Syndicat des salariés de la Coop alimentaire de
la région d'Asbestos (CSD) et Coop alimentaire de la région d'Asbestos (Mario
Bonneville)
13-589-AL
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2014 QCTA 98 |
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2014-2645 |
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Date : |
14 janvier 2014 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
ANDRÉ LADOUCEUR |
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Syndicat des salariés de la Coop alimentaire de la région d’Asbestos (CSD) |
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ci-après appelé(e) « le syndicat » |
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Coop alimentaire de la région d’Asbestos |
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ci-après appelé(e) « l’employeur », la « Coop » ou « l’épicerie » |
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Plaignant(e-s) : |
Mario Bonneville (congédiement) |
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Grief(s) : |
n o du greffe |
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n o du syndicat |
2012-3 et 2012-4 |
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Convention collective : |
1 er avril 2011 au 31 décembre 2017 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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(Art.
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[1] Les présents griefs contestent le congédiement du plaignant, Mario Bonneville, ayant occupé un poste de commis. La lettre de congédiement se lit comme suit :
Le soussigné est le conseiller juridique de la Coop Alimentaire de la Région d’Asbestos (ci-après désignée « notre cliente ») et c'est à ce titre qu'il vous fait parvenir les présentes.
Le ou vers le 19 octobre dernier, vous avez communiqué avec monsieur Mario Gauthier, comptable chez notre cliente et cadre, pour l'informer que vous refusiez de travailler malgré ce que votre propre médecin avait ordonné et que vous n'aviez pas de billet médical justifiant ladite absence jusqu'au 31 octobre selon vous.
Nous vous rappelons que vous êtes soumis comme tous les employés de notre cliente à une convention collective prévoyant les droits et obligations des parties.
Nous attirons votre attention sur les dispositions de l'article 7.07(c) de la
convention collective qui se lit ainsi :
« 7.07 Accumulation, conservation et perte d'ancienneté
Dans tous les cas, le salarié ayant complété sa période probatoire conserve et accumule son ancienneté, sauf lorsqu'autrement prévu à la convention collective et sauf dans l'un des cas suivants où il la perd :
( ... )
(c) Pour une absence sans raison valable ou non motivée excédant trois (3) jours de travail cédulés consécutifs;
( ... )
La perte d'ancienneté entraîne la perte du lien d'emploi. »
(notre souligné)
En conséquence, votre refus de travail, non motivé et non étayé d'un billet médical malgré vos nombreuses absences répétées des derniers mois, constitue un acte de votre part qui entraîne la perte de votre lien d'emploi avec notre cliente.
La fin de votre emploi est donc survenue le 25 octobre 2012 (après votre absence pour trois (3) jours où vous étiez cédulé pour travailler soient les 20, 23 et 24 octobre 2012) et nous vous expédierons sous peu les sommes qui pourraient vous être dues, le cas échéant, et la cessation d'emploi appropriée qui indiquera départ volontaire.
Veuillez, Monsieur, vous gouverner en conséquence.
[2] D’entrée de jeu, le syndicat produit la lettre d’une psychologue, Josée St-Arnaud, adressée à l’arbitre soussigné et lui indiquant qu’elle suit le plaignant depuis plus de six moins pour le traitement d’une dépression majeure et d’un trouble d’anxiété généralisé. La lettre se poursuit pour demander notre compréhension et notre clémence puisque cet état de santé fait en sorte que le plaignant souffre de pertes de mémoire importantes, le stress occasionné par sa comparution devant nous étant également susceptible de l’amener à perdre sa concentration et à devenir confus.
[3] Mario Bonneville, le plaignant, débute son emploi chez l’employeur en décembre 1981. Il travaille à titre d’aide général emballeur. Il est âgé de 49 ans lors de l’audition.
[4] En janvier 2012, un relevé des absences du plaignant préparé par l’employeur indique que le plaignant a été en absence non motivée pour plus de trois jours consécutifs, précisant : « sans se présenter et sans papier de médecin ». Il est indiqué qu’un avis disciplinaire lui a été remis le 10 janvier 2012 et n’a pas été contesté.
[5] Sur objection de syndicat fondée sur une disposition de la convention collective prévoyant que « Toute mesure disciplinaire qui date de plus de six (6) mois ne peut être invoquée par l’Employeur… », l’employeur affirme ne pas avoir l’intention d’invoquer cette mesure à titre de mesure disciplinaire préalable pour justifier une gradation de sanctions ou la présence d’un incident culminant.
[6] L’avis disciplinaire remis au plaignant le 10 janvier 2012 se lit comme suit pour l’essentiel (sic) :
Mario n’est pas rentré au travail mardi, mercredi, jeudi 3, 4, 5 janvier. Après cela, je lui ai téléphoné pour lui dire après trois jours de maladies, il devait m’apporter un papier de médecin pour revenir au travail (P.S. Mario n’est pas rentré au travail vendredi et samedi 6 et 7 janvier). Étant donné qu’il n’a pas de papier de médecin, je me doit de lui donner cette avis écrit. Cela a eu pour effet de changer l’horaire de travail à tout les jours.
[7] Le plaignant fait valoir que s’il n’est pas entré travailler, c’est à cause de son genou. Il ajoute avoir ensuite demandé de prendre cinq (5) semaines de vacances à l’avance afin de pouvoir accompagner sa conjointe, Jacqueline Houle, qui devait subir une grosse opération. Cette absence de cinq semaines lui a été accordée et rémunérée par l’employeur à titre d’avance sur des vacances à venir et ce, après entente avec le syndicat.
[8] Une sixième semaine lui a ensuite été rémunérée à titre de congés mobiles et d’un jour férié.
[9] À compter du 4 mars 2012, le plaignant est reconnu en assurance invalidité à cause de son genou et s’absente alors durant trois autres semaines.
[10] À compter du 27 mars 2012, le plaignant effectue un retour progressif. Mais, à compter du 20 mai jusqu’au 17 septembre, le plaignant se retrouve à nouveau en absence invalidité.
[11] À compter du 18 septembre 2012, le plaignant reprend à nouveau son travail de façon progressive. Le 27 août précédent, il a reçu une lettre de l’assureur qui, en se basant sur les renseignements médicaux fournis, accepte les modalités de retour au travail proposées par son médecin, passant graduellement de 2 à 3 jours non consécutifs par semaine puis à 4 jours par semaine jusqu’au 29 octobre 2012, date à laquelle il devrait reprendre le travail à temps complet.
[12] Dans cette lettre signée par Véronique Labonté au nom de l’assureur, il est indiqué au plaignant que : « S’il s’avérait que vous soyez dans l’incapacité de reprendre le travail à temps complet le 29 octobre 2012 en raison d’une détérioration de votre état de santé, un questionnaire médical complémentaire de votre médecin expliquant les complications survenues ainsi que les limitations fonctionnelles et justifiant la prolongation de l’invalidité totale et/ou les modalités de retour au travail progressif sera exigé ».
[13] Le 17 septembre 2012, à la veille de son retour au travail progressif, le plaignant se rend à Arthabaska où se situe la clinique de son médecin traitant, la Dre Marie-Josée Garand. Au retour, c’est sa conjointe qui remet un nouveau billet médical à l’employeur, le plaignant faisant valoir qu’il avait trop mal au genou pour y aller lui-même.
[14] Le même jour, dans un courriel qu’il fait parvenir à l’assureur, au soin de madame Labonté, le comptable au service de l’employeur, Mario Gauthier, demande ce qu’il faut faire en raison du billet médical qu’il vient de recevoir, lequel modifie jusqu’au 15 octobre suivant les modalités de retour au travail du plaignant à compter du lendemain, 18 septembre, soit 4 heures par jour à raison de 3 jours par semaine.
[15] Se conformant à ce nouveau billet médical, l’horaire du plaignant pour la semaine du 7 au 13 octobre 2012 le prévoit au travail les 9, 11 et 13 octobre, de 8h à 12h. Le plaignant travaille effectivement les 9 et 11 octobre.
[16] Au cours de cette même semaine, soit le 10 octobre, le plaignant revoit la Dre Garand qui l’examine avant d’émettre un nouveau billet médical à l’intention de la gestionnaire du plan d’assurance du plaignant où on constate qu’elle augmente le rythme du retour au travail progressif du plaignant. Ce billet se lit comme suit :
S.V.P. respecter les mêmes limitations déjà en vigueur. Travail progressif 4 jours par semaine, 6h par jour à partir du 15/10/12 jusqu’à la chirurgie prévue d’ici la fin décembre 2012. Vérifié avec Dr Larochelle.
[17] Le matin du 11 octobre, le plaignant est avisé que son opération est devancée et aura lieu le 31 octobre suivant. Ce même jour, Mario Gauthier achemine à la compagnie d’assurance un courriel où on peut lire :
[…] Je vous fais parvenir un billet médical pour notre employé ci-haut mentionné (Mario Bonneville). Le médecin demande un travail progressif à 4 jours par semaine à raison de 6 hrs par jour à compter du 15 octobre 2012 jusqu’au moment de sa chirurgie pour le genou. Ce matin, M. Bonneville a reçu un appel téléphonique du Centre hospitalier où aura lieu son opération et celle-ci est prévue et confirmée pour le 31 octobre 2012. […]
[18] Le jour suivant où il doit travailler, soit le 13 octobre, disant avoir trop mal au genou, le plaignant appelle l’assistant-gérant, Michel Barrette, pour l’aviser qu’il n’entrera pas travailler.
[19] À savoir si le plaignant n’aurait pas téléphoné le dimanche 14 octobre à la responsable du département de service, Jessica Grimard, le plaignant répond que c’est plutôt au cours de la semaine suivante, soit le soir du mardi 16 octobre, qu’il a logé cet appel. Au cours de cette nouvelle semaine, il devait travailler les 16, 18 et 20 octobre. Le matin du 16 octobre, vers 6h30, il dit avoir laissé un message dans la boîte vocale du gérant Denis Daigle pour l’aviser qu’il n’entrerait pas au travail, son genou l’ayant empêché de bien dormir la nuit précédente. Puis, le soir même, il dit avoir téléphoné à Jessica Grimard, pour l’aviser qu’il n’entrerait pas au travail jusqu’au 31 octobre, la date prévue pour son opération. Il précise alors qu’il n’a pas de billet médical mais qu’il en produira éventuellement un. Il lui demande de transmettre ces informations au gérant de service, Yvan Picard.
