Attalah c. Agence du revenu du Québec

2013 QCCQ 12479

COUR DU QUÉBEC

( Appel en matière administrative )

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre civile  »

N° :

500-80-016817-109

 

 

DATE :

 Le 7 octobre 2013

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SYLVIE LACHAPELLE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

JOSÉPHINE ATTALAH

 

Demanderesse

 

c.

 

AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

 

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Le 15 juillet 2009, la défenderesse, l'Agence du Revenu du Québec (« l'ARQ ») émet un avis de cotisation pour l'année d'imposition 2006 à l'égard de la demanderesse, Joséphine Attalah (« Mme Attalah »).

[2]            L'ARQ allègue qu'en décembre 2005, Mme Attalah a vendu un permis de taxi à son fils et qu'en vertu de l'article 422 de la Loi sur les impôts [1] («  LI ») le permis est réputé avoir été vendu à sa juste valeur marchande soit 200 636 $.

[3]            L'ARQ ajoute donc un gain en capital imposable de 53 960 $ aux revenus de Mme Attalah et, le 15 juillet 2009, émet un avis de cotisation qui prévoit que la somme due par Mme Attalah pour l'année 2006 est de 12 778,07 $ ( D-1 ).

[4]            Le 30 septembre 2009, Mme Attalah produit un avis d'opposition ( P-6 ) dans lequel elle indique que :

[5]            Robert [2] Attalah (« Robert ») ne pouvait obtenir de financement pour l'acquisition du permis de taxi, Mme Attalah, sa mère, a acquis le permis en son nom avec un contrat de prête-nom préalable à l'achat.  Il était entendu au préalable que dès que Robert obtiendrait du financement, le permis lui serait transféré selon le contrat qui avait été rédigé sans connaissance de l'avenir.  Mme Attalah précise qu'elle n'a jamais opéré le permis que seul Robert l'opérait et s'occupait de l'entretien du véhicule automobile.  Il est aussi indiqué à l'avis d'opposition que Mme Attalah n'a jamais travaillé et qu'elle est une mère de famille de quatre enfants.

[6]            Mme Attalah produit un document daté du 5 juin 2001 intitulé « contrat de vente » ( P-4 ) qui prévoit l'achat du permis du taxi pour 80 000 $.  Elle produit également un document intitulé « entente de prête-nom » daté du 1 er juin 2001 ( P-4 , page 3) et un document intitulé «contrat de vente » du 6 décembre 2005, d'un permis de taxi pour 90 000 $ ( P-4 , page 2).

[7]            Mme Attalah allègue qu'elle n'a pas vendu de permis, mais qu'en décembre 2005, elle l'a transféré au nom de Robert, son fils, en contrepartie d'un paiement de 90 000 $,  soit 80 000 $ pour le coût du permis, 5 000 $ pour perte de jouissance de l'argent et 5 000 $ pour les mensualités que Robert n'a pu honorer.

[8]            Mme Attalah a déclaré 10 000 $ de gain en capital et elle a été imposée sur cette somme.  Elle allègue qu'elle ne doit plus rien et demande l'annulation de l'avis de cotisation.

[9]            Subsidiairement, Mme Attalah plaide que la juste valeur marchande d'un permis de taxi en décembre 2005 était de 193 818 $ et non de 200 636 $.

[10]         Le 9 avril 2010, l'ARQ rejette les arguments de l'avis d'opposition et ratifie la cotisation, tel qu'il appert d'une copie de la décision sur opposition ( D-2 ).

[11]         L'ARQ plaide que le 5 juin 2001, Mme Attalah a acheté le permis de taxi au coût de 80 000 $, qu'elle a déclaré des revenus d'entreprise de taxi pour les années d'imposition 2000 à 2005 et que le 6 décembre 2005, elle a vendu le permis à son fils Robert pour un montant moindre que la juste valeur marchande.

[12]         L'ARQ soutient que Mme Attalah, qui s'est comportée comme la véritable propriétaire du permis de taxi envers elle, ne peut alléguer avoir agi comme prête-nom pour son fils.

[13]         Ce faisant, Mme Attalah fait croire à l'ARQ qu'elle est propriétaire de 2000 à 2005 et lorsqu'elle vend en 2005 elle oppose une contre-lettre selon laquelle elle n'aurait agi que comme prête-nom et elle déclare un gain en capital de 10 000 $.

[14]         Selon l'ARQ, il y a fractionnement du gain en capital parce que lorsque Robert vendra son permis, son profit sera moins important puisque la marge sera calculée non pas entre 80 000 $ et le prix de vente, mais plutôt à partir de 90 000 $ puisque Mme Attalah s'est imposée sur un gain en capital de 10 000 $.

[15]         Aussi selon l'ARQ, Mme Attalah et son fils Robert ont tiré un avantage fiscal pendant les années d'imposition 2000 à 2005 parce qu'ils ont fractionné leurs revenus.

Question en litige

[16]         En décembre 2005, y a-t-il eu vente du permis de taxi de Mme Attalah à son fils Robert et l'ARQ est-elle bien fondée de calculer le gain en capital sur la base de la juste valeur marchande du permis de taxi en application de l'article 422 LI  ?

Les faits

[17]         Après avoir entendu la preuve testimoniale et révisé la preuve documentaire, le Tribunal retient les faits pertinents suivants.

