Landry c. Montréal (Office municipal d'habitation de)

2013 QCCQ 15996

COUR DU QUÉBEC

« Division administrative et d’appel »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-80-026179-136

Dossier no :

31 091230 081 G

 

DATE :

Le 3 décembre 2013

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

YVES HAMEL, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

MANON LANDRY,

Partie demanderesse/REQUÉRANTE-LOCATAIRE

c.

OFFICE MUNICIPAL D'HABITATION DE MONTRÉAL

Partie défenderesse/INTIMÉ-LOCATEUR

-et-

RÉGIE DU LOGEMENT,

MIS-EN-CAUSE

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR LA REQUÊTE POUR PERMISSION D'EN APPELER D'UNE DÉCISION DE LA RÉGIE DU LOGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Le Tribunal est saisi d'une requête pour permission d'en appeler d'une décision rendue le 9 juillet 2013 (Décision) par la Régie du logement ( Régie ) [1] dans le dossier portant le numéro 31 091230 081 G.

[2]            Dans ce dossier la requérante-locataire, Manon Landry ( Landry ) réclamait une diminution mensuelle de loyer (100 %), des dommages moraux (5 000 $) et des dommages matériels (4 923,50 $).

[3]            À sa demande initiale, Landry demandait également la résiliation du bail, mais il est apparu, en cours d'instance devant la Régie , que cette demande est devenue académique, vu le départ de Landry du logement et l'absence de réclamation de l'Office municipal d'habitation de Montréal ( O.M.H.M. ), suite au départ de cette dernière.

[4]            La Régie accueille la demande de Landry en ces termes :

« […]

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[57]       CONSTATE la résiliation du bail;

[58]       CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 280,50 $ à titre de diminution de loyer globale et forfaitaire plus les frais judiciaires de 57 $;

[59]       Le tout sans frais vu l'exemption réglementaire;

[60]       REJETTE la demande quant au surplus.

[…] »

[5]            La Décision écrite de la Régie comporte quelque 60 paragraphes.

LE DROIT

[6]            Ainsi, il s'agit pour le Tribunal de déterminer si la Décision de la Régie peut faire l'objet d'un appel, conformément à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logem ent (LRL) qui se libelle comme suit :

« […]

91. Les décisions de la Régie du logement peuvent faire l'objet d'un appel sur permission d'un juge de la Cour du Québec, lorsque la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour du Québec.

Toutefois, il n'y a pas d'appel des décisions de la Régie portant sur une demande:

 1° dont l'objet est la fixation de loyer, la modification d'une autre condition du bail ou la révision de loyer;

 2° dont le seul objet est le recouvrement d'une créance visée dans l'article 73;

 3° visée dans la section II du chapitre III, sauf celles visées dans les articles 39 et 54.10;

 4° d'autorisation de déposer le loyer faite par requête en vertu des articles 1907 et 1908 du Code civil.

[…] »

[7]            Les critères retenus pour permettre l'appel [2] d'une décision de la Régie peuvent se résumer comme suit :

-          Question sérieuse, nouvelle, controversée ou d'intérêt général;

-          La décision attaquée présente une faiblesse apparente, une erreur manifeste, dominante ou grossière dans l'appréciation des faits;

-          Une erreur déterminante dans l'administration de la preuve;

-          Dénie de justice pour le non-respect des règles de la justice naturelle.

[8]            Afin de déterminer s'il y a lieu de permettre l'appel, le Tribunal dispose de la requête pour permission d'appeler et uniquement les pièces produites à son soutien.

[9]            Par ailleurs, une demande qui vise essentiellement une réappréciation générale de la qualité ou de la suffisance de la preuve présentée devant la Régie ne suffira pas afin d'obtenir une autorisation d'appeler [3] .

[10]         En effet, lorsqu'un requérant fonde son autorisation d'appeler uniquement sur une réappréciation de la preuve, les tribunaux, par le passé et de façon constante, ont rejeté une telle requête, à moins que le requérant établisse une erreur dominante et manifeste dans l'appréciation des faits présentés [4] devant la Régie .

[11]         Ainsi, dans la mesure où une requête pour permission d'appeler a pour unique but de faire apprécier de nouveau la preuve, mais cette fois-ci par la Cour du Québec siégeant en appel avec l'espoir que la décision qu'elle rendra sera différente à celle rendue par la Régie , n'est pas recevable [5] .

