Ménage et vous c. Centre petite enfance Chez nous c'est chez vous

2013 QCCQ 14881

COUR DU QUÉBEC

« Chambre civile »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

 LAVAL

« Division des petites créances »

N° :

540-32-025070-127

 

 

 

DATE :

22 novembre 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

 L'HONORABLE JEAN-YVES TREMBLAY, J.C.Q.                                                

 

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MÉNAGE ET VOUS

 

 

Partie demanderesse

 

 

c.

 

 

CENTRE PETITE ENFANCE CHEZ NOUS C'EST CHEZ VOUS

 

 

           Partie défenderesse

 

 

  

 

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JUGEMENT

JT0716

 
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Un contrat d'entretien ménager est à la source du litige.

[1]            Il intervient le 23 juin 2010, pour une durée d'un (1) an mais assorti d'une clause de renouvellement automatique, sauf avis écrit de résiliation trente (30) jours avant la fin. Ici, l'entente continue donc une deuxième année.

[2]            Le 15 juillet 2011, la défenderesse résilie le contrat en date du 31 juillet 2011 , suite à une étude de marché . À l'audience, la représentante de l'organisme confirme qu'on procède alors à une vérification dans le milieu, pour conclure qu'on paye trop cher. Les parties discutent mais le 16 septembre 2011, la défenderesse écrit qu'elle maintient sa décision, parce que vous avez manqué à votre engagement envers nous [1] . Elle reproche à la demanderesse l'embauche d'un sous-traitant pour faire le travail, sans l'accord de la direction . Curieusement, l'intéressé quittera la demanderesse pour passer au service de la défenderesse le 1 er août 2011.

[3]            Le 25 juillet 2011, l'entrepreneure écrit à sa cliente. Elle souligne d'abord le renouvellement automatique du contrat jusqu'au 23 juin 2012 et sa disponibilité pour continuer notre service et remplir nos obligations . De même, elle nie le moindre manquement dans l'exécution de ses obligations. Le même jour, la défenderesse rédige une liste de ses griefs à l'encontre de la partie adverse en évoquant le second alinéa de l'article 2 du contrat.

[4]            Un mois plus tard, la demanderesse écrit à son tour à la partie adverse pour lui réclamer 2 795, 00 $ à titre de perte de profit et lui fait remarquer qu' il est très paradoxale que vous ayez engagé l'employé que nous avions et qui exécutait le contrat chez vous… D'un côté, vous vous dites insatisfaites des services et de l'autre côté, vous engagez l'employé qui effectuait le travail . En outre, souligne-t-on, cette attitude contrevient à l'article 3 du contrat selon lequel le PROPRIÉTAIRE ne pourra embaucher aucun employé de L'ENTREPRENEUR pour la durée du contrat ou un (1) an après .

[5]            Et à l'audience et dans la documentation, on se réclame aussi de l'ENGAGEMENT DE CONFIDENTIALITÉ qui complète le contrat initial mais la preuve ne permet pas de lui reconnaître quelque incidence en l'espèce. De la même façon, il n'y a pas lieu d'appliquer le dernier alinéa de l'article 3, comme le requiert la demanderesse : le PROPRIÉTAIRE s'engage à débourser un montant équivalent à 12.5 % du salaire annuel de l'employé dans le cas où celui-ci voudrait retenir de façon permanente les services d'un employé de L'ENTREPRENEUR . Se trouvent en effet au dossier un rapport du système CIDREQ selon lequel l'intéressé a immatriculé son entreprise et sa déclaration à l'intention de la demanderesse : En aucun temps je n'ai été votre employé, ma compagnie G1 Ménage a agi en tant que sous-traitant…

[6]              Les parties en l'espèce concluent un contrat de service et aux termes de l'article 2125. du Code civil du Québec, le client peut, unilatéralement, résilier le contrat, quoique la réalisation de l'ouvrage ou la prestation du service ait déjà été entreprise . Pour la doctrine [2] , n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent y déroger conventionnellement, à la condition de le faire clairement. Ainsi, les parties peuvent s'engager à ne pas y recourir ou encore en assortir l'exercice à certaines modalités, par exemple, un préavis de 30 jours… Fixer un terme à un contrat de service n'équivaut pas à la renonciation à la résiliation unilatérale selon l'article 2125 C.c.Q..   C'est justement dans un contrat de service à durée déterminée que la règle de l'article 2125 C.c.Q. manifeste sa plus grande utilité.

[7]            La Cour d'appel du Québec s'exprime au même effet [3] : nor do I see any merit to appellant’s argument that Laidlaw waived its rights under Art.2125 C.C.Q. to terminate the contract, having agreed to a term equivalent to the term of the contract with the municipality in each case. Art. 2125 makes no distinction between contracts with a term and those without one. If a contract for services has no fixed term, there is no real need for the unilateral right of resiliation provided under Art. 2125. It is when the contract does have a fixed term or contemplates the completion of a building or other construction that the right of resiliation becomes important…

[8]            Dans le cas d'exercice du droit unilatéral de résiliation du contrat, d'après la Cour supérieure du Québec, en règle générale, normalement un contrat ne peut être résilié à moins que toutes les parties signataires n'y consentent.  Mais en vertu de l'article 2125, à l'égard d'un contrat d'entreprise ou de service, le législateur, par exception, permet la résiliation unilatérale et sans justification.  …Enfin, le Tribunal ajoute encore que la mauvaise foi, en principe, ne peut être considérée puisque c'est sans motif que les parties peuvent unilatéralement résilier un contrat de service.

[9]            Et le même Tribunal est d'avis que le seul recours que peut exercer la requérante à la suite de la résiliation unilatérale du contrat est une action en dommages sous l'article 2129 mais l'article 2129 C.c.Q. exclut le préjudice résultant du gain dont l'entrepreneur ou le prestataire de services est privé. C'est le cas en l'espèce.  

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

REJETTE l'action de la demanderesse, chaque partie payant ses frais.

 

 

 

 

 

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                                                                                      JEAN-YVES TREMBLAY

                                                                                      Juge à la Cour du Québec   

 

 

 

 

 

 

 

Date d'audience : 30 octobre 2013



[1] N.B. Les caractères en italique sont la reproduction fidèle des textes rapportés.

[2] Vente, louage, contrat d'entreprise ou de service, Jacques Deslauriers, 2005

[3] C.A., REBJ 1996-29236-2000-09-000570-959