[18]         Mme Attalah se représente seule.  Elle est accompagnée de son comptable, M. André Morel (« Morel ») ainsi que de son fils Robert, lesquels ont témoigné lors de l'audience.

[19]         En 2001, Robert est étudiant et il travaille à temps partiel comme chauffeur de taxi.

[20]         Robert veut acheter un permis de taxi, mais son institution bancaire refuse de lui prêter les sommes requises.

[21]         Mme Attalah témoigne qu'elle offre à Robert de contracter l'emprunt à sa place et d'acheter le permis de taxi pour lui, à condition qu'il rembourse le tout.

[22]         Le 1 er juin 2001, Mme Attalah, son mari, M. Émile Attalah ainsi que Robert signent une entente de prête-nom qui se lit comme suit :


« Entre Joséphine Attalah et Robert Attalah

Attendu que Robert Attalah a essayé d'obtenir du crédit pour l'achat d'un permis de taxi A12 #1M-21347-001A et que la Caisse populaire a refusé le financement puisque Robert Attalah n'a pas suffisamment de crédit.

Attendu que Joséphine Attalah fera l'achat du permis pour Robert Attalah puisqu'elle peut obtenir le crédit de la Caisse populaire.

Attendu que Robert Attalah fera les paiements hebdomadaires du prêt à la Caisse populaire toutes les semaines.

Attendu entre les parties que dès que Robert Attalah pourra obtenir le prêt à son nom, le permis sera vendu à Robert Attalah au même prix payé plus la différence de la valeur de l'automobile si Joséphine Attalah doit changer la voiture.

Si pour une raison, Robert Attalah ne pouvait pas payer une semaine, Joséphine Attalah ferait le paiement à la Caisse populaire et les montants accumulés seront ajoutés à la valeur du transfert du permis ainsi qu'une compensation d'environ 5 000 $ pour la partie du comptant pour l'acquisition de celui-ci.

Attendu que le permis, la voiture ainsi que l'emprunt ne font pas partie de la succession de Joséphine Attalah en cas de décès.

Émile Attalah intervient au contrat pour reconnaître que le permis ne fait pas partie de la succession de Joséphine Attalah.

Signé à Dorval, le 1 er juin 2001

Par :_______________________
                     Joséphine Attalah

Par :_______________________
                     Émile Attalah

Par :_______________________
                     Robert Attalah »

[23]         Selon P-4 , qui est le contrat de vente du 5 juin 2001, Mme Attalah achète un permis de taxi au montant de 80 000 $.

[24]         Le 5 juillet 2001, Mme Attalah contracte un contrat de prêt à terme de 60 000 $ garanti par une hypothèque mobilière sur le permis, le véhicule automobile et les accessoires ( P-9 , page 15).

[25]         Mme Attalah et Robert témoignent que ce dernier opère le taxi et il rembourse sa mère à raison de 400 $ par semaine qu'il lui paie comptant.

[26]         Mme Attalah aurait déposé les sommes reçues, mais elle n'a pas les relevés bancaires des dépôts.

[27]         Par ailleurs, Mme Attalah produit les relevés du prêt bancaire où il apparaît qu'elle effectue des versements hebdomadaires de 422 $.

[28]         Selon Mme Attalah, Robert n'était pas en mesure de payer toutes les semaines :

« Des mois c'était plus difficile, des fois, il avait des examens ou encore il était malade. »

[29]         Dans ces cas, Mme Attalah payait à sa place et c'est d'ailleurs pourquoi elle lui réclamera, lors du transfert en 2006, 10 000 $ de plus que le prix d'achat du permis de taxi.

[30]         Il pouvait arriver à l'occasion lorsque Robert prenait des vacances par exemple qu'elle louait le véhicule automobile à un autre chauffeur pour rembourser la Caisse populaire ainsi que les dépenses habituellement assumées par son fils, tel le poste de taxi (stand fee), et elle déclarait la portion des revenus qui lui étaient versés à titre de propriétaire de la voiture.

[31]         Ainsi le 6 décembre 2005, parce que l'emprunt était presque terminé, Mme Attalah témoigne qu'elle transfère le permis à Robert, tel qu'il appert du document ( P-4 , page 2).

[32]         Le document P-4 intitulé « contrat de vente » prévoit que Mme Attalah vend à Robert un permis de la Commission des transports du Québec pour 90 000 $.

[33]         C'est ce document qui est ensuite transmis à la Commission des transports du Québec pour que le transfert soit enregistré.

[34]         Mme Attalah témoigne qu'elle a donné le mandat à son comptable Morel de préparer les déclarations d'impôt.

[35]         Morel complète les déclarations d'impôt pour la famille Attalah depuis 1985.

[36]         Morel est au courant que Robert voulait un permis de taxi, mais qu'il ne pouvait pas obtenir un emprunt.  C'est lui qui a conseillé Mme Attalah qui voulait aider son fils.

[37]         Morel suggère de prévoir un contrat de prête-nom.

[38]         Mme Attalah ainsi que Robert ont obtenu un numéro de TPS et de TVQ.

[39]         Robert témoigne qu'il payait la TPS et la TVQ tant pour lui que pour sa mère.  Il payait aussi toutes les dépenses usuelles pour le taxi, tels l'entretien et la réparation du véhicule automobile, les frais de poste taxi, l'essence, les assurances et l'inspection gouvernementale.

[40]         Robert évalue qu'il lui restait environ 200 $ par semaine du 900 $ brut qu'il gagnait après avoir payé toutes ces dépenses.

