TRIBUNAL D ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2014-1702

 

Date :

16 décembre 2013

______________________________________________________________________

 

DEVANT L ARBITRE :

Mario Létourneau

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Union des chauffeurs de camions, hommes d entrepôts et autres ouvriers, Teamsters Québec, section locale 106 (FTQ)

Ci-après appelé « le syndicat »

Et

2755-4609 Québec inc. - Limocar de la Vallée Enr.

Ci-après appelée « l’employeur »

 

 

Plaignant :

François Tremblay

 

Grief :

n o du syndicat

16035

 

Convention collective :

2755-4609 Québec inc. - Limocar de la Vallée Enr. et Union des chauffeurs de camions, hommes d’entrepôts et autres ouvriers, Teamsters Québec, section locale 106 (FTQ)

1 er janvier 2008 - 31 décembre 2014

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

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I- INTRODUCTION

[1]            Le soussigné a été mandaté par les parties le 20 août 2013 pour entendre le grief no 16035 formulé au nom de M. François Tremblay, le Plaignant.

[2]            Les parties furent convoquées pour l’audience le 25 septembre 2013 et une autre journée fut nécessaire pour terminer la preuve et les représentations de part et d’autre, ce qui fut fait le 6 novembre 2013.

[3]            Les parties ont reconnu que l’arbitre était valablement saisi du grief.

[4]            Les parties n’ont fait valoir aucun moyen préliminaire.

II- LE LITIGE

[5]            M. François Tremblay a été suspendu pour enquête le 8 juillet 2013 puis congédié le 11 juillet 2013. Le Plaignant conteste les mesures prises contre lui dans les termes habituels et réclame l’annulation desdites mesures avec les indemnités usuelles.

III- LA PREUVE

[6]            On dépose de consentement comme pièce S-1 copie de la convention collective en vigueur du premier janvier 2008 au 31 décembre 2014. Le nom de l‘Employer a été changé et celui-ci était connu comme Veolia Transdev à l’époque des évènements dont nous traiterons ci-après.

[7]            Le 8 juillet 2013, le Plaignant a été suspendu pour fins d’enquête, tel qu’il appert d’une lettre portant cette date qui lui a été remise de main à main le jour même, lettre produite comme pièce S-2 et qui se lit comme suit :

Le 8 juillet 2013

REMIS DE MAIN À MAIN

Monsieur François Tremblay

[…]

 

Objet :    Suspension pour fins d'enquête

­­­­­­­­­­­­­­­­­­________________________________________________________________

Monsieur Tremblay,

Nous désirons vous aviser que vous êtes relevé temporairement de vos fonctions, et ce, avec solde, afin de nous permettre de faire un examen minutieux de la situation et d'étudier en profondeur votre dossier.

Notez que ceci constitue une mesure administrative.

Dans l'intervalle, nous vous assurons du soin avec lequel nous traiterons cette affaire.

(s) Ron Cloudsdale

Ron Cloudsdale

Directeur de division

 

[8]             Le 11 juillet 2013, le Plaignant a été congédié, tel qu’il appert d’une lettre portant cette date qui lui a été remise de main à main le jour même, lettre produite comme pièce S-3 et qui se lit comme suit :

Le 11 juillet 2013

REMIS DE MAIN À MAIN

Monsieur François Tremblay

Chauffeur

 

Objet :                       Avis de congédiement                                                            

Monsieur,

La présente fait suite à l'enquête que nous avons menée en raison d'informations qui ont été portées à notre attention.

Après analyse des faits recueillis, nous devons conclure que vous vous êtes, approprié, de façon délibérée et sans autorisation, des biens appartenant au client de l'entreprise.

Il va sans dire que nous devons être en mesure de compter sur l'honnêteté de nos employés. Sachez que nous considérons que ce comportement constitue un manquement grave ayant définitivement rompu le lien de confiance essentiel à la poursuite de votre emploi.

En conséquence, compte tenu de ce qui précède nous vous informons de votre congédiement, lequel prend effet immédiatement.

Vous recevrez, par retour du courrier, les sommes d'argent qui vous sont dues, le cas échéant.

(s) Ron Cloudsdale

Ron Cloudsdale

Directeur de division

[9]            M. Tremblay a contesté en même temps la suspension pour fins d’enquête et le congédiement qui lui furent imposés par le dépôt d’un grief en date du 12 juillet 2013,  copie dudit grief étant produit comme pièce S-4.

 

PREUVE DE L’EMPLOYEUR

Témoignage de M. François Tremblay

[10]         M. Tremblay travaille depuis le 27 juillet 2009 pour la Division Limocar de la Vallée de Veolia Transdev Québec Inc.

[11]         Au moment de son congédiement, le Plaignant était chauffeur d’un autobus urbain destiné au transport adapté.

[12]         À la fin de sa journée, on donne à M. Tremblay sa feuille de travail pour le lendemain, laquelle indique quelles personnes il doit aller chercher et où il doit le faire pour les reconduire à un endroit également précisé. Il transportera ainsi une dizaine, voire une quinzaine de personnes le matin et le soir, plus une ou deux durant la journée.

[13]         Le Plaignant se voit confier un certain nombre de passes mensuelles, de livrets de billets qu’il vend au livret ou à l’unité, les prix variant évidemment en fonction de la nature de la passe ou des billets vendus, le tout tel qu’illustré par une copie de ceux-ci produite comme pièce E-1.

[14]         Le chauffeur vend ces passes ou billets directement aux usagers qui les paient par chèque ou en argent comptant.

[15]         Les chèques et l’argent recueillis sont mis dans un sac Ziploc que le Plaignant garde avec lui jusqu’à ce qu’il puisse faire un «  cashing  », une remise au bureau lorsqu’il en a le temps.

[16]         Il y a des heures permises et des jours fixes, soit les lundis, mercredis et vendredis, lors desquels les chauffeurs peuvent faire leur «  cashing  ». Si ces moments ne conviennent pas, l’argent amassé peut rester en leur possession pendant une semaine, un mois, dit le Plaignant, qui affirme qu’il n’existait pas de consigne particulière quant à l’obligation de rendre compte à un rythme précis.

[17]         Lorsqu’il rendait compte, on lui allouait 10 minutes pour compléter son bordereau de dépôt selon M. Tremblay qui faisait ses remises lorsqu’il en avait le temps, répète-t-il. L’«  heure de pointe  » était un autre facteur qui pouvait l’amener à remettre au lendemain cette opération que possiblement  il n’a faite parfois qu’une fois par mois.

[18]         Les remises variaient de  300,00 $ à 400,00 $, parfois même jusqu'à 1 000,00 $.

[19]         M. Tremblay conservait entre-temps l’argent dans son sac et parfois il ne «  faisait pas tout le dépôt  » parce qu’il «  avait pris de l’argent pour lui, pour des dépenses personnelles au cours du mois, comme des médicaments, l’épicerie  » bref, le Plaignant finançait des dépenses personnelles avec l’argent du sac, avoue-t-il.

[20]         Sauf lors des remises mensuelles, personne ne supervisait, personne ne surveillait, dit M. Tremblay. Il n’existait pas de règle selon laquelle il devait tout remettre à tous les mois, insiste-t-il. À la fin de l’année, il recevait une lettre de l’Employeur l’informant du nombre de billets qui lui restaient, les «  invendus   qu’il devait retourner et il recevait une facture pour les vendus  ». Il y avait alors une «  conciliation  ».

[21]         Dans les faits, l’Employeur fait le transport pour le Conseil Intermunicipal de Transport (C.I.T.) à qui appartient l’argent de la vente des passes et billets.

[22]         M. Tremblay ne se souvient pas avoir rencontré des représentants de l’Employeur qui lui auraient demandé de faire des remises quotidiennes mais, fin juin début juillet 2013, l’Employeur «  voulait l’argent  ».

[23]         On produit en liasse comme pièce E-2 des «  accusé de réception  » identifiés comme pièces E-2A à E-2L.

[24]         La pièce E-2A est une quittance finale pour l’année 2012 au cours de laquelle il avait été absent en maladie jusqu’à novembre.

[25]         Les pièces E-2B à E-2L illustrent des remises périodiques, alors que le Plaignant explique comment souvent il ne remettait pas tout l’argent des billets vendus, payant ceux du mois précédent avec l’argent des ventes du mois courant. Bref, il inscrivait comme vendus le nombre de passes ou de billets qu’il pouvait payer avec l’argent qu’il n’avait pas utilisé.

[26]         On produit comme pièce E-3 en liasse des accusés de réception identifiés comme pièces E-3A à E-3J, documents signés par M. Tremblay par lesquels il reconnaît qu’on lui a remis à différentes dates une certaine quantité de passes et de billets à vendre.

[27]         M. Tremblay «  empruntait  » ainsi entre 100,00 $ et 400,00 $ par mois «  dans le sac  », admet-il.

[28]         Le système était différent en 2010 et 2011 alors que Mme Micheline Gervais s’occupait des remises qui pouvaient possiblement être faites à tous les jours. Au départ de cette dernière, le Plaignant gardait l’argent des billets unitaires vendus dans son sac jusqu’à ce que le livret ait été vendu et qu’il remette l’argent de ces ventes. Entre-temps, il utilisait cet argent à des fins personnelles.

[29]         Depuis son retour au travail en novembre 2012, M. Tremblay explique que ses besoins étaient plus grands, il a donc augmenté ses «  prélèvements temporaires  ».

[30]         À la fin du mois, personne ne peut savoir s’il a gardé de l’argent et combien. L’Employeur ne peut pas savoir s’il a vendu plus que ce qu’il déclare, dit le témoin.

[31]         On repasse avec le Plaignant les accusés de réception E-2B à E-2J et il explique dans chaque cas ce qu’il a payé, ce qu’il a gardé et de quelle façon il a navigué dans le système.

[32]         En juillet 2012, plus précisément le 8 juillet, date de l’accusé de réception E-2K, M. Tremblay a entrepris de se mettre à jour. Il a emprunté 1 000,00 $ à son père, a vendu une passe à 92,00 $ dans la journée dont il s’est servi pour remettre 1 092,00 $ dans le sac Garda, tel que l’exigeait une nouvelle procédure.

[33]         Sachant que sa remise de 1 092,00 $ ne couvrait pas tous les «  emprunts  » faits au cours de l’année, le Plaignant est allé voir M. Ron Cloudsdale, directeur de sa succursale, pour lui demander s’il pouvait voir ses vacances payées , plutôt que de les prendre. Cet argent lui servirait, comme autrefois, à se mettre à jour. Or, on lui avait dit le matin même ou 1 ou 2 jours  auparavant que l’on ne paierait plus les vacances, que les employés seraient tenus de les prendre.

[34]         Le Plaignant a dit à M. Cloudsdale qu’il s’était mis à jour en partie grâce à un emprunt fait à son père, mais qu’il avait besoin de sa paie de vacances pour payer la balance qu’il estimait alors à environ 800,00 $ grâce au calcul fait à l’aide des talons des billets vendus, mais qui n’avaient pas fait l’objet d’une remise. La pièce E-2L établit à 993,00 $ le montant encore en souffrance.

[35]         M. Tremblay a été suspendu la journée même de sa visite à son directeur et a été congédié le 11 juillet 2013.

[36]         Le 12 juillet, le Plaignant a payé la somme due de 993,00 $ grâce à un nouvel emprunt contracté auprès de son père retraité.

[37]         On produit comme pièce E-4 l’enveloppe dorénavant utilisée à compter du dépôt constaté par la pièce E-2K datée le 8 juillet 2013. Avec ces sacs, il n’est plus nécessaire d’attendre pour faire le dépôt. Cependant, le témoin ne sait pas si ledit dépôt doit être fait à chaque jour.

[38]         M. Tremblay avait d’abord demandé à M. Pascal Meunier s’il pouvait avoir sa paie de vacances, qui devait s’élever à plus ou moins 1 200,00 $ et qui, avec l'emprunt fait à son père, lui aurait permis de se mettre à jour. M. Meunier est revenu avec une réponse négative après quelques jours et, dès lors, le Plaignant savait qu’il aurait de la difficulté à rembourser les sommes qu’il devait. D’où cette demande de dérogation à «  Ron  ».

[39]         Lors de sa rencontre avec M. Cloudsdale, M. Tremblay, qui était seul avec lui, a expliqué la situation. Son patron lui a dit qu’il «  allait regarder ça  », mais que «  ça n’était pas correct  », que cet argent ne lui appartenait pas.

[40]         Le Plaignant ne s’était pas fait accompagner par un délégué syndical parce que ça n’était pas la première fois qu’il agissait de la sorte, l’ayant fait au cours des années précédentes et ayant payé par chèque.

[41]         M. Cloudsdale a dit à M. Tremblay qu’il allait appeler les ressources humaines. Le Plaignant croyait que cet appel était destiné à discuter de sa demande pour sa paie de vacances, il est donc retourné travailler.

[42]         À 16 h 00 dans la même journée, on a appelé M. Tremblay sur C.B., on lui a demandé où il  était, on lui a intimé de se ranger et on lui a dit que l’on envoyait quelqu’un prendre sa place, ce qui a demandé plus ou moins 15 minutes.

[43]         Le Plaignant est revenu au bureau et il y a eu une rencontre avec M. Jean Côté, son délégué syndical, M. Cloudsdale et M. Daniel Sergerie, inspecteur en formation. On explique au témoin qu’il est suspendu pour fins d’enquête pour 2 à 3 jours. Ce dernier ne se souvient pas de ce qu’il a dit en réaction à cette annonce. Il a rencontré son délégué syndical dans un bureau pour expliquer la situation.

[44]         Le 9 juillet, le Plaignant a été convoqué à une réunion par M. Cloudsdale à 14 h 30. Il a confirmé sa présence, mais ne s’y est pas présenté. Ayant parlé à un représentant syndical, il ne croyait pas nécessaire d’y aller, dit-il.

[45]         On a donné à M. Tremblay un autre rendez-vous pour le 11 juillet. Les mêmes personnes que le 8 juillet étaient présentes. On lui a alors remis l’avis de congédiement, pièce S-3.

[46]         Le témoin reconnaît que le deuxième paragraphe de la pièce S-3 résume bien ce qu'on lui reprochait, ce paragraphe se lisant comme suit : «  Après analyse des faits recueillis, nous devons conclure que vous vous êtes, approprié, de façon délibérée et sans autorisation, des biens appartenant au client de l'entreprise.  ». M. Tremblay allègue qu’il «  ne pensait pas que l’argent appartenait au client  ».

[47]         On produit comme pièce E-5 une reconnaissance de dettes signée par M. Tremblay le 11 juillet 2013, reproduite telle qu’elle, à laquelle le Plaignant a apporté   deux corrections, l’une quant à son adresse et l’autre pour changer le mot «  subtilisé  » par le mot «  utilisé  » :

[48]         Le Plaignant explique avoir modifié le terme «  subtilisé  » pour celui de «  utilisé  » car, dit-il, le premier terme impliquerait qu’il a volé l’argent. S’il avait volé cet argent, dit-il, il ne serait pas allé voir son Employeur pour lui dire : «  Je t’ai volé, veux-tu me donner de l’argent pour que je te rembourse. J’aurais trouvé un autre moyen ».

[49]         M. Tremblay affirme qu’il est le seul à savoir ce qu’il doit. «  Il faut prendre les accusés de réception de chaque mois et calculer combien j’ai eu de passes ou de billets, combien j’en ai rapporté et combien je n’ai pas rapporté. En cours d’année, l’Employeur ne le sait pas  », précise-t-il.

[50]         Vu qu’il n’avait pas à remettre l’argent le jour même, dit le témoin, il avait de l’argent dans sa poche et plutôt que de passer à la banque, il l’utilisait. «  C’était un emprunt  », dit-il.

[51]         Le 11 juillet, le Plaignant fait une recherche dans les notes de service du Transport adapté parce que son délégué lui avait dit qu’il y chercherait. M. Daniel Sergerie est venu lui dire de façon très cavalière devant des employés de bureau : «  Tu ne travailles plus ici, tu sors  ». Il n’avait entre-temps pas trouvé de note de service pertinente.

[52]         Le 11 juillet, M. Tremblay avait l’argent pour payer la somme de 993,00 $ qu’il a reconnu devoir en signant la reconnaissance de dette, pièce E-5. Il est revenu payer le lendemain. Il en avait parlé à son père auparavant, avait calculé devoir environ    800,00 $ et avait de nouveau emprunté 1 000,00 $ à ce dernier.

Témoignage de M. Ronald Cloudsdale

[53]         M. Cloudsdale est directeur de la division Beloeil de l’Employeur depuis le 11 mars 2013. À ce titre, il est le supérieur du Plaignant.

[54]         Le 8 juillet, le Plaignant est venu le voir pour lui demander de lui avancer la somme d’argent à laquelle il avait droit pour ses vacances. Le témoin lui a expliqué que la politique avait changée, qu’il avait déjà eu une demande semblable, qu’il s’était informé à Mme Amélie Rajotte aux ressources humaines et qu’on ne payait plus les vacances.

[55]         Le Plaignant a alors expliqué au témoin qu’il avait besoin de l’argent de ses vacances pour rembourser son «  cashing  » d’environ 1 800,00 $, ce qui a surpris M. Cloudsdale qui a alors dit à M. Tremblay que «  ça n’était pas correct  ».

[56]         Le Plaignant a mentionné qu’il avait de l’argent sur lui, emprunté de son père , et il a quitté pour aller «  faire son cashing  », transaction reflétée dans la pièce E-2K datée le 8 juillet 2013. M. Tremblay a expliqué au témoin, avant de partir, que s’il avait l’argent de ses vacances, il pourrait rembourser son père et «  faire son cashing  ».

[57]         Selon le témoin, le Plaignant, après cette rencontre et après avoir fait le «  cashing  » constaté par la pièce E-2K, a quitté pour continuer sa «  route  ». M. Tremblay n’avait pas alors l’argent pour rembourser le total dû.

[58]         M. Cloudsdale a appelé Mme Rajotte aux ressources humaines, lui a expliqué les faits et ils ont pris la décision de rappeler M. Tremblay vers 15 h 30 ou 16 h 00. Le témoin a alors rencontré le Plaignant en compagnie de M. Daniel Sergerie et du délégué syndical, Jean Côté. Il fut expliqué à M. Tremblay que ce qu’il avait fait n’était pas correct, qu’il était suspendu jusqu’à la fin de l’enquête et on lui a remis un avis à cet effet, pièce S-2.

[59]         Le  Plaignant a remis dans une enveloppe «  le restant de sa billetterie  ». On a «  balancé tout ça  » avec le C.I.T. dont la directrice générale, une dame Davignon, a dit qu’elle n’était pas contente et ne voulait plus voir M. Tremblay à la Régie Intermunicipale de Transport Adapté (RITA).

