COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

AQ-1004-5984

Cas :

CQ-2012-5015

 

Référence :

2013 QCCRT 0531

 

Québec, le

13 novembre 2013

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DEVANT LA COMMISSAIRE :

Line Lanseigne, juge administratif

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Simon Cantin

 

Plaignant

c.

 

Syndicat du personnel de soutien scolaire des Découvreurs (CSN)

Intimé

et

 

Commission scolaire des Découvreurs

Mise en cause

 

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DÉCISION

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[1]            Le 1 er octobre 2012, Simon Cantin dépose une plainte contre son association, Syndicat du personnel de soutien scolaire des Découvreurs (CSN), ci-après le Syndicat, pour manquement à son devoir de représentation selon l’article 47.2 du Code du travail , RLRQ, c. C-27 (le Code ).

[2]            Il lui reproche d’agir de manière discriminatoire à son endroit et de faire preuve de mauvaise foi dans le traitement de ses dix griefs.

[3]            Il demande donc à la Commission de l’autoriser à soumettre ses griefs à un arbitre et d’avoir recours au procureur de son choix, aux frais du Syndicat. De plus, il réclame le remboursement des honoraires occasionnés par le présent recours.

[4]            Le Syndicat plaide qu’il n’a commis aucune faute à l’égard de son obligation de représentation et ajoute que les griefs du plaignant sont toujours actifs.

les faits

[5]            Le plaignant est concierge chez l’employeur, la Commission scolaire des Découvreurs, depuis 1986.

les griefs sc-10, sc-11 et sc-12

[6]            Le 23 avril 2012, il prend la parole pour dénoncer les agissements de l’employeur à son endroit lors d’une assemblée pédagogique de professeurs à laquelle il n’était pas convié. Il les prévient que dorénavant il n’exécutera plus certaines tâches et les somme de ne plus utiliser «  son » matériel d’entretien. 

[7]            Le 11 mai suivant, la directrice adjointe des ressources humaines, madame Lamarche, le convoque concernant cet événement et l’informe qu’il fait l’objet d’une suspension d’une journée. Elle considère que ses méthodes de protestations sont inadmissibles et que ses menaces de ralentir le travail, mises partiellement à exécution, constituent une faute grave qui mérite une sanction. Deux représentants du Syndicat assistent à cette rencontre.

[8]            Le même jour, le plaignant formule un grief (SC-11) pour du harcèlement psychologique qu’il dit subir de l’employeur. Quant à sa suspension, il la conteste le 17 mai (SC-10) et dépose un autre grief (SC-12) pour réclamer des indemnités de déplacement pour sa convocation disciplinaire du 11 mai. Or, celle-ci devait initialement se tenir dans son lieu de travail et a été déplacée au siège de la commission scolaire, à sa demande. L’employeur s’oppose à cette réclamation qui représente environ 15 $.

le grief sc-13

[9]            Le 30 mai suivant, le plaignant dépose un nouveau grief (SC-13) pour contester le remplacement du concierge de soirée par un sous-traitant. Il affirme que ce travail devait lui être attribué en heures supplémentaires.

[10]         L’employeur considère que les règles de la convention collective lui confèrent le droit de décider de recourir à des heures supplémentaires ou de faire appel à un sous-traitant pour combler une absence temporaire de travail.

[11]         L’enquête menée par le Syndicat confirme cette prétention. Relativement aux indemnités de déplacement, il a pu vérifier l’exactitude des motifs soulevés par l’employeur pour refuser la réclamation du plaignant.

[12]         Par ailleurs, à la suite des vérifications faites auprès du président du Syndicat des professeurs, il constate que l’irruption intempestive reprochée au plaignant lors de l’assemblée pédagogique est corroborée par le corps professoral.  

[13]         Finalement, il invite le plaignant à décrire les paroles, gestes et comportements qui constituent le harcèlement psychologique dont il se dit victime. Ces informations visent à compléter la version qu’il a donnée au trésorier, monsieur Dussault, le 15 mai précédent, laquelle a été consignée dans le courriel suivant :

Bonjour Monsieur Cantin,

Suite à notre conversation téléphonique tenue le 15 mai vers 10h15 voici votre version des faits relativement à votre grief d’harcèlement contre l’employeur :

Voici les symptômes ressentie : Perte d’appétit, manque de sommeil, juste envie de pleurer quand vous pensez au travail.

Voici les conséquence dans votre milieu de travail : Baisse de motivation, répercussion sur votre travail accompli, perte d’envi d’aller travailler, vous allez travailler à reculons, pense constamment aux vacances et à partir du travail, vous travailler sous tension et vous êtes sous un stress permanant au travail, vous avez l’impression d’être surveillé en permanence, les journées semble longue et cela est très lourd a supporter.

Voici les conséquences avec vos collègues de travail et votre supérieur : Les employés semble plutôt froid avec vous, certain passe des commentaires (en vacance aujourd’hui, tu na pas trop chaud aujourd’hui, etc). Vous n’avez plus aucune confience envers votre supérieur puisqu’elle vous a menti en comité disciplinaire, lorsque vous voyer la direction vous êtes craintif de vous faire reprocher encore et encore des choses. Vous avez l’impression qu’elle veut vous pousser au bout et elle vous à même mentionné que CITATION « Je n’aurai pas le temps de te casser, chu pas ici assez longtemps mais tu va te rappeler de mon nom ».

Donc svp confirmer que cela est bien votre version des faits. Le syndicat communiquera avec vous pour plus de détail au besoin.