[41]         Morel témoigne qu’aux fins des déclarations d'impôt, toutes les dépenses assumées par Robert pour opérer le taxi sont déduites par Mme Attalah parce qu'elle était la propriétaire enregistrée du véhicule automobile.

[42]         Par ailleurs, comme Mme Attalah ne payait pas ces dépenses, Morel lui ajoute l'équivalent en revenus de location.  Il appelle cette opération comptable « in-out ».

« Tout ce qui était dépensé (par Robert) devenait un revenu pour madame Attalah, donc aucune de ces dépenses n'était en fait attribuée à madame Attalah.  Ces dépenses étaient remises en revenus à madame. »

[43]         Ainsi, Mme Attalah déduit en plus des dépenses énumérées plus haut les  dépenses reliées au véhicule taxi, soit les intérêts sur l'emprunt et l'amortissement.

[44]         C'est Mme Attalah qui réclame les intrants.

[45]         Robert déclare quant à lui ses revenus d'entreprise et déduit ses dépenses d'entreprise qui sont les frais de cellulaire, la taxe d'affaires et les frais de location du véhicule automobile.

[46]         Michel Kirouac (« Kirouac »), vérificateur pour l'ARQ depuis cinq ans, a consacré deux ans à faire la vérification des ventes de permis de taxis.

[47]         Lors de sa vérification, Kirouac remarque que le prix de vente du permis du taxi décrit à l'annexe « G » (gains en capitaux) de la déclaration d'impôt 2006 de Mme Attalah est beaucoup plus bas que le prix de vente d'un tel permis.

[48]         Kirouac précise qu'il n'a pas vérifié les déclarations d'impôt de l'époux de Mme Attalah.  Les seules déclarations d'impôts étudiées en 2006 sont celles de Mme Attalah et de Robert.

[49]         Comme c'est Mme Attalah qui est en vérification, Kirouac précise qu'il n'a pas vérifié, par exemple, si son époux a perdu des déductions depuis que Mme Attalah déclarait des revenus.  Son mandat se limite à vérifier le prix de vente du permis de taxi.

[50]         Le 4 mai 2009, Kirouac transmet une première lettre à Mme Attalah pour demander des détails concernant l'achat et la vente du taxi ( P-3 ).


[51]         Kirouac vérifie les revenus bruts que Mme Attalah a déclarés pour les années d'imposition 2001 à 2005, lesquels sont :

                                     2001                              7 344,00 $

                                     2002                            13 190,00 $

                                     2003                            14 088,00 $

                                     2004                            15 998,00 $

                                     2005                            13 638,00 $

[52]         Kirouac confirme que Mme Attalah déduit les dépenses de frais d'intérêts, de frais de véhicule automobile, d'honoraires et d'amortissement ainsi que la cotisation pour le poste taxi et qu'elle déclare les revenus nets suivants :

                                     2001                              1 556,00 $

                                     2002                              3 727,00 $

                                     2003                              1 246,00 $

                                     2005                              2 744,83 $

[53]         Morel a aussi regardé les déclarations de revenus de Robert qui déclare les revenus d'entreprise suivants :

Année fiscale

Revenus bruts d'entreprise

Dépenses

Revenus nets d'entreprise

2001

  6 250 $

   3 9 79 $

  2 271 $

2002

18 375 $

12 245 $

  6 130 $

2003

25 045 $

16 665 $

  8 380 $

2004

20 365 $

12 639 $

  7 726 $

2005

32 956 $

18 056 $

14 902 $

[54]         Morel confirme également que les dépenses de Robert sont limitées à la taxe d'affaires, aux frais de cellulaire ainsi qu'aux honoraires pour comptable et autres services.

[55]         Pour Kirouac, il est clair que si on ajoute les revenus bruts de Mme Attalah à ceux de Robert que ce dernier serait plus imposé.

[56]         Kirouac explique qu'en deçà de 10 000 $, un contribuable ne paie pas d'impôt.  Il donne l'exemple des revenus déclarés de Robert en 2001 de 6 250 $.  Si les montants déclarés de Mme Attalah sont ajoutés à ceux de Robert, les revenus de ce dernier seront nécessairement plus de 10 000 $.

[57]         Kirouac ajoute que Mme Attalah bénéficie en tant que propriétaire d'un crédit d'impôt pour le rajeunissement du parc automobile.  Ceci constitue, selon lui, un autre avantage. Mme Attalah a demandé un crédit d'impôt pour le rajeunissement du parc automobile taxi en 2004 de 16,44 $ et en 2006 de 52,06 $.

[58]         Après avoir pris connaissance des explications additionnelles fournies par Morel ainsi que des deux contrats de vente et de l'entente de prête-nom, le 11 juin 2009,   Kirouac soumet un projet de cotisation pour l'année d'imposition 2006.  Un montant de 53 960 $ est ajouté aux revenus de Mme Attalah.

[59]         Les explications concernant les changements sont les suivantes :

o    Le produit de base rajusté a été établi à 80 000 $ ;

o    Selon l'article 422 LI , les transactions entre personnes liées doivent se faire à la juste valeur marchande des biens sinon la loi le réputera ;

o    La juste valeur marchande d'un permis de taxi pour l'ouest de Montréal serait, selon la Commission des transports du Québec en 2006 de 200 636 $.

