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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : 2013-9732 |
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n/d 2012-70 |
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Date : |
17 octobre 2013
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Bernard Lefebvre |
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Syndicat des salariés de production de portes et fenêtres de la Rive-Sud de Montréal (CSD)
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« le syndicat » |
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Et
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Fenplast Inc. |
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« l’employeur » |
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Griefs : |
18 septembre 2012 |
M. Denis Dufresne - refus, semaine de vacances sans solde |
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23 octobre 2012 |
M. Denis Dufresne - contestation du congédiement |
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Convention collective : |
15 novembre 2011 au 15 novembre 2015 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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[1] Le 16 août 2012, M. Dufresne demande à l’employeur de s’absenter en congé sans solde supplémentaire durant la semaine débutant le 15 octobre 2012.
[2]
M. Dufresne
appuie sa demande sur les dispositions 13.06 et 14.02 de la convention
collective, (cc), et sur l’article
[3] Le 14 septembre 2012, l’employeur refuse la demande de M. Dufresne, parce qu’il a besoin de lui afin de respecter l’échéancier de la production. Le grief déposé le 18 septembre 2012 conteste le refus de l’employeur.
[4] Les dispositions 13.06 et 14.02 cc:
« Convention collective
Article 13 - CONGÉS
13.06 Les parties conviennent de se conformer aux dispositions de la Loi sur les normes du travail et ses amendements à l’égard des congés à caractère familial qui y sont prévus.
Article 14 - VACANCES
14.02 a) Durée
Sous réserve de l’application des autres dispositions du présent article, la durée des vacances annuelles s’établit comme suit :
…
2. Un salarié qui, au 30 avril de l’année en cours, a plus d’un an, mais moins de quatre (4) ans de service continu, a droit à une période chômée de deux (2) semaines continues :
[5] Au moment du dépôt de sa demande de congé, le 16 août 2012, M. Dufresne compte plus d’un an, mais moins de quatre (4) ans de service continu [ cf. 14.02 a) 2 cc.]
[6]
L’article
« Loi sur les normes du travail
Art. 68 Un salarié qui, à la fin d'une année de référence, justifie d'un an de service continu chez le même employeur pendant cette période, a droit à un congé annuel d'une durée minimale de deux semaines continues.
68.1 . Le salarié visé à l'article 68 a également droit, s'il en fait la demande, à un congé annuel supplémentaire sans salaire d'une durée égale au nombre de jours requis pour porter son congé annuel à trois semaines.»
[9] Le 26 septembre 2012, M. Dufresne dépose à l’employeur, le certificat médical rédigé par Dr. Gravel, son médecin traitant, le jour précédent. Dr Gravel écrit :
« Centre de santé et de services sociaux Jardins-Roussillon
…
M. Dufresne souffre d’épuisement associé à des problèmes familiaux et de santé personnel. Il faut lui permettre de prendre 1 à 2 semaines de vacances en octobre.
Dr. André Gravel 12/09/25 »
[10] Le 10 octobre 2012 l’employeur informe M. Dufresne qu’il considère ce certificat médical comme étant un certificat de médical de complaisance et il le convoque à passer un examen médical chez Dr. Rivas le lendemain. M. Dufresne ne se rend pas chez Dr. Rivas, dans les circonstances et motifs énoncés dans la preuve.
[11] Le 11 octobre 2012, l’employeur convoque à nouveau M. Dufresne chez Dr. Rivas le 17 octobre 2012 et il l’avise que dans l’éventualité où il serait en maladie, il serait considéré quand même disponible pour se rendre à ce rendez-vous.
[12] M. Dufresne prend congé à compter du 15 octobre 2012.
[13] Le 16 octobre 2012, l’employeur avise M. Dufresne qu’il est considéré absent sans justification et sans permission et, à défaut de se présenter à l’ouvrage le ou avant le 18 octobre 2012, il mettra fin à son emploi, en fonction de la disposition 8.05, 2) cc :
« 8.05 Perte d’ancienneté et d’emploi
Un salarié perd ses droits d’ancienneté et son emploi dans les cas suivants :
…
2. s’il est absent sans justification et sans permission de son travail pour trois (3) jours ouvrables consécutifs et plus;
[14] M. Dufresne ne se rend pas chez Dr. Rivas, le 17 octobre 2012 et il ne se présente pas au travail.
[15] L’employeur congédie M. Dufresne le 19 octobre 2012.
[16] Le grief du 23 octobre 2012 conteste le congédiement.
I. LA PREUVE
[17] L’employeur produit M. Dufresne en premier lieu.
[18] M. Dufresne convient qu’il fut embauché au mois de septembre 2009 et congédié au cours du mois de juin 2010 et réintégré au cours de la semaine suivant l’imposition de cette mesure. L’ancienneté de M. Dufresne fut alors remise à zéro.
[19] Au cours de la semaine précédant le 16 octobre 2012, M. Dufresne demande à M. Lessard, superviseur du département de l’assemblage, où il sera transféré la semaine suivante, de prendre une troisième semaine de congé sans solde à compter du 15 octobre 2012. Selon M. Dufresne, M. Lessard lui dit qu’il lui donnera sa réponse au cours de la semaine suivante. À l’arrivée de ce terme, M. Lessard refuse la demande. M. Dufresne atteste que M. Lessard n’a pas motivé son refus à ce moment-là.
[20] À l’arbitrage, M. Dufresne présente les motifs de sa demande de congé supplémentaire : pour se ressourcer et refaire ses forces épuisées en raison des soins donnés à son père malade et à d’autres membres de sa famille et, pour soulager l’asthme dont il est affligé depuis plusieurs années et parce que les manifestations furent amplifiées par la chaleur et l’humidité de l’été 2012.
[21] L’interrogatoire de M. Dufresne porte ensuite sur ses consultations chez Dr. Gravel durant la période du mois de mars 2012 au mois de septembre suivant. D’abord, M. Dufresne consulte Dr. Gravel au moins deux fois l’an depuis plusieurs années pour traiter l’asthme. M. Dufresne ne s’est pas absenté entre les mois de mars et septembre 2012. La consultation du 25 septembre 2012, a donné lieu au renouvellement de la prescription du médicament à inhaler à tous les jours et à un examen pulmonaire, qui fut passé en janvier 2013.