(reproduit tel quel)

[14]         Le Syndicat représente près de 8 000 salariés. Un exécutif composé de sept personnes assume la responsabilité des griefs. Toutefois, un comité se charge du suivi, procède aux enquêtes et recommande l’orientation à prendre.

[15]         À titre de présidente du Syndicat, madame Larouche est l’un des trois membres de ce comité de griefs. Elle est la seule à être libérée de son poste à temps complet pour exercer ses activités syndicales. Messieurs Laprise et Desbois qui la secondent, le sont à raison d’une journée par semaine.

les griefs sc-12a, sc-13a et sc-14

[16]         Alors que le Syndicat procède toujours à l’enquête de ses dossiers, le plaignant dépose trois nouveaux griefs, le 13 août 2012.  Tous réclament le paiement d’heures supplémentaires.

[17]         Prenant appui sur l’entente intervenue dans le cadre des arrangements locaux et des adaptations locales concernant la location et le prêt de salle, il conteste que l’entretien ménager de son école soit fait par un sous-traitant pendant la période du camp de jour de la Ville (SC-12A). Il y a location de salle lorsque la Commission scolaire permet l’utilisation d’une salle contre rémunération : le même échange constitue un prêt si aucun paiement n’est d’exigé.

[18]         Le recours à la sous-traitance durant la saison estivale a fait l’objet de plusieurs discussions entre le Syndicat et l’employeur. La position soutenue par ce dernier est sans équivoque. La convention collective l’y autorise et il n’entend pas renoncer à ce droit.

[19]         En effet, selon l’employeur les règles qui gouvernent la location et le prêt de salle n’obligent aucunement l’employeur à offrir ces tâches à un salarié si cela occasionne des heures supplémentaires de travail. L’horaire du plaignant comporte 38 ¾ heures par semaine, y compris durant l’été.

[20]         La seconde récrimination du plaignant concerne des travaux de nettoyage et de rangement effectués par un employé de la Ville à qui la commission scolaire avait prêté une salle pour des festivités de la Saint-Jean-Baptiste (SC-14). La position de l’employeur demeure la même.

[21]         Enfin, le plaignant réclame le paiement d’heures supplémentaires qu’il aurait accumulées sous l’ancienne direction de l’école (SC-13A). Comme il n’y a aucune trace de ces heures, la nouvelle directrice, madame Drolet, demande qu’il produise une confirmation écrite à ce sujet. En effet, il n’est pas rare qu’il insiste auprès d’elle pour s’absenter du travail à la dernière minute en invoquant des heures supplémentaires non autorisées ou des vacances non planifiées.

[22]         Quoi qu’il en soit, le plaignant ne fournit pas l’attestation demandée. Les explications qu’il donne au Syndicat sur l’origine de ces heures supplémentaires restent vagues.

[23]         De 1997 à 2005, le plaignant a occupé plusieurs fonctions syndicales, dont celle de président. En 2011, il brigue à nouveau un poste à l’exécutif syndical, mais il est défait aux élections. Depuis, ses démêlés avec le Syndicat concernant l’application de la convention collective sont fréquents et ont mené au dépôt de deux plaintes fondées sur l’article 47.2 du Code.

[24]         Ces plaintes, pourtant réglées à la suite d’une entente intervenue entre les parties, sont toujours l’objet de discorde avec le plaignant qui conteste les prélèvements à la source effectués par l’employeur sur le montant résultant de cette transaction. Il réclame que le Syndicat intervienne en sa faveur, ce que refuse ce dernier. Il estime que son obligation de représentation ne s’applique pas dans pareil cas. De guerre lasse, il finit par transmettre à l’employeur une mise en demeure pour réclamer les sommes auxquelles prétend le plaignant.

[25]         Or, ce désir de vouloir avoir toujours raison envenime les discussions avec le Syndicat et amène celui-ci à exiger, au mois de mai 2012, que les échanges se fassent dorénavant par écrit. Ce nouveau mode de communication n’atténue cependant pas ses critiques envers le Syndicat.

[26]         Vers la fin de l’été 2012, il durcit le ton à l’égard de la présidente du Syndicat après que celle-ci l’ait avisé de ne plus déférer lui-même ses griefs au greffe de l’arbitrage.

[27]         Dans le courriel qu’elle lui adresse à ce sujet le 30 août, elle profite de l’occasion pour l’informer du suivi des griefs et lui fait part de l’analyse juridique retenue par le Syndicat. Elle considère notamment sa récente réclamation des heures supplémentaires pour les prochaines élections provinciales, qui auront lieu le 4 septembre prochain, non fondée et lui explique les raisons.

[28]         Mécontent de cette position, il lui retourne son courriel, annoté de propos désobligeants et revanchards. À titre d’illustration, il rétorque ainsi à son refus de déposer un grief :

C’est ton deuxième courriel de suite ou tu me parles qu’il n’a pas matière à grief sans avoir consulter la personne concernant pour avoir tout les détails en main avant de te prononcer. Tu comprendras pourquoi je préfère m’occuper de mes griefs seul. (je pense, que j’ai un petit plus d’expérience dans ce domaine)

( reproduit tel quel)

[29]         Ce n’est pas le seul objet de discorde avec le Syndicat. En fait, le plaignant conteste chacune des interprétations de la convention collective que soutient ce dernier y compris celle qu’il ne peut pas porter lui-même ses griefs en arbitrage. Sur ce dernier point, son opposition étonne compte tenu de sa grande expérience syndicale.   

le grief sc-16

[30]         Après son échange avec la présidente, le plaignant revendique avec plus d’insistance un grief pour la journée des élections. Il conteste le recours à un sous-traitant pour l’installation et le rangement des salles prêtées pour tenir le scrutin.