[20] À savoir si Jean Boisvert, le directeur général de l’épicerie, ne lui aurait pas laissé un message dans sa boîte vocale le lundi 15 octobre, le plaignant nie. Le plaignant nie également avoir été appelé ou avoir eu un message vocal de Jean Boisvert les 17 et 18 octobre. Enfin, à savoir s’il a eu un échange avec Daigle et Gauthier le vendredi 19 octobre, le plaignant dit n’en avoir aucun souvenir.
[21] Le plaignant reconnaît qu’il se devait de justifier ses absences. Il reconnaît qu’il n’a pas travaillé les 13, 16, 18 et 20 octobre. Durant cette période, outre sa conversation avec Jessica Grimard, il n’a pas eu d’autre conversation avec quiconque chez l’employeur.
[22] Le plaignant reconnaît qu’il n’a pas travaillé les 23, 24, 25 et 27 octobre suivant alors que son horaire le prévoyait. Le 23 octobre, il avait un message de Jean Boisvert lui indiquant qu’on avait pas eu de ses nouvelles et lui demandant de communiquer avec lui pour lui indiquer s’il allait travailler. Après avoir spécifié qu’il était présent le matin mais absent l’après-midi, Boisvert l’invitait, à défaut de pouvoir le rejoindre, à communiquer avec Denis Daigle.
[23] Le plaignant dit avoir appelé Daigle et lui avoir demandé ce qui se passait puisqu’il avait avisé qu’il n’entrerait pas travailler jusqu’au 31 octobre et qu’il aurait un billet de son orthopédiste à ce moment. Au pire, aurait-il ajouté, il prendrait deux semaines à ses frais pour acheter la paix. Par la suite, ajoute-t-il, il n’aurait pas eu d’appel de personne. Le 26 octobre, c’est le huissier qui lui a remis sa lettre de congédiement. Puis, le 29 octobre, suite à un téléphone de son délégué syndical, Sylvain Lizotte l’enjoignant de se procurer un billet médical, il serait monté à la clinique de son médecin à Arthabaska l’après-midi même. Son médecin n’y étant pas, il a rencontré le Dr Harvey qui, après un examen sommaire, lui remet un billet que le plaignant remet à son tour au délégué Daniel Saucier.
[24] Questionné à cet égard, le plaignant reconnaît ne pas avoir tenté de rejoindre son médecin traitant, la Dre Garand, entre le 10 et le 29 octobre 2012, ni aucun autre médecin. Le plaignant reconnaît que sa résidence se situait à 750 mètres de l’hôpital d’Asbestos où il y a une urgence. Il dit ne pas y avoir été parce que son genou lui faisait trop mal. Lorsqu’on lui suggère qu’il a fait le choix de ne pas se rendre à l’hôpital, le plaignant répond qu’il en était incapable. Confronté au fait qu’il s’est rendu à Arthabaska le 29 octobre et qu’il était donc capable de se déplacer, le plaignant répond simplement que son délégué syndical l’avait averti.
[25] Questionné au nom du syndicat , le plaignant confirme avoir été opéré par Dre Pascale Larochelle le 31 octobre 2012 et avoir alors reçu une prothèse complète du genou droit. Auparavant, le plaignant avait vu Dre Larochelle à 4 ou 5 reprises; elle lui administrait de la cortisone au cas où cela pourrait lui être bénéfique mais ce ne l’était pas.
[26] Le plaignant a commencé à voir Dre Larochelle environ un an plus tôt, lui faisant valoir ses douleurs et l’état de son genou qui s’aggravait. C’est vers le mois de juillet ou août 2012, alors qu’il est en arrêt de travail, qu’on lui signifie qu’on prévoit pouvoir l’opérer à la fin du mois de décembre. Il a expliqué au Dre Larochelle que son genou lui faisait mal et qu’il ne pensait pas être apte à travailler. Elle lui a répondu qu’elle essaierait de faire devancer son opération.
[27] Le 11 octobre, il précise que c’est Denis Daigle qu’il a appelé pour l’aviser que son opération était devancée. Quant au 16 octobre, il confirme que c’est dans la boîte vocale de ce dernier qu’il a laissé un message disant qu’il n’entrerait pas au travail, ayant trop mal au genou. Il n’a reçu aucun appel de l’employeur ce même jour. Enfin, il confirme que c’est le soir même, vers 19hrs, qu’il a parlé à la superviseure Jessica Grimard pour lui dire qu’il n’entrerait pas au travail jusqu’au 31 octobre, date prévue pour son opération, faisant valoir qu’il n’avait pas de billet médical mais que, au pire, il en aurait un le 31 octobre.
[28] Le plaignant confirme ne pas avoir eu d’autre contact avec quiconque de chez l’employeur avant le 23 octobre suivant alors que, vers 13h ou 13h30, il prend un message de Jean Boisvert à l’effet qu’on a pas eu de nouvelles de lui et de le rappeler, qu’il est là l’avant-midi, ou de rappeler Denis Daigle en après-midi. Il confirme également avoir alors expliqué qu’il n’entrerait pas au travail et qu’il apporterait un billet médical le 31 octobre, qu’il ne voulait pas faire de chicane et, si nécessaire, prendrait deux semaines à ses frais pour établir la paix, pour que ça s’arrange. Daigle lui aurait répondu qu’il laisserait une note à Boisvert puisque c’est ce dernier qui déciderait.
[29] Sans autre nouvelle de l’employeur entre temps, c’est le 26 octobre que le huissier lui remet la lettre de congédiement. Il fait valoir qu’il n’en croyait pas ses yeux, qu’il n’aurait pas fallu que quelqu’un de l’épicerie soit là à ce moment. Il explique qu’il avait cru qu’en expliquant que son opération était devancée, cela pouvait justifier ses absences jusqu’à cette date. Il ajoute que l’employeur ne lui a pas donné à croire que cela n’était pas correct.
[30] Après qu’on lui ait rappelé que sa dernière visite à Dre Garand se situait au 10 octobre, date à laquelle elle avait augmenté la cadence de son retour au travail, et qu’il n’avait fait aucune démarche pour voir un médecin entre le 10 et le 29 octobre ou se rendre à l’hôpital, le plaignant réitère qu’il prenait pour acquis, après avoir reçu la lettre de Dre Garand lui apprenant que son opération était devancée, qu’il n’avait pas à travailler jusqu’à son opération.
[31] À la question lui demandant de préciser à savoir ce qui pouvait lui laisser croire que son absence était autorisée, le plaignant répond : « Je ne le sais pas ».
[32] Contre-interrogé au nom de l’employeur , le plaignant reconnaît qu’il était chez lui le 23 octobre, alors que Boisvert lui laisse un message le matin. Il fait valoir qu’il était couché, qu’il dormait.
[33] À une dernière question au nom du syndicat , le plaignant fait valoir qu’il dormait tard le matin, en évitant de répondre au téléphone, parce que la douleur à son genou l’empêchait de bien dormir la nuit.
[34] Jessica Grimard est embauchée comme caissière en août 2012 et devient superviseure un mois plus tard.
[35] En octobre, elle travaille les avant-midi le jeudi et le vendredi ainsi que les samedi et dimanche soir.
[36] Elle se souvient d’avoir reçu l’appel du plaignant dimanche soir le 14 octobre. Il lui a dit qu’il s’était blessé à un pied et qu’il apporterait un billet du médecin. Il lui parle aussi d’une opération. Elle lui répond qu’elle va coller une note au mur à cet effet à l’attention d’Yvan Picard.
[37] Elle se souvient d’avoir eu une autre conversation avec le plaignant mais après le 14 octobre. Elle ne se souvient pas de la teneur de cette deuxième conversation.
[38] Contre-interrogée au nom du syndicat , Grimard précise qu’elle a pris une note seulement lors de la première conversation avec le plaignant. Lorsqu’il lui a parlé d’une opération, c’était au pied. Elle lui a dit qu’elle ne pouvait prendre de décision et qu’elle allait remettre une note à Picard. Elle ne se souvient pas que le plaignant lui ai dit qu’il ne pourrait pas entrer travailler d’ici son opération. Le deuxième appel du plaignant était également pour dire qu’il ne pouvait entrer travailler.
[39] À savoir si elle est sûre de la date du 14 octobre, Grimard répond que oui parce qu’elle a rencontré Jean Boisvert le lendemain pour lui relater la conversation qu’elle avait eue avec le plaignant. Picard lui avait remis sa note.
[40] Grimard reconnaît qu’il pouvait lui arriver de travailler le lundi soir et qu’elle pouvait également être appelée à faire des remplacements de dernière minute. Confrontée au fait qu’elle a bel et bien travaillé le mardi soir du 16 octobre et à savoir si ce ne pourrait pas plutôt être le 16 octobre que le plaignant l’a contactée par téléphone, Grimard répond qu’elle est certaine d’avoir reçu son appel le dimanche 14 octobre. Quant au deuxième coup de fil du plaignant, elle ne peut se rappeler quand il est intervenu.
[41] Denis Daigle agit à titre de gérant d’épicerie depuis 30 ans chez l’employeur.
[42] Il confirme que le plaignant n’a pas travaillé le 13 octobre. C’est son assistant, Michel Barrette, qui a reçu l’appel du plaignant à l’effet qu’il avait trop mal au genou pour travailler.
[43] Le 15 octobre, Daigle entre travailler à 8 hrs. Picard l’avise qu’il y a un billet à son bureau à l’effet que le plaignant ne rentrera pas travailler (son jour de travail suivant selon son horaire était mardi le 16 octobre). Daigle rencontre son patron, Jean Boisvert, en présence de Mario Gauthier pour discuter du cas du plaignant, à savoir qu’il n’entrera pas travailler et qu’il n’a pas de billet médical. Boisvert décide d’appeler le plaignant et doit lui laisser un message. Après s’être identifié, il dit au plaignant que c’est important qu’il lui apporte un billet médical le plus vite possible, que c’est très important.
