Ovadia c. Revenu Québec (Sous-ministre de) |
2013 QCCQ 15872 |
|||
COUR DU QUÉBEC |
||||
(Division administrative et d'appel) |
||||
CANADA |
||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||
DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
|||
« Chambre c ivile » |
||||
N°: |
500-80-025561-136 |
|||
|
|
|||
|
||||
DATE: |
25 novembre 2013 |
|||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE DAVID L. CAMERON, J.C.Q. |
||||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
|
||||
ROBERT OVADIA |
||||
Appelante/Requérante |
||||
c. |
||||
|
||||
|
||||
SOUS-MINISTRE DE REVENU QUÉBEC Intimé |
||||
|
||||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
JUGEMENT |
||||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
[1] Le requérant, Robert Ovadia, demande la révision de la décision de Revenu Québec, Direction des oppositions, refusant sa demande de prorogation du délai d’opposition à deux avis de cotisation numéros MU317731C01 et MU691758C01, les deux datés du 31 mars 2011, concernant respectivement les années d’imposition 2008 et 2009.
[2] La demande de prorogation de délai a été incluse dans un avis d’opposition pour les deux cotisations datées du 15 novembre 2011 (A-7).
[3] La direction des oppositions a accusé réception de cette demande de prorogation par lettre datée le 17 janvier 2012 (A-8).
[4] Le 20 décembre 2012, la direction des oppositions a refusé la prorogation.
[5] Le 18 mars 2013, le requérant entreprend la présente requête en révision de la décision et initie en même temps un appel des avis de cotisation. Il va de soi que cet appel est prématuré, puisqu’il n’y a pas eu de décision sur l’opposition à cause du refus de proroger le délai. Advenant que la présente requête est accueillie, le dossier retournera au stade de l’opposition.
[6] Au soutien de sa requête en révision de la décision refusant la prorogation, le requérant allègue qu’il a été empêché par des problèmes de santé à faire son opposition dans le délai requis de 90 jours, que ce n’est que vers le 10 octobre 2011 qu’il était capable de s’occuper de ses affaires et qu’il a ainsi appris l’existence des avis de cotisation. En ce moment, il a communiqué avec son comptable à qui il a donné mandat de communiquer avec Revenu Québec et, éventuellement, préparer l’avis d’objection du 15 novembre.
[7] L’Agence du Revenu ne conteste pas la nature très sérieuse des problèmes de santé que le requérant a subis à partir du début de janvier 2011, mais elle conteste le bien-fondé de la prétention que monsieur Ovadia était empêché d’agir jusqu’au 10 octobre, et qu’il a agi dès que possible une fois l’incapacité levée.
QUESTION EN LITIGE
[8] Le Tribunal doit déterminer si le requérant a établi qu’il était dans l’impossibilité en fait d’agir à l’intérieur du délai normal pour contester ses cotisations, et que sa demande de prorogation a été présentée à Revenu Québec dès que les circonstances le permettaient.
[9] Du point de vue médical, le dossier de monsieur Ovadia est très convaincant. Il n’est pas contesté qu’il a été opéré à l’Institut de cardiologie de Montréal d’urgence le 3 janvier 2011, pour un problème d’aorte. De retour à la maison une semaine après l’opération, il était extrêmement fatigué et de plus en plus faible.
[10] Sa condition était telle qu’il avait de la difficulté à se tenir debout, et passait la plupart de son temps allongé au lit ou sur un sofa. Ce n’est qu’en fin d’octobre 2012 que sa condition s’améliore, en fonction de l’installation, le 26 octobre 2012, d’un pacemaker . Monsieur Ovadia déclare à la Cour qu’il est 25% mieux depuis. À l’audition, il se tient debout et témoigne de façon cohérente.
[11] Cependant, il mentionne qu’il a un certain problème de mémoire, et qu’il a subi un scan du cerveau, sans pour autant divulguer à la Cour les résultats de cet examen.
[12] Pour expliquer pourquoi il ne connaissait pas l’existence des cotisations avant octobre 2012, il dit que personne n’ouvrait son courrier personnel, ni lui, ni sa conjointe de fait, cette dernière n’ayant pas de rôle à jouer dans ses affaires strictement personnelles comme ses litiges avec Revenu Québec.
[13] Le dossier comporte une contradiction. L’avis d’opposition daté du 15 novembre 2011, et signé par monsieur Ovadia, comporte l’allégation suivante:
6. This notice of Objection is filed late due to the fact that I had a very big heart operation earlier this year. I took months to recover at home and did not see the Notice of Assessment that was mailed to me by Revenu Quebec. It was only last week that I found the Notice of Assessment from Revenu Quebec.
[14] À l’audience, monsieur Ovadia témoigne que cette déclaration est fausse, qu’elle a été préparée pour lui par le comptable, et qu’il n’a pas lu l’avis d’opposition avant de le signer le 15 novembre. Si la déclaration écrite était véridique, cela signifierait qu’il a pris connaissance de l’avis ou des avis de cotisation entre le 7 et le 15 novembre, alors que dans sa requête écrite appuyée d’un affidavit, c’est plutôt vers le 10 octobre 2011 qu’il a remarqué l’existence de cotisations et qu’il a communiqué avec son comptable pour lui donner mandat d’enquérir et, éventuellement, de faire l’opposition.
[15] Outre cette contradiction bien documentée, le Tribunal remarque que monsieur Ovadia n’a pas de souvenirs précis de la façon qu’il a remarqué son courrier, de l’endroit où il l’a retrouvé ni du moment exact où il l’a lu. Mais ce qui entache plus sérieusement sa crédibilité, c’est le dossier de Revenu Québec concernant la situation d’une des corporations de monsieur Ovadia, qui était alors en collection par le Service de perception de Revenu Québec.
