Dabo (Ibrahima Dabo, Avocat) c. Poulin (Gestion impôt MP inc.)

2013 QCCQ 11929

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

No :

200-32-056020-125

 

 

 

DATE :

3 octobre 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. [JG-2320]

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ME IBRAHIMA DABO , FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM DE Ibrahima Dabo, avocat

208C-1379, chemin Ste-Foy

Québec (Québec) G1S 2N2

 

Demandeur

c.

 

MARC POULIN, FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM DE GESTION IMPÔT MP INC.

540, des Perdrix

Lévis (Québec) G6V 3H4

 

Défendeur

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Me Ibrahima Dabo réclame de M. Marc Poulin, faisant affaires sous le nom de Gestion Impôt MP inc. (« MP inc. »), le paiement de sa note d'honoraires du 10 janvier 2012 totalisant 2 321,91 $.

[2]            M. Poulin refuse de payer cette somme. Il explique qu'il n'a pas personnellement retenu les services de Me Dabo. Au surplus, Me Dabo n'était pas qualifié pour le représenter. Son travail de plaideur au procès a été, selon lui, lamentable.

Question en litige :

[3]            M. Poulin doit-il payer ou non la somme que lui réclame Me Dabo?

Les faits :

[4]            Me Dabo est avocat inscrit au Tableau de l'Ordre depuis décembre 2009. Il indique sur sa carte d'affaires qu'il est avocat, plaideur et conseiller.

[5]            MP inc. est une personne morale légalement constituée qui fournit des services conseils en fiscalité. M. Poulin est le seul actionnaire et administrateur de MP inc.

[6]            M. Poulin et Me Dabo se connaissent depuis au moins décembre 2010. M. Poulin réfère d'ailleurs des clients à Me Dabo.

[7]            À cette époque, MP inc. poursuit M. Michel Goulet et Michel Goulet inc. (collectivement « Goulet ») pour ses honoraires professionnels totalisant 29 384,98 $.  MP inc. prétend que Goulet a accepté de lui payer des honoraires à pourcentage de 20% de toutes sommes épargnées, ce que Goulet nie.

[8]            En mai 2011, M. Poulin confie à Me Dabo le mandat de le représenter et de représenter MP inc. dans sa poursuite contre Goulet.

[9]            Le 31 mai 2011, Me Dabo transmet à M. Poulin une convention d'honoraires professionnels, laquelle prévoit que M. Poulin confie à Me Dabo le mandat de se substituer à Me Caroline Gagnon dans le dossier contre Goulet afin de représenter ses intérêts et ceux de sa compagnie MP inc. Cette convention prévoit des honoraires extrajudiciaires de 100 $ l'heure. M. Poulin ne signe pas cette convention.

[10]         Le 26 octobre 2011, Me Dabo écrit à MP inc. et Marc Poulin une lettre confirmant son mandat suite à une entrevue de la veille. Il confirme le tarif horaire de 100 $ plus taxes et précise qu'il ne facture pas les entrevues ainsi que les entretiens téléphoniques. Enfin, il confirme que ses clients lui proposeront un tarif forfaitaire applicable seulement pour la journée de préparation de l'audition des 8 et 9 décembre 2011.

[11]         Le 30 novembre 2011, Me Dabo rencontre les différents témoins pour préparer l'audition.

[12]         Le procès contre Goulet se tient les 8 et 9 décembre 2011. MP inc. et M. Poulin doivent prouver la conclusion d'une entente de rémunération entre MP inc. et Goulet. Ils doivent également prouver que Goulet a atteint à leur réputation.

[13]         M. Poulin prétend que Me Dabo a fait preuve d'incompétence et d'un manque flagrant d'expérience à cette occasion. Selon lui, Me Dabo ne savait pas poser les questions ni comment formuler des objections. Sa plaidoirie n'a duré que neuf minutes. Il n'a pas attiré l'attention du juge présidant le procès sur des extraits de l'interrogatoire préalable de Goulet qui démontrent, selon lui, l'existence de l'entente de rémunération à pourcentage.

