Vaillancourt c. Vinet

2013 QCCQ 12219

   JG2338

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

LOCALITÉ DE SALABERRY-DE-VALLEYFIELD

« Chambre civile  »

N° :

760-22-008202-130

 

 

 

DATE :

Le 4 septembre 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

 CÉLINE GERVAIS, J.C.Q

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ÉRIC VAILLANCOURT

Demandeur

 

c.

 

NORMAND VINET

Défendeur

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Il s'agit d'une action réclamant la somme de 23 149,76 $ à titre de solde de prix de vente, ainsi que des dommages-intérêts.

LES FAITS :

[2]            Le 26 septembre 2012 intervient entre Éric Vaillancourt et Normand Vinet une entente pour la vente d'un camion Freightliner, d'une remorque et d'un permis de camionnage en vrac, région 06, pour la somme totale de 77 000 $.

[3]            Il est prévu que le camion et la remorque sont vendus pour une somme de 60 000 $, alors que les droits, titres et intérêts de M. Vaillancourt dans le permis de camionnage en vrac sont cédés pour la somme de 17 000 $.  Le contrat prévoit qu'une somme de 5000 $ est payable le jour même.  On indique par la suite dans le contrat : solde payable : à déterminer.  La mention "à déterminer" a été ajoutée de façon manuscrite.

[4]            Dès le lendemain, un premier chèque de 5000 $ est remis à M. Vaillancourt.  Le solde de 55 000 $ pour compléter la vente du camion et de la remorque est payé par chèque en date du 18 octobre 2012.

[5]            Le solde de 17 000 $ pour l'achat du permis n'est jamais versé.  Par l'entremise de son procureur, M. Vaillancourt transmet une mise en demeure à M. Vinet en date du 19 novembre 2012 alléguant que celui-ci aurait changé d'idée et ne désirait plus prendre possession ni payer le permis de poste de camionnage en vrac.  La mise en demeure mentionne que dans la mesure où M. Vaillancourt a dû refuser quelques contrats de transport de marchandises puisqu'il devait réserver la priorité du permis à M. Vinet, il a encouru une perte, d'où une réclamation de 22 000 $.

[6]            L'action est déposée le 14 janvier 2013, et reprend essentiellement les mêmes allégations que la mise en demeure.  Monsieur Vaillancourt réclame de plus quatre paiements de 287,44$ représentant les cotisations mensuelles payées au poste de camionnage en vrac. 

[7]            Au cours de sa plaidoirie, le procureur de M. Vaillancourt a amendé sa déclaration pour réclamer également la cotisation du mois de mars, ainsi que la somme de 862,32 $, représentant, semble-t-il, trois mois de cotisations.  C'est donc dire que M. Vaillancourt réclame maintenant les cotisations payées entre les mois de septembre et avril 2013.

[8]            Dans ses moyens de défense oraux, M. Vinet allègue que c'est plutôt M. Vaillancourt qui a changé d'idée et qui a décidé de ne plus lui vendre son permis.  Par ailleurs, M. Vinet soumet que M. Vaillancourt ne peut réclamer à la fois le prix de vente du permis ainsi que la perte de revenus qui en découle.  Par ailleurs, lors de l'audition, le procureur de M. Vinet plaide également que jamais dans ses procédures ni même à l'audition M. Vaillancourt n'a-t-il formellement offert de lui céder le permis en contrepartie du paiement du solde de 17 000 $.

[9]            Il semble qu'après la signature de l'entente du 26 septembre 2012, M. Vaillancourt ait été à l'emploi de M. Vinet pendant un mois ou deux; dans son témoignage, il s'est dit fâché du fait que M. Vinet ne lui aurait pas fait conduire son ancien camion, mais plutôt des véhicules de moindre qualité.

[10]         Interrogé à l'audience quant aux détails du manque à gagner de 5000 $ réclamé, M. Vaillancourt indique qu'il n'a pas réellement refusé de contrats, et que le montant de 5000 $ représente plutôt une compensation pour le stress subi à cause de la situation; M. Vaillancourt dit être en possession d'un permis, mais ne plus avoir son camion, ce qui fait qu'il ne peut générer de revenus.

[11]         Il n'a pas été caché lors de la transaction que M. Vaillancourt était dans une situation financière difficile et que le prix de la vente du camion et de la remorque a servi à éponger ses dettes.

