel de 903 756,15 $) [83] et qui représentait la quasi-totalité des dépassements de coûts que Cogerex sollicitait.
[199] Vu les conséquences importantes qui découlaient de la décision de BNC de suspendre tout déboursement jusqu'à la réception des renseignements demandés, il était dès lors tout à fait déraisonnable de la part de Brissette de ne pas tenir compte de la lettre de l'institution financière et, de surcroît, de ne pas informer l'entrepreneur général de son contenu .
[Soulignement ajouté]
[112] La Ville ne démontre, encore là, pas d'erreur manifeste et déterminante dans ces déterminations fouillées et bien étayées.
[113] Les travaux se poursuivront jusqu'en décembre 2003. La construction ne sera pas achevée.
[114] Pour ce qui concerne les recommandations de Goyette sur lesquelles la Ville s'appuie pour justifier les décisions prises par son préposé Perrier [84] , la juge n'y voit pas là matière à exonération :
[200] Il est par ailleurs révélateur de constater qu'après avoir également ignoré la Demande et certificat de paiement numéro 8 que l'entrepreneur général lui avait acheminée le 31 octobre 2003, Goyette, toujours de concert avec Brissette, a décidé de procéder promptement à l'analyse des Demandes et certificats de paiement numéros 7 et 8 , et ce, dès que Dubreuil l'ait avisé de son intention de déposer une plainte auprès de son ordre professionnel s'il ne respectait pas les termes du Contrat à cet égard.
[201] Or, malgré qu'il ait émis les Certificats de paiement révisés numéros 7 et 8 , le premier pour un montant de 455 529,01 $ et le second pour un montant de 370 174,72 $, et qu'il ait certifié dans un même temps que « ces montants étaient payables à l'entrepreneur », Goyette a à nouveau recommandé à Brissette de ne pas les honorer, ce à quoi ce dernier a souscrit sans réserve, notamment en transmettant les certificats de paiement révisés à Leduc en prenant soin de lui mentionner que ces documents lui étaient transmis « pour les fins de son dossier uniquement ».
[202] Les décisions que Brissette a prises à l'égard des Demandes et certificats de paiement numéros 7 et 8 étaient inacceptables. Non seulement elles ne reposaient sur aucune assise légale et/ou contractuelle, mais elles s'inscrivaient dans le cadre d'une « stratégie » ayant pour seul objectif d'exercer un « moyen de pression » sur l'entrepreneur général avec l'espoir évident que ce dernier « flanche » ou « casse » et obtempère dès lors à la demande qui lui avait été formulée, ceci tout en tenant l'entrepreneur général et les sous-traitants dans l'ignorance la plus complète afin d'assurer malgré tout que les travaux se poursuivent.
[115] La juge transpose ces commentaires à l'égard de Perrier qui avait « des échanges quasi-quotidiens avec Brissette » [85] .
[116] Par ailleurs, la Ville traduit mal les enseignements de la Cour dans l'arrêt St-Hilarion [86] quand elle prétend que les avis de Goyette suffisaient pour légitimer la position radicale adoptée. En mettant de côté [87] le processus prévu au contrat de construction pour régler le sort des demandes de changement et en décidant de forcer la main de l'entrepreneur général, sans consulter un avocat ou une avocate, seuls capables de donner un avis sur la stratégie adoptée au regard de ses obligations, elle a commis une faute. Elle n'a pas fait ce qu'aurait fait une personne prudente dans les circonstances.
[117] En fait, tant Perrier, Brissette que Goyette se trouvaient dans une position bien inconfortable, pour dire le moins. Ils avaient porté le projet depuis ses tout débuts et étaient à l'origine de la décision de changer l'électromécanique du bâtiment en cours de travaux, sans se soucier des hausses de coûts susceptibles d'en résulter.
[118] Enfin, la juge retient comme fautives les interventions faites par la Ville en avril 2004, dont il a été amplement question ci-dessus, et qui ont définitivement coulé le projet.
[119] Cela étant, la juge a nécessairement conclu que ces fautes avaient empêché Cogerex de payer ses sous-traitants, faute de liquidités, alors que Cogerex aurait dû être payée par Complexe, à tout le moins de ces montants.
[120] La causalité entre la faute et le dommage est une question de fait [88] . Le lien causal n'a pas à être certain, il suffit que « la preuve rapportée rende simplement probable l'existence d'un lien direct » [89] . Aucune erreur révisable n'est démontrée par les appelants au regard de l'équation faute/lien de causalité faite par la juge.
[121] Ce moyen ne peut davantage réussir.
[122] La juge condamne la Ville à payer à la BNC 1 824 000 $. Ce montant est expliqué ainsi par la BNC dans sa Requête introductive d'instance pour mise en cause forcée d'un tiers amendée :
30. Lorsque Cogerex a cessé les travaux, la Banque avait jusqu'alors déboursé une somme d'environ 1 824 000 $ aux termes du prêt hypothécaire consenti au Complexe Sportif;
[…]
69. La Banque désire, dans le cadre du présent dossier, réclamer de la Ville des dommages équivalant aux montants qu'elle avait obtenus en vertu des droits qui lui ont été consentis par la Ville aux termes de la Convention de rachat ( D-12 ) et qui lui aurait été versés n'eut été du comportement abusif de la Ville et/ou de ses représentants;
70. Subsidiairement, la Banque désire réclamer à la Ville le montant de 45 000 $ en capital en plus des intérêts et des frais courus sur cette somme aux termes du Cautionnement;
[123] La Ville aborde d'abord ce moyen à l'aune de la responsabilité extracontractuelle. Elle répète que la BNC savait que l'engagement de la Ville était à court terme et qu'elle n'était pas le promoteur du projet. Elle nie que la création de Complexe visait à contourner le processus public d'appel d'offres applicable aux municipalités.
[124] La Ville mentionne aussi que la première esquisse de financement aurait été plus onéreuse, en ce qui la concerne, et qu'elle ne l'a pas acceptée. La juge aurait erré en étendant la cautionnement de 45 000 $ au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté [90] . Les seuls autres engagements contractés se retrouvent à l' Offre de location et à la Convention de jouissance paisible .
[125] Or, l' Offre de location ne stipule pas que la Ville s'engage à verser 730 000 $ annuellement, mais à louer des heures de glace. Cette obligation ne naissait qu'avec la mise en opération du complexe sportif. Par ailleurs, la Convention de jouissance paisible empêchait la Ville de résilier l'offre et d'invoquer un défaut de Complexe pour affecter les sûretés de la BNC. La Ville reconnaît que ces engagements constituent des stipulations pour autrui [91] , mais ajoute que la BNC ne l'a pas n'a pas enjointe à respecter ses engagements.
[126] Après la faillite de Complexe, la BNC a mis la Ville en demeure en raison de son défaut de donner suite à la proposition du 27 avril 2004. La Ville plaide que la demeure n'était fondée ni sur les conventions ni sur les garanties obtenues par la BNC. La Convention de rachat des actifs ne s'appliquait que si la Banque réalisait ses sûretés, ce qu'elle s'est abstenue de faire. De plus, avant d'avoir obtenu l'autorisation du MAMM, ce volet de l'entente ne liait pas les parties. Elle répète que les garanties octroyées à la Banque n'engageaient la Ville qu'à compter de la mise en exploitation du complexe sportif.
[127] La Ville conclut que la BNC n'a pas droit à la somme qu'elle réclame sur une base contractuelle ni en se fondant sur les usages, l'équité ou la loi [92] . L'insuffisance des garanties dont elle s'est satisfaite permet de faire appel à la notion d'acceptation des risques, si l'on considère la responsabilité extracontractuelle. La BNC aurait pu forcer la Ville à respecter ses engagements, mais elle ne l'a pas fait en temps opportun.
[128] Enfin, la BNC n'aurait pas fait la preuve d'un lien causal entre la faute alléguée et les dommages réclamés. La Ville n'était pas tenue au paiement avec Complexe et sa condamnation « la prive des sûretés que la Banque détenait sur l'immeuble et de la possibilité d'être subrogée dans ses droits » [93] .
* * *
[129] La Ville reconnaît avoir assumé de lourdes obligations envers la BNC en regard du financement de Complexe [94] , qui se reflètent notamment dans la Convention de jouissance paisible et dans l' Offre de financement . La Ville reconnaît qu'il y a là des stipulations pour autrui. La Convention de rachat des actifs devait entrer en vigueur à la suite de l'obtention de l'approbation du MAMM, qui devait être demandée par la Ville.
[130] La responsabilité de la Ville, qu'on l'envisage sous l'angle contractuel ou extracontractuel, est engagée, de l'avis de la juge, en raison de son comportement fautif dans la gestion de cette affaire. Ce comportement révèle que la Ville n'a pas exercé ses droits contractuels à l'égard de la BNC selon les exigences de la bonne foi et qu'elle s'est comportée, à l'égard de l'entrepreneur Cogerex, sans respecter des règles de conduite élémentaires qui s'imposaient à elle pour ne pas nuire à autrui.
[131] Tel qu'expliqué ci-haut, il n'y a pas lieu d'intervenir à ce sujet.
[132] L a Convention de rachat des actifs et l' Offre de financement comportent certes des obligations conditionnelles suspensives [95] . Or, l'obligation conditionnelle se rattache à u n « événement futur et incertain dont dépend l'existence même de l'obligation, événement au surplus extrinsèque au rapport de droit entre les parties » [96] .
[133] La finalisation du projet d'aréna constitue une condition suspensive qui, une fois réalisée, obligeait la Ville envers la BNC. Sa réalisation supposait que les travaux soient menés à terme par Cogerex, un événement extrinsèque à l'entente entre la Ville et la BNC.
[134] L a livraison du complexe sportif obligeait la Ville à garantir la location de 3 500 heures de glace par année et à demander l'autorisation du MAMM pour éventuellement signer la Convention de rachat des actifs. En vertu de celle-ci, la Ville devait se porter acquéreur du complexe sportif, dans le cas où la BNC serait contrainte à réaliser ses sûretés.
[135]
Or,
l'article
[136] La juge de première instance conclut que la Ville a adopté un comportement reprochable, inadéquat et fautif. La juge relie ensuite, à l'évidence, cette faute à la non-réalisation de la condition . L a décision de provoquer la faillite de Complexe, qui ruinait définitivement le projet, découle des faits, gestes et décisions de la Ville. Elle a ainsi empêché sa concrétisation et privé la BNC de ses garanties. Son directeur général était même d'avis qu'en cas de faillite de Complexe, la Ville pourrait reprendre l'immeuble libre de toute charge, à la suite de sa vente pour taxes [98] .
[137] En conséquence, l'obligation de la Ville est devenue une obligation pure et simple et elle ne peut plus invoquer le non-accomplissement de la condition pour nier sa responsabilité contractuelle envers la BNC. Il n'est, dans les circonstances, pas nécessaire d'avoir recours aux règles de la responsabilité extracontractuelle [99] .
[138] Ce dernier moyen doit donc être rejeté.
[139] Enfin, la juge condamne la Ville à rembourser à la BNC les déboursés de 1 824 000 $ faits à Cogerex aux termes du prêt hypothécaire consenti à Complexe. Devra être soustrait de cette somme tout montant qui aurait été obtenu par la BNC, le cas échéant, à la suite de la réalisation de ses sûretés. Cette précision sera apportée au dispositif de l'arrêt.
[140] Il y aura lieu d'accueillir le pourvoi de la Ville à cette seule fin, avec dépens contre elle.
[141] La juge de première instance analyse la responsabilité des administrateurs Perrier et Brissette envers Cogerex, sous l'éclairage des règles de la responsabilité extracontractuelle. Elle conclut que celle-ci est engagée en raison de décisions fautives prises, d'une part, de ne plus payer l'entrepreneur à compter de septembre 2003, et, d'autre part, d'abdiquer leurs responsabilités en avril 2004, en coulant définitivement le projet et en provoquant la faillite de Complexe, pour faire triompher les seuls intérêts de la Ville.
