Beretta c. Frapco Corporation |
2013 QCCS 5253 |
JD 1648
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
IBERVILLE |
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N° : |
755-17-001407-116 |
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DATE : |
Le 28 octobre 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
ANDRÉ DENIS, J.C.S. |
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Nicolas Beretta |
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et |
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Sophie Buissonnet |
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Demandeurs / Défendeurs reconventionnels |
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c. |
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Frapco Corporation |
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Défenderesse / Demanderesse reconventionnelle |
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JUGEMENT sur action en dommages |
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I- Les procédures
[1] Dans une requête introductive d’instance amendée du 28 juin 2011, les demandeurs présentent une requête en jugement déclaratoire et une demande en dommages.
[2] Le volet jugement déclaratoire demande au Tribunal de déclarer que les demandeurs doivent à la défenderesse 7 561,53 $ en vertu du contrat P-2.
[3] Le volet dommages réclame à la défenderesse les sommes de 1 822,47 $ plus 7 000,00 $.
[4] Opérant compensation des sommes dues de part et d'autre, les demandeurs en arrivent à la conclusion que la défenderesse leur doit 4 514,14 $.
[5] Dans une défense et demande reconventionnelle du 17 janvier 2013, la défenderesse déclare qu’il reste un solde de 25 962,50 $ à payer sur ce contrat P-2.
[6] Se portant demanderesse reconventionnelle, elle présente une requête en délaissement forcé et vente sous contrôle de justice de l’immeuble des demandeurs pour la somme impayée.
II- Les faits
[7] La trame historique est relativement simple et convenue entre les parties. Le couple Beretta/Buissonnet acquiert un terrain à Saint-Jean-sur-Richelieu et souhaite y faire construire une résidence.
[8] Le couple achète une maison préfabriquée chez Maison Laprise et engage la défenderesse pour couler les fondations et installer le «kit Laprise» sur celles-ci (P-2). Le contrat est de 140 500 $.
[9] De cette somme, un montant de 50 000 $ est réservé pour qu’un ami du couple, M. Luc Truchon, assume notamment la finition intérieure de la maison.
[10] Le contrat P-2 est très sommaire d’où la demande en jugement déclaratoire des demandeurs de déclarer quels travaux cette réserve de 50 000 $ comprenait.
[11] La partie demanderesse fait entendre la représentante de la Caisse populaire, Mme Landry et M. Robillard, le conciliateur. Les demandeurs sont également entendus.
[12] La partie défenderesse fait entendre M. Pearson, son président, M. Truchon et M. Morin, l’excavateur.
Madame Diane Landry
[13] Représentante de la Caisse populaire, le témoin explique que les demandeurs ont obtenu un prêt hypothécaire pour construire leur maison.
[14] Elle dépose sous P-24 un échéancier des versements faits par la Caisse populaire au fur et à mesure de l’avancement des travaux de construction. La politique de la caisse est de retenir 15 % des sommes dues. Elle conserve encore à ce jour 7 000 $ payable à la défenderesse.
[15] Le témoin explique que «l’estimation budgétaire» annexée à P-2 et préparée par Frapco Corporation «Frapco» était en possession de la caisse depuis le début du projet. Les directives de paiement venaient des demandeurs, la caisse n’ayant aucun lien contractuel avec Frapco.
Monsieur Denis Robillard
[16] Le témoin est conciliateur chez Qualité-Habitation. Il est appelé par les demandeurs en août 2010 à la suite d’un conflit avec la défenderesse. D’une part, la défenderesse a cessé les travaux et d’autre part, les demandeurs veulent être rassurés sur la somme de 50 000 $ qui doit être réservée pour la finition intérieure.
[17] Le témoin dépose sous P-7 son rapport de conciliation.
[18] Après enquête, il constate qu’une partie du «kit» de Laprise est défectueux, ce qui est de la responsabilité des propriétaires. De fait, le pare-intempérie des murs préfabriqués est déchiré. Il faut le réparer avant de continuer les travaux de pose du revêtement extérieur.
