Re/Max Alliance inc. c. Services immobiliers Commercials DP |
2013 QCCQ 13068 |
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COUR DU QUÉBEC « Procédure allégée » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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«Chambre civile » |
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N° : |
500-22-182318-116 |
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DATE : |
5 mars 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L'HONORABLE |
ANTONIO DE MICHELE, J.C.Q. |
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RE/MAX ALLIANCE INC., Personne morale légalement constituée en vertu de la L o i sur les sociétés par actions , ayant une place d'affaires au 3299, Beaubien Est, Montréal (Québec) H1X 1G4 |
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Demanderesse |
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c. |
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SERVICES IMMOBILIERS COMMERCIALS DP, Personne morale ayant une place d'affaires au 2175, rue de Monte-Carlo, Laval (Québec) H7K 3P1 et 9226-7202 QUÉBEC INC., Personne morale légalement constituée sous la partie 1 A de la Loi sur les compagnies , ayant une place d'affaires au 2375, rue de marsala, Laval (Québec) H7K 3X4 et GUDITTA BEATO , […], Laval (Québec) […] et GIUSEPPE BEATO , […], Laval (Québec) […] |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d'une réclamation de la demanderesse solidairement contre les défendeurs pour une somme de 16 661,53 $ taxes Incluses, le tout relativement à des faits survenus au cours de l'année 2010.
[2] Cette réclamation est contestée par les défendeurs.
Les parties
[3] La demanderesse est une agence immobilière et, en 2010, un dénommé Mario Conte (ci-après appelé « Conte ») est à son emploi à titre de courtier.
[4] La défenderesse Services Immobiliers Commercials DP est la raison sociale utilisée et enregistrée au nom de Domenico Perrone (ci-après appelée « Perrone »).
[5] La défenderesse 9226-7202 Québec Inc. (ci-après appelée « Québec Inc. ») est une personne morale constituée en corporation le 30 août 2010 dont les seuls actionnaires et administrateurs sont les co-défendeurs aux présentes Giuditta Beato et Giuseppe Beato (ci-après appelés soit « Giuditta » soit « Giuseppe » et collectivement les « Beato »).
Les faits
[6] Durant le cours de l'année 2010, les Beato qui sont en affaires, sont à la recherche de locaux industriels appropriés à leur commerce afin d'y déménager leur entreprise.
[7] À cette fin, les Beato ont retenu les services de Perrone à titre d'agent immobilier afin qu'il leur trouve un emplacement qui puisse satisfaire à leurs besoins.
[8] Il est à noter qu'aucun mandat écrit, ni de contrat de courtage écrit n'a été exécuté par Perrone et les Beato à cette fin.
[9] Au printemps 2010, n'ayant pas toujours trouvé chaussures à leurs pieds, le père des Beato, qui est une connaissance de Conte, informe ce dernier de la situation, c'est-à-dire la recherche d'un emplacement industriel par ses enfants, les Beato, et lui demande d'aider ses enfants à trouver un emplacement adéquat pour l'exploitation de leur entreprise.
[10] Ici également, il n'y a aucun mandat écrit, ni de contrat de courtage qui n'a été exécuté entre Conte et les Beato, ni avec leur père.
[11] Conte entreprend ses recherches et, finalement, décèle un emplacement situé au 7995, 14 ième Avenue, Montréal, arrondissement St-Michel (ci-après appelé St-Michel ») lequel, selon lui, pourrait satisfaire les exigences des Beato.
[12] Conte témoigne à l'effet qu'il a rencontré les Beato à leur place d'affaires avant la visite des lieux St-Michel, alors que les Beato prétendent que tel n'est pas le cas, puis-qu'ils prétendent avoir rencontré Conte à l'entrée de l'immeuble St-Michel seulement.
[13] Une visite de cet immeuble a néanmoins lieu le 7 mai 2010 par les Beato par l'entremise de Conte.
[14] À ce moment, les Beato déclarent avoir informé Conte qu'ils faisaient déjà affaires avec un autre courtier, sans mentionner le nom soit, la défenderesse Perrone pour les mêmes fins.
[15] Lors de son témoignage, Conte atteste que tel n'est pas le cas et n'avoir appris l'existence de Perrone qu'ultérieurement, soit le 17 août 2010.
