TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

SYNDICAT DES MÉTALLOS, SECTION LOCALE 9414

 

                                                         Syndicat

                             

                              -et-

 

TRANSFORMATEURS PIONEER LTÉE

 

                                                         Employeur

                              ____________________________________

 

N o de dépôt : 2013-9271

 

 

GRIEF #GS66

 

Pour le Syndicat :

Monsieur Martin Courville

 

Pour l’Employeur : 

Me Stéphane Fillion

 

 

 

Audience :   16 septembre 2013

 

Tribunal :  Jean-Guy Clément

 

Date :  3 octobre 2013

 

 

 

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

Par un grief daté du 7 septembre 2012, le Syndicat conteste la nouvelle politique de l'Employeur pour l'achat de bottes de sécurité et réclame que l'ancienne façon de faire soit maintenue.

 

L'article pertinent de la convention collective se lit:

 

« … ARTICLE 10 - SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL

 

10.00  La Compagnie fournira gratuitement les moyens de protection individuelle suivants:

 

- Gants de sécurité

- Lunettes de sécurité sans prescription

- Chaussures de sécurité

- Protecteur auditif

 

ou tout autre équipement jugé nécessaire par le Comité de Santé et de Sécurité paritaire.  … »

 

(Pièce S-1)

 

 

En tout temps pertinent l'Employeur fait affaires avec un magasin (le magasin Industriel de Granby ) où les employés se rendent, avec un bon de commande délivré par l'Employeur, pour aller se choisir une paire de bottes de sécurité.  Les employés choisissent les bottes qu'ils désirent (peu importe leur prix) à même une sélection qui répond aux critères de sécurité nécessaires pour œuvrer chez Transformateurs Pioneer.  La facture pour l'achat des bottes est acheminée directement chez l'Employeur qui la paie.  Notons que règle générale les employés ne savent pas le montant des bottes, puisque les prix ne sont pas affichés en magasin.

 

Jamais, ni dans le passé ni présentement avec la nouvelle politique, l'Employeur a-t-il spécifié une limite de temps; les employés peuvent en tout temps changer leurs bottes, si celles-ci sont usées.  Cette façon de faire n'a pas été modifiée.

 

Notons que dans le temps, certains employés, dépendam-ment de leur fonction, avaient le choix entre des bottes de sécurité ou des souliers (espadrilles) de sécurité.

 

À un moment donné, l'Employeur n'a plus permis aux employés d'acheter des souliers (espadrilles), compte tenu que ceux-ci s'usaient trop rapidement.

 

La façon de faire de l'Employeur existait depuis 1999 et c'est en 2003 que l'achat des souliers a cessé.

 

En août 2012 les superviseurs de production se sont fait dire par un employé qu'il y avait maintenant de disponible, au magasin, des souliers (espadrilles) de sécurité, qui s'usaient moins rapidement.  Au même moment la comptabilité s'est inquiétée d'une facture, qu'elle avait à payer pour des bottes de sécurité.  Le montant total (incluant les taxes mais après escompte) était de deux cent trente-six dollars et quatre-vingt-dix-sept sous (236,97$). 

 

Les superviseurs ont fait une enquête qui a démontré d'une part que les nouveaux souliers (espadrilles) de cuir répondaient aux exigences et duraient plus longtemps qu'auparavant  (il y avait trois modèles de disponible) et d'autre part que la Compagnie était la seule, parmi les clients du magasin , à n'avoir aucun contrôle sur les prix.  Les superviseurs ont estimé qu'avec un montant de cent cinquante dollars (150$) (après escompte et incluant les taxes) les employés avaient un choix d'environ 70% des paires de bottes et souliers exposés.  Cependant constatant que beaucoup de bottes achetées par les employés étaient d'un montant de 149,99$  l'Employeur a décidé de fixer un montant maximum à 155$, tenant compte de l'escompte et des taxes. 

 

Les superviseurs ont alors indiqué aux employés, par réunion de plancher, quelle était la nouvelle politique.  Les commentaires et questionnements des employés ont fait que l'Employeur a ajouté une quatrième paire de souliers disponible et qu'il a autorisé les employés, qui commandaient des bottes ou souliers de moins de 155$, à compléter par l'achat de lacets et de semelles, pour arriver au montant maximum de 155$.

 

Plus tard, après discussions, l'Employeur a accepté que si un employé désirait acheter des bottes ou souliers d'un montant de plus de 155$ qu'il était alors autorisé à le faire, mais devait cependant payer la différence (au-delà du 155$).

 

Nous comprenons que les employés changent ordinaire-ment les souliers ou les bottes aux onze ou douze mois et cela peu importe le prix des bottes.  En effet la preuve est à l'effet que les deux ou trois employés qui achètent des bottes à gros prix changent eux aussi leurs bottes après onze ou douze mois.