[44] Mercredi le 17 octobre, en conversation avec Boisvert, ils constatent qu’aucun des deux n’a eu de nouvelles du plaignant. Boisvert tente à nouveau de rejoindre le plaignant par téléphone et lui laisse un nouveau message au même effet que le premier et en soulignant qu’il lui a déjà laissé un message qui est resté sans écho.
[45] Jeudi le 18 octobre se tient une réunion des chefs de services. À la fin de la réunion, ils ont parlé du plaignant, constatant que personne n’avait eu de ses nouvelles. Daigle se rend alors à son bureau et téléphone au plaignant, étant lui aussi obligé de lui laisser un message au même effet que ceux de Boisvert, insistant sur le fait qu’il lui faut absolument qu’il lui remette un billet du médecin.
[46] Vendredi le 19 octobre, il reçoit un appel du plaignant entre 15 et 16 hrs. Ce dernier lui dit qu’il n’entrera pas travailler, qu’il a obtenu une date pour son opération deux semaines plus tard, qu’il aimerait mieux ne pas travailler, qu’il est même prêt à prendre cela à ses frais. Daigle lui répond qu’il ne peut prendre cette décision et lui rappelle qu’il doit absolument lui remettre un billet du médecin. Il transfert alors l’appel au comptable Gauthier.
[47] Contre-interrogé au nom du syndicat , Daigle précise avoir pris des notes lors de ces appels, des notes qu’il a d’ailleurs consultées il y a peu de temps afin de se rafraichir la mémoire.
[48] Daigle confirme avoir été présent lors des deux appels que Boisvert a effectués au plaignant. Les deux fois, il a vu Boisvert composer le numéro de téléphone et a entendu le message de la boîte vocale car les deux appels ont été effectués à partir d’un système main libre .
[49] À chaque fois, le message laissé par Boisvert était à l’effet d’indiquer au plaignant qu’il était très important d’obtenir un papier du médecin, qu’on avait pas de ses nouvelles, qu’il fallait qu’il apporte le papier, de le rappeler. Questionné à savoir si le message indiquait au plaignant qu’il était en absence non autorisée et qu’on devrait le congédier s’il ne donnait pas de nouvelles, Daigle répond se souvenir qu’il a été précisé que le plaignant était en absence non autorisée.
[50] Revenant à l’appel reçu du plaignant le 19 octobre, Daigle précise que le plaignant l’a avisé qu’il serait opéré dans deux semaines, sans préciser de date, ajoutant vouloir prendre deux semaines à ses frais avant l’opération. À savoir s’il ajoute quelque chose pour justifier sa demande, s’il précise qu’il ne se sent pas apte à travailler, Daigle répond que non, le plaignant lui ayant plutôt indiqué qu’il voulait se reposer avant son opération.
[51] L’appel ayant été transféré au comptable Mario Gauthier, Daigle a su de ce dernier que le plaignant lui avait également dit vouloir prendre deux semaines à ses frais. Gauthier lui aurait également dit qu’il devait absolument remettre un billet du médecin.
[52] Revenant au 15 octobre, Daigle se dit absolument certain que c’est bien la date à laquelle Picard lui a dit avoir eu une note de Grimard rapportant l’appel qu’elle avait reçu du plaignant. Il n’a pas vu cette note et elle n’aurait pas été conservée.
[53] Quant à l’appel qu’il a logé le 18 octobre au plaignant, le message qu’il lui a laissé était à l’effet que cela lui prenait absolument un billet du médecin, qu’il n’avait aucune nouvelle de lui et qu’il devait le rappeler afin de justifier son absence.
[54] Daigle est alors sommé de produire les notes qu’il a prises à l’époque des événements. La note du 15 octobre se lit comme suit (sic) :
Lundi 15 octobre 2012
M. Jean Boisvert, directeur du magasin est mis au courant de la situation par M. Yvan Picard. M. Jean Boisvert et M. Mario Gauthier et Denis Daigle sont présent lorsque M. Jean Boisvert apelle Mario Bonneville puisqu’il était absent. M. Boisvert lui a mentionné qu’il lui fallait obligatoirement un papier du médecin, sinon l’absence serait considérée comme un refus de travail sur son répondeur.
[55] La note du 18 octobre se lit comme suit :
Le 17-10-12
Monsieur Boisvert et moi Denis Daigle tente de rejoindre M. Bonneville sans succès. M. Boisvert lui laisse sensiblement le même message sur son répondeur.
[56] La note du 19 octobre se lit comme suit :
18-10-12
M. Denis Daigle contacte M. Bonneville pour avoir de ses nouvelles. Aucune réponse. Je laisse un message M. Bonneville je lui demande d’apporter un papier de médecin.
[57] La note du 19 octobre se lit comme suit (sic) :
19-10-12
M. Bonneville a contacter Denis Daigle l’informant qu’il ne reviendrait pas avant son opération prévue deux semaines plus tard. Je l’informe qu’il lui faut un papier de médecin, que je ne peux prendre cette décision. Je le transfert à M. Mario Gauthier.
[58] Questionné suite à la production de ces notes manuscrites, Daigle confirme qu’il s’agit bien de son écriture. Ces notes ont été prises de sa propre initiative, probablement le jour même des événements rapportés. À savoir pourquoi il est si formel lorsqu’il désigne les gens et même lorsqu’il se désigne lui-même, Daigle répond qu’il a écrit comme cela, qu’il n’est pas excellent en français, qu’il aurait dû faire appel à une secrétaire et qu’il est rare qu’il a à écrire. Mais il confirme sans hésitation que ses notes ont été prises peu après les événements qu’il décrit et qu’il est certain de leur fidélité.
[59] Mario Gauthier est le comptable de l’épicerie depuis 20 ans, s’occupant de l’ensemble de la gestion financière de l’entreprise. Son travail se limite à la gestion financière et il n’a pas le pouvoir d’accorder des congés, les relations du travail relevant plutôt de Serge Boisvert.
[60] Gauthier explique que, au début de l’année 2012, les banques d’heures de maladie commençaient à se constituer. Dès la deuxième semaine de janvier, le plaignant avait déjà épuisé sa propre banque. Le 30 janvier, il demande de lui faire une avance de 5 semaines de vacances alors que sa banque de 2011 est déjà épuisée. Comme ce n’est pas la politique de l’employeur d’accorder des avances de vacances, Gauthier en parle à Boisvert qui répond favorablement à cette demande. Le plaignant avait expliqué qu’il voulait assister sa conjointe, également une employée de l’établissement, qui devait subir une importante intervention chirurgicale.
[61] D’autres avances ont également été faites au plaignant lorsqu’il y avait des délais pour qu’il reçoive des prestations de l’assurance emploi ou de l’assureur de l’employeur, Industrielle Assurances.
[62] C’est à Gauthier que les salariés doivent remettre les billets médicaux justifiant leurs absences au travail. À son tour, il achemine ces billets à l’assureur. C’est également lui qui assure le lien avec l’assureur lors des retours au travail progressifs.
[63] En mai 2012, le plaignant est venu rencontrer Gauthier et Daigle, car il avait la quasi certitude qu’il allait être déclassé. Le 16 mai, Gauthier reçoit un billet de son médecin traitant qui le retourne au travail à raison d’un maximum de 30hrs par semaine.
[64] Le 30 mai, la conjointe du plaignant rencontre Gauthier. Elle lui dit qu’elle s’est rendue seule voir la Dre Garand et lui remet un billet médical prescrivant un arrêt de travail au plaignant en raison d’une dépression. Elle ajoute que le plaignant est à la maison et n’est même pas au courant de sa démarche. Le retour au travail progressif est alors prévu pour la fin août. Les modalités de ce retour au travail progressif ont toutefois été modifiées par un nouveau billet de Dre Garant émis le 17 septembre. Gauthier a communiqué le tout à l’assureur qui a accepté cette modification.
[65] Le 10 octobre, nouveau billet médical de Dre Garand qui prescrit de nouvelles modalités de retour au travail, soit 4 jours par semaine à raison de 6 hrs par jour à compter du 15 octobre. Le plaignant apprend en même temps que son opération est devancée au 31 octobre et le tout est transmis par Gauthier à l’assureur.
[66] Le 15 octobre, Gauthier dit avoir entendu parler que le plaignant avait contacté Jessica Grimard. Picard lui a montré une note comme quoi le plaignant avait avisé qu’il n’entrerait pas travailler. Gauthier a été surpris de voir qu’il était question d’un problème à son pied. Jean Boisvert a fait venir Jessica à son bureau et lui a demandé ce que le plaignant lui avait dit. Elle a confirmé qu’il avait parlé de son pied, elle en était certaine. Boisvert a alors téléphoné au plaignant, lui laissant un message comme quoi il devait absolument apporter un billet de son médecin, que c’était absolument nécessaire. Il y a aussi eu d’autres appels de Boisvert et Picard.
[67] Le 19 octobre, Daigle lui transfert un appel du plaignant qui demande un congé sans solde de deux semaine parce qu’il veut se reposer avant son opération. Gauthier lui répond en deux temps. Tout d’abord, il lui indique qu’on court après lui depuis le début de la semaine pour avoir un billet médical, lui demande pourquoi il n’en apporte pas un puisqu’il risque d’avoir de sérieux problèmes sinon. Le plaignant lui répond qu’il ne veut pas perdre 8 hrs à l’urgence. Dans un deuxième temps, Gauthier lui explique que, pour les assurances, cela ne se fait pas et qu’il va avoir de sérieux problèmes s’il s’obstine à ne pas remettre de billet. Le plaignant lui répond alors qu’il va appeler Véronique Labonté, responsable de l’assurance salaire chez l’assureur. Gauthier lui dit qu’il ferait mieux d’aller chercher un nouveau billet de son médecin ou de rentrer travailler comme le prévoit le dernier billet qu’il lui a remis.
