COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

AQ-1003-6511

Cas :

CM-2012-3074

 

Référence :

2013 QCCRT 0599

 

Montréal, le

19 décembre 2013

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DEVANT LA COMMISSAIRE :

Esther Plante, juge administrative

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Yvan Larochelle

 

Plaignant

c.

 

Syndicat de la fonction publique du Québec (Unité ouvriers)

Intimé

et

 

Ministère des Transports

 

Mis en cause

 

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DÉCISION CORRIGÉE

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Le texte original a été corrigé le 10 janvier 2014 et la description du correctif en est faite à la fin de la présente décision.

[1]            Le 17 juin 2012, Yvan Larochelle (le plaignant ) dépose une plainte dans laquelle il allègue que le Syndicat de la fonction publique du Québec (Unité ouvriers) (le  syndicat ) a contrevenu, à son endroit, au devoir de représentation prévu à l’article  47.2 du Code du travail , RLRQ, c. C-27 (le Code ).

[2]            Le plaignant reproche au syndicat de s’être désisté de quatre griefs. Plus particulièrement, il invoque que celui-ci ne lui a pas prouvé que l’employeur était en droit de recourir à la sous-traitance et de le priver de travail pendant les journées visées par ses griefs

[3]            À la mi-décembre 2012, la plainte est amendée pour inclure cinq autres griefs par lesquels le plaignant conteste des mesures disciplinaires. Celui-ci reproche au syndicat de les avoir réglés avec son employeur, le ministère des Transports (le  ministère ), sans son consentement.

[4]            En début d’audience, la Commission rappelle au plaignant, qui se défend seul, le fardeau de preuve qui lui incombe, celui-ci étant de démontrer que le syndicat a commis une des fautes énumérées à l’article 47.2 du Code, soit le comportement arbitraire, discriminatoire, empreint de mauvaise foi ou la négligence grave.

les faits

[5]            Au moment des événements visés par les griefs, le plaignant est un salarié saisonnier affecté aux travaux de voirie dans la région de l’Estrie. Son nom est inscrit sur la liste de rappel d’été depuis le 13 mai 2002. Il est aussi président de la section 401 du syndicat.

les griefs concernant le recours à la sous-traitance

[6]            En 2009, le plaignant dépose trois griefs par lesquels il réclame le salaire et les autres avantages perdus en raison de l’octroi de contrats en sous-traitance, soit :

-        un grief collectif (grief 161913) visant des travaux de voirie effectués en juillet 2009 portant le 31 juillet 2009 comme date de présentation;

-        un grief (grief 161925) visant cette fois des travaux de voirie effectués le 7 août 2009; et

-        un grief (grief 161923) par lequel il conteste sa mise à pied avant la fin de la période prévue d’emploi de la saison d’été, soit le 30 octobre plutôt que le 27 novembre 2009.

[7]            Il dépose aussi un grief (161920) par lequel il conteste la répartition des heures supplémentaires entre les salariés ouvriers inscrits sur la liste de rappel des pointeurs et peseurs pendant la saison d’été 2009, liste dont il fait partie.

[8]            Ces griefs sont transmis à Julien Marquis qui est conseiller au Service des recours du syndicat. Celui-ci communique avec le plaignant pour obtenir des informations à leur sujet.

[9]            Monsieur Marquis contacte ensuite la conseillère en relations de travail du ministère (la conseillère ), son vis-à-vis chez l’employeur, pour vérifier la situation. Comme le veut l’usage, c’est la conseillère qui s’adressera, le cas échéant, aux supérieurs du plaignant à la Direction de l’Estrie. Sur réception de la réponse de l’employeur, il la communique au plaignant. Il a procédé de cette façon pour vérifier la situation dans chacun des griefs, y compris les griefs disciplinaires, visés par la plainte.

Les griefs concernant le manque de travail

[10]         La convention collective permet au ministère de recourir à la sous-traitance. Le texte des dispositions pertinentes se lit comme suit :

7-26.02 Sauf en cas d’urgence ou de force majeure, lorsque le sous-ministre envisage de confier certaines activités à un tiers et que, de façon prévisible, des employés peuvent être affectés par cette décision, il consulte, par écrit, le syndicat par l’entremise du comité mixte ministériel de relations professionnelles prévu à l’article 2-10.03, dans un délai d’au moins trente (30) jours avant l’appel d’offres ou, s’il n’y a pas d’appel d’offres, avant qu’il ne communique sa décision, pour lui permettre de formuler ses recommandations.