 

La convention collective contient (article 4) un article de droit de gérance standard mais ne contient pas de clause spécifique de maintien de droit acquis ou de pratique passée.

 

La question, telle que posée par le grief syndical, est de déterminer si la nouvelle politique, qui fixe un plafond au montant de l'achat de bottes ou de souliers de sécurité, contrevient à la convention collective, spécifiquement, en attaquant ou édulcorant le principe de la gratuité prévue à l'article 10.00. 

 

Le procureur du Syndicat souligne que la pratique (l'absence de plafond) est établie depuis longtemps (1999) et constitue une pratique passée de telle sorte que l'Employeur ne pouvait pas modifier cette pratique, sans l'accord du Syndicat  puisque cela attaque la gratuité prévue à la convention collective.  Le procureur ajoute que lorsque les parties ont voulu limiter les montants d'achat ils l'ont fait tel que prévu à l'article 10.03 en ce qui concerne un montant de 200$ par période de deux ans pour l'achat de lunettes de sécurité ajustées à la vue de l'employé.

 

Quant à l'Employeur il soumet que rien dans la convention collective, et notamment rien à l'article 10, ne limite l'Employeur dans la façon de remplir son obligation.

 

À titre d'exemple ce n'est pas parce que dans le passé l'Employeur procédait à remplir son obligation par l'entremise d'un magasin qu'il ne peut pas à un moment donné changer sa façon de faire telle avoir lui-même un inventaire de bottes dans l'entreprise ou comme cela se fait souvent ailleurs en faisant venir un fournisseur à l'usine.  Le procureur rappelle que la pratique n'est pas immuable puisqu'en 2003 l'Employeur a cessé de permettre l'achat de souliers (espadrilles), sans contestation.

 

Le procureur souligne que la décision de l'Employeur est raisonnable, a été faite après analyse et ne constitue pas un abus de droit.  Le procureur rappelle que sa politique de fixer un maximum de 155$ permet quand même aux employés de choisir entre quarante-huit (48) modèles (de 92,10$ à 154,19$) de bottes de sécurité (dont 4 modèles de souliers).

 

La notion de pratique passée ne peut pas servir ici à soulever la notion d' Estopell .  La convention collective ne limite pas l'Employeur dans sa façon de remplir son obligation de fournir gratuitement des chaussures de sécurité.

 

Il est vrai que les parties, à l'article 10.03, ont spécifié un montant maximum pour le remboursement de l'achat de lunettes de sécurité ajustées, mais l'on comprend qu'il s'agit d'un ajout à l'article 10.03 qui prévoit la gratuité pour les lunettes de sécurité sans prescription ; l'argumentation syndicale, sur ce point, n'est pas concluante.

 

Contrairement à ce qui est plaidé la nouvelle politique de fixer un prix maximum ne met pas en cause le principe de la gratuité, compte tenu des faits mis en preuve touchant entre autres les habitudes d'achat des employés (dont les statistiques sur le renouvellement des bottes et sur les montants moyens d'achat).

 

La nouvelle politique, telle que la preuve le révèle, limite les achats pour quelques employés seulement alors qu'elle bénéficie à la majorité des employés, (alors que cela n'était pas permis auparavant) d'une part en permettant l'achat de souliers et d'autre part en permettant aux employés de compléter l'achat des bottes par l'achat de lacets et de semelles, dans le respect de la limite fixée (alors qu'auparavant l'achat des semelles et des lacets de remplacement étaient à la charge des employés eux-mêmes).  La nouvelle politique permet quand même aux employés d'acheter, peu importe le prix, les bottes qu'ils désirent, sujet néanmoins à payer la différence.

 

Fixer un montant maximum, ne met pas nécessairement en cause le principe de la gratuité (d'ailleurs les représentations du président du Syndicat, avant le dépôt du grief, ne portaient pas sur cet aspect) si cela est raisonnable et n'a pas été établi de façon abusive ou n'est pas autrement discriminatoire.

 

La preuve ne démontre pas que les employés, qui commandaient des bottes à gros prix, le faisaient pour des raisons médicales, orthopédiques ou pour des motifs de sécurité.

 

Le Syndicat aurait eu raison de soumettre que le principe de la gratuité était bafoué si l'Employeur avait adopté une politique déraisonnable, telle une situation où les employés n'avaient presque plus de choix, ou que la politique discriminait des employés sur une base médicale, auquel dernier cas, l'obligation d'accommodement se serait appliquée.

 

Cependant telle n'est pas la situation, telle que dévoilée par la preuve.

 

POUR CES MOTIFS:

 

- Le grief est rejeté.

 

 

Saint-Hippolyte, ce 3 octobre 2013.

 

 

(s) Jean-Guy Clément

JEAN-GUY CLÉMENT, arbitre

 

 

COPIE CONFORME

 

 

 

JEAN-GUY CLÉMENT, arbitre