[16] Les Beato visitent l'immeuble St-Michel avec Conte et, par la suite, demandent à Conte d'organiser une seconde visite avec leur entrepreneur en construction pour vérifier le coût approximatif des modifications qu'ils voulaient y apporter.
[17] Malheureusement, avant de pouvoir effectuer cette deuxième visite, l'immeuble est vendu à un tiers acquéreur.
[18] Les relations sont alors bonnes entre Conte et les Beato et le 28 juin 2010 (pièce P-2) Giuditta expédie un courrier électronique à Conte et lequel, quoique très court, est néanmoins très spécifique. Giuditta écrit « thanks for the update. Please keep looking and let us know if something comes up . »
[19] Conte continue d'effectuer des recherches et le 4 août 2010, alors que Perrone est en vacances jusqu'au 13 août 2010, Conte avise les Beato qu'une nouvelle inscrip-tion vient d'être mise sur le marché, laquelle correspond à leurs critères de sélection et il leur expédie même la fiche descriptive de cet immeuble situé sur la rue Magloire dans l'arrondissement St-Léonard de Montréal (ci-après appelé l'« immeuble Magloire »).
[20] Les Beato étant intéressés, une visite des lieux est organisée par Conte immédiatement pour le lendemain en après-midi, ce qui fut fait avec la présence de Conte et des Beato en plus du courtier inscripteur de la propriété.
[21] Le 10 août 2010, n'ayant toujours pas de nouvelle des Beato, Conte communique avec Giuditta lui demandant simplement leurs intentions relativement à l'immeuble Magloire (pièce P-5).
[22] Cette propriété intéresse les Beato et le même jour (pièce P-6), Giuditta en avise Conte et lui demande même de vérifier avec le vendeur si le prix de vente exigé est négociable, ce que Conte fait auprès du courtier inscripteur de l'immeuble Magloire.
[23] Toujours le même jour soit, le 10 août 2010, Conte communique à nouveau par courrier électronique avec Giuditta (pièce P-7) l'informant que l'agent inscripteur lui suggère de commencer par déposer une offre.
[24] Aucune offre n'est déposée par les Beato.
[25] Une semaine plus tard, Conte est avisé par le courtier inscripteur que les Beato avaient requis une seconde visite de l'immeuble Magloire mais avec un autre courtier soit, la défenderesse Perrone.
[26] Le courtier inscripteur avise alors la défenderesse Perrone, par courrier électronique en date du 17 août 2010 (pièce P-8), que les Beato avaient déjà antérieurement visité l'immeuble Magloire avec un autre courtier soit, Conte et cet avis a également été expédié à Conte par le courtier inscripteur.
[27] Environ une demi-heure avant de recevoir cette communication du courtier inscripteur, Conte avait lui-même communiqué avec Giuditta pour s'enquérir de leurs intentions relativement à l'immeuble Magloire (pièce P-16), courrier électronique du 17 août 2010 à 11 :23 heures am.
[28] Comme réponse (pièce P-16) à 11 :43 heures du même jour, Conte reçoit un courrier électronique de Giuditta l'informant que l'autre courtier avec qui ils transigeaient également (Perrone) est revenu de ses vacances et relativement à l'immeuble Magloire « .., we will be dealing with him going forward. We have not made any definite decision on this property (immeuble Magloire) yet but he will be handling our dossiers going forward ».
[29] En d'autres mots, les Beato licencient purement et simplement Conte en l'informant qu'ils vont continuer à regarder et transiger sur l'immeuble Magloire, non pas avec lui mais, avec et par l'entremise de Perrone.
[30] Comme seule réaction, Conte expédie à Giuditta le même jour à 5 :03 heures pm, un simple message électronique disant : « Judy, When you have a free moment kindly call me . » (pièce P-16).
[31] Conte, le même jour, expédie également un message électronique à Perrone (pièce P-11) lui demandant de communiquer avec lui relativement à cette situation des Beato et de la propriété de l'immeuble Magloire.
[32] Ce sont les seules démarches effectuées par Conte en plus d'une conversation téléphonique brève qu'il a eue avec Perrone sur le sujet, Giuditta n'ayant jamais donné suite à la demande de Conte de communiquer avec lui.
[33] Une deuxième visite de l'immeuble Magloire par les Beato a lieu par l'entremise de Perrone et une première offre d'achat est déposée par les Beato le 21 août 2010 (pièce DP-3) qui fut acceptée le 9 septembre 2010 et résiliée le 25 septembre 2010 (pièces DP-4 et DP-6).