[60]         Le montant de 993,00 $ apparaissant à la pièce E-2L a été établi avec Mme Geneviève Favreau de la C.I.T.

[61]         Après avoir parlé avec Mmes Amélie Rajotte et Sylvie Duval, représentante syndicale, le témoin a convoqué le Plaignant le mardi, 9 juillet à 14 h 30. Ce dernier ne s’est pas présenté.

[62]         Une nouvelle convocation du Plaignant a été faite pour le jeudi, 11 juillet 2013 à 10 h 30 et une rencontre a eu lieu en présence du délégué syndical et de M. Daniel Sergerie. On a expliqué à M. Tremblay que ce qu’il avait fait n’était pas intègre et qu’on n’avait  d’autre choix que de le congédier et on lui a remis l’avis de congédiement, pièce S-3. On a présenté la reconnaissance de dette, pièce E-5, au Plaignant qui y a changé son adresse ainsi qu’un mot qu’il n’aimait pas.

[63]         Selon M. Cloudsdale, M. Tremblay a mentionné qu’il  savait qu’il serait congédié . M. Côté étant au courant  le lui avait dit.

[64]         Selon le témoin toujours, M. Côté, le délégué syndical, aurait dit que M. Tremblay avait volé, «  que c’était un voleur  ».  

[65]         Le Plaignant est revenu le lendemain payer la balance due et a complété de sa main la pièce E-2L.

[66]         M. Cloudsdale affirme ne pas avoir eu connaissance que d’autres chauffeurs n’étaient pas en mesure «  de remettre le cashing  ».

Contre-interrogatoire de Me Crevier

[67]         Si le témoin occupe son emploi depuis le 11 mars 2013, Mme Amélie Rajotte, quant à elle, est là depuis février 2009.

[68]         M. Cloudsdale confirme que lors de la rencontre du 8 juillet il a dit à M. Tremblay que ce qu’il avait fait n’était pas correct et qu’il ferait un appel pour voir si on pouvait «  avancer  » les vacances de ce dernier.

[69]         Le C.I.T. recevait les accusés de réception, pièces E-2 et E-3 dont l’Employeur gardait une copie, les répartiteurs déposant cette copie dans leurs classeurs.

[70]         On a changé la procédure du «  cashing  » avec l’introduction des sacs Garda car l’autre méthode «  mettait les employés vulnérables  », dit le témoin, «  parce qu’ils avaient beaucoup d’argent en leur possession  ».

[71]         M. Cloudsdale affirme avoir parlé à M. Jean Côté de son intention de congédier le Plaignant la journée même où cela fut fait, soit le 11 juillet 2013.

[72]         Avant l’introduction du sac Garda, le témoin confirme que le «  cashing  » devait se faire les lundis, mercredis et vendredis. L’argent était remis au répartiteur qui balançait la remise, mettait tout dans un sac scellé dans une armoire verrouillée et l’argent était compté aux deux semaines par les répartiteurs et les gens du C.I.T.

[73]         Une fois les comptes balancés, un formulaire était complété, transféré dans un fichier Excel et envoyé au bureau du chef du département des finances. On déduisait alors la facture du C.I.T. en conséquence.

[74]         Garda fait la cueillette aux deux semaines.

[75]         Selon le témoin, les clients payaient dans l’autobus. Il n’est pas au courant si des billets pouvaient être achetés ailleurs.

[76]         Il y a aussi manipulation d’argent par les chauffeurs dans le cas des autres transports locaux, mais pas dans le transport interurbain. Dans ce dernier cas, l’argent est mis dans la boîte de perception automatique (B.P.A.).

[77]         À la fin de l’année, avec ses  copies, le C.I.T. peut dire combien il reste de billets et il va collecter les billets ou l’argent. Ces documents étaient rédigés par les répartiteurs. Dorénavant, le C.I.T. émettra un document indiquant que «  tel chauffeur nous doit un montant X  » et déduira ce montant de la facture de Transdev. Auparavant, le C.I.T. devait attendre que les chauffeurs paient, «  on devait courir après les chauffeurs  » dit le témoin et, selon Mme Évelyne Davignon, la directrice du C.I.T «  ça prenait trop de temps  ».

[78]         M. Cloudsdale n’a pas eu lui-même à dire à des chauffeurs «  c’est le temps que tu payes  ».

[79]         Le témoin a entendu dire que d’autres chauffeurs mettaient du temps à payer.

[80]         M. Réal Provost aurait parlé à M. Cloudsdale au sujet de la difficulté à se faire payer.

[81]         Avant de congédier le Plaignant, le témoin affirme que l’on a vérifié si d’autres chauffeurs avaient agi de la même façon que celui-ci et le résultat aurait été négatif. Cependant, la vérification n’a pas été faite par lui, mais par Mme Amélie Rajotte. Lui-même n’a pas fait de recherches à ce sujet.

[82]         M. Cloudsdale ne sait pas combien de temps les chauffeurs ont pour payer lorsqu’ils reçoivent un état de compte en janvier.

[83]         M. Tremblay a été congédié parce qu’il a subtilisé l’argent du C.I.T., dit le témoin.

[84]         Lorsque le Plaignant est venu voir M. Cloudsdale le 8 juillet 2013, ce dernier savait qu’il voulait rembourser, il  l’a cru et celui-ci a remis l’argent, convient le témoin.

[85]         Pour M. Cloudsdale, «  subtiliser  » signifie «  utiliser l’argent de façon pas honnête  ». «  Il faisait du kiting  », ajoute-t-il.

Ré-interrogatoire par Me Audette

[86]         Le témoin affirme que M. Réal Provost lui a parlé après le congédiement de M. Tremblay.

 

PREUVE DU SYNDICAT

Témoignage de M. André Paquin

[87]         M. Paquin a été permanent chez les Teamsters au local 106 à compter de 1992 et éventuellement est devenu vice-président dudit local. Il a été affecté à Limocar en 1992-1993 jusqu’en 2007-2008 lorsque Mme Sylvie Duval a pris la relève.

[88]         Le témoin a eu à traiter au cours des années avec trois directeurs des ressources humaines différents chez Limocar puis Transdev.

[89]         Il s’est occupé au début d’un dossier au sujet d’une «  affaire de billetterie  » plaidée par le «  syndicat de boutique  » en place. Le grief avait été gagné, mais on avait «  vidé  la cagnotte  » et les Teamsters ont pris la relève. Il a réglé le quantum du grief et a été conseiller indépendant auprès de ce syndicat.

[90]         À l’occasion de son travail, il a eu à intervenir dans des cas similaires où des employés utilisaient l’argent perçu.

[91]         M. Paquin avait interrogé l’Employeur, en l’occurrence Mme Josée Prud’homme, alors directrice des ressources humaines, et il avait appris que les chauffeurs des autres divisions n’avaient pas de «  cashing  » à faire, ne manipulaient pas d’argent. On lui a dit que cette méthode à la division Vallée du Richelieu était imposée par le Conseil Intermunicipal de Transport (C.I.T.). D’autres C.I.T., comme celui des Basses-Laurentides, étaient plus avant-gardistes, avaient des cartes à puces, alors que la Vallée du Richelieu «  marchait encore à la mitaine  », commente le témoin.

[92]         Des «  récriminations  » étaient formulées. On exigeait que les chauffeurs se présentent au travail avec de la monnaie, ce qui entre autres créait du mécontentement. On a demandé à l’Employeur de fournir une «  cagnotte  », ce qui a été refusé.

[93]         Par ailleurs, l’Employeur disait que certains chauffeurs ne remboursaient pas la vente de leurs billets. Sous différents directeurs des ressources humaines et directeurs de divisions, il y a eu des arrangements de remboursement d’argent avec des chauffeurs, affirme le témoin. Ces arrangements étaient pris entre le gérant de division et le chauffeur. Parfois, l’affaire «  montait au niveau des RH  » et si l’on menaçait de prendre des mesures parce que l’employé ne voulait pas rembourser, M. Paquin essayait de convaincre l’Employeur de prendre arrangement.

[94]         Le témoin a eu connaissance de deux cas, l’un d’un individu qui avait un problème de consommation de drogues et une dame qui avait un problème de jeu. Dans le premier cas, la somme due était de plus ou moins 800,00 $. L’employé a suivi une thérapie, son frère lui a prêté l’argent pour qu’il rembourse, il n’a pas été l’objet de mesures disciplinaires et lorsque M. Paquin a quitté «  7 ans plus tard  » cet employé était toujours là.

[95]         Dans le cas de la dame avec un problème de jeu, le témoin dit que c’est l’Employeur qui l’a abordé parce que les sommes dues s’accumulaient, les paiements étaient de moins en moins fréquents, ce que l’on ne voyait pas avec d’autres chauffeurs. Il a «  forcé la note  » pour qu’elle emprunte et elle a remboursé, relate M. Paquin qui dira, comme dans le cas précédent, qu’il n’y a pas eu de mesure disciplinaire prise contre la dame.

[96]         M. Paquin affirme avoir eu connaissance d’autres cas de remboursements tardifs. Le cas «  classique  », dit-il, «  c’est le chauffeur qui n’a pas de problèmes personnels, mais qui a eu un pépin, son char a pété  ». Il s’agissait de sommes de 100, 150, parfois 300 ou 400 dollars. «  À un moment donné, ça remboursait pas mal moins  », affirme le témoin.

[97]         Selon M. Paquin, la façon la plus courante de régler les cas de remboursements tardifs était, pour l'employé, d’obtenir l’autorisation de «  piger dans sa banque de vacances  » ou, pour l’Employeur, de se «  rembourser avec les vacances  ».

[98]         Au début, j’étais naïf et croyais qu’il s’agissait de cas isolés, dit le témoin. Mais «  il y avait du monde en calvasse  » qui était comme ça exprime-t-il. Pour rembourser à la fin de la semaine, il y en avait même qui faisaient des chèques. M. Paquin a vu plusieurs cas où l’Employeur appelait parce qu‘un chèque avait «  rebondi  ».

[99]         Le témoin a demandé à certains chauffeurs : «  Peux-tu m’expliquer pourquoi tu fais un chèque à ton boss   ? ». Le chauffeur lui répondait qu’il déposait l’argent dans son compte de banque personnel et qu’il se produisait parfois des erreurs, que «  sa femme avait pigé dans le compte  » et il devait alors faire un autre chèque. «  Et ça n’était pas 3 ou 4 qui faisaient ça, c’était la gang au complet  », relate M. Paquin.

[100]      Il y avait peut-être trente chauffeurs réguliers. Certains ramassaient l’argent et payait «  cash  ». D’autres mettaient l’argent dans leur compte de banque. Certains avaient même ouvert un compte bancaire spécifique pour ces opérations. «  Sans doute les plus disciplinés  », commente le témoin.

[101]      Pourquoi ramasser l’argent, la déposer, faire un chèque et cela pas à tous les jours ? Les chauffeurs avaient toujours de l’argent dans leurs poches, dit M. Paquin, qui raconte que «  des femmes travaillaient sur des quarts de soir, finissaient à 7 h 00 le matin, le garage Limocar était situé dans le Parc Industriel, dans une rue sans issue, il   y avait trois autos dans le parking et elles sortaient avec 7 à 800 dollars dans leur valise  ». L’une d’entre elles a dit au témoin qu’elle avait peur.

[102]      À un certain point, des gens ont voulu changer de délégué. L’un des sujets soulevé par l’équipe qui voulait changer la façon de faire était la billetterie. En même temps, on voulait le départ du «  syndicat de boutique  ».

[103]      M. Paquin produit comme pièce S-5 un avis qui a été remis à tous les chauffeurs, qui résume bien la question de la billetterie et se lit comme suit :

 

AVIS À TOUS LES CHAUFFEURS DE

LIMOCAR DE LA VALLÉE

Lors de la nomination de monsieur Jean Gareau à titre de président de l'Exécutif syndical le 12 mars dernier, le problème de la billetterie (cashing) avait alors été soulevé par ce dernier. Monsieur Gareau avait même catégoriquement pris position au fait de contester le processus de billetterie (cashing) et ce dernier nous a donc donné le mandat de poursuivre la procédure d'arbitrage pour le grief déposé le 22 novembre 2005.

Ledit grief syndical visant principalement notre désaccord vis-à-vis l'employeur concernant les coupures de temps pour le calcul de billetterie (cashing) devait être entendu devant un arbitre le 26 mars dernier mais la non disponibilité d'un des témoins syndicaux nous a obligés à remettre cette audience à plus tard.

La rencontre préparatoire tenue avec certains de vos collègues et conduite par Me Louise-Hélène Guimond, procureure du Local 106, nous a permis de recueillir suffisamment d'éléments pour appuyer ce que nous savions déjà, c'est-à-dire, que les risques et responsabilités qui vous incombent sont tout à fait inacceptables. De plus, l'enquête nous a démontré que l'utilisation de comptes bancaires et chèques personnels par certains d'entre vous, vous exposent à d'autres problèmes lesquels sont tout aussi inacceptables.

La réaction de votre employeur lors de différents événements au cours desquels il y eu vol ou perte d'argent et/ou de billetterie, nous a démontré que la préoccupation première de la compagnie est de récupérer les sommes le plus rapidement possible et non de s'enquérir de votre bien-être.

La poursuite de la procédure de ce grief va nous permettre de démontrer dans un premier temps l'absurdité de ce système de billetterie (cashing) mais également le fait que votre sécurité au travail est menacée en certaines occasions.

Notre demande à l'arbitre de grief sera d'obliger l'employeur à implanter un système qui fera en sorte qu'aucun chauffeur ne devra quitter le garage sans avoir fait le calcul de sa billetterie (cashing), mais aussi de fournir un espace (coffre-fort) pour laisser l'argent et/ou la billetterie, à tous les jours et avec contrôle de votre part, et en plus, d'obliger l'employeur à vous fournir votre change de départ à chacune de vos journées de travail.

SYNDICALEMENT VÔTRE,

 

ENVOI POSTAL

 

(s) André Paquin   

ANDRÉ PAQUIN,

Vice-président &

Agent d'affaires

AP/sf

Montréal, le 23 mai 2007

 

[104]      Le témoin raconte qu’une dame s’était fait voler son argent pendant qu’elle conduisait et qu’elle avait été congédiée. Or, 48 heures après, les policiers ont retrouvé la valise, ont retracé les voleurs et la dame a été réintégrée et remboursée.

[105]      M. Paquin disait aux membres : «  Vous gérez de l’argent qui ne vous appartient pas, de l’argent qui transite par vos comptes personnels. Vous vous exposez à des erreurs. Si un chèque rebondi, vous avez des frais. Êtes-vous tous fous ? C’est tu moi qui est épais ? Comment ça se fait que vous faites la job de l’Employeur ?  ». Le témoin commente en disant que le «  boss était mort de rire. Il ne gérait plus d’argent et sauvait des frais !  ».

[106]      Il pouvait arriver trois ou quatre fois par année que M. Paquin ait des problèmes de billetterie à régler. «  Sur 30 employés, c’est pas pire  », commente-t-il. Le système était inacceptable et fou mais, lorsqu’il défendait un membre avec un problème, il «  parlait à contre sens  », dit-il.

[107]      On s’apprêtait à procéder à l'arbitrage lorsque les gens ont reçu son mémo, poursuit M. Paquin. Lorsque les gens l'ont reçu, «  le monde n’était pas d’accord  », dit-il. «  Les membres ne voulaient pas que l’on aille à l’arbitrage  », relate le témoin qui, lors d’une assemblée syndicale spéciale, a eu une «  prise de bec  » avec ceux-ci. Si M. Paquin en faisait un «  cheval de bataille  », l’Employeur, pour sa part, sauvait du temps et les chauffeurs ne voulaient pas rester 15 minutes de plus pour compter le cash, «  ça faisait l’affaire des deux  », commente-t-il, en ajoutant : «  Plusieurs chauffeurs avaient adopté un style de vie, celui d’avoir toujours de l’agent dans les poches et se disaient, si on gagne, mon style de vie va changer. Ils se payaient un lunch, s’achetaient un manteau, etc.  ». 

[108]      M. Paquin a fait la morale à ses membres qui lui ont dit : «  Tu ne procéderas pas avec le grief. Tu vas le retirer. Tu vas te mêler de tes christ d’affaires. Tu gèreras les 3 ou 4 problèmes au cas par cas  ».

[109]      Non seulement l’Employeur était conscient de la situation, mais «  ça faisait son affaire  », insiste le témoin. Pour procéder à la remise de l’argent, il fallait quelqu’un sur place. «  Or, lorsque les chauffeurs finissent à 2 h 00 du matin, il n’y a même pas de répartiteur  », ajoute-t-il.

[110]      «  Gère les cas lourds et achale nous pas  » s’est donc fait dire M. Paquin qui a rencontré son avocate, a fait rapport à son exécutif et a retiré le grief.

[111]      M. Paquin a éventuellement maraudé le «  syndicat de boutique  », les Teamsters ont été accrédités, il a dénoncé la convention collective, il a «  passé proche d’une grève, mais les membres n’ont pas suivi  », il a signé une convention collective et il a «  demandé à son boss de le sortir de là  ».

[112]      Le témoin a eu une très courte discussion avec M. Thibodeau, alors directeur des ressources humaines. Ce dernier savait bien sûr ce qui s’était passé dans la salle au meeting, qu’il s’était fait mettre à sa place.

[113]      Lorsque M. Paquin a réglé des cas problématiques, l’Employeur «  n’a jamais sorti le couperet  », dit-il. « L’objectif de l’Employeur était de récupérer l’argent  », affirme-t-il. Lorsque les employés avaient des problèmes personnels, l’Employeur a collaboré pour leur offrir du soutien et ceux qui en ont fait la demande ont été référés au Programme d’aide aux employés.

Contre-interrogatoire de Me Audette

[114]      M. Paquin a quitté peu après la signature de la convention collective, pièce S-1, en 2008, à sa demande.

[115]      La convention collective a été signée avec Limocar qui a été achetée par Transdev en 2009 qui a fusionné avec Veolia en mars 2011.

[116]      M. Paquin se souvient du nom de l’homme qui avait un problème de consommation de drogues, mais pas celui de la dame qui avait un problème de jeu. Il ne sait pas si ces personnes sont encore chez l’Employeur. Ces deux personnes travaillaient au transport interurbain. Le transport adapté serait arrivé en 2005-2006 et il ne sait pas que le cas faisant l’objet du litige est celui d’un chauffeur affecté au transport adopté.

[117]      M. Paquin sait que l’on peut acheter dix passages à la fois ou une carte mensuelle. Il est possible, tel que l’on le lui suggère, que des gens paient par chèque.

[118]      Dans le transport interurbain, le  témoin sait qu’il y a des boîtes de perception.