[68] Gauthier dit avoir trouvé que l’attitude du plaignant était abusive; il avait déjà épuisé ses vacances et avait remis un billet médical le considérant apte au travail. Il a remarqué qu’il était alors 15h55 ce vendredi 19 octobre et s’est rendu voir Boisvert pour lui rapporter la teneur de l’échange qu’il venait d’avoir avec le plaignant.
[69] Contre-interrogé au nom du syndicat , Gauthier explique que c’est lui ou son assistante, Sylvie Sévigny, qui émet les relevés d’emploi. Le 23 octobre, un premier relevé d’emploi du plaignant a été émis par Sévigny en donnant comme raison : « Maladie ou blessure ». Gauthier fait valoir qu’il s’agit d’un motif erroné ayant pu résulter d’une ambigüité lorsqu’il a demandé à Sévigny d’émettre le relevé au plus vite. Lorsqu’il y a congédiement, reconnaît Gauthier, c’est le motif qu’il faut indiquer. Il a dû y avoir émission d’un relevé amendé, ajoute-t-il.
[70] Effectivement, le 30 octobre suivant, Sévigny a émis un nouveau relevé où apparaît toujours le motif « Maladie ou blessure » mais où a été ajouté l’observation suivante : « À case 15c-1 est inclus le paiement du 10% soit 0.10 $. Suite au refus de travail non motivé et non étayé d’un billet médical, ceci constitue un congédiement ». Gauthier fait valoir que suite à l’erreur commise au premier relevé, ils avaient contacté l’assurance emploi pour les en aviser.
[71] L’Industrielle Alliance a émis un « Avis de dépôt » indiquant que des prestations d’invalidité ont été versées au plaignant du 15 octobre au 30 novembre 2012. À savoir s’il a fait des représentations à l’assurance pour que le plaignant ne soit plus reconnu invalide, Gauthier relate qu’il a envoyé une lettre à Labonté pour l’informer que le plaignant n’était plus à l’emploi de la Coop. Le but de cet envoi était, pour l’employeur, d’éviter d’avoir à continuer de payer 100% de la prime d’assurance, tel que prévu pendant la durée d’une invalidité (en temps normal, il ne paye que 50%).
[72] Le 26 juin 2012 Gauthier a complété un formulaire de « Demande de règlement d’invalidité » pour le plaignant. On prévoit alors une invalidité de courte durée et il est précisé à ce formulaire la durée moyenne de certaines tâches effectuées par le plaignant. Les évaluations qui y apparaissent à cet égard résultent de l’appréciation subjective de Gauthier.
[73] Gauthier explique avoir rempli le 18 juillet 2012 un autre formulaire titré : « Déclaration de l’employeur ou de la personne à son compte », lequel est requis lorsqu’un salarié a un prêt avec l’assurance. L’employeur complète ce formulaire pour l’exemption de paiement. La fréquence des diverses tâches susceptibles d’être exigées du plaignant y est indiquée.
[74] En tant que preneur de l’assurance, l’employeur reçoit copie de tout échange de documents entre l’assurance et l’assuré. En fait, Gauthier sert le plus souvent intermédiaire entre l’assureur et l’assuré ou l’employeur. C’est ainsi que, le 12 novembre, il fait parvenir à Labonté un courriel accompagné de deux billets médicaux. Le premier, daté du 29 octobre, est émis par le docteur Garand et se lit : « Arthrose du genou droit. En arrêt depuis le 15 oct 2012 pour période indéterminé ». Le second est émis le 31 octobre par la Dre Pascale Larochelle qui a opéré le plaignant. On peut y lire : « Arrêt de travail depuis le 15 oct 12. Dx Gonarthrose droite sévère invalidante. Prothèse totale genou droit ce jour ».
[75] Gauthier ne se souvient pas qui lui a remis ces billets mais reconnaît que cela a pu être le délégué Saucier lorsqu’on lui suggère ce nom. Quant au deuxième, à savoir si ce ne serait pas la conjointe du plaignant qui le lui aurait remis, Gauthier n’en a aucun souvenir.
[76] De nouveau interrogé par l’employeur , Gauthier précise que le formulaire « Demande de règlement d’invalidité », qu’il a complété le 26 juin 2012 et le formulaire « Déclaration de l’employeur ou de la personne à son compte » qu’il a complété le 18 juillet 2012 étaient reliés au motif d’absence du plaignant pour dépression majeure et n’avaient donc aucun lien avec son problème de genou.
[77] Jean Boisvert est à l’embauche de l’épicerie depuis 1976 et son directeur général depuis 1994. Il connaît bien le plaignant depuis 40 ans, ce dernier étant demeuré juste en bas de sa rue jusqu’en juin.
[78] Il est courant de faire des accommodements à l’épicerie. Celle-ci se situe dans une petite localité, tout le monde se connaît et il s’agit également d’une coopérative dont la philosophie est notamment basée sur l’entraide.
[79] Au début de l’année 2012, lorsque le plaignant s’est absenté plus de trois jours sans donner de nouvelles, on aurait pu le congédier mais on lui a plutôt donné une chance en se limitant à un avertissement lui soulignant à quel point il était important de justifier ses absences par un billet médical.
[80] Lorsque le plaignant nous a demandé une avance de cinq semaines correspondant à ses vacances à venir, c’était pour accompagner sa compagne qui était également une de nos employées et qui devait subir une importante chirurgie. Normalement, nous ne faisons jamais cela mais, tenant compte de la particularité de la situation, on l’a de nouveau accommodé en lui avançant non seulement ses vacances mais également les congés de maladie et congés mobiles. De temps en temps, il arrive qu’on avance de l’argent à des employés en attente de prestations de l’assurance. Le plaignant a souvent bénéficié de telles avances.
[81] Suite à cette période, au lieu de reprendre le travail, le plaignant nous présente un billet médical justifiant qu’il continue de s’absenter du travail à cause d’une dépression. Notre constat est qu’il ne veut pas travailler.
[82] Cela recommence le 15 octobre quand Jessica Grimard rapporte un appel du plaignant parlant d’un problème de pied pour justifier à nouveau son absence au travail. Elle est rencontrée en présence de Daigle et Gauthier pour être sûr que le plaignant a bel et bien parlé d’un problème au pied et elle nous dit en être certaine. Boisvert confirme avoir alors tenté de rejoindre le plaignant et lui avoir laissé un message à l’effet qu’il devait lui présenter un billet médical pour justifier son absence car, sinon, ce serait une absence non motivée.
[83] Le 16 octobre, la conjointe du plaignant est venue me voir pour me dire qu’il était nerveux, qu’il n’était pas en état de me parler ou de me rencontrer. Je lui ai notamment répondu qu’elle n’avait pas à parler à la place de son conjoint, que celui-ci n’avait qu’à aller voir son médecin pour obtenir un billet médical.
[84] Le 17 octobre, j’ai de nouveau appelé le plaignant chez lui, en présence de Daigle, et lui ai laissé un nouveau message. Comme nous avions pu constater que son auto était dans la cour de sa maison, je lui ai dit que je savais qu’il était là et, à nouveau, qu’il devait aller chercher un billet pour justifier son absence.
[85] Le 18 octobre, Daigle a aussi tenté de le rejoindre mais sans succès.
[86] Le 19 octobre, le plaignant contacte Daigle et lui demande de pouvoir prendre congé d’ici à son opération. Daigle transfert l’appel à Gauthier qui lui dit qu’il va avoir des problèmes avec l’assurance.
[87] Nous avons été bon prince avec le plaignant et vraiment tenté de l’accommoder. Mais on n’a que 100 employés dans l’entreprise et quand l’un d’eux n’entre pas, il faut refaire les horaires de travail.
[88] Le congédiement a donc été décidé le 26 octobre après avoir consulté les gens et s’être référé aux services chez Métro. Auparavant, le plaignant m’avait demandé d’être déclassé mais nous étions incapable de faire cela tenant compte de nos besoins de main-d’œuvre. Enfin, l’hôpital est à 750 mètres de chez lui et tout ce qu’il a trouvé à répondre à Gauthier, c’est qu’il ne voulait pas attendre 8 heures à l’urgence.
[89] Contre-interrogé par le syndicat à savoir si le taux d’absentéisme du plaignant avait pesé dans la balance, Boisvert explique qu’il s’agissait surtout de ses absences les plus récentes avant son congédiement. Sa conviction que le plaignant n’était pas très motivé à travailler découle du fait que le plaignant, suite aux accommodements consentis en début d’année, n’est pas entré travailler durant tout l’été suivant. En fait, explique-t-il, l’employeur a donné beaucoup et en ne prenant même pas la peine de nous fournir un billet médical alors qu’on insistait pour qu’il le fasse, le plaignant ne démontrait pas beaucoup de considération en contrepartie.
[90] Boisvert a signé l’avis disciplinaire remis au plaignant au début de l’année 2012 après avoir consulté à l’interne mais pas à l’externe et c’est Picard qui l’a remis au plaignant. Il n’y avait pas de représentant syndical présent lors de cette remise et Boisvert n’a pas discuté de la situation ni avec le plaignant, ni avec un représentant du syndicat. Les absences subséquentes du plaignant étaient toutes justifiées par billets médicaux, sauf évidemment l’absence fatale ici contestée.
[91] La demande de congé sans solde de deux semaines formulée par le plaignant a été refusée par Gauthier car l’entreprise n’accorde pas de congés sans solde. Boisvert n’a même pas été consulté à cet égard car la décision allait de soi.
[92] Revenant au 15 octobre, Boisvert confirme le message laissé au plaignant à l’effet qu’il devait produite un billet médical sans quoi son absence serait considérée comme non motivée ou non justifiée. Malgré ce qu’indiquent les notes prises par Daigle à cet égard, il n’a pas utilisé l’expression à l’effet que, sinon, son absence serait considérée « comme un refus de travailler ».
[93] Lorsqu’on lui demande s’il est possible que le seul message qu’il ait laissé au plaignant aurait été le 23 octobre, Boisvert répond que c’est impossible. Il affirme aussi catégoriquement qu’il n’a fait aucune intervention auprès du plaignant après le 19 octobre. Il ne croit pas avoir laissé un message demandant de le rappeler et que, si absent, de parler à Daigle.
