Turgeon c. Groupe financier Consolidation inc.

2013 QCCQ 16168

 

 
COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

 

« Chambre civile »

N o  :

200-32-057538-125

 

 

DATE :

18 novembre 2013

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE Daniel Bourgeois, J.C.Q.  (JB4529)

 

 

Vianney Turgeon, […] , Breakyville (Québec) […]

 

Demandeur

c.

 

g roup e Financier consolidation inc., 3187, Chemin Sainte-Foy, Québec (Québec)  G1X 4A5

 

et

 

Prêts relais capital inc., 1 - 433, rue Chabot, Québec (Québec)  g1m 1l6

 

Défenderesses

 

 

JUGEMENT

 

 

Le litige

[1]            Le demandeur, monsieur Vianney Turgeon, (ci-après « monsieur Turgeon » ) poursuit en dommages-intérêts les compagnies défenderesses, Groupe Financier Consolidation inc. (ci-après « Consolidation » ) et Prêts Relais Capital inc. (ci-après « Prêts relais » ), et réclame une somme de 6 850,00 $ à la suite d'une offre de financement, sollicitée par monsieur Turgeon, mais qui finalement ne s'est pas concrétisée.

[2]            En défense, Consolidation invoque que la requête de monsieur Turgeon n'est pas « raisonnable » et que l'offre de financement a été produite rapidement puisque monsieur Turgeon voulait se refinancer à la suite d'un préavis d'exercice signifié par un autre créancier.

[3]            Pour sa part, Prêts relais invoque l'absence de lien de droit entre cette dernière et monsieur Turgeon puisqu'elle n'aurait jamais été liée contractuellement avec celui-ci.

Le contexte

[4]            En août 2012, monsieur Turgeon, qui est entrepreneur général, a des problèmes financiers et surtout de fonds de roulement à la suite de la construction d'une propriété sise au 1360, avenue du Buisson Québec (Québec). Son créancier hypothécaire, monsieur Pierre Racine (ci-après « monsieur Racine » ), lui a signifié un préavis d'exercice, forçant ainsi monsieur Turgeon à se trouver rapidement du financement additionnel, à défaut de quoi, l'immeuble en question sera repris par monsieur Racine.

[5]            Peu après, soit le 8 août 2012, monsieur Turgeon reçoit par la poste une lettre « type » de Consolidation, signée par son représentant monsieur Guy Picard (ci-après « monsieur Picard » ), lequel invite monsieur Turgeon à communiquer rapidement avec lui pour du financement immédiat, rapide et confidentiel.

[6]            Monsieur Turgeon communique alors avec monsieur Picard et une rencontre est prévue le 7 septembre 2012 au restaurant Normandin de Neufchâtel.

[7]            Lors de cette rencontre, monsieur Turgeon est accompagné de monsieur Michel Tondreau (ci-après « monsieur Tondreau » ), ce dernier se disant conseiller de monsieur Turgeon. Monsieur Tondreau témoigne qu'après avoir travaillé pendant plusieurs années pour une grande institution financière, il croyait être en mesure d'aider monsieur Turgeon à  se tirer d'affaire et était prêt à le conseiller à cet égard.

[8]            Préalablement à cette rencontre, monsieur Tondreau prépare pour monsieur Turgeon un document établissant les besoins en liquidités de ce dernier. Ce document stipule en effet qu'une somme de 505 000 $ serait nécessaire à titre de « prêt relais » (« bridge ») sous forme d'emprunt hypothécaire, cette somme représentant, selon monsieur Tondreau, 78 % de la valeur marchande de l'immeuble qui faisait l'objet du préavis.

[9]            Ce document est présenté à monsieur Picard, représentant de Consolidation, au restaurant Normandin le 7 septembre 2012. Après discussion et négociation, il est convenu que la somme de 505 000 $ serait réduite à 480 000 $, somme que monsieur Picard affirme être en mesure de fournir dans le cadre du refinancement.

[10]         Une entente d'honoraires pour services financiers est signée sur place, laquelle prévoit des honoraires sur commission de 8 500 $, et le paiement immédiat d'un dépôt de  850 $, le solde, soit 7 650 $, devant être payé à même les déboursés chez le notaire. Il est indiqué sur le document d'entente que le dépôt de 850 $, lequel a été avancé et payé comptant par monsieur Tondreau, est pour fin « d'évaluation, recherche et ou ouverture de dossier et n'est pas remboursable ».

[11]         Le lendemain soit le 8 septembre 2012, monsieur Picard transmet à monsieur Turgeon une offre de financement provenant d'un prêteur, en l'occurrence Prêts relais. Cependant, à l'étonnement de messieurs Tondreau et Turgeon, cette offre de financement n'est pas d'un montant de 480 000 $ mais seulement de 440 000 $ et, qui plus est, exige à titre de garantie non seulement une première hypothèque sur l'immeuble de l'avenue du Buisson à Québec (ce qui aurait été suffisant selon monsieur Tondreau) , mais, en plus, deux autres hypothèques sur deux propriétés additionnelles de monsieur Turgeon.

[12]         Constatant que cette offre de financement ne respecte pas ce qui avait été discuté à l'occasion de la rencontre au restaurant Normandin, monsieur Turgeon transmet le 14 septembre 2012 à Consolidation une mise en demeure par laquelle monsieur Turgeon réclame le remboursement de 850 $ payés à titre d'honoraires pour services financiers. Dans cette mise en demeure, monsieur Turgeon invoque que non seulement l'offre de financement était complètement différente de ce qui avait été discuté, mais, en plus, que les honoraires ont été obtenus à la suite de fausses représentations.