[119]      Dans le transport adapté, le seul problème que M. Paquin a eu est un problème «  d’arrimage de chaises  », un problème d’ancienneté : « Il n’a pas eu de problème de vente de billets et de « cashing  ».

[120]      M. Jean Thibodeau n’est plus chez l’Employeur, il s’est fait mettre dehors après son propre départ, admet M. Paquin.

Témoignage de M. Jean Côté

[121]      M. Côté travaille comme chauffeur régulier interurbain pour l’Employeur depuis janvier 2009. Il est délégué syndical depuis 2011.

[122]      M. Côté est intervenu dans le dossier de M. Tremblay. Il a assisté à la réunion du 8 juillet 2013 avec le Plaignant , MM. Cloudsdale et Sergerie lors de laquelle on a remis à M. Tremblay la suspension pour fins d’enquête, pièce S-2.

[123]      Le témoin a été rencontré le lendemain, 9 juillet, par M. Cloudsdale qui l’a informé que le Plaignant serait congédié et lui a donné rendez-vous avec ce dernier pour 10 h 00. M. Côté a appelé sa représentante syndicale, Sylvie Duval, pour lui faire part des «  développements  » et cette dernière lui a dit d’attendre car elle voulait parler à Mme Émilie Rajotte, conseillère en ressources humaines pour l’Employeur, pour savoir ce qui se passait. M. Côté a rappelé M. Tremblay et lui a dit que l’on attendait des nouvelles. Ni ce dernier, ni son représentant ne se sont donc présentés au rendez-vous fixé à 10 h 00 ce jour-là et ce dernier a été remis au lendemain.

[124]      M. Côté a entendu M. Cloudsdale dire que le Plaignant était un voleur. Il a répondu «  s’il a volé, fais ce que tu as à faire  ». M. Cloudsdale lui a fait cette mention et a précisé que M. Tremblay avait pris de l’argent et ne pouvait pas rembourser et qu’il était venu le voir pour avoir ses payes de vacances pour faire le remboursement.

[125]      Selon le témoin, avant l’instauration des «  sacs Garda  », les employés pouvaient «  casher  » à certaines journées seulement et en dehors des heures de pointe qui se situaient entre 5 h 00 et 8 h 00 et entre 15 h 30 et 18 h 30, alors qu’il y a beaucoup de chauffeurs qui arrivent et repartent. Certains chauffeurs ont éventuellement recommencé à «  casher  » quand ils le voulaient et, aujourd’hui depuis 1 an  à dix-huit mois, il  n’y a plus de journées, ni de périodes préétablies.

[126]      M. Côté a eu connaissance de l’utilisation de l’argent de la billetterie à des fins personnelles. M. Pascal Meunier, un ancien chauffeur devenu répartiteur depuis novembre 2012, lui a dit avoir été prendre un café avec l’argent de la billetterie car il n’en avait pas d’autre sur lui. M. Réal Provost, un chauffeur régulier, avait fait la même chose au Métro à Longueuil. M. Allan a dîné avec le témoin et a payé avec l’argent de la billetterie, demandant au témoin s’il avait le droit d’agir ainsi, ce à quoi ce dernier lui a répondu qu’il ne le savait pas. Ce dernier incident se serait produit en 2009.

[127]      M. Côté n’a pas eu d’information au sujet de l’utilisation de l’argent de la billetterie pour des fins personnelles lors de sa formation et il ne connaît aucune directive à ce sujet. Lui-même a déjà pris 2 ou 3 dollars pour acheter une tablette de chocolat et il a remis l’argent à la fin de la journée.

[128]      Le délégué syndical n’a pas discuté directement de la question avec un représentant de l’Employeur. Il sait que ce dernier connaissait la situation à partir de ses discussions avec des chauffeurs. Il a lui-même posé la question au répartiteur, Samuel Bergeron.

[129]      Certains payaient la billetterie par chèque et d’autres comptants. Entre autre, M. Laurent Auclair payait par chèque, mais le témoin ajoute qu’il n’y a plus de système de billetterie sur le transport interurbain depuis 2010.

[130]      Lors de la rencontre du 12 juillet 2013, on a présenté au Plaignant la reconnaissance de dette, pièce E-5, dont on a fait biffer un terme inadéquat, soit le mot «  subtilisé  » pour le remplacer par le mot «  utilisé  », parce qu’il était clair que le Plaignant était en mesure de rembourser, il avait même l’argent sur lui, mais il  a oublié de le remettre, comme il l’a dit au témoin le jour même.

[131]      M. Cloudsdale a demandé à M. Côté de rejoindre M. Tremblay pour qu’il vienne le lendemain remettre l’argent, les uniformes et tout autre matériel.

Contre-interrogatoire de Me Audette

[132]      M. Côté dit qu’il est possible que la suspension pour fins d’enquête, pièce S-2, datée le 8 juillet, ait été remise au Plaignant le jour même où il a demandé d’utiliser ses vacances pour rembourser l’argent utilisé à des fins personnelles.

[133]      Le 12 juillet, jour où M. Tremblay a signé la reconnaissance de dette, pièce E-5, il a dit au témoin qu’il avait l’argent nécessaire pour rembourser, mais il a oublié de le remettre. Il lui a dit par la suite que son père lui avait avancé l’argent.

[134]      Il est possible, selon le témoin, que le premier montant remis le 8 juillet provienne du père de M. Tremblay également.

[135]      Dans l’exemple personnel de l’achat d’une tablette de chocolat, M. Côté a remboursé à la fin de la journée «  pour balancer ses chiffres  », ce qui est important pour lui.

[136]      Concernant les deux ou trois autres exemples, le témoin ne sait pas s’ils ont remis l’agent à la fin de la journée ou s’ils ont payé  la billetterie plus tard, «  parce qu’on a tous une quittance à la fin de l’année  », dit-il.

[137]      M. Côté a dit à M. Cloudsdale : «  S’il a volé, fais ce que tu as à faire  ». Ce dernier devait prendre sa décision et c’est par la suite que le témoin réagirait.

Ré-interrogatoire par Me Crevier

[138]      Le témoin précise que lorsqu’il dit qu’il «  remettait à la fin de la journée  », il se remettait l’argent à lui-même en fait, dans une enveloppe qu’il avait chez lui.

[139]      «  À chaque fin d’année on avait une quittance quand on remboursait ce qu’il nous restait. Ils nous remettaient alors une nouvelle billetterie  », affirme M. Côté, qui produit comme pièce S-6 une «  Quittance finale  » datée le 13 janvier 2011 qui se lit comme suit :

QUITTANCE FINALE

LE 13 JANVIER 2011

CHAUFFEUR :    COTÉ JEAN

Référence :         Billetterie 2010

La compagnie 2755 4609 Québec inc. ( Transdev Limocar ), par la présente, reconnaît avoir reçu toutes les sommes lui étant dues ainsi que les titres de transport non vendus quant à la billetterie valide du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 du chauffeur ci-dessus mentionné.

Donc, quittance finale est accordée.

La compagnie 2755 4609 Québec inc.

 

(s) Michel Leboeuf                              

Michel Leboeuf

Gérant de division

[140]      À une question du Tribunal le  témoin évalue le montant du repas qu’il a partagé avec un autre employé et payé à même l’argent de la billetterie à plus ou moins 20 dollars. Il ignore quand son compagnon de table a remboursé le montant.

Témoignage de Mme Sylvie Duval

[141]      Mme Duval est agente syndicale pour le local 106 et elle a été attitrée au dossier Veolia en 2008 «  quand Paquin est sorti du dossier  ».

[142]      Lorsque M. Côté a appelé le témoin au sujet d’un membre suspendu, Mme Duval a posé des questions parce que M. Paquin avait parlé du problème de billetterie lors de «  staff meetings  ». Elle a dit «  attend un peu, François n’est pas le seul à avoir fait ça, plein d’autres l’ont fait  ». «  André avait fait mention de toute la problématique  », ajoute-t-elle.

[143]      Mme Duval voulait discuter avec la direction de Limocar, voulait discuter avec Amélie Rajotte avant que la décision ne soit rendue. On parlait à ce moment-là de vol.

[144]      Le témoin a appelé Mme Rajotte et lui a demandé si c’était possible que l’on enquête sur ce qui s’était produit dans le passé à ce sujet.

[145]      Au cours des 3 années précédentes, il y avait eu beaucoup de changements tant chez les conseillers et directeurs des ressources humaines qu’à la direction. Se questionnant à savoir si la direction actuelle était au courant de la situation que M. Paquin avait expliquée et qui était connue selon lui de tout le monde, employés et direction, Mme Duval a raconté à Mme Rajotte tout ce qu’elle savait de ce dossier.

[146]      Mme Duval a dit qu’elle comprenait que Veolia voulait changer la «  méthode  » et qu’on devait alors informer tout le monde que cette façon de faire ne serait plus tolérée. Le témoin a ajouté que si l’Employeur voulait donner une sanction, elle comprenait qu’il fallait que ça arrête. Elle a ajouté que le syndicat était en désaccord avec cette façon de procéder, mais que ni les chauffeurs, ni M. Thibodeau à l’époque ne voulaient changer quoi que ce soit. Elle a informée Mme Rajotte qu’une employée s’était même payé un voyage dans le sud avec ce  système.

[147]      Mme Duval «  demandait à Émilie d’aller en arrière un peu  ». «  Sanctionnez », a-t-elle dit, «  mais pas avec un congédiement avec ce qui s’est passé avant  ». Mme Rajotte a dit qu’elle allait faire des vérifications et qu’elle reviendrait au témoin «  avec ça  ».

[148]      Mme Rajotte est revenue à Mme Duval une journée ou deux après. Elle avait vérifié, l’Employeur n’était pas au courant du système passé et il y aurait un congédiement. Ce fut la fin des interventions du témoin.

Contre-interrogatoire de Me Audette

[149]      Mme Duval est arrivée en 2008 au dossier et elle était au courant du problème parce que M. Paquin en avait fait état.

[150]      Entre 2008 et 2013, Mme Duval n’a pas eu connaissance de cas similaires à celui de M. Tremblay.

Témoignage de M. François Tremblay

[151]      M. Tremblay précise que les moments possibles pour faire le «  cashing  » étaient en dehors des heures de pointe les lundis, mercredis et vendredis. L’heure de pointe est l’heure où il est au bureau habituellement. Il a une «  route  » à l’heure du midi et il a rarement du temps entre deux routes. Il essaie de se mettre en position le plus près possible du ou des clients à aller chercher ; ainsi, ne faisant pas le trajet pour revenir à la compagnie, il économise de l’essence au profit de cette dernière. Il demeure loin du travail et ne va pas chez lui entre les pauses.

[152]      Le témoin raconte qu’on lui confie des livrets de billets, par exemple un livret de 25 billets à 6,00 $ ou à 12,00 $, ce qui représente un montant considérable et qu’il doit garder l’argent en sa possession jusqu’à ce qu’il ait fini de vendre le livret, alors qu’il remet le total du montant de la vente et qu’on lui donne un nouveau livret.

[153]      S’il a pris autant d’argent, dit M. Tremblay, c’est qu’il a été soit en chômage soit sur l’assurance maladie pendant 1 an et demi. «  Je gagnais 18,00 $ l’heure et je suis tombé à 9,00 $ l’heure  », dit-il.

[154]      Pendant la période ci-haut mentionnée, le témoin dit s’être endetté. Il a pu emprunter «  parce que c’est pas marqué nulle part que je suis en assurance maladie  », dit-il. Il devait nourrir ses enfants, sa famille.

[155]      À son retour de son absence en maladie, M. Tremblay était «  pris à la gorge  », dit-il. Lorsqu’il en avait besoin, il prenait «  l’argent qui était là  », sachant qu’il allait rembourser avec ses payes de vacances, n’ayant pas eu de problème à procéder ainsi auparavant. « J e savais que j’allais rembourser en bout de ligne  », dit-il.

[156]      Lorsqu’il a rencontré «  Ron  », le témoin lui a dit qu’il avait pris de l’argent parce qu’il s’était endetté à cause de sa maladie.

[157]      M. Tremblay n’a pas vu de note de service concernant la politique, la procédure ou un changement de procédure sur la façon de faire le «  cashing  », ni sur la possibilité d’utiliser l’argent de la billetterie.

[158]      Pour le mois de mai 2013, le témoin n’a fait aucune remise et personne ne lui en a fait la remarque.

Contre-interrogatoire de Me Audette

[159]      M. Tremblay a été lui-même surpris de constater qu’il n’avait fait aucun «  cashing  » pour le mois de mai.

[160]      Le témoin a été deux fois pendant quatorze semaines «  sur le chômage  ». Les douze autres mois, de l’assurance maladie, il recevait 80%  de son salaire, «  mais le mal était déjà fait  », dit-il.

[161]      «  En dernier  », admet M. Tremblay, «  il est arrivé que j’aie plus de temps au bureau. Mais, à ce moment-là, je n’avais pas l’argent. C’était moins le manque de temps et plus le manque d’argent  », insiste-t-il.

[162]      Questionné par le Tribunal, le témoin dit qu’avant sa période de maladie, il a utilisé une fois sa paie de vacances pour rembourser. Le répartiteur, M. Mario Lafontaine, «  savait que c’était pour ça  ». C’est au répartiteur que l’on s’adresse pour presque tout, dit M. Tremblay, qui à cette occasion , n’a pas cédulé de vacances et a reçu son chèque pour celles-ci. Le répartiteur donne les feuilles de travail, les congés, «  c’est à lui qu’on s’adresse en premier leu  ».

[163]      Questionné à nouveau par Me Audette, M. Tremblay dit avoir commencé chez l’Employeur en juillet 2009. Il s’est fait payer les vacances accumulées de 2009 à 2010. Il a été absent de juin 2011 à octobre 2012.

Par Me Crevier

[164]      Le témoin n’a pas pris de vacances en 2010 pour rembourser les montants pris au début de l’année 2010. Il devait peut-être de 2 à 300 dollars.

Par Me Audette

[165]      La demande de M. Tremblay pour sa paye de vacances en 2010 a été faite à un répartiteur qui n’est plus à l’emploi. Il n’a  pas eu à faire une demande écrite. Sa demande verbale a été acheminée aux ressources humaines qui ont pris la décision de payer.

 

IV- ARGUMENTATION

Pour la partie patronale

[166]      Me Audette commente les témoignages des témoins entendus lors de la dernière journée d’audience :

·         M. Paquin fait état d’une pratique, d’un laxisme existant il y a plus de 5 ans. Il donne deux exemples : usage de drogues et «  gambling » , mais il ne se souvient pas des noms. Dans ces cas, L’Employeur a choisi de prendre «  l’approche maladie. Ni Veolia, ni Transdev n’était dans le portrait  » à cette époque.

·         M. Côté a remboursé le coût de sa tablette de chocolat parce qu’il faut que ça balance. Quant aux autres exemples, deux pour un café et un pour un lunch, ils n’ont aucune commune mesure, rien à voir avec la situation de M. Tremblay.

·         Mme Duval a appris ce qu’elle sait de la pratique alléguée de M. Paquin lors de «  staff meetings  » donc avant 2008. Elle-même n’a pas été témoin de quelque situation de même nature pendant 5 ans.

·         M. Tremblay a repris avec plus de détails sa situation financière après son absence en maladie. Il n’a jamais nié les faits. Il a tenté de les expliquer, mais ne voit pas de problème à utiliser l’argent de la billetterie. Or, il s’agit de vol, de multiples vols , forcément prémédités , pour des fins personnelles.

 

[167]      Il n’y a peut-être une preuve de laxisme à une certaine époque, dit le procureur patronal, mais cela ne peut constituer une justification. «  Ça n’est pas parce que la porte n’est pas verrouillée que c’est permis de voler  », résume-t-il.

[168]      Me Audette présente au Tribunal un plan d’argumentation que ce dernier serait bien mal avisé de tenter de résumer mieux que ledit plan ne le fait lui-même. Nous le reproduisons par conséquent tel quel ci-après :

 

Plan d argumentation de l employeur

 

1.  Cadre général d’analyse

     1.1. En matière disciplinaire, le tribunal doit procéder à l analyse      suivante :

1.1.1. Vérifier l existence des faits reprochés au salarié au moment de l imposition de la mesure par l employeur;

1.1.2.   Déterminer si ces faits constituent une faute;

1.1.3.   Apprécier la proportionnalité entre la sanction imposée et la faute en tenant compte de toutes les circonstances particulières de l offense.

-      Université de Sherbrooke et Syndicat des employées et employés de soutien de l’Université de Sherbrooke , D.T.E. 2001T-657 (T.A.), p. 30 (Onglet 1) :

« Pour disposer d’un grief en matière disciplinaire, l’arbitre doit d’abord vérifier, à la lumière de la preuve recueillie à l’enquête, l’existence des faits reprochés au moment de l’imposition de la mesure, puis déterminer si les faits prouvés constituent des fautes et si oui, apprécier ensuite la proportionnalité entre la sanction décrétée et la ou les fautes commises et ce, en tenant compte de toutes les circonstances de l’affaire. »

-      Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999 et Brasserie Labatt , D.T.E. 94T-224 (T.A.), p. 20  (Onglet 2) :

« S’agissant d’une matière disciplinaire, l’arbitre doit d'abord déterminer, dans le respect de la règle qui impose à l’Employeur le fardeau de la preuve en pareilles circonstances, si la preuve telle qu’administrée supporte ou non les allégations consignées à 1’avis de congédiement et si l'objet de ces reproches correspond ou non à des actes fautifs. Le cas échéant, il reviendra ensuite à l'arbitre de décider si la sanction retenue par l’Employeur était, dans le contexte, appropriée, ce qui l'obligera dès lors à prendre en considération l’ensemble des composantes pertinentes qui constituent le présent litige. »

1.2. L arbitre n interviendra que si la preuve présentée devant lui le convainc que la mesure imposée par l employeur est disproportionnée par rapport à la faute compte tenu de l ensemble des circonstances;

-      Société des alcools du Québec et Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Société des alcools du Québec, section locale 3535 , 2012EXPT-1253 (T.A.), par. 30 (Onglet 3) :

« [30] Ainsi, après avoir étudié la preuve, analysé les témoignages entendus, pris connaissance des pièces déposées, de la jurisprudence soumise et des arguments des procureurs, j’en viens à la conclusion que je n’ai pas à intervenir dans la sanction imposée à M. Di Giacomo, c’est-à-dire le congédiement décidé par l’employeur eu égard à toutes les circonstances démontrées. Cette sanction, n’est ni déraisonnable, ni injuste, ni discriminatoire pas plus qu’arbitraire ou hors de proportion. »

-      Couvoir Boire & Frères inc. et Syndicat des salariés du secteur agricole , D.T.E. 2007T-957 (T.A.), par. 20, 40 (Onglet 4):

« [20] Comme dans toute affaire de nature disciplinaire, il s’agit dans un premier temps de décider si la preuve établit la faute reprochée. Le cas échéant, si la faute est prouvée, il faut ensuite apprécier la justesse de la sanction.