[12]         La Cour d'appel du Québec a réitéré, à maintes reprises, ces principes dans le cadre d'une requête pour permission d'en appeler d'un jugement en vertu des articles 26 et 494 du Code de procédure civile ( C.p.c. ), dont notamment dans les arrêts Re/Max Royal Jordan inc. c. Jean-Guy Lalonde [6] et 2970-7528 Québec inc. (Vente d'autos H. Grégoire) c. Beaudouin [7] .

[13]         En l'espèce, pour obtenir dans le présent dossier la permission d'appeler, tel que mentionné précédemment, la requérante-locataire doit convaincre le Tribunal que la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour, ce qui est notamment le cas lorsqu'il s'agit d'une question de principe, d'une question nouvelle ou d'une question de droit faisant l'objet d'une jurisprudence contradictoire [8] .

ANALYSE ET DISCUSSION

[14]         Landry allègue essentiellement à sa requête pour permission d'appeler [9] :

« […]

6.             Or, plutôt que de faire droit à la demande de dommages intérêts de la locataire appelante, la Régie du logement la  rejette en entier (tant la demande pour troubles et inconvénients que celle pour dommages matériels);

7.             D'une part, contrairement aux exigences de l'article 79 de la Loi sur la Régie du logement (obligation de motivation) la décision dont appel ne comporte aucun motif pour justifier le rejet de la demande de dommages-intérêts pour troubles et inconvénients de la locataire (une somme de 5,000.00$ était réclamée à ce titre);

8.             La décision dont appel s'appuie en fait sur deux décisions isolées de la Régie du logement[1] [10] pour justifier le rejet de la demande pour dommages matériels de la locataire appelante;

9.             Ainsi, la régisseure invoque l'autorité de ces deux décisions de la Régie du logement dans lesquelles des demandes en dommages sont rejetées dans des cas où le locateur a agi avec prudence et diligence pour tenter de remédier à la situation;

10.           Ces deux décisions s'appuient sur l'article 1861 (2) C.c.Q., lequel article, contrairement aux autres dispositions gouvernant le louage résidentiel, permet au locateur d'échapper à une condamnation en dommages en prouvant avoir agi avec prudence et diligence;

11.           Or, cette disposition ne s'applique que dans le cas particulier où un locataire intente un recours à son locateur en raison du trouble causé par un autre locataire (ou par les personnes auxquelles ce dernier permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci);

12.           Cette disposition n'a aucune application en dehors du champ restreint visé et n'en n'avait (sic) manifestement pas en l'espèce;

13.           La locataire appelante entend faire valoir que c'est à tort que la régisseure a rejeté son recours en dommages sur la base d'une disposition qui ne s'appliquait pas à sa situation, à savoir un logement comportant de la vermine et mettant en cause le défaut du locateur de lui procurer la jouissance paisible des lieux et de remplir ses autres obligations;

14.           La locataire appelante entend faire valoir que le défaut pour le locateur d'enrayer la présence de punaises dans son logement justifiait l'attribution de dommages, s'agissant là de l'inexécution d'une obligation de résultat incombant au locateur;

15.           La locataire entend faire valoir qu'en présence d'une obligation de résultat incombant au locateur, la défense de ce dernier consistant à prouver avoir agi avec prudence et diligence était irrecevable;

16.           La locataire entend démontrer que selon l'article 1863 C.c.Q., tant son recours en diminution de loyer que celui en dommages en raison de la présence de vermine dans le logement étaient recevables :

                     1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

                     L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.

[…] »

[15]         L' O.M.H.M. , quant à lui, plaide essentiellement dans ces notes et autorités additionnelles :

« […]

Il faut savoir que le versement de dommages-intérêts dans le cas de l'article 1863 du C.c.Q. n'est pas obligatoires (sic) . Il faut rencontrer des conditions pour y avoir droit. Il est souvent mentionné que l'une des conditions est lorsque l'inexécution de l'obligation du locateur entraîne un préjudice sérieux au locataire.