[34] Une nouvelle promesse d'achat est effectuée par les Beato par l'entremise de Perrone le 16 novembre 2010 (pièce DP-9) signée par Giuseppe « for a corporation to be formed » soit la défenderesse Québec Inc. et le tout se concrétise par la signature d'un acte de vente notarié le 7 mars 2011 (pièce P-9) et Québec Inc. devient alors propriétaire de l'immeuble Magloire.
[35] Informée de la réalisation de cette transaction le 12 avril 2011, la demanderesse expédie alors une mise en demeure à la défenderesse Perrone et aux défendeurs Beato (pièce P-10), mise en demeure en vertu de laquelle la demanderesse leur réclame le paiement d'une somme de 16 661,53 $ représentant le montant que la demanderesse prétend qu'elle aurait dû recevoir suite à la transaction du 7 mars 2011 relativement à la propriété de l'immeuble Magloire.
[36] Naturellement, cette somme n'ayant pas été acquittée par les défendeurs, les présentes procédures ont été instituées par la demanderesse en vue d'en obtenir le paiement.
La position des parties
[37] Essentiellement, ce que la demanderesse
reproche aux défendeurs en général et aux défendeurs Beato en particulier est
d'avoir contrevenu à l'article
« 1375 . La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction. »
[38] Les reproches de la demanderesse à l'égard de la défenderesse Perrone sont à l'effet que cette dernière se trouvait à agir en contravention des règles les plus élémentaires de pratique et de déontologie régissant le courtage immobilier car, Perrone a tout de même persisté et a effectué la seconde visite de l'immeuble Magloire avec les Beato alors que la défenderesse Perrone savait que les Beato avaient été introduits à cette propriété par le représentant de la demanderesse, Conte.
[39] La demanderesse prétend qu'en agissant ainsi la défenderesse Perrone a commis une intrusion en toute connaissance de cause dans le cadre de démarches déjà entreprises visant la réalisation d'une transaction immobilière ou les parties sont déjà dûment représentées.
[40] La demanderesse soumet qu'en agissant ainsi la défenderesse Perrone a engagé sa responsabilité extra-contractuelle à l'égard de la demanderesse.
[41] Les reproches de la demanderesse à l'égard des Beato sont à l'effet que ces derniers ont agi de mauvaise foi à son égard, puisque dans un premier temps, ils n'ont jamais informé le représentant de la demanderesse Conte de leur relation et entente avec la défenderesse Perrone et, deuxièmement, en écartant sciemment la demanderesse et son courtier Conte de la transaction relativement à l'immeuble Magloire, les Beato et Québec Inc. ont agi de manière à priver la demanderesse de la rétribution à laquelle elle aurait eu droit et qui a été plutôt versée à la défenderesse Perrone soit, la rétribution de la somme de 16 651,53 $ taxes incluses qui est réclamée aux présentes. Quant à la défenderesse Québec Inc., il lui est reproché la même chose que les Beato selon la requête introductive d'instance précisée.
[42] Essentiellement, la demanderesse soumet que, de par le travail de son courtier Conte, elle est la cause efficiente de la vente de la propriété intervenue le 7 mars 2011 en faveur de Québec Inc. relativement à l'immeuble Magloire.
[43] Quant à la position des défendeurs Beato et Québec Inc., leur position est à l'effet qu'ils ont, de tout temps, agi de bonne foi à l'égard de la demanderesse et de son représentant Conte.
[44] De plus, ils soumettent que la cause efficiente de la transaction relative à l'acquisition de l'immeuble Magloire est due, non pas à la demanderesse ni à son agent Conte mais plutôt, au travail de la co-défenderesse Perrone.
[45] Ce sont les défendeurs Beato et Québec Inc. qui soumettent qu'aucun mandat écrit n'a été donné par eux ni à la demanderesse, ni au représentant Conte et, qu'ils avaient avisé ab initio le représentant de la demanderesse Conte de l'existence de leur relation avec la co-défenderesse Perrone, et dès le retour de vacances de ce dernier, ils ont immédiatement informé Conte de la fin de leur relation et que toutes démarches ultérieures seront effectuées par l'entremise de Perrone.
