Syndicat des salariés des produits de céramique et autres (CSN) c. Commission des relations du travail

 

JS1210

 

 

2013 QCCS 5694

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

 

 

N° :

500-17-076666-133

 

 

 

DATE :

21 octobre 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MARC ST-PIERRE, J.C.S. (JS1210)

 

 

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SYNDICAT DES  SALARIÉS DES PRODUITS DE CÉRAMIQUE ET AUTRES (CSN)

Demandeur

c.

COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

Défenderesse

 

et

 

MAPEI inc.

Mis en cause

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JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Le Tribunal est saisi d'une requête en révision judiciaire du demandeur pour obtenir l'annulation d'une décision de la défenderesse à deux volets.

[2]            L'intimée s'est prononcée dans un premier temps sur une demande d'ordonnance de l'employeur mis en cause pour que soit soumis sa dernière proposition de règlement à l'assemblée générale des membres du demandeur en application de l'article 58.2 du Code du travail (LRQ chap. C-27).

[3]            Dans un deuxième temps, la défenderesse a adjugé d'une plainte du syndicat demandeur pour défaut par l'employeur mis en cause de négocier de bonne foi en conformité avec l'obligation à cet effet à l'article 53 dudit code.

[4]            Le demandeur requiert l'intervention de la Cour supérieure pour l'annulation des deux volets de la décision.

*     *     *

[5]            En août 2012, le 24, alors que les salariés compris dans l'unité de négociation du demandeur sont en grève depuis quelques mois, l'employeur mis en cause annonce la fermeture d'un département et le licenciement de 41 salariés - sur un total d'environ 115 salariés syndiqués.

[6]            À la fin du mois, l'employeur mis en cause écrit une lettre à la conciliatrice au dossier [1] , avec copie au syndicat demandeur, pour l'informer que la convention collective devra faire l'objet de réaménagements pour tenir compte de la fermeture d'un département et du licenciement de 41 salariés; aussi, le protocole de retour au travail devra prévoir des dispositions particulières pour le replacement des salariés qui étaient affectés dans le département fermé mais qui restent à l'emploi [2] .

[7]            À l'automne 2012, en octobre, les négociations reprennent avec de nouveaux interlocuteurs de part et d'autre et l'employeur mis en cause pose alors un certain nombre de conditions; notamment, il prévient le demandeur qu'il aura besoin de plus de flexibilité dans la convention collective pour continuer à opérer l'entreprise.

[8]            L'employeur mis en cause dépose alors un certain nombre de nouvelles propositions par lesquelles, notamment, il remet en cause certaines des ententes prises en cours de négociation au printemps précédent et revient avec de nouveaux amendements portant, notamment et principalement, sur les mouvements de main-d'œuvre.

[9]            Le syndicat demandeur accepte d'en discuter avec l'employeur mis en cause et soumet éventuellement les offres de l'employeur mis en cause à une assemblée générale de ses membres qui rejettent massivement la proposition patronale de convention collective.

[10]         Au début novembre, le représentant du syndicat demandeur communique par écrit au moyen d'une lettre au représentant de l'employeur mis en cause pour lui faire part du résultat du vote et lui indiquer par la même occasion à quelles conditions le syndicat est prêt à reprendre les négociations.

[11]         De nouvelles négociations se tiennent effectivement en décembre 2012; certains assouplissements significatifs sont apportés par l'employeur à sa position; cependant, des irritants importants demeurent aux yeux du syndicat demandeur qui refuse de retourner en assemblée générale pour soumettre à ses membres les dernières propositions de la mise en cause.

[12]         En janvier 2013, l'employeur mis en cause signifie au syndicat demandeur une requête pour obtenir un vote secret supervisé; dans les jours suivants, le syndicat demandeur dépose une plainte alléguant que l'employeur ne s'est pas conformé à son obligation de négocier de bonne foi; les deux demandes relèvent de la compétence exclusive de la commission défenderesse.

[13]         Les audiences devant la commission défenderesse ont lieu au printemps 2013 et avant que la défenderesse rende sa décision, le juge au dossier communique par écrit avec les deux parties pour leur signaler que le protocole de retour au travail, faisant partie des offres patronales pour lesquelles l'employeur mis en cause demande un vote, contient certaines illégalités.

[14]         Le juge pointe la clause du protocole prévoyant que le syndicat demandeur devrait se désister des plaintes en vertu du Code du travail d'un certain nombre de salariés alors que ce ne sont que les salariés eux-mêmes qui seuls peuvent légalement le faire.