Le législateur a écrit textuellement, le mot « demander  »[1] [11] tandis qu'à l'article 1861, le législateur a écrit le mot: « obtenir  », c'est de la sémantique, mais il en demeure pas moins que la source est une partie de la solution. Il est important de souligner au passage que cet article n'est pas d'ordre public et découle de l'article 1854 C.c.Q.  Dans notre cas d'espèce, le locateur n'a pas nuit à sa jouissance ni négligé d'agir quant aux faits sous son contrôle. Il faut prendre en considération le caractère proportionnel de la sanction demandée en regard du défaut reproché au bailleur [2 ] [12] .

De plus, un locataire peut avoir droit à une diminution de loyer sans avoir droit à des dommages et intérêts en vertu de 1863 C.c.Q. Ce sont deux demandes distinctes qui peuvent être demandés de façon concurrente, séparément ou de façon consécutive 3 . Dans le cas de Bilbul c. Thériault [4 ] 4 [13] , la Cour du Québec accorde seulement une diminution de loyer en vertu de 1863 quant au non-respect de la clause 5.4.2 du bail commercial, car la locataire n'avait pas prouvé la perte de clientèle et/ou de revenus. Le tribunal n'accorde pas de dommages et intérêts en vertu de 1863 C.c.Q. non plus pour l'obstruction du stationnement car la preuve offerte ne permet pas de conclure à la négligence du locateur.

[…]

La doctrine mentionne même que si la perte de jouissance est partielle, une diminution de loyer peut être octroyé (sic) , mais lorsqu'elle est totale, le locataire pourra obtenir des dommages et intérêts [5] [14] . Dans notre cas d'espèce, la perte de jouissance de la locataire était bel et bien partielle. La juge a quant à nous utilisé sa discrétion judiciaire et n'a pas voulu accorder de dommages et intérêts. De plus, le locateur a toujours agit et a exécuté ses obligations. Il y a aussi la question de la non-minimisation des dommages par la locataire dont traite la Régie du Logement (sic) . La juge n'a pas mis le doigt sur la source ni eu la preuve que cette présence de vermine émanait du locateur car certains locataires arrivent avec des punaises et ne collaborent pas au traitement dont la voisine de la locataire en question.

[…]

L'article 1861 fait référence à un autre locataire ou à un tiers et non, (sic) pas au locateur. Si le locateur ayant eu dénonciation des troubles de jouissance par un autre locataire ou d'un tiers et que le locateur ne réagit pas, n'agit pas avec diligence, ni prudence, le locateur s'expose à des dommages et intérêts envers le locataire plaignant.

Malheureusement, il y a peu d'informations juridiques sur la question en litige car les tribunaux supérieures (sic) quant aux articles en litige traitent souvent de baux commerciaux qui eux par leurs clauses d'exonération, n'ont pas à traiter du fond de la question des articles 1861 et 1863 C.c.Q..

[…] »

[16]         Ainsi, aux paragraphes 35 à 39 de la Décision, la Régie réfère aux règles de droit prévues à l'article 1863 du Code civil du Québec ( C.c.Q. ), alors qu'aux paragraphes 47, 48 et 49 de la Décision, la Régie réfère aux règles de droit découlant des articles 1859 et 1861 du C.c.Q.

[17]         Ce faisant, bien qu'elle réfère, à première vue, aux règles de droit découlant de l'article 1861 du C.c.Q. pour rejeter la demande en dommages matériels de Landry , elle conclut de la preuve offerte qu'à tout événement, Landry n'a pas établi, selon le critère de la prépondérance de la preuve, le bien-fondé du montant des dommages matériels qu'elle réclame aux termes de ses procédures lorsqu'elle écrit :

« […]

[49]      Outre cette jurisprudence (celle référant à l'application des articles 1859 et 1861 du C.c.Q. ) , le Tribunal est d'avis que la locataire n'a pas prouvé la perte de ses biens, ni leur valeur.  Elle n'a, d'ailleurs, jamais avisé formellement le locateur au préalable de son intention de se départir de ses biens, ce qui a empêché ce dernier de constater l'ampleur et l'étendue du dommage et la valeur de ceux-ci.

[50]      Elle a, ainsi, agi en contravention de l'avis émis par le locateur.