[22] L’employeur interroge M. Dufresne sur les informations données au Dr. Gravel le 25 septembre 2012 en rapport avec la mention inscrite au billet médical de ce jour,
« … M. Dufresne souffre d’épuisement associé à des problèmes familiaux et de santé personnel. Il faut lui permettre de prendre 1 à 2 semaines de vacances en octobre.
Dr. André Gravel 12/09/25 »
[23] M. Dufresne répond avoir dit à son médecin traitant le 25 septembre 2012, que l’employeur refusait de lui accorder la semaine de vacances. M. Dufresne reconnaît toutefois que Dr. Gravel n’a pas prescrit un arrêt de travail. Par ailleurs, M. Dufresne atteste que M. Lessard lui a demandé de fournir un billet médical afin de justifier son retard à une journée précédente.
[24] M. Dufresne nie avoir dit à Mme Boulerice-Guay, chef de service des ressources humaines, lors de la rencontre du 16 août 2012, qu’il demandait la semaine du 15 octobre 2012 pour aller à la chasse en compagnie d’amis. Selon lui, il fut plutôt question d’un voyage qu’il projetait faire avec des amis très proches, lesquels ne pouvaient se libérer à une autre période, pour des raisons familiales. Par ailleurs, l’idée de partir en voyage leur est venue au cours des vacances de l’industrie de la construction.
[25] De fait, M. Dufresne s’est rendu à Cuba avec sa conjointe et des amis. À preuve, il dépose le relevé de compte d’une institution financière indiquant le 27 septembre 2012 comme date d’achat de ses billets d’avion vers Cuba et la copie des documents indiquant les dates de l’aller et du retour, soit les 13 et 20 octobre 2012.
[26] L’employeur continue l’interrogatoire de M. Dufresne en le rapportant au contenu de la lettre de Mme Guay, rédigée et reçue le du 14 septembre 2012. Cette lettre officialise le refus de l’employeur de donner suite à la demande de congé de M. Dufresne et énonce la proposition de l’employeur de … ;
« Candiac, le 14 septembre 2012
OBJET : Suivi de la demande d’une semaine sans solde
…
… nous proposer une autre date qui concorde avec un moment qui touche le moins les activités de son entreprise.
…
Élise Boulerice-Guay
Chef de service - Ressources Humaines »
[27] M. Dufresne admet avoir refusé de signer la lettre du 14 septembre 2012 et d’avoir maintenu sa demande de congé de la semaine du 15 octobre 2012.
[28] L’interrogatoire de M. Dufresne aborde ensuite les raisons de son refus de se plier aux convocations chez Dr. Rivas les 11 et 17 octobre 2012. M. Dufresne se souvient d’avoir dit, le 10 octobre 2012, à Mme Guay, qu’il ne se rendrait pas chez Dr. Rivas le 11 octobre, attendu que la parole de son médecin traitant est bonne, et que, même si celui-ci n’a pas jugé bon de prescrire un arrêt de travail, il n’en demeure pas moins que la mention « … Il faut lui permettre de prendre 1 à 2 semaines de vacances en octobre…. » était justifiée sur la base d’informations données lors de la consultation du 25 septembre 2012. M. Dufresne admet avoir dit à Mme Guay qu’il ne voyait pas l’utilité de se rendre chez Dr. Rivas puisqu’il ne lui répéterait pas les informations données à son médecin traitant le 25 septembre 2012.
[29] M. Dufresne tient pour probable que la direction lui a donné l’assurance que Dr. Rivas se prononcera uniquement sur la question de savoir s’il est capable ou non de travailler et de la confidentialité des renseignements de nature personnelle.
[30] M. Dufresne affirme avoir demandé la semaine du 22 octobre 2012 en lieu et place de celle du 15 de ce mois, et il a essuyé un refus.
[31] M. Dufresne convient d’avoir reçu, le 11 octobre 2012, un avertissement verbal et écrit de la perte de son emploi sur la base de la disposition 8.05, 2) cc, s’il ne se présenterait pas à l’ouvrage le 15 octobre 2012. M. Dufresne atteste avoir avisé son contremaître, au cours de la semaine du 8 octobre, qu’il ne sera pas au travail la semaine d’après.
[32] Interrogé par le syndicat, M. Dufresne précise les soins prodigués aux membres de sa famille et les aléas de l’administration des affaires de ses parents, à compter du mois de mai 2012. Anticipant des situations familiales de même nature au cours du mois de novembre 2012, M. Dufresne soutient qu’il devait se ressourcer en octobre 2012 afin d’être en mesure d’y faire face. Tel que le demande l’employeur le 14 septembre 2012, M. Dufresne a proposé à Mme Guay de s’absenter à compter du 22 octobre 2012 au lieu du 15.
[33] Il réitère que Dominique Lessard lui a demandé de produire un billet médical. Il répète les raison du refus de consulter le médecin désigné de l’employeur. Son ami vit les mêmes problèmes que lui. On s’encourage.
[34] L’employeur me dit de choisir une semaine de vacances dans un temps mort, par exemple durant le congé de Noël.
[35] M. Dufresne aborde ensuite le processus de vacances qui a cours en mars et avril de chaque année. Deux travailleurs étaient en vacances au début du mois d’octobre et alors, la semaine du 15 octobre ne causait pas de problème à l’employeur.
[36] M. Dufresne réitère que l’employeur ne l’a jamais questionné sur les motifs de sa demande de congé de la semaine du 15 octobre 2012. L’employeur se limitait à dire qu’il avait besoin de ses services mais la direction lui laissait un espoir de le laisser partir en congé.
[37] L’employeur demande à Mme Pilon, archiviste médicale, de déposer le dossier médical de M. Dufresne et l’employeur convient de son obligation de garder le secret des informations non pertinentes à la solution du litige.
[38] L’employeur produit M. Serge Lavoie, directeur des opérations, dont l’interrogatoire se limite à produire les documents relatifs à la gestion de la production en rapport avec les besoins de main d’œuvre durant la période du mois d’août au mois de décembre 2012, soit :
- la compilation du temps supplémentaire pour la période du 12 août au 3 novembre 2012;
- le sommaire des périodes de payes du 18 août au 18 décembre 2012;
- le sommaire des périodes de payes cumulatif;
- le cumulatif des entrées des commandes des portes d’acier inscrites le 13 décembre 2011 en vue de la livraison dans le dernier tiers de l’année 2012, et,
- la Promotion « Coup de pouce » enclenchée le 27 septembre 2012.
