Goulet (Rénovation C. Goulet enr.) c. Maillé

2013 QCCQ 13225

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

JOLIETTE

LOCALITÉ DE

JOLIETTE

« Chambre civile »

N° :

705-32-012603-129

 

DATE :

17 octobre 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

DENIS LE RESTE, J.C.Q.

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CHRISTIAN GOULET, f.a.s.n. Rénovation C. Goulet enr.

Partie demanderesse

c.

JACQUES MAILLÉ,

Partie défenderesse

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JUGEMENT

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[1]            Le demandeur réclame 3 614,20 $ pour ses services de rénovation rendus au défendeur.

[2]            Le défendeur refuse d'assumer cette somme estimant que les travaux exécutés par le demandeur sont non conformes et qu'ils devront être refaits en totalité.  Il se porte demandeur reconventionnel et réclame 6 842,15 $ au demandeur.

 

LES FAITS:

[3]            Voici les faits les plus pertinents retenus par le Tribunal.

[4]            Le demandeur, Christian Goulet, œuvre dans le domaine de la rénovation domiciliaire par son entreprise Rénovation C. Goulet enr. depuis plus de sept ans.

[5]            Il effectue principalement des réfections de toiture, mais également la pose de revêtement extérieur et d'armoires de cuisine.

[6]            Il a obtenu le mandat d'effectuer les travaux chez le demandeur par le biais d'un ami.

[7]            Au départ, monsieur Goulet explique à monsieur Maillé qu'il s'agit d'un contrat de trop grande envergure pour lui et refuse le projet.  À plusieurs reprises par la suite, monsieur Maillé l'interpelle pour qu'il accepte d'effectuer les travaux chez lui.  Finalement, il accepte.

[8]            Le défendeur devait initialement procéder lui-même à l'achat des fenêtres.  Étant donné qu'une erreur s'est produite dans la fabrication de celles-ci, le projet a été retardé.

[9]            L'entente prévoyait, selon monsieur Goulet, que ses honoraires étaient payables à raison de 400 $ par jour plus taxes pour des journées d'environ huit heures.

[10]         Il estime avoir travaillé huit jours, ce qui totalise 3 679,20$ avec taxes.  Aussi, il ajoute qu'il a assumé au bénéfice de monsieur Maillé des déboursés de 1 735 $ en matériaux.

[11]         Monsieur Goulet ajoute qu'en exécutant la pose des fenêtres, il a recommandé à monsieur Maillé d'installer de la laine minérale neuve et un coupe-vapeur ce qu'a refusé le défendeur.  Ce dernier insistait pour réutiliser la vieille laine minérale, bien qu'elle soit en morceaux, et il refusa aussi l'installation du coupe-vapeur pour une question de coût.

[12]         Il a également mis en garde le défendeur quant au fait que l'intérieur des fenêtres n'était pas aligné correctement, mais monsieur Maillé aurait insisté pour qu'il ne repositionne pas les fenêtres pour, une fois de plus, sauver des frais.

[13]         La facture des matériaux acquis chez Aluminium André Gagnon de 1 735 $ avait été portée au compte du demandeur.  On devait payer cette facture pour le 20 août.  Monsieur Maillé aurait dit au demandeur qu'il se chargeait de la payer directement.  Il a accepté.

[14]         Quelques jours plus tard, l'entreprise Aluminium André Gagnon avise le demandeur du non-paiement et donc que le compte était en souffrance.  Le demandeur a dû assumer cette facturation sur sa carte de crédit.

[15]         Le 22 août 2012, monsieur Maillé remet un chèque de 1 735 $ au demandeur pour assumer cette facturation.  Le chèque est postdaté au 15 septembre 2012.  Nous apprendrons que ce chèque a fait l'objet d'un arrêt de paiement par monsieur Maillé par la suite.

[16]         Séance tenante, le demandeur hausse sa réclamation à 6 669,77 $.  En fait, il la décrit maintenant comme trois jours de travail impayé à raison de 400 $ plus taxes chacune, des intérêts de 139,50 $, des matériaux de 1 735 $, deux jours de travail perdus à raison de 600 $ par jour ailleurs et 1 500 $ de ce qu'il estime être des dommages collatéraux, troubles, ennuis et inconvénients.