[31]         Ce travail a d’abord été offert à chacun des concierges des écoles visées par le prêt de salles, puis assigné à un sous-traitant lors de refus. Le plaignant réclame le travail qu’auraient refusé ses collègues dans près d’une dizaine d’écoles.

[32]         Selon sa prétention, en plus d’effectuer l’installation et le rangement de la salle prêtée dans sa propre école, l’employeur aurait dû lui offrir cette tâche pour les autres établissements où se déroulaient les élections, représentant près de quarante heures rémunérées au taux supplémentaire. 

[33]         Le Syndicat rejette cette prétention. Il considère que l’employeur a appliqué généreusement les dispositions de la convention collective en rémunérant les concierges en heures supplémentaires, ce qu’il n’était pas tenu de faire puisque les élections ont eu lieu lors d’une journée pédagogique.

[34]         Le plaignant n’en démord pas. Convaincu de son droit, il interpelle à maintes reprises le Syndicat qui capitule et dépose finalement un grief (SC-16). Ensuite, insatisfait de la manière dont celui-ci mène l’enquête, il s’entête à vouloir obtenir la liste de toutes les personnes ayant travaillé la journée des élections et lors du vote par anticipation pour effectuer ses propres vérifications. 

[35]         Aucun des membres de l’exécutif ne jouit de la confiance du plaignant mis à part le trésorier, monsieur Dussault, à qui il donne le mandat exclusif de le représenter. Celui-ci refuse cependant d’assumer cette responsabilité.

le grief sc-17

[36]         Le 4 septembre 2012, il téléphone à la présidente, madame Larouche, pour ressasser les mêmes doléances à propos de ses griefs. La conversation tourne rapidement au vinaigre et le plaignant tient apparemment des propos offensants et fait preuve d’un comportement agressif envers elle. Après l’avoir invité à se présenter à la présidence s’il était insatisfait de ses services, il aurait répondu : « Tu sais bien qu’il y a d’autres moyens de faire tomber une présidente ».

[37]         Cette phrase constitue une menace aux yeux de madame Larouche et provoque chez elle un sentiment d’insécurité. Le lendemain, elle transmet au plaignant un courriel pour lui réitérer de s’adresser au Syndicat par écrit : 

Bonjour Simon,

L’année dernière, nous t’avions demandé de nous transférer tes questionnements ou tes informations par courrier électronique. Nous réitérons cette demande afin d’éviter les interprétations.

Par le fait même, comme tu n’es pas le représentant ou le porte-parole des salariés, je t’invite à leur transmettre nos coordonnées si ceux-ci croient être lésés dans leurs droits.

Merci de ta collaboration.

[38]         Le jour même, il répond :

Je pense que je vais décider comment j’entend communiquer avec vous. Si tu désir utiliser l’internet libre à toi Isabelle.

Je ne représente personnes, si des personnes ont des questions je crois qu’ils sont assez grand pour décider à qui s’adresser.

Ton courriel ressemble à un certain genre de contrôle.

Il me fera plaisir de collaborer avec vous. Je m’attend de cette même collaboration de votre part.

Merci et bonne journée

(reproduit tel quel)

[39]         Dans les jours qui suivent, la présidente rapporte l’altercation verbale survenue avec le plaignant à la directrice des ressources humaines, madame Lamarche. Cette dernière juge la situation inacceptable et considère qu’elle ne peut être tolérée dans un milieu de travail, même si elle survient dans le cadre de relations syndicales. Elle estime devoir agir, d’autant plus que le plaignant a déjà adopté ce genre de conduite avec d’anciens directeurs d’école avec qui il a eu des démêlés. Pareil événement serait aussi survenu avec l’ancien président du Syndicat et aurait mené à une violente empoignade entre les deux hommes.

[40]         Interrogé à ce sujet, le plaignant réfute catégoriquement qu’il y ait eu altercation physique et parle plutôt d’une violente dispute.  

[41]         Le 19 septembre suivant, la directrice Lamarche convoque le plaignant pour lui remettre un avis disciplinaire. Le vice-président du Syndicat, monsieur Breau, est présent. Dès le début de la rencontre, le plaignant se montre agressif. Il traite la directrice de menteuse et l’accuse d’avoir enregistré ses conversations téléphoniques, ce qu’elle nie catégoriquement. Quoi qu’il en soit, il refuse de donner sa version des faits et quitte précipitamment les lieux en claquant la porte. 

[42]         Le 16 octobre, le Syndicat dépose un grief contestant cet avis disciplinaire (SC-17). Il s’agit de sa seule intervention dans ce dossier. À aucun moment, il ne rencontre le plaignant pour obtenir sa version des faits. Le vice-président Breau témoigne de l’inutilité de cette démarche. Selon lui, il était impossible de douter de la version de la présidente tant l’agressivité du plaignant est un fait notoire. 

[43]         Cette plainte de la présidente renforce la méfiance du plaignant envers le Syndicat. Il le considère désormais incapable de le représenter de manière juste et équitable et dépose la présente plainte, le 10 octobre 2012. 

[44]         Le 8 novembre suivant, il envoie un courriel au Syndicat pour connaître ses intentions concernant son grief de harcèlement psychologique. On lui rappelle que l’on attend ses précisions pour poursuivre l’enquête. Celles-ci avaient été demandées à deux occasions sans succès, le 30 août et le 5 septembre.

