Grief 232667
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2014-0921 |
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Date : |
Le 25 novembre 2013 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Nathalie Faucher |
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L'Association des policières et policiers provinciaux du Québec
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Ci-après appelé(e) « l'association»
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Et
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Sûreté du Québec
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Ci-après appelé(e) « l’employeur » |
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Plaignant(e) : |
M. Yvon Desrosiers |
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Grief(s) : |
n o de l'association |
232667 |
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Contrat de travail collectif : |
6 juillet 2006 au 31 mars 2010 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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[1] Le 15 juillet 2010, la soussignée a été nommée par les parties pour entendre et disposer du présent grief par lequel l'association conteste la décision de l'employeur de mettre fin à la période de probation et à l'emploi du plaignant. Ledit grief se lit comme suit (extraits pertinents):
"Je Yvon Desrosiers, membre en probation, conteste le fait que la Sûreté à mis fin à mon emploi lors d'une correspondance datée du 30 mars 2009 dont une copie me fut signifiée le 31 mars 2009. Cette décision est non fondée en fait et en droit puisqu'abusive, arbitraire et déraisonnable.
(Réclamation) Que je sois réintégré dans mes fonctions avec tout les droits et privilèges prévus au contrat de travail et ce rétroactivement au 31 mars 2009. Que je sois indemnisé pour tout préjudices quelques soit sa nature, le tout avec les intérêts. Que le tribunal d'arbitrage le cas échéant rende toute ordonnance propre à sauvegarder mes droits.
(…)"
(sic)
[2] Lors d'une audience tenue le 5 juillet 2011, l'employeur s'est objecté à ma compétence à entendre ce grief en raison de l'article 4.03 du contrat de travail lequel prescrit que la décision de la Sûreté de mettre fin à l'emploi d'un membre au cours de sa période de probation ou de la prolongation de celle-ci, au motif qu'il n'a pas les aptitudes ou les qualifications requises, est finale et ne peut faire l'objet d'un grief. Le 27 octobre 2011, j'ai rendu une décision par laquelle je rejetais cette objection et me déclarais compétente pour entendre le grief car il s'agissait de décider si la décision de l'employeur était ou non arbitraire ou si elle avait été prise de mauvaise foi. Je déterminais également que le fardeau de la preuve appartenait à l'association puisque c'est à la partie qui prétend qu'une décision a été prise de mauvaise foi d'en faire la preuve. Les conclusions de ma sentence se lisaient comme suit:
DISPOSITIF
[78] Pour tous ces motifs, le tribunal rend la décision suivante:
REJETTE l'objection préliminaire de l'employeur;
DÉCLARE que le tribunal est compétent pour entendre le grief 232667;
DÉCLARE que le fardeau de la preuve appartient au syndicat;
[3] À la suite de cette décision, cinq jours d'audience ont été tenus. L'association a fait entendre le plaignant, M. Yvon Desrosiers. L'employeur a fait entendre le sergent Pascal Gascon, le sergent Jean Benoît Bouchard, le lieutenant Simon Rabouin, le commandant Luc Lafleur, Mme Guylaine Dugas, directrice adjointe en adaptation scolaire, Mme Julie Corriveau, enquêtrice, le sergent Jocelyn Nadeau, le capitaine Daniel Bélair, qui était le directeur du poste de la MRC de Joliette et est désormais retraité et finalement, le sergent Christian Barette.
[4] Le plaignant a complété sa formation à l'Institut de police (maintenant l'École nationale de police du Québec ci-après «ÉNPQ») en 1987. Il a débuté sa carrière à titre de policier en travaillant pour Hydro-Québec. Il a par la suite obtenu des postes à contrat pour différents corps municipaux de police. En 1990, il quittait le domaine policier afin de travailler sur la ferme familiale. En 1994, il vendait ses parts de cette ferme et créait sa propre entreprise toujours dans le domaine agricole. En 2005, il a été embauché à titre d'employé de voirie pour la municipalité de Saint-Gabriel-de-Brandon. La même année, il a postulé pour travailler à titre de policier au sein du service intermunicipal de police de Joliette et il y a été embauché le 4 juin 2005. Il y est resté jusqu'au 31 mars 2008 date à laquelle le service a été intégré à la Sûreté du Québec.
[5] À la suite de son intégration au sein de la Sûreté, son port d'attache est demeuré le même soit le poste de Joliette et son statut était celui de PHV i.e. permanent à horaire variable. Les policiers PHV ne sont pas membres d'une équipe mais sont plutôt appelés à combler les besoins qui peuvent survenir. Ainsi, même s'il travaillait à Joliette, les services de M. Desrosiers ont été prêtés dans divers postes de la région de Lanaudière. Selon ce dernier, ces déplacements nécessitaient qu'il s'adapte à un nouveau district, un nouveau territoire, un nouveau poste, de nouvelles fréquences radio. Toutefois, ce type de prêt de service s'appliquait pour tous les PHV et le cas du plaignant n'était pas exceptionnel. De plus, comme nous le verrons ultérieurement, il a été assigné à compter du mois de septembre au poste de Joliette uniquement et ce, afin de permettre un meilleur suivi et pour faciliter son évaluation. De plus, à compter du mois de janvier 2009, il a été assigné uniquement à l'équipe du sergent Bouchard, en raison des difficultés qu'il rencontrait.
[6] Lorsqu'il était assigné au secteur de Joliette, M. Desrosiers se plaignait qu'il s'agissait du secteur le plus occupé, le plus chaud. Le sergent Bouchard en convient et il explique que sa politique est de mettre les policiers PHV aux endroits les plus occupés et ce, afin de favoriser leur apprentissage. Il admet qu'il est possible que le plaignant ait été fréquemment assigné à un secteur où il devait couvrir beaucoup d'évènements. Toutefois, il a été traité comme tous ses confrères PHV.
[7] M. Desrosiers devait compléter une période de probation d'un an.
[8] Une formation a été dispensée aux policiers nouvellement intégrés. Ces derniers devaient apprendre les procédures et façons de faire propres à la Sûreté du Québec notamment au niveau de la rédaction des rapports servant à alimenter les banques de données informatiques. Ils devaient également apprendre en quoi consistaient les ressources mises à leur disposition. Une équipe de formateurs a été assignée au poste de Joliette afin d'effectuer la formation. En raison de prêts de service, le plaignant n'y a assisté qu'en partie.
[9] Le sergent Gascon était le coach de ces nouveaux membres et il aidait les superviseurs de relève. Ce dernier avait donc pour mission de transmettre le savoir et les informations propres à la Sûreté. De plus, les nouveaux membres pouvaient compter sur différentes personnes ressources pour les aider à s'ajuster. Les portes du directeur et des responsables des enquêtes étaient toujours ouvertes ce qui incitait les policiers à leur parler.
[10] Il ressort de la preuve qu'une recrue pouvait échanger des informations verbalement sur une base quotidienne avec ses supérieurs. De plus, des échanges écrits pouvaient également avoir lieu. Selon l'évolution de la recrue, des rencontres mensuelles ou aux deux à trois mois avaient lieu afin d'évaluer le rendement et voir à corriger les lacunes. Par ailleurs, au 4ième et au 10ième mois de la première année, une appréciation des capacités est faite. Ce processus est complété par une auto-évaluation et par une rencontre.
[11] Au départ le supérieur du plaignant était le lieutenant Mederos puis ce dernier a été remplacé par le lieutenant Rabouin en septembre 2008. Ce dernier était responsable de tous les policiers (52) patrouilleurs permanents ou PHV du poste de Joliette. De plus, il était le responsable des cinq sergents de relève et du sergent Gascon.
[12] Le sergent Gascon témoigne avoir rencontré fréquemment M. Desrosiers en raison de la situation géographique de son bureau lequel est situé à côté de la salle des patrouilleurs. Ce dernier venait donc souvent lui poser des questions par rapport à certaines procédures. Il mentionne qu'il avait une bonne relation avec lui.
[13] Le sergent Gascon précise que les questions du plaignant étaient essentiellement des questions de base. Par exemple, il voulait savoir quel rapport il devait compléter ou quelle case devait être remplie. Il avait des problèmes à maîtriser de telles questions alors que normalement un policier qui sort de l'École nationale de police en est capable.
[14] Il est donc apparu que le plaignant avait des lacunes importantes à l'égard de la base même de son travail.
[15] Le sergent Gascon témoigne que son but était de l'aider et il répondait à ses questions afin qu'il puisse acquérir les connaissances qui lui manquaient. Il l'invitait à lire les guides internes mis à la disposition des membres. Malgré cela, le plaignant posait toujours les mêmes questions. Il ne semblait pas vouloir s'auto-former. Il ne cherchait pas à acquérir les connaissances voulues. Il semblait plafonner vers le bas. Malgré son bon vouloir, il avait une capacité limitée d'apprentissage par rapport aux autres policiers.
[16] De plus, il lui est apparu qu'il magasinait les réponses avec d'autres personnes responsables dans le poste comme le superviseur de relève, l'adjoint à la gendarmerie ou l'adjoint aux enquêtes. Il semblait donc attendre une autre réponse qui aurait mieux fait son affaire. S'il commettait une erreur, il répondait qu'il avait été voir untel qui lui avait dit de faire cela de cette façon. Il tentait toujours de se justifier. M. Gascon qualifie ce comportement comme faisant partie de la famille des «oui mais». Selon lui, cela démontrait un manque de confiance en soi.
[17] Le sergent Christian Barette témoigne avoir aussi constaté que le plaignant posait beaucoup de questions de base et qu'il magasinait ses réponses. Il corrobore donc le témoignage du sergent Gascon.
[18] En dépit des réponses obtenues, le plaignant ne respectait pas le modèle à suivre. Un tel comportement n'est pas approprié car si quelqu'un en autorité se donne la peine de répondre aux questions d'un policier, il s'attend à ce que ce dernier applique ce qui lui a été dit.
[19] En mai 2008, lors d'une réunion de gestion, les tâches visant à guider et accompagner les policiers PHV dans leur apprentissage et à les évaluer ont été distribuées parmi cinq personnes. Le sergent Bouchard s'est proposé pour évaluer le plaignant ainsi qu'un autre policier PHV et cette tâche lui a été attribuée. Le plaignant a consenti à ce que M. Bouchard soit son responsable car il avait confiance en lui.
[20] Des rencontres de suivi ont dont été tenues à compter du mois de mai 2008 par le sergent Bouchard avec le plaignant. Celles-ci étaient d'une durée variable (de quinze minutes à une heure) et avaient lieu dans les bureaux, au poste. Selon le sergent Bouchard, plusieurs de ces rencontres furent assez longues. Le ton était cordial et respectueux. L'objectif était de le guider afin qu'il puisse rencontrer les attentes. Il explique qu'il était en outre disponible pour répondre aux questions de M. Desrosiers.
[21] Il avait été convenu que s'il y avait un problème avec un policier PHV, cette information devait être transmise au sergent Bouchard par écrit soit par mémo ou par courriel. Ce dernier témoigne qu'il convoquait une réunion avec le plaignant lorsqu'il avait en main quelques rapports faisant état de difficultés rencontrées. La plupart du temps, il demandait au plaignant d'expliquer ce qui s'était passé lors des incidents puis, s'il constatait un problème, il lui disait comment il aurait dû procéder. À la fin des rencontres, il essayait de faire en sorte que M. Desrosiers reparte sur une note positive et l'encourageait afin qu'il puisse s'améliorer.