Il en est de même lors d’un renouvellement ou d’une prolongation d’un contrat de sous-traitance.

La consultation prévue au présent article peut également s’effectuer auprès du syndicat, par l’entremise du comité mixte ministériel de relations professionnelles, en début d’année financière.

Malgré ce qui précède, le sous-ministre et le syndicat peuvent, par l’entremise du comité mixte ministériel de relations professionnelles, convenir de tout autre délai et de toute autre modalité de consultation.

7-26.06 Le défaut par le sous-ministre de consulter le syndicat conformément à l’article 7-26.02 peut être contesté conformément à la procédure de règlement de griefs prévue à la section 3-12.00.

L’arbitre pourra ordonner la suspension de l’exécution du contrat de sous-traitance jusqu’à ce que le syndicat ait été consulté.

(Caractères gras ajoutés)

[11]         Monsieur Marquis souligne que le ministère doit consulter le syndicat s’il est prévisible que des salariés soient affectés. Dans l’affirmative, le syndicat ne peut pas déposer de grief.

[12]         Pour vérifier la situation dénoncée par le plaignant, il obtient du ministère des documents reliés à l’octroi des contrats visés par les griefs et vérifie, par la suite, auprès du représentant régional du syndicat si le ministère a consulté le syndicat, ce que celui - ci lui confirme. Le plaignant doute qu’une telle consultation ait eu lieu puisque le conseiller syndical n’a aucun écrit. Selon lui, le syndicat, s’il avait été consulté, serait intervenu pour que le ministère cesse de priver de travail les salariés comme lui.

[13]         Monsieur Marquis considère que ces deux griefs sont voués à l’échec puisque l’employeur a respecté la convention collective. Il explique le tout au plaignant qu’il rencontre avec la procureure du syndicat en janvier 2012. Il est question plus loin de cette rencontre. Le plaignant n’est pas satisfait des démarches et des réponses obtenues.

Le grief concernant la durée de la période d’emploi

[14]         En ce qui concerne la mise à pied du plaignant avant la fin de la période prévue d’emploi pour la saison d’été 2009, monsieur Marquis vérifie d’abord si le ministère a respecté l’ordre dans lequel les salariés saisonniers peuvent être mis à pied. Le salarié possédant moins d’ancienneté que le plaignant a effectivement été mis à pied avant lui. Il vérifie en outre quels ont été les chantiers en activité jusqu’à la fin de la saison pour constater que le sous-traitant concerné a fait appel à son personnel de pointeurs et peseurs comme son contrat le lui permettait. Pour monsieur Marquis, le sous-traitant n’a pas privé le plaignant de son emploi parce que le sous-contrat a été octroyé après consultation et que son personnel pouvait effectuer le travail en vertu du contrat.

[15]         Le plaignant n’est pas satisfait des explications de monsieur Marquis. Il réitère qu’il y avait du travail pour les salariés saisonniers comme lui pendant les périodes visées par ses griefs. Selon lui, l’employeur a l’obligation de les faire travailler et le syndicat doit s’assurer que le ministère leur assigne le travail prioritairement.

[16]         Dans le cas de la réclamation de salaire pour compenser la répartition inéquitable des heures supplémentaires entre les salariés saisonniers, la conseillère, à la demande de monsieur Marquis, fournit l’information sous la forme d’un tableau. Selon ce dernier, les salariés ont fait en moyenne 184,33 heures pendant leur période d’emploi respective; le plaignant cumule 185,35 heures.

[17]         Le nombre d’heures pendant lesquelles chacun des salariés n’étaient pas disponibles pour cause de vacances, maladie ou libérations syndicales est aussi indiqué sur le tableau. À ce chapitre, le plaignant est celui qui cumule le plus grand nombre d’heures.

[18]         Monsieur Marquis obtient, par la suite, la liste d’assiduité pour vérifier l’exactitude des informations concernant les absences du plaignant. Le tout apparaît être conforme. Il confirme, par ailleurs, qu’il n’a pas vérifié de façon approfondie le document interne complété par la Direction de l’Estrie que le plaignant lui a remis. Les données du tableau, selon lui, ne diffèrent pas de façon significative de celles que l’on retrouve sur ce document, ce que le plaignant conteste.

