Barlow c. Désaulniers

2014 QCCQ 600

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TROIS-RIVIÈRES

LOCALITÉ DE

TROIS-RIVIÈRES

« Chambre civile »

N° :

400-32-012428-137

 

 

 

DATE :

27 janvier 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALAIN TRUDEL J.C.Q.

 

 

 

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ISABELLE BARLOW

Demanderesse

c.

LUC DÉSAULNIERS

Défendeur

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Alléguant que la résidence acquise du défendeur est affectée de vices cachés, la demanderesse réclame 6 566,38 $ en réduction du prix d'acquisition et dommages et intérêts.

[2]            Le défendeur conteste la réclamation et se portant défendeur reconventionnel, il réclame de la demanderesse la somme de 655,94 $ représentant les frais d'avocats encourus pour sa contestation.


Questions en litige

1.         L'obstruction de la canalisation d'égout desservant la résidence en raison de la présence de racines et autres débris constitue-t-elle un vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil du Québec ?

2.         Dans l'affirmative, quelle est la valeur des dommages encourus?

3.         La demande reconventionnelle du défendeur est-elle bien fondée?

Mise en contexte

[3]            Le 26 juin 2012, la demanderesse acquiert du défendeur une résidence sise au […] à Trois-Rivières, pour la somme de 195 000 $.

[4]            Il s'agit d'une maison centenaire de type bungalow.

[5]            La vente est faite avec la garantie légale.

[6]            Préalablement à l'acquisition, la demanderesse visite l'immeuble à quelques reprises dont une fois en compagnie de monsieur Stéphane Perron, inspecteur en bâtiment.

[7]            Elle obtient également une déclaration du vendeur sur la qualité de l'immeuble.

[8]            Satisfaite de l'opinion de monsieur Perron, de ses visites et des informations obtenues du vendeur, la demanderesse transige et prend possession de sa nouvelle résidence le 29 juin 2012.

[9]            Le 7 juillet 2012, alors qu'elle utilise sa laveuse à linge pour la première fois, la demanderesse constate que de l'eau souillée refoule de la toilette attenante au sous-sol de la résidence.

[10]         Il est admis par les experts retenus par les parties que le refoulement est causé par la présence d'une trop grande accumulation de racines dans la conduite d'égout de la résidence qui, à toute fin pratique, a atteint sa durée de vie utile.

[11]         La problématique est immédiatement dénoncée au vendeur et ce dernier est mis en demeure le 28 septembre 2012 de procéder aux travaux correctifs à ses frais.

[12]         Le 17 septembre 2013, la demanderesse loge contre le défendeur un recours devant la Cour du Québec, division des petites créances.

Les prétentions

[13]         La demanderesse invoque en sa faveur la garantie légale contre les vices cachés prévue à l'article 1726 du Code civil du Québec.

[14]         Le défendeur prétend n'avoir jamais connu de problèmes de refoulement d'égout sauf à une occasion, trois ou quatre années précédant la vente, qu'il explique par le rejet dans les toilettes de soie dentaire et autres objets d'utilité sanitaire.

[15]         Il ajoute qu'il ignorait que la conduite d'égout était bouchée par l'accumulation de racines.

[16]         Enfin, il plaide que les dommages réclamés par la demanderesse sont exagérés.

[17]         Alléguant s'être vu obligé à engager des frais d'avocats devant le refus de la demanderesse de lui parler directement, le défendeur se porte demandeur reconventionnel et réclame à la demanderesse la somme de 655,94 $ représentant les honoraires d'avocats encourus pour préparer sa contestation.

Le droit

[18]         L'article 1726 du Code civil du Québec énonce :

1726. C.c.Q. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[19]         En vertu de cet article, le vendeur est légalement tenu de garantir que le bien vendu est exempt de vices cachés.

[20]         Afin de déterminer l'existence d'un vice caché, le Tribunal analyse généralement quatre (4) critères:

1.                   Le vice doit être grave , c'est-à-dire qu'il doit causer des inconvénients sérieux à l'usage du bien et que l'acheteur ne l'aurait pas acheté ou donné si haut prix s'il les avait connus;

2.                   Le vice doit être inconnu de l'acheteur au moment de la vente. La bonne foi se présumant, il appartient au vendeur de faire la preuve de la connaissance du vice par l'acheteur;

3.                   Le vice doit être caché ce qui suppose qu'il ne soit pas apparent, c'est-à-dire qu'il n'a pu être constaté par un acheteur prudent et diligent sans devoir recourir à un expert et qu'il n'ait pas été dénoncé ou révélé par le vendeur;

4.                   Le vice doit être antérieur à la vente .

[21]         De plus, l'acheteur a l'obligation de dénoncer par écrit le vice dans un délai raisonnable.