[46] De plus, ces défendeurs soumettent que la seule intervention de la demanderes-se et de son représentant Conte a été l'introduction des défendeurs Beato à la propriété de l'immeuble Magloire et que tout le travail subséquent qui est la cause efficiente de la réalisation de la transaction a été effectuée non pas par l'entremise de la demande-resse ni par son représentant Conte, mais plutôt par la co-défenderesse Perrone.
[47] De plus, les défendeurs Beato et Québec Inc. soumettent que, de par les agissements de la demanderesse et de son représentant Conte, aux dates pertinentes au présent litige et par l'absence d'objection et d'action après que Conte a été remercié de ses services par les Beato, la demanderesse et son représentant Conte ont de fait, tacitement, renoncé à tout droit qu'ils puissent prétendre relativement à une rétribution sur la propriété immeuble Magloire.
[48] Quant à la co-défenderesse Perrone, celle-ci soumet essentiellement qu'elle a agi de bonne foi dans le présent litige, que les co-défendeurs Beato et Québec Inc. lui ont confirmé, à son retour de vacances, qu'ils désiraient continuer leurs démarches par son entremise en ce qui concerne l'immeuble Magloire et, qu'elle n'a commis aucune faute ni civile, ni de nature déontologique ou autres pouvant engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de la demanderesse.
[49] De plus, la défenderesse Perrone soumet qu'il n'y a jamais eu de contrat de courtage exclusif octroyé par les défendeurs Beato et Québec Inc. à l'égard de la demanderesse et/ou de son agent Conte en ce qui concerne la recherche d'un immeuble pour l'aménagement de l'entreprise des défendeurs Beato.
Droit et discussion
[50] Comme le souligne l'auteur Henri Richard dans son livre, Le courtage immobilier au Québec : droits et obligations des agences, courtiers et clients [1] , à la page 244 :
« ... un courtier doit d'abord établir une relation de nature contractuelle avec son client afin de recourir à la théorie de l'« efficient cause of a sale » ».
[51] Même si règle générale dans le cas où un acheteur potentiel consulte un courtier immobilier en vue de se faire proposer une série d'immeubles en vente pour fin d'acquisition de sa part ne se conclut pas nécessairement par un contrat écrit avec ce courtier, n'empêche que, dans les circonstances de la cause qui nous concerne il y a, de fait, à tout le moins un mandat écrit qui est confié par les défendeurs Beato à la demanderesse et à son courtier Conte.
[52] Ce mandat écrit (pièce P-2) étant une communication électronique en vertu de laquelle la défenderesse Giuditta écrit à Conte « thanks for the update. Please keep looking and let us know if something cornes up . »
[53] En vertu de cet-te simple phrase, de fait, la défenderesse Giuditta donne mandat au représentant de la demanderesse, Conte de continuer à agir comme courtier pour le bénéfice des défendeurs Beato et, éventuellement, Québec Inc. afin de leur trouver un immeuble qui puisse les satisfaire.
[54] Ceci étant, la prochaine question que doit se poser le Tribunal est de savoir si, dans un tel cas, la demanderesse par l'entremise de son représentant Conte a été la cause efficiente de la transaction menant à l'acquisition de l'immeuble Magloire par les défendeurs Beato et Québec Inc.
[55] À cet égard, la théorie de l'« efficient cause of sale » a été énoncée pour la première fois dans l'arrêt Burchell c. Gowrie Blockhouse Collieries ltd . [2] Sur ce sujet Lord Atkison s'exprime comme suit :
« The answer to the second contention is, that if an agent such as Burchell was brings a person into relation with his principal as an intending purchaser, the agent has done the most effective, and, possibly, the most laborious and expensive, part of his work, and that if the principal takes advantage of that work, and, behind the back of the agent and unknown to him, sells to the purchaser thus brought into touch with him on terms which the agent theretofore advised the principal not to accept, the agent's act may still well be the effective cause of the sale. »
[56] Ce passage constitue le fondement de la théorie de l'« efficient cause of sale » soit, la notion de la cause efficiente en matière de courtage immobilier et, a été amplement suivi et repris par la suite par la jurisprudence québécoise.