[19] On réalisera que ces travaux correctifs peuvent être faits plus facilement que prévu pour 300 $ que les demandeurs assumeront.
[20] M. Robillard explique que le contrat P-2 utilisé n’est pas le bon contrat. Ce document est très sommaire et beaucoup de choses ont été convenues verbalement.
[21] «L’estimation budgétaire» annexée à P-2 est un document normal. Il est prévu au contrat que 50 000 $ sont réservés à la finition intérieure, ce que l’entrepreneur reconnaît sans problème.
[22] Maison Laprise offre un contrat clefs en main c’est-à-dire qu’elle installe son «kit». Les demandeurs refusent cette option et préfèrent «l’auto-construction». Malheureusement, il n’est pas clair dans les documents consultés par le témoin, de voir ce qui a vraiment été commandé à Laprise.
[23] Dans le contrat P-2, il est clair que l’excavation et la finition intérieure (à hauteur de 50 000 $) sont incluses. Mais la finition est la responsabilité du client. Le problème est qu’il n’est pas clair de préciser ce que comprennent ces 50 000 $ de finition. Est-ce que le plombier ou l’électricien sont compris et quels matériaux exactement? Les extras à un contrat sont par nature imprévisibles.
[24] Ainsi, les travaux au laser, l’excavation, le drain français ne sont certes pas des travaux de finition intérieure. Mais qu’en est-il de l’isolation des fenêtres, des fenêtres du sous-sol?
[25] Bref, un contrat boiteux à la base.
[26] Le témoin reconnaît que l’entrepreneur était justifié de ne pas continuer les travaux de revêtement avant que ce défaut de Laprise ne soit réparé.
[27] Dans son rapport P-7, le témoin résume l’entente entre les parties qu’il a réussi à faire accepter par tout le monde. Ainsi, la retenue de 15 % de la caisse sera payée et le 50 000 $ de finition intérieure est bien inclus dans le contrat et sera dépensé sous la direction et responsabilité des clients. D’autres détails mineurs sont convenus.
[28] Le témoin conclut que le litige entre les parties était beaucoup plus profond que le simple contrat D-6 (ou P-2).
Monsieur Nicolas Beretta
[29] Le témoin et sa conjointe souhaitent construire leur résidence familiale. Un ami de longue date, Luc Truchon, est menuisier mais ne possède pas de licence RBQ. Le couple souhaite lui confier la gestion de la construction car les demandeurs n’ont aucune compétence en la matière.
[30] M. Truchon rencontre M. Pearson de Frapco et le présente aux demandeurs. Le contrat P-2 est convenu pour 140 500 $ dont 50 000 $ sont réservés aux demandeurs pour la finition intérieure qui sera confiée à M. Truchon.
[31] Comme les demandeurs tiennent à la présence de M. Truchon, ce dernier devient une sorte de chef de chantier. La preuve ne précise pas son statut juridique exact. Le témoin affirme que M. Truchon est devenu l’employé de Frapco, ce que cette dernière nie.
[32] M. Beretta explique que la maison doit être livrée au 1 er septembre 2010 pour la rentrée scolaire des enfants. Les travaux débutent fin mai 2010.
[33] Fin juillet, à la veille des vacances de la construction, M. Truchon appelle le témoin pour lui dire que les murs du «kit Laprise» sont mal faits et que la maison ne supportera pas l’hiver. Une vérification montre que la crainte de M. Truchon n’est pas fondée.
[34] Le 16 août 2010, M. Truchon appelle à nouveau M. Beretta pour souligner un problème d’étanchéité des murs Laprise. Frapco stoppe les travaux et envoie la lettre D-7 où elle se dégage de toute responsabilité pour le défaut des murs Laprise. Elle annonce qu’elle ne peut continuer les travaux tant que Laprise n’aura pas «réparé le problème». Elle souligne que la date de fin des travaux ne saurait être respectée.
[35] Dans les faits, les travaux seront arrêtés huit jours.