[51]      Il serait trop facile d'accepter le seul témoignage de la locataire comme preuve probante de la perte des biens sans permettre au créancier de l'obligation de constater les faits et lui permettre d'apporter les correctifs jugés nécessaires, le cas échéant.

[52]      Aussi, la locataire n'a pas démontré ici qu'elle n'avait d'autres choix que de se départir de son téléviseur et de son matelas sans avoir tenté un nettoyage ou un traitement autrement et convenablement.

[53]      Le tribunal (sic) comprend que sa réaction a été instinctive et profane, mais cela n'atténue en rien les obligations légales auxquelles elle est assujettie.

[54]      Par ailleurs, le Tribunal tient à mentionner que la valeur attribuée par la locataire est grossièrement exagérée en tenant compte du fait qu'elle a remplacé des biens usagés qui lui auraient été donnés, qu'elle n'a apporté aucune dépréciation de leur valeur et que celle-ci est partiellement due à son mauvais crédit ce qui ne relève pas de la responsabilité du locateur.

[…] »

[18]         Bref, peu importe que la Régie applique les principes de droit découlant de l'article 1863 du C.c.Q ou des articles 1859 et 1861 du C.c.Q ., elle se prononce sur la valeur probante tant de la preuve documentaire que de la preuve testimoniale offerte par Landry relativement à sa réclamation pour dommages matériels.

[19]         Conséquemment, la Régie , dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation de la preuve offerte qui est le sien, en a tiré diverses inférences et conclusions que la Cour ne peut réviser dans le cadre d'un éventuel appel, à moins d'allégations concluantes à l'effet que la Régie a commis une erreur dominante et manifeste dans l'appréciation de la preuve, ce que Landry n'a pas réussi à démontrer lors de présentation de la présente requête pour permission d'appeler relativement à la réclamation pour dommages matériels subis de la part de cette dernière.

[20]         Ainsi, le Tribunal conclut que la présente requête, relativement à la permission d'appeler de la décision concernant le rejet de la demande d'indemnisation pour les dommages matériels subis de la part de Landry , n'a pas lieu d'être autorisée.

[21]         Il en est autrement relativement à la demande en dommages moraux au montant de 5 000 $.

[22]         En effet, bien que la Régie accorde une diminution de loyer en faveur de Landry pour la présence de punaises dans son logement et pour les troubles de voisinage subis, elle omet de se prononcer spécifiquement sur le mérite la réclamation pour dommages moraux de cette dernière au montant de 5 000 $, tout en rejetant celle-ci en ces termes [15] :

« […]

[45]       Considérant l'intensité de l'obligation assumée par le locateur, la locataire a droit à la diminution du loyer en proportion de la perte locative qu'elle a subie.  Après analyse, le tribunal (sic) accordera une diminution équivalente à 20 % du loyer d'août[4] [16] à novembre 2009 (14,60 $) pour les troubles subis par la voisine et de 35% du loyer payable pour décembre 2009 et janvier 2010, soit 48,10 $ (130,90$).

[46]       Le tribunal (sic) tient compte dans son analyse du fait que la locataire témoigne faiblement des inconvénients réels découlant de ces situations.

[47]       Quant aux dommages-intérêts, certaines décisions s'inspirent des articles 1859 et 1861 du Code civil du Québec pour limiter la responsabilité du locateur à la seule diminution de loyer.  Il peut, ainsi, éviter toute condamnation en dommages en prouvant qu'il a agi avec prudence et diligence pour remédier à la situation ou faire cesser le trouble[5] [17] .

[48]       Dans l'affaire Trépanier c. Gestion Turret inc.[6] [18] , le tribunal (sic) énonce :

« En effet, la défense du locateur est insuffisante et ne peut être retenue à l'encontre de toute demande de la locataire.  En effet, pendant la période en cause, la locataire a assumé le plein montant du loyer, alors qu'elle n'a pas eu une jouissance paisible et complète des lieux.   De plus, la source du problème de punaises n'a pas été démontrée de façon satisfaisante et rien ne permet au tribunal (sic) de conclure que la locataire est la source unique ou principale de la provenance des punaises qui se sont retrouvées chez elle.  La Régie doit donc rétablir ce déséquilibre par un réajustement du loyer payé.

