Maguire c. XL Foods inc. |
2013 QCCQ 15948 |
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JT1284
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE |
SHERBROOKE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
450-32-016397-135 |
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DATE : |
16 décembre 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
PATRICK THÉROUX, J.C.Q. |
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DENIS MAGUIRE , domicilié et résidant au […] , Sherbrooke (Québec), […] , |
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Demandeur |
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c. |
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XL FOODS INC. , corporation légalement constituée ayant sa place d'affaires au 303-13220 St-Albert Trail, Edmonton (Alberta), T5L 4W1, |
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Défenderesse. |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur, Denis Maguire, réclame à la défenderesse, XL Foods Inc., la somme de 7 000 $ en dommages-intérêts suite à l'ingestion de viande.
[2] Il allègue que la viande hachée qu'il a consommée sous forme de hamburger était contaminée par la bactérie Escherichia coli (E. coli), ce qui a déclenché une réaction majeure, ayant nécessité des traitements et une hospitalisation de 3 jours.
[3] Sa demande judiciaire est formulée comme suit :
« Les faits à l'origine de cette demande sont les suivants :
Le ou vers le 15 juillet 2012, le demandeur a fait l'achat de viande de bœuf contaminé à "E.Colie" (sic) dans l'un des magasins Provigo de Sherbrooke.
Le 16 juillet 2012, le demandeur est parti visiter ses enfants à Québec. Dés son arrivé, le demandeur s'est senti très malade, douleur aiguë au ventre provenant de l'appareil digestif.
Le 17 juillet 2012 au matin, le demandeur s'est rendu à l'hôpital de Charny avec sa fille ne tolérant plus les douleurs au ventre et par la suite, n'ayant pas les équipements nécessaires, le Centre Hospitalier a transféré monsieur Maguire en ambulance à l'hôpital de Lévis. Le demandeur a du (sic) être hospitalisé pendant 4 jours pour traiter la contamination à la bactérie "E. Colie" (sic) de son système digestif, subi suite à la consommation du bœuf contaminé.
Le demandeur réclame un montant de 7000 $ pour tous les problèmes, souffrances, stress, troubles et inconvénients que le demandeur a subi suite à l'intoxication et son hospitalisation. »
[4] La défenderesse nie être responsable de la situation. Sa contestation écrite comporte plusieurs moyens de défense exposés en 63 paragraphes comportant pas moins de 56 sous-paragraphes.
[5] Elle dépose une requête en suspension de l'instance, alléguant l'existence de recours semblables devant différents tribunaux, de même qu'une requête pour autoriser la représentation par avocats vu la complexité de l'affaire.
[6] À l'audience, la défenderesse se désiste de ses deux requêtes et se déclare prête à procéder.
[7] Puisque le fondement essentiel de la réclamation du demandeur repose sur sa prétention voulant qu'il a été contaminé par la bactérie E. coli et puisque la défenderesse conteste ce fait, les parties ont convenu de soumettre au Tribunal la question suivante, dans un premier temps [1] : Le demandeur a-t-il souffert d'une infection par la bactérie E. coli?
[8] Advenant une réponse positive à cette question, l'instance se poursuivra sur les questions relevant de la faute et du lien de causalité.
[9] Par contre, une réponse négative y mettra fin; le demandeur en convient.
LE CONTEXTE
[10] Les faits ne sont pas contestés. Ils peuvent être relatés comme suit.
[11] Le 15 juillet 2012, en fin d'après-midi, le demandeur se procure de la viande hachée à l'épicerie.
[12] De retour chez lui, il prépare un hamburger pour son souper. La viande inutilisée est conservée au réfrigérateur.
[13] Le lendemain, 16 juillet, le demandeur prend l'autobus vers 14 h 00 pour se rendre, de Sherbrooke, à St-Nicolas, chez sa fille.
[14] Vers 18 h 00, au moment de se mettre à table, il dit ressentir un léger malaise à l'estomac. Ceci ne l'empêche pas de prendre son souper.
[15] Il se met au lit vers 22 h 30. Il a beaucoup de difficulté à dormir. Le malaise va en s'amplifiant; il ressent de fortes douleurs au côté droit de l'estomac.