[15]         L'employeur mis en cause convient de cette illégalité et propose à la défenderesse de faire les corrections qui s'imposent dans le protocole de retour au travail en sorte que c'est ce protocole modifié qui ferait l'objet du vote souhaité par l'employeur.

[16]         Par sa décision, la défenderesse accueille la requête de l'employeur mis en cause mais lui ordonne de soumettre - dans les 48 heures de la décision - une nouvelle proposition au syndicat plutôt que d'ordonner un vote sur la dernière proposition telle que modifiée par l'amendement au protocole de retour au travail [3] ; la défenderesse se réserve compétence pour ordonner un vote sur une demande à cet effet de la mise en cause; également, elle rejette la plainte du syndicat pour défaut de négocier de bonne foi du syndicat demandeur.

*     *     *

[17]         Le demandeur invoque que la défenderesse a fait preuve de partialité lorsqu'elle a accepté que l'employeur mis en cause modifie sa proposition puis lui a ordonné de la soumettre au syndicat avant un éventuel vote pour lequel elle se conservait compétence; pour le syndicat, la défenderesse aurait dû rejeter purement et simplement la demande de l'employeur pour une ordonnance de vote vu qu'elle était illégale.

[18]         Quant au deuxième volet, le demandeur plaide que la défenderesse n'a pas tenu compte d'une preuve non contredite qui aurait dû la conduire inévitablement à la conclusion que l'employeur mis en cause ne s'était pas acquitté de son obligation de négocier de bonne foi.

[19]         Selon le demandeur, en reniant les ententes intervenues au printemps 2012, particulièrement sur l'article 14 de la convention collective qui concerne tous les mouvements de main-d'œuvre, l'employeur a fait la démonstration de sa mauvaise foi.

[20]         Le demandeur invoque la jurisprudence canadienne voulant que la remise en cause en cours de négociations d'ententes déjà intervenues constitue une indication caractéristique de mauvaise foi; selon cette jurisprudence, celui qui change sa position en négociation, au détriment de l'autre partie, a le fardeau de justifier son comportement par des raisons sérieuses.

[21]         Le demandeur reconnaît que certains amendements apportés par la mise en cause dans sa proposition sont "objectivables", notamment la disposition qui donne la ventilation des différents départements de l'usine que le syndicat a d'ailleurs accepté de réaménager compte tenu de la fermeture de l'un d'entre eux.

[22]         En ce qui concerne les autres, le demandeur ne voit pas comment ils pourraient être "objectivables" dans un contexte de négociation de bonne foi.

[23]         Le demandeur en veut pour preuve la lettre que la mise en cause  a écrite le 30 août 2012 à la conciliatrice au dossier avec copie au demandeur à la suite de la fermeture d'un département pour les prévenir que "(L)'impact de ces licenciements sur le nombre de salariés de l'unité de négociation demeurant à l'emploi fait en sorte que certaines dispositions normatives de la convention collective qui ont fait l'objet d'une entente devront être réaménagées pour tenir compte de la baisse importante du nombre de salariés toujours en poste".

[24]         La mise en cause ajoutait dans la même lettre qu' "elle estime que les parties devront régler la question du déplacement et de la réaffectation des salariés restants dans le cadre du protocole de retour au travail car il ne sera pas possible d'appliquer tel quel les dispositions de la convention collective dans la mesure où un département complet aura été supprimé dans l'intervalle".

[25]         Pour le demandeur, les dispositions de la convention collective devant faire l'objet de réaménagement, dont il est question dans la première partie de la lettre, ne sont pas celles reliées au déplacement et à la réaffectation puisque c'est dans le protocole de retour au travail que cette question devra être réglée, selon la deuxième partie de la lettre.

[26]         Il donne à titre d'exemple la demande de la mise en cause à l'automne 2012 voulant que la période de familiarisation d'un salarié à la suite du déplacement ( bumping) d'un autre salarié ne soit accordée que s'il le juge à propos, après avoir convenu au printemps qu'elle serait obligatoire.

[27]         Par ailleurs, la mise en cause aurait aussi voulu modifier des clauses sur des sujets qui ne sont pas liés à la fermeture du département et à la réaffectation des salariés au retour au travail.

[28]         Le demandeur pointe aussi certaines dispositions dans le protocole de retour au travail faisant partie de l'offre globale de l'employeur qui contiendrait des dispositions inacceptables comme celle ayant trait au vide juridique [4] pendant lequel il n'y aurait pas cumul de l'ancienneté [5] ; le demandeur devrait aussi se désister des griefs des salariés déposés durant cette période de vide juridique faisant ainsi défaut, dans la compréhension du demandeur,  à son devoir de représentation.