[57] Tel que le souligne l'auteur Henri Richard [3] , à la page 243 :
« Lorsqu'une agence ou un courtier immobilier met en relation son client-inscripteur avec un promettant-acheteur et qu'une vente intervient, le Conseil privé conclut que cette agence ou ce courtier possède le droit à une rétribution puisqu'il représente la « cause efficiente», de cette vente, quoiqu'elle se réalise sans sa connaissance. »
[58] Ceci étant, l'auteur Henri Richard [4] continue à la page 246 du même ouvrage :
« ... il devient la cause efficiente d'une transaction lorsqu'il réussit à créer chez un acheteur une intention de transiger, dans ce qu'il est convenu d'appeler une relation commerciale . Cette intention devient évidente lorsque l'acheteur présente une promesse d'achat, en conséquence des efforts du courtier. Cependant, un courtier pourra aussi être considéré comme la cause efficiente d'une vente lorsque ses efforts sont court-circuités par la mauvaise foi du vendeur ou de l'acheteur. »
Le soulignement est par le Tribunal.
[59] Ceci étant, dans le litige qui nous concerne même si, postérieurement au retour de la défenderesse Perrone en juillet 2010, les discussions, négociations ou autres ont été menées par Perrone pour le bénéfice des défendeurs Beato et Québec Inc., le Tribunal conclut sans l'ombre d'un doute que la cause efficiente de l'acquisition éventuelle par les Beato et Québec Inc. de l'immeuble Magloire est due au fait que cet immeuble a été présenté aux Beato par le représentant de la demanderesse Conte et, n'eut été de ce fait, les défendeurs Beato et Québec Inc. n'auraient jamais eu un intérêt et, encore moins, une intention de transiger relativement à l'immeuble Magloire.
[60] Ainsi donc, l'application de la théorie de la cause efficiente permet au Tribunal de conclure que c'est la demanderesse, par l'entremise de son représentant Conte, qui est la cause efficiente de l'acquisition par Québec Inc. de l'immeuble Magloire.
[61] L'article
« 1375 . La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction. »
[62] Les circonstances entourant le litige dont est saisi le Tribunal, de l'ensemble de la preuve soumise devant le Tribunal tant testimoniale que documentaire, le Tribunal doute fortement que les Beato ont, de fait, transigé de bonne foi avec la demanderesse et son représentant Conte.
[63] Au contraire, le Tribunal conclut sans l'ombre d'un doute que les défendeurs Beato et Québec Inc. ont agi de mauvaise foi dans leur relation avec la demanderesse et son représentant Conte.
[64] Le Tribunal doute fortement pour ne pas dire qu'il ne retient pas le témoignage des défendeurs Beato lorsque ceux-ci déclarent avoir avisé le représentant de la demanderesse Conte de l'existence de Perrone dans leur recherche pour un immeuble industriel.
[65] Le Tribunal est plutôt convaincu que cette information a été transmise par les défendeurs Beato au représentant de la demanderesse Conte lors du retour de la codéfenderesse Perrone par un courrier électrique du 17 août 2010 (pièce P-16).
[66] Non seulement le représentant de la demanderesse Conte a introduit les défendeurs Beato à l'immeuble Magloire qu'ils ont éventuellement acquis, mais entre les mois de mai et août 2010, plusieurs immeubles ont été présentés aux défendeurs Beato par ledit Conte dont celui de St-Michel, pour lequel les défendeurs Beato avaient un certain intérêt mais ont été trop lents à agir en vue d'en obtenir l'acquisition.
[67] Est-ce que le représentant de la demanderesse Conte aurait mis tant d'effort et d'énergie pour trouver un immeuble satisfaisant pour les défendeurs Beato s'il avait su l'existence de la défenderesse Perrone ?
[68] À cette question, le Tribunal croit que la réponse doit l'être par la négative puis-que aucun contrat exclusif n'a été confié par les Beato à la demanderesse à cette fin.
[69] Néanmoins, même si les défenderesses Beato et Québec Inc. décident de faire affaires avec plusieurs courtiers immobiliers dans leur recherche, ils ne peuvent faire ce qu'ils ont fait aux présentes à savoir écarter purement et simplement le courtier qui leur a trouvé l'emplacement dont ils désirent se porter acquéreurs et dont ils deviennent éventuellement acquéreurs par un autre courtier indépendant du premier soit, la co-défenderesse Perrone
[70] En agissant de cette façon, les défendeurs Beato et Québec Inc. ont, sans l'ombre de doute, agi de mauvaise foi dans leur relation contractuelle avec la demanderesse et son représentant Conte.
[71] En faisant cela, les défendeurs Beato et Québec Inc. ont engagé leur responsabilité envers la demanderesse relativement à la perte subie par la demanderesse du fait des agissements des défendeurs Beato et Québec Inc.