[142] S'attardant d'abord au comportement de Brissette, la juge rappelle, au sujet des événements de septembre et octobre 2003 et plus particulièrement des demandes de paiement numéros 7 et 8 :
[202] Les décisions que Brissette a prises à l'égard des Demandes et certificats de paiement numéros 7 et 8 étaient inacceptables. Non seulement elles ne reposaient sur aucune assise légale et/ou contractuelle, mais elles s'inscrivaient dans le cadre d'une « stratégie » ayant pour seul objectif d'exercer un « moyen de pression » sur l'entrepreneur général avec l'espoir évident que ce dernier « flanche » ou « casse » et obtempère dès lors à la demande qui lui avait été formulée, ceci tout en tenant l'entrepreneur général et les sous-traitants dans l'ignorance la plus complète afin d'assurer malgré tout que les travaux se poursuivent [100] .
[203] Un tel comportement ne reflète certes pas la conduite raisonnable d'un individu prudent et diligent, d'autant plus que les Demandes et certificats de paiement numéros 7 et 8 ne visaient aucune des demandes de modification requises par l'entrepreneur général et que ce dernier avait fourni, au cours du mois de septembre, les quittances partielles obtenues des sous-traitants et le coût ventilé des modifications sollicitées.
[204] Dès lors, les Demandes et certificats de paiement numéros 7 et 8 , qui avaient dûment été transmises à Goyette, devaient être traitées conformément à ce qui était prévu au Contrat, plus particulièrement aux clauses 2.2.4 , 5.2.2 , 5.3.1 et 5.3.2 , ce qui n'a pas été le cas.
[205] Cette situation résulte d'une concertation de toutes les personnes présentes lors de la Réunion de coordination du 9 septembre 2003 et Brissette, qui y a participé de façon consciente, délibérée et volontaire , était bien informé des conséquences qu'une telle décision aurait sur l'entrepreneur général et les sous-traitants.
[…]
[207] Possédant dès lors une solide expérience du monde des affaires, il [101] savait ou aurait dû savoir, comme tout individu raisonnable, prudent et diligent en pareilles circonstances, que le « plan de match » adopté et auquel il a adhéré sans réserve ne témoignait aucunement d'un comportement empreint d'intégrité et de bonne foi . Au contraire, les décisions qu'il a prises et qui ont été lourdes de conséquences visaient essentiellement à nuire à l'entrepreneur général et, par ricochet, aux sous-traitants, ce qui fait en sorte qu'à ce jour et depuis plus de six (6) ans, aucun d'entre eux n'a été payé pour les travaux qu'ils ont effectués à compter du mois de septembre 2003.
[Soulignement ajouté]
[143] Perrier ayant participé tout aussi activement à ces manœuvres, la juge retient également sa responsabilité extracontractuelle.
[144] Pour ce qui concerne les tentatives avortées de relance du projet , la juge écrit :
[214] Au mois de novembre 2003, après avoir été informé par Noreau qu'il avait conclu une entente de principe avec l'entrepreneur général aux fins de réaliser l'ensemble du projet pour un coût total de 5 750 000 $, Brissette se dit alors « heureux » d'un tel dénouement.
[215] Par ailleurs, à la même époque, BNC avise Brissette qu'elle est disposée à hausser le montant initial du Prêt hypothécaire commercial à hauteur de 5 800 000 $ par l'octroi d'un prêt additionnel de 500 000 $ et un congé de capital pour une période de douze (12) mois à compter de la date du déboursement.
[216] Or, pour des raisons inexpliquées, l'entente intervenue entre Noreau et Cogerex a achoppé et les négociations ont alors repris, notamment par une proposition du Complexe à l'entrepreneur général aux fins que ce dernier accepte de réaliser l'ensemble du projet pour un coût total de 5 600 000 $, ce que Cogerex a refusé.
[217] Au mois de janvier 2004, alors qu'il est cette fois question de hausser le coût total du projet à 5 750 000 $, le Complexe et la Ville jugent cette avenue inacceptable.
[218] Devant l'impasse des négociations et à la suite de l'implication de Bourque dans le dossier, il est alors convenu de nommer Tremblay, un consultant spécialisé en coûts , pour revoir l'ensemble du projet. Ce dernier conclut que l'ensemble du projet peut être réalisé pour un coût total de 5 800 000 $, et ce, tout en respectant les fonctionnalités que le Complexe et la Ville recherchent pour l'immeuble, soit un aréna et une salle de spectacle.
[219] Or, à la réunion du 21 avril 2004 et alors que Tremblay présente son rapport, Brissette n'intervient pas. Seul Perrier informe les personnes présentes qu'il doit effectuer, pour le compte de la Ville, certaines vérifications d'ordre financier.
[220] À la réunion du 27 avril 2004, Brissette informe les personnes présentes, sans plus, que le Complexe refuse d'aller de l'avant. Au cours du témoignage qu'il a livré, Brissette expliquera que la rentabilité du Complexe était alors vouée à l'échec puisqu'il avait estimé qu'environ 60 % de la clientèle ciblée n'utiliserait pas le complexe sportif, du moins pour l'année 2004-2005, vu le retard encouru dans la livraison de l'immeuble.
[221] C'est d'ailleurs la seule raison qu'il invoquera pour justifier le refus du Complexe d'acquiescer aux conclusions du rapport produit par Tremblay, tout en reconnaissant toutefois que les fonctionnalités que le Complexe et la Ville recherchaient étaient respectées.
[222] Or, la perte de clientèle dont se réclame Brissette n'avait aucun impact sur le Complexe puisque aux termes de l' Offre de location que le Complexe et la Ville ont conclue le 4 juin 2003, cette dernière lui garantissait un revenu annuel de 730 000 $ :
[…]
[234] Or, malgré de tels constats, Brissette a quand même décidé d'abandonner le projet et de provoquer ainsi la faillite du Complexe, avec toutes les conséquences en découlant pour tous les intervenants qui y étaient impliqués, favorisant ainsi les intérêts de la Ville au détriment de ceux du Complexe.
[235] Dès lors et compte tenu de ce qu'il savait ou aurait dû savoir à cette époque, non seulement la décision que Brissette a prise à cet égard ne témoigne aucunement du degré de prudence et de diligence requis pour en arriver à une décision d'affaires raisonnable pour le Complexe, au moment où telle décision a été prise, mais cette décision ne s'inscrit aucunement dans le cadre du mandat auquel Brissette était tenu à titre d' administrateur du Complexe .
[145] La responsabilité extracontractuelle de Perrier est également engagée sous ce rapport, selon la juge :
[245] Bref, nul besoin de discourir longtemps pour conclure qu'en décidant, à titre d'administrateur du Complexe , d'abandonner le projet et provoquer ainsi la faillite du Complexe, avec toutes les conséquences qui en découlaient pour tous les intervenants concernés, Perrier avait manifestement l'intention de privilégier les intérêts de la Ville au détriment de ceux du Complexe.
* * *
[146] Les appelants plaident d'abord qu'il n'y a, ici, ni fraude ni abus de droit. On leur reproche simplement des décisions prises « pour le compte de Complexe » dans le cadre de sa relation contractuelle avec Cogerex. Ils ajoutent que la juge devait décider s'ils ont commis des fautes à l'endroit de Cogerex à titre personnel ou qui débordent leurs « fonctions habituelles d'administrateur du Complexe ». Également, une faute contractuelle d'une entreprise, niée ici, n'entraîne pas nécessairement la responsabilité personnelle de ses administrateurs. Se référant à l'arrêt Peoples [102] , les appelants reviennent sur les demandes de modifications transmises par Cogerex à la fin du mois d'août 2003 et sur l'inquiétude qu'elles ont suscitée.
[147] Ils répètent qu'ils ont agi sur les conseils de l'architecte Goyette et que la BNC a emboîté le pas en suspendant les paiements au début du mois d'octobre 2003, « jusqu'à ce que le Complexe obtienne cette ventilation des coûts ». Ils réfèrent la Cour à quelques extraits de témoignages et soutiennent avoir agi de bonne foi dans les circonstances, sans intention de nuire à autrui. Leurs décisions étaient raisonnables.
[148] Les appelants soulignent, aussi, que la juge a rejeté le recours de Cogerex contre la BNC, notamment en concluant que la décision de celle-ci de suspendre les déboursements jusqu'à ce qu'elle obtienne le document « Cost to complete » n'était pas hâtive et inappropriée [103] . Dès lors, la décision de Complexe de ne pas payer Cogerex ne pouvait être assimilée à une décision déraisonnable.
[149] Les appelants plaident, ensuite , que la décision de retenir les paiements dus à Cogerex n'était pas celle des administrateurs, mais de Complexe. Ils ajoutent que le paiement no 6 a été fait le 16 septembre 2003 et qu'à compter du 8 octobre 2003, Complexe ne pouvait plus payer Cogerex parce que la BNC avait décidé de suspendre les déboursés jusqu'à ce que Cogerex précise les coûts à venir ( cost to complete ).
[150] Revenant sur la réunion du 9 septembre 2003, les appelants se réfèrent au compte-rendu de celle-ci et soutiennent que la juge se trompe en affirmant qu'il y a été décidé de ne pas payer Cogerex « tant et aussi longtemps qu'un règlement global n'interviendra pas avec ce dernier relativement au différend qui l'oppose au Complexe » [104] . La preuve serait plutôt « à l'effet de ne pas émettre de chèque sans avoir reçu de quittances des sous-entrepreneurs » [105] . Ils admettent toutefois que les dépassements de coûts annoncés étaient problématiques, vu qu'ils débordaient le financement disponible, et que la juge aurait dû considérer cette situation.
[151] Les appelants soulignent , par ailleurs, qu'en novembre 2003, Complexe a accepté d'ajouter 300 000 $ au prix convenu au départ [106] pour que le projet se réalise, ce que Cogerex a refusé. Et la juge erre en affirmant que cette entente a achoppé pour des raisons inexpliquées [107] alors que l'échec résultait d'un « volte-face » de Cogerex qui recherchait un ajustement plus important. Complexe aurait reformulé cette offre en décembre 2003.
[152] Les appelants allèguent aussi qu'à l'époque, Cogerex a refusé à la BNC l'accès au chantier pour préciser le cost to complete et menacé de mettre Complexe en faillite. Également, la BNC aurait suggéré à Complexe de déposer un avis d'intention.
[153] Dans ce contexte, l'expert Denis Tremblay, un consultant spécialisé en coûts, est mandaté pour « évaluer ce qu'il en coûterait pour compléter le projet » [108] . D'après ce consultant, il en coûtait 6 645 360 $ pour compléter le projet selon le contrat initial , ce qui confirmait les inquiétudes des appelants. Une fois retranchés certains éléments prévus au contrat original, le coût était ramené à 6 183 750 $. Le consultant était confiant d'obtenir de Cogerex une remise de 385 000 $ « portant la proposition de règlement à 5 798 750 $ à laquelle devait être ajoutée la somme de 132 000 $ pour l'achat d'équipements pour le Complexe, le tout pour un grand total de 5 930 750,54 $» [109] .
[154] La juge aurait donc erré en écrivant que le consultant Tremblay « conclut que l'ensemble du projet peut être réalisé pour un coût total de 5 800 000 $, et ce, tout en respectant les fonctionnalités que le Complexe et la Ville recherchent pour l'immeuble, soit un aréna et une salle de spectacle » [110] .
[155] Les appelants ajoutent que même si la BNC haussait le financement à 5,8 M $, il manquait encore 132 000 $ pour l'acquisition d'équipements. Dans ce contexte, ils réitèrent que la décision prise par Complexe et ses administrateurs ne peut être qualifiée de déraisonnable. Dans leur compréhension, on leur demandait alors des compromis « sans commune mesure » avec ce qui était demandé à Cogerex et à la BNC.
[156] La juge aurait également eu tort de conclure que les appelants ont provoqué la faillite de Complexe alors que les procédures de faillite ont été initiées par la BNC. Par ailleurs, la Ville ne retirait aucun avantage de la décision de refuser l'entente proposée en avril 2004 car elle « n'était pas libérée de ses obligations envers le Complexe et la Banque » [111] . Au sujet de la garantie de revenus locatifs, donnée par la Ville, que Brissette aurait ignorée dans ses calculs, les appelants reprochent à la juge de n'avoir pas envisagé la possibilité que le syndic décide de terminer les travaux et de fournir à la Ville le complexe sportif et culturel.