[14]         À la fin du procès, M. Poulin fait part de son insatisfaction à Me Dabo en lui mentionnant expressément qu'il ne lui paiera aucuns honoraires. Il déchire deux factures que Me Dabo vient de lui remettre, l'une au montant de 569,62 $ pour la préparation de l'audition et l'autre destinée à son fils, Marc-André Poulin.

[15]         Le 15 décembre 2011, l'honorable Anne Laberge, j.c. q . rend son jugement [1] . Elle conclut que les demandeurs n'ont pas rempli le fardeau de preuve qui leur incombe et n'ont donc pas prouvé que les parties ont conclu une entente de rémunération. Ce faisant, à défaut de preuve d'entente entre les parties sur le mode de rémunération applicable, elle l'établit selon la valeur des services rendus à 8 000 $.

[16]         Par ailleurs, elle rejette la réclamation des demandeurs pour des frais d'administration puisque aucune entente n'est intervenue à leur égard et rejette également la réclamation en dommages-intérêts pour l'atteinte à la réputation des demandeurs.

[17]         Le 10 janvier 2012, Me Dabo transmet sa note d'honoraires de 2 321,91 $.

[18]         Le 11 janvier 2012, M. Poulin répond par courriel à Me Dabo :

«  qu'aucun montant ne sera versé à un incompétent de votre calibre et je vous répète encore qu au retour de mes vacances je rencontrerai le syndic du barreau afin que vous cessiez de représenter de clients comme moi  ».

(reproduction intégrale)

[19]         Me Dabo dépose sa demande le 20 janvier 2012.

Analyse et motifs :

[20]         M. Poulin soulève d'abord un moyen préliminaire : Me Dabo ne poursuit pas la bonne personne. Il aurait dû, selon lui, poursuivre MP inc. pour qui il a rendu des services professionnels.

[21]         Le Tribunal constate que dans le dossier Goulet, les demandeurs sont M. Poulin et MP inc. La demande porte non seulement sur les honoraires dus à MP inc. mais également sur l'atteinte à la réputation tant de M. Poulin que de MP inc.

[22]         C'est M. Poulin, en son nom personnel et au nom de MP inc., qui a conclu un contrat de services professionnels avec Me Dabo [2] . D'ailleurs, M. Poulin rend ses services conseil en fiscalité par l'intermédiaire de MP inc.

[23]         Puisque M. Poulin et MP inc. ont contracté avec Me Dabo pour qu'il rende des services au bénéfice de l'entreprise de MP inc., la solidarité est présumée [3] . Ce faisant, Me Dabo peut s'adresser à MP inc. ou M. Poulin pour obtenir le paiement de ses honoraires. En effet, l'article 1528 C.c.Q. précise :

1528.  Le créancier d'une obligation solidaire peut s'adresser, pour en obtenir le paiement, à celui des codébiteurs qu'il choisit, sans que celui-ci puisse lui opposer le bénéfice de division.

[24]         Il appartiendra à M. Poulin de réclamer de MP inc. sa part dans les honoraires ainsi payés [4] .

[25]         L'objet d'un contrat de services est de fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à payer [5] . Le prix du service est déterminé entre les parties par le contrat ou encore, par les usages ou encore, selon la valeur du service rendu [6] .

[26]         Le Code de déontologie des avocats [7] ( le Code) prévoit que «  l'avocat doit demander et accepter des honoraires justes et raisonnables [8]   ». Les honoraires seront justes et raisonnables s'ils sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus [9] . L'avocat doit tenir compte notamment des facteurs qui sont énumérés à l'article 3.08.02 du Code pour déterminer des honoraires justes et raisonnables, à savoir :

a)      l'expérience;

b)      le temps consacré à l'affaire;

c)      la difficulté du problème soumis;

d)      l'importance de l'affaire;

e)      la responsabilité assumée;

f)       la prestation de services professionnels inhabituels ou exigeant une compétence ou une célérité exceptionnelles;

g)      le résultat obtenu;

h)      les honoraires judiciaires et extrajudiciaires prévus aux tarifs.