[13]         En réponse à cette mise en demeure, monsieur Picard, pour Consolidation, répond le 20 septembre 2012 qu'il a rempli ses obligations contractuelles en transmettant l'offre de financement de Prêts relais. À son tour, monsieur Picard demande à monsieur Turgeon de respecter ses obligations et « de lui transmettre la somme de 7 700 $, soit la balance impayée de la facture d'honoraires".

[14]         Dans une autre lettre en date du 21 septembre 2012, monsieur Picard indique de plus que puisque la mise en demeure a été envoyée à Prêts relais conjointement et solidairement à Consolidation, cette manœuvre de monsieur Turgeon aurait été faite par malveillance et de mauvaise foi. Monsieur Picard menace alors monsieur Turgeon de dénoncer à un procureur de la Couronne cette manœuvre pour que des accusations de harcèlement criminel soient déposées contre lui.

[15]         Enfin, n'ayant pu obtenir de refinancement, monsieur Turgeon confirme que monsieur Racine a repris possession de l'immeuble qu'il avait financé.

Analyse

[16]         Messieurs Turgeon et Tondreau affirment qu'ils n'auraient jamais signé l'entente et payé la somme de 850 $ à l'occasion de la rencontre du 7 septembre 2012 s'ils avaient su que le montant offert en financement avait été moindre que 480 000 $, soit la somme sur laquelle les parties s'étaient finalement entendues à cette occasion.

[17]         Par ailleurs, monsieur Turgeon invoque la Loi sur le courtage immobilier [1] (ci-après « la Loi  »), plus particulièrement les articles 4 et 13, qui précisent  que nul ne peut agir comme courtier ou agence hypothécaire s'il n'est pas titulaire d'un permis délivré par l'Organisme d'autoréglementation de courtage immobilier du Québec (ci-après « OACIQ » ).

[18]         De plus, ces articles prévoient qu'en cas de contravention aux dispositions de cette Loi, soit entre autres le fait par des personnes de ne pas être titulaire d'un permis, empêche ces dernières de pouvoir réclamer ou recevoir une rétribution pour l'opération de courtage à laquelle elles se sont livrées.

[19]         En ce qui concerne Prêts relais, son représentant monsieur Claude Gosselin (ci - après « monsieur Gosselin » ), témoigne qu'il n'a jamais rencontré monsieur Turgeon ni monsieur Tondreau et que c'est à la suite à la demande de monsieur Picard qu'il a soumis, sur la recommandation de ce dernier, une offre de financement à monsieur Turgeon.

[20]         Par ailleurs, monsieur Gosselin affirme que puisque cette offre de financement n'a pas été acceptée, il n'y a donc pas de lien contractuel entre monsieur Turgeon et Prêts relais, de telle sorte qu'il y a absence de lien de droit entre le demandeur et Prêts relais.

[21]         En ce qui concerne la somme réclamée de 6 850 $, messieurs Turgeon et Tondreau expliquent que la somme de 850 $ a été payée par erreur, à la suite de manœuvre dolosive de monsieur Picard et de Consolidation, et que la somme additionnelle de 6 000 $ est réclamée à titre d'indemnité pour compenser les dommages moraux subis par monsieur Turgeon.

[22]         Cependant, questionnés à ce sujet par le Tribunal, messieurs Turgeon et Tondreau confirment que si une offre de financement à 480 000 $ comportant une seule garantie hypothécaire avait été présentée à monsieur Turgeon, ce dernier aurait fort probablement accepté et il n'y aurait pas eu de litige entre les parties.

[23]         Après avoir entendu la preuve, le Tribunal arrive à la conclusion que l'entente signée le 7 septembre 2012 par monsieur Turgeon et monsieur Picard, qui prévoyait un financement de 480 000 $ pour des honoraires totaux de 8 500 $, n'a pas été respectée par Consolidation et par monsieur Picard, de telle sorte que la somme de 850 $ à titre de commission  a été payée sous de fausses représentations.

[24]         Qui plus est, une vérification auprès de l'OACIQ , démontre que ni monsieur  Picard ni Consolidation ne détiennent de permis de courtier ou d'agence délivré par cet organisme.

[25]         Cette Loi est claire : quiconque contrevient aux dispositions de la Loi ne peut réclamer ni recevoir de rétribution pour l'opération de courtage hypothécaire. En conséquence, Consolidation devra rembourser la somme de 850 $ à monsieur Turgeon.

[26]         En ce qui concerne la somme de 6 000 $ additionnelle réclamée par monsieur Turgeon, aucune preuve n'a été présentée à l'audience démontrant qu'il y a eu dans les faits des dommages subis par monsieur Turgeon. Cette partie de la réclamation doit donc être rejetée.

[27]         Par ailleurs, pour ce qui est de Prêts relais, la preuve démontre qu'il n'y a aucun lien de droit entre le demandeur et cette dernière. En conséquence, l'action contre Prêts relais est non fondée..

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL   :

            Accueille en partie la demande;

Condamne la défenderesse, Groupe Financier Consolidation inc., à payer au demandeur, monsieur Vianney Turgeon, la somme de 850 $, et ce, avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 14 septembre 2012;

Rejette la demande contre la défenderesse, Prêts Relais Capital inc.;

 

Condamne la défenderesse, Groupe Financier Consolidation inc. à rembourser au demandeur, monsieur Vianney Turgeon les frais judiciaires de 163 $;

Condamne le demandeur, monsieur Vianney Turgeon à rembourser à la défenderesse, Prêts Relais Capital inc., les frais judiciaires de contestation de 199 $.

 

 

 

__________________________________

Daniel Bourgeois , J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

4 novembre 2013

 



[1]     RLRQ, c. C-73.2.