[16] Le lendemain matin, 17 juillet, vers 8 h 30, il se rend au Centre de santé et de services sociaux du Grand Littoral à Charny pour y être examiné.
[17] Il est alors transféré d'urgence au Centre hospitalier Hôtel-Dieu de Lévis où il est pris en charge par des spécialistes.
[18] Le demandeur déclare avoir été plus ou moins conscient durant 2 jours. Ses douleurs étaient aiguës; il considère que son état était grave au point où sa vie était en danger.
[19] Après divers traitements, il reçoit son congé le 20 juillet. L'épisode semble passé; il n'a reçu aucun autre soin relié à cet épisode jusqu'à ce jour.
[20] De retour chez lui, il jette à la poubelle le reste de la viande demeuré dans son réfrigérateur.
[21] Le 5 novembre 2012, il fait parvenir une mise en demeure à la défenderesse qu'il considère responsable. Il est d'avis que la viande qu'il a consommée était contaminée par la bactérie E. coli.
[22] Le 17 décembre 2012, la défenderesse lui fait parvenir une lettre niant sa responsabilité. Elle nie que sa consommation de viande soit reliée au mal dont il a été victime.
[23] Le demandeur rétorque par lettre le 8 janvier 2013. Il y joint des copies de divers articles de journaux parus entre le 3 et le 8 octobre 2012, référant à des rappels par la défenderesse de lots de viande contaminée par la bactérie E. coli. Il réitère qu'il a consommé ce type de viande.
[24] Le 7 mars 2013, il initie le recours faisant l'objet du présent litige.
[25] La défenderesse nie que le demandeur a été intoxiqué par la bactérie E. coli. Elle a fait confectionner une expertise par le Dr Alex Carignan, médecin microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (C.H.U.S.).
[26] Celui-ci est entendu à l'audience à titre de témoin-expert.
ANALYSE ET DÉCISION
[27] Le demandeur a le fardeau d'établir la preuve prépondérante de sa prétention voulant qu'il a été contaminé par la bactérie E. coli.
[28]
Les articles
2803.
« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
2804.
« La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
[29] Il n'y a pas de preuve directe. La viande en litige n'a pas été analysée. Une fois rétabli, le demandeur s'en est départi sans la faire examiner.
[30] La preuve soumise est essentiellement d'ordre médical. Le demandeur produit au dossier de la Cour son dossier hospitalier des 17 au 20 juillet 2012.
[31] Il produit également un rapport d'expertise confectionné par le Dr Hugo Morrissette, gastro-entérologue du Centre hospitalier Hôtel-Dieu de Lévis.
[32] Ce rapport, daté du 18 juin 2013, est déposé en preuve pour valoir témoignage. Le Dr Morrissette n'a pas été entendu à l'audience.
[33] Le rapport hospitalier ne contient aucune mention d'une possible infection par la bactérie E. coli. Ceci n'a apparemment pas été suspecté, de sorte qu'aucun test n'a été mené en ce sens.
[34] Il n'y a donc, dans le rapport d'hospitalisation, aucun élément de preuve tendant à supporter la thèse du demandeur.
[35] Le rapport du Dr Morrissette a été confectionné près d'un an plus tard, soit le 18 juin 2013, à la demande expresse du demandeur et dans le but d'appuyer sa prétention par un avis médical.
[36] Or, cet avis n'est guère concluant.
[37] Dans un premier temps, le Dr Morrissette fait état de différents diagnostics possibles dont, entre autres, une subocclusion intestinale en lien avec des antécédents médicaux relevant des années 1970 et 2007.
[38] Quant à une possible infection à l' E. coli, il écrit ceci :
« J'apprends aujourd'hui que le patient, à la suite de l'injection (sic) de viande hachée, aurait été contaminé par le Escherichia coli ce qui aurait très bien pu expliquer le tableau décrit ci-dessus sans occlusion aucune. La chute de plaquettes est également souvent associée à cette infection; le plus souvent toutefois dans le cadre d'un syndrome hémolytique urémique ce qui ne semblait pas être le cas lors de notre évaluation. »
[39] Le rapport n'indique pas la source de l'information voulant que le demandeur ait été contaminé par l'E. coli. Ceci ne provient pas du dossier hospitalier qui est muet sur la question.