[27]         L'avocat a, envers le client, un devoir de compétence ainsi que des obligations d'intégrité, de diligence et de prudence [10] . Ainsi, l'article 3.01.01 du Code précise :

3.01.01.   Avant d'accepter de fournir un service professionnel, l'avocat doit tenir compte des limites de ses aptitudes, de ses connaissances ainsi que des moyens dont il dispose. Il ne doit pas, notamment entreprendre ou continuer la prestation d'un service professionnel pour lequel il n'est pas suffisamment préparé sans obtenir l'aide nécessaire.

[28]         M. Poulin reproche à Me Dabo son incompétence et son manque d'expérience. Il explique que le jugement de la juge Laberge découle directement de cette incompétence et de ce manque d'expérience.

[29]         Au moment où M. Poulin confie à Me Dabo le recours contre Goulet, M. Poulin sait que Me Dabo a peu d'expérience pratique. Il n'est membre du Barreau que depuis décembre 2009. D'ailleurs, le tarif horaire de Me Dabo reflète son peu d'expérience. M. Poulin ne peut donc s'attendre à avoir un plaideur aguerri.

[30]         M. Poulin reproche plus particulièrement à Me Dabo sa plaidoirie d'à peine neuf minutes lors de laquelle il n'a pas référé la juge au contenu de l'interrogatoire préalable de M. Goulet.

[31]         Le Tribunal a écouté la plaidoirie de Me Dabo. Elle est précise, concise et directe. Il est vrai que Me Dabo ne réfère pas le Tribunal à l'interrogatoire préalable de M. Goulet. Me Dabo explique que cet interrogatoire préalable ne contient pas d'aveu de M. Goulet de l'existence d'une entente de rémunération. Cela est exact. M. Goulet n'y reconnaît pas avoir conclu une convention de rémunération à pourcentage avec M. Poulin. Tout au plus aurait-il été disposé à payer la somme de 12 500 $ afin d'acheter la paix.

[32]         P uisque M. Goulet avait refusé de signer toute convention écrite avec M. Poulin, la juge Laberge devait déterminer si M. Goulet avait ou non accepté une rémunération à pourcentage. Elle conclut, sur la foi des témoignages, que tel n'est pas le cas. Elle écrit :

[77]  Les demandeurs n’ont pas rempli le fardeau de preuve qui leur incombait en vertu des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec concernant l’acceptation par les défendeurs d’une entente de rémunération.

[78]  Il n’y a pas d’entente de service signée et la preuve est contradictoire.

[79]  Il ne s’en dégage donc aucune prépondérance en faveur des prétentions des demandeurs qui avaient le fardeau de la preuve.

[80]  En pareilles circonstances, à défaut de preuve d’entente entre les parties en regard du mode de rémunération applicable, le Tribunal doit l’établir d’après la valeur des services rendus à savoir, le quantum meruit comme le prévoit l’article 2106 du Code civil du Québec.

[33]         Ainsi, le témoignage de M. Poulin ne permettait pas à la juge Laberge de conclure à un accord de volontés sur la rémunération de MP inc. La référence en plaidoirie aux passages pertinents de l'interrogatoire préalable de M. Goulet n'aurait rien changé à ce constat. Face à deux versions contradictoires, la juge Laberge a conclu que M. Poulin n'avait pas rencontré son fardeau de preuve.

[34]         M. Poulin reproche également à Me Dabo de l'avoir, en quelque sorte, « forcé » à poursuivre pour des frais d'administration de 12 000,16 $. Il précise qu'il n'a pas témoigné sur cet aspect lors du procès et que cette réclamation mal fondée en droit a irrité la juge Laberge.