*     *     *

[29]         En ce qui concerne le volet de la décision concernant l'ordonnance de vote, l'employeur mis en cause plaide que la requête en révision du syndicat est devenue sans objet considérant que 1.- l'ordonnance de soumission de sa dernière proposition au demandeur dans un délai de 48 heures a été exécutée et 2.- la conclusion par laquelle la défenderesse se réservait compétence pour adjuger d'une ordonnance de vote n'avait plus lieu d'être à la suite du désistement par l'employeur de sa requête.

[30]         L'employeur mis en cause explique que sa position en négociation a évolué - il aurait d'ailleurs présenté une nouvelle requête à la défenderesse pour une ordonnance de vote relativement à sa dernière proposition de règlement.

[31]         L'employeur mis en cause ajoute par ailleurs que rien ne démontre que le commissaire a été partial en l'espèce; il réfère à une décision du président de la défenderesse s'étant prononcé sur la question à la demande du demandeur à la suite d'une requête de la mise ne cause dans le présent dossier pour que la question de la partialité du juge au dossier soit (d'abord) soumise au président de la défenderesse en conformité avec les dispositions du Code du travail.

[32]         Comme le président de la commission défenderesse, le mis en cause considère que la décision du membre de la commission défenderesse de communiquer avec les parties après la prise en délibéré afin de permettre à l'employeur de corriger sa proposition globale finale équivalait à l'intervention d'un juge en vertu de l'article 292 C.p.c. [6] applicable en l'espèce par analogie; le demandeur n'a d'ailleurs pas protesté lorsque le juge a communiqué avec les parties - il a participé au processus de consultation.

[33]         En ce qui concerne l'autre volet, la mise en cause ne conteste pas le bien fondé de la jurisprudence du demandeur mais elle invoque deux motifs pour justifier son comportement : (1) la fermeture d'un département qui a occasionné le licenciement d'environ le tiers des employés et (2) l'exigence de flexibilité amenée en négociation par l'employeur à la reprise des négociations à l'automne 2012.

[34]         L'employeur ajoute que le syndicat demandeur lui-même a accepté de négocier avec lui les modifications au mouvement de main-d'œuvre sur les sujets qui avaient fait l'objet d'un règlement antérieur sans invoquer qu'il s'agissait là de la mauvaise foi.

[35]         Quant aux dispositions qui, dans le protocole de retour au travail proposé feraient (soi-disant) preuve de son manque de bonne foi, l'employeur plaide que cet élément n'a jamais fait l'objet de représentations quelconque de la part du syndicat demandeur devant la défenderesse en sorte que, en révision judiciaire, il serait forclos de revenir sur cette question.

*     *     *

[36]         Le syndicat répond à l'égard de l'ordonnance de vote que la décision de la commission n'est pas devenue sans objet puisqu'elle peut être invoquée comme précédent ou à titre d'autorité jurisprudentielle; il maintient que le commissaire au dossier n'aurait pas dû intervenir en délibéré.

[37]         Quant à son comportement à la suite de la volte face de l'employeur sur des ententes déjà négociées, le syndicat demandeur rétorque qu'il n'avait pas le choix à l'automne 2012 de se rasseoir avec l'employeur, à défaut de quoi, il risquait lui-même des accusations de refus de négocier de bonne foi.

*     *     *

[38]         En ce qui concerne le volet de la décision de la défenderesse qui concerne la demande d'ordonnance de vote, le Tribunal considère que le syndicat demandeur n'a plus l'intérêt légal requis pour en demander la révision puisque, comme l'employeur mis en cause le plaide, elle est devenue sans objet à la suite du désistement de la requête de la mise en cause.

[39]         Le syndicat demandeur ne conteste pas que la partie de la décision de la défenderesse qui porte sur ce volet ne serait plus susceptible d'exécution même si sa demande d'annulation pour ce volet de la décision n'était pas accueillie en Cour supérieure; il n'y a donc effectivement plus d'objet.

[40]         Par ailleurs, la Cour supérieure ne rend pas de jugement pour éviter qu'une décision d'un tribunal administratif puisse être invoquée comme précédent ou qu'elle puisse être citée comme autorité jurisprudentielle.

*     *     *

[41]         Je passe au deuxième volet de la requête : le rejet de la plainte pour défaut par la mise en cause de négocier de bonne foi.

[42]         La mise en cause n'a pas invoqué d'autorités à l'appui de sa prétention voulant que le demandeur aurait dû discontinuer les négociations après le dépôt par la mise en cause de demandes de modifications des ententes antérieures sous peine de perdre son droit de faire une plainte.