[60]         Ainsi, l'ARQ estime que Mme Attalah aurait dû déclarer un gain en capital de 120 636 $ (soit 200 636 $ - 80 000 $ = 120 636 $) dont 50 % est imposable, soit 63 318 $, duquel est déduit un montant de 6 358 $ déjà payé par Mme Attalah, créant un écart de 53 960 $.

[61]         En conséquence, le 15 juillet 2009, un nouvel avis de cotisation est émis, selon lequel Mme Attalah doit pour l'année 2006, 10 662,75 $ en capital plus 2 101,06 $ d'intérêts pour un total de 12 778,07 $.  Aucune pénalité n'est appliquée.

[62]         Mme Attalah prépare un avis d'opposition pour les motifs déjà exprimés ci-haut.

[63]         Kirouac témoigne que selon l'annexe « G », Mme Attalah a fait le choix de déclarer 6 358 $ en gain en capital.  Selon lui, Mme Attalah aurait aussi pu déclarer du revenu d'entreprise, mais elle aurait dû à ce moment payer la cotisation au Régime des rentes du Québec.

[64]         Finalement, Kirouac produit le tableau fourni par la Commission des transports du Québec ( D-7 ) qui indique que la valeur moyenne d'un permis de taxi en 2006 est de 200 636 $.

Arguments de l'ARQ

[65]         Lors de l'audience, l'ARQ souligne qu'elle agit dans ce cas à titre de cotiseur et non à titre de percepteur et, qu'en conséquence, le contrat de prête-nom lui est opposable.

[66]         Par ailleurs, selon l'ARQ, l'entente prévoit que c'est Mme Attalah qui agit à titre de  prête-nom pour l'achat d'un permis de taxi dont Robert serait le propriétaire.

[67]         Or, dans un tel cas, tous les revenus et les dépenses auraient dû être attribués à Robert, à titre de propriétaire.

[68]         Pour l'ARQ, Mme Attalah fait croire qu'elle est propriétaire pour ensuite opposer une contre-lettre selon laquelle c'est son fils qui l'aurait toujours été.  Or, en déclarant 10 000 $ de gain en capital, elle fractionne le gain en capital imposable. « Il y a un 10 000 $ perdu sur lequel Robert ne sera pas imposé lorsqu'il vendra son permis ».

[69]         Concernant le fractionnement des revenus entre Mme Attalah et Robert, l'ARQ retient du témoignage de Robert que son salaire atteignait environ 900 $ brut par semaine ce qui donne un revenu brut de 44 000 $ par année.

[70]         Or, Robert déclare en 2002, 18 375 $ alors que Mme Attalah déclare 13 190 $.  Pour l'ARQ, la seule piste de solution pour réconcilier les faits est d'additionner les deux revenus.

[71]         Enfin, l'ARQ plaide que Robert n'a apporté aucune preuve tangible qu'il était propriétaire et il n'a jamais soulevé l'entente de prête-nom avant l'avis d'opposition.

[72]         Mme Attalah soutient qu'elle n'a ni fractionné ses revenus ni fraudé l'impôt ajoutant qu'elle n'a fait aucun profit dans toute cette affaire et qu'elle n'a soutiré aucun avantage fiscal.

[73]         Mme Attalah argumente que lorsque Robert vendra son permis, il paiera nécessairement l'impôt sur la base d'une vente à plus de 200 000 $.  Selon elle, le 10 000 $ de différence a peu d'incidence sur l'impôt qui devra être payé lors de la vente.

[74]         Enfin, Mme Attalah réitère que la véritable intention des parties, tel que le prévoit la contre-lettre, est qu'elle a agi comme prête-nom pour son fils aux fins d'obtenir du financement.

Analyse et décision

[75]         L'ARQ invoque l'article 422 LI lequel se lit comme suit :

« Chapitre II - Contreparties insuffisantes et attribution de biens

422. Transactions réputées faites à la juste valeur marchande des biens -

Sauf disposition contraire de la présente partie, l'aliénation ou l'acquisition d'un bien par un contribuable sont réputées faites à la juste valeur marchande de ce bien au moment de l'aliénation ou l'acquisition, selon le cas, lorsque l'une des situations suivantes s'applique :

            a)  le contribuable l'acquiert par donation, succession ou testament, ou en raison d'une aliénation qui n'entraîne pas de changement dans la propriété à titre bénéficiaire du bien ;

b) le contribuable l'acquiert d'une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, pour un montant supérieur à cette valeur ;

c)  le contribuable l'aliène en faveur :

  i. soit d'une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, à titre gratuit ou moyennant une contrepartie inférieure à cette juste valeur marchande ;

  ii. soit d'une personne par donation entre vifs ;

  iii. soit d'une fiducie en raison d'une aliénation qui n'entraîne pas de changement dans la propriété à titre de bénéficiaire du bien ;

422.1 Transactions réputées faites à la juste valeur marchande -

Lorsque, à un moment quelconque, un contribuable aliène un bien pour un produit de l'aliénation, déterminé sans tenir compte du présent article, égal ou supérieur à la juste valeur marchande du bien à ce moment, une convention en vertu de laquelle une personne avec qui le contribuable a un lien de dépendance paie à titre de loyer, de redevance ou d'autre paiement pour l'usage ou le droit d'usage du bien, un montant inférieur à celui qui aurait été raisonnable dans les circonstances si le contribuable n'avait pas de lien de dépendance avec la personne au moment de la conclusion de la convention, le produit de l'aliénation du bien est réputé égal ou plus élevé des montants suivants :

a)   le produit de l'aliénation du bien, déterminé sans tenir compte du présent article ;

b)  la juste valeur marchande du bien au moment de l'aliénation, déterminée sans tenir compte de l'existence de la convention. »

[76]         Il y a également lieu aux fins de compréhension des principes établis par la jurisprudence de reproduire les articles 1451 et 1452 du Code civil du Québec [3] («  C.C.Q.  ») :

«  1451.  Il y a simulation lorsque les parties conviennent d'exprimer leur volonté réelle non point dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret, aussi appelé contre-lettre.