[39] Contre interrogé, M. Lavoie indique les documents fournis à la direction relatifs aux besoins de main d’œuvre du 12 août au 3 novembre 2012; la moyenne des entrées d’unité du mois de septembre 2012 par rapport à la moyenne annuelle; les «entrées» de commandes de portes des mois de septembre et octobre 2012, et les particularités de la Promotion « Coup de pouce ».
[40] La direction s’est servie de ces documents pour établir les besoins de main d’œuvre durant les semaines des 15 et 22 octobre 2012 et le témoin a donné son avis sur ce sujet, soit que ce n’était pas de « bonnes semaines » de congés, selon son avis opérationnel. Plus précisément, le témoin Lavoie a indiqué à la gestion qu’il ne pouvait pas se permettre de libérer M. Dufresne sans nuire à la production.
[41] L’opération « Promotion Coup de Pouce » a été lancée le 27 septembre 2012 mais fut préparée durant l’été 2012 et gardée secrète afin de ne pas se faire «doubler» par la concurrence.
[42] En juillet 2012, une personne avait quitté son emploi. Les semaines des mois de juillet et d’août de chaque année sont des semaines d’entrées de commandes qui sont livrées 10 à 14 jours après ou au printemps ou à l’automne. Mais généralement, les clients s’attendent à recevoir livraison dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de leur commande. Après coup, il aurait été possible de reporter la production de la semaine du 15 ou du 22 octobre 2012 au mois de novembre suivant mais, en septembre 2012, le témoin assure qu’il ne pouvait pas prévoir cette possibilité surtout à cause de la « Promotion Coup de Pouce » .
[43] Le contre interrogatoire confronte M. Lavoie sur les départs en vacances des salariés Plante et Viau, du 30 septembre au 6 octobre 2012, alors qu’il a déclaré qu’il ne pouvait pas se permettre de libérer M. Dufresne sans nuire à la production.
[44] M. Lavoie fait valoir que messieurs Plante et Viau ont choisi cette semaine de vacances avant le 1 er avril 2012 et l’employeur a confirmé leur choix, conformément aux dispositions afférentes de la convention collective.
[45] Questionné sur son appréciation du billet médical du Dr. Gravel du 25 septembre 2012, sous réserve de l’objection de l’employeur prise sous réserve de sa pertinence, le témoin Lavoie atteste s’être contenté de le remettre à une personne du département des ressources humaines, sans investiguer le contenu.
[46] Il aurait été théoriquement possible de remplacer momentanément M. Dufresne par un salarié d’un autre secteur mais c’était pratiquement impossible car aucun d’eux n’était en mesure de remplir sur le champ les tâches de M. Dufresne.
[47] L’employeur produit Mme Guay, « Chef des ressources humaines » depuis le 16 janvier 2002. L’effectif syndiqué est de 200 salariés. Mme Guay a reçu la demande de congé sans solde de M. Dufresne le 16 août 2012 et elle certifie qu’il a évoqué une partie de chasse avec des amis.
[48]
Le 14
septembre 2012, Mme Guay soumet avoir justifié le refus d’accorder le congé sur
les besoins de main d’œuvre durant la semaine du 15 octobre 2012. Mme Guay garantit
que M. Dufresne lui a dit que l’employeur était obligé de lui accorder la
semaine du 15 octobre 2012, en vertu de l’article
[49] Sur réception du grief du 18 septembre 2012, Mme Guay a réitéré au syndicat les besoins de main d’œuvre durant la semaine du 15 octobre 2012 à l’appui du refus opposé à M. Dufresne.
[50] Le billet médical du Dr. Gravel du 25 septembre 2012 comporterait un caractère de « complaisance » en raison de circonstances similaires survenues le 28 février 2012. Afin de connaître l’état de santé de M. Dufresne, la direction suit les conseils de leur procureur et décide de convoquer M. Dufresne à passer un examen médical chez Dr. Rivas. À cette fin, le 10 octobre 2012, Mme Guay remet la convocation en mains propres à M. Dufresne en présence d’un représentant syndical, et elle justifie cette convocation sur le droit de l’employeur de faire évaluer médicalement la relation entre l’état de santé du plaignant et la raison de son absence au travail.
[51] Sur ce, M. Dufresne lui a déclaré qu’il ne se rendra pas chez Dr. Rivas parce qu’il ne voulait pas divulguer les raisons de sa consultation chez Dr. Gravel le 25 septembre 2012. Mme Guay assure M. Dufresne que Dr. Rivas limitera l’examen médical à sa capacité de travailler sans dévoiler les renseignements de nature confidentielle. M. Dufresne a maintenu quand même son refus de se rendre chez Dr. Rivas.
[52] Le 11 octobre 2012, Mme Guay rencontre M. Dufresne en présence d’un représentant syndical afin de remettre la convocation chez Dr. Rivas le 17 octobre 2012. Mme Guay avertit M. Dufresne de la fin de son emploi s’il ne se présente pas au travail, sur la base de la disposition 8.05 cc, à moins de rencontrer Dr. Rivas et que celui-ci confirme son incapacité à effectuer son travail. Mme Guay témoigne du refus de M. Dufresne exprimé le 11 octobre 2012, de se rendre chez Dr. Rivas le 17 octobre 2012
[53] Le 12 octobre 2012, le chef de section informe Mme Guay que M. Dufresne l’a avisé de son absence à compter du 15 octobre 2012. Mme Guay constate cette absence le 16 octobre 2012 et envoie alors un courrier recommandé à M. Dufresne l’avisant de la fin d’emploi éventuelle sur la base de la disposition 8.05) 2) cc.
[54] L’employeur congédie M. Dufresne le 19 octobre 2012.
[55] Mme Guay dément le témoignage M. Dufresne au regard des réponses données en interrogatoire, sur ses motifs fournis le 16 août 2012 à l’appui de sa demande de congé de la semaine du 15 octobre 2012. Mme Guay certifie que M. Dufresne ne lui a pas fait part de sa situation familiale lors de leurs discussions et que la chasse était le seul motif invoqué à l’appui de sa demande de congé et qu’il maintenait sa demande de congé de la semaine du 15 octobre et de nulle autre.