[45]         Plutôt que d’obtempérer à la demande du Syndicat, le plaignant entame un échange de courriels inutiles et contre-productifs que la Commission juge pertinent de reproduire tel quel :

[46]         À ce courriel du 8 novembre du Syndicat :

Bonjour Simon, nous attendons toujours, par écrit, les détails de ta plainte d’harcèlement pour les ajouter au complément d’enquête. Merci Francis.

[47]         Il répond :

Est-ce que vous l’intention de mettre le grief sur le  rôle?

Vous avez besoin des détails écrit pour mettre sur le rôle?

[48]         Le Syndicat lui précise, toujours le même jour :

Il faut que l’enquête soit complétée avant que l’exécutif prenne la décision de déposer un grief au rôle.

 

[49]         À cela, il répond :

J’aimerais savoir quand la prochaine date pour la fixation des griefs sur le rôle .

[50]         Et, sans attendre la réponse syndicale, il ajoute :

J’aimerais savoir, quel sont les éléments que vous avez effectué jusqu’à ce jour, dans votre enquête concernant le dossier d’harcèlement?

J’aimerais avoir la chronologie des démarches que vous avez fait, les personnes rencontrées, les documents que vous avez insérés au dossier, ainsi que les notes au dossier.

Merci

[51]         Robert Desbois, vice-président soutien manuel, qui est lui-même concierge lui précise toujours le 8 novembre :

Bonjour Simon,

Le 15 mai 2012 : entretien téléphonique avec David [ Dussault ] concernant le grief de harcèlement,

David a noté les symptômes ressentis plus les conséquences du milieu de travail de tes collègues et supérieure.

Le 24 mai 2012 : David a réinscrit le résumé de la conversation téléphonique; et toit Simon termine ce courriel en marquant; l’historique des faits suivra sous peu.

Le 30 août; Isabelle [ la présidente ] t’a envoyer un courriel pour que tu nous fasse un suivi de cette historique que tu avais écrit que tu nous ferais parvenir, pas de réponse; en septembre Isabelle t’a redemander un retour sur ce grief et nous avons rien reçue depuis.

Comme dans le 47-2 tu indique que tu n’as plus confiance au syndicat, est-ce que cela a changé?

Veux-tu venir nous rencontrer pour en discuter.

(caractères gras ajoutés)

[52]         Estimant n’être toujours pas informé de la date de la prochaine fixation au rôle des griefs, le plaignant relance le Syndicat le 13 novembre suivant :

Bonjour,

Vous avez oublié de répondre à mon dernier courriel.

[53]         Ce à quoi répond le vice-président Desbois le même jour:

Bonjour Simon,

Pour ce qui est de la date c’est le début décembre, nous n’avons pas de date déterminée.

Pour ton suivi de grief de harcèlement nous attendons toujours ta version écrite pour continuer la dite enquète. pour savoir si nous le déposerons ou pas.

(reproduit tel quel)

[54]         Et, le plaignant rétorque aussitôt :

J’aimerais que mon grief d’harcèlement soit mis sur le prochain rôle de décembre. Je serai représenté par mon propre avocat.

[55]         Pour réponse, le Syndicat lui répète à nouveau l’importance de fournir les précisions demandées :

Le grief appartient au syndicat, nous devons faire l’analyse complète du grief avant de décider d’un dépôt au rôle.

[56]         Le 26 novembre, le plaignant n’a pas encore produit le complément d’enquête demandé. Mais, il exige toujours de fixer au rôle d’arbitrage son grief de harcèlement psychologique contre l’employeur:

Bonjour,

Je vous avais demandez de ne pas m’envoyer de courriel dans la boite de messagerie de l’employeur à csdecou.qc.ca.

Je vous réitère cette demande.

Je vous réitère également ma demande, que le grief d’harcèlement contre l’employeur, soit déposé au début du mois de décembre au greffe des tribuneaux d’arbitrage de l’éducation.

Je ne crois pas que vous ayez le mandat, la compétence et l’objectivité de décider s’il y a matière ou non à du harcelement.

Nous ne sommes pas ici, entrain d’interpréter une clause de la convention collective.

Je vous envoi deux griefs pour déposer à la c.s et au greffe des tribuneaux. Vous pouvez les signer en mon nom.

Je serai présent le 18 décembre 2012. Pourriez vous informez les personnes concernés de ma libération.

Merci

p.s. Auriez-vous l’obligeance, s’il vous plait, d’arrêter de transmettre à l’employeur les courriels et l’information que je vous envoi.

(reproduit tel quel)

[57]         Cet enlisement des pourparlers exaspère le Syndicat qui ne sait plus quelle attitude adopter à son endroit. Il l’invite à le rencontrer le 18 décembre 2012 dans la lettre ici reproduite :

Vos deux griefs seront déposés aujourd’hui à la CS et au greffe des tribunaux. Soyez assuré que nous ne transmettrons pas d’information à l’employeur et encore moins d’échanges de courriels.

Concernant le grief d’harcèlement,  je n’ai pas besoin de vous rappeler que les griefs appartiennent au syndicat, vous en connaissez très bien les rouages. Une enquête déterminante viendra faire en sorte que le syndicat déposera un grief au rôle, et ce pour tous les membres, sans exception.

Vous trouverez en pièce jointe votre libération, soit ½ journée en avant-midi, le 18 décembre 2012. Veuillez la récupérer svp. Une copie sera transmise à l’employeur aujourd’hui.