[19]         Le plaignant considère que monsieur Marquis a fait preuve de négligence en se basant sur le tableau du ministère sans avoir interrogé son auteur. Il soutient que l’employeur aurait dû lui accorder des heures supplémentaires les fins de semaine pour compenser ses absences pour activités syndicales.

Le désistement des griefs concernant le recours à la sous-traitance

[20]         Monsieur Marquis informe le plaignant que le syndicat ne poursuivra pas l’arbitrage de ses griefs concernant le recours à la sous-traitance et qu’il peut faire appel de cette décision auprès de l’exécutif. Le plaignant a ainsi la possibilité d’expliquer sa situation à un autre conseiller qui, après enquête, recommandera de maintenir la décision de monsieur Marquis et de ne pas aller à l’arbitrage.

[21]         Le 17 mai 2012, le syndicat se désiste des griefs en question.

les griefs disciplinaires

[22]         Le plaignant a, par ailleurs, déposé des griefs par lesquels il conteste les deux suspensions qui lui ont été imposées ainsi qu’un grief pour harcèlement psychologique en lien avec celles-ci.

Le grief concernant la suspension de trois jours

[23]         Les salariés saisonniers peuvent réclamer des frais de transport pour le trajet aller et retour entre la résidence et le chantier ou entre le bureau et le chantier, selon le plus court trajet. Le kilométrage effectué à l’intérieur du chantier peut s’ajouter dans la mesure où il reflète la réalité.

[24]         Pendant la période du 1 er juillet au 15 juillet 2009, le plaignant déclare avoir effectué 115 (100 + 15) kilomètres à chaque journée de travail dans sa réclamation de frais de transport. L’employeur estime que le chantier se situe à 33 kilomètres, donc qu’un aller et retour ne totalise que 66 kilomètres. Si l’on ajoute 5 kilomètres de déplacement sur le chantier, cela porte le total à 71 kilomètres.    

[25]         Les salariés saisonniers peuvent aussi réclamer du salaire pour les heures supplémentaires effectuées pour le trajet aller et retour, le repas du midi ou en fin de journée, s’ils satisfont aux conditions.

[26]         L’employeur reproche au plaignant d’avoir fait des fausses déclarations en réclamant du kilométrage qu’il n’aurait pas effectué et du salaire pour des heures supplémentaires qui n’auraient pas été effectuées. C’est ce qui justifie la suspension de trois jours, soit les 30 juillet, 4 et 6 août 2009, imposée au plaignant le 29 juillet précédent.

[27]         Le plaignant réclame l’annulation de la suspension ainsi que le salaire et les avantages perdus parce qu’elle n’est pas fondée (grief 161912 déposé le 5 août suivant) et que son supérieur ne lui a pas donné préalablement l’avis prévu à l’article 4-14.07 de la convention collective (grief 161914).

[28]         Parallèlement, il réclame le paiement des sommes que l’employeur ne lui a pas versées en frais de transport et salaire (grief 161915) en raison du rejet de ses réclamations.

[29]          Monsieur Marquis note que le plaignant déclare effectuer 92 kilomètres par jour dans le grief par lequel il réclame le paiement de ses réclamations:

Suite à la lettre de suspension et la suspension. À noter que le responsable de chantier de l’autoroute 10, monsieur Jean-François Gagnon m’avait dit d’arrondir le kilométrage à 100 au lieu de 92 km. Parti de chez moi, çà a 40.2 km X 2 plus le kilométrage de chantier qui était environ + ou - 15 km, une moyenne (les toilettes publiques) etc. en partant du 200 Belvedère nord en passant par là, Portland jusqu’à Lionel-Groulx et par la suite, le viaduc St-Joseph jusqu’à Lionel-Groulx, par la suite l’autoroute 10 donne un trajet de 38 km X 2 (de plus, j’ai parcouru 124 km et plus. Je demande le km de 92 + montant forfaitaire pour les inconvénients encourus + l’annulation de la sanction.

