9121-4429 Québec inc. c. Pilon

2013 QCCS 5544

JP 1488

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-062267-102

 

 

 

DATE :

 Le 23 octobre 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CLAUDETTE PICARD, J.C.S.

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9121-4429 QUÉBEC INC.

Demanderesse

c.

PAUL PILON

-et-

FONDS D’ASSURANCE RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE DE LA CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

Défendeurs

 

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JUGEMENT

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[1]            9121-4429 Québec inc. (9121) reproche au notaire Paul Pilon (Pilon) d’avoir commis des fautes professionnelles.

[2]            Pilon et Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec (Fonds) prétendent qu’il n’y a aucune relation contractuelle entre Pilon et 9121 et que Pilon n’a commis aucune faute.

LES FAITS

[3]            À l’automne 2007, François Boivin (Boivin) entre en contact avec Guy Guertin (Guertin), le président de 9121, pour que cette dernière finance l’achat, par 9175-2451 Québec inc. (9175), d’un immeuble situé au 899 et 901, rue Short à Sherbrooke (l’Immeuble).  9175 serait gérée par Jean-François Picard (Picard).

[4]            À l’automne 2007, Pilon a reçu un mandat de 9175 de préparer un acte d’acquisition de l’Immeuble.

[5]            Le 26 novembre 2007, le représentant de 9175, François Pagé (Pagé), a remis à Pilon un chèque certifié le même jour de 100 000 $ provenant de 9121 et payable à Pilon in trust (le Chèque), pour l’acquisition de l’Immeuble.

[6]            Le même jour, Pilon a instrumenté l’acte d’acquisition de l’Immeuble et a remis le prix de vente au vendeur, 131612 Canada inc. (131612), selon les instructions de l’acquéreur et du vendeur, 9175 et 131612.

[7]            Le 18 janvier 2008, 9175 hypothéquait l’Immeuble en faveur de Sécur Finance inc. en garantie du remboursement d’une somme de 630 000 $.

[8]            La somme de 100 000 $ avancée par 9121 à 9175 ne fut jamais remboursée par 9175 et cette dernière est insolvable, d’où le présent recours.

[9]            Ni 9121, ni son représentant, Guertin, n’ont communiqué avec Pilon, de quelque façon que ce soit au sujet du Chèque, avant l’institution des procédures le 26 novembre 2010 et aucune mise en demeure n’a été envoyée au préalable.

LES REPROCHES

[10]         9121 prétend que Pilon a commis une faute professionnelle :

a)     en ne vérifiant pas avec 9121 les fins pour lesquelles la somme de 100 000 $ lui était remise en fidéicommis;

b)     en ne communiquant pas avec 9121 pour connaître ses instructions quant à l’utilisation de la somme de 100 000 $;

c)     en déboursant la somme de 100 000 $ sans obtenir le consentement de 9121;

d)     en n’informant pas 9121 des conséquences juridiques normalement prévisibles à l’égard du débours effectué sans garantie hypothécaire sur l’immeuble acquis par 9175 pour les sommes remises par 9121;

e)     en n’émettant pas une reçu au nom de 9121 conformément au Règlement sur la réglementation en fidéicommis des notaires (L.R.Q. c. N-3, r.5).


L’ANALYSE

[11]         Guertin, comptable agréé, est le président et le secrétaire-trésorier de 9121, laquelle fait des prêts à demande et hypothécaires et la gestion d’immeubles depuis 2002.  Ni Guertin ni 9121 n’est un néophyte dans le domaine des prêts, garantis par hypothèque ou non.

[12]         Le 26 novembre 2007, Guertin a remis à un représentant de 9175 un chèque de 100 000 $, tiré sur le compte de 9121 à Banque Nationale du Canada (Banque) et payable à Pilon in trust pour l’acquisition de l’Immeuble par 9175.  Le représentant de 9175 s’est immédiatement déplacé à la Banque pour le faire certifier.  Le même jour, le Chèque a été remis à Pilon par un représentant de 9175 pour l’acquisition de l’Immeuble et le notaire a instrumenté l’acte d’acquisition en conséquence.  Le Chèque remis à Pilon a donc servi aux fins pour lequel il était destiné, soit l’acquisition de l’Immeuble par 9175.

[13]         9121, représentée par Guertin, expérimentée dans le domaine des prêts et connaissant l’importance d’une garantie hypothécaire, a choisi d’avancer la somme de 100 000 $ à 9175, sans obtenir aucune garantie et sans se préoccuper de ce qui se passerait par la suite.  9121, représentée par Guertin, savait ce à quoi elle pouvait s’exposer.

[14]         Ni Guertin ni aucun autre représentant de 9121 n’a mandaté Boivin, ni un représentant de 9175 (que ce soit Picard ou Pagé), pour demander à Pilon de préparer un acte de garantie hypothécaire en faveur de 9121, avant de débourser les fonds.  Ni Guertin ni aucun autre représentant de 9121 n’a donné d’instructions à Pilon de préparer un acte de garantie hypothécaire en faveur de 9121, avant de débourser les fonds.  Ni Guertin ni aucun autre représentant de 9121 n’a communiqué avec Pilon concernant le Chèque.  Pilon n’a donc jamais su que le Chèque lui avait été remis par une société qui voulait agir comme créancière de 9175.

[15]         La remise du Chèque à Pilon a été faite pour le bénéfice de 9175.  Le Chèque pouvait venir tout autant d’une société liée à 9175 ou d’une société qui était débitrice de 9175.  Pilon n’avait pas à enquêter plus avant sur la provenance des fonds et n’avait pas à chercher à entrer en contact avec un représentant de 9121 dans ces circonstances.

[16]         Il n’y a donc aucune relation contractuelle entre 9121 et Pilon.

[17]         9121 n’étant pas une cliente de Pilon, ce dernier n’avait aucun devoir de conseil envers elle.  Son devoir de conseil se limitait aux deux parties devant lui, soit 9175 et 131612.

[18]         Pilon n’avait pas à remettre un reçu à 9121 qui avançait les fonds à 9175.  En effet, en vertu du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires [1] , le notaire doit remettre un reçu au client pour qui il détient des fonds, en l’occurrence 9175.

[19]         L’inaction de 9121 et de son représentant, Guertin, pendant trois ans, démontre que 9121 et Guertin avaient renoncé à obtenir une garantie hypothécaire.

[20]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]         REJETTE la requête amendée de la demanderesse;

[22]         ACCUEILLE la défense amendée des défendeurs;

[23]         AVEC DÉPENS.

 

 

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CLAUDETTE PICARD, J.C.S.

 

Me Jean Saint-Pierre

Pour la demanderesse

 

Me Claude Villeneuve

HEENAN BLAIKIE

Pour les défendeurs

 

Date d’audience : 2 octobre 2013

 



[1]      R.R.Q., c. N-3, r.5