[…]

[40] En ce qui me concerne, pour les raisons que je viens d’exposer, j’estime que la décision de l’Employeur n’était ni injuste, ni abusive, ni discriminatoire, ni déraisonnable. Elle ne justifie donc pas une intervention arbitrale. »

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 39 (Onglet 5) :

« [39] Pour tous ces motifs, l’arbitre en vient à la conclusion que la sanction imposée par l’employeur n’est pas disproportionnée compte tenu de la gravité de l’offense et de l’ensemble des circonstances dans lesquelles elle a été commise et il rejette le grief. »

2.  Le caractère fautif de l’acte reproché

2.1. L « emprunt » par le salarié de biens ou de sommes d argent appartenant ou sous le contrôle de l employeur sans l autorisation de ce dernier est un vol et doit être considéré comme tel dans l évaluation de la gravité de l acte fautif;

-      Marché Tacova ltée c. Sylvestre , D.T.E. 92T-1027 (C.S.), pp. 7, 9-10, 12  (Onglet 7) :

« À l’examen de la sentence nous constatons que le considérant essentiel sinon l’unique sur lequel l’arbitre s’est fondé pour ne pas rejeter le grief et maintenir le congédiement de la plaignante est que l’employeur n’a pas prouvé le vol.

[…]

Après avoir reconnu que sans droit et sans autorisation, la plaignante « s’avançait des sommes », l’arbitre a erré gravement en concluant qu’il ne s’agissait pas de vol. Il s’agissait manifestement de vol même si la plaignante remboursait les sommes ainsi « empruntées » sans autorisation d’autant plus qu’il ne s’est pas agi d’un événement isolé.

[…]

Le Tribunal est d’avis qu’en concluant que la requérante n’avait pas prouvé le vol, l’arbitre a manifestement erré avec la conséquence qu’il en résulte une injustice grave. Il découle clairement de la preuve relatée par l’arbitre que la plaignante a commis des vols même si on pouvait qualifier les gestes qu’elle a posés de 1’euphémisme « emprunt ». »

-      Les viandes du Breton inc. et Syndicat des travailleurs Viandes du Breton , (T.A. 27-02-2002), AZ-50746278 , p. 11 (Onglet 6) :

« Il est certain que MICHEL BERGERON a commis une faute méritant une mesure disciplinaire en s’appropriant sans droit et sans permission une queue-de-rat appartenant à son collègue GILLES LANGLAIS, privant ainsi ce dernier d’un bien lui appartenant.  Manifestement ceci n’a pas plu à ce dernier.

 

L’on ne peut parler ici d’emprunt car personne n’a prêté la queue-de-rat à MICHEL BERGERON comme cela peut être le cas lorsque le contremaître prête des vêtements, couteaux ou autres pièces d’équipement appartenant à l’entreprise et qui sont fournis à d’autres employés.

 

Dans le présent cas, l’on n’a pas prêté la queue-de-rat à MICHEL BERGERON, celui-ci ne l’a pas empruntée, il se l’est appropriée : il l’a volée.

Ce n’est pas parce que MICHEL BERGERON n’a pas sorti la queue-de-rat de l’usine ou qu’il la remettait sur un crochet après l’avoir utilisée pendant la journée que cela cesse d’être un vol. »

-      Université de Sherbrooke et Syndicat des employées et employés de soutien de l’Université de Sherbrooke , D.T.E. 2001T-657 (T.A.), p. 34, 40 (Onglet 1)  :

                   « Selon le soussigné, il ne fait aucun doute que de tels emprunts temporaires d’argent appartenant à l’employeur, sans autorisation et à l’insu de ce dernier, constitue un comportement fautif.

[…]

                   Mais, il n’y a pas que ce seul événement. Monsieur Tchouassi s’est aussi permis d’utiliser des sommes d’argent appartenant à l’université et ce, à l’insu de cette dernière. En ce faisant, monsieur Tchouassi, qui empruntait ainsi temporairement de l’argent sans autorisation, commettait une faute qui relève d’une démarche frauduleuse, même s’il avait l’intention de remettre cet argent. »

[Référence omise]

-      Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999 et Brasserie Labatt , D.T.E. 94T-224 (T.A.), pp. 21-22  (Onglet 2) :

« Même si l’intention de Monsieur Beauregard n’avait rien de malicieux ou de malveillant en ce qu’il disait prendre soin de ne pas préjudicier à la clientèle et même s’il remboursait ensuite 1’employeur des sommes d’argent qu’il lui « empruntait » sans autorisation, il reste qu’il y a là une démarche frauduleuse qui tient indiscutablement du vol. »

[Soulignement et référence omis]

2.2. L intention véritable du salarié au moment de l « emprunt » n est d aucune importance; la preuve de l « emprunt » sans autorisation est à elle seule suffisante;

-      Legresley et Restaurant Forgeron inc. , D.T.E. 2009T-258 (C.R.T.), par. 26 - 29 (Onglet 8) :

« [26] Si la plaignante reconnaît avoir pris, et sans doute utilisé, à des fins personnelles, une partie des revenus de l’entreprise, elle se défend bien d’avoir volé quoi que ce soit, en soutenant que « tous les employés font ça, on prend et on remet ».

[27] Elle ajoute même que cette façon de faire date de l’époque de l’ancienne gérante, laquelle n’a pas été entendue.

[28] L’employeur, de son côté, atteste haut et fort qu’il n’a jamais autorisé qui que ce soit, ni les superviseurs, ni les gérants, ni aucun employé à se servir des argents de la compagnie.

[29] La Commission n’a pas à soupeser les intentions véritables de la plaignante, quand elle pige dans le coffre-fort de son employeur, dont elle seule possède la combinaison et la clé. Un tel comportement, chez une personne qui agit, à cet endroit, comme gérante, depuis près de cinq ans, mérite la sanction imposée. »

-      Couvoir Boire & Frères inc. et Syndicat des salariés du secteur agricole , D.T.E. 2007T-957 (T.A.), par. 23-26, 32 (Onglet 4) :

« [23] On a plaidé que ce n’était pas un vol puisque le plaignant avait l’intention de rapporter la balance après l’avoir utilisée.

 

[24] Premièrement, il faut souligner que la preuve de l’intention n’est pas vraiment à la charge de l’Employeur.  Lorsque celui-ci a établi de façon prépondérante que le plaignant s’est emparé sans droit d’un objet ne lui appartenant pas, il y a une présomption de fait que le geste a été posé dans l’intention de priver le propriétaire de l’utilisation de cet objet.  C’est alors au plaignant qu’appartient le fardeau de renverser cette présomption de fait et de convaincre l’adjudicateur qu’il n’avait aucune intention coupable.

 

[25] Deuxièmement, pour échapper à un tel reproche, il ne suffit pas de convaincre que l’on avait l’intention de rapporter l’objet.  Car, pour commettre un vol, il faut avoir l’intention de priver absolument ou temporairement le propriétaire de cette chose, tel que le prévoit l’article 322 (1) du Code criminel.  Bien sûr, l’intention de priver temporairement plutôt qu’absolument le propriétaire, reste un facteur circonstanciel à considérer dans la sanction, mais la privation temporaire sans le consentement du propriétaire constitue juridiquement un vol.

[26] Pour échapper à un reproche de vol, il faut que l’intention soit innocente.  Par exemple, celui qui s’accapare du bien d’autrui alors qu’il croit honnêtement mais erronément que ce bien lui appartient, n’est pas coupable de vol.  Ce n’est cependant pas ce qui s’est produit dans la présente instance. (…)

[…]

[32] Bref, la faute reprochée a été prouvée à ma satisfaction.  Que le plaignant ait voulu priver absolument ou temporairement son employeur de la balance ne change pas le fait que la cause de reproche était fondée. »

3.  Le caractère approprié de la sanction imposée

La gravité de l acte reproché

3.1. Le vol est une faute très grave qui, sauf circonstances particulières, rompt irrémédiablement le lien de confiance entre le salarié fautif et l employeur, justifiant ainsi que la sanction imposée soit le congédiement;

-      Syndicat des cols bleus de Gatineau et Gatineau (Ville de) , D.T.E. 2011T-301 (T.A.), par. 191, 193 (Onglet 9) :

« [191] La jurisprudence établit que le vol est une faute très sérieuse et, de façon générale, rompt irrémédiablement le lien de confiance entre le salarié fautif et l’employeur. 

[…]

[193] À mon sens, ces propos s’appliquent très bien dans notre affaire et me convainquent que le congédiement, tout en étant une mesure très sévère, était la seule justifiée dans les circonstances.  La démolition probable d’un édifice appartenant à l’Employeur ne transfère pas le droit de propriété de ce dernier aux employés qui ont eu à effectuer des tâches sur ce bâtiment fermé.  Le fait que des outils ou du matériel appartenant à l’Employeur aient été à la portée des salariés n’emporte pas le droit de les utiliser à des fins personnelles. »

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 37-38 (Onglet 5) :

« [37] En effet, en réduisant la sanction, l’arbitre négligerait trois facteurs aggravants en particulier, soit la confiance sur laquelle repose l’autonomie dans l’exercice des fonctions, le caractère public de l’entreprise et l’exemplarité de la conduite dans un tel contexte. À cet égard, il contribuerait à miner le caractère dissuasif de la mesure vis à vis les autres fonctionnaires qui ont à manipuler des fonds publics.   Il donnerait ainsi à comprendre qu’un employé d’une entreprise publique, qui occupe un poste qui lui donne la latitude de le faire, « peut emprunter », à sa guise et sans autorisation, des deniers publics à des fins personnelles à la condition qu’il ait non seulement l’intention de rembourser mais qu’il rembourse effectivement en temps utile.  Et, dans le cas [où] il ne pourrait rembourser, il pourrait s’en tirer avec une peine moindre que celle du congédiement dans la mesure où son défaut de rembourser peut être expliqué par des motifs « nobles » tels que les difficultés personnelles et familiales et non par la simple escroquerie. 

[38] Il est clair, qu’après avoir entendu témoigner monsieur Rochon, l’arbitre a la conviction que celui-ci n’est pas un escroc (selon le Petit Robert : « qui a l’habitude d’escroquer »), ni une « personne qui tire ses ressources de délits de vol » tel « des voleurs de grand chemin » (Petit Robert).  La sympathie que peut inspirer la situation du salarié plaignant soulève une dernière question, soit celle de la clémence ou de la magnanimité « qui consiste à pardonner les offenses ou à réduire les châtiments » (Petit Robert).  Or, compte tenu de la gravité de la faute et des circonstances objectives dans lesquelles elle a été commise, l’arbitre qui doit décider selon la preuve, ne saurait s’appuyer sur les sentiments que peuvent lui inspirer les difficultés personnelles du salarié pour casser la décision de l’employeur. (Voir aussi Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Huguette Rousseau et Ville de Québec où l’arbitre Denis Tremblay conclut que la clémence est une prérogative qui appartient à l’employeur.) »

-      Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 et Provigo Distribution inc. (Provigo Île-des-Sœurs) , (T.A.). 16-10-1998), AZ-50785303 , p. 4  (Onglet 10) :

« En l’absence de circonstances exceptionnelles, une fraude, surtout si elle est exercée de façon répétée et généralisée, constitue une faute très grave qui porte une atteinte sévère au lien de confiance qui doit normalement réunir un employeur et un employé. »

-      Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999 et Brasserie Labatt , D.T.E. 94T-224 (T.A.), pp. 22, 27  (Onglet 2) :

« Ne serait-ce que de ces dernières composantes, il va sans dire qu’à elle seule, la principale infraction de Monsieur Beauregard, soit celle qui consiste en l’appropriation illégale de montants d’argent qui étaient propriété de l’Employeur, constitue une faute grave susceptible de justifier une réaction sévère. (…)

[…]

(…) Bien qu’il comprenne aisément que Monsieur Beauregard confrontait une situation fort difficile, qu’il croit qu’il n’a agi avec aucune malice et qu’il éprouve du respect et de la sympathie à son endroit, l’arbitre n’a d’autre choix que de constater qu’il est face à des infractions qui, du fait qu’elles mettent en cause l’honnêteté et la probité dont doit profiter tout employeur de la part de tout employé, autorisaient l’Employeur à penser qu’il ne pourrait plus avoir confiance en lui, peu importe la fonction qu’il pourrait être appelé à remplir dans son entreprise. D’où son droit de procéder à un congédiement.

 

S’il s’était agi d’un égarement isolé, il faudrait fort probablement faire une analyse différente de la situation. Mais lorsqu’il y a, comme en l’espèce, conjugaison de facteurs comme la préméditation, la répétition des offenses et une démarche qui donne à croire qu’on entendait en tirer toujours plus d’avantages, on est certainement fondé de se demander s’il n’y a pas là existence d’un système qui s’est sournoisement, mais effectivement installé. Et quand on ajoute à l’ensemble de ces éléments le fait que l’auteur de ces comportements était détenteur d’un poste de responsabilité et de confiance, on se retrouve avec une conduite à ce point caractérisée qu’il devient à toutes fins pratiques impossible de faire reproche à l’Employeur de considérer que le lien de confiance qui l’unissait à ce dernier est irrémédiablement rompu.»

[Soulignement et référence omis]

-      Métallurgistes unis d’Amérique, syndicat des métallos, section locale 15377 et Gestion de rebuts Laidlaw Québec ltée (Division commerciale et industrielle, région du Grand Montréal) , T.A., 1996-09-26, AZ-50284364 (T.A.), p. 4 (Onglet 11) :

« On est donc en présence d’un cas où un employé a volé des rebuts de métal qui appartenaient à un client de la compagnie, ce qui constitue une faute grave justifiant une mesure disciplinaire, et il faut se demander si, dans les circonstances, la mesure est appropriée.  Dans les cas de vol ou de fraude, la jurisprudence est à l’effet qu’il s’agit d’une faute très grave qui, sauf pour des circonstances particulières, justifie le congédiement. » 

4.  Présence de facteurs aggravants

L autonomie du salarié

4.1. La grande autonomie dont jouit le salarié dans ses fonctions rend d autant plus grave le geste reproché et, en conséquence, justifie la mesure imposée;

-      Société des alcools du Québec et Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Société des alcools du Québec, section locale 3535 , 2012EXPT-1253 (T.A.), par. 29 (Onglet 3) :

« [29] Les circonstances plaidées par le syndicat pour atténuer la responsabilité de M. Di Giacomo n’ont pas toutes été considérées valable par le soussigné qui retient plutôt le fait que le plaignant avait dans l’exécution de ses tâches sur la route une grande liberté d’exécution, travaillant sans supervision directe et cela supposant une confiance totale et absolue impliquant, comme on le mentionne à la lettre de congédiement, un niveau élevé de loyauté et d’honnêteté envers l’employeur. »

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 26 (Onglet 5) :

« [26] Au nombre des circonstances objectives, il y a lieu de prendre en compte au premier titre, « le lien entre (la faute) et la fonction occupée par le salarié » (Claude D’Aoust, Louis Leclerc et Gilles Trudeau, Les mesures disciplinaires : étude jurisprudentielle et doctrinale , Monographie 13, Écoles des relations industrielles, Université de Montréal, 1982, à la page 381).  À cet égard, il a été mis en preuve que les fonctions exercées par monsieur Rochon le sont dans un contexte de grande autonomie qui nécessite un haut degré de confiance de la part de l’employeur.  La guérite étant située à quelque distance du bureau du supérieur immédiat des préposés (« cinq minutes à pieds »), ces derniers sont seuls, sans surveillance, à percevoir l’argent liquide et à enregistrer les transactions. (…) Comme il ne saurait être question, d’avoir un surveillant derrière chaque préposé, il va de soi que l’exercice de la fonction elle-même repose sur une confiance sans faille.  Si l’obligation de loyauté constitue une obligation permanente du salarié qui « se répercute dans toutes les sphères de la relation entre employeur et salarié » (Hébert, page 36), elle revêt une signification et une importance particulières lorsque le cadre organisationnel dans lequel s’exécute le salarié comporte un degré d’autonomie telle qu’il nécessite une confiance absolue de la part de l’employeur. »

-      Brasserie Labatt ltée et Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999 , D.T.E. 92T-1063 (T.A.), p. 24-26 (Onglet 12) :

« Il n’est pas besoin d’avoir de directives formelles d’un employeur à l’effet que l’honnêteté et la probité de gens qui sont sur la route et ont à manipuler pour certains le produit de l’employeur et pour d’autres à la fois des sommes d’argent qui doivent revenir à l’employeur, que ces salariés ne peuvent d’aucune façon détourner à leur avantage ce qui ne leur appartient absolument pas (ici c’est la bière) pour leur servir de monnaie d’échange ou de paiement pour des biens qu’ils seront les seuls à utiliser (ici, un paquet de cigarettes).

M. Morier n’avait pas besoin qu’on lui dise et lui répète que la caisse d’échange est là dans un but extrêmement précis de remplacement des bouteilles cassées, brisées que le client leur compte en bouchons ou autrement.

[…]

Il s’agit d’un employé sur la route qui ne fait pas l’objet d’une surveillance continuelle et la confiance de l’employeur doit lui être acquise en tout temps.

Cette confiance, M. Morier l’a perdue et ne peut la retrouver. »

-      Syndicat des cols bleus de Gatineau et Gatineau (Ville de) , D.T.E. 2011T-301 (T.A.), par. 196 (Onglet 9) :

« [196] L’Employeur n’était plus en mesure de faire confiance au plaignant et ce, avec raison.  Ce dernier détenait un poste qui lui conférait une grande autonomie dans la gestion de son temps de travail et du véhicule fourni par l’Employeur.  De plus, le plaignant avait accès à tout le matériel et à tous les outils appartenant à l’Employeur.  C’est ainsi que ce dernier a « emprunté » des échafauds, une scie à onglets et une perceuse à percussion à ses fins personnelles et non pas dans le cadre de son travail de soudeur. »

-      Legresley et Restaurant Forgeron inc. , D.T.E. 2009T-258 (C.R.T.), par. 31-32  (Onglet 8) :

« [31] La plaignante Darlene Legresley jouit donc d’une autonomie presque totale dans l’exercice de ses fonctions, et la Commission ne peut que constater qu’elle a agi avec incurie et fait preuve de négligence grave, sans compter qu’elle a béatement mentionné, à l’audience, avoir déjà avancé une somme de 600 $ à un de ses employés, pour payer son loyer.