Entre les parties, la contre-lettre l'emporte sur le contrat apparent.

1452.  Les tiers de bonne foi peuvent, selon leur intérêt, se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre, mais s'il survient entre eux un conflit d'intérêts, celui qui se prévaut du contrat apparent est préféré. »

[77]         Référant à la décision Haeck c. Québec (sous-ministre du Revenu) [4] , l'ARQ reconnaît que dans la présente affaire, elle agit plus à titre de cotiseur que de percepteur et, qu'en conséquence, la contre-lettre lui est opposable.

[78]         Dans Haeck , la juge Côté s'est posé la question suivante :

« Le sous-ministre du Revenu est-il tenu de cotiser les contribuables sur la base de leur situation réelle divulguée lors de la production d'une contre-lettre ou peut-il se prévaloir d'une situation apparente qui lui est plus avantageuse ? »

[79]         La juge Côté a conclu que dans son rôle de « cotiseur », le sous-ministre devait s'assurer de la relation juridique véritable entre les parties et établir la cotisation en conséquence particulièrement dans le cas où les actes des contribuables n'auraient pas pour but de tromper le fisc.  Madame la juge Côté s'exprime ainsi aux paragraphes 30, 32 et 33 de sa décision :

« 30.  De l'avis du Tribunal, le rôle du sous-ministre n'est pas d'invoquer les contrats susceptibles de lui permettre de percevoir le plus d'impôt possible, mais bien d'établir l'impôt réellement dû en fonction des transactions faites de bonne foi et prouvées selon les exigences légales.

32.  Voilà donc où réside l'intérêt du sous-ministre lorsqu'il agit dans le rôle de cotiseur : cerner la relation juridique réelle entre les parties et cotiser celles-ci en conséquence.

33.  Par ailleurs, une fois l'impôt dû établi, il est normal que le contribuable ne puisse opposer au sous-ministre une contre-lettre ayant pour effet de l'empêcher de percevoir cet impôt.  Le sous-ministre est alors un tiers ayant intérêt à invoquer l'acte apparent pour sauvegarder les droits qu'elle détient contre le contribuable à savoir :

le droit d'obtenir, à même le patrimoine de ce dernier, le paiement de l'impôt réellement dû. »

[80]         Incidemment, quelques années plus tôt, la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Shell Canada limitée c. Canada [5] , sous la plume de madame la juge Beverley McLachlin établit que les tribunaux doivent tenir compte en matière fiscale de la réalité économique qui sous-tend l'opération en cause, sans égard à la forme juridique apparente de celle-ci, pourvu qu'il ne contrevienne pas à une disposition expresse de la loi et dans la mesure où elle ne constitue pas un trompe-l'œil. Ainsi, les rapports juridiques établis par les contribuables doivent être respectés par les tribunaux en matière fiscale.

[81]         Ce principe a également été mis de l'avant par la Cour d'appel dans Caplan c. sous-ministre du Revenu du Québec [6] .

[82]         Dans cette affaire, le contribuable a acheté un immeuble locatif à Toronto en 1989, lequel fut inscrit au nom de son fils par souci de commodité parce que ce dernier étudiait à Toronto et qu'il pouvait donc plus facilement s'occuper de l'immeuble.  Par ailleurs, c'est le père qui finance l'achat et assume la gestion et l'administration de l'immeuble.  Le fils agit donc à titre de prête-nom en vertu d'une entente verbale, c'est-à-dire, qu'il agit comme mandataire du père, qui est lui le véritable propriétaire.

[83]         C'est ce dernier qui perçoit et déclare les revenus locatifs.

[84]         Or, dix ans plus tard, l'immeuble est revendu à perte et le sous-ministre refuse les déductions pour cette perte au motif que l'immeuble appartenait au fils.

[85]         L'appelant soutient que l'intimée n'a pas lorsqu'il agit comme cotiseur l'option de choisir entre le contrat apparent et la contre-lettre.  Il lui faut plutôt rechercher l'intention réelle des parties. L'intimée doit selon l'appelant cotiser en fonction de la situation réelle du contribuable.

[86]         L'intimée, au contraire, considère qu'il est un tiers de bonne foi au sens de l'article 1452 C.C.Q.  et qu'il peut, en conséquence, se prévaloir de l'acte juridique qui lui est le plus avantageux.  En l'espèce, il se prévaut de l'acte apparent.

[87]         Pour l'intimée, la contre-lettre est, en l'espèce, une opération de trompe-l'œil.  Le but de l'appelant, selon l'intimée, était d'acheter un immeuble à revenu, de le revendre rapidement et d'en tirer un profit qui aurait été imposé comme gain en capital (flip).  En mettant l'immeuble au nom de son fils qui était étudiant, ce gain en capital aurait été imposé entre les mains de celui-ci qui aurait un revenu moindre, bénéficiant ainsi d'un taux d'imposition plus bas.