[16] Par une lettre envoyée par télécopie le 6 juillet 2011, 9188-4700 Québec inc demande à la direction générale du Centre de perception fiscale et des biens non réclamés de Revenu Québec, compétence Irina Petrila Bulai, de retarder l’encaissement d’un chèque daté du 15 juillet 2011 en guise de paiement de la somme de 1 726,30$ au 15 septembre 2011. La lettre donne une série de motifs détaillés pour justifier le retard du paiement, l’auteur de la lettre demande aussi la tenue d’un rendez-vous « afin de pouvoir définitivement régulariser notre compte avec Revenu Québec. Pour cela, veuillez nous contacter à […] et demander Robert ». En bas de la signature écrite de « 9188-4700 Québec inc. », se trouve, en manuscrit, la signature « O.Robert ».
[17] À l’audience, monsieur Ovadia nie qu’il s’agit de sa signature, négation qui est plausible, puisqu’elle ne ressemble pas du tout à la signature se trouvant sur l’avis de cotisation.
[18] En témoignant, monsieur Ovadia prétend ne pas avoir de souvenir des communications à cette époque avec Revenu Québec. Il ne se souvient pas non plus d’un appel téléphonique avec Andréa Escorrega, agent de perception, qui s’est occupée du dossier à partir du 8 juillet 2011. Madame Escorrega relate deux appels téléphoniques: celui du 8 juillet 2011 où monsieur Ovadia demande une rencontre qui est fixée pour le 13 juillet; et un appel du 13 juillet où monsieur Ovadia demande de reporter cette rencontre puisqu’il ne veut pas se déplacer à cause de la chaleur. Il mentionne, lors de cet appel téléphonique, des problèmes de santé. Madame Escorrega relate aussi qu’il y a un appel téléphonique le 29 avril 2011 où le comptable de monsieur Ovadia et de sa compagnie intervient au dossier, et une autre intervention de ce comptable le 18 mai 2011.
ANALYSE
[19] Le langage employé par le législateur en définissant l’obligation du Ministre du revenu de proroger le délai est assez exigeant.
93.1.4. Le ministre doit examiner avec diligence toute demande qui lui est présentée en vertu de l' article 93.1.3 , y faire droit ou non et notifier sa décision à la personne.
Il est fait droit à une telle demande si la personne démontre qu'elle était dans l'impossibilité en fait d'agir et que la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.
Le délai est alors prorogé pour une période n'excédant pas le trentième jour suivant la date du dépôt à la poste de la décision du ministre.
1997, c. 85, a. 358; 1997, c. 86, a. 6.
[20] La notion de l’impossibilité d’agir a été appliquée avec rigueur par les tribunaux. Il suffit, pour le présent dossier, de réitérer que c’est le requérant qui a le fardeau de prouver une impossibilité de fait et qu’il a fait diligence dès que les circonstances le permettaient.
[21] Au présent dossier, le Tribunal n’aurait pas eu d’hésitation à dire que monsieur Ovadia était dans l’impossibilité d’agir pour s’occuper de ses affaires lorsqu’il était hospitalisé en janvier, et même, pour les fins de l’argument, en fin mars 2011, puisque, selon son témoignage, il est souvent fatigué et souffre de vertiges et de faiblesse.
[22] En juillet, cependant, il est suffisamment à ses affaires pour entretenir le responsable de la perception de Revenu Québec dans son dossier à deux reprises. Le témoignage de l’agent de perception Andréa Escorrega est crédible, puisqu’appuyé de ses notes au dossier, inscrites lors des appels des 8 et 13 juillet, et enregistrées par le système informatique pour constituer le registre des communications. Lors de ces appels, monsieur Ovadia fixe un rendez-vous en personne, pour régulariser les affaires d’une de ses compagnies avec le Service de perception et, en reportant le rendez-vous, mentionne qu’il préfère se déplacer chez Revenu Québec lorsqu’il fera moins chaud.
[23] Bien que monsieur Ovadia nie avoir signé le courriel du 6 juillet, les informations qui s’y trouvent doivent avoir été données avec ses connaissances, puisqu’il est question des affaires bancaires pour lesquelles il est responsable comme administrateur et officier de la compagnie à numéro. De plus, il y a la présence d’un comptable au dossier, qui entretient des contacts avec lui et avec Revenu Québec, même en avril 2011.
[24] Puisque c’est le contribuable et non Revenu Québec qui a le fardeau de la preuve, et vu la présence de ces contradictions et ambigüités dans les faits tels que reportés par monsieur Ovadia, le Tribunal est de l’avis que le fardeau de la preuve n’a pas été rencontré en ce qui concerne l’impossibilité d’agir à partir du 8 juillet 2011. Malgré que ses problèmes de santé persistaient et continuaient à nécessiter des interventions, la preuve démontre que monsieur Ovadia était en mesure d’intervenir auprès de Revenu Québec pour d’autres affaires, et le défaut d’ouvrir son courrier serait dû à une négligence et non à une incapacité de fait d’agir.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la requête en révision de la décision de Revenu Québec;
LE TOUT avec dépens.
|
||
|
__________________________________ DAVID L. CAMERON, J.C.Q. |
|
|
||
Me Victor A. Carbonneau |
||
Elected domicile |
||
Procureur du requérant |
||
|
||
Me Ammerlaan |
||
LARIVIÈRE MEUNIER |
||
Procureur de l’intimé |
||
|
||
Date d’audience: |
9 octobre 2013 |
|