(reproduit tel quel)

le grief sc-18

[58]         Les griefs du plaignant auxquels fait référence le Syndicat dans sa correspondance contestent l’imposition de vacances pour l’un (SC-18) et pour l’autre, le non-paiement d’indemnité d’assurance salaire. Ce dernier cas ne fait pas l’objet de la plainte contre le Syndicat.  

[59]         Déjà à l’automne 2012, les difficultés de communication rencontrées par les membres de l’exécutif incitent le conseiller du Syndicat, monsieur Veilleux, à organiser une rencontre formelle avec le plaignant. À cette époque, il n’a pas encore déposé la présente plainte de non-représentation. Des raisons de santé ont provoqué le report de cet entretien à l’hiver, soit le 18 décembre 2012, puis le 16 janvier 2013.

[60]         Monsieur Veilleux possède une vaste expérience syndicale et plaide les griefs devant les tribunaux d’arbitrage. Depuis 2009, il est responsable de l’application et de la négociation de la convention collective pour le Syndicat. Il participe aux réunions de l’exécutif ainsi qu’aux rencontres avec l’employeur. Il analyse tous les dossiers de griefs et suggère l’orientation à prendre selon la jurisprudence et les faits qui lui sont soumis.

[61]         Selon monsieur Veilleux, les relations du travail entre le Syndicat et l’employeur sont harmonieuses. Les différends se règlent rapidement et il est rarement nécessaire de recourir aux griefs. D’ailleurs, depuis sa déconfiture électorale, le plaignant a porté à lui seul plus de griefs que l’ensemble des membres.

[62]         Au jour fixé de la rencontre, messieurs Breau et Desbois, respectivement vice-président et agent de griefs, accompagnent le conseiller Veilleux. Ce dernier aborde avec le plaignant chacun de ses griefs afin d’obtenir sa version des faits. Pour éviter toute confrontation, il ne discute pas de la position du Syndicat. Il s’engage plutôt à effectuer de nouvelles vérifications, mais aucune des allégations du plaignant ne s’avère fondée.

[63]         En effet, les recherches jurisprudentielles supplémentaires qu’il effectue concernant le recours à la sous-traitance confirment que l’employeur respecte les dispositions de la convention collective. De plus, en dépit du fait qu’il soit voué à l’échec, l’arbitrage des griefs risque de compromettre les concessions que le Syndicat a obtenues de l’employeur. Celui-ci confie désormais en priorité aux salariés le travail pouvant être exécuté par un sous-traitant, lorsque cela n’ajoute pas d’heures supplémentaires.

[64]         Le Syndicat constate également que, contrairement à ce qu’affirme le plaignant, il n’existe pas de pratique de l’employeur de rencontrer au siège de la commission scolaire les salariés pour leur remettre un avis disciplinaire. 

[65]         D’autre part, le plaignant refuse toujours de collaborer pour permettre au Syndicat de compléter son enquête relativement au harcèlement psychologique qu’il allègue. Il ne veut fournir aucune précision et soutient plutôt que la quantité de griefs qu’il a dû déposer suffit à démontrer le harcèlement dont il est victime.

[66]         Il adopte la même attitude concernant les heures supplémentaires prétendument faites sous la gouverne de l’ancien directeur et exige que le Syndicat effectue lui-même les démarches pour obtenir les preuves de sa réclamation. 

[67]         Enfin, concernant les vacances imposées par l’employeur à la suite de son absence maladie, il soutient qu’il s’agit de jours accumulés au cours de la présente année financière, mais refuse de fournir les talons de paie confirmant sa prétention. Or, s’il s’agit de jours de vacances reportés, comme le prétend l’employeur, celui-ci peut l’obliger à les prendre.

[68]         Au cours des discussions, le plaignant insiste pour connaître l’identité des professeurs qui ont dénoncé sa conduite à l’assemblée pédagogique. Cette demande est refusée par crainte de représailles de sa part. Il persiste toujours à vouloir la liste de personnes qui ont travaillé lors de la journée des élections. Cette requête avait auparavant fait l’objet de plusieurs échanges courriels avec le Syndicat.

[69]         Le conseiller Veilleux ne discute pas de la plainte de la présidente contre lui, laquelle a mené à l’avis disciplinaire que conteste le plaignant. Il quittera bientôt ses fonctions auprès du Syndicat et préfère laisser à son successeur le soin de prendre en charge ce délicat dossier du début jusqu’à la fin.

[70]         Quoi qu’il en soit, le plaignant voit difficilement comment il aurait pu aborder ce dossier avec le conseiller, sachant que la présidente se trouvait dans la même salle, derrière le paravent qui délimite le bureau syndical.

[71]         Le lendemain de la rencontre, le plaignant informe par courriel le Syndicat qu’il refuse toute négociation avec l’employeur pour régler ses griefs :

Je suis fermé à l’idée de négocier mes griefs avec la commission scolaire. Aucune entente n’est possible. Arrêter de divulguer l’information que je vous transmet à l’employeur. La rencontre avait pour but de voir la PERTINENCE de mettre les griefs au rôle et non pour négocier avec Marie-Pierre Lamarche.