(Reproduit tel quel et caractères gras ajoutés)

[30]         La conseillère, à la demande de monsieur Marquis, fournit les formulaires de frais de transport  et de réclamation de salaire que le plaignant a complétés en regard des journées de travail litigieuses. Elle lui remet aussi le document dont le ministère s’est servi pour déterminer que le trajet aller et retour totalise 66 kilomètres et non 100 kilomètres tel que réclamé par le plaignant.

[31]         Malgré les demandes de monsieur Marquis, l’employeur ne transmet pas certains documents qui sont tout aussi pertinents, tels les billets de pesée. Ces derniers ont pu être consultés lors de la première journée d’arbitrage des griefs disciplinaires, après le témoignage du supérieur hiérarchique du plaignant.

[32]         Pour monsieur Marquis, le syndicat n’est pas en mesure d’établir que le trajet aller et retour totalise réellement 100 kilomètres, comme le plaignant le déclare dans sa réclamation de frais de transport. Il souligne que le plaignant lui-même écrit qu’il a plutôt effectué 92 kilomètres et qu’un surveillant de chantier l’a autorisé à inscrire 100 kilomètres dans son grief. Or, ce surveillant n’a pu être joint par téléphone et n’avait pas, selon monsieur Marquis, le pouvoir d’accorder une telle autorisation, le cas échéant, ce qui appartient aux supérieurs du plaignant de faire.

[33]         En somme, même en tenant la version du plaignant pour avérée, il subsiste un écart inexpliqué d’une vingtaine de kilomètres (92-71 = 21) pour le trajet aller et retour entre le calcul du ministère et le kilométrage déclaré par le plaignant.

Le grief concernant la suspension de sept jours

[34]         Le ministère reproche au plaignant d’avoir fait des fausses déclarations en réclamant du kilométrage supplémentaire à celui qu’il aurait fait pour se rendre au chantier, les 24 août et 9 septembre 2010. Le 15 octobre 2010, une suspension de 7 jours lui est imposée.

[35]         Le 18 novembre 2010, le plaignant dépose un grief (grief 161940) par lequel il conteste la suspension et réclame, en plus des remèdes habituels, des dommages moraux et exemplaires pour compenser le préjudice subi en raison de «  la négligence volontaire  » de son supérieur hiérarchique et du Service des ressources humaines du ministère.

[36]         Pour ce grief, monsieur Marquis recommande au syndicat d’aller en arbitrage. Si faute il y a, il est d’avis que la sanction est disproportionnée en regard de celle-ci.

Le grief pour harcèlement psychologique

[37]         Le même jour, le plaignant dépose aussi un grief pour harcèlement psychologique dans lequel il allègue que son supérieur hiérarchique et le Service des ressources humaines du ministère font preuve de discrimination et négligence à son endroit (grief 161941). Il inscrit sur le formulaire de grief, comme date de l’événement y donnant lieu, le 25 octobre 2010, soit la date de la première journée de sa suspension de 7 jours.

[38]         Selon monsieur Marquis, il ne s’agit pas de harcèlement psychologique, mais de l’exercice du droit de direction. Il avise le plaignant en conséquence.

l’arbitrage des griefs disciplinaires

[39]         Au moment où le grief concernant la suspension de sept jours se retrouve sur le rôle d’audience, le syndicat décide de réunir l’ensemble des griefs disciplinaires pour une audition commune. Cela permettra notamment à la procureure du syndicat et à monsieur Marquis de consulter les documents que le ministère n’a pas voulu remettre au syndicat avant l’arbitrage.  

[40]         L’arbitrage est d’abord convoqué pour le 15 décembre 2011 et remis, à la demande du syndicat, au 1 er mars 2012 puisque sa procureure n’est pas disponible. Une deuxième journée d’audience est prévue pour le 21 septembre 2012.

[41]         Le 16 janvier 2012, monsieur Marquis rencontre le plaignant avec la procureure. Leurs échanges portent aussi bien sur les griefs concernant le recours à la sous-traitance que les griefs disciplinaires.

[42]         Le 21 février suivant, ils se réunissent à nouveau pour préparer l’audition des griefs.

[43]         Le 1 er mars, l’arbitrage commence par le témoignage du supérieur hiérarchique du plaignant. Au cours de son témoignage, il dépose les documents au soutien des suspensions imposées par l’employeur.  