C'est d'ailleurs ce que la Régie a décidé dans l'affaire Hélène Larose c. Bernard Hébert déjà produit.  En effet, il y a une distinction importante entre les recours déposés par la locataire puisque la diminution de loyer consiste à invoquer uniquement la perte de jouissance des lieux du locataire malgré l'intervention du locateur, si la preuve établit que la locataire a subi une telle perte, comme c'est le cas en l'espèce.  Cette partie de la réclamation de la locataire est donc recevable et après analyse et calcul, la Régie arbitre à 200 $ la diminution de loyer globale attribuable à la perte de jouissance encourue en raison des problèmes prouvés par la locataire pour toute la période en cause.

Cependant, pour réussir sur ses autres chefs de réclamation en dommages cette fois, le locataire devait prouver la négligence ou la faute du locateur à remédier à la présence des punaises dans son logement comme l'article 1861 (2) du Code civil du Québec l'exige.  Or, cette preuve formelle n'a pas été démontrée, même en prenant pour acquis que le logement #5 constitue l'origine du fléau, ce qui n'a pas été prouvé par la locataire, le locateur a réagi à la présence de punaises dans ces lieux en le traitant promptement.  La locataire n'a pas établi que le locateur se devait de traiter alors tout l'immeuble pour être véritablement efficace et éviter la propagation.  Cette affirmation de la locataire n'a pas été confirmée par un expert en semblables matières.

Par conséquent, cette partie de la réclamation de la locataire doit être rejetée.

(Notre soulignement)

[…]

[55]       La réclamation du locataire est retenue pour un montant de 280,50 $.

[…]

[60]       REJETTE la demande quant au surplus

[…] »

[23]         Or, selon les procureurs des parties, aucune décision de notre Cour n'a été rendue relativement à l'octroi de dommages-intérêts pour dommages moraux, suite à la présence de vermine (punaises) dans un logement dans le cadre de l'application de l'article 1863 du C.c.Q ou des articles 1859 et 1861 C.c.Q.  

[24]         De plus, selon les recherches effectuées par les procureurs de Landry , ils représentent que la Décision de la Régie semble aller à l'encontre d'un courant majoritaire de la jurisprudence émanant de la Régie qui appliquerait systématiquement, en semblable matière, l'article 1863 du C.c.Q. plutôt que les articles 1859 et 1861 du C.c.Q. pour octroyer des dommages moraux, contrairement à ce que semble avoir conclu la Régie en l'instance.

[25]         Dans ce contexte, le Tribunal conclut, en l'espèce, que la question soumise par la requérante, relativement à l'applicabilité ou non de l'article 1863 du C.c.Q. lorsqu'il y a également ouverture, le cas échéant, à l'application de l'article 1861 du C.c.Q. , est une question nouvelle et d'intérêt général, au sens de l'article 91 de la LRL .

[26]         Conséquemment, le Tribunal accueillera en partie la requête pour permission d'en appeler de la Décision de la Régie et formule la question comme suit :

1)         La Régie du logement peut-elle, en droit, se fonder uniquement sur l'article 1861 du C.c.Q. pour disposer de la réclamation en dommages-intérêts pour dommages moraux au montant de 5 000 $, en regard de la présence de vermine (punaises) dans le logement occupé par Landry ou devait-elle également considérer l'article 1863 du C.c.Q. pour disposer de cet item de la réclamation de Landry ?

2)         Le cas échéant, la preuve offerte par Landry donne-t-elle droit à des dommages moraux et si oui, à quelle hauteur?

3)         Dans ce contexte, la Décision de la Régie rejetant la réclamation de Landry pour dommages moraux peut-elle être qualifiée de raisonnable?

[27]         Toutes les autres questions soumises par la requérante-locataire au paragraphe 23 de sa requête pour permission d'en appeler ne sont pas autorisées par le Tribunal.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la requête pour permission d'en appeler de la décision de la Régie du logement ;

AUTORISE les questions suivantes :

1)         La Régie du logement peut-elle, en droit, se fonder uniquement sur l'article 1861 du C.c.Q. pour disposer de la réclamation en dommages-intérêts pour dommages moraux au montant de 5 000 $, en regard de la présence de vermine (punaises) dans le logement occupé par Landry ou devait-elle également considérer l'article 1863 du C.c.Q. pour disposer de cet item de la réclamation de Landry ?