[32] L’employeur a des raisons fort valables de ne plus avoir confiance en la plaignante et de mettre un terme au lien d’emploi existant entre les parties. »

-      Université de Sherbrooke et Syndicat des employées et employés de soutien de l’Université de Sherbrooke , D.T.E. 2001T-657 (T.A.), p. 41 (Onglet 1) :

« Ainsi, la preuve révèle que monsieur Tchouassi occupe un poste exigeant qu’il manipule des sommes d’argent relativement importantes et dont le degré d’autonomie est tel, qu’il importe que son titulaire soit tout à fait digne de confiance. »

-      Marché Tacova ltée c. Sylvestre , D.T.E. 92T-1027 (C.S.), p. 12 : (Onglet 7)  :

« Le Tribunal est d’avis que compte tenu de la preuve telle que l’a relatée l’arbitre, sa décision constitue une injustice grave et justifie 1’intervention judiciaire. Si on n’avait eu à reprocher à la plaignante qu’un « emprunt » unique effectué dans un moment d’égarement passager, la décision de l’arbitre aurait peut-être pu se justifier. Mais elle occupait un poste de confiance et disposait d’une autonomie quasi totale dans l’exercice de ses fonctions. Ses facteurs confèrent aux gestes qu’elle posait de façon réfléchie, planifiée et répétitive une gravité que son ancienneté n’excuse pas et ne saurait bonifier, bien au contraire. »

La répétition et la préméditation des gestes reprochés

4.2. La répétition des actes fautifs de même que la préméditation de ceux-ci sont des facteurs aggravants justifiant le congédiement, et ce, malgré l absence de toute intention malicieuse de la part du salarié;

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 28 (Onglet 5) :

« [28] De plus, il s’agit d’un geste réfléchi et réitéré sur plusieurs mois et non d’un acte isolé ou commis sous le coup d’une impulsion momentanée ou encore qui pourrait être expliqué par d’autres facteurs tels que l’état de santé ou le déséquilibre passager (comme dans l’affaire Difco Tissus de performance , à titre d’exemple).  En effet, selon les faits mis en preuve et en particulier, le procès-verbal du Comité de discipline (P - 4), le salarié plaignant a commencé à prendre de l’argent dans la caisse « plus d’un an » avant les événements qui ont donné naissance au litige.  Il y a donc longtemps qu’il « s’appropriait » pour des périodes limitées et sans autorisation des sommes appartenant à l’employeur.  Évidemment, il avait l’intention de rembourser et c’est ce qu’il a fait tant et aussi longtemps que les sommes n’ont pas atteint un montant tel que cela lui devenait impossible. »

-      Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999 et Brasserie Labatt , D.T.E. 94T-224 (T.A.), pp. 23-24  (Onglet 2) :

« (…) Bien qu’il n’ait pas de difficulté à croire que Monsieur Beauregard n’était animé d’aucune intention malicieuse, l’arbitre considère que la situation sous étude trouve ses caractéristiques les plus importantes dans la préméditation et la réflexion qui ont amené le salarié requérant à mettre en place son stratagème et dans l’habitude qu’il a rapidement prise de s’y référer et d’en tirer des avantages qui lui profitaient.

[…]

Selon le soussigné, lorsqu’on joint ces facteurs de préméditation et de répétition, qui donnent à penser à l’instauration d’un système ou à l’apparition d’accoutumance, à la nature même des fautes commises et au fait que Monsieur Beauregard occupait une fonction de responsabilité et de confiance, on peut difficilement faire reproche à l’Employeur de prétendre qu’il ne pourra dorénavant plus se fier à ce dernier. Somme toute, il y a dans le comportement de Monsieur Beauregard, y incluant son attitude au cours de l’enquête, les principaux ingrédients susceptibles d’affecter irrémédiablement le lien de confiance qui relie un employé à un employeur. (…) »

[Soulignement omis]

-      Université de Sherbrooke et Syndicat des employées et employés de soutien de l’Université de Sherbrooke , D.T.E. 2001T-657 (T.A.), p. 41 (Onglet 1) :

« Il découle également de la preuve que l’acte commis ne relève pas d’une impulsion soudaine et irréfléchie, mais qu’il s’agit plutôt d’un geste planifié. »

Le caractère public et la finalité des sommes perçues par le salarié

Le caractère public du service offert par l’entreprise ainsi que la finalité des sommes « empruntées » par le salarié confèrent au geste de ce dernier un caractère de particulière gravité;

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 29-30 (Onglet 5) :

« [29] Mais au-delà des circonstances aggravantes déjà évoquées, ce qui confère un caractère de particulière gravité à cette affaire, ce sont les facteurs suivants : le caractère public de l’entreprise et de la finalité des sommes manipulées et l’exemplarité de la conduite du salarié fautif dans un tel contexte.

 

[30] Comme l’écrit l’arbitre Pierre Décary cité dans Claude D’Aoust, Louis Leclerc et Gilles Trudeau ( loc. cit.   à la page 348) :

« Le public a un droit strict à s’attendre à ce que les biens de l’État n’aillent pas aux particuliers et à ce que les administrateurs publics exigent de leurs subordonnés une honnêteté sans faille .  La façon dont les tribunaux traitent de semblables cas lorsqu’il s’agit d’un employeur privé est rigoureuse et il n’y a pas de raison (…) de s’attendre à moins de rigueur dans le cas où l’employeur est l’État. » (notre souligné) »

Présence de risque de récidive

4.4. Le risque de récidive, aussi minime soit-t-il, est un facteur à prendre en considération lors de l analyse du maintien du lien de confiance, surtout lorsque, comme en l espère, le salarié travaille sans surveillance et manipule des sommes d argent dans le cadre de son travail;

-      Canadair ltée et Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale, loge 712 , D.T.E. 91T-1249 (T.A.), p. 10 (Onglet 13)  :

« Le procureur syndical allègue que John Szilagyi pourrait être réintégré sans que l’employeur n’encoure de risque trop sérieux. Il est vrai que l’employé ne travaille principalement que dans trois départements et qu’il n’a pas un accès sans contrôle aux outils et objets qu’il utilise. Ceci ne l’a toutefois pas empêché de s’approprier des biens, et ce, à plusieurs reprises, hors de la connaissance de la compagnie. Il n’a peut être [ sic ] pas accès à l’argent mais les objets et outils auxquels il a accès sont des objets dont la valeur est passablement appréciable. Le risque pour l’employeur, si minime soit-i1, est donc potentiellement présent. »

-      Métallurgistes unis d’Amérique, syndicat des métallos, section locale 15377 et Gestion de rebuts Laidlaw Québec ltée (Division commerciale et industrielle, région du Grand Montréal) , T.A., 1996-09-26, AZ-50284364 (T.A.), p. 4 (Onglet 11) :

« (…) Malheureusement pour lui, son témoignage devant moi ne m’offre aucune garantie, non plus qu’à son employeur d’ailleurs, qu’il ne recommencera pas.  N’oublions pas que dans son cas, il travaille seul et sans surveillance. » 

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 35 (Onglet 5) :

« [35] Quant à la possibilité d’une réintégration sans que de tels événements ne se répètent, il est non seulement bien difficile de l’apprécier avec certitude mais elle ne saurait prévaloir lorsque, par son comportement, le plaignant a entaché de façon irrémédiable le lien de confiance nécessaire à l’exercice de ses fonctions. (…) »

-      Université de Sherbrooke et Syndicat des employées et employés de soutien de l’Université de Sherbrooke , D.T.E. 2001T-657 (T.A.), p. 42 (Onglet 1) :

« En somme, bien que le congédiement constitue la sanction disciplinaire la plus sévère, le soussigné en arrive à la conclusion que le comportement de monsieur Tchouassi ne permet pas de laisser croire qu’il ne commettrait plus la même faute et que le lien de confiance pourrait être restauré entre lui et son employeur. (…) »

5.  Absence de facteurs atténuants

L ancienneté, les aveux et le dossier disciplinaire vierge du salarié

5.1. Dans le cas d espèce, le salarié n a avoué ses fautes que lorsqu il lui a été impossible de continuer à camoufler les « emprunts »; il ne s agit donc pas d aveux spontanés;

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 33 (Onglet 5) :

« [33] Quant aux aveux, il faut noter que ce n’est que lorsqu’il fut acculé au pied du mur, c’est-à-dire lorsque son supérieur lui demanda de produire ses rapports et de remettre les sommes perçues, que le plaignant a admis se les être appropriées.  S’il n’a pas nié avoir pris l’argent, ce n’est que lorsque sa situation lui est apparue sans issue qu’il a décidé de fournir les explications pertinentes.  Jamais, au cours de la période au cours de laquelle il prenait l’argent dans la caisse, il ne s’est ouvert à l’employeur des difficultés que lui posait la manipulation d’argent liquide. (…) »

5.2. À tout événement, les aveux, l ancienneté et/ou le dossier disciplinaire vierge ne sauraient justifier la modification de la sanction imposée par l employeur lorsqu il y a répétition et préméditation des actes fautifs;

-      Syndicat des cols bleus de Gatineau et Gatineau (Ville de) , D.T.E. 2011T-301 (T.A.), par. 194, 200 (Onglet 9) :

« [194] Le nombre d’années de service n’a aucun effet lorsque nous sommes en présence de cas de vols prémédités et répétés et de rupture irrémédiable du lien de confiance. 

[…]

[200] J’ai toujours considéré le congédiement comme étant une mesure très sévère, souvent appelé « la peine capitale ».  Toutefois, les circonstances de cette affaire et la jurisprudence en semblable matière me convainquent que cette mesure n’était pas trop sévère.  D’autre part, même si le plaignant détenait 34 années de service pour l’Employeur, je ne suis pas autorisée à faire montre de clémence en diminuant la sévérité de cette sanction.  En conséquence, j’estime n’avoir aucun motif pour justifier l’annulation de la décision de l’Employeur ni de la substituer à une autre. »

-      Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 et Provigo Distribution inc. (Provigo Île-des-Sœurs) , (T.A.). 16-10-1998), AZ-50785303 , p. 4  (Onglet 10) :

« L’ancienneté du plaignait ne saurait constituer ici un facteur pouvant atténuer la lourdeur de la sanction en raison du caractère répété et généralisé des fautes du plaignant. »

-      Métallurgistes unis d’Amérique, syndicat des métallos, section locale 15377 et Gestion de rebuts Laidlaw Québec ltée (Division commerciale et industrielle, région du Grand Montréal) , T.A., 1996-09-26, AZ-50284364 (T.A.), p. 4 (Onglet 11) :

« (…) Dans l’espèce, le seul facteur atténuant qu’a soulevé le Syndicat est l’ancienneté de quinze ans du plaignant.  Or, en matière de vol ou de fraude, à plusieurs reprises les arbitres ont affirmé que l’ancienneté n’était pas un facteur déterminant. (…) » 

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 27, 36 (Onglet 5) :

« [27] Or, nous sommes en présence d’un salarié qui a une longue expérience du service public et qui connaît bien les conditions dans lesquelles il a à exercer ses fonctions : autonomie, confiance, honnêteté.

[…]

[36] Par ailleurs, il est vrai que le plaignant peut témoigner d’une longue ancienneté et d’un dossier disciplinaire vierge.  Néanmoins, il est des situations où l’employeur se trouve dispensé de respecter le principe de la progressivité des sanctions même en présence d’un salarié qui a de longs états de service et aucune faute à son dossier, notamment lorsqu’il y a rupture irrémédiable du lien de confiance en raison de la nature de l’offense, d’une part, et en raison du contexte objectif dans lequel elle a été commise, d’autre part.  En l’espèce, comme cela a été démontré, ces conditions sont réalisées et l’arbitre n’a pas de raisons de conclure que l’employeur a appliqué une sanction déraisonnable. »

-      Canadair ltée et Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale, loge 712 , D.T.E. 91T-1249 (T.A.), p. 10 (Onglet 13)  :

« Selon l’arbitre soussigné, les seules circonstances atténuantes pouvant militer en faveur du plaignant sont l’ancienneté et le fait qu’il ait avoué ses torts. Encore là peut-on prétendre qu’un employé ayant neuf ans de service possède une longue ancienneté? Ce facteur est très subjectif, où tirer la ligne? Bien entendu, ce facteur à lui seul ne saurait justifier la réintégration de 1’employé. Mais même en concluant qu’il possédait cette longue ancienneté, le seul autre facteur atténuant, dans les circonstances, est le fait qu’il ait avoué ses torts. Et, aux yeux de l’arbitre soussigné, ces deux facteurs, à eux seuls, ne permettent pas de modifier la mesure disciplinaire imposée par l’employeur. »

La démonstration d une pratique courante

5.3. La démonstration que d autres salariés se rendent coupables des agissements reprochés au salarié n est pas pertinente lorsque ces agissements sont accomplis à l insu de l employeur;

-      Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 et Provigo Distribution inc. (Provigo Île-des-Sœurs) , (T.A.). 16-10-1998), AZ-50785303 , p. 4  (Onglet 10) :

« Le syndicat a fait valoir que le plaignant n’était qu’un parmi plusieurs acteurs et que sa responsabilité n’était pas plus grande que celle du gérant du service ; à cet égard, qu’il suffise de souligner qu’on voit mal comment le plaignant peut se réfugier derrière ses ex-collègues quand il reconnaît avoir sciemment et de façon répétée participé à cette fraude. En invoquant que cela se pratiquait ouvertement, le syndicat plaide la propre turpitude du plaignant : un vol en plein jour demeure un vol et demeure tout aussi condamnable qu’un vol de nuit. »

Le mode de gestion adopté par l employeur

5.4. Le salarié ne saurait invoquer le mode et la fréquence de la collecte des sommes perçues à titre d excuse ou de facteur atténuant;

-      Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec et Québec (Ville de) , D.T.E. 2004T-948 (T.A.), par. 31 (Onglet 5) :

« [31] Enfin, on a évoqué le fait que la fusion des municipalités de l’agglomération urbaine avait été suivie d’un changement dans le mode et la fréquence de la collecte des sommes perçues par les peseurs et conservées à la guérite.  À cet égard, il est raisonnable de croire que le maintien de la collecte régulière et fréquente des enveloppes aurait sans doute permis de limiter les montants dérobés ou de découvrir plus tôt le subterfuge, mais cela ne saurait servir d’excuse au plaignant et encore moins être considéré comme la cause du vol.  Au contraire, le plaignant en a consciemment tiré partie: « cela faisait mon affaire », comme il le dira dans son témoignage. L’arbitre ne saurait donc se reposer sur ce changement dans l’organisation de la collecte pour excuser le plaignant de son comportement. »

Conclusion

·          L’Employeur a prouvé l’existence de plusieurs vols, en plusieurs occasions, sur une longue période temps.

·          Ces vols constituent sans nul doute des fautes à répétition.

·          La seule sanction appropriée est le congédiement.

 

LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.

                                                                                       Montréal, le 25 septembre 2013.

 

___________________________

Jacques Audette, avocat

 

Pour la partie syndicale

[169]      Me Crevier souligne que dans les décisions citées par Me Audette, ce sont des gens qui se sont fait prendre ou qui étaient acculés au pied du mur. Or, M. Tremblay n’était pas dans cette situation. En effet, souligne la  procureure syndicale, l’Employeur n’a pas demandé au Plaignant de payer la billetterie et il n’était pas obligé de le faire lorsqu’il est allé voir le répartiteur et lui a demandé de pouvoir utiliser ses paies de vacances pour se mettre à jour dans ladite billetterie.

[170]      Si M. Tremblay avait emprunté l’argent nécessaire à son père et avait payé, personne ne l’aurait su, allègue Me Crevier. Les congédiements maintenus l’ont été parce qu’il y avait bris du lien de confiance, le geste reproché ayant été fait en catimini dans le dos de l’Employeur. Le Plaignant n’a rien fait dans le dos de l’Employeur, plaide la procureure, et si on avait dit au Plaignant ne le fait plus, il ne l’aurait plus fait.

[171]      M. Tremblay ne s’est caché de rien, ni devant l’Employeur, ni devant le Tribunal et il n’a pas le profil de quelqu’un en qui on ne peut avoir confiance ou qui va récidiver s’il sait que la procédure utilisée n’est pas la bonne, poursuit Me Crevier.

[172]      Non seulement le Plaignant n’était pas au pied du mur, mais il a remboursé en partie avant le congédiement et en partie après celui-ci et son but n’était pas de se «  monter un bon dossier  ».

[173]      L’Employeur était au courant du système dont lui-même et les employés profitaient, soumet Me Crevier. M. Paquin en a témoigné et M. Tremblay a déjà demandé au répartiteur de procéder comme il l’a fait, le répartiteur étant une personne en  autorité. Mme Duval a relaté à l’Employeur comment cela se passait lorsqu’elle a discuté du cas du Plaignant.

[174]      Quant au bris de confiance invoqué et mentionné dans la lettre, pièce S-3, il n’a jamais été évoqué par le témoin Ron Cloudsdale lors de son témoignage. Ce dernier n’a jamais dit qu’il ne pouvait plus faire confiance à M. Tremblay dont il a dit qu’il s’adonnait à du «  kiting  ».

[175]      M. Cloudsdale a mentionné devant le Tribunal qu’il devait courir après les employés pour se faire payer, soulève la procureure syndicale, qui ajoute qu’il n’existait aucune politique au sujet du «  cashing  ».

[176]      Me Crevier cite l’arbitre André Dubois, dans l’affaire L’Urbania Hôtel, Resto, Lounge Et L’Union des employés de la restauration - Syndicat des Métallos, section locale 9400 , AZ-50969821 , décision en date du 15 mai 2013, qui disant entre autres ce qui suit :

[283]    Ainsi et indépendamment du fait que l'Employeur ait retiré la fonction «pourboire» du terminal utilisé par le personnel de la réception de l'Hôtel, quelle est la politique claire en matière d'application - ou non application - des pourboires destinés au personnel de la réception ?

[284]    Comment cela se fait-il que l'Employeur, jusqu'au moment de l'audience du grief, tolérait, voire acceptait de verser tant au plaignant qu'à d'autres préposé(e)s à la réception, les pourboires réclamés alors que ceux-ci avaient été inscrits par les clients lors du paiement de leur chambre et ne visaient aucun service particulier tel le paiement de consommation ou autre service à la chambre.

[285]    Cela ne disculpe certainement pas M. Gervais-Ouellet de son geste, ni ne l'excuse. Mais je suis porté à croire que la pratique et la tolérance dont l'Employeur a fait preuve en matière de pourboires n'ont certainement pas contribué à ce que M. Gervais-Ouellet saisisse bien toute la gravité de son geste. Il appartient à l'Employeur de clarifier et de régulariser les choses.

[…]

[289]    À mon avis, il ne suffit pas d'alléguer que le lien de confiance a été rompu avec un salarié pour justifier son congédiement. Encore faut-il démontrer en quoi le lien de confiance a été rompu et pourquoi l'Employeur ne pourra plus lui faire confiance à l'avenir.