[88]         L'intimée ajoute que, si l'appelant avait dénoncé dès le moment de l'acquisition en 1989 l'existence de la contre-lettre, l'ARQ n'aurait pas été trompée ou induite en erreur.

[89]         Le juge Dufresne décide ainsi :

« 35.  S'il est exact que dans Shell Canada précité il n'y avait pas de contre-lettre, la Cour suprême du Canada y a réitéré qu'en l'absence d'une disposition expresse contraire de la loi ou d'une conclusion selon laquelle l'opération en cause est un trompe-l'œil, les rapports juridiques établis par les contribuables doivent être respectés par les tribunaux en matière fiscale.

36.  Ainsi, l'intimée devait tenir compte de la situation réelle de l'appelant, puisque la preuve non contredite établit que celui-ci n'a pas tenté de « jouer sur deux tableaux », en faisant valoir aux autorités fiscales tantôt le contrat apparent, tantôt la contre-lettre.  Le fils de l'appelant agissait à titre de mandataire de son père et en aucun moment, l'appelant ou le fils de celui-ci, n'ont invoqué le contrat apparent pour en tirer des avantages fiscaux. »

[90]         Enfin, le juge Dufresne fait valoir qu'un contribuable n'aura pas gain de cause si la preuve révèle qu'il a « joué sur deux tableaux » comme dans Québec (sous-ministre du Revenu) c. Dussault-Zaidi [7] :

Nous citons :

« 39. Dans l'arrêt Dussault-Zaidi, les juges majoritaires concluent que la prétention des intimés est mal fondée puisqu'ils n'ont pas informé le fisc de la situation réelle existant entre 1979 et 1986.  Parce qu'aujourd'hui les époux épargneraient de l'impôt si l'immeuble appartenait conjointement aux deux, on avise subitement le fisc que l'immeuble appartient effectivement aux deux époux. Les intimés cherchaient ainsi à « jouer sur deux tableaux » de façon à conserver toutes les options ouvertes, situation qu'on ne doit ni encourager ni tolérer, pour reprendre les mots du juge Chamberland (l'un des deux juges majoritaires) ».

[91]         Le juge Dufresne considère qu'au contraire de la situation dans l'arrêt Dussault-Zaidi , jamais dans Caplan , le fils de l'appelant n'a réclamé d'avantages fiscaux de son titre de propriété, non plus que la preuve ne révèle que l'appelant et son fils auraient « joués sur deux tableaux. »

[92]         Il ajoute :

42.  Par ailleurs, la preuve ne démontre pas qu'ils ont mis l'immeuble au nom du fils de l'appelant afin d'éviter de payer des impôts. Elle révèle plutôt que l'appelant a choisi de procéder à l'acquisition de cet immeuble au nom de son fils pour des raisons pratiques, comme son fils étudiait dans la région de Toronto où était situé l'immeuble en cause. Ce dernier pouvait ainsi plus facilement s'occuper de l'immeuble en résidant à proximité, alors que son père habitait à Montréal.  Les témoignages successifs du fils et de ses parents à cet égard sont demeurés non contredits.

45. Par conséquent, l'appelant a adopté la même position cohérente relativement au traitement fiscal de l'immeuble dont il était le réel propriétaire, alors que son fils agissait comme mandataire, tant durant la période où il en a été propriétaire qu'à la suite de la vente de l'immeuble.  En somme, il s'est en tout temps comporté envers le fisc comme le réel propriétaire de l'immeuble, n'essayant en aucun temps de « jouer sur les deux tableaux » en revendication tantôt les avantages qu'aurait pu lui conférer le contrat apparent, tantôt ceux de la contre-lettre.  Il s'en est toujours tenu envers l'intimée à faire valoir qu'il était le réel propriétaire, en invoquant de toute évidence la contre-lettre.  Rappelons, de plus, que tous les frais et dépenses associés à la conservation et à l'entretien de l'immeuble ont été assumés par l'appelant et non par son fils.

47.  La preuve prépondérante démontre que l'intention de l'appelant de procéder à l'acquisition de l'immeuble par l'entremise de son fils agissant à titre de mandataire est reflétée dans la contre-lettre et correspond dans les faits à la situation réelle maintenue en tout temps par l'appelant.  Dans le présent cas, la théorie du trompe-l'œil ne s'applique pas vu l'absence d'un élément de tromperie dans la façon dont l'opération a été réalisée.

51.  En somme, en l'absence de trompe-l'œil ou de tentative démontrée de la part du contribuable pour « jouer sur deux tableaux », l'intimée doit, conformément à l'arrêt Shell précité, cotiser en fonction de la situation juridique réelle entre les parties, quel que soit le contenu du contrat apparent ou de la contre-lettre. »

[93]         Enfin, dans un jugement du 25 octobre 2012 de la Cour canadienne de l'impôt [8] , M. le juge Rommel G. Masse a aussi appliqué le principe que les tribunaux doivent tenir compte de la véritable intention des parties et non du contrat apparent dans la mesure où elle ne constitue pas un trompe-l'œil.

[94]         Dans notre cas, il ne fait aucun doute dans l'esprit du Tribunal que Mme Attalah a acheté le permis pour son fils parce que ce dernier ne pouvait obtenir de financement.