[157] Enfin, les appelants plaident qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les fautes retenues contre eux et le « non-paiement » des créances des sous-entrepreneurs. S'ils n'ont pas été payés, c'est parce que Cogerex a conservé le versement effectué par Complexe en vertu de la demande de paiement numéro 6 [112] . Quant aux demandes de paiement numéros 7 et 8, ils réitèrent que leur décision était raisonnable.
[158] Même s'il fallait conclure que les appelants ont commis une faute en avril 2004, il n'y a pas davantage de lien causal entre celle-ci et le non-paiement des créances des sous-traitants qui « étaient déjà impayés avant ce refus » [113] . Au surplus, si Cogerex ne s'était pas entêtée à refuser de fournir le « cost to complete », les paiements n'auraient pas été suspendus par la BNC et les sous-traitants auraient été payés. Enfin, si le syndic avait décidé de poursuivre les travaux, « tous les sous-entrepreneurs auraient pu être payés » [114] .
* * *
[159] Complexe a été incorporé en 2002 en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies du Québec [115] . Cette loi est muette sur le devoir de prudence et de diligence qui incombe aux administrateurs. Il faut donc nous reporter, de façon supplétive, au Code civil du Québec [116] qui édicte :
Art. 321 . L'administrateur est considéré comme mandataire de la personne morale. Il doit, dans l'exercice de ses fonctions, respecter les obligations que la loi, l'acte constitutif et les règlements lui imposent et agir dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés.
Art. 322 . L'administrateur doit agir avec prudence et diligence .
Il doit aussi agir avec honnêteté et loyauté dans l'intérêt de la personne morale .
Art. 2138 . Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat qu'il a accepté et il doit, dans l'exécution de son mandat, agir avec prudence et diligence .
Il doit également agir avec honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt du mandant et éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et celui de son mandant .
[Soulignement ajouté]
[160]
L'on peut constater, à la lecture de l'article
[161] Les commentaires du ministre de la Justice mentionnent, au sujet de cette disposition :
Cet article de droit nouveau reprend,
pour l'administration d'une personne morale, la règle prévue à l'article 1309
du code concernant l'administration du bien d'autrui.
Le premier alinéa
s'inspire de la règle énoncée en matière de mandat
, à l'article
Il s'agit là d'une règle plus contraignante que celle exprimée au premier alinéa et qui s'y ajoute .
Le devoir de loyauté implique un respect entier des engagements pris ou imposés par la loi, des règles d'honneur et de probité, et une prise en charge des intérêts de la personne morale. [117]
[Soulignement ajouté]
[162] L'obligation d'agir « avec prudence et diligence » recoupe, par ailleurs, la règle cardinale de la responsabilité civile extracontractuelle selon laquelle toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite applicables, suivant les circonstances, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui [118] .
[163] L'arrêt Peoples, rendu par la Cour suprême en 2004, énonce à ce sujet [119] :
55
Au
Québec, les administrateurs sont tenus responsables envers les créanciers de
leurs obligations contractuelles ou extracontractuelles. Il y a
responsabilité contractuelle lorsque l’administrateur garantit personnellement
une obligation contractuelle de la société. Sa responsabilité est aussi
retenue lorsque l’administrateur agit personnellement de manière à engager sa
responsabilité extracontractuelle. Voir P. Martel, « Le “voile
corporatif” — l’attitude des tribunaux face à l’
article 317
du
Code civil du Québec
»
56
Pour
déterminer s’il y a responsabilité extracontractuelle dans le présent pourvoi,
il faut se reporter à l’
art.
Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui .
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde. [Nous soulignons.]
Trois éléments de l’art.
[traduction]
. . . il est très dangereux de restreindre la portée apparente de
l’art.
Dans les arrêts
Lister c. McAnulty
,
1944 CanLII 50 (SCC)
, [1944]
R.C.S. 317, et
Hôpital Notre-Dame de l’Espérance c. Laurent
,
1977 CanLII 8 (CSC)
,
[164] Plus récemment, dans l'affaire Métho t, la Cour écrivait :
[65] Les administrateurs d'une compagnie peuvent être tenus responsables pour leurs fautes personnelles. Les auteurs M. Martel et P. Martel écrivent ce qui suit à ce sujet :
Si l'officier et l'administrateur d'une société assument une responsabilité statutaire en vertu de la Loi des compagnies , ils n'en sont pas pour autant libérés de toute autre responsabilité découlant de leur conduite, et de leurs actes en raison des principes généraux de droit. Lorsque cet officier ou administrateur a commis, en marge de ses fonctions, une faute personnelle et, que preuve est faite, il ne peut se retrancher derrière son mandat.
[66]
Cette
forme de responsabilité des administrateurs est reconnue par nos
tribunaux. Celle-ci résulte des dispositions de l'article
[Références omises]
[165]
Cela dit,
il faut encore déterminer le test applicable à une affaire comme la nôtre. Or,
le premier alinéa de l'article
[166] Selon les auteurs Crête et Rousseau, il y aurait une disparité entre les régimes actuels de droit canadien et québécois. Ils invitent nos tribunaux à réconcilier les deux régimes :
859. Dans l'arrêt Wise , la Cour suprême a tranché ce débat en mettant de côté la position exprimée dans Soper . […]
860. Dans cet arrêt, la Cour suprême a statué que le devoir de prudence et diligence établit une norme de conduite objective [123] . Tout en reconnaissant que l'article 122 (1)b) [124] exige que l'on tienne compte des circonstances lorsque l'on évalue la conduite des administrateurs, la Cour a souligné que cela n'avait pas pour effet de créer une dimension subjective pour la norme de conduite, comme le suggérait l'arrêt Soper . […]
861. Nous pouvons nous interroger sur l'incidence de la décision Wise sur l'interprétation du devoir de prudence et diligence de l'article 119 LSAQ [125] . En droit civil, le devoir de prudence et diligence comporte à la fois des éléments objectifs et contextuels, comme le souligne le professeur Cantin Cumyn : « Selon le droit commun, la conduite du débiteur de l'obligation de prudence et diligence doit être comparée à celle d'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances». […] Comme nous pouvons le constater, l'obligation de prudence et diligence de la LSAQ pourrait être interprétée d'une manière similaire à celle proposée dans l'arrêt Soper . Si tel devait être le cas, nous nous retrouverions avec des normes de conduite différentes pour les sociétés fédérales et les sociétés québécoises, ce qui serait certainement déplorable. Aussi, nous estimons qu'il est souhaitable que les tribunaux imposent aux administrateurs des compagnies québécoises une norme de conduire similaire à celle qui découle de la législation fédérale, en suivant les enseignements de l'arrêt Wise . [126]
[167] La Cour suprême écrit à ce sujet, dans Peoples :
63
Dans
l’arrêt
Soper c. Canada
,
1997
CanLII 6352 (CAF)
,
[168] Ni la LSCA ni la LSAQ ne sont applicables à notre affaire. En revanche, pour déterminer s'il y a faute extracontractuelle, le régime général de droit civil retient le modèle du critère abstrait et objectif [128] . Il faut donc utiliser, comme référence, le comportement de la personne raisonnable, prudente et diligente. Il faut se rapporter à une « norme de conduite acceptée ou tolérée par la société » [129] . Cela ne signifie pas qu'il faille ignorer complètement « toute dimension concrète tenant à la personnalité de l'auteur du dommage dans l'appréciation de sa conduite » [130] . Il faut replacer la personne dans la fonction qu'elle occupait alors et tenir compte des circonstances particulières de l'espèce [131] .
[169] Une fois cela précisé, il faut convenir que le critère applicable à notre affaire présente des affinités par rapport à la norme objective retenue dans l'arrêt Wise .
[170] Il est vrai que l es tribunaux ne tiennent pas les administrateurs responsables pour de simples erreurs de jugement [132] . Et la Cour a déjà mentionné en 2001, dans une affaire Alcar Holdings , qu'à l'égard de tiers, les administrateurs peuvent être tenus responsables de leur faute lourde [133] . Mais les choses ont évolué depuis, comme le rappellent Baudouin et Deslauriers dans la dernière édition de leur traité La responsabilité civile :
[…] Si, à une certaine époque la jurisprudence majoritaire, sous le Code civil du Bas-Canada et plus récemment sous le Code civil du Québec , avait tranché que les dirigeants et administrateurs d'une compagnie n'étaient pas personnellement responsables pour cette dernière, sauf faute lourde ou fraude de leur part, il n'en est plus de même aujourd'hui. D'une part, un administrateur peut être recherché en responsabilité civile contractuelle ou extracontractuelle par un tiers. D'autre part, la Cour suprême est récemment venue changer la donne dans l'affaire Magasins à rayons Peoples c. Wise . Dans cet arrêt, étendant considérablement la portée de leur devoir de « prudence et diligence » imposé par la loi, la Cour énonce que pour des administrateurs d'une société par actions, ce devoir est en fait intégré dans l'article 1457. Cette norme de conduite imposée à l'administrateur et au dirigeant s'évalue objectivement c'est-à-dire en référant aux critères de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances . […] [134]
[Références omises] [Soulignement ajouté]
[171] Enfin, Paul Martel écrit, à ce sujet :
Les décisions d’affaires des administrateurs prises légalement, de bonne foi, sans intérêt personnel et en deçà de leurs pouvoirs, ne sont pas sujettes à un examen microscopique par la cour et seront respectées même si le tribunal les juge peu sages en l’occurrence [135] . C’est ce que la jurisprudence américaine appelle le business judgment rule (en français la règle de l’« appréciation commerciale ») et que les tribunaux canadiens appliquent de plus en plus systématiquement. […]. [136]
[Références omises]
[172] Il ne s'agit pas de cela ici.
[173] En terminant, rappelons que le devoir de prudence et de diligence comprend une obligation de renseignement, préalable à une prise de décision [137] , obligation participant de l'obligation générale de bonne foi [138] . L'administrateur doit donc renseigner son cocontractant [139] , mais il a aussi « l'obligation de se renseigner adéquatement relativement à la décision à prendre » [140] .
* * *
[174] La juge de première instance a appliqué la bonne norme juridique aux faits de la cause. Elle a, par ailleurs, fait un travail exhaustif pour reconstituer la trame factuelle de cette affaire dont l'exactitude n'est, pour l'essentiel, pas ébranlée par les arguments des parties.
[175] Elle conclut que Perrier et Brissette n'ont pas adopté un comportement prudent et diligent pour solutionner les difficultés qui se sont présentées. Non seulement n'ont-ils pas agi comme l'aurait fait une personne raisonnable, mais des décisions capitales sont qualifiées de déraisonnables, à l'examen de toutes les circonstances.
[176] Les appelants sont les artisans de ce projet depuis sa genèse. Ils l'ont conçu, en ont déterminé les contours, ont négocié son financement et ses modalités d'exécution. Il s'agissait aussi d'un projet incomplet puisque les plans d'exécution n'étaient pas disponibles lorsque l'entente est intervenue entre Complexe et Cogerex. Au surplus, le contrat fast track était d'un type particulier, l'échéancier prévu était serré et cet échéancier était en retard lorsque les travaux ont débuté.
[177] Dans les deux cas, les appelants sont des administrateurs expérimentés [141] . Leur comportement doit être rapproché de celui qu'aurait adopté un administrateur raisonnable [142] , ayant une expérience analogue, placé dans les mêmes circonstances [143] .
[178] La situation exigeait donc des appelants, qui portaient le projet sur le terrain et agissaient comme administrateurs de Complexe, qu'ils démontrent de la transparence, de la bonne foi et une franche collaboration avec l'entrepreneur. Ils devaient s'informer avant de prendre des décisions importantes, informer Cogerex des difficultés qui se présentaient en temps utile et des avenues possibles de solution. Ils devaient considérer l'impact de leurs décisions sur l'entrepreneur, sur les sous-entrepreneurs, sur la réalisation du projet, voire sur sa survie. Dans tous les cas, ils devaient prendre des décisions raisonnables dans l'intérêt de Complexe dont ils étaient les mandataires.
[179] Ils ont manqué à ces obligations de diverses façons. Cela a été mis en exergue plus tôt [144] .