[36] Les demandeurs font appel à un conciliateur de Qualité-Habitation, M. Robillard, qui suggère un correctif assumé par les demandeurs et exécuté par Frapco. Les travaux reprennent.
[37] Fin août, M. Truchon est licencié. Les demandeurs n’ont plus aucune confiance en lui.
[38] Le témoin explique que Frapco était payé par la Caisse populaire qui retenait 15 % des sommes dues.
[39] Frapco a soumis des factures pour des extras au contrat qui étaient totalement incompréhensibles. C’est pourquoi elles n’ont pas été payées. Le témoin reproche à Frapco d’avoir voulu gruger le 50 000 $ réservé à la finition intérieure.
[40] Le témoin conclut en soulignant que les dommages réclamés représentent les deux années d’enfer vécues par le couple à contester les chiffres et la réclamation de Frapco.
[41] En contre-interrogatoire, le témoin précise que Maison Laprise offrait l’installation clefs en main pour 200 000 $ alors que le «kit» n’était que de 80 000 $.
[42] La première préoccupation du couple, en retenant les services de Frapco sur la recommandation de M. Truchon, était de faire des économies : économies sur les frais d’installation de la maison, sur les frais d’assurance de la Société centrale d’hypothèques et de logements «SCHL», sur la finition intérieure, etc.
[43] Le témoin reconnaît qu’il a exigé des extras au contrat de Frapco mais il refuse de les payer car ils n’ont pas été justifiés correctement. Il n’a jamais demandé de chiffrer les extras avant de les exiger.
[44] Il reconnaît qu’il a notamment effectué les dépenses suivantes pour la finition intérieure : 27 000 $ pour les planchers, 14 000 $ pour la cuisine, 10 800 $ pour la fosse septique. Il reconnaît en outre que Frapco a payé 4 000 $ à l’excavateur Morin et que 7 000 $ sont toujours retenus à la caisse au nom de Frapco.
[45] Le témoin reconnaît que les travaux de Frapco ont finalement été effectués à son entière satisfaction.
[46] Il conclut : «je ne suis pas expert, mais je suis client et quand je ne suis pas content, j’exige!».
Madame Sophie Buissonnet
[47] Les parties s’entendent pour dire que Madame réitère substantiellement ce que son conjoint vient de dire. Elle ajoute quelques éléments.
[48] Le 50 000 $ du contrat avait été prévu pour la finition intérieure et la fosse septique. L’excavation n’en faisait pas partie.
[49] M. Pearson n’était pas d’accord avec la retenue de 15 % de la Caisse populaire. Il reste toujours 7 000 $ au compte pour Frapco.
[50] Elle attribue ses dommages au fait qu’un si beau projet se soit transformé en cauchemar notamment par l’enregistrement d’une hypothèque légale.
[51] Le témoin acceptera de payer les extras lorsque les «justificatifs» auront été fournis. Mais elle ne comprend pas pourquoi il y aurait des extras puisque le contrat P-2 n’en prévoyait pas.
Monsieur Michel Morin
[52] Le témoin est l’entrepreneur en construction retenu par les demandeurs pour les travaux d’excavation et d’installation d’un système d’épuration à leur résidence. Il prépare la soumission D-15.
[53] Le témoin fera l’excavation, mais non le système d’épuration, sa soumission n’ayant pas été retenue. Il explique qu’il n’a fait affaire qu’avec M. Beretta et qu’il ne connaît pas Frapco. D’où son étonnement quand il reçoit instructions de M. Beretta d’envoyer sa facture D-9 de 4 531,74 $ à Frapco.
[54] Il est aussi étonné de recevoir le 21 mai 2010 deux courriels de M. Beretta dont il importe de citer un extrait (P-29) :
Il y a une mésentente entre nous donc voici une petite précision concernant la gestion du projet. Je souhaite vous rappeler que le responsable du chantier est Francis Pearson. Ma seule responsabilité concerne le puits seulement. Car pour le reste, je ne suis pas un expert.