[22] Non seulement les points négatifs étaient-ils traités mais le sergent Bouchard mentionne qu'il lui transmettait aussi des félicitations lors de bons coups ou lui transmettait les lettres de félicitations reçues de la part de citoyens.
[23] Bien que le plaignant ait mentionné qu'il ne rencontrait pas souvent le sergent Bouchard, il ressort de la preuve que plusieurs rencontres de cette sorte ont été tenues, les notes de M. Bouchard sont éloquentes sur ce point.
[24] Au cours de la période allant du mois de mai 2008 au mois d'octobre 2008, plusieurs incidents ont ainsi fait l'objet de discussions lors de ces rencontres. Par exemple, le sergent Bouchard fait état d'un incident survenu lors de la prise d'empreintes digitales d'une personne s'étant présentée au poste sans que le plaignant ne l'ait identifié, ni vérifié son adresse. Or, une telle identification est nécessaire afin de s'assurer que c'est la bonne personne qui se présente et que ce sont donc les bonnes empreintes qui sont prises. Cette règle est enseignée à l'ÉNPQ et une politique interne en traite. De plus, des feuilles sont affichées dans les salles du poste de police expliquant la procédure à suivre. Finalement, le policier pouvait également s'adresser à un collègue advenant qu'il n'est pas su quoi faire. Malgré cela, le plaignant n'a pas fait le travail correctement et a omis de faire cette vérification élémentaire.
[25] M. Bouchard a également dû intervenir après avoir reçu un appel du procureur de la couronne se plaignant que M. Desrosiers ne lui était pas revenu après lui avoir demandé un complément de dossier. Selon lui, de telles demandes devraient être traitées en priorité ce qui n'avait pas été le cas. Le plaignant affirme à l'audience avoir remis le complément le lendemain après avoir été avisé.
[26] M. Bouchard rapporte également que le plaignant a failli faire achopper une enquête par son comportement lorsqu'il s'est rendu chez Location C. Cet incident a été porté à sa connaissance suite à la réception d'un courriel de la part du capitaine Marchand du poste de Berthier.
[27] Selon ce courriel, le plaignant se serait présenté en dehors de ses heures de travail chez Location C. à Berthierville et aurait demandé au propriétaire de l'établissement s'il détenait des informations au sujet d'un certain F. B. et s'il lui avait loué de l'équipement. M. Desrosiers aurait alors précisé qu'il soupçonnait F.B. de découper des véhicules volés. Il a demandé au propriétaire de l'établissement de sortir des factures et a spécifié qu'il reviendrait les chercher. Soulignons que cet établissement n'est pas situé sur le territoire du poste de Joliette.
[28] M. Bouchard mentionne que puisque M. Desrosiers n'est pas un enquêteur, de telles tâches ne relèvent pas de son travail. De plus, il n'est pas possible pour un policier de se présenter dans un commerce en demandant qu'on lui remette des factures. Normalement, le plaignant aurait dû discuter de la situation avec un enquêteur plutôt que prendre une telle initiative. Il a donc décidé de le rencontrer à ce sujet.
[29] Le lieutenant Rabouin témoigne dans le même sens et ajoute que ce geste démontre le manque de jugement du plaignant. Il précise qu'un autre policier enquêtait au sujet de ce commerce et que cette enquête aurait pu être compromise par le comportement du plaignant.
[30] Le plaignant témoigne que lors de cet incident, on ne lui a pas dit qu'il aurait dû parler à un enquêteur mais qu'on lui a plutôt fait le reproche que son geste aurait pu brûler une enquête de vols d'autos. Cependant, il reconnaît lors du contre-interrogatoire qu'on lui a mentionné de faire appel à des enquêteurs pour obtenir les documents dont il avait besoin.
[31] Par ailleurs, lors de l'entrevue réalisée par le commandant Lafleur, il appert que le plaignant a soutenu pour défendre son point de vue que le propriétaire de Location C. était le beau-frère de M. Rabouin. Selon ses dires, c'est la raison pour laquelle ce dernier a été informé de l'incident. De plus, il a ajouté que depuis ce temps M. Rabouin l'a pris en grippe. À l'audience, le plaignant précise que c'est le propriétaire de l'établissement qui l'a avisé de son lien de parenté avec M. Rabouin et il n'a pas fait d'autres vérifications. Il l'a cru sur parole.
[32] Ces affirmations ont été niées par le lieutenant Rabouin, ce dernier précisant n'avoir aucun lien de parenté avec le propriétaire de Location C.
[33] Lors de cette rencontre, il a aussi été question de l'intervention du plaignant lors d'un vol de vélo. Ainsi, il appert que M. Desrosiers avait surpris des suspects en flagrant délit mais n'avait pas procédé aux arrestations. Il n'avait pas non plus fait de vérifications au CRPQ. Il avait donné rendez-vous au poste à l'un des suspects. Selon le sergent Bouchard, le plaignant a alors mis la faute sur l'agent Tremblay qui était avec lui lors de l'intervention. Ainsi, il a mentionné avoir accepté le point de vue de son collègue plus expérimenté sans argumenter. Il aurait également admis mal connaître ses pouvoirs d'arrestation. Lors de son contre-interrogatoire, le lieutenant Rabouin précise avoir rencontré l'agent Tremblay et lui avoir fait les mêmes reproches qu'au plaignant.
[34] À l'audience, le plaignant explique qu'il était en fait en présence de quelqu'un qui avouait avoir commis un vol mais sans dire à quel endroit. Il a donc demandé à ce qu'un enquêteur soit saisi de l'affaire, ce qu'on lui a reproché. Quant à l'absence de vérification au CRPQ, il mentionne ne pas l'avoir fait car son collègue de travail lui a dit qu'il connaissait ces personnes et leur famille et qu'il s'en occupait. Il reconnaît qu'il aurait dû faire cette vérification même si son collègue avait identifié les personnes.
[35] Un troisième incident a été discuté lors de cette rencontre, soit les évènements survenus au magasin Urban Planet. Dans cette affaire, les employées se sont plaintes à l'agent Barette de l'intervention de M. Desrosiers. Selon les employées, ce dernier aurait fait un commentaire déplacé au sujet de leur décolleté et l'une d'entre elles s'est sentie mal à l'aise car il regardait sa poitrine.
[36] Lors de la rencontre, le plaignant a nié toute l'affaire et a affirmé avoir tout ce qu'il lui fallait à la maison. À l'audience, il a affirmé que c'était la voleuse qui était habillée sexy et que ce sont les employées du magasin qui ont fait des commentaires à ce sujet. Dans ce contexte, il mentionne ne pas avoir compris pourquoi on lui faisait un reproche.
[37] Selon les notes du lieutenant Rabouin, divers autres incidents ont été discutés avec le plaignant tels, par exemple, un remisage de véhicule non-libéré, l'absence d'inscription d'informations sur le rapport quotidien du patrouilleur, etc.
[38] Le 6 octobre 2008, le plaignant subissait la 1 ère notation. Si plusieurs points étaient notés positivement, il n'en reste pas moins que des lacunes étaient alors constatées. Ainsi, l'évaluateur notait notamment qu'il ne mettait pas à profit son expérience, qu'il devait être suivi continuellement et qu'il ne pouvait prendre aucune initiative au niveau des plaintes et évènements. Il mentionnait que le jugement n'était pas toujours présent. Il était indiqué qu'il devait souvent reprendre ses rapports car ceux-ci n'étaient pas satisfaisants. Les points forts étaient un bon rendement pour le Code de la sécurité routière et le fait qu'il était poli et courtois. Les points faibles étaient ainsi identifié:
«1) Doit travailler pour l'autonomie au travail, 2) rédaction de rapports, 3) doit être capable d'analyser la situation rapidement et appliquer la bonne intervention.»
[39] Les correctifs recommandés étaient une formation de mise à niveau et soutien et encadrement pour une période de trois mois. On prévoyait à titre de mesure de soutien de l'envoyer à l'IPQ pour une formation de mise à niveau.
[40] Selon le sergent Bouchard, le problème du plaignant n'était pas au niveau du vouloir mais plutôt au niveau de ses capacités.
[41] Le plaignant témoigne qu'il n'était pas d'accord avec sa notation. Il prétend que le sergent Bouchard avait fait une première évaluation qui lui était plus favorable. Il pense qu'il a dû la refaire suite à une rencontre avec M. Rabouin. En effet, le résultat final était beaucoup plus négatif à son égard. Il mentionne qu'il était souvent assigné au secteur Nord de la ville et que c'est à cet endroit où il y a le plus de travail. Or, il travaillait seul et n'avait pas de partenaire. Il explique qu'il ne comprenait donc pas pourquoi on lui reprochait de ne pas prendre le bon formulaire alors qu'il n'avait personne pour l'aider. Après avoir fait valoir ces points auprès de ses supérieurs, il a consenti à signer sa fiche de notation et a précisé qu'il s'améliorerait.
[42] Lors de son contre-interrogatoire, M. Desrosiers admet qu'il n'a pas vu le contenu du document préparé par le sergent Bouchard et que sa prétention à l'effet qu'il y aurait eu un changement d'évaluation ne repose que sur le contenu de sa discussion avec lui et non sur le rapport écrit.
[43] Il admet également que lors de la rencontre de notation, chaque point de l'évaluation a été discuté et qu'il a pu donner sa version des faits.
[44] Un des points abordés lors de cette rencontre est l'intervention faite par le plaignant à l'école Thérèse Martin.
[45] Dans cette affaire, un élève avait été interpellé sur le trottoir devant l'établissement et fouillé par un guide élève. Il était en possession de hachisch lequel fut saisi. C'est le plaignant qui avait été appelé à intervenir. Ce dernier a estimé que la fouille était illégale et en a fait mention à la directrice adjointe de l'établissement, Mme Dugas. Selon le témoignage de cette dernière, ces propos ont été tenus en présence du jeune concerné, ce que le plaignant nie.
[46] De plus, il s'est enquis de la peine qui allait être imposée par l'école et a émis son opinion à cet égard estimant que celle-ci était trop sévère. Mme Dugas était très fâchée de la situation et en a fait part à l'enquêtrice Julie Corriveau laquelle était attitrée à cet établissement en vertu du programme d'intervention en milieu scolaire (PIMS). Le jour de l'évènement, Mme Corriveau était d'ailleurs présente dans l'établissement et en réunion avec le directeur et trois directeurs de niveau.
[47] Selon Mme Corriveau, les propos du plaignant ont créé tout un émoi dans l'école puisque sur l'heure du lunch, trois jeunes sont venus la rencontrer dans son local afin de lui demander s'il était exact que la fouille était illégale. Ces jeunes s'étaient tous présentés séparément. Elle a dû rattraper la gaffe de son collègue et leur dire qu'en vertu du code de vie, la fouille était légale.
[48] Elle a donc rapporté le tout à son supérieur le sergent Nadeau. Ce dernier lui a demandé de rédiger un compte rendu de l'évènement, ce qu'elle a fait. La même demande a été faite auprès de Mme Dugas. Le compte-rendu de cette dernière se lit comme suit (extraits pertinents):
"Tel que convenu lors de votre visite, voici un petit compte-rendu de la visite de l'agent Desjardins* à notre école.
