Mailloux c. Faucher

2013 QCCS 6042

JB4479

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE ROBERVAL

 

N o  :

155-17-000022-133

 

DATE :

Le 27 novembre 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L'HONORABLE SANDRA BOUCHARD, J.C.S.

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LISE MAILLOUX

[…] , Dolbeau-Mistassini (Québec)  […]

 

Demanderesse

c.

 

STÉPHANE FAUCHER

[…] , Québec (Québec)  […]

 

NADINE LAVOIE

[…] , Québec (Québec)  […]

 

            Défendeurs et demandeurs en garantie

c.

 

NANCY GOULET

[…] , Dolbeau-Mistassini (Québec)  […]

 

            Défenderesse en garantie

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JUGEMENT

sur les moyens déclinatoires

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[1]            Dans le cadre d'une procédure en résolution judiciaire d'une vente immobilière et en réclamation d'une somme de 62 305,50 $ en dommages et intérêts, les défendeurs et la défenderesse en garantie (ci-après, les « requérants ») soulèvent le même moyen d'irrecevabilité prévu à l'article 165 (4) C.p.c.;

[2]            D'une part, les défendeurs soutiennent que la requête introductive d'instance de la demanderesse n'est pas fondée en droit à supposer même que les faits allégués soient vrais, alors que d'autre part, la défenderesse en garantie soulève ce moyen et les mêmes arguments, mais à l'encontre du recours des défendeurs-demandeurs en garantie;

LES FAITS

[3]            À l'automne 2010, la demanderesse entreprend des démarches pour se procurer sa première maison. Elle s'intéresse alors à la résidence des défendeurs publiée sur le site Lespac.com .

[4]            Après une première visite qui se tient à la fin octobre 2010, une offre d'achat ne comportant aucune clause particulière de restriction de garantie, au prix de 81 000 $ est acceptée [1] .

[5]            Les parties conviennent que l'acte de vente devra se faire avant le 15 juin 2011.

[6]            En décembre 2010 et à la mi-mai 2011, la demanderesse constate à nouveau une odeur d'huile dans la maison lors de visites.

[7]            Elle discute de cette situation avec le vendeur et fait inspecter le système de chauffage à l'huile par Chauffage Yves Gagné, lequel note trois non-conformités [2]  :

-                 La cheminée est trop courte d'environ un à deux pieds;

-                 Le réservoir ne doit pas être situé en dessous de la maison;

-                 Le type de tuyau de sifflet est non-conforme;

[8]            Avant la signature de l'acte d'achat, le notaire exige que le réservoir d'huile à chauffage soit enlevé de sous la maison et installé à un endroit adéquat, ce qui fut fait aux frais des défendeurs le 13 juin 2011, soit une semaine après la signature du contrat de vente.

[9]            Malgré les travaux, les odeurs d'huile persistent, ce qui pousse la demanderesse à consulter la firme Pronet Réjean Côté inc. afin d'évaluer la situation.

[10]         Suite à cette inspection, à l'analyse d'un échantillon de sol prélevé à l'endroit où se situait l'ancien réservoir d'huile à chauffage et l'intervention d'Environnement Sanivac, il fut conclu, selon la demande, à une importante contamination du sol provoquée par une fuite du réservoir d'huile à chauffage.

[11]         Selon la demanderesse, l'ampleur de la contamination démontre que le réservoir d'huile à chauffage coulait bien avant la vente intervenue le 6 juin 2011.

[12]         La situation fut dénoncée aux défendeurs par mise en demeure du 18 octobre 2011.

Position des requérants

[13]         Essentiellement, les requérants soulèvent que le libellé même de la procédure introductive d'instance démontre que l'une des conditions essentielles d'un vice caché, soit que celui-ci soit caché, n'est pas rencontré à la face même de la procédure.

[14]         Pour les requérants, le fait que la demanderesse ait, lors des visites précédant l'achat, constaté les odeurs d'huile à l'origine du problème actuellement dénoncé et fait des travaux de concert avec les défendeurs pour corriger la situation est une fin de non-recevoir de la procédure en résolution de vente pour motif de vices cachés.

[15]         De plus, les requérants soutiennent que leur responsabilité ne peut être retenue et que le recours devrait plutôt être adressé à M. Yves Gagné qui a remplacé le réservoir d'huile sans dénoncer ou constater le problème d'écoulement.

ANALYSE

[16]         Ce sont les articles 1726 et suivants du Code civil du Québec qui disposent de la garantie de qualité du bien vendu.