 

[177]      L’arbitre Claude H. Foisy, dans l’affaire Syndicat canadien de la fonction publique - Groupe Air Canada et Air Canada , AZ-50294456 , décision en date du 4 février 2005, s’exprimait ainsi :

[29]    Il n'y a pas de doute, suivant la preuve, que la plaignante était bien au courant de la politique de la compagnie à l'effet que les dépôts recueillis pour les ventes de boissons alcoolisées et de boutique hors taxes devaient être déposés dans les vingt-quatre heures du retour à la base. Il faut cependant remarquer ici qu'à la base de Montréal, il y avait un grand laxisme, que le responsable, Christian Aveline, était débordé et manquait d'outils et de ressources pour effectuer un contrôle efficace, qu'il voyait souvent les commissaires de bord qui avaient la responsabilité de déposer de l'argent provenant de la vente des produits de boutique et qu'il n'a jamais fait quelque reproche que ce soit à la plaignante durant toute la période de septembre 2002 à juin 2003.

[…]

[49]    Par ailleurs, le fait que tus(sic) les dépôts de la plaignante contenaient des coupures de $100, qu'elle a reconnu que sa soeur, qui lui devait $4,000, lui a remboursé son prêt en coupures de $100, qu'elle est allée déposer à minuit le 26 mai au retour d'un souper chez sa soeur, qu'elle était bien au courant qu'elle était en retard et qu'en mars 2003, en avait conscience et en était stressée mais n'agissait pas, est également compatible avec le fait que la plaignante aurait prêté l'argent d'Air Canada à sa soeur et ne pouvait faire ses dépôts tant que sa soeur ne lui remettait pas ce qu'elle lui avait emprunté.

[…]

[51]    Compte tenu du contexte, les facteurs atténuants suivants m'amènent à la conclusion que le lien de confiance n'a pas été irrémédiablement rompu et que le congédiement n'est pas approprié : 1) au moment des événements la plaignante avait quatorze ans d'ancienneté; 2) tous ses dépôts relatifs aux ventes de boutique avaient été faits avant qu'elle n'ait été mise au courant que l'entreprise enquêtait sur elle; 3) elle avait un dossier disciplinaire vierge; 4) la politique du vingt-quatre heures était appliquée avec un grand laxisme; 5) depuis mai 2003, des outils de gestion ont été mis en place qui font en sorte que les retards dans les dépôts seront identifiés rapidement et sanctionnés progressivement, de sorte que la situation qui prévalait avant juin 2003 n'est pas susceptible de se reproduire.

 

[178]      On réfère le Tribunal à un jugement en date du 29 janvier 1998 de l’honorable juge André Denis, dans l’affaire La Banque Laurentienne du Canada c. Me Denis Tremblay, Syndicat des employés(ées) professionnels(les) et de bureau, Section locale 434 et Nicole Jetté-Piché , AZ-98029053 , où l’on peut lire :

Dans la présente affaire, la preuve a révélé que, sans être autorisée, le 28 février 1997, la plaignante a pris dans son tiroir/caisse la somme de 20$ à des fins personnelles.

À première vue, il faut en convenir, il s'agissait de l'un des gestes les plus répréhensibles que pouvait commettre la plaignante à titre de caissière dans une banque.

p.17

Il est clair que, si les clients de cette banque apprenaient qu'une employée a volé dans son tiroir/caisse et est toujours au travail, ils en seraient scandalisés.

Il est aussi très difficile pour une banque de reprendre confiance ou de garder confiance en un ou une employée qui l'a volée.

Cependant, pour que l'on puisse conclure au vol, il faut que la preuve montre un certain nombre d'éléments tant au niveau du geste posé que de l'intention elle-même de la personne faisant l'objet d'une telle accusation.

p. 18

Comme l'écrivait l'arbitre de griefs Me André Déom dans l'affaire Provigo distribution inc. et Union des employés(ées) de commerce - section locale 500, grief no 21294, référence 84T-348, pour qu'il y ait vol, non seulement il faut que l'individu s'empare du bien d'autrui, mais il faut que cela soit fait frauduleusement et avec l'intention d'en priver son propriétaire

[…]

Ceci dit, à la lumière de toutes ces règles, il ne me reste qu'à résoudre la question principale que pose le présent cas et que l'on peut résumer comme suit A-t-on, dans l'espèce, la preuve qui permettrait de conclure, de façon raisonnable, que la plaignante avait l'intention frauduleuse de détourner à son propre usage de l'argent qui appartenait à la banque et d'en priver de façon permanente ou temporaire cette dernière?

p. 20

[…]

D'après moi, la preuve n'a pas révélé qu'il y a eu vol de la part de la plaignante puisque, du début à la fin, l'intention de frauder la banque n'y était pas.

p. 21

Au surplus, l'ensemble de la preuve a révélé que la plaignante n'a falsifié aucun document pour arriver à ses fins, ne s'est pas cachée au moment où elle a pris l'argent et n'a pas procédé selon un système quelconque avec préméditation.

[…]

La Banque propose la définition de vol du Code criminel canadien en son article 322:

322. (1) [Vol] Commet un vol quiconque prend frauduleusement et sans apparence de droit, ou détourne à son propre usage ou à l'usage d'une autre personne, frauduleusement et sans apparence de droit, une chose quelconque, animée ou inanimée, avec l'intention:

a) soit de priver, temporairement ou absolument, son propriétaire, ou une personne y ayant un droit de propriété spécial ou un intérêt spécial, de cette chose ou de son droit ou intérêt dans cette chose;

[…]

(3) [Secret] La prise ou le détournement d'une chose peut être entaché de fraude, même si la prise ou le détournement a lieu ouvertement ou sans tentative de dissimulation.

Appuyant ses prétentions sur force jurisprudence dont elle tire les éléments suivants:

-        l'intention de retourner le bien n'annule pas le vol (8) ( Léo Lafrance c. La Reine, [1995], 2 R.C.S. 201)

-        il y a vol même si l'enlèvement est de courte durée et que le propriétaire ne s'en est pas a perçu (9) ( Alcide Yelle c. La Reine, C.A. 500-10-000141-836)

-        l'intention de rembourser n'annule pas le vol (10) ( La Reine c. Kenneth , C.Q. 500-01-016886-910, 21 janvier 1993 J.E. 93-477 juge Joël Guberman)

-        il y a vol lorsque la personne retire de l'argent en sachant qu'il ne lui appartient pas (11) La Reine c. Racicot , C.S.P. 500-01-000560-851, 27 juin 1985, juge Jean Sirois)

[…]

L'arbitre considère que l'acte posé par Mme Jetté-Piché est un geste stupide et irréfléchi. Qu'il le dise simplement. Sa conclusion à cet égard n'est certes pas déraisonnable. Sa position privilégiée, lui qui a pu entendre, voir et apprécier la preuve, soupeser les témoignages, juger de la crédibilité des témoins lui permettait de conclure, comme il l'a fait, que la mise-en-cause n'avait aucune intention coupable.

La Banque propose la définition du Code criminel. Elle doit l'assumer dans toutes ses composantes et l'intention coupable en est une. Et cette intention est une question de faits dont l'appréciation appartient à l'arbitre. L'arbitrage de griefs n'est pas un forum pénal, l'arbitre le souligne. La prépondérance de preuve l'amène à conclure au geste bête et non au vol, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. L'arbitre aurait pu mieux le dire, mais sa conclusion est raisonnable.

 

[179]      Me Huguette April, arbitre, dans l’affaire Syndicat de l’enseignement de la région de Québec (CSD) Et Commission scolaire de la Capitale , AZ-50834289 , décision en date du 16 février 2012, s’exprimait ainsi :

[181]    Dans l'affaire Syndicat des employées et employés de soutien du Collège de l'Outaouais 30 (Voir décision no 6 de l’annexe sous la rubrique décisions déposées par l’Employeur), un technicien en informatique a été suspendu pour s'être approprié une carte vidéo appartenant au collège. Il est admis que le salarié avait cette carte en sa possession pendant 3 semaines, il l'a retirée de l'ordinateur du collège et l'a remplacée par une des siennes. Il a installé la carte du collège sur son ordinateur. La preuve révèle, de plus, qu'il a reconnu l'avoir prise lors de l'enquête de l'employeur. À l'audience, il a expliqué avoir pris cette carte parce qu'il voulait la tester et se tenir à jour, mais n'avoir pas eu le temps de faire tous les tests qu'il voulait avant que la disparition de la carte soit signalée. Le syndicat soutient qu'il s'agit non pas d'un vol, mais d'un emprunt. L'arbitre Ginette Gosselin retient cet argument, la preuve ne lui permettant pas de retenir qu'il avait l'intention de la garder. Elle estime toutefois qu'un emprunt sans autorisation constitue tout de même une faute qui mérite certainement une sanction. Elle modifie la sanction de 4 mois imposée par l'employeur en un (1) mois en tenant compte de l'ensemble des circonstances et du fait que l'employeur avait imposé 4 mois pour vol alors que sa conclusion est qu'il s'agit d'un emprunt.

[…]

[185]    Il importe de souligner que dans cette décision, l'arbitre considère qu'en matière d'arbitrage, la notion de vol telle que définie dans le Code criminel ne s'impose pas d'emblée, et ce pour les raisons qu'elle expose comme suit :

« Les juridictions impliquées sont différentes et, comme le dirent les auteurs D ' Aoust, Leclerc et Trudeau :

L ' analogie avec le droit criminel porte à critique à notre avis. Il est pertinent de souligner que les rôles du juge et de l ' arbitre de griefs diffèrent substantiellement. Comme le souligne à propos l ' arbitre L. Bélanger :

Notre rôle ne consiste donc pas à prouver la culpabilité ou non du plaignant, mais bien de chercher à savoir si l ' employeur avait des raisons valables et suffisantes pour conclure à l ' appropriation d ' alcool et d ' imposer un congédiement par la suite.

Mais une raison encore plus fondamentale s ' oppose à l ' utilisation de la notion de vol criminel en arbitrage de griefs. C ' est que la notion de sens commun s ' en éloigne considérablement. Jeremy Bentham définissait le vol comme « la soustraction d ' une chose appartenant à autrui par une personne qui n ' a pas de droit à la chose et qui est consciente de son absence de droit ». Pourtant, si l ' on ajoute la fraude au vol ces deux infractions totalisent à elles seules une cinquantaine d ' articles du Code criminel. Il s ' ensuit qu ' il serait abusif d ' exiger que les parties respectent dans les rapports collectifs les exigences du droit criminel, par exemple, quant l ' arbitre est appelé à évaluer l ' insuffisance alléguée des motifs de congédiement fournis par l ' employeur et que ceux-ci s ' apparentent au vol ou à la fraude. »

[…]

[189]     Dans l'affaire impliquant la SPCA 37 (Voir no 4 de l’annexe sous la rubrique décisions et doctrines déposées par le Syndicat.), 2 salariées ont été congédiées aux motifs qu'elles avaient volé des sacs de nourriture destinés aux animaux. L'employeur allègue qu'une politique établit clairement que les salariés ne peuvent prendre des sacs de nourriture que lorsqu'ils accueillent des animaux de la SPCA à leur domicile, et ce avec l'autorisation du superviseur. Selon le syndicat, cette politique n'est pas connue, elle a été affichée, d'ailleurs, après le congédiement. Il soutient de plus que les salariées avaient obtenu l'autorisation du superviseur et l'une d'elles accueillait des animaux de la SPCA à son domicile. La preuve révèle qu'effectivement cette politique n'était pas connue et que plusieurs salariés prenaient des sacs de nourriture sans permission au vu et au su de tous, et ce depuis plusieurs années. Cela semblait même être une pratique. Enfin, la preuve révèle également que l'employeur n'a pas mené une enquête sérieuse omettant de vérifier, par exemple, si les salariées avaient obtenu une autorisation. Il n'a pas vérifié les règles et pratiques en vigueur au moment des incidents. L'arbitre Jean M. Gagné accueille le grief étant donné l'ambiguïté et les règles floues quant à la politique concernant les sacs de nourriture pour animaux et le fait que les plaignantes, selon la preuve, n'ont jamais eu l'intention de spolier l'employeur. Selon l'arbitre, l'employeur se devait de présenter une preuve beaucoup plus substantielle quant à l'intention de voler.

[…]

[193]    Dans cette décision, bien que l'arbitre n'élabore pas comme tel sur l'importance d'établir l'intention de voler pour établir qu'il y a vol, il s'en préoccupe lors de l'analyse de la preuve. Il ressort également de cette décision que l'intention de voler ou non peut s'inférer notamment du comportement de la personne en cause.

[…]

[207]    En somme, selon la Cour supérieure, l'utilisation de la définition du mot vol énoncée au Code criminel ne rend pas la décision de l'arbitre pour autant déraisonnable dans la mesure toutefois où le degré de preuve requis est celui de la prépondérance de la preuve et non celui du hors de tout doute raisonnable. L'utilisation des 2 éléments constitutifs de cette infraction tels que définis au Code criminel à savoir l'appropriation de bien sans apparence de droit et l'intention coupable a également été retenue par d'autres arbitres sans que ceux-ci réfèrent pour autant à la définition énoncée au Code criminel . Ainsi, l'arbitre Jean-Guy Ménard dans l'affaire Provigo l'Ormière 43 (Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 503, et Supermarché. Roger boulé inc (Provigo l'Ormiére), arbitre Jean-Guy Ménard, 2 août 2002, AZ- 02141246 page 15 voir aussi Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1620, et Ville de Deux-Montagnes, arbitre Pierre Laplante 20 août 2005 AZ-50327319 , voir également du même arbitre Le Syndicat des travailleurs(euses) de la station Mont-Tremblant (CSN) et Station Mont-Tremblant, 6 mars 2006, AZ-5036557; Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-canada) FTQ ,section locale 698 et Cara cuisine de l'air (Dorval), Arbitre Diane Fortier, 11 mars 2010, AZ-506118031.) écrit ce qui suit :

«Le vol représentant une appropriation frauduleuse et sans droit d ' un bien d ' autrui, il va donc de soi, comme je l ' ai déjà indiqué dans une autre affaire, « de s ' arrêter aussi bien à l ' aspect "appropriation du bien d ' autrui" comme telle qu ' aux circonstances dans lesquelles elle s ' est inscrite, l ' objectif de la démarche étant d ' établir si, en plus de la froide réalité des choses, il y aurait des signes révélant au surcroît une intention malhonnête ou frauduleuse qui affecterait significativement la possibilité de croire à une éventuelle reprise de la relation de confiance entre les intéressés ».4 En d ' autres termes, avoir à décider du bien-fondé d ' un congédiement pour vol, ce n ' est pas juste une question d ' établir s ' il y a eu ou non appropriation d ' un bien de l ' employeur, mais c ' est aussi une affaire d ' analyse des intentions qui apparaissent ou non du comportement du salarié en cause et qui peuvent ou non affecter irrémédiablement le lien de confiance. C ' est dire, en définitive, qu ' il faut s ' intéresser aux deux principales composantes d ' un vol, soit à l ' appropriation sans droit et à l ' intention frauduleuse, pour vérifier si la preuve permet de conclure qu ' il y eu vol et si elle autorise à penser qu ' il y avait là matière à congédiement, notamment parce que la confiance ne peut plus exister entre les parties impliquées.»

[…]

[235]    J'ai examiné les décisions déposées et dans lesquelles les arbitres ont modifié la mesure imposée pour vol en l'absence de preuve de l'intention de malhonnêteté ou de voler. Ainsi, l'arbitre Lyse Tousignant dans l'affaire Yamaska 51 (No 4 de l'annexe sous la rubrique décisions déposées par l'Employeur) (commentée au paragraphe 184) a estimé que le salarié congédié pour vol de matériel avait en fait commis une étourderie monumentale et elle a modifié le congédiement en une suspension de 10 mois, suspension qu'elle qualifie de sévère. Dans l'affaire Syndicat des employées et employés de soutien du collège de l'Outaouais 52 (No 6 de l'annexe sous la rubrique décisions déposées par l'Employeur.) (commenté au paragraphe 181), l'arbitre Gosselin, après avoir conclu que la preuve ne permettait de conclure que le technicien en informatique aurait gardé la carte vidéo, a estimé qu'il s'agissait d'un emprunt et non d'un vol et a modifié la suspension de 4 mois en une suspension d'un (1) mois en tenant compte de l'ensemble des circonstances. Elle précise que cette faute ne peut être assimilée à une peccadille et que même s'il ne s'agit pas d'un vol, la sanction doit refléter la gravité de la faute.

[236]    Dans l'affaire Les Portes Cascades inc 53 (Syndicat des travailleurs et travailleurs des Portes Cascades (CSN), arbitre Jacques Doré, 18 avril 2006 AZ-50368819 par 47 et 55 L'arbitre a également pour déterminer la durée de la suspension pris en compte le dossier du salarié notamment), décision non déposée, l'arbitre Jaques Doré est saisi d'un grief contestant un congédiement pour vol de rebuts de bois de très peu de valeur. Après analyse de la preuve, l'arbitre conclut que le salarié a effectivement pris les pièces de bois mais le comportement du salarié, en posant ces gestes, l'incline à croire qu'il n'avait pas l'intention ni l'impression de voler l'Employeur. L'arbitre modifie le congédiement, il estime néanmoins que cet acte qu'il qualifie d'insubordination grave apparenté à un vol méritait une sanction importante.

[237]    Dans l'affaire Provigo L'Ormière 54 (Supra note no 43. pages 17 à 19), l'arbitre Jean-Guy Ménard est saisi d'un grief contestant un congédiement pour vol. Il est reproché au plaignant de s'être approprié une poupée dans la section des accessoires, de l'avoir mis dans son casier sans autorisation et sans la payer, contrevenant ainsi à la politique d'achat en magasin. L'arbitre résume les éléments pertinents de la preuve comme suit

«En substance, la preuve nous apprend qu ' en se présentant à son quart de travail, le 5 janvier 2001, monsieur Giguère a remarqué dans un présentoir une revue à laquelle était jointe une poupée que sa fille collectionnait. Préoccupé de mettre rapidement ces items à l ' abri parce qu ' ils s ' écoulaient dans le temps de le dire, il a résolu de les déposer dans son casier avec l ' intention de les payer plus tard puisqu ' il n ' avait pas d ' argent sur lui, a-t-il d ' abord avoué, et/ou puisqu ' il n ' avait pas le temps de le faire vu l ' achalandage, a-t-il rajouté par la suite et lors de l ' audition. Quoi qu ' il en soit, il s ' est dirigé sans cacher ce qu ' il avait en mains vers la salle de pause et il s ' est même arrêté à la charcuterie pour en discuter avec une collègue de travail. Après avoir remisé la revue et la poupée dans sa case, il a poinçonné sa carte et a commencé à travailler jusqu ' à sa pause-repas qui a été repoussée d ' une quinzaine de minutes à cause d ' une livraison tardive, ce qui lui laissait quand même plus ou moins quinze (15) minutes pour passer aux caisses. En revoyant ses effets dans son casier à son départ pour sa pause, il s ' est dit qu ' il les paierait le lendemain, sachant qu ' il avait d ' autres achats à faire, ce qu ' il n ' a pas eu l ' occasion de faire puisque dans les minutes qui ont suivi son retour de pause, il a été relevé de ses fonctions.