Nous avons appelé la police car nous avions un élève qui avait été pris en possession de psychotropes. L'agent Desjardins* est arrivé dans mon bureau et l'élève était avec moi. Il m'a demandé ce qui allait arriver avec l'élève. Je lui ai répondu qu'il allait être en suspension externe pour 3 jours et qu'ensuite nous allions signer un protocole d'entente avec lui et ses parents. Il a rétorqué qu'il trouvait que nous devrions les mettre en suspension interne que cela était beaucoup plus pénalisant pour l'élève. Je lui ai dit que nous n'allions pas discuter de nos politiques en lien avec de la possession devant l'élève. Par la suite, il a interrogé l'élève seul dans le bureau de ma secrétaire et il a également demandé à parler à la guide qui l'avait fouillé, Le tout s'est déroulé dans le bureau de ma secrétaire et je n'étais pas présente. Lorsqu'ils sont tous ressortis, il m'a dit que la fouille n'était pas légale car la guide avait demandé à l'élève de le suivre lorsqu'il était à l'extérieur de la cour d'école (moins d'un pied). Il a dit devant l'élève que lui ne pouvait pas rien faire et que l'élève devait retourner en classe car la fouille était illégale donc sans conséquence. J'ai mentionné à l'agent que la loi et le code de vie d'une école sont deux choses différentes et que l'élève était bel et bien en possession et que les conséquences demeuraient, L'élève ne semblait plus trop bien comprendre ce qui allait lui arriver. Il a continué à plus d'une reprise à redire que techniquement la fouille était illégale et que lui légalement ne pouvait pas rien faire et que l'élève pourrait ne rien avoir comme conséquence.
(...)"
* Bien que Mme Dugas utilise le nom de Desjardins, il a été établi à l'audience qu'il s'agissait de M. Desrosiers .
[49] Mme Dugas a témoigné au même effet à l'audience. Elle a par ailleurs ajouté qu'elle a trouvé cette intervention totalement inadéquate. En effet, elle estime que le policer n'avait pas à commenter les politiques internes de l'établissement et ce, devant l'élève. Que la fouille soit ou non illégale, il existe un code de vie dans l'établissement lequel devait être appliqué compte tenu du fait que l'élève était en possession de drogue. Elle souligne que l'école a le rôle d'éduquer les élèves sur la vie en société et il était clair pour elle que des sanctions devaient s'appliquer. Le plaignant a répété à cinq ou six reprises que la fouille était illégale et ce, en présence de l'élève. Ce dernier voyait le débat et demandait à retourner en classe. Il croyait s'en tirer comme cela.
[50] Trois jours plus tard, la mère de l'élève s'est présentée avec son enfant. Ce dernier lui ayant raconté ce qui s'était passé, la mère ne voulait pas signer de protocole d'entente. Selon elle son enfant ne devait avoir aucune conséquence étant entendu que la fouille était illégale.
[51] L'enquêtrice Corriveau explique que le problème n'était pas la question de la légalité ou non de la fouille mais bien le fait que les propos aient été tenus devant l'élève. À la suite de cet incident, elle a mis en place une nouvelle procédure qu'elle résume ainsi dans son compte rendu (extraits pertinents):
"Les guides élèves ont été rencontrés pour remettre les pendules à l'heure et les informer que s'ils soupçonnent un jeune qui revient de chez lui vers l'école et qu'il est sur le trottoir, attendre qu'il entre dans la cour d'école pour l'inviter à la fouille.
De plus, une entente avec la direction d'école a été prise à l'effet que maintenant lorsqu'un patrouilleur se présente sur les lieux pour une plainte, une rencontre avec l'intervenant devra avoir lieu sans le jeune pour faire un genre de briefing et ensuite, le jeune sera rencontré par la directrice et le policier."
[52] L'employeur reprochait donc au plaignant d'avoir eu un comportement qui entachait l'image de la Sûreté et que cela était inadmissible. De plus, il lui a été expliqué que cela avait nécessité une intervention de sa collègue Corriveau et que cela créait une surcharge de travail pour ses collègues. Selon le sergent Bouchard, le comportement du plaignant mettait en cause son jugement.
[53] Le second point abordé à cette occasion est l'incident où un homme se masturbait devant des jeunes. Une citoyenne avait rapporté cet incident et elle avait pris le numéro de plaque du véhicule du suspect. Il s'agissait d'un véhicule de compagnie. L'appel a été confié au plaignant. Ce dernier s'est rendu à l'adresse du propriétaire dudit véhicule et a avisé ce dernier devant trois ou quatre employés qu'un homme se masturbait dans son véhicule à telle heure. Le propriétaire du véhicule lui aurait répondu que la personne sera rencontrée et qu'un tel incident ne se reproduira plus. Il s'est contenté de cette réponse et n'a pas ouvert de dossier.
[54] Lorsqu'au départ il fut interrogé par le lieutenant Rabouin, le plaignant estimait avoir fait une bonne intervention. Il était sous l'impression qu'il ne pouvait pas arrêter de suspect étant donné qu'il n'avait pas été pris en flagrant délit. Il n'avait jamais pensé qu'il pouvait peut-être être face à un problème de pédophilie. Il a admis avoir raté son coup.
[55] Le lieutenant Rabouin témoigne que le plaignant faisait face à une situation pouvant constituer une infraction criminelle. Il devait donc faire une enquête, tenter d'identifier le suspect, le rencontrer et l'interroger ce qui n'a pas été fait. Un tel agissement remettait en cause le jugement de M. Desrosiers. Si une telle rencontre a lieu plusieurs jours plus tard, il peut être difficile d'agir. Compte tenu de la situation, le lieutenant Rabouin a demandé au sergent Nadeau d'assigner un enquêteur sur le cas.
[56] Les parties ont également discuté d'une demande d'intervention de la part d'un citoyen au sujet d'un conflit au sujet d'une réparation de voiture. Il s'agissait d'une affaire civile ne relevant pas des fonctions d'un policier. Malgré cela, le plaignant a fait plusieurs démarches. Ainsi, il s'est présenté sur place, puis, par la suite, il a fait des vérifications auprès de l'avocat du service afin de s'informer de la validité des contrats. De telles démarches étaient inutiles compte tenu de la nature de l'affaire. Il aurait tout simplement pu s'adresser au superviseur en devoir qui le lui aurait confirmé. Le plaignant a admis sa faute à cet égard.
[57] Le plaignant témoigne avoir demandé à ses supérieurs de retourner à l'ÉNPQ car sa formation datait de plus de 15 ans. Il voulait ainsi mettre ses connaissances à jour. De plus, il a demandé à suivre la formation sur les radars car il était l'un des seuls PHV à ne pas l'avoir. Lors de son contre-interrogatoire, il convient qu'en réalité la plupart des PHV n'avaient pas suivi cette dernière formation.
[58] À l'audience, le plaignant s'est plaint du fait qu'il devait patrouiller seul dans son véhicule et qu'il ne pouvait pas appeler quelqu'un afin de savoir ce qu'il devait faire dans telle situation. Selon lui, M. Bouchard, n'était pas sur la même relève alors que le bureau de M. Rabouin était le plus souvent fermé. Il référait donc au sergent Gascon. Il reconnaît en contre-interrogatoire qu'il aurait pu contacter le poste et parler à un superviseur.
[59] Le lieutenant Rabouin et le sergent Bouchard contredisent le plaignant sur ce dernier point. En effet, ils estiment avoir été très disponibles pour rencontrer le plaignant, répondre à ses questions et l'aider dans son apprentissage. Le lieutenant Rabouin témoigne faire preuve de disponibilités à l'égard de tous les employés et que sa porte était en conséquence presque toujours ouverte. Celle-ci n'était fermée que lorsqu'il devait échanger des informations confidentielles ou personnelles.
[60] Le 10 octobre 2008, M. Desrosiers était placé en encadrement pour une période de cinq mois soit du 10 octobre 2008 au 10 mars 2009. Une entente à cet effet a été signée par le plaignant, son supérieur immédiat, le sergent Bouchard, et son supérieur hiérarchique, le lieutenant Rabouin. Le texte de cette entente se lit comme suit:
«Monsieur,
Nous avons mis en place des mesures de soutien et d'encadrement afin de vous aider à développer les compétences qui sont nécessaires à l'exécution de votre travail comme agent patrouilleur à la Sûreté du Québec.
Nous avons en effet identifié des tâches que vous devez maîtriser pour effectuer votre travail de façon satisfaisante. Elles vous sont détaillées dans le document suivant. Pour chacune d'entre elles, nous avons identifié des indicateurs auxquels vous devrez satisfaire et pour lesquelles vous serez évalué. Ces attentes exprimées découlent de la synthèse des compétences clés et de l'analyse de situation de travail pour votre fonction, jointes en annexe. Le gestionnaire devra ainsi vous évaluer en fonction de ces compétences clés que vous devez démontrer à travers les différentes attentes qui vous sont fixées.
Prenez note que la prochaine rencontre d'évaluation aura lieu d'ici un mois et fera l'objet d'un rapport écrit. Je vous invite donc à faire les démarches nécessaires afin de participer activement à la réalisation de ces attentes. Vous avez l'entière responsabilité d'assimiler les attentes qui vous ont été signifiées ainsi que d'apporter les correctifs nécessaires.
Je serai disponible en tout temps pour vous aider à réaliser les attentes qui vous ont été signifiées. N'hésitez pas à consulter et à demander de l'aide ou de la formation si nécessaire.»
[61] La synthèse des compétences clés du patrouilleur de poste MRC sont les suivantes:
1. Adaptation au changement
2. Autonomie et initiative
3. Éthique
4. Jugement
5. Maîtrise de soi
6. Relations interpersonnelles
7. Résolutions de problèmes
8. Travail d'équipe et partenariat
9. Perception situationnelle
10. Sécurité au travail
[62] Trois attentes principales étaient jointes à cette entente. La première attente concernait la communication écrite et verbale, la seconde concernait l'autonomie et l'initiative et la dernière avait trait au jugement et à la perception situationnelle. Chaque attente se divisait ensuite en plusieurs indicateurs. Des moyens étaient offerts par le supérieur pour atteindre la performance souhaitée. Par ailleurs, divers exemples tirés des conduites problématiques discutées lors des rencontres de supervision illustraient les performances à atteindre. Par exemple, l'indicateur 3.2 exigeant de démontrer de la logique et du discernement dans la prise de décision est illustré par les incidents survenus à l'école Thérèse Martin et à Location C.
[63] L'ensemble des documents rattachés au plan de soutien ont été remis au plaignant.
[64] À cette occasion, l'employeur revoit avec le plaignant certaines de ses interventions. Un des points discutés concerne le dossier d'un vol à l'étalage et d'un véhicule volé. Ainsi, le plaignant témoigne que l'employeur lui a reproché de ne pas avoir fouillé le véhicule saisi lequel contenait les effets du voleur. Il mentionne qu'il avait l'intention de photographier le tout mais que la caméra n'était pas disponible. Il n'a pas pensé saisir les effets et les photographier au poste de police. L'employeur lui a aussi reproché de ne pas avoir saisi la plaque factice du véhicule. Il témoigne avoir simplement fait remorquer le véhicule. Il ne se souvient pas avoir dit à l'employeur qu'il voulait tout envoyer au garage afin de laisser les enquêteurs faire la fouille.