[180] La Ville a exercé le contrôle sur le projet en tout temps, par son représentant Perrier, qui s'est retrouvé dans les moments cruciaux en situation de conflit d'intérêts. Lorsqu'il fallait faire un choix, les intérêts de la Ville ont été privilégiés au détriment de ceux de Complexe. De son côté, Brissette a abdiqué ses responsabilités et n'a pas agi dans le meilleur intérêt de Complexe [145] alors qu'il devait avoir « pour seul objectif le bien de la corporation, personne distincte, sans tenir compte des intérêts d'aucune autre personne, groupe ou entité » [146] .
[181] Les administrateurs de corporations à but non lucratif, qui sont mandataires de la société, ont les devoirs d'honnêteté et de loyauté des administrateurs. Ils sont « indubitablement assujettis à une double série de devoirs d'honnêteté et loyauté, soit ceux d'un « mandataire » et ceux d'un « administrateur de personne morale »» [147] .
[182] Les manquements constatés ici engendrent la responsabilité des appelants dont le pourvoi doit échouer.
[183] Deux derniers commentaires méritent d'être formulés.
[184] Il est, pour dire le moins, étonnant que les appelants soutiennent encore que la Ville ne devait retirer aucun avantage de l'échec du projet en avril 2004, malgré la preuve accablante administrée à ce sujet.
[185] Il est tout aussi étonnant de lire que, dans la compréhension des appelants et de la Ville, la dernière proposition rejetée le 27 avril 2004 leur demandait des concessions « sans commune mesure » avec ce qui était demandé à Cogerex et à la BNC.
[186] Il faut rappeler que la BNC acceptait alors de hausser le prêt hypothécaire de 500 000 $ à 5,8 M $ et de donner à Complexe un congé de 12 mois sur le remboursement de ce capital additionnel, que Cogerex acceptait de compléter le travail pour près de 400 000 $ de moins que le coût arrêté par l'expert Tremblay alors que la Ville devait débourser 132 000 $, selon sa prétention [148] , soit la somme de 87 000 $ une fois considéré le cautionnement de 45 000 $ consenti au départ. Cela représente 1.5 % du coût du projet révisé !
[187] Débutons par l'appel incident de la BNC.
[188] Dans son recours introductif d'instance et dans les recours en garantie pris dans chaque dossier de réclamation des sous-traitants, Cogerex recherche la responsabilité extracontractuelle de la BNC. Elle lui reproche de ne pas avoir effectué les paiements dus à la suite des travaux qu'elle a exécutés, s'agissant notamment des demandes de paiement numéros 7, 8 et 9. La juge de première instance a rejeté cette prétention et Cogerex ne remet pas en cause ce volet de la décision.
[189] En revanche, la BNC a demandé, après que la cause a été mise en délibéré, la réouverture des débats pour plaider que la demande en justice de Cogerex à son endroit était abusive. Sa réclamation concerne les honoraires extrajudiciaires qui auraient été engagés pour se défendre contre le recours de Cogerex. La juge a accueilli la requête en réouverture des débats, mais rejeté la réclamation de la BNC.
[190] La juge souligne que Cogerex n'a utilisé aucun moyen de preuve pour démontrer les reproches allégués [149] . Au contraire, la preuve révèle que la BNC a « tout tenté » pour « trouver une solution acceptable pour tous et éviter ainsi un litige » [150] . Qui plus est, le procès n'a révélé « aucun fait que l'entrepreneur général ne connaissait déjà ».
[191] Malgré que le recours de Cogerex ne présentait pas de chance de succès, la juge rejette la réclamation de la BNC qui s'élève à 334 353,21 $. Elle estime que « même si Cogerex n'avait pas entrepris tels recours contre BNC, cette dernière aurait encouru les honoraires qu'elle souhaite aujourd'hui se voir rembourser » [151] . La juge se dit convaincue que si Cogerex n'avait pas intenté un recours contre BNC, cette dernière aurait quand même intenté un recours contre la Ville, lequel aurait inévitablement été réuni aux autres dossiers dans lesquels la banque a été très active [152] . Bref, la BNC aurait encouru les frais qu'elle réclame et il n'y a pas de lien causal entre le recours de Cogerex et la réclamation litigieuse.
[192] La BNC demande à la Cour d'infirmer cette décision par appel incident. Cogerex réitère que son recours n'était pas abusif.
[193] La BNC avait le fardeau de prouver sa réclamation. Le juge Forget écrivait à ce sujet, récemment :
[128] Les avocats qui réclament le remboursement de leurs honoraires à une tierce partie dans le cadre d'une procédure judiciaire ne sont pas dispensés d'en faire la preuve pas plus que le plombier, l'architecte, le comptable, etc. Il n'est pas suffisant de déposer ses notes d'honoraires lorsqu'on veut en réclamer le remboursement à un tiers autre que son client.
[129] Je sais bien qu'il est toujours difficile pour un avocat de se transformer en témoin et d'être sujet au contre-interrogatoire de son collègue. Ces difficultés d'ordre procédural ne peuvent permettre de dispenser l'avocat d'établir la preuve lorsqu'on recherche le remboursement par un tiers.
[130] Je note au passage que le Code de déontologie des avocats prévoit une exception pour permettre à un avocat de témoigner au sujet de ses honoraires dans une cause où il occupe à titre de procureur :
3.05.06. L'avocat ne doit pas personnellement agir dans un litige, s'il sait ou s'il est évident qu'il y sera appelé comme témoin.
Toutefois, il peut accepter ou continuer d'agir, si le fait de ne pas occuper est de nature à causer au client un préjudice sérieux et irréparable, ou si son témoignage ne se rapporte qu'à :
[…]
c) la nature et la valeur des services professionnels rendus au client par lui-même ou par une autre personne exerçant ses activités au sein de la même société.
[131] Il faut conclure que les intimés n'ont pas fait une preuve prépondérante du quantum des honoraires extrajudiciaires réclamés. […] [153] .
[194] La juge a conclu qu'une telle preuve n'avait pas été faite ici, celle-ci s'appuyant sur le dépôt de diverses factures d'honoraires, en liasse. La BNC ne fait pas voir d'erreur manifeste et déterminante dans le jugement entrepris. Son appel incident doit être rejeté avec dépens en faveur de Cogerex et de Axa Assurances inc.
[195] Au procès, Cogerex réclamait des administrateurs de Complexe et de la BNC 2 846 005,62 $ pour les demandes et certificats de paiement numéros 7, 8 et 9 plus 259 152,69 $ pour les « extras soumis et acceptés », pour un total de 3 105 158,31 $ [154] . La juge de première instance précise qu'un montant de 565 239,71 $ réclamé par Cogerex à titre de dommages supplémentaires n'a fait l'objet d'aucune preuve en raison d'une objection formulée en cours d'audience par les avocats des administrateurs, de BNC et de la Ville qui a été maintenue [155] .
[196] En ce qui concerne les demandes de paiement 7, 8 et 9, Cogerex apportait alors les précisions suivantes au sujet des réclamations faites contre elle par les sous-traitants :
[320] Cogerex reconnaît que les montants que les sous-traitants lui réclament dans le cadre de la Requête introductive d'instance que chacun d'eux a instituée contre elle, sont inclus dans le montant de sa réclamation.
[321] Elle demande donc au Tribunal de déduire de tel montant ceux que le Tribunal a adjugés dans le cadre du jugement qu'il a rendu à l'égard de chacune des réclamations des sous-traitants et de lui octroyer ainsi le solde restant [156] .
[197] Dans sa requête en délaissement forcé et vente sous contrôle de justice de l'immeuble propriété de Complexe, Cogerex recherchait une déclaration constatant l'existence d'une créance hypothécaire en sa faveur [157] . Enfin, dans sa requête pour mise en cause forcée de la Ville, la BNC demandait une condamnation de la Ville, au bénéfice de Cogerex, d'une somme « équivalente à la valeur des travaux exécutés par (…) Construction Cogerex, aux termes du contrat intervenu le 14 mai 2003 (…) ».
[198] Statuant d'abord sur les demandes de paiement, la juge de première instance établit la créance de Cogerex à 1 133 051,74 $ , soit à la somme des montants accordés dans les dossiers concernant les sous-traitants visés par la réunion d'actions, après déduction des montants conservés par Cogerex à son bénéfice et dont elle était redevable à certains d'entre eux.
[199] Quant au reste, la juge rappelle que l'on ne peut présumer que les demandes de paiement 7, 8 et 9 auraient donné lieu à des certificats de paiement pour la totalité des montants réclamés [158] . Elle déplore ensuite le fait que Cogerex n'a pas administré une preuve, « par expertise ou autrement », pour établir sa réclamation [159] . Elle écrit :
[331] Or, sauf de démontrer le bien-fondé des réclamations des sous-traitants, cette preuve n'établit en rien la valeur de la créance de Cogerex qui aurait notamment dû, pour ce faire, produire l'ensemble des factures établissant l'existence de sa créance.
[332] Mais, il y a plus.
[333] La preuve révèle que certains sous-traitants, autres que ceux visés par la réunion d'actions dont il est ici question, ont soit poursuivi Cogerex devant la Cour du Québec pour lui réclamer les montants qui leur étaient dus, soit renoncé à la poursuivre.
[334] La règle de la meilleure preuve aurait ainsi voulu que Cogerex fasse la preuve notamment des éléments suivants :
* L'état des dossiers devant la Cour du Québec ou, encore, les jugements qui ont été rendus dans le cadre des différents recours ;
* Si tel est le cas, les transactions qui ont été conclues entre elle et un ou l'autre des sous-traitants ;
* La valeur des créances des sous-traitants qui ne l'ont pas poursuivi et dont le recours est aujourd'hui prescrit ;
* Les paiements qu'elle a effectués aux divers sous-traitants et/ou fournisseurs, ceci d'autant plus que la preuve a révélé, dans le cadre des dossiers impliquant certains sous-traitants visés par la réunion d'actions dont il est ici question, qu'elle a conservé pour son bénéfice des montants dont elle leur était redevable.
[335] Cogerex avait dès lors l'obligation de ventiler sa réclamation, ceci d'autant plus que si le Tribunal arbitrait le montant auquel l'entrepreneur général prétend avoir droit de la façon dont il le propose, ce dernier bénéficierait indûment de sommes d'argent redevables à certains sous-traitants, notamment ceux qui n'ont pas fait valoir leur créance à son encontre ou qui ont transigé avec lui à la baisse aux fins de régler le litige qui les opposait.
[200] La juge ajoute que la pièce BNC-43 préparée par Cogerex ne constitue qu'un tableau sans qu'aient été déposés de documents à son soutien [160] . Bref, la créance de Cogerex n'a pas été prouvée au-delà du montant qui revient aux sous-traitants visés par la réunion d'actions.
[201] Enfin, la juge ne fait pas droit à la réclamation d' extras pour un montant de 259 152,69 $ même si l'expert Tremblay a retenu ce chiffre :
[341] Tremblay a produit son rapport dans le cadre d'un processus visant la relance du projet. Or, la démarche a achoppé en raison du refus du Complexe et de la Ville d'aller de l'avant.
[342] Cogerex ne peut là encore cristalliser sa créance sous la foi uniquement d'un tel document.
[202] Pour compléter le portrait, Cogerex a demandé, le 30 avril 2009, à la suite d'une objection formulée par les autres parties, la permission de produire certains documents au soutien du volet de sa réclamation portant sur des déboursés conservatoires (dommages supplémentaires) [161] . Une somme de 565 239,71 $ est en jeu ici. La juge a refusé cette demande pour cause de tardiveté. Cogerex s'est pourvue contre ce jugement dans son inscription en appel du 18 décembre 2009.
[203] Cogerex nous demande maintenant de hausser la condamnation à 3 411 245,33 $ pour qu'elle « soit conforme à la preuve faite à l'enquête » [162] , subsidiairement, d'infirmer la décision de la juge qui l'a empêchée de déposer des pièces additionnelles et, enfin, de renvoyer les parties devant le tribunal pour compléter la preuve relative notamment aux déboursés conservatoires de sorte qu'une décision soit rendue sur « le mérite » de sa réclamation.
[204] Le montant de 3 411 245,33 $ comprend les réclamations suivantes : 2 846 005,62 $ pour les demandes et certificats de paiement numéros 7, 8 et 9 plus 565 239,71 $ pour les « déboursés conservatoires ».