[94] Boisvert nie aussi catégoriquement que sa rencontre avec la conjointe du plaignant ait pu avoir lieu le 25 octobre, soit la veille du congédiement, plutôt que le 16 octobre. Il se souvient qu’elle s’était déplacée pour le rencontrer, qu’elle lui a dit que le plaignant était nerveux et anxieux et qu’il lui a demandé de dire au plaignant de le rappeler ou de venir le rencontrer. Boisvert se souvient également que Houle était alors absente en invalidité mais non qu’il ait pu lui rappeler alors qu’elle était elle-même en invalidité et de ne pas se mêler de ce dossier.
[95] Boisvert n’a pas été impliqué dans une décision prise au mois d’août et impliquant de faire examiner le plaignant par un psychiatre. Il n’était pas au courant que le psychiatre ait recommandé un retour au travail progressif très semblable à celui prescrit pas Dre Garand.
[96] Ce n’est pas à sa demande que Daigle a tenté de rejoindre le plaignant le 18 octobre mais de sa propre initiative.
[97] Questionné à cet égard, Boisvert se dit en accord avec le contenu de la lettre de congédiement. Quant à la mention de cette lettre référant à son « […] refus de travail, non motivé et non étayé d’un billet médical malgré (ses) nombreuses absences répétées des derniers mois […] », Boisvert fait valoir qu’il s’agissait de ses absences les plus récentes ainsi que celle de janvier 2012.
[98] Lorsqu’il a été informé que le plaignant avait produit le billet médical émis par Dre Larochelle pour justifier l’absence du plaignant à compter du 15 octobre, Boisvert à consulté son avocat et il a été décidé que c’était trop tard. Il n’y a pas eu de démarche tentée afin d’obtenir des éclaircissements de Dre Larochelle.
[99] La docteure Larochelle est chirurgienne orthopédiste depuis l’an 2000 et pratique à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska. Elle complète annuellement quelque 50 rapports d’évaluation médicale (REM) pour la CSST et a déjà témoigné à deux occasions devant les tribunaux à titre d’experte. C’est la première fois qu’elle agit comme témoin ordinaire. Elle est membre de l’Association d’orthopédie du Québec , du Collège royal du Canada et de l’American academy of orthopedics . L’intervention qu’elle a opérée sur le plaignant est l’installation d’une prothèse complète du genou. Elle a accompli ce type d’opération de 700 à 800 fois.
[100] Elle a été consultée en clinique externe par le plaignant à l’été 2011 à la demande de son médecin de famille, Dre Garand. Celle-ci voulait une opinion relative à la douleur éprouvée à son genou droit par le plaignant, soit obtenir un diagnostic ainsi que le traitement suggéré, notamment à savoir si une intervention chirurgicale était proposée.
[101] Le rapport de résonnance magnétique indique notamment la présence d’arthrose modérée à importante, arthrose que Dre Larochelle qualifie de sévère. Elle note la perte quasi complète du cartilage entre le fémur et le tibia. Considérant le jeune âge du plaignant (47 ans), elle n’envisage pas une intervention du type prothèse du genou et recommande plutôt l’infiltration de cortisone à 3 mois d’intervalle.
[102] Aux observations émanant de la première consultation du plaignant, elle note de l’arthrose ainsi que des opérations antérieures d’ostéotomie tibiale gauche en 2007 et droite en 2002. Elle note aussi que le plaignant avait déjà eu des arthroscopies de ses genoux. Le plaignant disait que son genou ne pouvait plus plier complètement depuis un an, qu’il éprouvait de la douleur en fin de flexion et avait de plus en plus de misère à accomplir son travail de commis d’épicerie. Les indications de la résonnance permettait de conclure à de la gonarthrose avec souris articulaires.
[103] Elle procède alors à une infiltration de Cortisone à son genou droit et en recommande la répétition aux trois mois ainsi que de la physio. Elle écrit également une lettre à Dre Garand pour faire état des résultats de son examen et de ses recommandations.
[104] À l’audition, Dre Larochelle fait valoir qu’il est sûrement difficile pour le plaignant de travailler debout et d’avoir à se pencher régulièrement ou à travailler accroupi ou à genou.
[105] Dre Larochelle a revu le plaignant à l’été 2012 à la demande de son médecin de famille qui mentionne notamment : « échec 3 infiltrations dont une donnée par vous. Demeure dysfonctionnel au travail. Réévaluer S.V.P. en vue chx ». Elle a reçu le billet de Dre Garand le 26 juin 2012. Le rendez-vous du plaignant a été priorisé au 10 juillet suivant étant donné qu’elle l’avait déjà rencontré et qu’il était en arrêt de travail.
[106] À l’examen, elle note une gonalgie droite, surtout interne, ainsi qu’une gonarthrose droite invalidante. Elle recommande l’installation d’une prothèse étant donné qu’il y eu échec du traitement conservateur appliqué préalablement et le besoin du plaignant d’être fonctionnel pour son travail. Les conclusions tirées de l’imagerie médicale à ce moment ne révèlent rien de très significatif mais Dre Larochelle explique qu’il est fréquent qu’une intervention permette de constater une détérioration beaucoup plus poussée que celle indiquée par l’imagerie. Une deuxième, commandée avec un stress valgus, a d’ailleurs été plus révélatrice.
[107] Après réexamen du dossier, Dre Larochelle a envisagé l’installation d’une prothèse complète. Le délai pour obtenir une telle intervention est habituellement de 3 à 4 mois, d’où la date indiquée de fin décembre. Mais il y a souvent des annulations et il y en a justement eu une pour le 31 octobre. Comme le plaignant l’avait appelée la même semaine pour demander si l’intervention pouvait être devancée, elle a décidé de l’accommoder.
[108] Elle revoit le plaignant dans sa chambre après la chirurgie alors qu’il est en compagnie de sa conjointe. Celui-ci lui explique qu’il n’est pas entré travailler depuis le 15 octobre et lui demande un billet médical. Dre Larochelle explique qu’elle le croyait alors en arrêt de travail. Elle ne savait pas qu’il avait été remis au travail. Elle poursuit en disant que si elle l’avait vu avant, elle l’aurait mis en arrêt de travail.
[109] À savoir sur quoi elle se base pour dire qu’elle l’aurait mis en arrêt de travail le 15 octobre, Dre Larochelle mentionne que l’été précédent, elle a su qu’il était en arrêt de travail et elle croyait que c’était à cause de son genou. Considérant son métier et qu’il l’avait appelée pour faire devancer son opération à cause de la douleur, elle l’aurait mis en arrêt de travail.
[110] Contre-interrogée au nom de l’employeur , Dre Larochelle reconnaît ne pas avoir été au courant que l’absence du plaignant au travail du 30 mai au 17 septembre était attribuable à une dépression majeure. Elle est alors informée des éléments suivants, à l’effet que :
· les Demandes de règlement d’invalidité à l’endroit de l’absence du plaignant au travail entre le 30 mai et le 17 septembre qui ont été complétées tantôt par la Dre Garand, tantôt par le plaignant, faisaient état d’un diagnostic de dépression et de gonarthrose au genou gauche.
· qu’il n’y était pas question du genou droit.
· que la déclaration remplie par le plaignant démontre à l’évidence que le motif de son absence au travail était strictement lié à son état dépressif et n’avait rien à voir avec son genou.
· que suite à cette absence, son médecin traitant lui a prescrit un retour progressif au travail à compter du 17 septembre, retour dont les modalités ont été établies une première fois le 27 août, à raison de 2 jours non consécutifs par semaine, puis le 17 septembre suivant, à raison de 4 hrs par jour, 3 jours par semaine et ce, jusqu’au 15 octobre suivant.
· que son médecin traitant, en date du 10 octobre, a prescrit une augmentation du rythme de retour progressif au travail du plaignant, à raison de 6 hrs par jour et 4 jours par semaine et ce, à compter du 15 octobre et jusqu’à la chirurgie prévue avant la fin décembre.
[111] Dre Larochelle confirme qu’elle n’était aucunement au courant de tous ces éléments. Elle reconnaît que la médecin traitante du plaignant était mieux placée qu’elle pour évaluer sa capacité au travail à ce moment. Lorsque le plaignant lui a demandé un billet pour justifier son absence depuis le 15 octobre, elle s’est fiée à sa version des faits et au contenu de son dossier.
[112] Enfin, la Dre Larochelle confirme que, selon l’état du genou du plaignant qu’elle a constaté le 31 octobre, il était sûrement capable de se déplacer, de sortir de chez lui et de conduire sa voiture.
[113] Questionnée à nouveau au nom du syndicat à savoir pourquoi elle juge que Dre Garand était mieux placée qu’elle pour évaluer l’état du plaignant et ce, même après l’avoir opéré le 31 octobre, Dre Larochelle précise qu’elle et Dre Garand étaient toutes deux bien placées pour évaluer l’état du plaignant, Garand ayant toutefois une vision plus globale et complète de son état; elle connaît l’arthrose, elle connaît son état psychologique, elle est au courant de son travail et, en ce sens, elle était mieux placée.
[114] Enfin, quant à savoir si le diagnostic du 18 juin témoignant d’une gonarthrose gauche sévère pouvait résulter d’une simple erreur, Dre Larochelle répond qu’elle ne le croit pas, étant au courant que le plaignant a des problèmes aux deux genoux.
[115] Jacqueline Houle et le plaignant se sont mariés en 2000 mais ne sont plus ensemble depuis le 15 décembre 2012. Houle a également été à l’emploi de l’épicerie de l’employeur à titre de caissière à temps partiel de 1994 à 1999 puis, affectée à la charcuterie, toujours à temps partiel, de novembre 2009 au 3 mai 2013, date à laquelle elle a donné sa démission. Son médecin l’avait alors avisée qu’elle ne pourrait plus jamais travailler physiquement. Elle a été opérée en janvier 2012, le plaignant ayant dû demander une avance sur ses vacances pour s’occuper d’elle car elle ne pouvait plus rien faire. Il l’amenait notamment à ses rendez-vous médicaux à Trois-Rivières.