[65] Au cours de cette même rencontre, il fut également question du fait qu'il avait oublié les documents relatifs aux comparutions des prévenus qu'il était chargé de transporter. On lui a aussi reproché de ne pas avoir pris connaissance d'une nouvelle directive concernant la prise d'empreintes digitales et ce, avant de faire cette tâche.
[66] Malgré ce plan d'encadrement, l'employeur continuait à lui reprocher la qualité déficiente de ses rapports. Les notes du lieutenant Rabouin et celles du sergent Bouchard font mention de problèmes de cette nature à plusieurs reprises. Par ailleurs, le sergent Gascon confirme qu'il a dû réviser les rapports complétés par le plaignant à compter d'octobre 2008. Il a constaté que ce dernier commettait beaucoup d'erreurs et que l'on devait fréquemment lui retourner ses rapports afin qu'il les corrige. Mêmes si c'étaient de petites erreurs, celles-ci devaient néanmoins être corrigées. En contre-interrogatoire, il ne peut pas préciser le nombre de rapports ainsi retournés mais il estime que cela se situait entre 30 à 50% de ses rapports.
[67] Lors de son contre-interrogatoire, le plaignant nie que la qualité de ses rapports laissait à désirer. Selon lui, il pouvait arriver qu'une petite case ne soit pas cochée mais de telles omissions arrivent dans tous les constats.
[68] Le 12 octobre 2008, le plaignant s'est absenté du travail pendant deux semaines bénéficiant d'un congé parental.
[69] Le 3 novembre 2008, il est allé suivre une formation de mise à niveau à l'école nationale de police. Il témoigne avoir été content que cette demande ait été acceptée par l'employeur. Il obtient alors d'excellents résultats soit A+. Il est à noter que la moyenne du groupe est également de A+.
[70] Le 25 novembre, il rencontre le lieutenant Rabouin qui lui réitère les attentes de l'employeur.
[71] Le 11 décembre, le plaignant est rencontré par ses supérieurs. On le félicite suite à une intervention ayant mené à l'arrestation d'un voleur. Par la suite, l'employeur aborde son intervention concernant le transport vers l'hôpital d'une personne mourante. Cette dernière ne voulait pas aller à l'hôpital. Dans une situation où la vie est en danger, il existe une procédure permettant au policier d'ordonner le transport vers l'Hôpital malgré son refus. Le plaignant estimait être en présence d'une telle situation et voulait que la personne soit transportée immédiatement à l'hôpital. Son collègue Labrosse appelé en renfort n'était pas du même avis que M. Desrosiers et estimait qu'il devait requérir le responsable de l'hôpital (P-38) avant d'ordonner le transport. L'employeur lui a reproché d'avoir tenté de convaincre son collègue du bien-fondé de son point de vue et ce, devant les ambulanciers plutôt que d'avoir pris son collègue à part afin de discuter de cette question.
[72] L'employeur lui reproche également d'avoir perdu du temps à traiter une affaire civile ne relevant pas de ses fonctions au sujet d'une clôture. Le plaignant ne se rappelle pas de cet incident.
[73] Le lieutenant Rabouin reproche également au plaignant de ne pas avoir tenu compte de ce qui lui avait été dit dans le cadre du vol à l'étalage au Métro Bélair. Il aurait normalement dû rencontrer un enquêteur car cet incident aurait pu permettre le règlement d'un autre dossier. Selon M. Rabouin, le plaignant s'est concentré sur son propre dossier sans tenir compte des autres dossiers reliés. Il estime qu'il est nécessaire d'avoir une vision plus large dans le domaine policier et ne pas se limiter à un seul problème.
[74] Le plaignant quitte à nouveau pour son congé parental du 14 décembre au 11 janvier 2009.
[75] En raison des difficultés rencontrées par le plaignant, il fut décidé de lui offrir un horaire de travail particulier afin qu'il suive l'horaire de son superviseur de relève, soit le sergent Bouchard. Cette offre fut acceptée par M. Desrosiers en date du 6 janvier 2009. Ce faisant, l'employeur tentait de lui donner des conditions favorables à son apprentissage.
[76] Le 13 janvier 2009, la direction est avisée du fait que le plaignant a manipulé son arme de service de façon dangereuse. Ce dernier devait prendre le numéro de série de son arme. Pour ce faire, il a pris son arme de côté sans la décharger. Ce faisant, il se trouvait à pointer un collègue de travail. Devant un tel comportement, le sergent Christian Barette est intervenu pour faire cesser ce comportement car cela était dangereux. Il a par la suite rapporté l'incident par courriel au lieutenant Rabouin. Ce courriel se lit comme suit (extraits pertinents):
«Salut lieutenant Rabouin, Voici ma narration pour les deux journées avec monsieur Desrosiers.
Le 2009-01-12 vers 07h05, il s'est présenté au briefing, je lui ai remis une feuille pour ses coordonnées personnelles. Il devait prendre le numéro de série de son arme. Vers 07h11, il a pris son arme et il l'a monté à la hauteur de la table. Il l'a mise de côté et il a pointé vers la fenêtre pour prendre son numéro de série. Il pointait alors en direction de l'agent Luc Dionne qui était à côté de lui. Je lui ai dit d'arrêter de le pointer que c'était dangereux. Il a hésité et je lui ai redit. Il a descendu le canon de son arme au sol et il a enlevé le chargeur puis déchargé son arme. Il a ensuite pris son numéro de série.
Le 2009-01-13, il est arrivé au briefing vers 07h07. Je l'ai rencontré par la suite pour l'avertir de la situation. Il a dit être arrivé au poste à 07h00 et être allé se changer. Je lui ai dit qu'il devait être prêt à 07h00. Il a compris.»
[77] Le plaignant explique que son arme n'était pas chargée ce qui explique qu'il ait agi de cette façon. Selon lui, on pouvait voir que son arme était vide.
[78] Selon le sergent Barette, l'apprentissage des règles de chargement et de déchargement d'une arme à feu sont des règles de base apprises à l'ÉNPQ. De plus, les policiers reçoivent une mise-à-jour annuelle à ce sujet. Ainsi, un policier doit toujours considérer une arme comme étant chargée même si elle ne l'est pas. Lorsque le chargeur et la culasse sont fermés, il est impossible de savoir si une balle est chambrée dans le chargeur.
[79] Le 23 janvier, l'employeur rencontre à nouveau le plaignant. Plusieurs sujets sont abordés lors de cette rencontre dont notamment des erreurs de code, l'oubli de laisser des copies de documents, etc. L'employeur aborde également l'intervention du plaignant suite à une tentative de suicide. Ce dernier explique s'être présenté sur place et avoir constaté que ce n'était pas une tentative de suicide. La jeune fille en question lui a mentionné qu'elle venait de se chicaner avec son conjoint et qu'elle avait besoin que l'on augmente sa médication. Elle est ensuite embarquée dans l'ambulance. La mère qui était présente a corroboré ces dires. Par conséquent, il a simplement noté le tout dans son calepin et n'a pas ouvert de dossier car il ne jugeait pas cela nécessaire dans les circonstances. Il relate que M. Rabouin lui a reproché de ne pas s'être informé sur la façon dont cette personne avait tenté de se suicider et de ne pas avoir ouvert de dossier.
[80] Le sergent Bouchard explique que lorsqu'un policier a affaire à une personne perturbée, dépressive, il est important d'ouvrir un dossier et de noter comment la personne a essayé de se suicider. Selon lui, M. Desrosiers n'était pas en mesure de dire pourquoi il n'avait pas ouvert de dossier lors de la rencontre du 23 janvier.
[81] En février 2009, M. Gascon a dû aviser le plaignant par courriel qu'il ne pouvait pas changer un constat ni contacter un citoyen à qui il avait remis un constat pour lui dire de le détruire. Si une erreur était constatée et qu'il était nécessaire d'annuler le constat, une seule procédure devait être suivie soit celle de compléter un formulaire à cet effet. Il est important de faire cette démarche avec les autorités de la Cour autrement, si le citoyen ne se présente pas lors du procès, il peut être reconnu coupable de l'infraction par défaut. M. Gascon explique que cette intervention a été rendue nécessaire après que la greffière ait reçu un appel d'une citoyenne qui voulait valider les informations reçues de la part du plaignant. En effectuant cette démarche, le plaignant se trouvait à corriger une erreur par une autre erreur.
[82] Selon le sergent Gascon, le plaignant continuait à poser les mêmes questions même après sa formation de mise à niveau. Il ne maîtrisait pas ses connaissances. Il présentait des lacunes dans la rédaction de ses rapports et la direction devait les lui retourner souvent afin qu'il les corrige. Il en est de même avec ses billets. Le même problème existait lorsqu'il devait donner des conseils à la population.
[83] L'évènement de l'annulation du constat est revu lors de la rencontre de suivi du 25 février 2009. Au cours de cette réunion, le plaignant admet ne pas avoir relu son plan de soutien et d'encadrement comme cela lui avait été demandé. Selon les notes du lieutenant Rabouin, il appert que le plaignant aurait déclaré qu'il préférait travailler en solo qu'en équipe. Toutefois, le plaignant déclare ne pas se souvenir de cela à l'audience.
[84] Au cours de cette même rencontre, l'employeur a abordé la question de son intervention à la suite d'une agression armée sur deux victimes et en a souligné la faiblesse. Le sergent Bouchard lui a reproché son manque de leadership et le fait qu'il avait agi sans jugement. En fait, ce dernier s'étant rendu sur les lieux lors de l'intervention, il a estimé que le plaignant avait manqué son intervention de A à Z. À son arrivée, aucun des deux policiers (le plaignant travaillait alors avec l'agent Chabot) n'avait la situation en main. La cueillette de renseignements n'était toujours pas entamée malgré qu'il avait expressément demandé à M. Desrosiers de recueillir des détails dans l'attente de son arrivée. En conséquence, il a dû prendre les opérations en main. Le soir même, un débriefing a eu lieu à ce sujet avec le plaignant et l'agent Chabot. Le sergent Bouchard témoigne qu'une rétroaction devait être faite le plus vite possible pour éviter qu'une telle situation ne se répète.
[85] Le 11 février 2009, l'agent Héroux a transmis un rapport au sergent Bouchard se plaignant du fait qu'il avait constaté que le plaignant connaissait mal ses pouvoirs d'arrestation et les droits et procédure à suivre à cette occasion. De façon plus spécifique, le plaignant avait fait un commentaire comme quoi les droits n'avaient pas à être lus dans le cadre d'une arrestation pour une infraction municipale. De plus, l'agent Héroux indique que le plaignant lui a posé des questions au sujet de la différence entre une tolérance zéro d'alcool pour les détenteurs d'un permis de conduire probatoire et une conduite avec les facultés affaiblies. Ce dernier a donc pris le temps de le lui expliquer mais son rapport laisse voir qu'il s'inquiétait des qualifications de M. Desrosiers.
[86] Lors de l'audience, le plaignant explique qu'il connaissait la différence entre la tolérance zéro et les facultés affaiblies. Ce qu'il voulait savoir avait trait au seuil de détection des équipements pour détecter l'alcool (ADA). Il souligne qu'il n'avait pas reçu la formation appropriée à ce sujet.