[43]         Le seul fondement juridique auquel le tribunal peut penser est la fin de non recevoir importée des juridictions de common law (l' estoppel ) or, elle ne peut bénéficier qu'à celui qui aurait été incité à changer sa position ou adopter un certain comportement par celui qui aurait eu une conduite fautive et non pas l'inverse.

[44]         En l'espèce, pour disposer du moyen de la mise en cause, je dois supposer aux fins de discussion que, comme le demandeur le suggère, c'est la mise en cause qui aurait eu une conduite fautive; elle ne pourrait donc pas se prévaloir de la fin de non recevoir.

*     *     *

[45]         Quant au fond, je reproduis d'abord le raisonnement de la défenderesse sur les reproches du demandeur quant au "reniement" des ententes antérieures :

«  [89]    Toute la jurisprudence soumise par le syndicat va d’ailleurs dans ce sens. En qualifiant de négociation de mauvaise foi, le retour sur des ententes antérieures «  reneging  », «  receeding horizon bargaining  », le dépôt de nouvelles demandes tardives ou le changement contradictoire dans les positions de négociation, les tribunaux concernés ont toujours été convaincus par la preuve administrée devant eux chaque fois que ces attitudes constituaient une atteinte au processus de négociation ou aux objectifs de la loi.

[90]       Même si en l’espèce la preuve démontre que l’employeur a fait preuve de peu d’ouverture à modifier ses nouvelles propositions en octobre et en décembre 2012 et qu’à ces occasions, il est revenu sur des clauses de la convention collective ayant fait l’objet d’une entente entre les parties en mai 2012 ou avant, on ne peut conclure pour autant à négociation de mauvaise foi.

[91]       En effet, la situation qui prévalait en mai 2012 a changé considérablement en août 2012 alors que l’employeur a procédé à plus de 40 mises à pied permanentes.

[92]       Il ne s’agit pas d’un changement mineur. Il y a fermeture complète d’un service et diminution du nombre d’employés de l’ordre de 35 %. De plus, la décision de l’employeur de procéder aux licenciements en respectant l’ordre d’ancienneté a fait en sorte que plusieurs employés sont toujours à l’emploi sans détenir de postes ou d’affectations.

[93]       Sans porter de jugement sur les modalités proposées par l’employeur pour tenir compte de cette situation, force est de constater qu’elle est nouvelle en août 2012 et qu’il n’est pas répréhensible d’en tenir compte dans les propositions faites pour régler la négociation, et ce, même si la démarche implique de reconsidérer certaines ententes.

[94]       On ne peut, comme le suggère le syndicat, prétendre à l’absence de lien entre les modifications proposées par l’employeur aux ententes antérieures et la nouvelle réalité quant au nombre de salariés visés par la convention collective, incluant la nécessité d’intégrer au travail, après le règlement à venir, les nombreux salariés sans postes à cause de la fermeture du service des poudres. »

[46]         Ainsi, la défenderesse impute à la fermeture du département, au licenciement des 41 salariés et aux mouvements de main d'œuvre devant en résulter au retour au travail (déplacements et réaffectations) l'ensemble des modifications proposées par la mise ne cause à l'automne 2012 alors que l'employeur mis en cause lui même n'impute pas à la fermeture d'un département et à ses conséquences certains des amendements introduits à l'automne 2012.

[47]         Le tribunal relève effectivement dans les nouvelles propositions de l'employeur mis en cause à l'automne 2012 des changements significatifs quant à l'ouverture des postes vacants et nouvellement créés et à la procédure d'attribution de tels postes ainsi qu'en ce qui concerne les affectations temporaires et les postes temporaires [7] .

[48]         Force est de constater que ces changements, et peut-être d'autres changements proposés par la mise en cause, ne peuvent être reliés à la fermeture d'un département, au licenciement de 41 salariés ou aux déplacements et réaffectations en résultant lors du retour au travail; la mise en cause l'admet d'ailleurs implicitement en invoquant l'exigence de plus grande flexibilité en tant que condition pour la reprise des négociations à titre de justification pour l'introduction à l'automne 2012 d'une partie des nouvelles propositions.

[49]         Je signale que la preuve de ces demandes particulières de la mise en cause a été faite devant la défenderesse et que les procureurs de la mise en cause ont invoqué devant la commission défenderesse l'exigence de leur cliente pour une plus grande flexibilité en tant qu'explication pour justifier les nouvelles demandes qui ne peuvent être reliées à la fermeture du département, au licenciement des 41 salariés ou aux déplacements et réaffectations lors du retour au travail [8] .