[56] En contre interrogatoire, le syndicat confronte Mme Guay à son témoignage sur sa conclusion que le certificat médical du Dr. Gravel du 25 septembre 2012 lui est apparu dès lors comme un certificat de complaisance, alors qu’elle a attendu au 16 octobre 2012 pour avertir M. Dufresne que l’employeur mettra fin à son emploi le 18 octobre 2012 s’il s’absentait sans justification et sans permission.
[57] Mme Guay répond avoir conclu à la nature «complaisance» du certificat médical du Dr. Gravel dès le 28 septembre 2012 du fait du refus de l’employeur manifesté le 14 septembre 2012 d’accorder la semaine du 15 octobre 2012 en congé et que M. Dufresne maintenait cette semaine sans offrir d’autre alternative.
[58] Mme Guay réitère qu’elle a demandé à M. Dufresne de lui proposer une autre semaine que celle du 15 octobre 2012 mais elle convient qu’elle n’a pas elle-même suggéré à M. Dufresne de partir en congé à un autre moment.
[59] Le contre interrogatoire se poursuit sur le fait que M. Dufresne ne pouvait pas soumettre une autre semaine que le 15 octobre 2012 qui n’affecterait pas la production parce qu’il n’est pas au courant des besoins réels de main d’œuvre. Sur ce sujet, Mme Guay répond que M. Dufresne est bien au fait du fonctionnement du département où il travaille sous la supervision de M. Lavoie.
[60] Mme Guay termine son témoignage sur la démarche de congédiement de M. Dufresne : ce n’est pas un dossier commun. Alors, le congédiement fut décidé après avoir consulté le droit et la jurisprudence relative à l’interprétation et l’application de la disposition 8.05 cc.
[61] L’employeur demande à Dr. Rivas d’indiquer si l’ensemble du dossier médical de M. Dufresne supporte la description de l’état de santé contenue dans le billet médical rédigé par Dr. Gravel le 25 septembre 2012.
[62] Dr. Rivas constate que Dr. Gravel suit M. Dufresne depuis l’année 1986.
[63] Le dossier médical de M. Dufresne signale des maladies cycliques, chroniques, métaboliques et de nature immunologiques dont les manifestations sont cutanées et en particulier l’asthme. Se référant aux notes inscrites au dossier médical le 25 septembre 2012, Dr. Rivas conclut que Dr. Gravel a constaté que la combinaison des médicaments donne de bons résultats.
[64] Le 31 novembre 2012, Dr. Gravel note que son patient se déclare très amélioré et n’a plus d’essoufflement à l’effort.
[65] Dr. Rivas souligne d’une part que Dr. Gravel n’indique pas dans ses notes évolutives du 25 septembre 2012 que l’asthme rend son patient incapable de travailler. D’autre part, vu que l’épuisement de M. Dufresne n’est pas documenté dans le billet médical du 25 septembre 2012, il ne s’agit donc pas d’un épuisement de nature psychiatrique invalidant, nécessitant un traitement clinique.
[66] Alors, selon la pratique médicale, le billet médical du 25 septembre 2012 signale tout simplement que M. Dufresne est fatigué et non pas qu’il est incapable de travailler. Dr. Rivas est d’avis que si M. Dufresne était capable de travailler le 25 septembre 2012, rien n’indique qu’il n’était pas capable de travailler le 15 octobre 2012, d’autant plus que Dr. Gravel indique le 30 novembre 2012 que M. Dufresne se dit très amélioré et n’a plus d’essoufflement à l’effort.
[67] Le syndicat interroge M. Gilbert Savard, représentant syndical, qui dit avoir compris, le 16 août 2012, que M. Dufresne demandait de prendre congé le 15 octobre 2012, pour des raisons personnelles, faire le vide, pour se sauver mais qu’il n’a pas eu à décrire les activités qu’il entendait pratiquer.
[68] Selon M. Savard, M. Lavoie a proposé à M. Dufresne de partir en congé durant la période de mise à pied.
II. ARGUMENTS
A) Arguments de l’employeur
[69] L’employeur possède le pouvoir exclusif de congédier tout salarié, dans la mesure où l’exercice de ce pouvoir n’entre pas en conflit avec une disposition de la convention collective, dont 8.05, 2.
[70] Cette disposition confère à l’employeur le pouvoir de congédier un salarié dans la mesure où il prouve que celui-ci s’est absenté durant trois jours consécutifs sans justification et sans permission.
[71] À l’évidence, M. Dufresne s’est absenté plus de trois jours consécutifs. À titre de justification, M. Dufresne dépose le billet du Dr. Gravel du 25 septembre 2012.
[72] Or, Dr. Rivas n’établit aucun lien entre le libellé du billet médical du Dr. Gravel et une incapacité de M. Dufresne à fournir sa prestation de travail, le 15 octobre 2012 et les jours suivants. Dr. Rivas n’a pas été contredit.
[73] Ainsi, M. Dufresne s’est absenté de son travail sans justification.
[74] Par ailleurs, l’employeur n’a pas donné à M. Dufresne la permission de s’absenter, comme en font foi les témoins de l’employeur et les lettres envoyées au plaignant les 14 septembre et 11 et 16 octobre 2012.
[75] La jurisprudence assimile la sanction prévue à la disposition 8.05 cc à une mesure disciplinaire prédéterminée ou déterminée. Dans ce cas, les arbitres exercent leurs fonctions selon l’article 100.12 f) C.t.Q., c’est-à-dire :
« 100.12 f) … Toutefois, lorsque la convention collective prévoit une sanction déterminée pour la faute reprochée au salarié dans le cas soumis à l’arbitrage, l’arbitre ne peut que confirmer ou annuler la décision de l’employeur ou, le cas échéant, la modifier pour la rendre conforme à la sanction prévue à la convention collective; »,
[76] Ainsi, l’article 100.12 f) C.t.Q., fonde le pouvoir de l’employeur de congédier un salarié sans devoir justifier son refus d’accorder ou d’autoriser une absence. Cependant, le droit jurisprudentiel interprète ce texte comme donnant lieu de vérifier si ce pouvoir a été exercé de façon déraisonnable, abusive ou discriminatoire [2] .
[77] En l’espèce, dès le 14 septembre 2012, l’employeur informe M. Dufresne qu’il refuse sa demande de congé pour la période du 15 octobre 2012 parce que sa présence est requise afin d’assurer la production. De par ses fonctions et son expérience, M. Dufresne connait les exigences de la production. De par la planification des moyens de production, l’employeur a démontré que la période du 15 octobre 2012 en était une de pleine production au point où les salariées travaillaient en temps supplémentaire.