[22]         Enfin, l'article 1595 du Code civil du Québec émet le principe qu'une mise en demeure est requise et qu'elle doit, règle générale, être envoyée au vendeur de l'immeuble par l'acheteur avant que celui-ci ne procède à la réparation du vice.

[23]         Ainsi, ce ne sont pas tous les problèmes détectés par un acheteur ou qui surviennent après l'achat d'une résidence qui donnent ouverture à un recours en vertu de la garantie contre les vices cachés.

[24]         Qu'en est-il dans le cas sous étude ?

Discussion

1.         L'obstruction de la canalisation d'égout desservant la résidence en raison de la présence de racines et autres débris constitue-t-elle un vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil du Québec ?

[25]         La preuve révèle que l'accumulation importante de racines dans la conduite principale de l'égout de la résidence était présente au moment de la vente et inconnue de la demanderesse.

[26]         Cette situation, d'une gravité certaine, constitue un vice caché qui provoque des inconvénients importants et réduit l'usage normal de la résidence auquel la demanderesse est en droit de s'attendre.

[27]         Ce fait est confirmé par les experts retenus par les parties qui, tous deux, s'entendent sur la nature des travaux correctifs à exécuter ainsi que leurs valeurs afin d'assurer le bon fonctionnement de la conduite d'évacuation des égouts de la résidence.

[28]         Ainsi, le Tribunal répond par l'affirmative à la première question en litige.

Les dommages

2.         Quelle est la valeur des dommages encourus?

[29]         À l'audience, la demanderesse informe le Tribunal qu'une erreur est survenue dans le calcul des dommages réclamés.  Elle amende sa réclamation qu'elle ventile de la manière suivante :

Ø     Facture de plombier et inspection                                                                275,94 $

Ø     Facture de Drain-O-Max pour déblocage                                                     298,94 $

Ø     Travaux correctifs de la collecte de la conduite d'égout                           4 323,06 $

Ø     Permis de construction                                                                                  10,00 $

Ø     Achat de matériel divers                                                                                 74,68 $

Ø     Frais de poste recommandée                                                                        13,23 $

Ø     Travaux de terrassement                                                                          1 214,14 $

TOTAL :                                                                                                     6 209,99 $

[30]         Il découle du témoignage des experts que la conduite d'égout desservant la résidence avait, au moment de la transaction entre les parties, atteint sa durée de vie utile qui est généralement estimée entre 40 et 50 ans.

[31]         Tenant compte du fait que la facture des travaux correctifs comprend certains aménagements ou améliorations dont le défendeur ne saurait être tenu responsable ainsi qu'une dépréciation doit être appliquée afin de tenir compte de l'état d'usure de la conduite, le Tribunal considère qu'un montant de 800 $ à ce chapitre est justifié.

[32]         Les réclamations pour les coûts de déblocage au montant de 298,94 $, de permis de construction au montant de 10 $, d'achat de matériel au montant de 74,68 $ ainsi que d'honoraires de plombier au montant de 275,94 $ sont également raisonnables et justifiées. 

[33]         Enfin, après avoir entendu les experts sur la question des travaux de terrassement, le Tribunal octroie à ce chapitre une somme de 800 $ qui lui apparaît raisonnable.

3.         La demande reconventionnelle est-elle bien fondée ?

[34]         Quant à la demande reconventionnelle du défendeur, elle est rejetée puisque sans fondement.  Rien n'obligeait le demandeur à encourir des frais d'avocats pour répondre aux prétentions de la demanderesse et maintenir la communication entre les parties.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[35]         ACCUEILLE partiellement la demande ;

[36]         CONDAMNE le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 2 259,56 $ avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 28 septembre 2012 ;

[37]         REJETTE la demande reconventionnelle du défendeur à l'égard de la demanderesse ;

[38]         CONDAMNE le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 167 $ à titre de frais judiciaires.

 

 

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ALAIN TRUDEL J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

6 janvier 2014