[72] À cet égard, le Tribunal se réfère
également à l'article
« 1457 . Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.»
[73] Le seul recours général en vertu de
l'article
[74] L'article
[75] Pour ces motifs, le Tribunal conclut sans aucune hésitation que les agissements des défendeurs Giuditta et Giuseppe Beato ainsi que Québec Inc. étaient de mauvaise foi à l'égard de la demanderesse et de son représentant Conte et que, se faisant, ils ont privé la demanderesse de la rétribution à laquelle la demanderesse aurait eu droit relativement à l'acquisition éventuelle de l'immeuble Magloire.
[76] Ce faisant, leur responsabilité tant contractuelle qu'extra-contractuelle est engagée à l'égard de la demanderesse.
[77] Quant à la défenderesse Perrone, malgré le fait que la demanderesse allègue des fautes et des manquements déontologiques et de pratiques habituellement recon-nus en semblable matière, aucune preuve à cet égard n'a été effectuée par la deman-deresse faisant en sorte que le Tribunal conclut à l'absence de preuve et de respon-sabilité de la défenderesse Perrone à l'égard de la réclamation de la demanderesse.
[78] Néanmoins, le silence de la défenderesse Perrone au moment de la terminaison du mandat par les Beato auprès de la demanderesse et la réception par Perrone de l'avis reçu par le courtier inscripteur de l'immeuble Magloire à l'effet que ses clients, Beato avaient déjà procédé à une première visite de cet immeuble par l'entremise de Conte aurait dû provoquer chez la défenderesse Perrone beaucoup plus de prudence qu'elle ne l'a alors démontrée.
[79] Même si le Tribunal ne peut conclure à la mauvaise foi de la défenderesse Perrone à l'égard de la demanderesse, n'empêche que la preuve soumise devant le Tribunal démontre qu'il y a eu une certaine participation par le représentant de la défenderesse Perrone relativement à la terminaison du mandat de la demanderesse et de son représentant Conte, et comme tel, le Tribunal ne peut ignorer ce fait quant à l'attribution des dépens suite aux dispositifs du présent litige.
[80] Néanmoins, à la lumière de la preuve tant testimoniale que documentaire soumise, le Tribunal conclut que la demanderesse a fait défaut de relever le fardeau de preuve qui lui Incombe en ce qui concerne sa réclamation à l'égard de la défenderesse Perrone.
Dispositif
[81] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve soumise devant le Tribunal ;
[82] CONSIDÉRANT que cette même preuve ne démontre nullement que la défenderesse Services Immobiliers Commercials DP ait commise quelque faute que ce soit à l'égard de la demanderesse ;
[83] CONSIDÉRANT que le représentant de la demanderesse Mario Conte est l'agent qui a introduit les défendeurs Giuditta et Giuseppe Beato à la propriété sur la rue Magloire et qu'il a suscité un intérêt réel des défendeurs pour l'acquisition de cette propriété ;
[84] CONSIDÉRANT que le représentant de la demanderesse Mario Conte est de fait la cause efficiente de la transaction future menant à l'acquisition de la propriété l'immeuble Magloire par les défendeurs Beato ;
[85] CONSIDÉRANT que les défendeurs Giuditta Beato et Giuseppe Beato, le 17 août 2010, de façon unilatérale et de façon cavalière ont écarté le représentant de la demanderesse de toute autre implication future dans leurs démarches pour se porter acquéreurs de l'immeuble Magloire ;
[86] CONSIDÉRANT qu'il est alors impossible à la demanderesse d'intervenir plus amplement dans les démarches ultérieures effectuées par les défendeurs Giuditta Beato, Giuseppe Beato et 9226-7202 Québec Inc. quant à l'acquisition de cette propriété ;
[87] CONSIDÉRANT que les défendeurs Giuditta Beato, Giuseppe Beato et 9226-7202 Québec Inc. ont privé la demanderesse d'une rétribution équivalant à 2,5 % du prix d'acquisition de cette propriété soit, la somme 16 661,53 $ réclamée aux présentes ;
[88] CONSIDÉRANT que les défendeurs Giuditta Beato et Giuseppe Beato n'ont pas offert de compensation à la demanderesse et à son agent, Mario Conte pour les démarches que ce dernier a effectuées pour leurs bénéfices et, ultérieurement, pour le bénéfice de la défenderesse 9226-7202 Québec Inc. qui s'est portée acquéreur de l'immeuble Magloire ;