[205] Enfin, il est opportun de noter que, depuis le 15 février 2011, Cogerex a été autorisée à amender les conclusions de son inscription en appel qui recherche dorénavant la condamnation de la Ville en outre des administrateurs Perrier et Brissette dans le dossier principal [163] .
* * *
[206]
Cogerex
reconnaît que l'appel de cette décision ne respecte pas la procédure prévue aux
articles
[207]
L'appel
d'un jugement interlocutoire qui accueille une objection à la preuve est visé
au second alinéa de l'article
[208] Dans notre cas, il s'est écoulé sept mois entre le jugement interlocutoire et le jugement final. Qui plus est, la décision du 30 avril 2009 a été rendue au tout début de la preuve de Cogerex. Celle-ci s'est ensuite continuée pendant plusieurs jours et a été complétée par une contre-preuve, le 27 mai 2009. En ce qui concerne les administrateurs, la Ville et la BNC, ils ont répliqué à la preuve de Cogerex pendant plus de 10 jours.
[209] Et maintenant, Cogerex demande à la Cour, de façon subsidiaire, de renvoyer les parties devant la Cour supérieure pour complément de preuve sur les frais supplémentaires [166] « ou tout autre élément de preuve nécessaire au juge » qui se prononcerait de nouveau sur « le mérite » de sa réclamation.
[210] Au-delà des considérations juridiques, il serait inopportun de faire droit à cette demande. Cela scelle le sort du volet « Déboursés conservatoires » de la réclamation. Plus généralement, le reproche formulé par Cogerex à la juge de ne lui avoir pas indiqué les faiblesses de sa preuve est sans fondement.
[211] Reste donc la réclamation de Cogerex relative aux demandes de paiement 7, 8 et 9 et retenues contractuelles qui s'élève à 2 846 005,62 $ .
[212] La méthode de paiement est prévue aux articles 5.2.1 à 5.3.2 du contrat conclu entre Cogerex et Complexe. L'entrepreneur fait des demandes de paiement à chaque mois équivalant « à la valeur, calculée au prorata du prix du contrat , des travaux exécutés et des produits livrés à l' emplacement de l'ouvrage à cette date ». Les demandes sont d'abord envoyées à un professionnel qui les examine et délivre, dans les 10 jours de la demande, un certificat de paiement au montant qu'il estime dû. Complexe a alors 5 jours pour payer Cogerex.
[213] Entre mai et août 2003, Cogerex envoie à Goyette les demandes de paiement 1 à 6 qui totalisent 1 824 005,39 $. Elles seront intégralement satisfaites par Complexe. Intervient la décision de suspendre les paiements le 9 septembre 2003 dont la BNC sera informée le 8 octobre suivant.
[214] À compter de la mi-septembre, Cogerex et Complexe échangent une correspondance régulière. Complexe exige une ventilation détaillée des coûts. Cogerex répond qu'elle tente de fournir cette ventilation, mais que les modifications imposées augmentent les coûts du projet, rendent plus complexe leur projection et ralentissent les travaux.
[215] La demande de paiement numéro 7, qui s'élève à 817 169,35 $, est envoyée à l'architecte Goyette le 30 septembre 2003. Le 14 octobre, BNC demande à Cogerex de lui fournir un état détaillé des travaux exécutés et de ceux à faire. Elle suspend les déboursements. Le 30 octobre, Cogerex fait parvenir à Goyette la demande de paiement numéro 8 de 1 158 021,31 $.
[216] Au début de novembre 2003, Dubreuil demande à Goyette d'analyser et de certifier les demandes de paiement numéros 7 et 8, menaçant de déposer contre lui une plainte à son ordre professionnel. Le 11 novembre, Goyette approuve à hauteur de 455 529,01 $ la demande de paiement numéro 7 et de 370 174,72 $ la demande de paiement numéro 8, soit 825 703,73 $ au total. Les travaux sont interrompus à la fin de décembre 2003. Le 10 juin 2004, Cogerex envoie à Complexe, alors en faillite, la demande de paiement numéro 9 pour les travaux réalisés entre le 1 er novembre 2003 et la fermeture du chantier. Elle s'élève à 870 814,96 $.
[217] Cogerex réclame d'abord 1 120 115,84 $ en raison de la certification par Goyette, équivalant selon elle à un aveu extrajudiciaire, de travaux de 825 703,73 $ sur la base des demandes de paiement 7 et 8. Elle réclame aussi les retenues de 91 744,87 $ et 202 667,24 $ respectivement effectuées sur les demandes de paiement 7 et 8 et sur les demandes 1 à 6 [167] .
[218] L'argument de l'aveu extrajudiciaire ne peut être accepté.
[219] L'aveu doit émaner de la partie à qui on veut l'opposer [168] . Or, Goyette est un tiers par rapport aux administrateurs de Complexe et il ne peut faire un aveu liant ces derniers.
[220] En revanche, les certificats de paiement partiel délivrés par Goyette sont des éléments de preuve pertinents. Il s'agit d'écrits qui constatent des faits, notamment l'avancement des travaux et leur valeur [169] . Leur valeur probante est laissée à l'appréciation du juge. Or, la juge ne met pas en doute la valeur de ces certificats de paiement. Au contraire, dans plusieurs dossiers opposant Cogerex à ses sous-traitants, la juge retient, au bénéfice de ces derniers, le fait que Goyette avait certifié leurs travaux.
[221] À ce stade-ci, il est opportun de rappeler certaines stipulations du contrat intervenu entre Cogerex et Complexe :
2.2.4 D'après ses observations et son évaluation des demandes de paiement de l' entrepreneur , le professionnel détermine les montants dus à l' entrepreneur en vertu du contrat et émet des certificats de paiement conformément à l'article A-5 de la convention, PAIEMENT, et aux articles CG 5.3 - PAIEMENT D'ACOMPTES et CG 5.7 - PAIEMENT FINAL.
[…]
2.2.6 Le professionnel est l'interprète, en premier lieu, des exigences des documents contractuels et formule des conclusions sur l'exécution, par chacune des parties, de ses obligations contractuelles, sauf pour ce qui a trait à l'article CG 5.1 - INFORMATIONS D'ORDRE FINANCIER EXIGÉES DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE. Les interprétations et les décisions du professionnel doivent être impartiales et compatibles avec l'intention des documents contractuels .
[…]
2.2.13 Le professionnel émet ses certificats selon sa connaissance et son appréciation des travaux selon les informations dont il dispose . En émettant un certificat, il ne garantit pas que les travaux aient été exécutés correctement ou complètement.
[222] L'article 5.3.1, auquel renvoie l'article 2.2.4, précité, énonce :
5.3.1 Le professionnel, dans les 10 jours de la réception d'une demande de paiement soumise par l'entrepreneur conformément à l'article CG 5.2 - DEMANDE DE PAIEMENT D'ACOMPTE, envoie au maître de l'ouvrage un certificat de paiement au montant demandé ou à tout autre montant qu'il considère comme effectivement dû . Lorsque le professionnel modifie la demande, il en prévient promptement l'entrepreneur par écrit en donnant les raisons qui justifient les modifications.
[Soulignement ajouté]
[223] Le professionnel Goyette a délivré des certificats de paiement dans lesquels il détermine que les travaux visés par les demandes de paiement 7 et 8 représentent, après déduction de la retenue de 10%, des montants de 455 529,01 $ et 370 174,72 $. En faisant cela, il se conforme à la procédure prévue au contrat.
[224] Une partie pouvait contester la conclusion du professionnel par l'envoi d'un avis de différend dans les 15 jours ouvrables de la réception de cette conclusion. L'absence de contestation entraînait cependant des conséquences notables :
8.8.1 Tout désaccord entre les parties au contrat au sujet de l'interprétation, de l'application ou de l'administration du contrat , ou tout défaut de s'entendre entre les parties dans les cas où une entente est nécessaire, et qu'on appelle ici globalement « différends », doit, s'il n'a pu être réglé par une décision du professionnel , conformément à l'article CG 2.2 - RÔLE DU PROFESSIONNEL, être tranché conformément à la partie 8 des conditions générales, RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS.
8.2.2 Une partie est réputée avoir définitivement accepté une conclusion du professionnel conformément à l'article CG 2.2 - RÔLE DU PROFESSIONNEL, et avoir expressément dégagé l'autre parti e et renoncé à toute réclamation relative au sujet particulier auquel se rapporte la conclusion, à moins que, dans les 15 jours ouvrables de la réception de cette conclusion, la partie fasse parvenir à l'autre partie et au professionnel , par écrit, un avis de différend où sont exposés les détails de la question et où sont indiquées les références pertinentes aux documents contractuels . L'autre partie doit répondre, par écrit, dans les
10 jours ouvrables qui suivent la réception de l'avis, en donnant des explications et des références similaires.
[Soulignement ajouté]
[225] Le 11 novembre 2003, Goyette a certifié les demandes de paiement 7 et 8 à concurrence de 825 703,73 $. Ces documents ont été dénoncés à Complexe et à Cogerex dans les jours qui ont suivi. Or, rien ne permet de croire qu'un avis de différend a été transmis par Complexe ou par Cogerex conformément au contrat. En conséquence, les conclusions auxquelles est parvenu Goyette dans ces documents doivent être tenues pour avérées tant à l'égard de Complexe qu'à l'égard de Cogerex . Elles sont réputées avoir accepté les conclusions du professionnel.
[226] Ces demandes de paiement auraient donc du être payées par Complexe au montant certifié par Goyette.
[227] N'eut été du comportement des administrateurs Perrier et Brissette, Cogerex aurait dû toucher ce montant auquel il faut ajouter la retenue contractuelle de 10 % pour un total de 917 448,60 $ [170] . Il n'y a pas davantage de motif, dans les circonstances de cette affaire, de refuser de libérer la retenue de 202 667,24 $ effectuée sur les demandes de paiement 1 à 6.
[228] Cogerex aurait dû être payée de ces montants et Perrier et Brissette en sont également redevables, tout comme la Ville. Ainsi, une somme de 1 120 115,84 $ est due à Cogerex à ce chapitre.
[229] Mais il faut, ici, tenir compte des montants dus aux sous-traitants que la juge fixe à 1 133 051,74 $ . Cogerex reconnaît d'ailleurs, comme le souligne la juge, qu'elle réclame les retenues contractuelles « moins les sommes qu'elle se fait réclamer par les sous-traitants qui ont entrepris les recours ordinaires ventilés (…) » [171] .
[230] À ce stade, somme toute, rien n'est encore dû à Cogerex.
[231] Compte tenu de ce qui précède, le débat sur la partie non certifiée des demandes de paiement 7 et 8 serait clos. En l'absence d'un avis de différend, Cogerex doit vivre avec les conclusions du professionnel. Mais même si cette conclusion devait être réservée, Cogerex avait encore le fardeau de faire la preuve de sa réclamation, pour la partie non certifiée des demandes de paiement 7 et 8 et la demande de paiement numéro 9.
[232] Cogerex soutient que cette partie de sa réclamation, qui s'élève à 1 725 889,80 $, a été établie par preuve directe et par présomptions.
[233] Pour ce qui concerne la preuve directe , Cogerex formule la proposition suivante :
99. En fait, le Tribunal doit transposer la détermination factuelle qu'il fait, pour chaque sous-traitant, dans le dossier de l'entrepreneur, en assumant que la détermination par rapport au premier ne peut être égale, en chiffres absolus, à la détermination qu'il a à faire dans le second dossier. Ceci parce qu'il y a nécessairement des différences entre le contrat du maître de l'ouvrage avec l'entrepreneur et celui de ce dernier avec le sous-traitant, de sorte qu'il ne peut y avoir qu'une relative concordance entre la réclamation de l'un et de l'autre pour un même poste, concordance dont c'est la mission du Tribunal d'apprécier l'adéquation dans l'ensemble [172] .
[234] Cogerex entreprend ensuite d'analyser la preuve faite dans les dossiers des sous-traitants, à la lumière des jugements rendus en première instance [173] , pour « faire la démonstration d'une partie importante de la réclamation de Cogerex » [174] . Cogerex formule les propositions suivantes :
[235] Cogerex conteste, par ailleurs, les calculs de la juge tantôt sur le pourcentage de travail effectué par un sous-traitant, tantôt sur les montants qui lui étaient dus, et remet en cause les déterminations selon lesquelles elle aurait conservé des argents qui revenaient à des sous-traitants.