(reproduit tel quel)

[72]         Le Syndicat lui répond, le même jour, par le courriel ici reproduit :

Pour soumettre un grief en arbitrage avec ou sans procureur, il faut avoir les preuves suffisantes que le ou les griefs sont pertinents. Nous ne comprenons pas ta fermeture à nous transmettre les preuves que tu possèdes qui viennent valider tes dires et te donner l’opportunité de mettre toutes tes chances de ton côté pour gagner l’arbitrage. Nous ne divulguons rien à l’employeur mais devons procéder à une enquête complète qui montre le professionnalisme du syndicat. C’est le comité de griefs qui s’occupe de négocier auprès de l’employeur, si nous avons toutes les preuves du non-respect de la convention et que l’employeur ne veut rien entendre, il est certain que le grief est porté en arbitrage. Tant que l’enquête n’est pas complétée, le grief demeure en attente.

[73]         Le plaignant tient absolument à savoir de qui provient ce courriel et envoie plusieurs messages au Syndicat à ce sujet. En effet, à la suite de la plainte de la présidente contre lui, il exige qu’elle reste à l’écart de tous ses dossiers de griefs.

[74]         Le 24 janvier, il réaligne le tir et s’adresse plutôt au conseiller Veilleux :

 

Salut Steve,   

J’aimerais avoir un retour sur notre dernière rencontre, est-ce que tu as évaluer les griefs qui seront porter à l’arbitrage, lesquels qui pourront être sans procureur? Est-ce que tu as ciblée des dates?

Est-il possible qu tu informes la présidente, que le syndicat n’a pas le mandat de négocier mes griefs avec la commission scolaire. Il n’y a aucune possibilité de règlements avec eux.

De plus, étant donné la situation actuel entre la présidente et moi, il serait préférable qu’elle se tienne à l’écart de mes dossiers.

(reproduit tel quel)

[75]         Dans la réponse qu’il lui adresse le 31 janvier suivant, monsieur Veilleux précise que c’est à sa demande que le Syndicat s’est renseigné auprès de l’employeur des possibilités de régler certains de ses griefs. Il ajoute que son enquête n’est pas terminée et qu’aucune date d’arbitrage n’est encore fixée. Enfin, il rappelle au plaignant qu’il appartient au Syndicat de déterminer l’orientation des griefs. 

[76]         Sa réplique ne tarde pas. Dans les minutes qui suivent, le plaignant transmet au conseiller un second courriel dans lequel il exige que son grief de harcèlement psychologique soit porté à l’arbitrage rapidement :

Je vous demande encore une fois que mon grief d’harcèlement contre l’employeur soit mis sur le rôle dans les plus brefs délais, c'est à dire, sur le prochain rôle. Selon les informations que vous m’avez déjà transmit, cela devrait avoir lieu au début du mois de février.

(reproduit tel quel)

[77]         Monsieur Veilleux rejette sa demande. Il insiste à nouveau sur la prérogative syndicale et ajoute que son absence de collaboration à l’enquête ne permet pas de donner suite à ses allégations de harcèlement.

[78]         Le 12 avril 2013, le Syndicat met fin aux interminables discussions avec le plaignant sur ses griefs et l’informe qu’ils demeureront en suspend tant que la Commission n’aura pas statué sur sa présente plainte de mauvaise représentation.  

Les Motifs de la Décision

[79]         À l’audience, la Commission invite le Syndicat à préciser l’orientation qu’il entend prendre. Ainsi, mis à part quatre griefs dont l’enquête n’est pas complétée, il considère les six autres recours du plaignant sans fondement et précise qu’ils seront retirés, à moins qu’il n’en soit décidé autrement dans la présente décision.

[80]         La Commission doit donc déterminer si, compte tenu des circonstances, le Syndicat a contrevenu à son devoir de juste représentation en refusant de porter à l’arbitrage les griefs du plaignant.

[81]         Il est bien établi que le Syndicat jouit d’une certaine discrétion pour réclamer, en faveur d’un salarié, un droit qu’il croit résulter de la convention collective. Sa décision doit toutefois reposer sur un examen sérieux de la situation et du contexte dans lequel se sont déroulés les évènements, et ce, dans le respect des obligations qui lui sont imposées à l’article 47.2 du Code.

[82]         À cet égard, la Cour suprême, dans l’affaire Guilde de la marine marchande du Canada c . Gagnon , [1984] 1 R.C.S. 509 , expose les principes qui gouvernent la Commission lors de l’analyse de la conduite du syndicat dans un tel contexte :

2.   Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’un pouvoir discrétionnaire appréciable.

3.   Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4.   La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire ou abusive.

5.   La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[83]         Il appartient au plaignant de démontrer le comportement fautif qu’il reproche au Syndicat.

[84]         La preuve ne révèle pas que le Syndicat a usé de sa discrétion de façon arbitraire, abusive ou discriminatoire dans le traitement des six griefs qu’il entend retirer. La position qu’il adopte résulte d’une évaluation sérieuse de la situation et s’appuie sur une interprétation raisonnable et acceptable de la convention collective. 

[85]         Le litige, pour trois des griefs (SC-12A, SC-14, SC-16), concerne strictement l’interprétation et l’application de la convention collective en ce qui a trait à la location ou le prêt de salles. Le plaignant donne à la lettre d’entente sur les arrangements locaux une interprétation qui a pour effet d’interdire à l’employeur tout recours à la sous-traitance; interprétation que ne partage pas le Syndicat.

[86]         La Commission n’agit pas en tant que tribunal d’appel des décisions du Syndicat.  Son rôle consiste à s’assurer que le processus décisionnel qui l’a mené à refuser le dépôt des griefs du plaignant en arbitrage ne démontre pas qu’il a été négligent ou qu’il a usé de sa discrétion de manière à lui porter préjudice.

[87]         En l’espèce, il n’y a aucun manquement de sa part. Sa décision s’appuie non seulement sur une interprétation raisonnable des dispositions de la convention collective, mais également sur une jurisprudence constante en pareille matière qui confirme les prétentions de l’employeur.