Francis est donc mandaté pour décider de l’ordre des opérations que ce soit pour l’excavation, la fosse septique ou tout le reste. Aucune décision concernant votre part du contrat ne doit être prise sans le consentement de Francis Pearson.
En effet pour ma part, je n’admettrai pas de devoir assumer des coûts supplémentaires pour des décisions qui n’auront pas été approuvées par mon chef de chantier.
Comprenez bien que je cherche à l’avenir éviter d’autres mésententes comme celle que nous avons connue avec la tranchée vers le puits.
Concernant le dossier excavation, bien que la facture ait été faite à mon nom, je ne suis pas votre maître d’œuvre et je ne suis pas celui qui réglera votre facture.
Maintenant je comprends que vous souhaitiez achever tous vos travaux au plus vite. Mais en relisant votre facture, il n’a jamais été écrit que vous vous engagiez à tout faire en même temps. Ce n’est pas cela notre entente.
De plus je n’apprécie pas qu’à tout bout de champ on brandisse d’éventuelles augmentations de prix si je ne vais pas entièrement dans votre sens.
Donc en conclusion, je désire vous rappeler que je suis le client et que le projet doit respecter les décisions de Francis.
[55] M. Morin ne comprend pas, mais envoie quand même sa facture à Frapco, laquelle est payée aussitôt.
Monsieur Luc Truchon
[56] Le témoin est menuisier. Ami des demandeurs, il contacte M. Pearson de Frapco qu’il connaît depuis longtemps.
[57] Les demandeurs veulent acheter une Maison Laprise mais veulent économiser sur l’installation. M. Pearson propose une soumission très avantageuse que les demandeurs acceptent. La soumission doit prévoir une somme de 50 000 $ pour la finition intérieure que M. Truchon réalisera. Le témoin n’a jamais vu le contrat P-2.
[58] La somme de 50 000 $ comprend les travaux de finition intérieure, l’excavation et le système d’épuration des eaux que M. Morin réalisera. Ces deux postes sont estimés à 15 000 $ et M. Beretta tient à ce que M. Morin les réalise.
[59] Les demandeurs tiennent absolument que M. Truchon participe au chantier : «tu seras nos yeux sur le terrain» dit M. Beretta.
[60] Maison Laprise offre un contrat clefs en main pour 199 000 $ (D-30). À cette somme, il faut ajouter le bois franc, la peinture, la fosse septique et le puits. M. Beretta préfère «contracter» lui-même pour économiser.
[61] Frapco retient ses services pour la finition intérieure. Malheureusement, M. Beretta congédie M. Truchon et lui enlève le contrat de finition intérieure. M. Truchon se retire du projet car M. Beretta a trouvé moins cher ailleurs.
Monsieur Francis Pearson
[62] Le témoin est entrepreneur général et dirigeant de Frapco qui se spécialise en construction résidentielle. Il connaît Luc Truchon qu’il emploie souvent comme sous-traitant.
[63] Celui-ci lui présente les demandeurs qui veulent acheter un «kit» de Maison Laprise et lui demandent une soumission pour couler les fondations et installer le «kit» Laprise. Sa soumission comprend les travaux montrés à l’estimé budgétaire D-4 annexé au contrat D-6 (ou P-2).
[64] La préoccupation première des demandeurs est de «sauver de l’argent» et que les travaux soient faits au meilleur coût. Dans un premier temps, le témoin offre de faire les travaux au prix coûtant majoré d’un pourcentage de 35 % («cost plus»). Les demandeurs refusent, ils veulent un prix à forfait.
[65] Sommairement, les travaux convenus dans le contrat P-2 seront d’installer le coffrage et les semelles, les murs de fondation, la charpente, le toit, le revêtement extérieur (le matériau étant fourni par Laprise), amener la plomberie et l’électricité, l’échangeur d’air, les fourrures, le gypse, tirer les joints et l’isolation.
[66] Il est entendu que Frapco installe tout le matériau fourni par Laprise. Il est aussi entendu que les demandeurs se réservent la finition intérieure qui sera exécutée par M. Truchon et que M. Morin, que le témoin ne connaît pas, s’occupera de l’excavation, de la fosse septique et du remblai. Une somme de 50 000 $ est réservée à ces fins dans la soumission.