[87] Les notes du sergent Bouchard et du lieutenant Rabouin ainsi que leurs témoignages contredisent en partie cette affirmation. Ainsi, s'il est exact que M. Desrosiers a allégué ne pas être formé pour l'utilisation de l'ADA, il a également reconnu lors de la rencontre du 6 mars 2009 qu'il n'était pas familier avec la tolérance zéro et qu'il ne sait pas quoi faire si cette personne souffle à 0.3 ou 0.4.
[88] Le lieutenant Rabouin mentionne qu'il s'agit là d'une connaissance de base que tout policier devrait maîtriser. Il précise qu'il existe des guides sur le sujet et qu'il y a de la documentation qui peut être consultée. Il lui a donc demandé si depuis le 11 février, il était allé lire sur le sujet mais M. Desrosiers a répondu qu'il n'en avait pas eu le temps.
[89] Le 6 mars 2009, le lieutenant Rabouin impose un avertissement écrit au plaignant à la suite de l'évènement du 13 janvier 2009 (manipulation non sécuritaire de son arme de service lors d'un briefing au poste). Cette mesure n'a pas été contestée.
[90] Le même jour, il est rencontré pour sa deuxième notation. Chacun des points ont été revus en présence de M. Desrosiers et ce dernier reconnaît qu'il a eu l'occasion de s'exprimer et de donner ses commentaires. Il a également pu faire part des points avec lesquels il était en désaccord. Par exemple, il a souligné qu'il n'a dans les faits travaillé que quelques jours avec le sergent Bouchard.
[91] Selon le plaignant, l'employeur s'est servi des mêmes points négatifs que lors de la première notation i.e. des évènements survenus avant octobre 2008. Il trouve que cette évaluation n'est pas correcte car elle ne tient pas compte du fait qu'il a suivi des cours, qu'il a fait les lectures recommandées au sujet des techniques. Il estime que l'employeur n'a pas non plus considéré les bons coups qu'il a réalisés dont notamment l'arrestation de voleurs ayant commis un vol à main armé dans une épicerie. Cette arrestation a d'ailleurs permis d'élucider plusieurs autres vols. Selon lui, son officier n'était pas présent et ne pouvait donc pas juger de la qualité de ses initiatives. Il reproche à l'employeur de ne pas avoir considéré les lettres de félicitations qu'il a reçues suite à ses interventions.
[92] Le lieutenant Rabouin témoigne que sa perception des faits n'est pas la même que celle du plaignant. Selon lui, le plaignant ne semblait pas réaliser ce qui se passait ni l'importance des correctifs qu'il devait apporter à son travail. Il n'était pas capable d'évaluer le travail qu'il faisait. Pour lui, tant qu'on ne lui parlait pas de son travail, tout était correct. Son autocritique était donc faible. Le sergent Bouchard est du même avis que le lieutenant Rabouin à ce sujet. Selon lui, le plaignant avait une autoanalyse superficielle et il ne se rendait pas compte de ses lacunes.
[93] Selon le sergent Bouchard, les compétences clés n'étaient pas là que ce soit le discernement, le jugement, l'analyse, la capacité d'agir et ce, malgré toutes les mesures prises pour l'aider. Il était donc d'accord avec l'évaluation et avec la conclusion comme quoi M. Desrosiers ne pouvait pas être policier à la SQ.
[94] Le lieutenant Rabouin était du même avis. Sa recommandation se base sur l'ensemble du dossier du plaignant, selon les évènements qui ont été rapportés, le contenu des rencontres et ce qui a été constaté après celles-ci. Selon lui, un plan de soutien de cinq mois était suffisamment long pour atteindre son objectif et pour évaluer le candidat. Sa recommandation était que M. Desrosiers n'avait pas la capacité ou les compétences requises pour être un policier à la SQ. Il admet lors de son contre-interrogatoire que le nombre d'interventions problématiques est relativement petit par rapport à la totalité des interventions journalières.
[95] Le 17 mars 2009, l'employeur lui faisait parvenir une lettre l'informant du fait que le capitaine Bélair, directeur du poste, ne le recommanderait pas pour la permanence au terme de sa période de probation. Conformément à la clause 4.02 du contrat de travail, il le convoquait à une rencontre devant avoir lieu le 27 mars 2009 afin de connaître son point de vue avant qu'une décision finale ne soit prise. Cette lettre signée par le directeur intérimaire M. Stéphane Lanctôt, se lit comme suit (extraits pertinents):
« OBJET: Non-recommandation de votre permanence avant la fin de votre période de probation
________________________________________________________________
Monsieur,
Vous avez fait votre entrée dans notre organisation à titre de patrouilleur régulier sur appel et horaire variable le 31 mars 2008. Un parrain vous a été assigné, soit le sergent Jean-Benoît Bouchard, suite au plan de suivi et d'encadrement mis en place le 10 octobre 2008. Nous avons ainsi supervisé davantage votre travail.
· Considérant les facteurs d'appréciation du plan de soutien et d'encadrement mis en place avec votre collaboration;
· Considérant les anomalies répertoriées au suivi journalier de ce plan d'encadrement;
· Considérant les rapports soumis par les membres;
· Considérant les faits rapportés figurant aux rapports de suivi;
· Considérant l'ensemble de votre cheminement professionnel à la Sûreté du Québec.
Le capitaine Daniel Bélair, directeur de poste, ne vous recommandera pas suite à votre période de probation pour votre permanence.
En effet, il y a une insatisfaction dans votre mise en pratique ainsi qu'au suivi de votre développement des compétences propres à la fonction de patrouilleur à la Sûreté du Québec. Par ce fait, nous considérons que vous n'avez pas les aptitudes et les qualifications requises.
Afin de connaître votre point de vue sur cette situation et avant qu'une décision ne soit définitivement prise, l'inspecteur-chef Luc Lafleur, commandant du district de l'Outaouais, accompagné de madame Bianca Lavoie, chef du Bureau de l'administration du district MLLL, et de madame Cynthia Gilbert, conseillère en gestion des ressources humaines au Service de la dotation policière, vous rencontreront le vendredi 27 mars 2009 , à 9 h , au Quartier général du district MLLL (2085, boul. Ste-Marie, Mascouche), à la salle des moulins SS01. À cet effet, le commandant Luc Lafleur présidera le comité.
Lors de cette rencontre, vous aurez à résumer les faits susceptibles de justifier la modification de la recommandation de mettre fin à votre emploi de membre régulier sur appel et sur horaire variable . Vous pourrez vous faire accompagner et faire témoigner d'autres personnes, si vous le jugez pertinent et utile pour la compréhension de votre argumentation. Vous devrez toutefois préalablement en informer la Direction de l'emploi et du placement, plus précisément madame Cynthia Gilbert (…*), en indiquant le nombre de personnes et leur identité, avant le 24 mars 2009. L'information découlant de cette rencontre sera analysée par la Direction de l'emploi et du placement et par la suite, vous serez avisé par écrit de sa décision finale.
(…)»
* no de téléphone omis
[96] Le 27 mars, le plaignant était effectivement rencontré par le commandant Luc Lafleur lequel était accompagné de Mme Gilbert et de Mme Bianca Lavoie lesquelles représentaient la partie patronale. Du côté syndical, le plaignant, Me Rousseau et, finalement, M. Guy Lapointe, représentant syndical étaient présents. Il est à noter que le commandant Lafleur travaillait à l'époque à Hull et qu'il n'avait pas de lien avec le poste de Joliette. Il a obtenu le mandat de rencontrer M. Desrosiers afin que ce dernier puisse se faire entendre par rapport à la recommandation de non-engagement. par le directeur général de la Sûreté.
[97] La teneur de cette rencontre a été rapportée dans ma sentence du 27 octobre 2011 et j'y réfère les parties pour plus de détails. Il en ressort que même si l'association n'était pas satisfaite du rôle limité ayant été accordé à Me Rousseau, il n'en demeure pas moins que tous admettent que le plaignant a pu s'expliquer et donner sa version des faits. Les points de vue du lieutenant Rabouin et du sergent Bouchard ont par la suite été recueillis. La rencontre a débuté à 8h48 est s'est terminée à 14h43.
[98] Un compte rendu de cette rencontre de quatorze pages a été rédigé par Mme Lavoie et corrigé par le commandant Lafleur. Ce document fait état de la version du plaignant au sujet des divers reproches lui ayant été faits par l'employeur pendant sa période de probation. De plus un sommaire exécutif a été préparé par le commandant Lafleur. Après avoir fait état des faits et des principaux reproches adressés au plaignant ainsi que des explications données par ce dernier, il conclut que M. Desrosiers n'a pas les compétences pour effectuer le travail de policier et qu'une prolongation de la probation ne serait ni bénéfique pour l'organisation, ni pour le plaignant. Par conséquent il recommande de mettre fin au contrat d'engagement du plaignant. Les principaux motifs à la base de cette recommandation se trouvent aux pages deux et trois du sommaire dont les extraits pertinents se lisent comme suit :
«Le sergent Bouchard m'explique que lorsqu'il fut décidé de mettre M. Desrosiers en suivi, il s'est proposé. Il a demandé au principal concerné s'il était d'accord à ce que ce soit lui qui fasse son suivi. M. Desrosiers s'est dit d'accord avec cette proposition, ayant confiance au sergent Bouchard. Après vérification du dossier de suivi, je peux confirmer qu'il est bien structuré et documenté. Des rétroactions avec la recrue ont été faites régulièrement, des conseils sur la gestion de ses dossiers administratifs et opérationnels lui furent donnés. Plusieurs pistes de solutions lui furent proposées afin qu'il puisse s'améliorer. Il a eu la chance d'avoir du parrainage, du coaching, de la formation à l'ENPQ, des suggestions de lectures et des assignations spécifiques pour être en mesure de suivre son coach, le sergent Bouchard.
Malgré les efforts déployés, le professionnalisme et l'intégrité démontrés par le sergent Bouchard et l'équipe de gestion pour aider la recrue à assimiler les compétences qui lui sont déficientes, force est d'admettre qu'il n'a pas la capacité de développer les compétences clés pour effectuer le travail de policer soit: l'autonomie et l'initiative, le jugement et la perception situationnelle.
Qui plus est, suite à ma rencontre avec la recrue et la lecture du dossier, il m'apparaît qu'il est très difficile pour lui d'apprendre du nouveau, de comprendre et de le retenir. Il n'a pas un sens éthique très développé et je mets en doute son intégrité quand j'analyse la véracité des propos qu'il a tenus lors de cette démarche.
Dans les circonstances, je suis convaincu qu'il serait utopique de croire, comme le propose le syndicat, qu'un report du suivi pour un autre six mois serait bénéfique pour la recrue et l'organisation.
Je recommande donc au directeur général adjoint à l'Administration d'entériner la recommandation du commandant Jacques Beaupré, soit de mettre fin au contrat d'engagement de M. Yvon Desrosiers.»
[99] Le 30 mars 2009, l'employeur faisait parvenir une lettre au plaignant l'informant de la fin de son emploi comme agent sur appel et sur horaire variable. Les extraits pertinents de cette lettre sont les suivants:
"OBJET: Fin de votre emploi comme agent sur appel et sur horaire variable
Monsieur,
La présente fait suite à la rencontre que vous avez eue le 27 mars 2009 avec le commandant Luc Lafleur et madame Bianca Lavoie dans le cadre de la Procédure permettant au membre recrue de faire valoir son point de vue lorsqu'il existe des motifs de justifier la fin de son emploi au sein de la Sûreté du Québec .