[236] Enfin, Cogerex s'appuie sur le témoignage du consultant en coûts Denis Tremblay et sur son rapport pour soutenir que des modifications ont été effectuées au projet, avec l'accord des professionnels, dont la valeur s'élève à près de 150 000 $.
[237] Cogerex invoque, également, la preuve par présomption de faits . Celle-ci permettrait d'établir la valeur des travaux par pourcentage et par la méthode des coûts (pièce BNC-43).
[238] Plus particulièrement, elle plaide que, selon certains témoins, les travaux étaient réalisés à 75 % lorsqu'ils ont été interrompus. En attribuant au contrat un prix de 6 096 000 $, la valeur des travaux exécutés s'élèverait à 4 572 000 $. Comme les demandes de paiement 1 à 9 totalisent 4 670 011 $ [175] , cela validerait le pourcentage retenu. Cogerex a touché 1 824 005,38 $ pour les demandes de paiement 1 à 6 et considère avoir établi sa réclamation, par preuve directe, à hauteur de 2 005 458,60 $. Reste un montant de 840 546,97 $.
[239] De son point de vue, la seule preuve que les travaux sont complétés à 75 % constituerait « un indice probant de la réclamation de Cogerex pour la somme 840 546,97 $ qui reste à prouver ».
[240] Cogerex invoque aussi la pièce BNC-43 [176] préparée par Lebel au mois d'avril 2009, en réponse à une ordonnance du tribunal exigeant de lui qu'il communique aux avocats des parties les documents et renseignements demandés dans un s ubpoena signifié le 24 mars 2009, incluant le « montant d'administration et profits facturés ou réclamés par Cogerex dans le cadre du projet du Complexe ».
[241] Cogerex soutient que cette pièce est une compilation des informations communiquées aux avocats. Lebel sera contre-interrogé longuement à ce sujet. Le tableau BNC-43 a été produit par la BNC . Cogerex a cru que les pièces communiquées avec le tableau avaient également été produites par la BNC, ce qui n'était pas le cas. Elle ne l'aurait réalisé qu'après le jugement dont appel.
[242] Cogerex argumente que BNC-43 aurait dû être retenue « à sa face même dans la mesure où personne n'a réussi à mettre en cause l'authenticité des pièces qu'il compile et la validité des pièces qu'il reconnaît à l'égard des sous-traitants ». Sinon, la juge aurait dû ordonner une réouverture d'enquête. Cogerex ajoute que, même sans les pièces, BNC-43 constitue « un faisceau d'autant d'indices du montant de sa créance » qui devient prouvée, « peut-être pas avec une certitude mathématique, mais certainement par prépondérance »
[243] Enfin, cette pièce aurait, à tout le moins, un poids déterminant dans son recours en délaissement forcé et vente sous contrôle de justice [177] « où seule la valeur des travaux exécutés est nécessaire pour établir la créance de Cogerex grevant l'immeuble » [178] .
* * *
[244] Les jugements rendus par la juge de première instance dans les dossiers des sous-traitants n'ont pas fait l'objet d'un appel devant la Cour par Cogerex. Axa a d'ailleurs satisfait à la plupart de ces jugements en raison des cautionnements qu'elle avait délivrés pour garantir les obligations de Cogerex. Cogerex doit donc composer avec ces déterminations à caractère définitif et ne peut en contester les assises pour ensuite développer un argumentaire sur des erreurs qu'aurait néanmoins commises la juge dans l'évaluation des réclamations des sous-traitants.
[245] Il faut rappeler, par ailleurs, que dans le dossier de Plomberie Leclerc inc. dans lequel la juge énonce des motifs communs aux dossiers des sous-traitants, la réclamation n'était pas contestée. Ici, toutes les réclamations de Cogerex sont contestées. Cette dernière devait donc soutenir sa réclamation et prouver ses dommages.
[246] Or, ce que Cogerex qualifie de preuve directe n'en est pas une.
[247] La juge quantifie les créances des sous-traitants sur la foi d'une preuve documentaire et testimoniale. Elle identifie les travaux qui ont été complétés et les montants qui leur sont dus. Elle fait la corrélation entre leur réclamation et certains postes des demandes de paiement de Cogerex. Dans deux cas, la juge mentionne que l'ingénieur Noreau a approuvé les travaux « pour les montants que Cogerex réclamait », même s'ils n'ont pas été certifiés par l'architecte Goyette. Dans d'autres, elle accepte des travaux qui n'ont pas été approuvés, mais qui auraient dû l'être, de son point de vue.
[248] La juge pouvait se satisfaire que les réclamations des sous-traitants étaient prouvées jusqu'à concurrence d'un certain montant sans que cela fasse preuve de la réclamation de Cogerex. Celle-ci a confié la plupart des travaux en sous-traitance. Elle a conclu, au départ, un contrat clé en main et non à prix de revient majoré [179] , mais il existe plus d'un type de contrat à forfait, comme le rappelait notre Cour tout récemment dans une affaire Birdair :
[77] Il existe deux types de contrat à forfait , soit celui à forfait absolu et celui à forfait relatif. Dans son ouvrage Les contrats de construction en droit public et privé , la juge Rousseau-Houle, maintenant retraitée, explique bien la distinction :
Le marché à forfait est celui par lequel le constructeur s’engage à livrer l’ouvrage exécuté conformément aux plans et devis, pour un prix global invariable fixé d’avance. Si le marché à forfait est absolu , le maître ne peut plus, en cours d’exécution, modifier unilatéralement et sans accord de son cocontractant une partie de l’ouvrage à construire et l’entrepreneur a l’obligation d’exécuter les travaux pour le prix convenu, quelles que puissent être les difficultés rencontrées.
Si le marché à forfait est relatif , le maître peut modifier sa conception primitive dans une partie essentielle ou dans les détails de la construction prévue, sans que l’entrepreneur puisse s’y refuser ou s’en prévaloir pour solliciter la résiliation du marché. Tous les risques assumés par le cocontractant, particulièrement ceux afférents à l’augmentation des coûts des matériaux et de la main-d’œuvre ou aux difficultés d’exécution, sont alors évidemment limités aux seuls travaux prévus initialement, mais ne s’étendent pas aux travaux ordonnés par les modifications. Le forfait relatif est donc une combinaison de deux marchés: le forfait absolu pour les travaux nécessaires à la réalisation du projet initial et le marché à bordereau de prix pour les changements ordonnés en cours d’œuvre. [180]
[Références omises] [Soulignement ajouté]
[249] En raison des modifications notables apportées par Complexe au contrat, après le début des travaux, il me paraît clair que nous sommes en présence d'un marché à forfait relatif pour tout ce qui concerne la partie relative à ces modifications. La position inflexible adoptée par Complexe, la Ville et les administrateurs Perrier et Brissette assimilant globalement l'entente intervenue à un marché à forfait absolu était donc erronée.
[250] Le contrat stipule d'ailleurs, aux Conditions générales supplémentaires , que si une modification à l'ouvrage a pour résultat une augmentation du prix du contrat, une allocation pour frais généraux et profit est ajoutée, au bénéfice de l'entrepreneur [181] , et que si le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur ne s'entendent pas « sur la valeur d'une directive de modification », il y a lieu de se référer aux dispositions du contrat relatives à « négociation, médiation et arbitrage » [182] .
[251] Le contrat principal prévoit, de son côté, que si le maître de l'ouvrage fait cession de ses biens, en raison de son insolvabilité, l'entrepreneur peut résilier le contrat [183] et a « droit au paiement de tous les travaux exécutés, y compris un bénéfice raisonnable, ainsi qu'une indemnité … pour tout dommage qu'il peut avoir subi par suite de la résiliation du contrat » [184] . Complexe a déposé un avis d'intention en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité [185] le 15 mars le 2004, peu avant les négociations de la dernière chance [186] . Elle a fait cession de ses biens le 1 er mai suivant [187] .
[252] En somme, j'estime que Cogerex avait droit au paiement des travaux conformes effectués en date de la fermeture du chantier, selon le contrat signé le 14 mai 2003, y compris un bénéfice raisonnable et une indemnité pour tout dommage subi, le cas échéant. Elle avait également le droit de réclamer le coût additionnel découlant des modifications apportées par Complexe au contrat, le cas échéant, plus une allocation pour frais généraux et profit.
[253] Ainsi, je suis en désaccord, cela dit avec égards, avec l'énumération faite par la juge, aux paragraphes 334 et 335 de son jugement [188] , de certains éléments qui auraient dû être prouvés par Cogerex.
[254] La juge de première instance n'en décide pas moins, à bon droit, que Cogerex n'a pas relevé son fardeau de preuve :
[328] Ici, une première remarque s'impose. Il est incontestable que le montant pour lequel un Certificat de paiement est émis peut différer de celui d'une Demande et certificat de paiement que l'entrepreneur général présente au chargé de projet. D'ailleurs, le Contrat prévoit les modalités qui s'appliquent en pareil cas.
[329] Dès lors, ce n'est pas parce que les Demandes et certificats de paiement numéros 1 à 6 ont été intégralement payées que le Tribunal doit présumer qu'il en aurait été ainsi des Demandes et certificats de paiements numéros 7, 8 et 9 .
[330] Ceci étant, est-il utile de rappeler que Cogerex avait le fardeau de démontrer le bien-fondé de sa réclamation, soit par voie d'expertise ou autrement , ce qu'elle n'a pas fait, se contentant plutôt de référer le Tribunal à la preuve que chacun des sous-traitants visés par la réunion d'actions dont il est ici question a administrée au soutien de sa réclamation pour lui demander ainsi de lui octroyer le solde restant entre le montant qu'elle réclame et ceux adjugés aux sous-traitants .
[331] Or, sauf de démontrer le bien-fondé des réclamations des sous-traitants, cette preuve n'établit en rien la valeur de la créance de Cogerex qui aurait notamment dû, pour ce faire, produire l'ensemble des factures établissant l'existence de sa créance.
[Soulignement ajouté]
[255] Au regard du paragraphe 329, c'est précisément ce qui s'est produit pour les demandes de paiement 7 et 8. Les « approbations » données par Noreau n'ont pas résulté en des certifications de Goyette au bénéfice de Cogerex. Plus largement, Cogerex ne fait pas voir d'erreur manifeste et déterminante dans la décision à laquelle parvient la juge à l'analyse de cette preuve. Cogerex n'a prouvé, par preuve directe, ni la valeur des travaux exécutés à la fermeture du chantier, ni le bénéfice raisonnable perdu, ni son dommage.
[256] Pour ce qui concerne la réclamation pour travaux supplémentaires qui s'appuie sur le témoignage de Denis Tremblay, le juge conclut que cette preuve ne permet pas de cristalliser la réclamation de Cogerex [189] . Cette détermination n'est pas davantage affectée d'une erreur révisable.
[257] Reste la « preuve par présomptions de faits ».
[258] D'abord, la preuve d'un pourcentage de travaux conformes en date de la fermeture du chantier est exsangue et confuse. Cogerex attribue au contrat une valeur totale de 6 096 000 $ [190] . En supposant que 75 % des travaux ont été complétés à la fermeture du chantier, ce qui n'a pas été démontré de façon prépondérante [191] , la valeur des travaux complétés serait de 4 572 000 $.
[259] Les demandes de paiement 1 à 6 ont été payées : 1 824,005,39 $; les certificats de paiement des demandes 7 et 8 et les retenues contractuelles s'élèvent à 1 120 115,84 $, pour un total de 2 944 121,10 $. Ces sommes équivalent à près de 50 % des travaux en date du 31 octobre 2003.
[260] La preuve directe invoquée par Cogerex n'en est pas une. Or, « l'indice » avancé par elle ne permet certainement pas de postuler qu'entre le 31 octobre 2003 et la fermeture du chantier, des travaux conformes de 1 627 878 $ ont été complétés. Je tiens pour acquis qu'il y en a eus. Pour quelle valeur ? Plusieurs hypothèses peuvent être formulées. Chose certaine, il revenait à Cogerex de faire cette démonstration en l'absence de laquelle sa réclamation ne peut être acceptée.