[67] La date prévue de la livraison est le 1 er septembre 2010 mais est tributaire de la livraison du «kit» Laprise qui sera livré en retard. De même pour le revêtement extérieur qui était commandé mais non disponible à la signature du contrat P-2. M. Beretta reconnaît ces faits dans son courriel D-17.
[68] Au début des travaux, on réalise que le terrain est situé en zone marécageuse et M. Pearson suggère de surélever la maison, ce que les demandeurs acceptent. Au premier matin, l’employé de M. Morin arrive avec sa pelle mécanique, mais n’a aucune idée où creuser le trou.
[69] Cette étape de la situation de l’immeuble est cruciale. M. Truchon est absent, travaillant à un autre chantier. M. Beretta arrive et demande à M. Pearson de «gérer les fondations; tu seras payé». M. Pearson prend ses outils au laser et fixe les niveaux de construction qui sont prévus au «kit» Laprise. Le témoin précise : «Truchon n’est pas mon employé et je ne connais pas Morin».
[70] Les fondations sont coulées, mais l’employé de M. Morin met de la pierre partout et il faut l’enlever pour retirer les coffrages (extra). L’employé de M. Morin commet une autre erreur en inversant la pente du remblai. L’eau de pluie coule vers la maison au lieu de l’inverse. M. Pearson doit corriger les travaux (extra).
[71] M. Truchon insiste pour être présent sur le chantier à la demande de M. Beretta. M. Pearson accepte de l’engager puisqu’il s’occupera de la finition intérieure dont le budget est prévu au contrat. Au retour des vacances de la construction, M. Truchon refuse de renouveler sa licence et éventuellement, M. Beretta ne veut plus le voir sur le chantier. Sa présence comme employé de Frapco sera de courte durée.
[72] Avant de quitter son emploi, M. Truchon met en doute la solidité de la maison Laprise, ce qui met M. Beretta dans tous ses états et lui fait perdre confiance en M. Truchon.
[73] Survient par la suite la découverte du manque d’étanchéité des murs Laprise. M. Pearson arrête les travaux afin de trouver une solution. Les relations entre les parties s’enveniment. M. Pearson affirme que M. Beretta veut gérer à sa guise le contrat à forfait. Quand ça fait son affaire, il veut réduire le montant de 79 907 $ (avant taxes) qui revient à Frapco, mais ne veut pas accepter les extras qu’il commande.
[74] Le conciliateur Robillard intervient et le chantier reprend. M. Pearson souligne que M. Beretta est toujours présent, donne des instructions, s’emporte et «engueule» tout le monde. La situation est très tendue.
[75] Le témoin explique l’un des nombreux extras qu’il a dû assumer. Ainsi, les fenêtres ne sont pas incluses dans le «kit» Laprise car M. Beretta devait les avoir à un meilleur prix. Il semble que M. Truchon devait s’en occuper. Il ne le fait pas. M. Pearson doit les acheter. Le montant est pris à même le budget de 50 000 $ alloué à la finition intérieure (P-10).
[76] Même chose pour le coût de l’excavation faite par M. Morin que M. Pearson doit assumer bien qu’elle n’ait pas été prévue au contrat.
[77] M. Pearson précise que chaque fois qu’il faisait un extra, il l’expliquait à M. Beretta et que ce dernier ne faisait aucun commentaire.
[78] M. Pearson dépose sous D-31 un sommaire des coûts et extras laissant un solde dû de 25 962,50 $.
[79] M. Pearson souligne que les demandeurs ont tout fait pour économiser.
III- Discussion
[80] Il était évident que cette relation contractuelle finirait mal.
[81] Les demandeurs investissent toute leur fortune dans la construction de leur résidence familiale. Tout sera axé sur l’économie parfois au détriment du sens commun. Ce n’est pas un reproche, c’est un fait. Comme dit l’adage : «on en a toujours pour son argent».