2)         Le cas échéant, la preuve offerte par Landry donne-t-elle droit à des dommages moraux et si oui, à quelle hauteur?

3)         Dans ce contexte, la Décision de la Régie rejetant la réclamation de Landry pour dommages moraux peut-elle être qualifiée de raisonnable?

ORDONNE que le présent appel procède sur dossier, à moins que le Tribunal saisi de l'appel juge nécessaire d'entendre toute autre preuve, eu égard aux questions autorisées;

LE TOUT frais à suivre.

 

 

 

__________________________________

YVES HAMEL, J.C.Q.

 

Me Stéphane Proulx

FERLAND & PROULX, AVOCATS

Procureurs pour la requérante-locataire

 

Mélanie Chaperon

MÉLANIE CHAPERON, AVOCATE

Procureurs pour l'intimé-locateur

 

Date d’audience :

Le 5 septembre 2013

 



[1] L'utilisation des prénoms ou des noms de famille dans le jugement vise à alléger le texte et non à faire preuve de familiarité ou de prétention.

[2] Boissonneault c. Boulanger et al , (500-02-094357-014 C.Q.); Habitat II Inc. c. Hoarou 2010 , QCCQ 3072; Peyrow c. Desjardins , 2011 QCCQ 3952 ; Lapointe c. Jutras , 250-80-000210-107, décision 14 janvier 2011, C.Q.

[3] Moffet c. Gestion Michel Trout inc. , 2006 QCCQ 5450, SOQUIJ AZ-50378803 .

[4] Parisien c. Immo 2125 St-Marc ltée , 2010 11916; Peyrow (CIF) c. Desjardins , 2011 QCCQ 3952 ; Gagné c. Coopérative l'Arc-en-ciel , 2010 QCCQ 8965 ; Malley c. Chaltchi , 2010 QCCQ 10883 ; Provençal c. Gagné , 2010 QCCQ 8594 ; Hamadi c. Monahan , 2013 QCCQ 5825 ; Biron c. Maheux , 2011 QCCQ 7429 ; Willie Coutu ltée c. Bosquet , 2011 QCCQ 4096 .

[5] Geneviève Chabot c. Coopérative d'Habitation l'Alliance , 23 mai 2010, 500-02-085293-004.

[6] Re/Max Royal Jordan inc. c. Jean-Guy Lalonde , C.A. 2011-03-23, 2011 QCCA 563 , AZ-50735921 .

[7] 2970-7528 Québec inc. (Vente d'autos H. Grégoire) c. Beaudouin , 2011 QCCA 848 .

[8] Carignan c. Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie , 2013 QCCA 1840 .

[9] Extrait de la Requête pour permission d'en appeler d'une décision de la Régie du logement daté du 23 juillet 2013 de la requérante-locataire Manon Landry.

[10] Trépanier c. Gestion Turret inc. , R.L. Montréal 31-070110-035G, 23 octobre 2007 et Larivière c. Gosselin, R.L. Montréal, 31-070321-022G, 8 mai 2009.

[11] Place Fleur de Lys c. Tag's Kiosque inc. , 1995 Can LII 5555 (C.A.).

[12] Me Stéphanie Hamelin JurisClasseur Québec, LexisNexis, Contrats nommés I, Fascicule 20, Obligations du locateur, chapitre 110, p.20/83.

[13] Bilbul c. Thériault , 1999 IIJ Can 10501 (QC C.Q.) 

[14] Denys-Claude Lamontagne et Bernard Larochelle , « Le louage  » dans droit spécialisé des contrats, vol.1, Les principaux contrats: la vente, le louage, la société et le mandat , Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2000, p.310. 

[15] Extrait de la décision de la Régie du logement datée du 9 juillet 2013, dossier no 31 091230 081 G.

[16] L'occupation du logement a débuté à cette date.

[17] Trépanier c. Gestion Turret inc. , R.L. Montréal, 31-070110-035G, 23 octobre 2007, r. Me Christine Bissonnette; Larivière c. Gosselin , R.L. Montréal, 31-070321-022G, 8 mai 2009, r. Me Chantale Bouchard.

[18] Supra , note 17.