[261] Cogerex se rabat enfin sur la pièce BNC-43.
[262] La juge estime cette preuve insuffisante :
[336] Quant à la Pièce BNC-43 dont se réclame Cogerex, elle ne constitue ni plus ni moins qu'un « tableau » que Lebel a confectionné et ne prouve rien, aucun document n'ayant été déposé à son soutien. Un tel tableau ne saurait dès lors cristalliser la créance que Cogerex tente de faire valoir.
[263] Lebel a abordé la pièce BNC-43 dans son témoignage, les 11 et 12 mai 2009. Cogerex ne nous réfère pas, dans son exposé, aux éléments de la preuve testimoniale qui appuieraient sa prétention. Le témoin a été entendu de nouveau le 27 mai 2009, dans la contre-preuve de Cogerex et de Axa. Cogerex n'en a pas profité pour solidifier le fondement de la pièce BNC-43.
[264] Au surplus, cette pièce a été confectionnée par une personne qui ne pouvait donner son opinion sur des questions litigieuses à l'égard desquelles il aurait été avantageux de faire entendre un expert, comme le souligne la juge.
[265] Enfin, Cogerex oublie que les créanciers peuvent exercer leurs droits hypothécaires seulement lorsque leur créance est liquide et exigible [192] , ce que cherchaient précisément à déterminer les recours instruits devant la juge de première instance.
[266] Ce moyen doit donc également échouer.
* * *
[267] Le résultat net de cet exercice demeure toutefois boiteux, de mon point de vue.
[268] En date du 31 août 2003, la demande de paiement numéro 6 mentionne que la valeur des travaux exécutés dépasse 2 000 000 $. Le 30 septembre, la demande numéro 7 y ajoute 817 169,35 $ [193] et la demande numéro 8, le 31 octobre suivant, 1 158 021,31 $ [194] . La question de savoir quelle était la valeur des travaux en date de la fermeture du chantier reste ouverte.
[269] Une conclusion demeure toutefois : la Ville et les administrateurs Perrier et Brissette ont laissé les travaux se poursuivre sans payer Cogerex, même des sommes qui auraient dû lui être versées en raison de la certification partielle des travaux postérieurs au 31 août 2003. Cogerex a notamment effectué le travail de coordination auquel elle s'était obligée, entre le 1 er septembre 2003 et le mois de décembre. Elle n'a jamais été payée.
[270] Si Complexe et les administrateurs poursuivis avaient suivi la recommandation de Noreau et suspendu les travaux, à la suite de la réunion du 9 septembre 2003, ils auraient rencontré l'entrepreneur pour clarifier le différend. Ils en auraient informé sans délai la BNC et auraient examiné avec elle une possible bonification du financement. Ou bien la difficulté aurait été réglée, d'une façon ou d'une autre, ou Complexe aurait fait cession de ses biens, faute de moyens financiers pour continuer [195] . Et Cogerex aurait pu résilier le contrat pour cause conformément au contrat de construction, être compensée pour les travaux exécutés, y compris un bénéfice raisonnable et une indemnité pour tout dommage en résultant [196] .
[271] Même dans les cas complexes, le juge du procès doit établir, lorsque cela peut être fait, la juste compensation de façon approximative [197] . La Cour mentionnait à ce sujet, dans Birdair :
[202] C'est un truisme de dire que, dans une situation comme celle de l'espèce, le sous-traitant a le fardeau d'établir, outre la faute du client, en l'occurrence l'entrepreneur, l'existence du préjudice qui découle de celle-ci. C'est à lui également que revient la tâche de quantifier le préjudice en question, d'une manière qui soit aussi exacte et précise que possible. Toutefois, cela ne signifie pas qu'une preuve par voie d'estimation ne puisse jamais suffire, au contraire. Ainsi :
L'entrepreneur prudent aura donc soin de maintenir des documents détaillés concernant l'utilisation de la main-d'œuvre, de l'équipement et des matériaux sur le chantier ainsi que des relevés établissant le détail des travaux effectués à chaque jour et le taux de production. Il doit être en mesure de démontrer quels sont les coûts attribuables à chacune des modifications puisque le fardeau de prouver les dommages lui incombe. La difficulté que peut éprouver l'entrepreneur à établir avec précision la valeur de ces coûts additionnels n'est toutefois pas un motif suffisant pour refuser de l'indemniser. Le tribunal peut procéder à cet égard au moyen d'une estimation des coûts , ce qui ne libère pas par ailleurs l'entrepreneur de faire en tout temps la preuve du lien de causalité entre les dommages réclamés et le défaut reproché au propriétaire. [198]
[Références omises] [Soulignement original]
[272] Par ailleurs, notre Cour « peut modifier le montant des dommages lorsque le montant accordé est <si excessivement bas ou si excessivement élevé qu'il doit constituer une estimation entièrement fausse des dommages> » [199] . Les dommages octroyés sont excessivement bas ici puisqu'il faut tenir pour établi que les travaux étaient complétés dans une proportion qui dépasse 50 %.
[273] Le contrat réserve 100 000 $ au poste des Contingences et 150 000 $ pour Administration et profit. Au 31 août 2003, 80 043 $ ont été réclamés et payés avec l'aval de Complexe sur ces deux postes (Contingences 40 043 $, Administration et profit 40 000 $). Le tout considéré, j'arbitrerais à 150 000 $ le montant additionnel dû à Cogerex, qui serait alors payé à hauteur d'environ 51 % du montant du contrat, ce qui ne prend pas en compte les réclamations pour travaux additionnels.
[274] Pour ces motifs, je propose de statuer sur les pourvois de la façon suivante :
[275] Dans le dossier d'appel numéro 500-09-020250-098 , accueillir le pourvoi de la Ville de Pincourt, à la seule fin de remplacer l'avant-dernier alinéa du jugement par le suivant :
CONDAMNE
la
mise en cause forcée,
Ville de Pincourt
, à payer à la
défenderesse,
Banque Nationale du Canada
, un montant de
1 824 000 $, avec intérêts courus et à courir sur telle somme
selon les termes de l'
Offre de financement
du 11 avril 2003, et
l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
[276] Avec dépens contre la Ville de Pincourt;
[277] Dans les dossiers d'appel numéros 500-09-020295-101 et al , rejeter les pourvois de Michel Perrier et Robert Brissette, sans frais;
[278] Dans le dossier d'appel numéro 500-09-020273-090 , accueillir le pourvoi de Construction Cogerex Ltée, avec dépens, aux fins de remplacer les premier et troisième alinéas du dispositif du jugement statuant sur la requête introductive en dommages amendée (500-17-021405-041) par les paragraphes suivants :
· ACCUEILLE en partie la Requête introductive d'instance amendée intentée à l'encontre des défendeurs Michel Perrier et Robert Brissette et de la mise en cause forcée - intimée Ville de Pincourt ;
[…]
· DÉCLARE que la créance de la demanderesse, Construction Cogerex Ltée , représente un montant de 1 283 051,74 $, soit le total des montants adjugés aux créances des sous-traitants visés par la réunion d'actions et identifiés au paragraphe [18] du présent jugement, et ce, après déduction des montants que la demanderesse a retenus pour son bénéfice et dont elle était redevable à certains d'entre eux, plus un montant de 150 000 $;
· CONDAMNE les défendeurs-intimés Michel Poirier et Robert Brissette et la mise en cause forcée - intimée Ville de Pincourt à payer solidairement à la demanderesse, Construction Cogerex Ltée, 1 283 051,74 $, incluant un montant de 150 000 $ auquel il faut ajouter l'intérêt et l'indemnité additionnelle prévus par la loi, depuis le 29 décembre 2003 [200] ;
[279] Par souci de cohérence, il y a lieu de remplacer le premier alinéa du dispositif du jugement statuant sur la requête pour mise en cause forcée de Ville de Pincourt par Banque Nationale du Canada par le suivant :
· CONDAMNE la mise en cause forcée, Ville de Pincourt , à payer à la demanderesse, Construction Cogerex Ltée , solidairement avec les défendeurs Michel Perrier et Robert Brissette , 1 283 051,74 $, soit 1 133 051,74 $ ventilé, en capital et intérêts, selon les modalités mentionnées aux conclusions des jugements que le Tribunal a rendus ce jour dans les dossiers suivants :
Dossiers |
Montant |
|
500-17-020216-043 |
46 288,44 $ |
(avec intérêt au taux légal
depuis le 8 janvier 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
500-17-020562-040 |
280 155,39 $ |
(avec intérêt au taux légal
depuis le 5 janvier 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
500-17-020563-048 |
120 304,65 $ |
(avec intérêt au taux légal
depuis le 22 janvier 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
500-17-020889-047 |
166 147,22 $ |
(avec intérêt au taux légal depuis le 13 janvier 2004 et majoré de
l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
500-17-020930-049 |
88 333,45 $ |
(avec intérêt au taux légal
depuis le 5 avril 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
500-17-021572-048 |
Nil |
|
500-17-022681-046 |
108 613,51 $ |
(avec intérêt au taux légal
depuis le 8 octobre 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
500-17-025080-055 |
17 546,32 $ |
(avec intérêt au taux légal
depuis le 23 février 2005 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
500-17-032613-062 |
194 391,02 $ |
(avec intérêt au taux légal
depuis le 8 décembre 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
500-17-033436-067 |
111 271,74 $ |
(avec intérêt au taux légal
depuis le 16 mars 2004 et majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'
article
|
Plus un montant de 150 000 $ auquel il faut ajouter l'intérêt et l'indemnité additionnelle prévus par la loi, depuis le 29 décembre 2003;
[280] Dans ce même dossier d'appel, je propose enfin de rejeter l'appel incident de la Banque Nationale du Canada, avec dépens.
|
|
|
|
LOUIS ROCHETTE, J.C.A. |
[1] Au paragr. 271 du jugement principal [le jugement].
[2] Dossiers d'appel 500-09-020295-101 à 500-09-020304-101.
[3] Dossier d'appel 500-09-020250-098.
[4] Dossier d'appel 500-09-020273-090.
[5] Ibid.
[6] À compter de juin 2002, il occupe le poste de directeur général de la Ville.
[7] Aux paragr. 37 ss. du jugement entrepris.
[8] Au paragr. 64 du jugement.
[9] Pièce BNC-13.
[10] Il s'agit du ministère des Affaires municipales et de la Métropole.
[11] Pièce VDP-2 c).
[12] Au paragr. 294 du jugement.
[13] Plutôt que comme directeur général représentant la Ville.
[14] Il s'agit de Denis Tremblay, un consultant spécialisé en coût dont les services ont été retenus pour évaluer ce qu'il en coûterait pour terminer le projet. Il en sera question un peu plus loin.
[15] Au paragr. 300 du jugement.
[16] Au paragr. 300 du jugement.
[17] Soit l'engagement de payer la valeur de 3 500 heures de location de glace.
[18]
Office municipal d'habitation de Québec c. Comité paritaire de
l'entretien des édifices publics de la région de Québec
,
[19]
Prud'homme c. Prud'homme
,
[20]
Chelsea (Municipalité de) c. Laurin
,
[21]
Ste-Anne-de-Bellevue (Ville de) c. Papachronis
,
[22]
Regroupement des CHSLD Christ-Roy c. Comité provincial des malades
,
[23]
Volaille du fermier inc. c. Éleveurs de volailles du Québec
,
[24]
Voir par exemple
R.K. c. Ackman (Succession d')
,
[25] P.L. c. Benchetrit , supra , note 22, paragr. 24.
[26] Regroupement des CHSLD Christ-Roy c. Comité provincial des malades , supra , note 22.
[27] Paragr. 279 ss.
[28] Paragr. 284 ss.
[29] Paragr. 286 ss.
[30] Paragr. 297 ss.
[31] Aux paragr. 300 à 309.
[32] Richard Lebel est un cofondateur de Construction Cogerex, il agissait comme gérant du projet de l'aréna de Pincourt.
[33] Serge Leduc est directeur de compte commercial à la Banque Nationale du Canada, il s'est occupé du dossier de financement de Complexe.