À mon point de vue, ces éléments de faits, qui ne sont incidemment pas contestés, révèlent sans l ' ombre d ' un doute qu ' il y a eu une forme d ' appropriation sans droit puisqu ' il y a eu prise de possession sans payer ; ils ne permettent cependant pas pour autant d ' y associer une intention frauduleuse. Si monsieur Giguère avait sorti la revue emballée avec une poupée de l ' établissement par un subterfuge quelconque, s ' il avait tenté de se cacher ou de les dissimuler d ' une façon ou d ' une autre pour les éliminer de la vue de quiconque, s ' il y avait eu de sa part préméditation, calcul ou stratagème pour s ' en approprier sans payer, on pourrait fort probablement s ' autoriser de penser qu ' il était animé par des intentions malhonnêtes ou frauduleuses.

Mais à bien y regarder, il est manifeste qu ' on n ' est pas face à un individu qui cherchait à déjouer le système et qui avait l ' idée de s ' avantager aux dépens de son employeur ; on est plutôt devant quelqu ' un qui avait pour objectif et pour unique préoccupation de prendre possession d ' une poupée que sa fille collectionnait et de la mettre à l ' abri le plus rapidement possible

 

[180]      D’une sentence rendue par Me Jean Barrette, arbitre, dans l’affaire Syndicat des croupiers du casino du Lac-Leamy, SCFP section locale 3993 Et La société des casinos du Québec inc. (Casino du Lac-Leamy) , AZ-50865010 , décision datée le 18 mai 2012, on nous cite :

[88]      L'employeur soutient que les manquements du plaignant à l'une ou l'autre des dates des incidents constituent de la fraude qui a eu pour effet d'entacher la réputation d'honnêteté et d'intégrité de son établissement et que cette conduite ne peut être tolérée dans un casino comme celui du Lac-Leamy.

[87]      Le Tribunal croit important avant d'analyser toutes les circonstances entourant le congédiement du plaignant d'énoncer les principes de droit développés par nos tribunaux dans le cas de congédiement d'un employé pour des motifs liés à un comportement malhonnête de celui-ci. En effet, depuis la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2001 dans l'affaire Martin Richard McKinley c. BC Tel Bristish Columbia Telephone Company et als (rapportée à 2001 2 R.C.S.161) le congédiement n'est plus, en soi, la seule mesure qui peut être imposée à un salarié pour un comportement malhonnête. Cette Cour a alors énoncé des règles qui devaient guider un tribunal avant de maintenir la mesure ultime qu'est le congédiement pour un salarié. Depuis cet arrêt, nos tribunaux d'arbitrage ont dû suivre ces enseignements et traiter chaque cas comme un cas d'espèce.

[88]      Plus particulièrement, certains passages de cette décision méritent d'être repris pour comprendre la démarche que le Tribunal est tenu de suivre. Au nom de la Cour, le Juge lacobucci énonce ainsi, aux pages 187 à 190 de ce jugement, la norme applicable :

« 3 . La norme applicable pour déterminer si et dans quelles circonstances la malhonnêteté constitue un motif valable de congédiement.

À la lumière de l'analyse qui précède, je suis d'avis que, pour déterminer si un employeur est en  droit de congédier un employé pour cause de malhonnêteté, il faut apprécier le contexte de l'inconduite alléguée. Plus particulièrement, il s'agit de savoir si la malhonnêteté de l'employé a eu pour effet de rompre la relation employeur-employé, Ce critère peut être énoncé de plusieurs façons. On pourrait dire, par exemple, qu'il existe un motif valable de congédiement lorsque la malhonnêteté viole une condition essentielle du contrat de travail, constitue un abus de la confiance inhérente à l'emploi ou est fondamentalement ou directement incompatible avec les obligations de l'employé envers son employeur.

Selon ce critère, le juge de première instance doit demander au jury de déterminer (1) si la preuve démontre, selon la prépondérance des probabilités, que l'employé a adopté un comportement dolosif et (2), dans l'affirmative, si la nature et la gravité de la malhonnêteté justifiaient un congédiement. À mon sens, le second volet de ce critère ne mélange pas des questions de fait et de droit. L'évaluation de la gravité de l'inconduite exige plutôt que les faits démontrés au procès soient soigneusement examinés et soupesés.  Il s'agit donc pour le jury d'entreprendre un examen factuel.

Bien qu'une jurisprudence abondante étaye ce point de vue, comme je l'ai mentionné plus haut, un second courant jurisprudentiel semble le contredire en laissant entendre qu'un comportement malhonnête constitue toujours un motif de congédiement, peu importe les circonstances qui l'ont entouré. Cependant, si on examine de plus près cette jurisprudence, on constate qu'elle favorise en réalité une approche contextuelle. Comme nous l'avons vu, il y était question de malhonnêteté symptomatique d'une inconduite générale très grave. Dans la plupart des cas, les tribunaux  étaient saisis d'allégations que l'employé avait projeté intentionnellement de tirer un profit ou  gain pécuniaire auquel il n'avait pas droit, et ce, au détriment de son employeur. Un tel comportement s'apparentait souvent à un type de fraude grave et les tribunaux l'on explicitement qualifié ainsi.

Cela étant, je suis d'avis qu'il ressort de la jurisprudence pertinente qu'il faut recourir à une approche contextuelle pour déterminer si la malhonnêteté d'un employé constitue un motif valable de congédiement.  Dans certains cas, le recours à cette approche peut entraîner d'âpres résultats. D'après la jurisprudence examinée en l'espèce, il y a motif de congédiement lorsqu'on conclut qu'il y a eu vol, malversation ou fraude grave. Cela est compatible avec le raisonnement adopté dans l'arrêt Lake Ontario Portland Cernent Co. C. Groner , [1961] R.C.S. 553, où notre Cour a jugé qu'il y a matière à congédiement pour cause de malhonnêteté lorsqu'un employé agit frauduleusement à l'égard de son employeur. Ce principe repose nécessairement sur un examen de la nature de l'inconduite et des circonstances l'ayant entourée. Le tribunal qui ne procéderait pas à cet examen ne pourrait pas conclure que la malhonnêteté dont on a fait preuve était de nature profondément frauduleuse et qu'elle était donc suffisante pour justifier un congédiement sans préavis.

Cela ne signifie pas qu'il ne saurait y avoir de sanctions moins sévères pour des types d'inconduite moins graves. Par exemple, un employeur peut être en droit de déduire du salaire d'un employé toute somme d'argent perdue à la suite d'une mauvaise utilisation mineure des biens de l'entreprise. Il s'agit là d'une des nombreuses mesures disciplinaires qu'un employeur peut prendre dans ces circonstances.

C'est le principe de la proportionnalité qui sous-tend l'approche que je propose, Il faut établir un  équilibre utile entre la gravité de l'inconduite d'un employé et la sanction infligée.   On saisit mieux l'importance de cet équilibre si on tient compte du sens de l'identité et de la valorisation que les gens tirent fréquemment de leur emploi, un concept qui a été étudié dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.) . [1987] 1 R.C.S. 313 , où le juge en chef Dickson (dissident) a déclaré, à la p. 368 :

Le travail est l'un des aspects les plus fondamentaux de la vie d'une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L'emploi est une composante essentielle du sens de l'identité d'une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel.

Notre Cour a, par la suite, cité ce passage en l'approuvant dans l'arrêt Machtinger c. HOJ Industries Ltd. , [1992] 1 R.C.S. 986 , p.1002, et dans l'arrêt Wallace , précité, par. 95. Dans l'arrêt Wallace , les juges majoritaires ont développé cette notion en précisant que l'emploi lui-même n'est pas seulement essentiel à l'identité d'une personne, mais que « la façon dont il eut être mis fin à un emploi revêt tout autant d'importance ».

Compte tenu de cette reconnaissance du fait que l'emploi est une composante essentielle de la vie et de l'identité des personnes dans notre société, la prudence est de mise lorsqu'il s'agit de façonner des règles et des principes de droit qui permettront de mettre fin sans préavis à la relation employeur-employé. L'importance de cette prudence ressort de l'inégalité du rapport de force qui, selon notre Cour, caractérise la plupart des aspects de la relation employeur-employé. Dans l'arrêt Wallace, tant les juges majoritaires que les juges dissidents ont reconnu l'inégalité du pouvoir de négociation qui caractérise habituellement ces relations et qui rend les employés vulnérables face à leur employeur. On a de plus reconnu que cette vulnérabilité subsiste, et s'accentue d'autant plus, au moment du congédiement.

Compte tenu de ces facteurs, la règle absolue et inconditionnelle que la Cour d'appel a adoptée en l'espèce me pose un problème sérieux. Suivant son raisonnement, un employeur serait en droit de congédier un employé pour un seul acte malhonnête, si négligeable soit-il. En conséquence, la malhonnêteté entraînerait les mêmes conséquences, peu importe que le comportement reproché ait été ou non suffisamment insigne pour miner ou ébranler les obligations et la confiance inhérentes à la relation employeur-employé.

Une telle approche pourrait favoriser des résultats à la fois déraisonnables et injustes. En l'absence d'une analyse des circonstances ayant entouré l'inconduite alléguée, de sa gravité e de la mesure dans laquelle elle a influé sur la relation employeur-employé, il se pourrait bien que le congédiement pour un motif aussi moralement déshonorant que la « malhonnêteté » soit lourd de conséquences pour un employé. En outre, permettre le congédiement pour un motif valable dans tous les cas où le comportement d'un employé peut être qualifié de « malhonnête » aurait injustement pour effet d'accroître la position de force des employeurs dans la relation employeur-employé.

Pour les motifs qui précèdent, je préconise un cadre analytique qui traite chaque cas comme un cas d'espèce et qui tient compte de la nature et de la gravité de la malhonnêteté pour déterminer si  elle est conciliable avec la relation employeur-employé. Une telle approche réduit le risque qu'un employé soit pénalisé indûment par l'application stricte d'une règle catégorique qui assimile toutes les formes de malhonnêteté à un motif valable de congédiement. En même temps, cette approche soulignerait à juste titre que la malhonnêteté qui touche au coeur même de la relation employeur-employé peut constituer un motif valable de congédiement. » (...)

(nos soulignés)

[91]      Avant cette décision phare de la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel du Québec, en 1998, avait déjà adopté cette approche dans le cas de congédiement pour vol. Dans l'affaire Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, local 503 c. Henri Gendreau et Centre Agricole COOP de la Matapédia (Coopérative fédérée de Québec) rapportée à 1998 DTE-275) en appel d'une décision de la Cour supérieure sur une requête en révision judiciaire d'une décision rendue par un arbitre de grief ayant maintenu un congédiement d'un salarié pour avoir volé deux (2) manches à balai d'une valeur de 1.40$ chacun, madame la Juge Luise Otis écrivait aux pages 40 et 41 du jugement :

«   Devant l'arbitre, l'établissement de la cause du congédiement, soit le vol, mettait en relief essentiellement les versions contraires du gérant de l'employeur et de l'employé Hugues Robichaud. À cet égard, les conclusions de fait de l'arbitre, tant en regard de la détermination du vol que de l'adéquation de la sanction, dépendaient largement de la crédibilité qu'il accordait au témoignage de Huges Robichaud.

  Dans le cadre de sa mission d'adjudication, l'arbitre a déterminé, dans un premier temps, qu'il y avait eu commission d'un vol. Après avoir conclu à la commission d'un acte malhonnête, l'arbitre a immédiatement analysé la mesure disciplinaire dans les termes suivants : « Compte tenu que la preuve révèle que monsieur Robichaud a pris volontairement des biens propriété de son employeur, nous devons rejeter le grief », sans prendre en compte, véritablement, si la gravité de l'acte répréhensible justifiait nécessairement un congédiement.

  Le manquement de l'arbitre ne se rapporte pas à un exercice d'adéquation disciplinaire exagérément sommaire ou souffrant d'une motivation insuffisante. Il est question de l'absence d'examen de la sanction appropriée entraînant, par implication nécessaire, un rapport causal entre le vol et le congédiement.  Or à moins Que la convention collective ne le prévoie expressément, il n'y a pas de lien d'inférence nécessaire entre le vol et le congédiement (art. 100.12 f) du Code du travail. Seules les circonstances particulières à chacun des dossiers soumis à l'examen décisionnel  de l'arbitre révéleront si la mesure extrême doit être homologuée. Cet exercice d'appréciation doit être effectué équitablement et avec le plus grand soin puisqu'il est indéniable qu'un salarié congédié pour vol voit ses perspectives de réemploi sérieusement compromises en même temps que sa réputation lourdement entachée.

  Dans l'exercice de sa compétence. l'arbitre - in forum judiciaire exclusif - doit s'acquitter de la mission décisionnelle entière que lui a conférée le législateur. Dans l'arrêt Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.ES.O., district 15 , M. Le juge Cory écrit :

La première étape de tout examen de la question de savoir si un employé a été congédié pour une « cause juste » consiste à se demander si l'employé est effectivement responsable de la mauvaise conduite que lui reproche l'employeur. La deuxième étape est de déterminer si la mauvaise conduite constitue une cause juste justifiant les mesures disciplinaires. La dernière étape consiste à décider si les mesures disciplinaires choisies par l'employeur sont appropriées compte tenu de la mauvaise conduite et des autres circonstances pertinentes.   [... ]

Lorsqu'ils décident s'il existe une cause juste justifiant la mesure disciplinaire particulière choisie par l'employeur, les arbitres doivent apprécier la gravité de la mauvaise conduite dans le contexte des circonstances existantes. Parmi ces circonstances, mentionnons, dans les cas appropriés, des aspects comme l'ancienneté de l'enseignant et son rendement jusque-là.

Dans cet arrêt, la Cour suprême avait à décider, notamment, si dans le cadre de la dernière étape le conseil d'arbitrage avait commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant que le congédiement constituaient une mesure disciplinaire trop sévère. La Cour suprême détermina que l’absence de preuve d’une mauvaise conduite passagère rendait la décision du conseil d’arbitrage manifestement déraisonnable.  » (…)

[…]

[111]    À cet égard, la politique de l'employeur quant à l'application des règles du suivi des mises des joueurs jouant en couple à une même table de jeu n'est pas écrite et son application n'est pas uniforme. Les témoignages du salarié dénonciateur, monsieur Fortin, et celui du chef des opérations, monsieur Landry, divergent et démontrent que l'employeur n'a pas véritablement, après toutes ces années, transmis une politique claire sur le suivi de jeu de personnes qui jouaient ensemble à une même table de jeu. Celle-ci est ici le fondement de la mesure disciplinaire au plaignant. Plus encore, la preuve sur la formation donnée au superviseur intérimaire « SDO » est sommaire, environ une heure et demi (1 1/2) avec un autre superviseur et elle n'a pas été mise à jour depuis de nombreuses années. Il en va de même pour celle applicable aux croupiers. Le suivi quotidien mis en preuve au début d'un quart de travail ne semble pas plus structuré.

[…]

[129 ]    Objectivement, la preuve ne permet pas au Tribunal de conclure à la rupture irrémédiable du lien de confiance du plaignant envers l'employeur et ce malgré l'allégation de ce dernier selon laquelle sa réputation et son intégrité sont une priorité pour le bien-être de l'entreprise. Ce dernier n'a pas réussi à convaincre le Tribunal que le congédiement du plaignant était alors une mesure juste et raisonnable.

[…]

 

[181]      M. Jean-Louis Dubé, arbitre, dans l’affaire Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 (TUAC 500) Et Super C, une division de Métro-Richelieu inc. (Établissement, rue Atwater, Montréal) , AZ-50432319 , décision en date du 1 er mai 2007, écrivait ce qui suit :

[…] La preuve a en effet révélé que, même si le geste de la réclamante était répréhensible et constituait une faute, elle avait une intention réelle de payer les produits avec lesquels elle est partie. De plus, il est très évident qu'elle a posé son geste, non seulement sans se cacher, mais sans même essayer de le faire. Elle a même agi de façon très ouverte et ostensible en sachant très bien que l'employeur l'apprendrait. Elle n'a jamais nié avoir posé ce geste ni son caractère répréhensible, l'expliquant par le fait qu'elle a agi sans réfléchir. Si on ajoute à tout cela le comportement de la réclamante devant le tribunal, il m'apparaît qu'il y a une preuve très fortement prépondérante à l'effet que le lien de confiance n'était pas rompu. De façon plus précise, il m'apparaît que pour un employeur moyen du secteur de l'alimentation placé dans les mêmes circonstances, il n'y a aucune conclusion à l'effet que le lien de confiance est irrémédiablement rompu.

 

[182]      Me Denis Tremblay, arbitre, dans l’affaire Le syndicat démocratique des employés de garage Saguenay-Lac-Saint-Jean (CSD) et Maison Mazda , AZ-50929412 , décision en date du 18 octobre 2012, s’exprimait comme suit :

§   Ce que l'employeur lui reproche en S-10, c'est d'avoir fait un usage non autorisé de la carte de crédit de la compagnie à des fins personnelles, de s'en être servi pour faire des retraits pour boire dans un bar de danseuses jusqu'aux petites heures du matin et par la suite, d'avoir tardé à aviser son employeur de ses retraits, de les avoir niés au départ pour ensuite les admettre sauf les deux tentatives de retraits de 200 $ du 24 septembre autour de minuit. Il lui reproche de façon générale son manque de sérieux alors qu'il était là en formation et qu'il aurait dû se présenter à ses cours frais et dispos.

[…]

Les points positifs

§   Il est clairement ressorti de la preuve que le plaignant n'a pas cherché à voler son employeur lors de cet épisode, ni avant ni après d'ailleurs. Cela aurait été trop naïf de sa part de procéder de cette façon pour penser que c'est ce qu'il cherchait à faire.

§   Dès son retour au travail, il a pris les devants et a informé Nathalie Verreault des retraits et dépenses personnelles qu'il avait faits avec la carte de crédit du garage.

§   Le plaignant s'est aussi relativement bien conduit à son retour à Saint-Félicien devant un employeur qui fut très agressif à son égard.

[…]

[46]   Je suis de l'avis du syndicat à l'effet que cette inconduite du plaignant ne méritait pas une suspension aussi longue que celle suggérée par l'employeur en l'espèce mais je crois que le plaignant doit être suffisamment sanctionné pour n'être plus tenté de récidiver et que la sanction imposée doit être assez sévère pour avoir un caractère exemplaire auprès de tous les autres salariés.