[40] Le demandeur concède que c'est probablement lui qui en a parlé au Dr Morrissette lorsqu'il lui a demandé de confectionner un rapport, d'abord au téléphone, puis ensuite par lettre.
[41] Le rapport est daté du 18 juin 2013, dicté et transcrit le même jour. Il faut donc comprendre que le Dr Morrissette, en écrivant qu'il apprend « aujourd'hui » que le demandeur aurait été contaminé à l'E. coli, fait référence au 18 juin 2013.
[42] Il s'est alors écoulé presque un an depuis l'hospitalisation et les traitements, et il n'a pas revu le demandeur depuis sa sortie de l'hôpital.
[43] L'opinion qu'il émet en regard d'une possible contamination à l'E. coli est très subjective. Elle n'est guère catégorique et repose, finalement, sur une information non vérifiée, apparemment transmise par le demandeur lui-même.
[44] Le Dr Carignan, pour sa part, diverge complètement d'opinion. Il est d'avis qu'aucune donnée relevant du rapport hospitalier ou du témoignage du demandeur à l'audience ne permet d'affirmer qu'il a été contaminé par la bactérie E. coli. Ce n'est pas probable, selon lui.
[45] D'abord, il indique que la période d'incubation de la bactérie est typiquement de 3 à 4 jours, plus rarement de 48 heures. Il n'y a aucune réaction durant cette période.
[46] Or, le demandeur a ressenti les symptômes de son mal à l'intérieur d'une période de 24 heures suivant l'ingestion de viande.
[47] Ensuite, le Dr Carignan explique que plusieurs conditions médicales peuvent causer des symptômes comme ceux décrits par le demandeur. Le diagnostic d'une possible infection bactérienne doit toujours être confirmé par une culture de selles sur un milieu de culture spécifique. Le protocole médical exige cette mesure lorsqu'une infection bactérienne est soupçonnée, puisque le traitement qui en découle doit être conséquent.
[48] Or, les médecins traitants du demandeur, incluant le Dr Morrissette, n'ont pas jugé bon d'avoir recours à cette mesure lors de l'hospitalisation. Il faut croire qu'ils n'ont pas considéré utile de valider un possible diagnostic d'infection. Ils l'ont donc écarté.
[49] De plus, le Dr Carignan explique que les manifestations cliniques les plus fréquentes et caractéristiques d'une infection à l'E. coli incluent une diarrhée sanglante.
[50] Or, le rapport hospitalier mentionne explicitement qu'il n'y a pas de diarrhée ni de présence de sang dans les selles. Il y est même noté qu'il y a arrêt du transit intestinal.
[51] Ceci, à son avis, milite contre un diagnostic d'infection à la bactérie E. coli.
[52] Finalement, selon le tableau clinique analysé, le Dr Carignan avance que plusieurs diagnostics probables peuvent être considérés, incluant une cause relevant d'une condition préexistante ancienne.
[53] Selon lui, les diagnostics probables sont non infectieux. Il écarte donc la probabilité d'une infection à l'E. coli.
[54] Le Tribunal retient l'opinion et le témoignage livrés par le Dr Carignan et conclut que le mal dont a souffert le demandeur du 17 au 20 juillet 2012 n'a pas été causé par une infection par la bactérie E. coli.
[55] Vu cette conclusion, il n'y a pas lieu de continuer l'instruction de l'affaire sur les aspects juridiques de la responsabilité civile de la défenderesse, puisque le demandeur n'a pas démontré par une preuve probante le fondement de sa prétention essentielle.
[56] Conséquemment, sa réclamation doit être rejetée.
[57] Considérant le caractère très particulier de l'affaire, chaque partie supportera ses frais judiciaires.
[58] POUR CES MOTIFS , le Tribunal:
[59] REJETTE la demande;
[60] Chaque partie payant ses frais.
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__________________________________ PATRICK THÉROUX, J.C.Q. |
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[1]
Il s'agit en fait d'une scission de l'instance selon les articles