[82] Les demandeurs refusent le projet clefs en main de Maison Laprise. Ils choisissent de gérer eux-mêmes le projet pour lequel ils n’ont aucune expertise ni connaissance. Ils le reconnaissent.
[83] Ils sont exigeants, anxieux, colériques et rien ne peut les satisfaire. Ils ne réalisent pas combien ils sont désagréables voire impolis.
[84] Ayant refusé le projet clefs en main, ils achètent un «kit» dont la preuve ne montre pas exactement ce qu’il contient. Ils mandatent leur ami Luc Truchon, charpentier-menuisier, pour trouver un entrepreneur qui acceptera de monter la structure. Un contrat intervient avec Frapco.
[85] Ils imposent M. Truchon comme leur représentant sur le chantier et le congédient peu après. Ils imposent M. Morin comme excavateur et refusent de payer sa facture et le déclarent incompétent.
[86] Ils n’ont aucune expertise, mais personne ne trouve grâce à leurs yeux. Tout le monde est incompétent. Comme le dit M. Beretta : «je ne suis pas expert, mais je suis client et quand je ne suis pas content, j’exige». Mme Buissonnet en parlant de la facture d’extras de M. Pearson dit : «sa putain de facture …».
[87] Une telle attitude ne pouvait qu’engendrer un climat délétère sur le chantier et nuire à son bon déroulement.
[88] Le contrat P-2, accompagné de l’estimation budgétaire est minimaliste et peut-être bancal, mais il permet de comprendre la volonté des parties.
[89] Il est fait pour un prix forfaitaire de 129 907,83 $ et une fois les taxes ajoutées, il est de 140 500 $.
[90] De ce 129 907 $, 50 000 $ sont réservés au travail de finition intérieure, d’excavation, de fosse septique et de remblai. La preuve est claire à ce sujet.
[91] Frapco recevra pour ses services 79 907 $ avant taxes pour les travaux décrits à l’estimation budgétaire D-4.
[92] Il était évident qu’il y aurait des extras. Ils ont été annoncés, expliqués et non contestés. Il est trop facile par la suite, lorsque l’effervescence des travaux est passée, de dire qu’on ne les a pas autorisés.
[93] Ces extras étaient d’autant prévisibles que les demandeurs répudient leur homme de confiance, M. Truchon, en plein milieu du chantier et font de même avec M. Morin qu’ils avaient imposé.
[94] La pièce D-31 est claire et les pièces justificatives sont déposées en preuve de la défense. La défenderesse a démontré sa réclamation de 25 962,50 $. Les crédits accordés aux demandeurs sont justifiés.
[95] La réclamation des demandeurs est rejetée. Le délai à livrer la maison, livrée le 29 septembre au lieu du 1 er septembre 2010, n’est pas imputable à la défenderesse. M. Beretta le reconnaît à D-17 où il repousse son déménagement au 24 septembre 2010.
[96] Il est évident que les demandeurs ont vécu une période de stress importante et le Tribunal est sensible à leurs difficultés. Cependant, la défenderesse n’en n’est pas responsable.
[97] Comme les demandeurs reconnaissent devoir des sommes d’argent à la défenderesse sans les déposer au dossier de la Cour, cette dernière était justifiée d’entreprendre des procédures de vente en justice.
IV- Intérêts et dépens
[98] Si les ennuis subis par les demandeurs leur sont largement imputables, il reste que la défenderesse lui a présenté un contrat inapproprié comme l’a souligné M. Robillard.
[99] La preuve montre également que les précisions fournies par la défenderesse ne l’ont été que lorsque le procès a été fixé en janvier 2013 et remis pour encombrement du rôle.
[100] Enfin, les précisions fournies à la pièce D-31 le sont en anglais qui n’est pas la langue du contrat et que les demandeurs ne maîtrisent pas parfaitement.