Après analyse de l'ensemble des éléments du dossier, je conclus que vous n'avez pas les aptitudes et les qualifications requises pour œuvrer au sein de l'organisation. En conséquence, je donne suite à la recommandation du capitaine Daniel Bélair, directeur de poste à la MRC de Joliette ainsi que du commandant Luc Lafleur, président du comité d'audition, de mettre fin à votre emploi avec la Sûreté du Québec à compter de ce jour.
Recevez, Monsieur, nos salutations distinguées."
[100] C'est à la suite de cette lettre que le présent grief a été déposé.
[101] L'Association soumet avoir démontré que la fin d'emploi du plaignant était abusive et avait été faite de mauvaise foi par l'employeur. Ainsi, il allègue que le plaignant n'a pas eu le support auquel il était en droit d'avoir. Il a été laissé seul et avait peu de contacts avec ses supérieurs, notamment le sergent Bouchard. La preuve démontre qu'il n'a en effet travaillé que trois à cinq fois avec lui au cours de sa période de probation. Par ailleurs, suite à sa formation à Nicolet et à ses congés parentaux, il a été absent du poste pendant douze semaines ce qui aurait dû être pris en compte au niveau de son évaluation. La preuve démontre qu'il était réceptif, qu'il essayait de collaborer et de corriger son comportement afin de rencontrer les attentes de l'employeur.
[102] Par ailleurs, l'association plaide que l'employeur ne s'appuie que sur quelques incidents (6 ou 7) tels, location C, le vol de vélo, l'incident à l'école Thérèse Martin, etc., pour conclure que le plaignant ne répond pas aux exigences de l'emploi. Selon lui, l'évaluation ne repose pas tant sur des faits objectifs mais plutôt sur un jugement de valeurs porté par des officiers à la lumière de quelques incidents. Ce jugement est donc très subjectif et ne justifie pas que l'on mette fin à l'emploi du plaignant surtout à la lumière des résultats obtenus par M. Desrosiers à l'ÉNPQ.
[103] L'employeur aurait pu prolonger la période de probation du plaignant afin de lui permettre de démontrer qu'il rencontrait les exigences de la tâche. L'employeur se serait alors assuré que sa décision n'était pas arbitraire.
[104] Le syndicat estime que la procédure permettant au membre recrue de faire valoir son point de vue ne respectait pas l'équité procédurale et que les dés étaient déjà pipés. Ainsi, on y a fait abstraction de tous ses points favorables (par ex: volume de travail considérable, lettres de félicitation, le nombre d'arrestations, etc.) afin de ne retenir contre lui que les points négatifs. De plus, il estime que la décision de confirmer l'opinion du lieutenant Rabouin avait été prise sans prendre en considération le témoignage de M. Desrosiers. Par ailleurs, on a refusé la possibilité que l'avocat qui accompagnait le plaignant puisse poser des questions afin de permettre au plaignant de s'exprimer.
[105] L'association soumet que toutes ces circonstances font en sorte que la décision prise est abusive et arbitraire. En conséquence, il plaide que l'arbitre devrait faire droit au grief, ordonner la réintégration du plaignant et ordonner la prolongation de la période de probation de ce dernier.
[106] L'employeur plaide que les pouvoirs d'intervention de l'arbitre sont limités. En effet, ce dernier ne peut intervenir que s'il conclut que la décision de l'employeur est grossièrement erronée revêtant ainsi un caractère abusif et déraisonnable. Or, il estime que la preuve ne démontre pas que sa décision revêt une telle caractéristique.
[107] Au contraire, il souligne que dans son ensemble le processus suivi et l'audition de fin d'emploi n'étaient peut-être pas parfaits mais ils n'étaient ni arbitraires, ni discriminatoires, ni abusifs. En effet, ce processus a pour but de permettre au policier de faire valoir son point de vue et il ne doit pas être confondu avec un processus d'arbitrage. Selon l'employeur, il est clair que le processus suivi par le commandant Lafleur a permis au plaignant de s'exprimer et de faire valoir son point de vue rencontrant ainsi les objectifs prévus. Ainsi le plaignant a pu mettre de l'avant les points qui lui étaient favorables. L'employeur est en désaccord avec la prétention syndicale comme quoi les dés étaient pipés à l'avance et il soumet que cette prétention n'a pas été prouvée.
[108] Par ailleurs, l'employeur souligne que l'analyse des évènements survenus pendant la période de probation démontre que le plaignant éprouvait des difficultés majeures. Les évènements en question ont été prouvés à l'arbitrage. Ces différents évènements ne sont donc pas des prétextes utilisés pour se débarrasser de lui.
[109] Selon l'employeur, le plaignant a fait l'objet d'un encadrement sérieux, rigoureux, transparent et plusieurs mesures ont été prises afin de l'aider dont notamment l'envoyer suivre un cours de mise à niveau à l'ÉNPQ, l'établissement d'un plan de soutien, etc. Il n'a nullement été démontré que ce dernier a été traité différemment des autres policiers PHV. Il n'y a aucune preuve comme quoi un conflit de personnalité ait pu exister entre le plaignant et ses supérieurs. Il a été prouvé qu'une vingtaine de rencontres de suivi d'une durée variant d'une vingtaine de minutes à plus de deux heures ont eu lieu au cours desquelles le plaignant a été informé des attentes de l'employeur et des correctifs attendus. Il savait ce qui lui était reproché. L'employeur estime donc que l'on ne saurait pas prétendre que M. Desrosiers a été laissé à lui-même.
[110] Il soumet que la décision a été longuement réfléchie et ne peut pas être qualifiée d'intempestive. En somme, il prétend qu'un employeur raisonnable et diligent pouvait conclure que la fin d'emploi était une mesure adéquate compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. En tenant compte du milieu de travail particulier qu'est un poste de police, l'évaluation globale de la performance du plaignant démontre que ce dernier ne possédait pas les compétences clés nécessaires à son emploi.
[111] L'employeur plaide que la demande syndicale visant la prolongation de la période de probation du plaignant ne rencontre pas les conditions prévues à la clause 4.01 de l'entente collective. Or, l'arbitre ne peut pas modifier ou amender cette disposition et, par conséquent, ne peut donc pas accorder ce remède.
[112] L'employeur soumet que sa décision et son appréciation des faits étaient justes et ne sauraient être qualifiées de grossièrement erronées. Par conséquent, il demande à l'arbitre de rejeter le grief.
[113] Tel que je l'ai mentionné dans ma décision du 27 octobre 2011, mon mandat ne consiste pas à évaluer si l'employeur avait une cause juste et raisonnable de mettre fin à l'emploi du plaignant mais plutôt à évaluer si celui-ci a contrevenu aux exigences de la bonne foi lors de la prise de décision de mettre fin à la probation du plaignant. Il ne m'incombe donc pas de me substituer à l'employeur et de me prononcer sur l'opportunité ou non de mettre fin à l'emploi du plaignant compte tenu des reproches qui lui étaient faits, ni de décider que l'employeur aurait dû considérer d'autres facteurs ou d'autres aspects de la prestation de travail du plaignant pour ainsi justifier une conclusion différente, ni même à vérifier le bien-fondé de l'évaluation faite par l'employeur. Mon rôle se limite à vérifier la façon dont l'évaluation a été menée afin de m'assurer que celle-ci n'était ni abusive, ni arbitraire et qu'en somme, le processus n'était pas entaché de mauvaise foi, ni d'arbitraire.
[114] Je souligne immédiatement qu'il n'a aucunement été allégué ni prouvé que la décision de l'employeur comportait un caractère discriminatoire. Cet aspect ne sera donc pas traité en l'espèce. Seuls les aspects de l'exercice déraisonnable, abusif ou arbitraire du droit de gérance seront donc examinés.
[115] Plusieurs arbitres ont eu à définir en quoi consiste l'exercice déraisonnable, abusif ou arbitraire d'un droit de gérance et ce, dans un contexte où l'employeur met fin à une période de probation.
[116] Dans l'affaire du Syndicat des employés du transport public du Québec Métropolitain inc. [1] , l'arbitre Blouin précisait ainsi ce qui suit:
«En réalité un salarié à l’essai peut formuler un grief lorsqu’il ne met pas en cause le pouvoir discrétionnaire de l’employeur de le renvoyer durant la période de probation, mais plutôt le fait que le renvoi est nul ab initio en raison de son caractère abusif, discriminatoire ou foncièrement déraisonnable (10) . Le fardeau de preuve appartient alors au syndicat. Il y a décision abusive notamment lorsque l’employeur agit de mauvaise foi, de façon malicieuse, pour nuire. Il y a décision discriminatoire lorsque l’employeur agit pour un motif qui contrevient notamment aux Chartes. Il y a décision foncièrement déraisonnable lorsque l’employeur s’autorise de faits qui, même s’ils sont prouvés, ne pourraient amener un gestionnaire compétent, qui agit avec bon sens et dans le respect du droit et de l’équité, à retenir quelque mesure administrative ou disciplinaire en semblables circonstances, fut-elle la plus minime»
[117] Dans l'affaire QIT Fer et titane inc [2] ., l'arbitre Jean-Louis Dubé écrivait quant à lui ce qui suit:
«[27] Il se dégage de cette jurisprudence qu’un salarié congédié en période de probation n’a évidemment pas droit au bénéfice de la clause de la convention collective qui prévoit que l’employeur ne peut congédier un salarié que pour juste cause, la décision de l’employeur pouvant alors être annulée ou modifiée selon les circonstances révélées par la preuve. Par ailleurs, en exerçant son droit de congédier un salarié qui n’a pas terminé la période de probation ou d’essai, l’employeur jouit d’une discrétion tout comme dans son pouvoir d’embaucher auquel il est intimement relié. Cependant, cette discrétion n’est pas absolue. Il va de soi qu’il ne peut congédier un tel salarié pour un motif illégal 16 . Mais il y a plus. Il ne doit pas exercer ce droit de façon arbitraire, de mauvaise foi, de façon déraisonnable et abusive. Le Petit Robert définit l’arbitraire de la façon suivante :
« Qui dépend de la seule volonté, n’est pas lié à l’observation de règles, artificiel; qui dépend du bon plaisir, du caprice de quelqu’un. »
[28] Est arbitraire l’acte qui n’est fondé sur aucun motif réel ou pertinent. Donc, lorsque l’employeur motive sa décision par des faits précis, il doit les établir en preuve. Il suffit alors qu’ils soient pertinents et il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’un fait « méritant » un congédiement car il n’y aurait alors aucune distinction entre le salarié régulier et le salarié en probation ou en période d’essai. En fait, ce qui est vraiment essentiel est que, vu l’obligation d’agir de bonne foi, sans arbitraire et de façon raisonnable, il ne doit pas y avoir de vice sérieux dans le processus d’évaluation ou de décision au point qu’il ne devienne absurde ou un coup monté, étant entendu par contre que l’évaluation puisse porter sur des éléments impondérables et même subjectifs, comme le dynamisme, la motivation et l’ardeur au travail. Il faut donc généralement que le salarié ait été adéquatement d’une part informé des objectifs à atteindre, des attentes à son égard, et d’autre part d’une certaine façon suivi dans sa période de probation sans avoir à l’avertir cependant constamment que s’il ne s’améliore pas il peut être sujet à congédiement.»