[78] Ainsi, le refus d’accorder le congé n’était ni déraisonnable, abusif et discriminatoire.
[79] Vu que l’employeur a refusé la demande de congé de M. Dufresne sur une base rationnelle, l’arbitre doit maintenir le congédiement.
B) Arguments du syndicat
[80] Les événements ayant donné lieu au grief du 18 septembre 2012 déposé contre le refus de l’employeur d’accorder la semaine de congé du 15 octobre 2012 diffèrent de ceux ayant donné lieu au grief du 23 octobre 2012 contestant le congédiement.
[81] Dès lors, l’arbitre doit trancher les griefs séparément.
Le grief du 18 septembre 2012 contre le refus d’accorder la demande de congé
[82]
Le grief du
18 septembre 2012 tire son fondement de l’article
« Convention collective
13.06 Les parties conviennent de se conformer aux dispositions de la Loi sur les normes du travail et ses amendements à l’égard des congés à caractère familial qui y sont prévus.»
[83]
Or,
l’article
« 68.1 Congé supplémentaire
… à un congé annuel supplémentaire sans salaire d’une durée égale au nombre de jours requis pour porter son congé annuel à trois semaines. … »
[84]
Puisque la
disposition 14.02.2 cc accorde à M. Dufresne deux semaines de vacances continues,
il suit que l’article
[85] Le cadre factuel de sa demande permettait à l’employeur de faire droit à cette troisième semaine de congé. En effet, M. Dufresne a déposé sa demande le 16 août 2012, soit deux mois avant la journée désirée de son départ. Ainsi, l’employeur avait amplement le temps de combler l’absence de M. Dufresne. Sur ce point, l’employeur n’a pas démontré que le taux de productivité ne pouvait pas être atteint sans la présence de M. Dufresne.
[86] Il semble vrai que M. Dufresne n’ait pas fourni les motifs de ce congé lors de la rencontre du 16 août 2012. Cependant, il est tout aussi vrai que M. Dufresne a invoqué des raisons sérieuses, véritables et suffisantes, car le droit à la troisième semaine de congé n’exige pas que le salarié se répande en explications.
[87] De toute façon, M. Dufresne ne s’est pas fabriqué une explication au soutien de sa demande et alors, il n’a pas menti à l’employeur, contrairement à l’explication donnée par le plaignant, dans le dossier Delta Hôtels ltée [3] , que l’arbitre F. Hamelin a jugée mensongère.
[88] En définitive, le 14 septembre 2012, M. Dufresne n’avait pas d’autre issu que de consulter son médecin traitant afin d’avoir un billet médical décrivant son état de santé, comme le lui avait suggéré son supérieur immédiat.
[89] Dr. Gravel constate, le 25 septembre 2012, l’épuisement de son patient associé à des problèmes familiaux et il prend l’initiative d’indiquer qu’il faut lui permettre de prendre de une à deux semaines de vacances.
[90] De son côté, Dr. Rivas atténue toute force probante au billet médical du Dr. Gravel, en raison de l’absence de médication. Quoiqu’il en soit, M. Dufresne ne s’accorde pas lui-même une semaine de congé. De ce fait, M. Dufresne était justifié de ne pas se présenter chez Dr. Rivas, les 11 et 17 octobre 2012.
[91]
Il suit,
que le refus opposé à M. Dufresne de partir en congé le 15 octobre 2012 a rendu
illusoire l’exercice du droit de prendre le congé supplémentaire prévu à
l’article
Le grief du 23 octobre 2012 contre le congédiement
[92] L’employeur a conclu erronément, le 16 août 2012, que M. Dufresne voulait prendre congé pour partir à la chasse. Or, les témoignages de messieurs Dufresne et Savard affirment le contraire. Cette erreur a aveuglé l’employeur dans l’exercice ultérieur de ses pouvoirs de gérance.
[93] Il suit que l’employeur a associé faussement le billet médical du 25 septembre 2012 à un mensonge en vue de permettre à M. Dufresne d’aller à la chasse.
[94] La preuve indique que M. Dufresne a prévenu son supérieur, durant la semaine du 8 octobre 2012 qu’il serait absent à partir du 15 suivant. Ainsi M. Dufresne a joué franc jeu, et dès lors, l’employeur n’a aucun motif de congédiement.
[95] M. Dufresne n’a pas de dossier disciplinaire. Que l’arbitre détermine la sanction à la lumière de la situation familiale du plaignant et de son état de santé affecté par la chaleur de l’été.
[96] Si l’arbitre rejette le grief du 18 septembre 2012, les circonstances relatives à l’absence de M. Dufresne à compter du 15 octobre 2012 justifient d’accueillir le grief du 23 octobre 2012.
[97] En effet, le droit jurisprudentiel qualifie la disposition 8.05, 2 cc de clause guillotine, qui est :
« … à ce point exceptionnelle qu’elle doit être interprétée de la manière la plus restrictive possible. … Cette disposition s’écarte radicalement de l’économie générale des sanctions disciplinaires, dominée par le principe de la proportionnalité entre la faute et sa sanction. … En premier lieu, une telle stipulation ne saurait avoir l’effet soi-disant automatique que l’on attribue aux mesures administratives ni contraindre l’arbitre à l’appliquer dans toute sa rigueur, sans discernement. Le droit qu’elle attribuerait à l’employeur devrait être exercé en respectant les exigences de la bonne foi. La bonne foi est le comportement qu’adopterait une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances d’exercice de ce droit [4] »
[98] Il est aussi reconnu que le tribunal peut intervenir en cas de décision abusive, discriminatoire, déraisonnable ou arbitraire de l’employeur [5] , ce qui est le cas en l’espèce.
C) Réplique de l’employeur
[99] Le témoignage de Mme Guay est probant : M. Dufresne a invoqué la chasse à l’appui de sa demande alors qu’en fait il est allé à Cuba. Le plaignant a donc menti. De surcroît, M. Dufresne affirme que l’employeur ne lui a jamais dit que son absence entraînerait un congédiement alors que Mme Guay contredit le plaignant et la lettre du 11 octobre 2012 spécifie l’imposition du congédiement s’il ne se présente pas au travail le 15 octobre 2012.