[101] Pour ces motifs, et utilisant la discrétion que la loi lui confie, le Tribunal mitigera intérêts et frais.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
[102] REJETTE l’action des demandeurs sans frais;
[103] ACCUEILLE la demande reconventionnelle de la compagnie Frapco;
[104] CONDAMNE les demandeurs à payer solidairement à la défenderesse 25 962,50 $ avec intérêts au taux légal, y compris l’indemnité additionnelle prévue à la loi à compter du présent jugement.
DANS L’ÉVENTUALITÉ OÙ LES DEMANDEURS NE RESPECTERAIENT PAS LES CONCLUSIONS CI-DESSUS DANS UN DÉLAI DE 90 JOURS :
[105] CONSTATE l’existence de la créance de la défenderesse;
[106] CONSTATE le défaut des demandeurs de payer la somme de 25 962,50 $ à la défenderesse;
[107] CONSTATE le défaut des demandeurs ou toute autre partie intéressée de remédier aux défauts conformément au préavis d’exercice d’un droit hypothécaire (Pièce D-12 en liasse) publié le 16 mars 2011 sous le numéro d’inscription 17 971 094;
[108] CONSTATE le refus des demandeurs de délaisser l’immeuble décrit ci-dessous dans le délai indiqué par la défenderesse dans le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire (Pièce D-12 en liasse) publié le 16 mars 2011 sous le numéro d’inscription 17 971 094;
[109] AUTORISE la vente sous contrôle de justice de gré à gré de l’immeuble ci-après décrit :
DÉSIGNATION
L’immeuble connu et désigné comme le lot rénové numéro trois millions neuf cent dix-sept mille trente-cinq (3 917 035) du cadastre du Québec et ayant maintenant une bâtisse dessus érigée portant le numéro civique […] , à Saint-Jean-sur-Richelieu, province de Québec, […] ;
[110] ADVENANT le défaut des demandeurs de délaisser l’immeuble ci-haut décrit dans le délai imparti :
i) ORDONNE l’expulsion des demandeurs de l’immeuble, ainsi que tous leurs biens, tels que prévus par la loi;
ii) CONDAMNE les demandeurs aux frais d’expulsion s’il y a lieu.
[111] ORDONNE aux demandeurs de délaisser l’immeuble décrit ci-dessus en faveur de la défenderesse afin qu’elle exerce la vente sous contrôle de justice prévue au Code civil du Québec dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours du présent jugement;
[112] ORDONNE que la vente soit effectuée selon les modalités suivantes :
Å
que Pietro Macera, huissier, ou toute autre personne de l’étude
de Macera et Associés, à titre d’officier, soit désigné pour procéder à la
vente de gré à gré de l’immeuble conformément à ce jugement et aux règles
prescrites par l’article
Å que la vente soit faite de gré à gré;
Å que l’officier puisse signer l’acte de vente;
Å que la rémunération de l’officier soit 150,00 $ l’heure;
Å que la mise à prix soit fixée à 125 450 $;
Å que le transfert de la propriété de l’immeuble vendu se fasse seulement lorsque le prix de vente ainsi que les taxes auront été payés en entier;
Å que l’officier donne mandat à un agent immobilier pour vendre l’immeuble, en considération d’une rémunération maximale, lors de la signature de l’acte de vente, de 5 % du prix de vente;
Å que la vente soit faite sans garantie légale;
[113] ORDONNE que l’acte de vente soit reçu par le notaire choisi par l’officier et que le prix de vente soit payé comptant au soin de ce notaire en fidéicommis;
[114] ORDONNE que les honoraires et déboursés de l’officier et la commission de l’agent immobilier soient payés et retenus prioritairement à même le prix de la vente;
[115] LE TOUT , sans frais.
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__________________________________ ANDRÉ DENIS, J.C.S. |
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Me Danielle F. Tremblay |
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Tremblay Bigler Thivierge Avocats |
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Pour les demandeurs / défendeurs reconventionnels |
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Me Patrick L. Toppetta |
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Cucciniello Calandriello Avocats |
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Pour la défenderesse / Demanderesse reconventionnelle |
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Dates d’audience : |
23 et 24 septembre 2013
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