[44]         Dans l’après-midi, l’audience est suspendue pour permettre l’examen des documents. Monsieur Marquis les consulte avec le plaignant et la procureure du syndicat.

[45]         La procureure du syndicat demandera au cours de l’été suivant, et à quelques reprises, à la procureure de l’employeur de lui fournir des documents supplémentaires.

[46]         Dans les jours précédant l’audience du 21 septembre 2012, le syndicat et le ministère  discutent des possibilités de régler les griefs. Le plaignant refuse la première offre de règlement de son employeur, ainsi que sa deuxième que monsieur Marquis lui présente le matin de l’audience, et ce, après avoir révisé le dossier avec la procureure du syndicat au cours de la soirée précédente. Monsieur Marquis lui recommande d’accepter l’offre parce qu’il considère que le plaignant a plus à perdre qu’à gagner en poursuivant l’arbitrage des griefs alors que le ministère accepte d’annuler la suspension de sept jours.

[47]         Le 28 septembre 2012, monsieur Marquis passe outre au refus du plaignant et l’informe qu’il recommande au syndicat de ne pas poursuivre l’arbitrage des griefs. Il joint à sa lettre une copie du projet d’entente, dont les modalités sont les suivantes :

-           la suspension de trois jours est réduite à deux jours et l’employeur verse l’équivalent d’une journée de traitement;

-           la suspension de sept jours est annulée et le plaignant reçoit l’équivalent de sept jours de traitement;

-           en contrepartie, le syndicat se désiste de tous les griefs disciplinaires.

[48]         Le plaignant fait appel de cette décision auprès de l’exécutif.

L’appel à l’exécutif

[49]         Le dossier de monsieur Marquis est révisé par Normand Lépine, un autre conseiller du service des recours. Celui-ci n’a pas travaillé dans le dossier du plaignant jusque-là.

[50]         Monsieur Lépine a accès à tous les documents concernant la suspension de trois jours y compris ceux du dossier de la procureure syndicale.

[51]         Au début du mois de décembre 2012, il rencontre le plaignant. Celui-ci se dit insatisfait du  maintien de la suspension.

[52]         Monsieur Lépine rencontre par la suite le directeur du Service des ressources humaines du ministère pour avoir des précisions sur l’ensemble des rapports transmis. Il rencontre également monsieur Marquis.

[53]         Le plaignant et lui se revoient une deuxième fois par la suite. Monsieur Lépine a alors en sa possession les relevés des techniciens et les billets de pesée ainsi qu’un tableau préparé à la suite de l’analyse de ces documents. On y compare les relevés de pointage du plaignant et du technicien avec la position du ministère. Ce document  leur permet d’échanger des informations et de vérifier si la réclamation des heures supplémentaires, que le plaignant a produite au cours de l’été 2009, satisfaisait aux conditions prévues à la procédure administrative. Leurs échanges portent aussi sur la réclamation de frais de transport visée par la suspension.

[54]          Monsieur Lépine donne des informations et répond aux questions ainsi qu’aux arguments que le plaignant soulève. Il lui remet copie d’une sentence arbitrale dans laquelle l’arbitre confirme le congédiement d’un salarié à qui on reprochait d’avoir fait une fausse déclaration, alors que son supérieur immédiat n’est pas sur le chantier pour assurer la surveillance.

[55]         Selon monsieur Lépine, le plaignant n’est pas en mesure de justifier ses réclamations. Il recommande au syndicat de maintenir la décision de monsieur Marquis de régler les griefs selon le projet d’entente.

les reproches du plaignant

[56]         Essentiellement, le plaignant expose les faits au soutien des différents griefs et sa position en regard de l’interprétation et de l’application des dispositions pertinentes de la convention collective. Il est insatisfait des démarches effectuées par monsieur Marquis. Enfin, il prétend que le ministère lui impose des mesures de représailles à cause de son statut de représentant syndical, notamment en lui imposant une suspension de trois jours à la suite du dépôt du grief collectif, en le mettant à pied par la suite à cause du grief qu’il dépose à l’encontre de cette sanction et en le suspendant sans droit pendant sept jours, la saison d’été suivante.

analyse et motifs

les règles applicables

[57]         L’article 47.2 du Code énonce les obligations qui incombent au syndicat en regard de son devoir de représentation :

47.2      Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l’endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu’elle représente, peu importe qu’ils soient ses membres ou non.