[100] Aussi, M. Dufresne a acheté ses billets d’avion pour Cuba le 29 septembre 2012. Mme Guay a suggéré au plaignant de lui proposer d’autres dates. Le plaignant refuse. M. Dufresne se contredit eu égard à l’assurance qu’on lui a donné que Dr. Rivas garde confidentiel les informations autres que celles relatives à sa capacité de travail.
[101]
L’article
[102]
La
disposition 14.05 cc établit des paramètres de vacances sans égard à l’article
[103] M. Dufresne n’a jamais invoqué des motifs de nature familial à l’appui de sa demande de congé du 15 octobre 2012 et alors, la disposition 13.06 cc ne s’applique pas et ni non plus la disposition 10.01 cc.
III. ANALYSE ET DÉCISION
[104] Le grief du 18 septembre 2012 regroupe autour de lui la demande de congé de M. Dufresne, formulée à l’employeur le 16 août 2012, et le refus manifesté au plaignant le 14 septembre 2012 de lui accorder cette demande.
[105] Le grief du 23 octobre 2012 tient sous sa dépendance le billet médical du Dr. Gravel du 25 septembre 2012; la convocation de M. Dufresne du 10 octobre 2012 chez Dr. Rivas le 11 octobre 2012 et le refus de s’y rendre; la convocation de M. Dufresne du 11 octobre 2012 chez Dr. Rivas le 17 suivant et le refus de s’y rendre; l’avis d’absence qu’a donné M. Dufresne à son supérieur le ou vers le 8 octobre 2012 l’informant qu’il serait absent le 15 octobre et les jours suivants et, le congédiement de M. Dufresne imposé le 19 octobre 2012.
[106] L’arbitre comprend que pour le syndicat, le congédiement de M. Dufresne découle du refus de l’employeur d’accorder la semaine du 15 octobre 2012 en congé. Vu que le refus est non justifié, il suit que le refus et le congédiement doivent être annulés.
[107] L’arbitre comprend que pour l’employeur, le congédiement de M. Dufresne découle du refus de celui-ci de rentrer au travail le 15 octobre 2012 et plus de trois jours ouvrables consécutifs. Vu que le refus de M. Dufresne de se présenter au travail le 15 octobre est sans justification, il suit que le refus d’accorder la semaine du 15 octobre 2012 en congé et le congédiement doivent être maintenus.
[108] Nous allons démontrer que même si le grief du 18 septembre 2012 regroupe des événements différends de ceux ayant donné lieu au grief du 23 octobre 2012, il n’en demeure pas moins que tous ces événements ont entre eux de la connexion. C’est pourquoi, le rejet du grief du 18 septembre 2012 n’implique pas nécessairement le maintien du grief du 23 octobre 2013 et vice versa. Les deux griefs peuvent être rejetés ou maintenus.
[109] Nous annonçons dès maintenant la conclusion de notre analyse : les deux griefs sont rejetés et nous motiverons notre décision en fonction des dispositions pertinentes de la convention collective.
[110] La question ultime est de savoir si le congédiement de M. Dufresne est valide, compte tenu de l’ensemble des faits et des considérations de droit régissant la disposition 8.05 cc.
A. Les événements relatifs au grief du 18 septembre 2012
La demande de congé formulée le 16 août 2013
[111] Nous analysons la prétention de la validité de la demande de congé formulée le 16 août 2012 séparément de la validité des faits invoqués à l’appui de cette demande.
La
portée de l’article
[112] De prime abord, le 16 août 2013, M. Dufresne avait déjà pris les deux semaines de vacances auxquelles il avait droit en vertu de la disposition 14.02 a) 2 cc.
[113] Au retour de ses vacances statutaires, le salarié assume l’obligation de fournir sa prestation normale et régulière de travail ( cf. 15 cc) et l’employeur est en droit de s’attendre à l’exécution de cette prestation.
[114]
En
l’espèce, la disposition 13.06 cc. renvoie à l’article
[115]
Certes, l’article
[116]
Or, le
dernier alinéa de l’article
[117]
Ainsi, sauf
la situation énoncée à l’article 73, 2iè al., LNT, qui n’est pas le cas en
l’espèce, le législateur n’a pas et n’avait pas l’intention de contraindre
l’employeur à accorder au salarié qui le demande, la troisième semaine de congé
supplémentaire sans salaire, prévue à l’article
[118]
En
définitive, l’article
[119] Mais la disposition 2.01 cc, prévoit que la direction doit agir conformément aux dispositions de la convention collective, dont la disposition 13.06 cc. Ainsi, ces dispositions impliquent que l’employeur ne peut refuser arbitrairement la demande de la troisième semaine de congé sans salaire. Nous examinerons cette question dans le cadre de l’analyse des motifs invoqués par l’employeur le 14 septembre 2012, au soutien du refus d’accorder la demande de congé.
Les motifs invoqués par M. Dufresne le 16 août 2012 à l’appui de sa demande de congé
[120] La preuve est contradictoire au regard des motifs invoqués par M. Dufresne à l’appui de sa demande de congé formulée le 16 août 2012. Mme Guay affirme ce que M. Dufresne nie et elle nie ce qu’il affirme et vice versa. C’est-à-dire, Mme Guay affirme que M. Dufresne a demandé congé pour partir à la chasse et non pas pour se ressourcer et M. Dufresne atteste avoir dit vouloir prendre congé afin de se ressourcer en compagnie d’amis.
[121] En toute logique, l’affirmation de la partie de chasse peut être fausse et l’affirmation du congé avec des amis peut être vraie, mais elles ne peuvent être fausses toutes les deux. Comment trancher? Sur la base de la prépondérance des faits.
[122] L’achat, le 27 septembre 2012, des billets d’avion vers Cuba confère au témoignage de M. Dufresne une prépondérance de preuve sur le témoignage de Mme Guay sur les motifs invoqués par le plaignant à l’appui de sa demande de congé. Ainsi, sont avérés les motifs du ressourcement à l’appui de la demande de congé de la semaine du 15 octobre 2012, formulée le 16 août 2012.
[123] Pour autant, l’employeur peut refuser d’accorder cette demande de congé sur des motifs valides, c’est-à-dire, non arbitraires et non discriminatoires?