[118] Dans l'affaire du Ministère de la sécurité publique [3] , l'arbitre Gilles Lavoie précisait ce qui suit:
«[95] Comme l’enseigne la jurisprudence, l’Employeur n’a pas en pareil cas à démontrer une cause objectivement juste et suffisante pour avoir mis fin à la probation d’un salarié. C’est plutôt à la salariée de démontrer que la décision était dictée par des considérations extérieures ou que la conduite de l'employeur visait à contourner l'objet et la finalité d'une stipulation du contrat.»
[119] Finalement, dans l'affaire Université de Sherbrooke [4] , l'arbitre François Hamelin s'appuyant sur une décision de l'arbitre Jean-Pierre Lussier, statuait que pour être en mesure d'intervenir, l'arbitre doit être en présence non pas d'une décision erronée mais plutôt d'une décision grossièrement erronée tel qu'il appert de l'extrait suivant de sa décision:
«[165] Dans les circonstances, il revient donc à la personne salariée dont l’employeur interrompt la période d’essai de démontrer que cette décision est abusive, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi. En l’espèce, la réclamante doit donc assumer le fardeau de démontrer - non pas que la décision de l’université de mettre fin à son emploi était erronée - mais qu’elle était entachée d’abus, de discrimination ou de mauvaise foi, bref qu’elle était «grossièrement» erronée.
[166] Sur le sujet, je me permets de faire miens les propos suivants de l’arbitre Jean- Pierre Lussier :
Le cas actuel ne s’inscrit pas dans le cadre de 13.16 et l’Employeur n’assume ici aucun fardeau. C’est au Syndicat qu’il revient de prouver le caractère discriminatoire, abusif ou de mauvaise foi de l’évaluation effectuée par l’infirmière-chef. La mauvaise foi et la discrimination sont des concepts qu’on peut assez facilement cerner. La mauvaise foi est l’action de celui qui n’agit pas avec loyauté, honnêteté ou sincérité. C’est l’action d’une personne qui est animée d’une intention malicieuse et qui agit dans le but de nuire à autrui. La discrimination est l’action d’opérer une distinction fondée sur des caractéristiques spécifiques à une personne (âge, sexe, race, couleur, religion, etc.) lorsque ces caractéristiques n’ont aucun lien avec la décision à prendre.
Dans la présente instance, le tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve pour conclure que l’évaluation concernée était discriminatoire ou effectuée de mauvaise foi.
Le caractère abusif ou déraisonnable d’un geste est un élément beaucoup plus difficile à circonscrire, car il fait appel à une appréciation subjective. Il est d’ailleurs significatif que les tribunaux d’arbitrage utilisent beaucoup plus souvent leur pouvoir d’intervention pour casser une décision au motif qu’elle est abusive ou déraisonnable plutôt qu’en raison de son caractère discriminatoire ou malicieux. Devant des critères aussi subjectifs, les tribunaux seraient facilement tentés de déclarer abusive ou déraisonnable une action qu’ils n’auraient pas eux-mêmes posée dans les mêmes circonstances. Ils manifesteraient alors un interventionisme (sic), pas toujours conciliable avec l’article de la convention collective qui reconnaît à l’Employeur les pouvoirs de gérance. À notre avis, une action ne devrait être déclarée abusive ou déraisonnable pour le seul motif que le tribunal d’arbitrage ne l’aurait pas posée. Une action ne devrait être déclarée abusive ou déraisonnable que si elle est anormale, excessive ou irrationnelle.
Bien sûr, il faut encore ici porter un jugement de valeur. L’anormalité, l’excès ou le caractère irrationnel d’une action s’apprécient subjectivement, mais la simple formulation de ces critères démontre qu’il ne suffit pas d’être en désaccord avec une décision pour que celle-ci soit réputée déraisonnable. Une décision peut être erronée sans être abusive. La frontière d’intervention du tribunal d’arbitrage devrait se rapprocher de la distinction, bien connue en droit civil, entre l’erreur et la grossière erreur. Une décision sera abusive ou déraisonnable non pas parce qu’elle est erronée, mais parce qu’elle est grossièrement erronée. Et une décision n’est grossièrement erronée que lorsqu’on est convaincu qu’une personne raisonnable ne pourrait pas y parvenir. 2 »
[120] Pour faire droit au grief, il faut donc que la preuve démontre soit que la décision de l'employeur était grossièrement erronée, soit qu'elle s'appuyait sur des considérations externes à l'objet ou la finalité du contrat de travail, soit qu'elle n'est fondée sur aucun motif réel et pertinent, soit que la décision comporte un vice sérieux au point où l'on puisse conclure à un coup monté, soit que la preuve démontre que l’employeur agit de mauvaise foi, de façon malicieuse, pour nuire ou encore, soit que l'employeur s'autorise de faits «qui ne pourraient amener un gestionnaire compétent, qui agit avec bon sens et dans le respect du droit et de l’équité, à retenir quelque mesure administrative ou disciplinaire en semblables circonstances, fut-elle la plus minime».
[121] Le processus suivi par l'employeur revêt-il de telles caractéristiques faisant en sorte qu'il y aurait lieu d'annuler la décision ayant été prise en l'espèce? Avec égard pour ceux qui sont d'opinions contraires, j'estime que la preuve ne me permet pas de conclure en ce sens. Au contraire, il m'apparaît clairement que la décision de l'employeur a été prise de bonne foi, à la lumière des faits et des évènements survenus pendant l'année de probation du plaignant. Ces faits témoignent de façon accablante que le travail du plaignant présentait des lacunes importantes tant au niveau des connaissances, des habiletés que du jugement. Il m'apparait donc clair qu'un gestionnaire compétent aurait définitivement pu conclure dans le même sens que l'employeur dans les circonstances de la présente affaire.
[122] Ainsi, l'employeur a démontré que les éléments factuels sur lesquels il s'est fondé pour prendre sa décision se sont bel et bien produits. De plus, il est apparu que le plaignant a été informé au fur et à mesure des reproches en question. Il m'apparaît que ces reproches sont pertinents et même intimement reliés au travail de policier. En effet, il s'agit d'évènements concernant la rédaction de rapports policiers, la façon d'effectuer une intervention policière, la façon d'appliquer la loi, la façon de juger une situation lors de la prise de décision, de l'autonomie et l'initiative au travail, etc.
[123] L'association a soumis à cet égard que le nombre d'évènements reprochés était minime et ne pouvait justifier la position prise par l'employeur. Avec égard, j'estime que ce critère n'est pas pertinent aux fins de rendre la présente décision. En effet, retenir cet argument reviendrait à me demander si le nombre de reproches est suffisant pour mériter un congédiement. Ce faisant on me demande donc de me prononcer sur l'opportunité de la mesure ou la cause suffisante de la fin d'emploi. Or, comme je l'ai mentionné précédemment, cette question ne relève pas de ma compétence. Quoiqu'il en soit, je suis en désaccord avec cette affirmation. En effet, il a été démontré que l'employeur s'est basé sur les fautes commises pendant toute l'année et que celles-ci étaient nombreuses tel qu'il appert des notes des gestionnaires et des témoignages entendus. Certes, certaines de ces fautes ne sont pas nécessairement graves mais leur répétition ne peut qu'emporter la conviction que l'évaluation de l'employeur reposait sur des faits concrets et pertinents à l'évaluation. En d'autres termes, on ne peut définitivement pas inférer de cette preuve que la décision patronale était arbitraire ou abusive.
[124] L'association a également soumis que le plaignant avait été laissé à lui-même et qu'il n'avait pas eu le support auquel il était en droit de s'attendre. Avec égard, j'estime que ce n'est pas ce que la preuve a révélé.
[125] Ainsi, des mesures d'aide ont été mises en place par l'employeur tout au long de l'année de probation. Par exemple, ce dernier a accepté que le plaignant aille suivre un cours de mise à niveau à L'ÉNPQ. De plus, a encadré le plaignant de façon rigoureuse afin de tenter de l'amener à rencontrer les exigences de la tâche. Dès le mois de mai 2008, le sergent Bouchard était désigné pour accomplir cette tâche. Son témoignage et les notes qu'il a prises tout au long du processus démontrent que le plaignant n'a pas été laissé à lui même bien au contraire. Le sergent Bouchard l'a rencontré à de multiples reprises afin de revoir avec lui ses interventions qui n'étaient pas adéquates et afin de lui enseigner les bonnes façons de faire. Ces rencontres étaient structurées et le climat de celles-ci permettait au plaignant de faire valoir son point de vue et d'expliquer les raisons pour lesquelles il avait agi comme il l'avait fait. Compte tenu du nombre de rencontres et de la durée de celles-ci, force est de conclure qu'une grande énergie a été déployée par le sergent Bouchard afin d'aider le plaignant.
[126] De plus, à compter de l'automne 2008, un plan d'encadrement a été mis sur pied. Le plaignant avait alors le devoir de participer à ce plan, d'assimiler les attentes de l'employeur, ce qu'il n'a pas fait. Des attentes précises lui ont été communiquées. Encore une fois, il a été rencontré à de nombreuses reprises par le sergent Bouchard et par le lieutenant Rabouin. Le climat de ces rencontres a été qualifié de positif par tous, y compris le plaignant. Encore une fois, une énergie considérable a été déployée afin d'aider le plaignant à rencontrer les attentes et à faire en sorte qu'il développe les qualités requises par son emploi. Les interventions problématiques ont été revues, les points positifs ont aussi été soulignés. Malgré ce qui précède, le plaignant continuait à faire des erreurs dans ses rapports et on lui reproche souvent des manquements de même nature souvent liés au manque de jugement.
[127] Il est vrai que, comme dans toute évaluation, celle-ci comporte un caractère subjectif. En soi, une telle subjectivité n'est pas interdite dans une évaluation d'employé. Ce qui l'est, c'est que cette subjectivité s'exerce de mauvaise foi faisant en sorte que l'évaluation s'en trouve viciée. Or, rien de tel n'a été démontré. Le plaignant a certes pu avoir l'impression que le lieutenant Rabouin avait une dent contre lui suite à l'incident de Location C. Toutefois, il est apparu que cette perception s'appuyait sur une prémisse erronée de parenté entre le lieutenant et le propriétaire de Location C. De plus, je ne peux pas m'appuyer sur de telles impressions subjectives et erronées de la réalité pour conclure que les supérieurs du plaignant étaient de mauvaise foi. Après avoir entendu témoigné le sergent Bouchard et le lieutenant Rabouin, j'estime qu'au contraire aucune telle animosité n'existait et qu'ils ont au contraire tout fait pour sensibiliser le plaignant par rapport à ses lacunes et pour l'amener à les corriger.
[128] L'association estime que le processus de rencontre suivi par le commandant Lafleur contrevenait à l'équité procédurale et que les dés étaient pipés à l'avance. Je ne retiens pas cet argument et ce, pour les motifs qui suivent.
[129] Les relations entre les parties sont ici clairement de nature contractuelle. Ainsi, un contrat de travail collectif lie l'employeur à l'association. Ce contrat régit d'ailleurs le présent recours à l'arbitrage. Le membre recrue possède des droits et des recours qui sont décrits à l'article 4.04 du contrat de travail. Cette disposition précise que ce dernier peut ainsi se prévaloir de la procédure de griefs et d'arbitrage. La seule exception réside dans le droit de contester une décision de mettre fin à l'emploi au cours de la période de probation au motif que le membre recrue n'a pas les aptitudes ou les qualifications requises. Dans une telle situation, l'article 4.02 prévoit un processus de rencontres au cours de laquelle le membre recrue peut faire valoir son point de vue devant un officier désigné par le directeur général.