[17]         En matière de vices cachés, des critères spécifiques et clairement reconnus par la jurisprudence doivent être rencontrés. Ainsi, la demanderesse devra faire la preuve du caractère caché du vice, de son importance qui rend le bien impropre à l'usage auquel on le destine et du fait qu'il est antérieur à la vente.

[18]         Il est ainsi prévu au deuxième alinéa de l'article 1726 que le vice apparent ou le vice connu de l'acheteur n'est pas couvert.

[19]         Manifestement, la demanderesse soutient qu'elle ne connaissait pas la situation d'écoulement du réservoir d'huile et qu'elle a cru le problème d'odeurs réglé par le changement dudit réservoir.

[20]         Les paragraphes 53, 54, 55 et 56 de la requête introductive d'instance sont rédigés ainsi :

53.-       Les défendeurs solidaires doivent être tenus responsables des vices découverts par la demanderesse conformément à la garantie légale incluse à l'acte de vente de Me Samuel Blais, pièce P-6, et en vertu des déclarations faites à l'offre d'achat, pièce P-2, à l'effet qu'ils n'avaient connaissance d'aucun facteur se rapportant à l'immeuble susceptible, de façon significative, d'en diminuer la valeur et que l'immeuble était conforme aux lois et règlements applicables relatifs à la protection de l'environnement, lesquelles déclarations ont été incorporées à l'acte de vente en vertu de la déclaration relative à l'avant-contrat;

54.-       Les vices découverts par la demanderesse étaient cachés lors de la vente et inconnus de celle-ci, antérieurs à la vente et ils sont graves;

55.-       De plus, les défendeurs solidaires ont rassuré par toutes sortes de représentations la demanderesse lorsque celle-ci soulevait la présence d'une odeur d'huile à chauffage;

56.-       L'ampleur de la contamination démontre que le réservoir d'huile à chauffage coulait depuis longtemps et bien avant la vente intervenue le 6 juin 2011;

[21]         À ce chapitre, il y a certainement matière à évaluer si oui ou non le vice était apparent ou connu de l'acheteur, mais dans le contexte tel que présenté et à ce stade-ci, il n'appartient pas au Tribunal de répondre à cette question.

[22]         La question de la déclaration de conformité aux lois et règlements applicables à la protection de l'environnement par les vendeurs dans l'acte de vente devra être analysée.

[23]         La demanderesse a-t-elle fait preuve de diligence dans sa recherche de l'origine des odeurs d'huile? A-t-elle été trompée par les représentations des vendeurs? En fait, s'agit-il véritablement d'un vice caché? Seul le juge qui entendra le dossier au fond pourra répondre à ces questions.

[24]         Il a maintes fois été établi et reconnu que le moyen d'irrecevabilité fondé sur l'absence de fondement juridique ne doit pas mettre fin prématurément au litige. La prudence est de mise.

[25]         Le recours en garantie soulève les mêmes points que l'action principale et ne fait que rediriger la procédure au propriétaire antérieur, de sorte que la même analyse s'impose quant au moyen soulevé. Il y a manifestement connexité entre la requête introductive d'instance et l'appel en garantie contrairement à ce qui est soulevé dans le moyen de non-recevabilité.

[26]         Bref, le Tribunal n'a pas à décider des chances de succès de la demande ni du bien-fondé des faits allégués. Il appartiendra au juge du fond de décider, après avoir entendu la preuve et les représentations, si le recours est fondé.

[27]         PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[28]         REJETTE le moyen de non-recevabilité des défendeurs;

[29]         REJETTE le moyen de non-recevabilité de la défenderesse en garantie;

[30]         VU les représentations et le consentement des parties, PROLONGE le délai d'inscription pour enquête et audition sur la demande principale et sur la demande en garantie, au 7 avril 2014;

[31]         LE TOUT , frais à suivre.

 

 

 

 

 

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SANDRA BOUCHARD, J.C.S.

 

Me Frédéric Boily

BOUCHARD VOYER BOILY

Procureurs de la demanderesse

 

Me Jean Théberge

Procureur des défendeurs et demandeurs en garantie

 

Me Donald Duperré

Procureur de la défenderesse en garantie

 

Date d’audience :

28 octobre 2013

 



[1]     P-2.

[2]     Voir le paragraphe 13 de la requête introductive d'instance en résolution judiciaire d'une vente immobilière.