Le refus opposé à M. Dufresne le 14 septembre 2012
[124] L’ensemble de la preuve établit sans équivoque que, le 14 septembre 2012, il existera une conjecture durant la semaine du 15 octobre 2012, entre le besoin de tout l’effectif de la main d’œuvre affectée à la fabrication des portes d’acier et la livraison de ces portes.
[125] Cette conjecture est établie selon le cycle des ventes des années antérieures, les commandes reçues au cours de la semaine du 9 septembre 2012 et les expectatives d’une augmentation des ventes en octobre 2012, due à la Promotion Coup de Pouce , (la Promotion).
[126] Il est vrai que la Promotion a été lancée à la toute fin du mois de septembre 2012. La question est de savoir s’il y a une relation entre cette Promotion et le refus opposé à M. Dufresne, le 14 septembre 2012, de lui accorder congé le 15 octobre 2012 et les jours suivants.
[127] Sur ce point, la Promotion a été conçue au cours de l’été 2012 en vue de la lancer à la fin du mois de septembre 2012. Il est normal que l’employeur ait anticipé, dès la conception de cette Promotion, une augmentation des ventes au cours de la deuxième semaine du mois d’octobre 2012. D’où la congruence, entre cette Promotion et les besoins de toute la main d’œuvre affectée à la fabrication des portes et fenêtres afin de remplir les commandes, au milieu du mois d’octobre 2012.
[128] Ainsi, même si le refus opposé à M. Dufresne le 14 septembre 2012 était basé sur une conjecture future des besoins de main d’oeuvre, il n’en demeure pas moins que cette conjecture était vraisemblable, probable et réaliste.
[129] Par ailleurs, le syndicat a fait valoir l’absence au travail de deux compagnons de travail de M. Dufresne au début du mois d’octobre 2012, pour conclure que les congés accordés à ces deux salariés, teintaient d’arbitraire, le refus d’accorder à M. Dufresne la semaine de congé du 15 octobre 2012.
[130] Sur cette question, le syndicat a confronté M. Lavoie au dilemme suivant : ou bien le départ en vacances de deux compagnons de travail au cours des deux premières semaines du mois d’octobre 2012 montre que les besoins de main d’œuvre étaient élastiques durant le mois d’octobre 2012, ou bien les besoins de la production étaient élastiques durant cette même période. Ainsi, conclut le syndicat, l’employeur pouvait s’accommoder de l’absence de M. Dufresne à compter du 15 octobre 2012, sans nuire à la production.
[131] M. Lavoie a dénoué l’impasse en indiquant que les compagnons de travail de M. Dufresne avaient choisi la période de vacances du mois d’octobre 2012 avant le 1 er avril 2012, ce qui permettait de planifier à l’avance les besoins de main d’œuvre du mois d’octobre 2012, alors que M. Dufresne a soumis sa demande de congé de la semaine du 15 octobre 2012 après la planification de la production de ce mois, ce qui ne permettait pas de modifier les besoins afférents de la production.
[132] Tout compte fait, le tribunal doit céder à l’explication de M. Lavoie.
[133] En tout état de fait, le besoin de main d’œuvre invoqué par l’employeur pour justifier le refus opposé à M. Dufresne le 14 septembre 2012 était valide, non arbitraire et non discriminatoire.
[134] Alors, qu’est-ce qui l’emporte pour décider du sort du grief du 18 septembre 2012: les motifs invoqués par M. Dufresne le 16 août 2012 ou le besoin de main d’œuvre postulé par l’employeur le 14 septembre?
[135] D’une part, l’employeur analyse la demande de congé de M. Dufresne en fonction d’un élément objectif dont la constance et la réalité ne se sont pas démenties entre le 16 août et le 14 septembre 2012 et, d’autre part, tant le 16 août que le 14 septembre 2012, il est tout à fait normal que l’employeur ait pensé que la nécessité de ressourcement invoquée par M. Dufresne pouvait s’estomper avant le 15 octobre 2012.
[136] C’est pourquoi, la prépondérance des motifs opposés à M. Dufresne le 14 septembre 2012 l’emporte sur ceux de M. Dufresne.
[137] En conséquence, le tribunal rejette le grief du 18 septembre 2012.
B. Les événements relatifs au grief du 23 octobre 2012
Le billet médical du 25 septembre 2012
[138] Résumons le témoignage du Dr. Rivas ainsi; il est assez difficile de déterminer, derrière les données du billet médical du 25 septembre 2012, ce qui appartient à la pratique médicale.
[139] Mais même un observateur peu au fait de la pratique médicale mettrait en doute le lien entre le diagnostic et l’incapacité du patient de travailler, sur la base du libellé du billet médical du 25 septembre 2012.
[140] L’employeur avait-il des indices lui permettant de qualifier le billet médical de « billet médical de complaisance »?
[141] Le billet médical du 25 septembre 2012 n’est-il pas une continuité des motifs évoqués par M. Dufresne le 16 août 2012?
[142] Quelle est la relation entre l’épuisement constaté le 25 septembre 2012 et le besoin de prendre une ou deux semaines de vacances deux semaines plus tard et non pas à compter du 26 septembre 2012?
[143] Que signifie l’expression : « Il faut lui permettre » au regard de prendre une à deux semaines de vacances en octobre?
[144] Il était tout à fait normal que l’employeur se pose ces questions. Le billet médical du 25 septembre 2012 contenait assez d’indices pour inciter l’employeur à faire investiguer l’état de santé de M. Dufresne en lien avec sa capacité de remplir les exigences normales de sa fonction.
[145] Ainsi, la convocation du 10 octobre 2012 afin de se rendre chez Dr. Rivas le lendemain est une suite logique du libellé du billet médical du 25 septembre 2012 et de la rencontre du 16 août 2012.
Le refus de se rendre chez Dr. Rivas le 11 octobre 2012
[146] Ce que nous savons du refus de M. Dufresne de se rendre chez Dr. Rivas le 11 octobre 2012 nous est connu par le témoignage du plaignant et de celui de Mme Guay. Les deux témoignages convergent.
[147] En gros; la visite chez Dr. Rivas aurait été inutile puisque les informations données au médecin traitant le 25 septembre 2012 n’auraient pas divulguées de la même façon au Dr. Rivas, ou n’auraient pas transmises intégralement au médecin désigné de l’employeur.