[116] Houle se souvient d’avoir demandé le 30 mai 2012 à son médecin de famille qui la suivait ainsi que le plaignant depuis 2008 ou 2009, Dre Marie-Josée Garand, un billet prescrivant un arrêt de travail au plaignant jusqu’au 30 juillet suivant. Elle lui a parlé de ce qui se passait à la maison, lui mentionnant que le plaignant était de plus en plus anxieux et avait mal au genou, que cela faisait un bout de temps qu’elle le voyait décrocher, c’est-à-dire qu’elle voyait sa santé mentale descendre, ça n’allait plus. Il pleurait tout le temps, tout était négatif, il avait peur de perdre son emploi car il n’arrivait plus à fournir, il avait de la misère à faire son travail. Dre Garand le connaissait, était notamment au courant de son anxiété.
[117] Dre Garand a donc émis le billet que Houle est allée porter à Gauthier, lui mentionnant que le plaignant n’était pas encore au courant qu’il allait être dispensé de travailler. Elle explique qu’elle y est allée elle-même puisque cela rendait le plaignant anxieux de se rendre à l’épicerie quand il ne travaillait pas. Il avait de la misère à parler à Jean Boisvert parce que ce dernier est assez radical, s’exprime très directement.
[118] L’absence au travail du plaignant s’est finalement terminée le 17 septembre, date à compter de laquelle il est effectivement retourné travailler en retour progressif à raison de quatre heures par jour, 3 jours par semaine. Houle fait valoir qu’il avait de la misère à faire son travail. Elle a pu constater que son genou enflait et il se plaignait qu’il avait mal à chaque retour du travail. Il avait aussi de la misère à dormir la nuit à cause de la douleur.
[119] Houle était présente quand le huissier est venu porter la lettre de congédiement adressée au plaignant. Ce dernier s’est alors affaissé, rapporte-t-elle, pleurant et se demandant pourquoi la situation en était rendue à ce point-là. Cela l’a complètement démoli.
[120] À compter du 15 octobre, le plaignant devait travailler 6 heures par jour à raison de 4 jours par semaine, ce qu’il n’a pas fait. Le premier jour de travail alors prévu à son horaire était le mardi 16 octobre. Tôt ce matin-là, vers 6h30 ou 7h00, le plaignant a téléphoné et laissé un message à Denis Daigle à l’effet qu’il avait eu mal au genou toute la nuit, n’avait pas dormi et se sentait incapable d’entrer travailler. Les mardis, à cette époque, Houle devait se rendre à Sherbrooke en après-midi pour y suivre une thérapie puis elle soupait chez son frère, ne revenant chez elle que le lendemain. Ce soir du 16 octobre, elle se souvient que le plaignant l’a appelée comme il le faisait à chacune de ses absences chez son frère. Il était autour de 21h45. Il lui a alors mentionné qu’il avait appelé à l’épicerie vers 19h ou 19h30 et avait parlé à Jessica pour lui dire qu’il n’entrerait pas travailler durant les deux prochaines semaines, soit jusqu’à son opération, car il ne se sentait pas capable de faire les heures prévues, son genou lui faisant trop mal.
[121] Deux jours auparavant, soit le 14 octobre, Houle dit avoir passé la journée à la maison avec le plaignant et atteste que ce dernier ne s’est entretenu avec personne de l’épicerie au cours de cette journée.
[122] Le mardi 23 octobre, le plaignant appelle sa conjointe comme d’habitude alors qu’elle est chez son frère. Il lui fait écouter un message que Boisvert a laissé sur leur répondeur. Ce message était à l’effet d’indiquer que cela faisait trois jours que le plaignant n’entrait pas travailler sans donner de nouvelles alors que son horaire le prévoyait, qu’il devait absolument le rappeler, qu’il serait là durant l’avant-midi et, sinon, qu’il pouvait appeler Denis Daigle l’après-midi. Houle n’est pas certaine si le plaignant lui a fait part de quand il avait pris connaissance de ce message. Au cours de la semaine précédente, le plaignant ne lui avait pas fait entendre quelque autre message que ce soit. Houle lui a répondu de se calmer, qu’ils regarderaient cela ensemble le lendemain, à son retour.
[123] Le jeudi 25 octobre, Houle a téléphoné à Boisvert pour lui demander ce qui se passait avec le plaignant puisqu’il avait appelé pour dire qu’il n’entrait pas au travail. Boisvert lui a répondu de ne pas se mêler de ça, que c’était trop tard, que c’était déjà dans les mains des avocats. Il n’a pas été question du téléphone que le plaignant avait effectué. Comme Houle était en assurance invalidité à ce moment, Boisvert lui a demandé si elle était payée. Elle a répondu oui et il lui répété de ne pas se mêler de ça.
[124] Quant à la décision du plaignant de ne plus entrer travailler à compter du 16 octobre, Houle fait valoir qu’il avait très mal à son genou qui enflait, il boitait, avait de la misère à marcher. Quant à savoir pourquoi le plaignant n’est pas retourné voir Dre Garand étant donné qu’elle lui avait prescrit un retour progressif au travail et qu’il était inscrit à l’horaire de travail, Houle explique qu’elle avait eu un problème avec son auto en revenant de Windsor, que la réparation avait été plus ou moins bien faite, ce qui l’avait amenée à ne plus l’utiliser pour aller à Sherbrooke, son frère venant plutôt la chercher et la reconduire.
[125] À savoir pourquoi le plaignant ne s’est pas simplement rendu à l’urgence de l’hôpital près de chez eux, Houle répond qu’il y avait déjà été pour se faire dire qu’il devait s’adresser à son médecin de famille s’il désirait obtenir un billet justifiant un arrêt de travail. Elle avait déjà accompagné le plaignant à l’urgence et ils ne voulaient pas perdre 7 à 8 hrs d’attente pour se faire répondre la même chose.
[126] Entre le 17 et le 23 octobre, le plaignant ne lui a fait entendre aucun autre message reçu de l’épicerie. À savoir si le plaignant lui a fait part d’échanges qu’il aurait eus avec des gens de l’épicerie durant cette même période, Houle répond que « non, parce qu’il n’y en a pas eu ».
[127] Le 29 octobre, Houle accompagnait le plaignant quand celui-ci s’est rendu consulter le Dr Harvey à Victoriaville (Dre Garand n’y étant pas) pour obtenir un billet médical pour justifier son absence. Le syndicat leur avait dit que ce serait une bonne chose. Comme elle le faisait toujours, c’est Houle qui s’est rendue le porter à l’épicerie.
[128] Le 31 octobre, jour de l’opération du plaignant, Houle était présente lors de sa rencontre subséquente avec Dre Larochelle. Elle lui a d’abord fait part que le plaignant avait perdu son travail à l’épicerie et qu’il n’était pas entré travailler parce qu’il avait vraiment mal. Elle lui demande ensuite si elle est capable de dire si oui ou non le plaignant avait alors été apte à compléter 24 hrs de travail par semaine. Dre Larochelle a répondu que lorsqu’elle a ouvert son genou, elle a constaté qu’on son état était pire que ce qu’elle avait anticipé. Elle a ajouté qu’avec un tel genou, il n’aurait pas été apte à travailler 24 hrs par semaine et peut-être aurait-il même eu de la misère à en travailler 12. Elle a finalement dit qu’elle allait lui remettre un billet pour couvrir les deux semaines durant lesquelles le plaignant devait travailler 24 hrs. Elle a remis le billet à Houle.
[129] Contre-interrogée par l’employeur , Houle reconnaît avoir été au courant que le plaignant devait travailler les 3, 4, 5, 6 et 7 janvier 2012, qu’il n’était pas entré travailler et qu’il avait reçu un avis disciplinaire à cet égard le 10 janvier suivant. Elle est également au courant qu’il faut justifier ses absences au travail. Elle n’est toutefois pas au courant que la convention collective prévoit qu’un salarié peut perdre son emploi pour une absence sans raison valable ou non motivée excédant 3 jours de travail cédulés consécutifs.
[130] À l’occasion de sa propre période d’invalidité durant laquelle le plaignant a demandé à l’employeur de lui avancer ses vacances, Houle reconnaît que celui-ci devait la supporter lors de certains mouvements ou déplacements.
[131] Le 30 mai 2012, Houle confirme que Dre Garand lui a remis un billet justifiant l’absence du plaignant sans avoir eu l’occasion de l’examiner, en fait sans le voir. À savoir si cela ne l’avait pas surprise, Houle fait valoir que Dre Garand connaissait bien l’état du plaignant.
[132] Quant au retour progressif prévu à compter du 17 septembre, Houle précise que ce n’est pas Dre Garand qui a pris l’initiative de cette décision même si c’est elle qui a émis le billet médical. En fait, c’est le psychiatre qui avait suivi le plaignant qui lui en a fait la recommandation. L’absence précédente du plaignant était bien due à une dépression et non à son genou mais Houle ajoute que c’est à cause de son genou que le plaignant a fait une dépression.
[133] Houle est alors confrontée à la Demande de règlement d’invalidité que le plaignant a complétée le 26 juin 2012 pour justifier à l’Industrielle Alliance son incapacité et où il explique d’abord « en quoi son état l’empêche de travailler » :
Toujours envie de pleurer, anxieux, difficulté à me concentrer et à m’exprimer, mains moites, difficulté à dormir.
[134] Et un peu plus loin, en réponse à la demande qui lui est faite de décrire les tâches de l’emploi qu’il ne peut plus accomplir, il écrit :
Toutes. Mon emploi demande un contact régulier avec les clients et je ne suis pas en mesure d’affronter.
[135] Lorsqu’on lui souligne que le plaignant ne fait aucune allusion à son genou, Houle réitère que c’est relié, que c’est l’état de son genou qui a amené le plaignant en dépression. En fait, Houle fait valoir que l’état du genou du plaignant a sans cesse empiré durant 2012.