ANALYSE ET DÉCISION :

[12]         Monsieur Vaillancourt prétend que M. Vinet n'a pas respecté ses obligations en vertu de l'entente.  Est-ce le cas?

[13]         Pour sa défense, M. Vinet a fait entendre son fils Pascal, ainsi que l'un de ses employés qui ont tous deux confirmé que c'est M. Vaillancourt qui avait décidé de ne plus vendre son permis à M. Vinet, puisqu'il semblait avoir trouvé un autre acheteur.

[14]         Mais le témoignage le plus dévastateur est certainement celui de Germain Courval, contrôleur pour Transport en Vrac Salaberry Beauharnois.  Monsieur Vaillancourt est membre depuis le 21 janvier 2008 et son dossier indique qu'une demande de transfert de permis de camionnage en vrac à Pascal Vinet a été reçue le 10 octobre 2012; les documents à cet effet ont été signés le lendemain.  La demande a été transférée à la Commission des Transports du Québec, dès que M. Courval a reçu un document qui était manquant.

[15]         Cependant, le 13 octobre 2012, M. Courval a reçu une demande de M. Vaillancourt pour faire arrêter toutes les procédures, parce que la vente ne fonctionnait plus.

[16]         Pourquoi les procédures de transfert ont-elles alors été interrompues, alors que le prix de vente du camion a été payé en entier quelques jours plus tard?  La preuve ne le révèle pas, même si M. Pascal Vinet a témoigné du fait qu'il voulait obtenir un certain délai pour payer le coût du permis.

[17]         Le Tribunal retient donc de la preuve prépondérante qui a été présentée et surtout du témoignage objectif, impartial et indépendant de M. Germain Courval, que c'est M. Vaillancourt qui a demandé d'arrêter les procédures de transfert du permis.

[18]         Cette raison seule serait suffisante pour faire rejeter son action, mais il y a plus.  Les dommages réclamés pour manque à gagner n'ont absolument pas été prouvés; bien au contraire, les allégations de la requête introductive d'instance ont été contredites par le demandeur lui-même, qui n'a pas non plus démontré que la situation valait une compensation de 5000 $ pour le stress qu'elle aurait généré. 

[19]         Quant à l'omission d'offrir le permis en retour du paiement du prix de vente, elle est également fatale, puisqu'il est bien évident que M. Vaillancourt ne pourrait obtenir par jugement le solde du prix de vente du permis et conserver le permis en question.

[20]         Comme le mentionne le professeur Lamontagne :

"…pour réclamer le prix, le vendeur doit offrir le bien vendu à l'acheteur, s'il n'a pas déjà fait délivrance." [1]

 

[21]         Quant à l'argument de M. Vaillancourt à l'effet qu'il se sentait lié par les termes de l'entente et ne pouvait vendre son permis à une tierce personne, il existait une façon bien simple de résoudre la situation, qui était de mettre M. Vinet en demeure de procéder à l'achat du permis dans un certain délai, faute de quoi la vente de cette partie du contrat serait considérée comme étant résolue. 

[22]         L'obligation de M. Vaillancourt de minimiser ses dommages lui imposait d'agir ainsi, et l'article 1605 C.c.Q. lui donnait les moyens pour le faire :

1605.   La résolution ou la résiliation du contrat peut avoir lieu sans poursuite judiciaire lorsque le débiteur est en demeure de plein droit d'exécuter son obligation ou qu'il ne l'a pas exécutée dans le délai fixé par la mise en demeure.



[23]         Monsieur Vinet a requis dans sa défense que le Tribunal prononce la résolution partielle du contrat en ce qui a trait à la vente du permis de camionnage en vrac, ce qui est justifié afin que les relations entre les parties soient désormais terminées.

 

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

REJETTE l’action;

 

DÉCLARE résolue la vente des droits, titres et intérêts que détient Éric Vaillancourt dans un permis de poste de camionnage en vrac, tel que stipulé à l'entente du 26 septembre 2012;

 

LE TOUT avec dépens.

 

 

 

 

 

 

 

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CÉLINE GERVAIS, J.C.Q.

 

Me Jean-Guy Daigle

Me Jean-Guy Daigle, avocat

Procureur du demandeur

 

Me Sarto Brisebois

Me Sarto Brisebois, avocat

Procureur du défendeur

 

 

 

 



[1]     Denys-Claude LAMONTAGNE, Droit de la vente , 3 e éd., Éditions Yvon Blais, 2005, par. 314, p. 170.