[17]         D’autres extras ont été requis et non assumés par le défendeur.

[18]         Monsieur Jacques Maillé, le défendeur, explique que le demandeur a travaillé selon l'horaire qui suit:

-         25 juillet: 7 heures

-         1 er septembre: 8 heures

-         3 septembre: 8 heures

-         5 septembre : 8 heures

 

-         6 septembre: 5 ½ heures

-         7 septembre: 8 heures

-         10 septembre: 8 heures

-         11 septembre: 7 heures.

 

[19]         Le demandeur aurait également travaillé les journées des 12 et 13 septembre, mais de façon interrompue.

[20]         Pour lui, la rémunération de monsieur Goulet était de 400 $ taxes comprises par jour.  Il produit un reçu établissant d'ailleurs ce qui suit (pièce D-5):

« 8 jour 400                   3 200 00                
Arr.                                  275 00             
Facture                           190 00                
                                     3 665  
Donné                          - 600  
                                     3 065 00
» (sic)

 

[21]         Monsieur Maillé prétend que le 13 septembre, il aurait dit à monsieur Goulet qu'il conservait ses honoraires de trois jours de travail pour faire terminer les travaux par quelqu'un d'autre.

[22]         En fait, c'est que monsieur Maillé a cessé l'embauche de monsieur Goulet à ce moment-là.  Il explique qu'il avait effectué trois paiements en acompte des travaux effectués par monsieur Goulet, soit 300 $ le 26 juillet, 300 $ le 7 août et 1 500 $ le 13 septembre pour un total de 2 100 $.

[23]         Il est exact qu'il a fait un arrêt de paiement sur le chèque de 1 735 $ qu'il avait remis à monsieur Goulet d'une façon tout à fait intentionnelle après qu'il lui eut demandé de partir.

[24]         Selon monsieur Maillé, les travaux effectués par monsieur Goulet ne correspondent pas aux règles de l’art.

[25]         Monsieur Maillé a produit une soumission de Aluminium André Gagnon établissant que la reprise complète des travaux s'élèverait à 6 842,16 $.  Selon ce document et du compte-rendu des travaux à effectuer, il appert que les joints du revêtement installé ne possèdent pas le dégagement nécessaire à la dilatation et que l'installation des bandes de départ (style «J») installées au bas du revêtement n’est pas conforme aux normes et qu'elles retiendraient l'eau.

[26]         Depuis, le défendeur n'a pas fait procéder aux travaux correctifs.

[27]         Le défendeur estime que le demandeur a également endommagé le revêtement de la toiture, ce dernier comportant des trous de clou pour du bois installé par le demandeur.

[28]         Monsieur Maillé reproche à monsieur Goulet de ne pas avoir eu l'outillage nécessaire pour ce projet de rénovation et qu'il a même dû lui en fournir quelques-uns.

[29]         Dans le cadre de sa demande reconventionnelle, il réclame 5 951 $ plus taxes au demandeur pour la reprise des travaux et en dommages-intérêts.

[30]         Le Tribunal doit donc apprécier la valeur probante de chacun des témoignages et statuer sur les réclamations de part et d'autre.

 

LE DROIT APPLICABLE:

[31]         Le Tribunal souligne les articles pertinents du Code civil du Québec .

1458.   Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés.


Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.


2098.   Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.


2110.   Le client est tenu de recevoir l'ouvrage à la fin des travaux; celle-ci a lieu lorsque l'ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine.


La réception de l'ouvrage est l'acte par lequel le client déclare l'accepter, avec ou sans réserve.


2113.   Le client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins, ses recours contre l'entrepreneur aux cas de vices ou malfaçons non apparents.


2115.   L'entrepreneur est tenu de la perte de l'ouvrage qui survient avant sa délivrance, à moins qu'elle ne soit due à la faute du client ou que celui-ci ne soit en demeure de recevoir l'ouvrage.


Toutefois, si les biens sont fournis par le client, l'entrepreneur n'est pas tenu de la perte de l'ouvrage, à moins qu'elle ne soit due à sa faute ou à un autre manquement de sa part. Il ne peut réclamer le prix de son travail que si la perte de l'ouvrage résulte du vice propre des biens fournis ou d'un vice du bien qu'il ne pouvait déceler, ou encore si la perte est due à la faute du client.