[136] Houle reconnaît avoir été présente lorsque le plaignant a été examiné par Dre Garand le 10 octobre 2012 et que celle-ci lui a émis un billet à partir duquel elle augmentait la cadence de son retour au travail. Elle reconnaît également que Dre Garand était alors la mieux placée pour évaluer l’état du plaignant mais elle soumet que ce serait à cause de ce que le psychiatre aurait mentionné, ajoutant que Dre Garand n’avait pas le choix.
[137] Houle réitère que ce n’est pas le 14 mais le 16 octobre que le plaignant a contacté Jessica Grimard. Houle affirme qu’elle prend les messages sur son répondeur quand il y en a. Elle ne se souvient pas que Boisvert ait laissé un message au plaignant le 15 octobre.
[138] Revenant au 16 octobre et au message laissé par le plaignant ce soir là à Jessica Grimard, à savoir si Houle ne s’est pas inquiétée du fait que le plaignant ait annoncé ne pouvoir fournier de billet médical avant le 30 octobre, elle répond par la négative, disant n’avoir jamais pensé que cela pourrait aller aussi loin que ce qui est arrivé.
[139] C’est le lendemain, 17 octobre, que son auto a eu un bris. À savoir pourquoi ils n’ont pas téléphoné à Dre Garand pour lui faire part de la situation, Houle demande à quoi cela aurait pu servir. Quand on lui rappelle qu’elle avait déjà obtenu un billet médicat du Dre Garand sans qu’elle ait eu l’occasion d’examiner le plaignant, Houle rétorque que cette dernière voulait séparer les dimensions psychologique et physiologique de l’état du plaignant. On lui rappelle alors que Dre Garand venait justement d’augmenter la cadence du retour au travail du plaignant tout en connaissant l’état de son genou. Et quand on lui demande pourquoi ne pas avoir été rencontrer Dre Garand malgré l’état de leur automobile puisqu’ils n’ont pas hésité à le faire le 29 octobre, Houle répond simplement qu’ils n’avaient pas le choix le 29 alors que, auparavant, ils ne croyaient pas que cela pouvait aller aussi loin.
[140] Houle rappelle alors que le plaignant avait avisé Grimard le 16 octobre. Mais quand on lui rappelle à son tour que, malgré cela, elle était au courant qu’une telle absence nécessitait de produire un billet médical, elle ne répond rien de particulier.
[141] Questionnée en rapport avec sa rencontre avec Dre Larochelle le 31 octobre, Houle ne se souvient pas d’avoir mentionné à Dre Larochelle que l’absence du plaignant jusqu’au 17 septembre était attribuable à une dépression. Elle ne se souvient pas davantage d’avoir mentionné à Dre Larochelle que Dre Garand avait prescrit un retour au travail à compter du 10 octobre à raison de 4 jours par semaine, 6 hrs par jour. Elle dit ne pas savoir s’il aurait été utile de communiquer ces informations à Dre Larochelle puisqu’il lui semblait que c’était elle qui était la mieux placée pour évaluer l’état du plaignant.
[142] De nouveau interrogée par le syndicat , Houle ne se souvient pas que le plaignant ne soit pas entré travailler le samedi 13 octobre. Mais elle précise que c’est un salarié du nom de Barrette qui remplace le plaignant les samedis et que c’est à lui que le plaignant aurait parlé si c’est le 13 qu’il a téléphoné à l’épicerie.
[143] À une dernière question au nom de l’employeur, Houle confirme que Dre Larochelle était effectivement sous l’impression que le plaignant n’avait pas effectué de retour au travail mais elle ajoute lui en avoir parlé le 31 octobre.
[144] Yvan Picard est à l’emploi de la Coop depuis 1978. À l’automne 2012, il était gérant de service depuis 12 ans. Il supervise les emballeurs, les caissières, les commis de service à l’auto et les superviseurs. Il lui arrive de superviser les commis quand ils complètent leurs heures et qu’ils viennent en avant pour travailler à l’emballage ou le service à l’auto. Par exemple, si le gérant du département de l’épicerie, Daigle, me donne un horaire de 15 heures pour un commis, celui-ci peut le compléter en venant travailler en avant. Pour ce qui est du plaignant, il lui arrivait effectivement de compléter ses heures.
[145] Sur l’horaire d’octobre, pour la semaine débutant le 28 octobre, Picard l’a complété le mardi précédent et y a inscrit « maladies » vis-à-vis le nom du plaignant. C’est Daigle qui l’a avisé, Picard devant toujours être au courant des vacances et des absences dans l’épicerie. Non, Daigle ne lui fait pas part de la nature des maladies car cela ne le concerne pas. Ce n’est que lorsqu’une absence dure longtemps que cela finit pas se savoir. Dans le cas du plaignant, en ce qui concerne son absence durant la semaine du 28 octobre, il n’a pas su par la suite pourquoi. Par ailleurs, avant octobre, il avait appris que le plaignant s’était absenté parce qu’il avait mal à un genou.
[146] Picard supervise notamment Jessica Grimard. Une fois en particulier, il a obtenu une information au sujet du plaignant de sa part. Le lundi matin 14 octobre, quand il est entré travailler, il y avait une note de la veille à son bureau de superviseur comme quoi le plaignant avait appelé pour dire qu’il avait mal au pied. Il n’a pas parlé à Grimard, allant plutôt voir Boisvert avec la note. Il n’a pas conservé cette note par la suite.
[147] À savoir comment il se rappelle de la date, Picard fait valoir que c’était le lendemain de son anniversaire. Il n’était pas présent lors des échanges qui ont pu survenir entre la direction et le plaignant par la suite mais il en a entendu parler le jour même ou peu après.
[148] À ce moment, Picard est confronté à l’affirmation du procureur syndical selon laquelle les notes prises par Daigle et déposée au dossier faisaient état que lui et d’autres étaient présents lorsque Boisvert a logé un appel au plaignant. Picard a répondu que si tel avait été le cas, il n’en avait aucun souvenir. Or, le tribunal précise ici que cette note (E-8 p. 1) indique plutôt que Boisvert avait été mis au courant de la situation par Picard mais la suite de cette note indique plutôt que ce sont Gauthier et Daigle qui étaient présents avec Boisvert lorsque ce dernier a effectué son appel.
[149] C’est Picard qui a rédigé et signé l’avis disciplinaire remis au plaignant en janvier 2012. Il l’a fait de sa propre initiative et sans consulter personne auparavant sauf Boisvert qui doit toujours apposer sa signature dans ces cas-là. Il explique que lorsqu’un employé n’entre pas travailler durant 3 jours, on l’appelle pour lui dire que cela prend un billet du médecin. Si l’employé ne remet pas un tel billet par la suite, il lui remet un avis disciplinaire. À savoir ce qui arriverait suite à une deuxième et troisième infraction, Picard répond qu’il lui remettrait un deuxième et un troisième avis. À savoir pourquoi ce n’est pas une suspension de quelques jours, Picard répond que cela ne le regarde pas, que la décision à prendre relève de la direction et que l’employé sera mis en congé. Mais une telle situation ne s’est jamais produite depuis qu’il est gérant. À savoir si l’employé mis en congé signifie qu’il y aurait suspension, Picard répond : « Ça, c’est sûr ».
[150] Le plaignant affirme ne pas avoir appelé Grimard le 14 octobre, qu’il était en compagnie de sa conjointe toute la journée et qu’il n’était pas cédulé pour travailler le lendemain, 15 octobre. Il n’a pas parlé d’un mal de pied mais de son genou. À l’appui, il dépose un document manuscrit consigné par le conseiller syndical Sylvain Lizotte —sauf pour un court extrait à la fin du document rédigé par le plaignant lui-même— peu après sa sortie de l’hôpital suite à son opération, lequel reflète les paroles du plaignant. On y retrouve des éléments conformes au témoignage qu’il a rendu, notamment que c’est le 16 octobre qu’il a laissé un message à Daigle et parlé à Jessica Grimard en soirée. On y retrouve également le passage suivant :
[…] Je n’ai pas parlé à Jean (Boisvert) parce qu’on a des difficultés à se comprendre. Il met de la pression à mon avis et la panique s’empare de moi et je perds mes moyens.
Je suis quelqu’un de très anxieux, je prends des médicaments pour ça et je suis suivi régulièrement, ce qui me cause des problèmes quand j’ai besoin de m’exprimer dans une situation stressante. […]
[151] Le plaignant raconte ensuite que, depuis 10 ans, il a toujours un calendrier proche où il inscrit des notes sur ses horaires de travail car il est déjà arrivé qu’il lui manquait des heures. Il inscrit également d’autres notes sur ce calendrier, des fêtes, des paiements à effectuer. Sa conjointe y inscrit également des notes, ce calendrier leur servant en quelque sorte d’agenda.
[152] Le procureur patronal s’objecte alors au dépôt de ce calendrier auquel veut procéder le procureur syndical. Cette objection a été retenue pour les motifs suivants.
[153] L’employeur soumet que ce document n’a jamais été divulgué, que la règle est qu’il faut témoigner de mémoire et qu’on ne peut se corroborer soi-même. Lorsqu’il a interrogé le plaignant, ce dernier n’a jamais fait allusion à un tel document. Suite au dépôt de la lettre de son psychologue demandant la clémence du tribunal étant donné que le plaignant était sujet à des pertes de mémoires importantes, la question lui a été posée à savoir s’il avait des écrits pour aider sa mémoire et jamais le plaignant n’a référé à quelque document que ce soit. La référence qu’il fait aujourd’hui aurait dû être faite spontanément à ce moment. Il y a aussi le fait qu’il est impossible de savoir quand telle ou telle note apparaissant à un tel document a été écrite.
[154] Le syndicat répond qu’il n’est pas défendu de corroborer son propre témoignage par un écrit, qu’il s’agit d’une question de force probante d’un témoignage que l’on peut attaquer en contre-interrogatoire et, enfin, que c’est la conjointe du plaignant qui a rafraichit la mémoire du plaignant quant à ce calendrier.