[88]         Ce dernier considère qu’il n’est pas tenu de confier le travail lié à la location et le prêt de salles à ses salariés lorsque celui-ci entraîne le paiement d’heures supplémentaires. C’est ce qu’il a fait lors du prêt de ses salles pour la tenue des activités du camp de jour et de la fête de la Saint-Jean-Baptiste. Dans ce cas, le nettoyage des salles a été effectué par le locateur.

[89]         Ce n’est que lorsqu’il décide de confier à l’un de ses salariés la responsabilité de s’occuper du prêt ou de la location d’une salle qu’il est lié par les dispositions de la convention collective et de l’entente sur les arrangements locaux qui la complète, en matière de répartition de travail et de rémunération. Ce fut le cas lorsqu’il confia au plaignant cette responsabilité pour la tenue des élections dans son établissement.   

[90]         Toutefois, rien ne l’obligeait à confier au plaignant les tâches relatives à tous les prêts de salles pour la journée des élections et à lui payer 40 heures supplémentaires de travail, d’autant plus que ces tâches doivent être exécutées simultanément dans tous les établissements.

[91]         Le Syndicat a estimé que le refus de l’employeur de faire droit aux griefs du plaignant s’appuie sur des considérations légitimes et s’harmonise avec une interprétation de la convention collective qui favorise une saine gestion des deniers publics. Entre autres, sa décision de ne pas appuyer une demande pécuniaire aussi inconséquente pour la journée des élections apparaît tout à fait justifiée.

[92]         Il en est de même concernant son refus de déférer à l’arbitrage le grief du plaignant réclamant des heures supplémentaires pour remplacer son collègue de soir (SC-13). La convention collective confère à l’employeur le droit de décider quand il veut recourir à ce moyen pour faire effectuer un travail compte tenu des impératifs financiers qui en découlent. Conséquemment, le plaignant ne peut pas exiger que l’employeur l’assigne sur un deuxième quart de travail après sa journée.

[93]         Quant à son grief réclamant des indemnités de déplacement (SC-12), c’est à sa propre demande que la convocation a été déplacée de son lieu de travail au bureau administratif de l’employeur. De plus, l’argument qu’il avance sur l’existence d’une pratique passée est sans fondement.

[94]         Le plaignant n’a pas un droit absolu à l’arbitrage de ses griefs. La jurisprudence a maintes fois rappelé que même une apparence de droit pouvant justifier l’arbitrage d’un grief ne suffit pas pour obliger le Syndicat de mener à terme la réclamation d’un salarié. À plus forte raison, lorsque cette réclamation s’avère douteuse, voire frivole, comme c’est le cas en l’espèce. 

[95]         Il appartient au Syndicat de décider de l’interprétation à donner à la convention collective. Il n’a pas à tester celle qui est préconisée par le plaignant et qu’il ne partage pas. Comme le souligne la Cour d’appel dans l’affaire Giroux c. Hydro-Québec , [2003] R.J.Q. 346  :

Le droit à l’arbitrage n’est pas absolu. Le Syndicat jouit d’une latitude appréciable. Il doit tenir compte de différents facteurs dont, à titre d’exemples; 1) l’importance du grief pour le salarié en cause; 2) le bien-fondé apparent du grief; 3) les coûts liés à l’arbitrage, 4) l’intérêt des autres salariés et de l’unité de négociation dans son ensemble; 5) la paix industrielle, etc. Même le congédiement ne donne pas un droit absolu à l’arbitrage. Comme le fait remarquer le juge Chouinard dans l’arrêt Gagnon, exiger l’arbitrage de tous les griefs drainerait rapidement les fonds et l’énergie des syndicats même les plus puissants et les plus riches; cela éprouverait aussi l’employeur sans nécessité .

(Référence omise)

[96]         Le Syndicat a tenu compte du coût et de l’énergie que représentent des recours judiciaires qui ont peu de chance de succès et de l’effet négatif qu’ils risquent d’entraîner sur les relations avec l’employeur pour plutôt privilégier les intérêts de l’ensemble de ses membres.

[97]         Sa décision de retirer ces cinq griefs apparaît donc sage et n’est nullement guidée par des considérations discriminatoires ou arbitraires, ni empreintes de mauvaise foi à l’endroit du plaignant. Contrairement à ce qu’affirme ce dernier, elle découle d’un examen sérieux de la situation qui se manifeste par plusieurs vérifications et une recherche approfondie de la jurisprudence.

[98]         Enfin, la preuve ne démontre pas non plus que le Syndicat a manqué à son devoir de représentation lors du traitement du grief du plaignant contestant sa suspension (SC-10). Celui-ci a procédé à une enquête consciencieuse, tentant en vain de corroborer sa version des faits.

[99]         Reste, les trois griefs pour lesquels le Syndicat soutient n’avoir pu compléter son enquête faute de collaboration de la part du plaignant (SC-11, SC-13A, SC-18). À ce sujet, il est bien connu que cette collaboration est requise à toutes les étapes de la procédure de grief. Si le plaignant désire que ses griefs soient portés en arbitrage, il lui incombe de transmettre toutes les informations pertinentes pour établir le droit qu’il réclame.

