Baril c. Royer |
2013 QCCQ 13668 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE |
SHERBROOKE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
450-32-016156-127 |
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DATE : |
25 octobre 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MADELEINE AUBÉ, J.C.Q. |
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RÉNALD BARIL , domicilié et résidant au […], Saint-Isidore (Québec) […] |
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Demandeur |
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c. |
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FRANCIS ROYER , domicilié et résidant au […], Sherbrooke (Québec) […] |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] Invoquant un vice caché au moteur d'une automobile acheté 3 800 $ du défendeur [1] , le demandeur réclame le coût de l'estimation [2] et le coût des réparations [3] , soit 3 548,13 $.
[2] Le défendeur conteste la réclamation. Il allègue avoir vendu un véhicule en bonne condition. Il soutient également :
· que le contrat de vente [4] du véhicule datant de 1974 comporte la mention « tel que vu et essayer [transcription conforme] »;
· que le demandeur a refusé de faire une inspection pré-achat du véhicule; et
· que le demandeur a parcouru plus de kilométrage que lui avec le véhicule.
[3] Le demandeur voit annoncer une Volkswagen Beetle 1974 dans Internet. Le prix demandé est de 6 500 $.
[4] Il communique avec le défendeur qui l'informe que le prix est négociable.
[5] Le 27 juillet 2012, il parcourt environ 160 kilomètres pour aller voir le véhicule. Lors d'un court essai routier, le demandeur constate que le moteur n'a pas de pouvoir et entend des explosions au carburateur. Il dit connaître la technologie des années 1970 qui diffère de celle d'aujourd'hui. Il pense qu'après une mise au point et un nettoyage du carburateur le problème sera réglé.
[6] Le défendeur lui offre de faire inspecter le véhicule. Il témoigne avoir discuté du problème avec le demandeur, ce qui a fait partie de la négociation du prix à la baisse.
[7] Ce 27 juillet 2012, le demandeur achète du défendeur, pour 3 800 $, la Volkswagen Beetle 1974, en lui remettant un dépôt de 500 $ [5] . Le contrat de vente contient la mention « tel que vu et essayer [transcription conforme] ».
[8] Le 30 juillet 2012, à la demande du demandeur, aux fins d'assurance, le défendeur lui remet un reçu de 7 000 $ pour la vente du véhicule [6] .
[9] Le 30 juillet 2012, la transaction a lieu. Le défendeur fait évaluer, par un concessionnaire, le véhicule comme le requiert, pour des véhicules anciens, la SAAQ préalablement au transfert de l'immatriculation. Le véhicule est évalué à 1 000 $. Le défendeur paie la taxe sur ce montant [7] .
[10] Le demandeur parcourt environ 160 kilomètres avec le véhicule pour retourner chez lui. Il roule entre 85 et 90 kilomètres à l'heure.
[11] Il se rend au garage, le 1 er août 2012. Le garagiste facture l'estimation des réparations et indique au demandeur que le moteur doit être changé [8] .
[12] Le demandeur fait des démarches. Un garagiste lui propose, si c'est possible après avoir ouvert le moteur, de le rebâtir pour environ 2 800 $ [9] .
[13] Le 22 août 2012, le défendeur reçoit signification d'une mise en demeure dénonçant le vice au défendeur. Cette dénonciation est accompagnée de l'estimation des travaux correctifs [10] .
[14] Le demandeur produit l'historique du véhicule qui montre que le défendeur a acheté le véhicule le 22 février 2012 et lui a revendu le 30 juillet 2012 [11] . Le défendeur indique avoir payé l'automobile 4 200 $ et l'a revendue 3 800 $ au demandeur après avoir considéré la réparation nécessaire au moteur.
[15] Le 26 septembre 2012, le demandeur fait remplacer le moteur. La réparation de 2 000 $ (avant taxes) est garantie pour un an [12] .
[16]
La garantie de qualité est codifiée à l'article
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[17] Le vice caché est une défectuosité ou une déficience du bien, causant un empêchement important à son usage normal. L'analyse de la présence ou non d'un vice caché obéit généralement à quatre critères essentiels qui en déterminent la qualification :
· Le vice doit être grave, c'est-à-dire qu'il doit causer des inconvénients sérieux à l'usage du bien vendu. Son importance doit être telle qu'on doit en conclure que l'acheteur n'aurait pas acheté ou n'aurait pas accepté de payer le prix convenu s'il avait connu la situation véritable.
· Le vice doit être inconnu de l'acheteur. Un vice dénoncé par le vendeur n'est pas caché. La connaissance ou l'ignorance par le vendeur de l'existence du vice n'est pas un facteur pertinent à l'analyse puisque c'est l'état du bien que garantit le vendeur et non son propre fait.
· Le vice doit être caché. C'est dire qu'il ne peut être découvert par un acheteur prudent et diligent. Aucun indice de sa présence n'est perceptible lors de la visite des lieux. En présence d'un indice sérieux, l'acheteur doit pousser plus loin son investigation. Il peut même, en certaines circonstances, être tenu de recourir à l'avis d'un expert.
· Le vice doit être antérieur à la vente puisque le vendeur est tenu de garantir l'état du bien au moment de la vente.