[130] L'arrêt Dunsmuir [5] est venu préciser la portée de l'obligation d'équité. Ainsi, la Cour suprême précise dans cette affaire que le droit à l'équité en droit public ne se justifie pas dans le contexte d'un contrat de travail. La Cour précise en effet ce qui suit:
[ 102 ] À notre sens, c’est l’existence d’un contrat d’emploi, et non la qualité de titulaire de charge publique de l’employé, qui est déterminante. Lorsque le titulaire d’une charge publique est partie à un contrat d’emploi, l’imposition à l’employeur d’une obligation d’équité en droit public se justifie beaucoup moins.
103] Du moment que le lien d’emploi est contractuel, il est difficile de concevoir qu’un employeur du secteur public agisse différemment selon qu’il congédie un titulaire de charge publique ou un employé contractuel. Dans les deux cas, il appert que l’employeur ne fait qu’exercer ses droits privés à titre d’employeur. (...)
(...)
Si la Couronne se confond avec tout employeur du secteur privé lorsqu’elle engage ses employés, il devrait donc en être de même lorsqu’elle les congédie.
[104] En outre, le droit public se soucie à juste titre d’empêcher l’exercice arbitraire du pouvoir délégué, mais on ne saurait qualifier d’arbitraire l’exercice de bonne foi d’un droit contractuel de l’employeur, tel celui de mettre fin à la relation d’emploi moyennant un préavis raisonnable. Lorsque les parties ont expressément convenu des clauses du contrat d’emploi, il sera présumé qu’elles se sont également entendues sur l’équité procédurale (voir, p. ex., dans le cas d’une convention collective, School District No. 5 (Southeast Kootenay) and B.C.T.F. (Yellowaga) (Re) (2000), 94 L.A.C. (4th) 56). Si rien n’est prévu au contrat, la common law ou le droit civil dicte les conditions fondamentales et il ne peut alors y avoir congédiement que pour motif valable ou avec préavis raisonnable.
[105] Dans le contexte du présent pourvoi, il
importe de souligner que le congédiement avec préavis raisonnable n’est pas
intrinsèquement injuste. Le droit de l’employeur de mettre fin à l’emploi
moyennant le préavis requis est la simple contrepartie du droit de l’employé de
donner sa démission moyennant le préavis requis (G. England, Employment Law in Canada
(4e éd. (feuilles mobiles)), par. 13.3). Un principe bien établi du droit
commun veut que, sauf disposition contraire, les deux parties au contrat
d’emploi peuvent mettre fin à la relation sans invoquer de motif à condition
que le préavis soit suffisant. L’employeur est tenu d’exercer ce droit
conformément à ses obligations générales de bonne foi et de traitement
équitable : Wallace c. United Grain Growers Ltd., 1997 CanLII 332 (CSC),
[106] Un organisme public doit évidemment respecter les limites légales fixées à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à titre d’employeur, quelles que soient les conditions du contrat d’emploi, faute de quoi il s’expose à un recours en droit public. Il ne peut se soustraire par contrat à ses obligations légales. Cependant, lorsqu’il prend la décision de congédier une personne conformément à ses pouvoirs et à un contrat d’emploi, nulle considération supérieure du droit public ne justifie l’imposition d’une obligation d’équité.
[131] La terminaison d'emploi du plaignant dans le cadre de sa période de probation est clairement un droit prévu au niveau du contrat collectif de travail et pouvant être exercé par l'employeur. De plus, j'ai spécifié dans ma décision du 27 octobre 2011 que l'arbitrage était le recours approprié si l'employeur avait agi de mauvaise foi en exerçant ce pouvoir. Dans les circonstances et compte tenu de l'arrêt Dunsmuir , il y a lieu de conclure que le devoir d'équité de droit public ne s'applique pas en l'espèce. De toute façon, même si un tel devoir avait existé, il m'apparait qu'il a été respecté en l'espèce. Il n'y a aucune commune mesure entre le présent dossier et celui de M. Nicholson [6] dans l'arrêt du même nom. En effet, M. Nicholson avait été congédié sans qu'on ne lui indique la raison et sans lui donner l'opportunité de se défendre et de se faire entendre.
[132] Cela étant dit, l'argument du syndicat soulève plutôt la question de la validité de la procédure suivie à cette occasion. Ce processus est spécifiquement prévu à l'article 4.02 du contrat de travail. Cette disposition se lit comme suit:
4.02 Lorsque la Sûreté estime qu'un membre en période de probation est susceptible de ne pas avoir les aptitudes ou les qualifications pour obtenir sa permanence, le directeur général désigne un officier qui applique la procédure suivante:
a) L'officier informe le membre par écrit de la nature des faits qui sont susceptibles de justifier la fin de son emploi.
b) L'officier convoque le membre à une rencontre qui ne peut avoir lieu avant un délai d'au moins sept (7) jours suivant la réception par le membre d'un avis de convocation dont copie est transmise à l'Association.
c) Lors de la rencontre, l'officier peut être assisté d'une personne de son choix et d'un secrétaire. Le membre peut être assisté d'un membre de la Sûreté et d'un avocat.
d) Lors de la rencontre. l'officier résume les faits susceptibles de justifier la fin de l'emploi du membre et l'invite à formuler son point de vue sur ces faits.
e) l'officier peut permettre au membre de faire entendre certaines personnes s'il estime que les faits pouvant être rapportés sont susceptibles d'être pertinents pour l'évaluation du dossier du membre. L'officier peut également faire entendre certaines personnes pouvant rapporter des faits pertinents.
f) À la suite de cette rencontre, l'officier consigne ses constatations de faits et formule ses recommandations au directeur général. Il transmet copie de ce constat et de ces recommandations au membre et à l'Association.
Le directeur général, après avoir pris connaissance du rapport de l'officier, informe le membre, par écrit, de sa décision."
[133] Le rôle de l'officier choisi pour cette procédure consiste à permettre au membre de formuler son point de vue sur les faits susceptibles de justifier la fin de son emploi et il peut même lui permettre de faire entendre des témoins s'il estime que les faits pouvant être rapportés sont susceptibles d'être pertinents à l'évaluation de son dossier. L'officier doit consigner ses constatations et formuler ses recommandations au directeur général. Le membre recrue peut par ailleurs être assisté d'un membre de la sûreté et d'un avocat.
[134] Après mûres réflexions, j'estime que la preuve est insuffisante pour conclure à l'invalidité du processus. En effet, il m'apparaît que le commandant Lafleur a clairement donné au plaignant l'occasion de faire valoir son point de vue lors de la rencontre. Cela a d'ailleurs été admis même par Me Rousseau. Certes, le rôle de ce dernier a été limité en ce qu'il n'a pas pu procéder à l'interrogatoire de M. Desrosiers. Toutefois, il est indéniable que le plaignant a pu s'exprimer pendant plusieurs heures sur l'ensemble des reproches qui lui avaient été faits ce qui était précisément l'objectif poursuivi.
[135] Il faut préciser que le commandant Lafleur n'agissait pas dans le cadre formel d'une audience judiciaire ou quasi-judiciaire. Il n'était pas non plus tenu de procéder en suivant les règles d'un interrogatoire et contre-interrogatoire comme dans une audience. Son rôle consistait à permettre au membre de formuler son point de vue et de faire entendre des personnes si celles-ci pouvaient rapporter des faits pertinents. Il faut également rappeler que le plaignant n'était pas assermenté et que l'employeur n'était pas représenté par avocat. Le processus suivi en est donc un que l'on pourrait qualifier d'administratif.
[136] Il est vrai que le contrat de travail prévoit que la recrue peut être assistée d'un avocat. Cependant, assister quelqu'un n'est pas synonyme du droit de l'interroger. Assister une personne c'est être présent à ses côtés au moment où elle agit, pour la guider, pour surveiller ses intérêts. Or, même si Me Rousseau n'a pas pu poser des questions au plaignant, il a définitivement pu le conseiller pendant l'exercice et ce droit lui a d'ailleurs été reconnu par le comité. La lecture du compte rendu préparé par Mme Lavoie fait d'ailleurs voir que Me Rousseau a pu intervenir afin d'aider son client (voir notamment au dernier paragraphe de la page 3 de la pièce E-3). Le droit à l'assistance d'un avocat a donc été respecté.
[137] Par ailleurs, contrairement à ce que l'association mentionne, le commandant Lafleur a considéré les faits positifs mentionnés par le plaignant puisque ceux-ci sont rapportés dans le compte rendu E-3. Ainsi, on voit notamment à la page 3 que les statistiques mentionnées par le plaignant au sujet de son travail s'y retrouvent bel et bien. Cependant, le commandant Lafleur ne les a pas retenues et ce, pour les motifs qu'il a exposés dans ses recommandations. C'était son droit et la soussignée ne voit pas en quoi le fait de ne pas retenir certains faits parce que non probants témoignent d'un processus vicié ou partial. De toute évidence, le commandant Lafleur n'a pas trouvé les explications crédibles ce qui était une des conclusions qu'il pouvait tirer après avoir entendu la version de M. Desrosiers.
[138] En somme, j'estime que le processus suivi respectait les termes du contrat de travail et je considère que le plaignant a bel et bien eu l'opportunité de faire valoir son point de vue et ce, à l'égard de l'ensemble des reproches qui lui avaient été faits. Il a aussi pu être assisté par son avocat. Je ne considère pas que ce processus a été fait de mauvaise foi, ni que les dés étaient pipés à l'avance. Il n'y a pas un iota de preuve en ce sens. Au contraire, il a été démontré que le commandant Lafleur n'avait aucun lien avec le poste de Joliette, ni avec ses officiers. Le compte rendu de l'audience et le sommaire exécutif font voir le sérieux avec lequel l'exercice a été fait, les raisons pour lesquelles la version de M. Desrosiers n'a pas été retenue et pourquoi il a été recommandé de mettre fin au contrat d'engagement du plaignant.
[139] En conclusion, j'estime que l'association ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer que l'employeur avait exercé ses droits de gérance de façon abusive ou arbitraire en mettant fin à l'emploi du plaignant au cours de sa période de probation parce qu'il n'avait pas les aptitudes ou les qualifications requises.
[140] Pour tous ces motifs, le tribunal rend la décision suivante:
REJETTE le grief.
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________________________________ __ Me Nathalie Faucher |
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Pour l'association : |
Me André Fiset et Me Marc Mancini |
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Pour l’employeur : |
Me Louis-Philippe Taddeo |
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Date(s) d’audience : |
19 septembre, 13 novembre, 30 novembre, 3 décembre 2012 et 19 septembre 2013 |
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[1]
Syndicat des employés du transport public du Québec métropolitain inc.
(C.S.N.)
et
Québec (Société de transport de la Communauté urbaine de)
,
[2]
Syndicat des ouvriers du fer et du titane (CSN)
et
QIT-Fer et
titane inc
.,
[3]
Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec
et
Québec (Ministère de la Sécurité publique)
,
[4]
Université de Sherbrooke
et
Association du personnel
administratif et professionnel de l'Université de Sherbrooke (APAPUS)
,
[5]
Dunsmuir
c.
Nouveau
-
Brunswick
,
[6] Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Police Commissioners , 1979] 1 RCS 311