EN CONSÉQUENCE, pour tous ces motifs , l'arbitre soussigné :

FAIT PARTIELLEMENT DROIT à la requête en fixation du quantum du plaignant;

Cependant, RÉDUIT la suspension du plaignant pour l'étende du 30 septembre 2009 au 31 décembre 2009;

ORDONNE à l'employeur de verser au plaignant le salaire et les avantages qu'il aurait obtenus pour la période du 1 er janvier 2010 au 8 novembre 2010 s'il avait été au travail, moins les revenus qu'il a pu recevoir de d'autres sources pendant la même période, plus les intérêts légaux.

CONSERVE juridiction pour établir le quantum des sommes dues au plaignant suite à la présente décision, s'il y a lieu.

 

[183]      Dans une sentence rendue dans l’affaire Syndicat des salariées et salariés du Maxi Chibougamau (CSN) Et Provigo distribution inc. - Maxi Chibougamau , AZ-50711426 , décision en date du 25 juin 2010, Me André Truchon, arbitre, écrivait :

[82]   La preuve a révélé que la politique chez l'employeur concernant la consommation de marchandise est claire et connue de tous, dont la plaignante elle-même qui signe chaque année une formule (comme les autres travailleurs) où elle déclare connaître la politique sur la marchandise.

[83]   Comme nous l'a expliqué l'employeur, les vols (internes et externes) sont des problèmes importants chez l'employeur et au nombre de travailleurs, tout accroc à cette politique doit être sanctionné sévèrement afin d'éviter toute répétition de ce genre de comportement.

[84]   La jurisprudence est abondante en cette matière et les cas sont nombreux dans ce type de reproches faits aux travailleurs qui s'approprient les biens de l'employeur.

[85]   Chaque dossier doit être examiné à son mérite et à quelque part le cas demeure unique puisque les circonstances des dossiers ne sont jamais les mêmes.

[86]   Dans le présent cas, il ne fait aucun doute que la plaignante a enfreint le règlement interne qu'elle connaissait en matière de consommation de marchandise sur les lieux de travail et pendant les heures de travail.

[87]   La plaignante a consommé aux yeux de tous un bâtonnet de réglisse rouge. L'infraction à l'encontre du règlement est là, mais peut-on parler de vol ?

[88]   Les circonstances, un bris accidentel de l'emballage, le moment de la journée, en fin de quart, son comportement, elle dépose le paquet en face d'elle sur une table puis à la caisse de Guylaine Pageau, nous amènent à conclure que la plaignante n'a jamais eu l'intention de s'approprier le bien.

[89]   Elle a agi aux yeux de tous croyant à tort que cet écart en fait n'en était pas un, qu'elle pouvait consommer et passer ensuite à la caisse, compte tenu de la proximité de la fin du quart de travail.

[90]   La plaignante se trompait et sa lecture des règlements de l'employeur n'était pas la bonne, elle aurait dû payer d'abord et consommer après, comme on le mentionne partout et depuis toujours.

[91]   Il n'y a pas dans le comportement de la plaignante de malhonnêteté, elle n'avait pas l'intention de priver l'employeur de la propriété de l'un de ses biens en l'occurrence de la marchandise comestible.

[92]   Ceci étant déterminé, il nous faut maintenant voir si la sanction imposée est adaptée à la faute reprochée. Sur la compétence de l'arbitre en cette matière, on peut lire Madame la juge Otis :

"Or, à moins que la convention collective ne le prévoit (sic) expressément, il n'y a pas d'inférence nécessaire entre le vol et le congédiement (art. 100.12 f) du Code du Travail). L'appréciation des circonstances particulières à chaque cas doit être effectuée équitablement et avec le plus grand soin par l'arbitre puisqu'il est indéniable qu'un salarié congédié pour vol voit ses perspectives d'emploi sérieusement compromises et sa réputation lourdement entachée. Dans l'exercice de sa compétence exclusive, l'arbitre doit s'acquitter de la mission que lui a conférée le législateur, à savoir : 1) déterminer si l'employé est effectivement responsable de la mauvaise conduite que lui reproche l'employeur; 2) déterminer si la mauvaise conduite justifie les mesures disciplinaires; et 3) décider si les mesures disciplinaires choisies par l'employeur sont appropriées compte tenu de la mauvaise conduite et des autres circonstances pertinentes.

En l'espèce, cette troisième étape (adéquation de la sanction) paraît avoir été presque entièrement éludée par l'arbitre. Le fait de se référer à des extraits de sentences arbitrales maintenant le congédiement ne le dispensait pas d'examiner le sort du salarié en regard de ses caractéristiques personnelles et de sa situation générale au travail." (1) (Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503, c. Gendron. Juges  Beauregard, Otis et Letarte (ad hoc). Référence 98T-275.)

[93]   La plaignante a un dossier vierge, on ne peut rien lui reprocher sauf ce manquement aux règlements de l'employeur.

[94]   La plaignante n'a pas adopté un comportement déviant voulant priver l'employeur d'un bien. Elle a interprété et appliqué un règlement interne de l'employeur de la mauvaise manière.

[95]   L'intention n'était pas mauvaise mais le résultat l'était, voilà ce qui résume les faits qui nous ont été soumis.

[96]   Il n'y a pas lieu de chercher d'excuses chez la plaignante, elle connaissait le règlement et l'a mal appliqué, l'écart est net.

 

[184]      Pour Me Crevier, le Plaignant ne s’est pas fait prendre la main dans le sac. Il n’a pas eu l’intention de ne pas remettre, il n’a pas eu l’intention de se cacher.

 

Réplique de Me Audette

[185]      Le procureur patronal s’exprime ainsi en réplique :

1.       On dit que si le Plaignant avait pu prendre tout l’argent nécessaire de son père au départ, l’Employeur ne l’aurait jamais su. Donc, à plus forte raison, le lien de confiance ne peut plus exister.

2.       M. Tremblay aurait remboursé avec célérité, partie avant la suspension, partie le lendemain du congédiement. Il ne s’agit pas de circonstances atténuantes, cela est tout à fait normal.

3.       L’Employeur n’a pas à faire la preuve de la perte du lien de confiance. Cela s’infère des faits. L’Employeur n’a aucune façon de savoir que M. Tremblay ne recommencera pas.

4.       L’Employeur n’aurait pas indiqué comment traiter l’argent recueilli de la vente des billets. On n’a pas besoin de directive pour cela, réplique Me Audette. Rappelons-nous du délégué syndical qui rembourse le coût d’une tablette de chocolat pour que ça balance, dit-il.

5.       L’intention frauduleuse s’infère des faits. Il s’agit de l’intention de priver quelqu’un au moins temporairement d’un bien qui lui appartient.

 

Réplique de Me Crevier

[186]      Me Crevier, de nouveau, réfère le Tribunal au paragraphe 185 de la sentence arbitrale de Me Huguette April déjà citée, insistant pour dire que nous ne sommes pas ici pour appliquer les règles du droit criminel et réitérant les critères sur lesquels nous devons nous baser pour rendre notre décision.

 

V- ANALYSE

[187]      Le Tribunal a lu attentivement la très volumineuse jurisprudence qui lui a été soumise, il en a retenu les enseignements et c’est à la lumière de ces derniers qu’il procèdera comme l’indiquait Mme la juge Otis dans la sentence de l’arbitre Me André Truchon déjà citée.

Mme la juge Otis écrivait : «  Dans l'exercice de sa compétence exclusive, l'arbitre doit s'acquitter de la mission que lui a conférée le législateur, à savoir : 1) déterminer si l'employé est effectivement responsable de la mauvaise conduite que lui reproche l'employeur; 2) déterminer si la mauvaise conduite justifie les mesures disciplinaires; et 3) décider si les mesures disciplinaires choisies par l'employeur sont appropriées compte tenu de la mauvaise conduite et des autres circonstances pertinentes. ».

 

L employé est-il effectivement responsable de la mauvaise conduite qui lui reproche l Employeur ?

[188]      Le Plaignant allègue qu’il a suivi la méthode utilisée par d’autres employés. Il invoque la preuve à toute fin pratique non contredite à l’effet que le système, dénoncé fortement par le représentant des Teamsters dont l’avis pièce S-5 déjà reproduite est on ne peut plus clair, était connu de l’Employeur, faisait l’affaire de l’Employeur qui n’avait pas à manipuler l’argent, ne fournissait pas de monnaie pour entreprendre la journée et n’avait pas besoin de personnel présent au garage pour recueillir l’argent à la fin de chaque journée de chaque chauffeur. Les employés faisaient à la fois office de percepteur, de caissier, de fiduciaire et, à la limite, de banquier, avec les risques que cela comportait et la tentation ou même l’inévitabilité de confondre, à certains moments, argent personnel et argent à remettre éventuellement à un Employeur qui admet qu’il devait «  courir après les chauffeurs  » pour se faire rembourser.

[189]      En fait et en résumé, M. Tremblay soumet qu’il n’a pas commis de faute, qu’il n’a que fonctionné dans un système qui était là avant lui et qui a perduré jusqu’à ce qu’il s’adresse à son directeur qui ne connaissait pas le système, étant là depuis peu, pour utiliser ses paies de vacances pour se mettre à jour tel qu’il l’avait fait déjà une fois sans aucun problème en 2010.

[190]      Sans qu’il ne soit nécessaire de reprendre tous les faits déjà fidèlement résumés quant aux gestes posés par le Plaignant et malgré l’absence allégué de directives à l’effet de ne pas confondre son argent personnel avec celui perçu pour le compte de l’Employeur par la vente de billets de transport, malgré le laxisme d’une administration dont ne sont d’ailleurs pas responsables les dirigeants actuels qui ont déjà adopté différentes mesures pour corriger la situation, toute personne se voyant confier des tâches comportant des responsabilités importantes, dont celle de manipuler de l’argent, devrait avoir de façon instinctive des règles d’éthique qui s’imposent à elle d’emblée.

[191]      Faire comme les autres, fonctionner dans un système «  absurde  » comme le qualifiait M. Paquin dans la pièce S-5 et surtout l’utiliser à fond, bien au-delà de ce que la preuve a révélé par les exemples qui nous ont été donnés, constituent, selon le Tribunal, une faute, une mauvaise conduite, pour le moins un manque de jugement presque surprenant de la part d’une personne qui nous est apparue par ailleurs articulée, cohérente voire sympathique à certains égards et qui a témoigné avec une grande franchise.

[192]      Les  qualités que l’on peut reconnaître à M. Tremblay n’effacent pas sa faute et il y a lieu de passer à la deuxième étape de notre analyse.

 

La mauvaise conduite justifie-t-elle une mesure disciplinaire ?

[193]      La réponse à cette question est la plus facile à partir du moment où le Tribunal en vient à la conclusion, comme il l’a fait, qu’il y a eu faute. Et cette réponse est affirmative.

 

La mesure disciplinaire choisie par l Employeur est-elle appropriée compte tenu de la faute et des autres circonstances pertinentes ?

[194]      Concernant la gravité de la faute, il faut retenir entre autres ce qui suit :

·         Le montant «  utilisé  » est important.

·         L’«  utilisation  » des fonds dont le Plaignant était fiduciaire a été répétée, s’est étendue sur plusieurs semaines ou plusieurs mois.

·         Le Plaignant n’avait d’autres excuses que ses besoins personnels après avoir été placé dans une situation où il était «  pris à la gorge  », après avoir emprunté durant une période prolongée d'absence en maladie.

 

[195]      Concernant les autres circonstances, il y a lieu de considérer entre autres ce qui suit :

·           Même si cela n’était pas le fait et n’était pas connu de la direction qui a pris la décision de congédier M. Tremblay, il n’en reste pas moins qu’un système qualifié d’absurde par un représentant des travailleurs et un laxisme systémique sévissaient avant que ces nouveaux dirigeants ne prennent des mesures pour corriger la situation, sans doute au fur et à mesure et à l’occasion entre autres d’incidents ou de gestes qui révélaient une telle absurdité.

·           D’autres employés avaient «  abusé  » du système, l’un à cause d’un problème de consommations de drogues, l’autre à cause d’un problème de jeu. Madame Duval mentionne le cas d'une personne qui aurait financé son voyage dans le sud à même cette caisse qu'on devait balancer à des temps bien mal définis. Si le montant détourné ne se compare peut-être pas à celui qui est ici en cause, il n’en reste pas moins qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre les employés impliqués et aucun geste n’a été posé par l’Employeur, la preuve n’en faisant aucun état, pour éviter que la situation ne se reproduise. Les employés ont remboursé les sommes «  utilisées  » et certains ont été aidés à régler leurs problèmes personnels.

 

[196]      Par ailleurs, l’«  utilisation  » faite par le Plaignant de l’argent qu’il devait garder et remettre périodiquement suivait une période de maladie dont nous ignorons la nature, mais dont il allègue qu’elle avait contribué à le placer dans une situation financière difficile. Cependant, il dira, lors de son témoignage, qu’il avait déjà utilisé ce stratagème dès la première année de son embauche, sans alléguer de situation personnelle difficile à l’époque.

[197]      Il faut finalement, sans passer sous silence d’autres éléments de preuve de moindre importance, considérer le fait que M. Tremblay a lui-même révélé ce qu’il avait fait à son patron qui autrement l’aurait ignoré. Bien sûr, cela n’efface pas la faute, mais rend inévitable la question:«  Est-ce qu’un individu aussi naïf peut être foncièrement malhonnête ?  ».

[198]      Le Tribunal rappelle que la discipline est un instrument pour corriger et non pour punir. Est-ce qu’un individu sans dossier disciplinaire, qui fonctionne dans un système connu et toléré pendant des années, dénoncé par un représentant syndical plus particulièrement en mai 2007, dont il a abusé en 2013 et qu’il a révélé à la direction qui pouvait alors certes prendre des mesures contre lui mais également corriger une situation dont elle ignorait l’existence, mérite d’être congédié ?

[199]      Est-ce que l’exemplarité de la sanction nécessite qu’elle soit la plus sévère qui puisse être imposée ?

[200]      L’Employeur a-t-il à craindre une récidive de la part du Plaignant ou des agissements similaires de la part d’autres employés ?

[201]      La direction de l’entreprise est relativement nouvelle. Sa bonne foi et sa démarche ne sont aucunement en cause dans la présente affaire. La preuve révèle qu’il y a eu de très nombreux changements dans la direction de l’entreprise avant l’arrivée entre autres de M. Cloudsdale, à qui l’on ne peut rien reprocher et qui a témoigné de façon sereine, sans aucune agressivité à l’endroit du Plaignant, sans l’ombre d’une attitude vindicative à l‘égard de son ancien employé.

[202]      Sans faire preuve de la magnanimité qu’il revient à l’Employeur et à lui seul d’exercer, le Tribunal peut et doit intervenir dans le cas très spécifique et particulier qui nous occupe où une faute a été commise, faute qui, objectivement et en dehors des circonstances très particulières révélées par la preuve, ne justifierait pas notre intervention.

[203]      Le Tribunal doit tenir compte que lorsque la direction a pris sa décision, elle n’était pas au fait de toute la preuve qui a été faite devant nous et qui, sans excuser la faute du Plaignant, en minimise la gravité. L'enquête menée par l'Employeur n'a pas duré 24 heures. Le Plaignant a été suspendu en fin de journée le 8 juillet et dès le lendemain matin on convoquait M. Tremblay avec son représentant syndical pour lui annoncer qu'il était congédié. M. Cloudsdale ne pouvait sans doute pas interroger ses prédécesseurs au sujet du système insensé dont le Plaignant a profité et dont il avait déjà profité sans problème. L'eu-t-il fait que les réponses qu'il aurait reçues, soit d'anciens directeurs, soit de superviseurs anciens ou actuels, auraient été sujettes à caution, tous et chacun constatant après coup l'absurdité dudit système et n'étant certes pas portés à admettre d'emblée y avoir participé, voire l'avoir encouragé parce qu'il facilitait les choses pour l'Employeur et était bien commode pour les employés percepteurs, fiduciaires et même banquiers! Il devait bien y avoir une raison pour laquelle l'Employeur devait «  courir après son argent  » comme le dit M. Cloudsdale.  

[204]      La preuve révèle qu’en aucun temps le Plaignant n’a eu l’intention de garder pour lui l’argent qu’il percevait pour le compte de l’Employeur. On n’a pas eu à courir après lui «  pour être remboursé  » et on a changé le système qui faisait en sorte que la C.I.T. devait attendre de tels remboursements avant d’être payée elle-même. Elle déduit maintenant ce qui lui revient des sommes qu’elle doit verser à la compagnie de transport pour ses services.

[205]      En résumé, on est à mettre de l’ordre dans la maison et le Plaignant, malgré la répétition de ses gestes objectivement répréhensibles, serait à la fois celui qui aurait ouvert les yeux à la direction et le seul à être l’objet de la peine capitale.

[206]      En toute autre circonstance, le Tribunal se serait abstenu d'intervenir et de modifier la sanction imposée au Plaignant pour des gestes objectivement très répréhensibles et qui auraient justifié l'Employeur d'invoquer la perte définitive et irrémédiable du lien de confiance. Les circonstances de la présente affaire sont à la fois uniques, bizarres et ont été dénoncées aux prédécesseurs du directeur actuel qui a pris les mesures pour corriger la situation dont il a hérité. Sa bonne foi ne saurait être mise en doute, mais il aurait pu et, selon le Tribunal, aurait dû tenir compte du «  mauvais pli  » donné au personnel, des abus possibles auxquels la situation «  vulnérable  » dans laquelle étaient placés les chauffeurs donnait ouverture, s’il avait connu au moment de prendre sa décision tout ce qui a été révélé par la preuve.

[207]      De nouvelles façons de faire ont été adoptées. Des directives ou l'exemple de ce qui est arrivé au Plaignant auront mis fin au système dont ce dernier a profité.

[208]      Avec respect et, encore une fois, eu égard aux circonstances exceptionnelles de la présente affaire, nous croyons que le Tribunal doit intervenir en modifiant la peine la plus sévère qu'est le congédiement par une autre peine très sévère qui servira les fins de la justice et permettra d'atteindre les buts de la discipline.

 

VI- DÉCISION

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ANNULE le congédiement du Plaignant.

IMPOSE au Plaignant une suspension de six (6) mois sans salaire ou autres bénéfices.

ORDONNE en conséquence à l'Employeur de reprendre à son emploi M. François Tremblay à compter du 13 janvier 2014.

 

 

 

COPIE CONFORME

à l original signé :

 

Mario Létourneau

Arbitre

 

 

Pour le syndicat :

Me Marie-Ève Crevier

 

Pour l’employeur :

Me Jacques Audette

 

 

Dates d’audience :

25 septembre et 6 novembre 2013