[18] L'acheteur, qui prouve que le bien acheté est affecté d'un vice caché, a droit à une diminution du prix de vente. Cette diminution ne correspond pas nécessairement au remboursement intégral du coût des travaux correctifs requis. Plusieurs autres facteurs doivent être pris en considération pour en établir le montant approprié.
[19]
Qu’en est-il de l’expression « tel que vu et essayer [transcription
conforme] » apparaissant dans le contrat de vente? Cette expression
dégage-t-elle le défendeur de la garantie de qualité (ou la garantie légale
contre les vices cachés) découlant de l’article
[20]
L’article
1733. Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s'il n'a pas révélé les vices qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien.
Cette règle reçoit exception lorsque l'acheteur achète à ses risques et périls d'un vendeur non professionnel.
[Nos soulignements]
[21] Les tribunaux ont eu à se prononcer à maintes reprises sur ce point.
[22] Par exemple, il a été décidé que la mention similaire « accepté tel que vu », apparaissant à un contrat de vente d'un bien usagé, n'emporte pas renonciation à la garantie légale contre les vices cachés. Une telle mention est d'interprétation restrictive et ne vise que les vices apparents [13] .
[23] Le Tribunal est d’avis que l’expression « tel que vu et essayer [transcription conforme] » n’équivaut pas à l’expression « acheté à ses risques et périls ».
[24] Le Tribunal conclut que la preuve ne démontre pas que les parties ont voulu exclure expressément la garantie légale par cette mention.
[25] Le demandeur n'a pas fait inspecter le véhicule, malgré le bruit et l'absence de force du moteur. Il aurait dû être vigilant et pousser plus loin l'investigation et ne pas simplement se fier à sa connaissance de la « technologie de l'époque ».
[26] Le défendeur a offert au demandeur de faire inspecter le véhicule. En outre, la preuve ne démontre pas qu'il ait fait de fausses représentations au demandeur ou ait tenté de le rassurer.
[27] Les parties ont négocié le prix à la baisse en tenant compte d'une réparation prévisible au moteur.
[28] Comme il s'agit d'un véhicule datant de 1974, la prudence de l'acheteur s'imposait.
[29] Selon la jurisprudence, l'acheteur d'un bien usagé ne peut avoir les mêmes attentes que celui qui achète un bien neuf ou plus récent. Dans l'affaire Laporte c. Guillette [14] , mon collègue le juge Théroux s'exprime en ces termes :
[13] La garantie contre les vices cachés n'est pas une garantie d'intégralité absolue du bien vendu ni une garantie générale de bon fonctionnement. Il est bien établi en droit que l'application et la portée de cette obligation du vendeur est en grande partie déterminée par les attentes légitimes d'un acheteur raisonnable en fonction du bien qu'il accepte d'acheter, au prix qu'il accepte de payer.
[14] Cette règle reçoit plus particulièrement application dans le cas de biens âgés ou vétustes. L'acheteur d'un bien usagé n'a pas les mêmes attentes que l'acheteur d'un bien neuf.
[…]
[16] Tout ouvrage matériel est nécessairement affecté par l'usure et le passage du temps. Les composantes d'un bâtiment ont forcément une durée de vie utile limitée.
[30] La doctrine nous enseigne que la vétusté et l'usure d'un bien ne constituent pas un vice [15] :
334 - Tout bien est soumis aux effets de dégradation en raison du passage du temps. Un bien jouit d'une durée déterminée par la vie utile des matières qui le composent. Or, le passage du temps et la manipulation d'un bien engendrent inévitablement son usure, son vieillissement et sa vétusté. […] Les détériorations dues à l'usure, au vieillissement ou à la vétusté ne constituent donc pas des vices, car, en raison de la révision à la baisse de l'usage attendu, elles n'occasionnent aucun déficit d'usage au sens de la garantie : l'usage protégé varie ainsi selon l'état de l'usure, du vieillissement et de la vétusté du bien au moment de la vente.
[31] Parlant du déficit d'usage, Edwards [16] écrit :
335 - […] Ils [les tribunaux] ont néanmoins observé
que la détérioration due à l'usure, au vieillissement ou à la vétusté, n'est
pas visée par l'usage mentionné dans l'article
[Références omises]
[32] Le Tribunal conclut que le demandeur n'a pas prouvé que le véhicule qu'il a acheté était affecté d'un vice caché. Le Tribunal ne peut faire droit à sa réclamation
[33] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[34] REJETTE la demande;
[35] CONDAMNE le demandeur à payer au défendeur la somme de 121 $ déboursée pour les frais de sa contestation.
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__________________________________ MADELEINE AUBÉ, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
30 septembre 2013 |
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[1] Pièces P-1 et D-2.
[2] Pièce P-2 (172,47 $).
[3] Pièce P-4 (1 076,16 $ + 2 299,50 $ = 3 375,66 $).
[4] Pièces P-1 et D-2.
[5] Pièces P-1 et D-2.
[6] Pièce D-1.
[7] Pièce P-7.
[8] Pièce P-2.
[9] Pièce P-3.
[10] Pièce P-5.
[11] Pièce P-6.
[12] Pièce P-4.
[13]
Forest
c.
Fossberg
, (C.Q., 2003-04-28),
[14]
[15]
Jeffrey EDWARDS,
[16] J. EDWARDS, préc., note 15, p. 156.