 

[32]         Le Tribunal considère important de décrire les règles et critères applicables dans le cadre du fardeau de la preuve.

[33]         Le rôle principal des parties dans la charge de la preuve est établi aux articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec qui prévoient:

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.


Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.


2804.  La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

 

[34]         Les justiciables ont le fardeau de prouver l'existence, la modification ou l'extinction d'un droit.  Les règles du fardeau de la preuve signifient l'obligation de convaincre, qui est également qualifiée de fardeau de persuasion.  Il s'agit donc de l'obligation de produire dans les éléments de preuve une quantité et une qualité de preuve nécessaires à convaincre le Tribunal des allégations faites lors du procès.

[35]         En matière civile, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la partie demanderesse suivant les principes de la simple prépondérance.

[36]         La partie demanderesse doit présenter au juge une preuve qui surpasse et domine celle de la partie défenderesse.

[37]         La partie qui assume le fardeau de la preuve doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable.

[38]         La probabilité n'est pas seulement prouvée par une preuve directe, mais aussi par les circonstances et les inférences qu'il est raisonnablement possible d'en tirer.

[39]         Le niveau d'une preuve prépondérante n'équivaut donc pas à une certitude, ni à une preuve hors de tout doute.

[40]         La Cour suprême du Canada, dans la décision de Parent c. Lapointe [1] , sous la plume de l'honorable juge Taschereau, précise:

« C'est par la prépondérance de la preuve que les causes doivent être déterminées, et c'est à la lumière de ce que révèlent les faits les plus probables, que les responsabilités doivent être établies. »

 

[41]         Dans leur traité de La preuve civile (4 e Édition) [2] , les auteurs Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée précisent:

« Il n'est donc pas requis que la preuve offerte conduise à une certitude absolue, scientifique ou mathématique.  Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux. »

 

[42]         Les auteurs rappellent la décision de la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Dubois c. Génois [3] où le juge Rinfret s'exprime comme suit:

« Il aurait pu également s'appuyer sur les décisions citées par M. le juge Taschereau dans Rousseau c. Bennett, pour appuyer la théorie que "les tribunaux doivent souvent agir en pesant les probabilités.  Pratiquement rien ne peut être mathématiquement prouvé." »

 

[43]         Ces mêmes auteurs écrivant quant à l'appréciation de la prépondérance mentionnent:

« Pour remplir son obligation de convaincre, un plaideur doit faire une preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.  Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif, mais bien qualitatif.  La preuve produite n'est pas évaluée en fonction du nombre de témoins présentés par chacune des parties, mais en fonction de leur capacité de convaincre.  Ainsi, le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable.  Dans l'appréciation globale d'une preuve, il n'est pas toujours facile de tracer la ligne de démarcation entre la possibilité et la probabilité. »

 

[44]         Pour les Tribunaux, plusieurs règles peuvent aider un juge à décider de la suffisance ou non de la preuve entendue lors d'un procès.

[45]         Par exemple, une preuve directe est préférée à une preuve indirecte, la preuve d'un fait positif est préférée à celle d'un fait négatif.  La corroboration est une preuve qui renforce un témoignage de façon à inciter le juge à le croire, et l'attitude d'un témoin lors d'un procès peut même influencer le Tribunal.

2845.  La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal.

 

[46]         Le Tribunal doit, à la lumière de tous les éléments de la preuve, soit la preuve matérielle, documentaire et la preuve testimoniale reçue lors du procès, déterminer si la partie demanderesse a réussi à le convaincre selon la règle des probabilités.

[47]         Dans la décision Eustache c. La Cie d'assurance Bélair inc. [4] , notre Cour écrit relativement à la qualité du témoignage:

« [40]  Les critères retenus par la jurisprudence pour jauger la crédibilité, sans prétendre qu'ils sont exhaustifs, peuvent s'énoncer comme suit:

1.          Les faits avancés par le témoin sont-ils eux-mêmes improbables ou déraisonnables?

2.          Le témoin s'est-il contredit dans son propre témoignage ou est-il contredit par d'autres témoins ou par des éléments de preuve matériels?