[100]      Or, malgré les demandes répétées du Syndicat, il a toujours refusé de fournir des précisions concernant les faits et gestes à l’origine du harcèlement qu’il prétend subir, plaçant le Syndicat dans une position impossible quant à la poursuite de son recours. Il en est de même pour les heures supplémentaires qu’il réclame et qui auraient été autorisées par l’ancien directeur d’école ainsi que pour les vacances que l’employeur lui aurait imposées sans droit. Plutôt que de fournir les preuves de ce qu’il avance, il s’obstine à exiger que le Syndicat les découvre lui-même.

[101]      Depuis son revers électoral, le plaignant s’est engagé dans un affrontement perpétuel avec le Syndicat. Il cherche constamment à imposer sa façon de faire, convaincu que les membres de l’exécutif sont incompétents et incapables de le représenter. Son courriel à la présidente du Syndicat à la fin du mois d’août en dit long sur cette attitude condescendante.

[102]      De plus, il exige d’être représenté par un seul membre de l’exécutif, monsieur Dussault, puis par le procureur de son choix. Il court-circuite le Syndicat en portant lui-même ses griefs à l’arbitrage et refuse qu’on les règle par la voie de la négociation. Bref, il ne lui accorde aucune marge de manœuvre et veut diriger seul son dossier.

[103]      À l’audience, le plaignant justifie sa conduite par les doutes qu’il entretenait sur la capacité du Syndicat de le défendre à la suite de la plainte de la présidente contre lui. Or, la crainte de partialité qu’il soulève est nettement exagérée et ne l’autorise pas à écarter le Syndicat pour l’ensemble de ses griefs.

[104]      En effet, la preuve ne révèle aucune conduite discriminatoire de la part du Syndicat dans le traitement du dossier du plaignant à la suite de cet évènement. Elle ne révèle pas non plus d’ingérence éhontée de la part de la présidente, ni d’hostilité à son endroit. Son manque de collaboration avec le Syndicat existait bien avant cet incident.

[105]      Dans ces circonstances, la décision du Syndicat de laisser en suspend les trois griefs mentionnés est raisonnable et ne constitue pas un manquement à son devoir de représentation. Bien plus, la conduite opposante du plaignant justifie qu’ils soient retirés.

[106]      Quant au grief du plaignant concernant l’avis disciplinaire qui résulte de la plainte de la présidente contre lui (SC-17), la preuve révèle que le Syndicat n’a entrepris aucune démarche et qu’il n’a jamais cherché à obtenir la version du plaignant. À l’audience, monsieur Breau affirme que les faits rapportés par la présidente du Syndicat apparaissaient incontestables. Pareille attitude ne présente certes pas l’ouverture et l’objectivité nécessaires pour assurer une juste représentation.

[107]      Il est vrai que la nature du dossier ainsi que les difficultés récurrentes de communication avec le plaignant ont rendu difficile l’intervention du Syndicat. Mais, cela ne le décharge pas de son devoir de juste représentation. En effet, la présente réalité est celle d’un syndicat affilié à une organisation nationale d’envergure qui dispose de moyens substantiels pour effectuer une analyse objective et sérieuse de la situation.

[108]      L’absence d’enquête du Syndicat démontre un manque de considération évident à l’égard des prétentions du plaignant et constitue une conduite arbitraire et discriminatoire prohibée par le Code. La Commission n’a donc pas d’autre choix que de déférer le grief en arbitrage. Par ailleurs, seuls les honoraires occasionnés pour la représentation de ce manquement seront pris en compte dans la demande de remboursement du plaignant. Dans ces circonstances, la somme de 1 224,27 $ apparaît raisonnable.

[109]      En conclusion, mis à part ce dernier grief, les reproches du plaignant à l’endroit de son Syndicat sont sans fondement. Bien plus qu’un simple mandataire, celui-ci est le véritable propriétaire des griefs et possède une grande discrétion quant à l’orientation qu’il entend prendre. En l’espèce, sa décision de ne pas porter à l’arbitrage les griefs du plaignant est le résultat d’un examen sérieux et non un acte arbitraire, de mauvaise foi, de discrimination ou de négligence grave.

[110]      Enfin, bien qu’il soit déplorable qu’il ait attendu à l’audience pour informer formellement le plaignant du sort de ses griefs, sa conduite ne présente pas le caractère arbitraire ou négligent pour conclure à un manquement à son devoir de représentation.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                      la plainte à l’égard du traitement des griefs SC-10, SC-11, SC-12, SC-12A, SC13, SC-13A, SC-14, SC-16 et SC-18;

ACCUEILLE                  la plainte à l’égard du traitement du grief SC-17;

AUTORISE                    Simon Cantin à soumettre son grief SC-17 contestant son avis disciplinaire du 19 septembre 2012 à un arbitre nommé par la ministre du Travail, aux frais du Syndicat du personnel de soutien scolaire des Découvreurs (CSN);

AUTORISE                    Simon Cantin à se faire représenter à cette fin, aux frais du Syndicat du personnel de soutien scolaire des Découvreurs (CSN)  par le procureur de son choix;

ORDONNE                    au Syndicat du personnel de soutien scolaire des Découvreurs (CSN)  de rembourser à Simon Cantin , le tout portant intérêts à la date de la signification de la présente décision, la somme de 1 224,27 $.

 

 

__________________________________

Line Lanseigne

 

M e Charles Brochu

TREMBLAY LAFLEUR PETITCLERC

Représentant du plaignant

 

M. Normand David

Représentant de l’intimé

 

M e Jean-Hugues Fortier

MORENCY, SOCIÉTÉ D’AVOCATS S.E.N.C.R.L.

Représentant de la mise en cause

 

Date de la dernière audience :

28 août 2013

 

/nm