[95]         Les témoignages de Mme Attalah, celui de son fils, ainsi que celui de Morel, comptable de la famille sont crédibles et très cohérents.

[96]         Il est aussi indéniable que c'est Robert qui travaillait comme chauffeur de taxi et qui voulait acquérir un permis.

[97]         Mme Attalah ne travaille pas et les relevés bancaires confirment qu'elle remboursait l'emprunt à la Caisse populaire à raison de 400 $ par semaine au fur et à mesure que son fils la payait.

[98]         Bien que cela ne soit pas documenté, le Tribunal n'a pas de raison de douter que  Robert remboursait sa mère 400 $ par semaine et qu'il payait aussi toutes les dépenses reliées au taxi, tels que Robert et sa mère ont convenu à la contre-lettre en contrepartie justement de l'aide de Mme Attalah qui a obtenu un emprunt.

[99]         Ceci est corroboré par Morel qui a préparé les déclarations d'impôt.  Ce dernier a prévu que si Robert payait les dépenses, qu'il ne prenait aucune déduction sauf celles reliées aux revenus d'entreprise.

[100]      C'est Morel qui a prévu que Mme Attalah déduirait les dépenses d'entretien, de réparation ainsi que de l'amortissement, mais qu'elle déclarerait l'équivalent en revenus de location de telle sorte que les entrées et sorties s'annulent.

[101]      C'est effectivement ce que démontrent les déclarations d'impôts de Mme Attalah de 2001 à 2005.

[102]      Quant à Robert, il déclare des revenus d'entreprise de 6 000 $ en 2001 qui augmentent d'année en année pour atteindre 32 956 $ en 2006.

[103]      Robert témoigne qu'il déclarait tous ses revenus, ce que l'ARQ met en doute.

[104]      L'ARQ soulève l'hypothèse que Robert aurait fractionné ses revenus parce selon son témoignage, il gagnait environ 900 $ par semaine, ce qui donnerait un revenu d'environ 40 000 $ par année.  Ainsi, L'ARQ soulève deux arguments : le premier étant que l'assiette fiscale aurait été réduite par le contrat de prête-nom parce que le gain en capital sur lequel Robert sera imposé lorsqu'il vendra son permis sera moindre de 10 000 $.

[105]      Le second, que les revenus de la mère n'étaient pas fictifs, mais était en fait une fraction des revenus du fils.

a)             L'assiette fiscale

[106]      L'ARQ suggère que le fait que la mère se soit déclarée propriétaire du véhicule de taxi réduit l'assiette fiscale due au manque à taxer de 10 000 $ de gain en capital.

[107]      Or, les impôts payés par la mère et le fils de 2001 à 2005 sont beaucoup plus élevés que le manque éventuel à taxer suggéré par le ministère.

[108]      Aussi, en déclarant des revenus lesquels seraient fictifs selon le témoignage de Mme Attalah, du fils Robert et du comptable Morel pour pouvoir déduire les dépenses encourues par le propriétaire du véhicule taxi, Mme Attalah fait ainsi perdre à son fils plus de  40 000 $, puisque ce dernier ne déduit pas ces dépenses, les revenus bruts et nets de la mère pour les années 2001 à 2005 étant les suivants :

Année          Revenus bruts                        Revenus nets              Dépenses déclarées

2001             7 344,00 $              -              1 556,00 $                      5 788,00 $

2002           13 190,00 $              -              3 727,00 $                      9 463,00 $

2003           14 088,00 $              -              1 246,00 $                    12 842,00 $

2004            - inconnu du Tribunal -

2005           13 638,00 $              -               2 744,83 $                   10 893,17 $

 

TOTAL:                                                                                            38 986,17 $

[109]      Le Tribunal prend aussi en considération que l'époux de Mme Attalah n'a pu déduire son épouse à charge en raison de cette déclaration au cours de ces cinq dernières années.

[110]      Ainsi, pour le Tribunal, l'un ou l'autre des explications ci-haut fait aisément contrepoids à l'argument de l'ARQ.

b)            Le caractère fictif des revenus déclarés par la mère

[111]      L'ARQ argumente que les revenus déclarés de Mme Attalah ne sont pas fictifs, mais qu'ils sont une fraction des revenus du fils.

[112]      Elle soulève l'hypothèse que la seule piste de solution pour réconcilier le fait que Robert gagnerait un revenu de brut d'environ de 44 000 $ par année est d'additionner les revenus déclarés par la mère à ceux du fils.

[113]      Or, la mère, le fils et le comptable ont, chacun à leur façon exprimé que tel n'était pas le cas.  La mère a témoigné qu'elle ne gagnait aucun revenu, le comptable a expliqué qu'il a indiqué des fictifs pour annuler les dépenses et le fils a témoigné qu'il déclarait tous ses revenus et ne déclarait aucune dépense.

[114]      En fait, les versions de ces trois témoins sont non-contredites et il ressort de la preuve que les revenus de Robert ont grandement fluctué en fonction de sa disponibilité.

[115]      Ainsi, en 2001, Robert travaillait à temps partiel parce qu'il étudiait. Il est probable que ses revenus à ce moment n'atteignaient pas 900 $ brut par semaine.

[116]      En 2005, c'est différent.  Robert a plus de disponibilité et il déclare effectivement un revenu près de 40 000 $ par année sans jamais déduire de dépenses à titre de propriétaire. Le témoignage de Robert est crédible et cohérent avec la preuve documentaire.