[35]         M. Poulin oublie qu'il a prétendu devant la juge Laberge «  avoir discuté plusieurs fois avec le défendeur de ses frais d'administration  » [11] . Si la juge Laberge avait conclu à un accord entre les parties sur les frais d'administration, elle les aurait accordés.

[36]         Le Tribunal n'a pas été en mesure de constater les prétendues difficultés de Me Dabo dans la conduite du procès. Rappelons que l'avocat n'a qu'une obligation de moyens. En principe, il n'est pas tenu du résultat. La juge Laberge n'avait d'autre choix que de constater l'absence d'entente de rémunération. Peu importe la « performance » de l'avocat, le résultat aurait été vraisemblablement le même.

[37]         M. Poulin veux jeter tout le blâme de ce qu'il perçoit être un échec à Me Dabo.  M. Poulin devrait faire preuve d'autocritique. Me Dabo a fait état de ses tentatives de convaincre M. Poulin d'accepter les offres de Goulet pour régler le litige, en vain. Me Dabo a également témoigné du comportement de son client au procès. À cet égard, la juge Laberge écrit :

[91]  Le demandeur est responsable de sa propre turpitude, ayant décidé de réclamer aux défendeurs des honoraires abusifs.

[92]  Par ailleurs, il n’y a pas de preuve de diffusion de la défense notamment et il ressort du témoignage très crédible de madame Moreau, un désir clair de vengeance du demandeur à l’endroit du défendeur et une grande animosité que le Tribunal a pu observer pendant 2 jours.

[38]         Même si M. Poulin n'a pas réussi à prouver, par prépondérance de preuve, les causes de reproches qu'il a envers Me Dabo, le Tribunal doit examiner si les honoraires de Me Dabo sont justes, proportionnés et raisonnables dans les circonstances.

[39]         D'abord, le Tribunal note que Me Dabo renonce à réclamer la rémunération pour les cinq heures de travail consacrées à la préparation des témoins du 30 novembre 2011.

[40]         Ensuite, le Tribunal constate que M. Poulin bénéficie de conditions avantageuses puisque Me Dabo ne lui facture pas les heures de travail consacrées aux entrevues et aux entretiens téléphoniques. C'est une dizaine d'heures que Me Dabo ne facture pas.

[41]         Également, le tarif horaire de 100 $ est raisonnable puisqu'il est directement lié à l'expérience pratique limitée de Me Dabo, laquelle est à la connaissance de M. Poulin.

[42]         Enfin, le procès a duré deux jours et les demandeurs bénéficient après tout du jugement de la juge Laberge condamnant les défendeurs à leur payer 8 000 $.

[43]         Le Tribunal en conclut que le montant réclamé de 2 321,91 $, incluant les déboursés et les taxes applicables, est juste et raisonnable dans les circonstances.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la demande;

CONDAMNE M. Marc Poulin, faisant affaires sous le nom de Gestion Impôt MP inc., à payer à Me Ibrahima Dabo, faisant affaires sous le nom de Ibrahima Dabo, avocat, la somme de 2 321,91 $ avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 20 janvier 2012;

CONDAMNE M. Marc Poulin, faisant affaires sous le nom de Gestion Impôt MP inc., à payer à Me Ibrahima Dabo, faisant affaires sous le nom de Ibrahima Dabo, avocat, les frais judiciaires de sa demande, soit 103 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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PIERRE A. GAGNON, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

18 juin 2013

 



[1]     Gestion Impôt inc. et Marc Poulin c. Michel Goulet et Michel Goulet inc. , 2011 QCCQ 15783 .

[2]     Code civil du Québec («  C.c.Q. »), art. 2098.

[3]     Ibid., art. 1525.

[4]     Ibid., art. 1536.

[5]     Ibid. , art. 2098.

[6]     Ibid. , art. 2106.

[7]     R.R.Q., c. B-1, r.1 .

[8]     Art. 3.08.01 du Code.

[9]     Art. 3.08.02 du Code.

[10]    Art. 3.00.01 du Code .

[11]    Paragraphe 31 du jugement de la juge Laberge.