[148] Dès lors, M. Dufresne annonce à Mme Guay deux états de santé : d’une part, un état de santé apparenté à ce qu’il a divulgué à son médecin traitant et, d’autre part, un autre état de santé établi à l’issu d’un examen médical qu’il ne veut pas passer.
[149] Dans le premier cas, le billet médical du 25 septembre 2012 est présumé avoir été rédigé sous la dictée du patient; dans le deuxième cas, Dr. Rivas aurait établi son état de santé sur la base d’un examen médical en sus des informations personnelles qu’il aurait données.
[150] En refusant de se rendre chez Dr. Rivas, M. Dufresne ne laisse pas d’autre choix à l’employeur que de conclure que sa décision de partir en congé le 15 octobre 2012 sur la base du billet médical du 25 septembre 2012 ne constitue pas un motif valable d’absence.
Le refus de se rendre chez Dr. Rivas le 17 octobre 2012
[151] La raison du refus de se rendre chez Dr. Rivas le 17 octobre 2012 est la même que celle donnée pour ne pas s’y rendre le 11 précédant. La preuve démontre que l’employeur n’avait pas indiqué dans la convocation du 10 octobre 2012 les conséquences du refus de se présenter chez Dr. Rivas le lendemain, sur le lien d’emploi.
[152] L’arbitre peut accorder à M. Dufresne le bénéfice du doute sur sa connaissance des conséquences sur son lien d’emploi, de ne pas se présenter chez Dr. Rivas le 11 octobre 2012.
[153] Mais la preuve relative à la conversation tenue le 10 octobre 2012, entre M. Dufresne, le représentant syndical et Mme Guay, et la convocation du 11 octobre 2012 de se présenter chez Dr. Rivas le 17 octobre 2012, élimine tout doute possible sur la connaissance qu’avait le plaignant sur les conséquences découlant du fait de ne pas se présenter à l’ouvrage le 15 octobre 2012, à moins de rencontrer Dr. Rivas le 17 octobre 2012 et que celui-ci confirme son incapacité à effectuer son travail.
[154] M. Dufresne arrive à Cuba le 13 octobre 2012. Ceci étant, l’employeur devait nécessairement attendre trois jours ouvrables d’absence consécutive, soit le 18 octobre 2012, avant d’appliquer ou non la disposition 8.05, 2) cc.
[155] Le refus de M. Dufresne de se présenter chez Dr. Rivas le 17 octobre 2012 sans autres motifs que ceux donnés à l’employeur le 10 octobre 2012, rend son absence à l’ouvrage à compter du 18 octobre 2012, comme une absence sans justification et sans permission durant trois jours ouvrables consécutifs et plus, au sens de la disposition 8.05, 2) cc.
L’avis d’absence à compter du 15 octobre 2012, donné par M. Dufresne à son supérieur le 8 octobre 2012
[156] Je serai bref sur ce moyen utilisé par M. Dufresne pour justifier son absence à compter du 15 octobre 2012 : il a donné l’avis d’absence a son supérieur le 8 octobre 2012. L’employeur avise M. Dufresne les 10 et 11 octobre 2012 des conséquences de son absence à compter du 15 octobre 2012.
[157] De toute évidence, les conséquences d’une absence au travail à compter du 15 octobre 2012 indiquées dans les avis des 10 et 11 octobre 2012, ne sont pas annulées par l’avis donné le 8 octobre 2012 au supérieur de M. Dufresne.
C. Le congédiement de M. Dufresne est-il valide, compte tenu de l’ensemble des faits et des considérations de droit régissant la disposition 8.05 cc?
[158] Comme on l’a vu dans l’argumentation, un courant jurisprudentiel arbitral qualifie la perte d’ancienneté et d’emploi résultant d’une absence non justifiée et non autorisée, comme étant une sanction prédéterminée qui ne laisse pas d’autre choix à l’arbitre que d’appliquer la sanction prévue par les parties, si preuve de cette absence de justification et d’autorisation est faite, sans se demander si la sanction est de nature disciplinaire ou administrative [6] .
[159] Un autre courant jurisprudentiel considère que la perte d’emploi et d’ancienneté, due à une absence sans justification et sans autorisation, est une sanction disciplinaire dominée par le principe de la proportionnalité de la sanction par rapport à la faute [7] . Selon ce courant, l’arbitre a le pouvoir de modifier la sanction disciplinaire et y substituer une sanction juste et raisonnable ( art.100.12, f) C.t.Q.)
[160] En l’espèce, la preuve démontre sans équivoque que M. Dufresne s’est absenté sans autorisation et sans justification.
[161] Si je suis le premier courant, je dois maintenir le congédiement. Si je suis le deuxième courant, je peux modifier le congédiement, si les circonstances le justifient, car l’arbitre doit exercer cette discrétion judiciairement.
[162] Justement, l’ensemble de la preuve démontre sans équivoque que M. Dufresne a sciemment refusé d’accomplir la prestation de travail à laquelle l’employeur était en droit de s’attendre et qu’il était en mesure d’accomplir en tout état de fait.
[163] Le plaignant a lui-même monté l’escalade des causes de la rupture de son lien d’emploi.
IV. DISPOSITIF
[164] Pour tous ces motifs, le tribunal maintient le refus d’accorder la semaine du 15 octobre 2012 en congé et confirme le congédiement de M. Dufresne.
[165] En conséquence, le tribunal rejette les griefs déposés les 18 septembre 2012 et 23 octobre 2012.
[166] Ainsi décidé le 17 octobre 2013.
Me Bernard Lefebvre
Pour le syndicat : |
Me Pierre-Louis Fortin Legris |
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Pour l’employeur : |
Me Paul Dupéré
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[1] L.R.Q., c. N-1.1
[2]
Syndicat des salariées et
salariés de Perfecta Plywood ltée (CSD) et Perfecta Plywood ltée
[3]
Delta Hôtels ltée, et Syndicat
des travailleuses et travailleurs du Delta Centre-Ville,
[4]
L.A. Darling Ltée et Les Métallurgistes
unis d’Amérique, section locale 7599,
[5]
Travailleuses et travailleurs
unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 et Provigo
Distribution Inc. (Provigo Boucherville),
[6] Voir supra, note 5 et particulièrement la décision de Me François Hamelin, Delta Hôtel.
[7] Voir L.A. Darling Ltée, arbitre C. Fabien, rapporté dans note 4.