[50]         Je comprends qu'un tribunal n'a pas à rapporter tous les éléments de preuve ni à répondre à chacun des arguments des parties; cependant, en l'espèce, la défenderesse a ignoré les éléments de preuve les plus significatifs pour ainsi éviter - je ne prétend pas que ce soit délibérément - de fournir une réponse satisfaisante à la question en litige dans ce volet de la décision.

[51]         Ce faisant, elle a commis une erreur qui donne ouverture à une intervention de cette cour en révision judiciaire : le défaut de tenir compte d'une preuve admissible qui peut avoir une influence déterminante sur la décision équivaut à une violation de la règle audi alteram partem , laquelle commande l'intervention du tribunal chargé du contrôle judiciaire [9] .

[52]         D'autre part, je ne crois pas que ce soit à cette Cour de se prononcer sur la justification de la mise en cause à l'égard de ces changements pour déterminer si son comportement en négociation est respectueux de la loi, comme le demandeur le propose dans les conclusions de sa requête; c'est plutôt à la défenderesse, qui bénéficie d'une expertise spécialisée en la matière, de le faire; je lui retournerai donc le dossier.

[53]         Le demandeur a demandé à l'audience qu'une ordonnance soit rendue pour que le dossier soit confié à un autre juge advenant que le tribunal décide de retourner le dossier à la défenderesse; cette demande sera agréée, ne serait-ce que pour sauvegarder l'apparence d'impartialité.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[54]         ACCUEILLE en partie la requête en révision judiciaire du demandeur;

[55]         ANNULE  les conclusions dans la décision R-1 quant au rejet de la plainte du  demandeur relative au défaut par la mise en cause de se conformer à son obligation de négocier de bonne foi;

[56]         RETOURNE le dossier à la défenderesse pour qu'il soit statué à nouveau sur la plainte du demandeur et ce, devant un autre juge que celui qui a rendu la décision;

[57]         LE TOUT avec dépens contre la mise en cause.

 

 

MARC ST-PIERRE, J.C.S.

Me Benoît Laurin

Mathilde Jannard, stagiaire

Laroche Martin

Procureurs du demandeur

 

Me François Garneau

Me Claudia Desjardins-Bélisle

Miller Thompson

Procureurs du mis en cause

 

Date d’audience :

27 septembre 2013

 



[1] nommée par le ministère au début de la négociation à la demande de l'employeur mis en cause pour aider les parties à régler leur différend

[2] il faut savoir que la mise en cause a procédé par (ordre inverse d') ancienneté (générale) lors du licenciement des 41 salariés en août 2012 sans égard aux départements où les salariés licenciés étaient affectés, en sorte que des salariés du département fermé sont restés à l'emploi : ils devront être réaffectés à de nouvelles fonctions ou exercer leur droit de déplacement au retour au travail

[3]  seule la dernière proposition soumise au syndicat peut faire l'objet d'un vote en vertu de la disposition habilitante du Code du travail, l'article 58.2

 

[4] la période pendant laquelle l'ancienne convention collective a cessé d'avoir effet jusqu'à la signature de la nouvelle convention collective - l'ancienne convention collective prévoyait qu'elle cessait de s'appliquer à partir de l'exercice du droit de grève

[5] alors que, selon le procureur du demandeur, elle (l'ancienneté) correspond à la durée du service en sorte qu'elle serait établie en fonction de la date d'embauche des salariés (et non pas des jours travaillés)

[6] la disposition qui prévoit que le juge peut communiquer avec les parties avant de rendre son jugement pour leur signaler une lacune dans la preuve ou la procédure et leur permettre de la corriger

[7] dans une lettre du 18 octobre 2013 des procureurs de la mise en cause au soussigné, autorisée pour commenter un document comparatif demandé à l'audience par le juge au demandeur et produit à titre d'aide mémoire pour réunir des informations contenues dans différentes pièces, les procureurs de l'employeur précisent que l'exigence de flexibilité en tant que condition de reprise des négociations à l'automne, visait "l'assignation des tâches de courte durée" - i.e. ce que j'ai appelé au paragraphe 46 du présent jugement "les affectations temporaires et les postes temporaires"

[8] à la demande du soussigné, le procureur de la mise en cause a pointé dans les notes sténographiques de l'audience devant la commission un passage dans sa plaidoirie en faisant foi

[9] Roberval Express c. Union des chauffeurs de camion [1982) 2 RCS 888