3.          La crédibilité du témoin a-t-elle été attaquée par une preuve de réputation?

4.          Dans le cours de la déposition du témoin, y a-t-il quoi que ce soit qui tend à le discréditer?

5.          La conduite du témoin devant le Tribunal et durant le procès révèle-t-elle des indices permettant de conclure qu'il dit des faussetés?

[41]  Ces critères d'appréciation de la crédibilité doivent être utilisés pour l'appréciation d'un témoignage en tenant compte non seulement de ce qui est dit devant le Tribunal, mais aussi en regard des autres déclarations que le témoin a pu faire ailleurs. »

 

ANALYSE ET DISCUSSION:

[48]         La preuve non contredite révèle que le demandeur a effectué huit jours de travail pour le compte du défendeur.

[49]         Le Tribunal estime également que la preuve prépondérante démontre que le défendeur a, lui-même, dirigé les travaux effectués par monsieur Goulet.  Le Tribunal estime que dans les faits, c'est monsieur Maillé qui a refusé qu'on utilise des matériaux neufs tels que de la laine minérale plus appropriée pour isoler les fenêtres.

[50]         Aussi, le Tribunal retient que c'est monsieur Maillé qui n'a pas voulu qu'on procède à l'installation d'un pare-vapeur, ni qu'on n'enlève les cadrages intérieurs des fenêtres afin de les repositionner adéquatement.

[51]         C'est l'entreprise,  Aluminium André Gagnon qui a fourni au demandeur le matériel approprié pour effectuer ces travaux de rénovation.

[52]         Le défendeur a, d'une part, accepté en août 2012 de remettre au demandeur un chèque de 1 735 $ pour les matériaux alors qu'il s'est par la suite empressé de faire un arrêt de paiement.  Pourquoi a-t-il remis un chèque si les travaux n'étaient pas à sa satisfaction?

[53]         Le Tribunal n’estime pas concluants les documents que le défendeur a mis en preuve au procès soit la soumission et le compte rendu des travaux.  En effet, le Tribunal estime qu'ils ne sont pas suffisamment convaincants, ni détaillés afin de démontrer que le travail effectué par le demandeur respectait ou non les règles de l'art.

[54]         La preuve prépondérante démontre que la version du demandeur est beaucoup plus crédible et qu'elle reflète davantage la réalité.

[55]         Le Tribunal retient la version du demandeur.  À cet effet, le Tribunal estime que le travail effectué par monsieur Goulet devait être rémunéré à raison de 400 $ par jour, taxes incluses.

[56]         À cet effet, c'est donc dire que le demandeur aurait dû assumer 3 200 $ pour les huit jours de travail effectués par le demandeur.

[57]         Au surplus, il se devait de rembourser la facture de 1 735 $ pour les matériaux.  Ceci totalise 4 935 $ auxquels il faut soustraire la somme de 2 100 $ donnée en acompte partiel par monsieur Maillé.  Ce dernier est donc redevable de 2 835 $ au demandeur pour la main-d'œuvre et les matériaux.

[58]         Usant de sa discrétion judiciaire, le Tribunal fixe à 250 $ toutes les autres sommes auxquelles a droit le demandeur dans cette affaire.  Ceux-ci couvrent donc les troubles, ennuis, inconvénients et frais d'intérêts.

[59]         Dans ces circonstances et compte tenu que le Tribunal ne l'estime pas bien fondée, la demande reconventionnelle est rejetée.

[60]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[61]         ACCUEILLE en partie la réclamation.

[62]         CONDAMNE le défendeur, Jacques Maillé, à payer au demandeur, Christian Goulet, f.a.s.n. Rénovation C. Goulet enr., 3 085 $ plus les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de l'assignation plus les frais judiciaires de 132 $.

[63]         REJETTE la demande reconventionnelle.

 

 

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DENIS LE RESTE, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

15 août 2013

 



[1]     [1952] 1 R.C.S., 376.

[2]     Jean-Claude ROYER et Sophie LAVALLÉE, La preuve civile , 4 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008.

[3]     [1964] B.R. 637 .

[4]     [2003], CanLII 3294 (QCCQ).