[89] CONSIDÉRANT que le Tribunal, de l'ensemble
de la preuve qui lui a été soumise, arrive à la conclusion que les défendeurs
Giuditta Beato, Giuseppe Beato ainsi que 9226-7202 Québec Inc. ont contrevenu à
l'article
[90] CONSIDÉRANT que le Tribunal conclut, sans l'ombre d'un doute, que les défendeurs Giuditta Beato, Giuseppe Beato ainsi que 9226-7202 Québec Inc. ont agi de mauvaise foi à l'égard de l'agent de la demanderesse, Mario Conte ;
[91] CONSIDÉRANT que les défendeurs Giuditta Beato, Giuseppe Beato ainsi que 9226-7202 Québec Inc. ont privé la demanderesse d'un revenu équivalant à la somme réclamée aux présentes ;
[92] CONSIDÉRANT l'ensemble de la doctrine, de la jurisprudence et les dispositions législatives applicables aux présentes ;
[93] CONSIDÉRANT les agissements de Perrone dans le présent litige à l'égard de la demanderesse en général et de son agent Mario Conte en particulier ;
[94] CONSIDÉRANT que le Tribunal a une discrétion certaine quant à l'octroi des dépens.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE sans frais la réclamation de la demanderesse contre la défenderesse Services Immobiliers Commercials DP.
ACCUEILLE la réclamation de la demanderesse contre les défendeurs Giuditta Beato, Giuseppe Beato et 9226-7202 Québec Inc.
CONDAMNE
les défendeurs Giuditta
Beato, Giuseppe Beato et 9226-7202 Québec Inc. solidairement de payer à la
demanderesse, le montant de la rétribution que la demanderesse aurait reçue
lors de la transaction de l'acquisition de l'immeuble de la rue Magloire n'eut
été de la mauvaise foi des défendeurs Giuditta Beato, Giuseppe Beato ainsi que
9226-7202 Québec Inc. dans le présent litige soit, la somme de 16 661,53 $,
taxes Incluses le tout avec intérêts au taux légal majoré de l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
LE TOUT avec dépens contre les défendeurs Giuditta Beato, Giuseppe Beato ainsi que 9226-7202 Québec Inc.
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Antonio De Michele, J.C.Q. |
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Me Catherine Beauséjour Picotte JANSON LARENTE ROY 7272, boul. Maurice-Duplessis Bureau 50 Montréal (Québec) H1E 6Z7 Procureure de la demanderesse |
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Me Dominique Gagné BROSSARD GAGNÉ AVOCATS 3020, boul. de Rome Bureau 3 Brossard (Québec) J4Y 1V9 Procureure de la défenderesse, Services Immobiliers Commercials DP |
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Me Harvey Shaffer SHAFFER & ASSOCIATES 4150, Sherbrooke Ouest 3 ième étage Montréal (Québec) H3Z 1C2 Procureur des défendeurs 9226-7202 Québec Inc., Giuditta Beato et Giuseppe Beato |
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Date d’audience : |
6 et 7 février 2013 |
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Autorités fournies par les parties :
Henry RICHARD , Le courtage immobilier au Québec : droits et obligations des agences, courtiers et clients, 3 e édition, Cowansville, Éditions Yvon Biais, 2010
Audrey LÉTOURNEAU et Mario NACCARATO (dir.), Courtage immobilier , Brossard, Publications CCH Ltée 2010
Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La Responsabilité Civile , 7 e édition, Éditions Yvon Biais, Volume 1, Principes généraux
Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie Vézina, Les Obligations , 6 e édition, Éditions Yvon Blais
Suzanne CÔTÉ et Julie GIRARD, La percée du voile corporatif. qu'en est-il 10 ans plus tard ?, EYB2005DEV1073
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[1] Henry RICHARD , Le courtage immobilier au Québec : droits et obligations des agences, courtiers et clients , 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Biais, 2010
[2] Burchell c. Gowrien Blockhouse Collieries ltd , [1910] AC 614
[3] Idem no 1
[4] Idem no 1
[5] Suzanne CÔTÉ et Julie GIRARD , La percée du voile corporatif : qu'en est-il 10 ans plus tard ? , Développements récents sur les abus de droit, EYB2005DEV1073, page 12