[58]         Le syndicat doit exercer son pouvoir exclusif de représentation en tenant compte de son devoir de représentation.

[59]         Le fardeau de prouver que le syndicat a violé son obligation de juste représentation syndicale incombe au salarié. Il s’agit d’un fardeau exigeant :  « Il faut bien admettre que les vocables : mauvaise foi, arbitraire, discrimination et négligence grave, sont exorbitants eu égard à notre régime général de responsabilité civile extracontractuelle. » (Jean-Yves BRIÈRE, L’obligation d’une juste et loyale représentation : analyse, perspective et prospective , Développements récents en droit du travail 2005 , volume 224, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 153 à la p. 164).

[60]         À la lumière de ces considérations, il est clair que le syndicat possède une discrétion appréciable dans le cadre de l’application de la convention collective et que le salarié n’a pas un droit absolu à ce qu’un arbitre décide du bien-fondé de sa réclamation. Dans la mesure où le syndicat exerce cette discrétion selon les critères de l’article 47. 2 du Code, la décision de déposer, de retirer, de régler ou de poursuivre l’arbitrage d’un grief lui appartient.

[61]         Ainsi, le rôle de la Commission est ni de décider du bien-fondé de la réclamation du salarié à la place de l’arbitre de griefs ni de substituer son opinion à celle du syndicat en regard de la décision à prendre dans un cas donné, mais bien d’examiner le comportement syndical à l’aune de son obligation de juste représentation, dans le but de déterminer si le manquement reproché au syndicat résulte d’un acte arbitraire, de mauvaise foi, de discrimination ou de négligence grave ( Syndicat national des employés(e)s du Centre de soins prolongés Grace Dart (CSN) c. Holligin-Richards , 2006 QCCA 158 , paragr. 31)

L’application des RÈGLes aux faits

[62]         Dans le présent dossier, le plaignant n’a aucunement démontré que le syndicat a violé son obligation de juste représentation.

[63]         Au contraire, le conseiller syndical a multiplié les démarches et vérifications. Pour chaque grief, il s’est assuré d’avoir les informations nécessaires ainsi que tous les documents en main. Par exemple, pour prendre une décision concernant la poursuite de l’arbitrage du grief par lequel le plaignant conteste la suspension de trois jours, il a attendu de consulter la documentation que le ministère avait refusé de lui transmettre jusque-là.

[64]         Le plaignant a eu l’opportunité de donner des informations, de consulter lui aussi la documentation communiquée au soutien des suspensions par le ministère et d’exposer ses arguments, non seulement à monsieur Marquis, mais aussi à la procureure du syndicat, qu’il a rencontrés à plus d’une reprise. S’ajoutent les enquêtes menées par deux autres conseillers syndicaux aux fins de vérifier la justesse des recommandations formulées par monsieur Marquis en regard des faits et des règles applicables.

[65]         Le syndicat a procédé à une analyse sérieuse des griefs avant de prendre les décisions que le plaignant conteste par la présente plainte. Dans les circonstances révélées par la preuve, ces décisions n’apparaissent pas capricieuses. Elles ont été prises, comme l’enseigne la jurisprudence en semblable matière, en tenant compte de l’importance des griefs pour le plaignant et les intérêts légitimes du syndicat.

[66]         Le plaignant aurait voulu poursuivre l’arbitrage de tous ses griefs et pouvoir présenter ses arguments à l’arbitre. Cependant, en l’absence de mauvaise foi, d’arbitraire, de discrimination ou de négligence grave, le syndicat pouvait se désister des griefs de sous-traitance et s’entendre avec le ministère pour régler les griefs disciplinaires.

[67]         Le recours du plaignant n’est pas fondé.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                      la plainte. 

 

 

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Esther Plante

 

M e Pierre Leblanc

POUDRIER BRADET AVOCATS, S.E.N.C.

Représentant de l’intimé

 

M e Gabriel Lemay

ROBITAILLE, TANGUAY (JUSTICE-QUÉBEC)

Représentant du mis en cause

 

Date de la dernière audience :

16 septembre 2013

 

/ls

 

 

 

Correction apportée le 10 janvier 2014.

 

La date de la décision doit se lire le 19 décembre 2013.