[117]      Pour le Tribunal, l'ARQ n'a pas réussi à prouver son hypothèse factuelle.

[118]      Ainsi, basé sur la preuve, le Tribunal conclut que Mme Attalah et Robert ne fractionnent pas leurs revenus.

[119]      D'ailleurs, cet argument n'est pas celui sur lequel l'ARQ a insisté lors de la preuve et de l'argumentation.

[120]      L'ARQ a plutôt insisté sur le fait que Mme Attalah « a fait croire à l'ARQ qu'elle était propriétaire du permis de taxi » pour ensuite exhiber une contre-lettre qui prévoit qu'elle n'agit que comme prête-nom dans le but de sauver de l'impôt sur son gain en capital.

[121]      Pour l'ARQ, en ayant agi ainsi, Mme Attalah tente de « jouer sur les deux tableaux ».

[122]      Le Tribunal n'est pas de cet avis.  Les faits de ce dossier sont très différents de ceux de la décision Dussault-Zaidi où on a conclu que le contribuable « jouait sur les deux tableaux. »

[123]      Mme Attalah, conseillée par Morel, a déclaré un gain en capital de 10 000 $ parce qu'elle a demandé à Robert de lui rembourser 5 000 $ qu'elle lui a prêté lorsqu'il ne pouvait pas payer ses mensualités, en plus de prévoir un montant additionnel de 5 000 $ pour la perte de jouissance de l'argent prêté.

[124]      Selon Kirouac, Mme Attalah aurait pu identifier cette somme additionnelle de 10 000 $ comme étant du revenu d'entreprise et, ce faisant, l'ARQ n'aurait pas conclu à un fractionnement de capital.

[125]      Soit, mais pour le Tribunal, il n'en demeure pas moins que l'intention des parties et leur projet sont clairs.

[126]      Ils ont retenu les services d'un comptable pour les conseiller en pareille situation.

[127]      Il semble toutefois que les connaissances et la compréhension de la fiscalité et des concepts de droit applicable requerraient une expertise que Morel ne possédait pas.

[128]      Or, la Cour se doit en tout temps de rechercher l'intention réelle des parties et pour ce faire, elle doit s'assurer que les gestes posés sont cohérents avec leur position.

[129]      La preuve prépondérante démontre que l'intention de Mme Attalah de procéder à l'acquisition d'un permis de taxi pour son fils qui travaille déjà à l'époque comme chauffeur de taxi est réflétée dans la contre-lettre et correspond dans les faits à la situation réelle.

[130]      C'est Robert qui a payé le permis de taxi en remboursant périodiquement sa mère, laquelle agissait comme prête-nom.

[131]      Dans le présent cas, Mme Attalah n'a pas trompé l'ARQ ni n'a « joué sur les deux tableaux » dans le but de fractionner le gain en capital.

[132]      Mme Attalah n'a tiré aucun avantage fiscal, ni aucune autre forme d'avantages pécuniaires d'ailleurs.  Elle a servi de prête-nom pour pouvoir emprunter l'argent requis puisque son fils n'avait pas de capacité d'emprunter.

[133]      Il appert également de la contre-lettre, rédigée en décembre 2001, que Mme  Attalah et son époux ont pris soin de prévoir que le permis de taxi soit exclu des biens de la succession.

[134]      Ainsi, le Tribunal conclut qu'il n'y a pas eu vente du permis à Robert en décembre 2005, mais que le permis a été transféré au nom de Robert alors que Mme Attalah agissait à titre de prête-nom et, en conséquence, il n'y a pas lieu d'appliquer la présomption de l'article 422 LI .

[135]      D'ailleurs, le Tribunal tient à souligner que bien que l'ARQ plaide que Mme Attalah tente de « jouer sur les deux tableaux », l'ARQ ne réclame pas de pénalité en vertu de l'article 1049 LI .

[136]      C'est donc dire que l'ARQ a décidé après étude du dossier qu'il ne s'agit pas d'un cas où le contribuable aurait sciemment ou par négligence flagrante fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration.

[137]      C'est ce que le Tribunal retient de la preuve.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la requête en appel d'une cotisation fiscale ;

ANNULE l'avis de cotisation portant le numéro MR193225C01 émis le 15 juillet 2009 ainsi que les intérêts s'y rattachant ;

LE TOUT AVEC DÉPENS.

 

 

 

 

__________________________________

SYLVIE LACHAPELLE, J.C.Q.

 

 

Demanderesse se représente seule :

 

Madame Joséphine Attalah

[…]

Dorval (Québec)  […]

 

 

Procureur de la défenderesse :

 

Me Michel Rossignol

LARIVIÈRE MEUNIER

3, Complexe Desjardins, secteur D221LC

C.P. 5000, succ. Desjardins

Montréal (Québec)  H5B 1A7

 



[1] L.R.Q. chap. I-3 ;

[2] Le Tribunal réfère aux prénoms seulement pour faciliter la lecture et non pas par familiarité ;

[3] (L.Q., 1991, c. 64.) ;

[4] 2001, J.Q. 8038 2002, R.D.F.Q. 73 (C.Q.) ;

[5] 1999, 3 RCS 622 ;

[6] 2006, J.Q. 11799, 2006, QCCA 1322 ;

[7] J.E. 96-1971 (C.A.) ;

[8] Dossier : 2011-2299 (GST) I ou 2013 CCI 17 ;