[34] Christian Bourque est syndic de faillite et comptable agréé; il a été approché dans le dossier pour dénouer l'impasse entre Cogérex et le Complexe.
[35] Et en l'absence de trois de ses administrateurs.
[36] Pièce BNC-56.
[37] Pièce ADM-10.
[38] Voir à ce sujet les paragr. 187 à 212 et 239 à 241 du jugement entrepris.
[39] Loi sur les compagnies , L.R.Q., c. C-38, art. 123.84. La loi actuelle précise qu'il doit s'agir du champ de compétence professionnel de cet expert, Loi sur les sociétés par action , L.R.Q., c. S-31.1, art. 121 (2).
[40]
Paul Martel,
Administrateurs de corporations sans buts lucratifs : le
guide de vos devoirs et responsabilités,
3
e
édition, Montréal,
Wilson et Lafleur, 2007, p. 85-86; Voir également pour l'obtention d'une
opinion juridique
St-Hilarion (Municipalité de) c. 3104-9364
Québec inc
.,
[41] Paul Martel, La corporation sans but lucratif au Québec : aspects théoriques et pratiques , vol. 1, édition sur feuilles mobiles, Montréal, Wilson Lafleur, 2011, p. 11-8.
[42] Stéphane Rousseau, « Sans frontières ? Les devoirs des administrateurs de sociétés par actions à la lumière de la jurisprudence récente », Cours de perfectionnement du Notariat, Chambre des notaires du Québec , 2006, EYB2006CPN24.
[43] Aussi appelée théorie de l'identification .
[44]
Voir sur la notion d
'alter ego
: Raymonde Crête et Stéphane
Rousseau,
[45]
Raymonde Crête et Stéphane Rousseau,
supra
, note 44, p. 120, paragr. 260. Voir aussi
Buanderie centrale de Montréal c. Ville de
Montréal
,
[46] Aux paragr. 177 à 179.
[47] Voir les paragr. 309 à 318 du jugement dont appel, reproduits ci-haut au paragr. [28].
[48] Au paragr. 318.
[49] Ce passage est reproduit de nouveau, par commodité.
[50] Voir les paragr. 310 à 314 du jugement reproduits au paragr. [28] de cet arrêt.
[51] Reproduit de nouveau par commodité.
[52] Au paragr. 245.
[53] Il s'agit du Complexe.
[54] Il en sera question lors de l'examen du pourvoi de Perrier et Brissette.
[55] Aux paragr. 186 et 237 ss. du jugement.
[56] Le dernier paragr. est reproduit de nouveau, par commodité.
[57] Loi sur les cités et les villes, L.R.Q. c. C-19, art 481 et 536, [L.C.V.].
[58] Il s'agit de 10 dossiers concernant « divers sous-traitants qui ont institué contre Cogerex et Axa Assurances Inc. (Axa), la compagnie d'assurance qui a émis un Cautionnement concernant le paiement de la main-d'œuvre et des matériaux , une Requête introductive d'instance pour réclamer les montants dus à la suite des travaux qu'ils ont exécutés sur le chantier de construction ».
[59] Cogerex.
[60] Dispositif du jugement, 3 e al.
[61] Le directeur du développement des loisirs de la Ville est également présent.
[62] Les coûts ventilés transmis à la BNC en février 2003 sont, en fait, amputés de plus de 800 000 $
[63] Clause 1.3.
[64] Clause 2.2.
[65] Au paragr. 61 de son jugement.
[66] Clause 1.1.1.
[67] Au paragr. 69 du jugement dont appel.
[68] Voir les paragr. 71 et 184 de son jugement.
[69] Voir le paragr. [59] de ces motifs.
[70] Au paragr. 69 du jugement.
[71] Au paragr. 67 du jugement.
[72] Au paragr. 70 du jugement.
[73] Au jugement dont appel.
[74] Ce paragr. est reproduit de nouveau, par commodité.
[75] Au paragr. 184 du jugement.
[76] Au paragr. 80.
[77] Aux paragr. 81-82.
[78] L'on réfère au procès-verbal de la réunion, pièce COG-31.
[79] Il faut comprendre que l'AHMP a contribué à hauteur de 500 000 $ à la mise de fonds initiale, mais n'a plus de liquidités.
[80] Au paragr. 82 du jugement.
[81] Soit un montant de 659 739,58 $.
[82] Au paragr. 187 du jugement.
[83] Précité, note 22.
[84] Que la juge estime tout autant responsable que Brissette de la situation à l'origine du litige, au paragr. 238.
[85] Au paragr. 240 du jugement.
[86] St-Hilarion (Municipalité de) c. 3104-9364 Québec inc ., supra , note 40 .
[87] En raison des gestes posés par son préposé.
[88]
St-Jean c. Mercier
,
[89]
Gravel c. Monnet
,
[90]
Art.
[91] Au paragr. 122 de son exposé.
[92]
En référence à l'art.
[93]
Au paragr. 133 de l'exposé, en référence à l'article
[94] Voir par exemple les paragraphes 92 et 120 de son exposé dans le dossier 500-09-020250-098.
[95]
Art.
[96]
Roy c. Caisse populaire de Percé
,
[97]
Mutuelle des fonctionnaires du Québec
c. Immeubles G.C. Gagnon inc.
,
1997
CanLII 10674,
[98] Au paragr. 244 du jugement.
[99]
Art.
[100] Ce paragr. est reproduit de nouveau par commodité.
[101] Il s'agit de Brissette.
[102]
Magasins à rayons
Peoples inc. (Syndic de) c. Wise
,
[103] Aux paragr. 265 et 266 du jugement entrepris.
[104] Au paragr. 191 du jugement.
[105] Au paragr. 76 de l'exposé des appelants.
[106] 5,3 M $, faut-il le rappeler.
[107] Au paragr. 216 du jugement.
[108] Au paragr. 92 de l'exposé des appelants.
[109] Au paragr. 95 de l'exposé des appelants.
[110] Au paragr. 218 du jugement. Soulignement ajouté.
[111] Au paragr. 107 de l'exposé des appelants.
[112] Ce dont la juge a cependant tenu compte.
[113] Au paragr. 117 de l'exposé des appelants.
[114] Au paragr. 123 de l'exposé des appelants.
[115] Loi sur les compagnies , L.R.Q., c. C-38. Elle a été remplacée en 2009 par la Loi sur les sociétés par actions , L.R.Q., c. S-31.1 [LSAQ]. Les événements qui nous concernent se sont déroulés en 2003 et 2004.
[116]
Art.
[117] Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.
[118]
Art.
[119] Peoples , supra , note 102 .
[120]
Voir aussi
Boucher c. Pitre
,
[121]
Méthot c. Banque fédérale de
développement du Canada
,
[122] Voir Peoples , supra , note 102, paragr. 57-58.
[123] Voir Peoples , supra , note 102, paragr. 63-64.
[124] De la Loi canadienne sur les sociétés par actions , L.R.C. 1985, c. C-44.
[125] Qui n'est pas applicable ici.
[126] Raymonde Crête et Stéphane Rousseau, supra, note 44, p. 395-396.
[127] Peoples , supra , note 102, paragr. 63.
[128] Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile , 7 e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 192, p .171.
[129] Ibid .
[130] Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, supra , note 128, no 193, p. 173.
[131] Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, supra , note 128, no 194, p. 173.
[132] Paul Martel, Administrateurs de corporations sans buts lucratifs : le guide de vos devoirs et responsabilités , supra , note 40, p. 85-86.
[133]
Alcar Holdings inc. c. Naimer
,
[134] Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, supra , note 128, no 118, p. 93-94.
[135] Brant Investments Ltd. c. KeepRite Inc. , (1987) 37 B.C.R. 65, 99 (Ont.H.C.).
[136] Paul Martel, « Fonctionement interne d'une société », dans École du Barreau du Québec, En treprises et sociétés , Collection de droit 2012-2013, vol. 9 , Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, 188.
[137]
Métromédia CMR Montréal inc. c. Johnso
n,
[138]
Art.
[139]
Banque de Montréal c. Bail Ltée
,
[140] Stéphane Rousseau, « Sans frontières ? Les devoirs des administrateurs de sociétés par actions à la lumière de la jurisprudence récente », Cours de perfectionnement du Notariat, Chambre des notaires du Québec , 2006, EYB2006CPN24.
[141] Voir par exemple au paragr. 206 du jugement dont appel.
[142]
Madeleine Cantin Cumyn,
[143]
Stéphane Rousseau, «La nature du devoir de prudence et diligence des
administrateurs de sociétés», dans
Assurances et gestion des risques
,
vol. 73(3), Montréal, HEC Montréal, Octobre 2005, p. 283;
Canuel c
Sauvageau,
[144] Au besoin, revoir les paragr. 63-64, 105 à 107, 109-110 et 115-116 de ces motifs.
[145]
Art.
[146] Paul Martel, La corporation sans but lucratif au Québec : aspects théoriques et pratiques , supra , note 41, p. 11-15.
[147] Ibid. , 11-14.
[148] Que la juge ne retient pas.
[149] Au paragr. 360.
[150] Au paragr. 363.
[151] Au paragr. 376.
[152] Jugement entrepris, paragr. 379 à 381.
[153]
Hébert (Succession de)
,
[154] Au paragr. 5 du jugement dont appel.
[155] Voir la note en bas de page no. 2.
[156] Au jugement entrepris.
[157] Dossier C.S.M. 500-17-021080-042. Ce recours a été lancé le 10 juin 2004 et se fondait sur le solde dû en vertu du contrat.
[158] Au paragr. 329.
[159] Au paragr. 330.
[160] Au paragr. 336.
[161] Il faut se référer au paragr. 20 du recours introductif amendé de Cogerex.
[162] Permission d'amender l'inscription en appel a été accordée le 15 février 2011.
[163] Soit le dossier 500-09-020273-090.
[164]
Garcia Transport Ltée c. Cie Royal Trust
,
[165] Garcia Transport Ltée c. Cie Royal Trust , supra , note 164.
[166] Il s'agit, en majorité, de frais conservatoires en rapport avec le chantier et de frais engagés en raison de l'abandon du projet.
[167] Selon les demandes formulées par Cogerex.
[168]
Léo Ducharme,
[169] Art, 2832 C.c.Q .
[170] Le contrat principal permet la libération progressive de la retenue, clauses 5.6.1- 5.6.2, lorsque le travail d'un sous-traitant ou d'un fournisseur a été exécuté avant l'achèvement substantiel de l'ouvrage.
[171] Au paragr. 18 de son recours introductif amendé.
[172] Exposé de Cogerex.
[173] Qui concernent 10 sous-traitants.
[174] Au paragr. 103 de l'exposé de Cogerex.
[175] Taxes incluses.
[176] Elle est reproduite dans les annexes communes des parties appelantes, p. 2251 ss.
[177] 500-17-021080-042.
[178] Au paragr. 227 de son exposé.
[179] Longtemps désigné cost plus method.
[180]
Birdair inc. c. Danny's Construction Company Inc.
,
[181] Clause 4.
[182] À la clause 5, 2e al. Voir aussi la clause 8.1.1 du contrat principal.
[183] Clause 7.2.1.
[184] Clause 7.2.5.
[185] Réf.
[186] Jugement dont appel, paragr. 128.
[187] Au paragr. 138.
[188] Reproduits ci-haut, paragr. [199].
[189] Aux paragr. 341 et 342.
[190] Au paragr. 201 de son exposé.
[191] Cogerex qualifie d'ailleurs cette preuve «d'indice».
[192]
Art.
[193] Taxes incluses. Au paragr. 98 du jugement principal.
[194] Au paragr. 113 du jugement. Selon le certificat de paiement numéro 8, les travaux exécutés s'élèvent à 2 559 549,00 $ en date du 31 octobre 2003.
[195] Ce que la Ville et les administrateurs ont nécessairement envisagé à ce moment.
[196] Clause 7.2.5 du contrat.
[197]
Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc.,
[198] Birdair inc. c. Danny's Construction Company Inc. , supra , note 180 .
[199]
Devoir inc. (Le) c. Centre de psychologie préventive et de développement
humain GSM inc.,
[200] Conformément à la décision rendue le 15 février 2011 par un juge de la Cour accueillant la requête de Cogerex pour amender l'inscription en appel amendée.