[155] Le tribunal a décidé sur place d’accueillir l’objection patronale et il a été convenu que cette décision soit rapportée à la présente sentence. D’entrée de jeu, il a été porté à la connaissance du tribunal que le plaignant était sujet à d’importantes pertes de mémoire afin d’attirer son indulgence. Soit. Mais alors raison de plus pour demander de pouvoir appuyer son témoignage à partir d’écrits concomitants, le cas échéant. Le plaignant a lui-même expliqué que ce calendrier constitue un outil important pour lui, justement pour aider sa mémoire, un outil qu’il utilise sur une base régulière, vraisemblablement quotidienne. S’il est compréhensible qu’il soit sujet à des pertes de mémoire ou une mémoire imprécise quant à certains détails reliés à des événements passés ou certaines dates précises, on peut difficilement concevoir qu’il ait oublié l’existence de ce calendrier, qu’il n’ait pas au contraire spontanément voulu y référer comme il l’a d’ailleurs toujours fait pour vérifier la concordance de ses heures de travail. Considérant ces éléments, demander la production tardive de ce calendrier pose effectivement problème, d’autant plus si on tient compte de la nature même de ce document qui constitue en quelque sorte un assemblage de notes apposées à des moments différents, par des personnes différentes et possiblement avec des stylos différents. Comment alors pouvoir apprécier si des notes n’ont pas été apposées subséquemment au témoignage du plaignant justement aux fins de le corroborer?
[156] Nous concluons donc qu’un tel document ne saurait représenter un élément ajoutant une crédibilité additionnelle au témoignage du plaignant et que son dépôt ne saurait éclairer davantage le tribunal. D’où l’accueil de l’objection de l’employeur.
[157] Gauthier se souvient de la venue de Houle à l’épicerie mardi le 16 octobre 2012. C’était vers la fin de l’avant-midi. Il était dans le bureau de son assistante Sylvie Sévigny quand il l’a vue arriver.
[158] Elle n’est pas entrée dans le bureau de Boisvert. Avant qu’elle ne parle, Boisvert lui a dit : « Si tu te présentes pour discuter du cas de Mario, je n’ai pas à traiter ce dossier avec toi. Mario est notre employé et c’est avec lui qu’on va traiter ». Houle est venue pour parler de nouveau mais Boisvert l’a arrêtée et elle repartie.
[159] Contre-interrogée au nom du syndicat , Gauthier précise qu’il a été directement témoin de l’échange entre Houle et Boisvert, se situant alors à environ 10 pieds d’eux. L’essence du message de Boisvert était à l’effet que, dorénavant, c’était avec le plaignant qu’il voulait traiter. Par le passé, Houle était fréquemment intervenue en représentation du plaignant.
[160] Relativement à la sanction imposée au plaignant en janvier 2012, Boisvert précise que c’est à lui de prendre la décision finale dans le cas d’une telle sanction. En fait, c’était la première sanction imposée en 37 ans.
[161] Boisvert réitère être absolument certain que c’est le 16 octobre que Houle est venue le rencontrer à l’épicerie. Il réfère au fait d’avoir téléphoné au plaignant la veille, lundi le 15 octobre, en présence de Daigle et Gauthier. Cela explique la venue de Houle le lendemain. Il dit avoir une bonne mémoire et même pouvoir situer la rencontre entre 10h45 et midi.
[162] Contre-interrogé au nom du syndicat , Boisvert passe en revue les dates d’intervention. Le 15, il laisse un message au plaignant. Le 16, c’est la rencontre avec Houle. Le 17, il a rappelé le plaignant et s’est même rendu à son domicile pour s’assurer qu’il était présent. Il n’a pas fait d’autres démarches entre le 17 et le 26 octobre mais rappelle que Daigle a rappelé le plaignant le 19 octobre.
[163] Boisvert n’a pas contacté le représentant syndical entre le 17 et le 26 octobre. Il a été mis au courant du contenu de la lettre de congédiement préparée par son avocat et en avoir approuvé le contenu.
[164] Référant à l’explication de Picard à l’effet que la sanction imposée au plaignant en janvier 2012 était un premier avertissement, qu’il aurait pu y en avoir un deuxième et un troisième avant que le dossier lui soit transféré, Boisvert confirme que c’est bien la politique mais qu’il est tenu au courant dès le premier avertissement.
[165] À savoir si Picard avait reçu des instructions pour le traitement des situations d’absence non motivée, Boisvert soumet qu’il n’avait pas vraiment reçu d’instructions et qu’il ne connaissait pas la convention collective. Tout dépend de la nature et de la gravité de ce qui est reproché à l’employé. Mais comme il s’agissait d’une première situation où une sanction était imposée, à savoir d’où venait la procédure décrite par Picard, Boisvert répond que lorsqu’il y avait retard ou une faute légère, il fallait suivre les étapes prévues à la convention collective.
[166] Boisvert termine son témoignage en précisant que, à ses yeux, le fait de s’absenter sans justifier cette absence par un certificat médical représente une faute grave.
[167] Après avoir rappelé le libellé de la clause 7.07 c), attirant l’attention du tribunal sur la conjonction « ou » qui s’y trouve, l’employeur note qu’on y prévoit, à titre de sanction, la perte de l’ancienneté. Or, à cet égard, le Code du travail stipule que les pouvoirs de l’arbitre sont limités lorsque la convention prévoit une sanction déterminée pour une faute reprochée (A-1) :
Pouvoirs de l’arbitre
100.12. Dans l'exercice de ses fonctions l'arbitre peut:
[…]
f) en matière disciplinaire, confirmer, modifier ou annuler la décision de l'employeur et, le cas échéant, y substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. Toutefois, lorsque la convention collective prévoit une sanction déterminée pour la faute reprochée au salarié dans le cas soumis à l'arbitrage, l'arbitre ne peut que confirmer ou annuler la décision de l'employeur ou, le cas échéant, la modifier pour la rendre conforme à la sanction prévue à la convention collective ;
(…)
[168] L’employeur soumet de la jurisprudence traitant de dispositions similaires à celles de l’article 7.07 c) invoqué à l’appui du présent congédiement et dégage les principes régissant l’application de ces clauses de perte d’ancienneté et d’emploi pour cause d’absentéisme.
[169]
Dans un
premier temps, il retient qu’il importe peu de qualifier un congédiement
résultant d’une disposition conventionnelle telle que la clause 7.07 c) comme
étant de nature administrative ou disciplinaire puisque, lorsque les parties
ont spécifiquement prévu une sanction en regard d’une faute donnée, la
compétence de l’arbitre est encadrée par l’article
Il importe peu de se demander si la fin de l’emploi
est disciplinaire ou administrative; la compétence de l’arbitre est la même.
L’article
[170] L’arbitre Jean-Guy Ménard (A-3) rapporte à sa façon cette contrainte :
La seule disposition conventionnelle pertinente se lit comme suit :
Perte d’ancienneté :
[…]
f) s’il s’absente de son travail, sans en avoir avisé son Employeur ou sans motif valable, pour plus de trois (3) jours ouvrables consécutifs. (pages 7 et 8)
[…]
Lorsqu’il en arrive à un tel résultat, le soussigné a l’impression de participer étroitement à un processus qui traduit une bien grande sévérité. À ce propos, il est toutefois important de rappeler que l’arbitre ne dispose d’aucune discrétion pour apprécier la situation, les parties ayant elles-mêmes décidé du seul remède qu’il faut appliquer quand il y a défaut de rencontrer les obligations nommément spécifiées à la clause 14.07 paragraphe F. Sans égard à quelque autre considération, il doit limiter son intervention à vérifier la situation des faits et à tirer la conclusion que lui dicte la disposition qui lui donne juridiction . (pages 16 et 17) (soulignement du procureur)
[171] Enfin, cette interprétation a ainsi été confirmée par la Cour d’appel (A-4) :
C onsidérant que les arbitres majoritaires ont eu tort de conclure que la mesure disciplinaire du congédiement avait eu pour effet implicite de rendre sans effet la décision de l’employeur d’imposer la perte d’ancienneté prévue à l’article 12.14 de la convention collective;
C onsidérant qu’en interprétant l’article 12.14 de la convention collective comme mesure administrative, les arbitres majoritaires n’avaient plus le pouvoir d’intervenir pour annuler la décision de l’employeur dès lors que se réalisaient les conditions d’application de l’article ; (page 5) (soulignement du procureur)
[172] L’employeur précise qu’un arbitre ainsi encadré n’a pas le loisir de substituer à la décision discrétionnaire de l’employeur une autre décision qui lui paraîtrait plus juste ou raisonnable. L’arbitre Nathalie Faucher (A-5) s’exprime comme suit à cet égard :
[65] Que l’on retienne l’une ou l’autre des qualifications importe peu. En effet, qu’il s’agisse d’une mesure administrative ou d’une mesure disciplinaire, le rôle de l’arbitre sera le même car il ne pourra que la confirmer ou l’invalider selon que la preuve des conditions d’application aura ou non été faite. En effet, il est reconnu qu’en matière administrative, l’arbitre ne peut que vérifier la validité d’une mesure et ne peut pas y substituer une autre décision qui lui apparaît juste et raisonnable .[…]
[66] L'arbitre dispose donc d'une très faible marge de manœuvre se limitant dans un premier temps à vérifier les conditions d'admissibilité et, dans l'affirmative, à s'assurer que la décision de l'employeur n'est pas abusive, déraisonnable ou discriminatoire . (pages 14 et 15) (soulignement du procureur)
[173] L’arbitre Jean-Guy Ménard (A-3) reprend également cette compréhension et pousse l’interprétation d’une clause similaire à la nôtre comportant deux exigences séparées d’une conjonction « ou » en stipulant que sa sanction doit s’appliquer si le salarié a manqué à l’une ou l’autre de ces exigences :
De par son libellé, le grief sous analyse conteste la décision prise par l'Employeur de congédier Monsieur Pierre Gagnon en date du 29 juillet 1991 au motif principal qu'elle exprimerait une attitude abusive et discriminatoire.
La prétention syndicale est essentiellement à l'effet que Monsieur Gagnon a, en conformité avec l'économie de la clause 14.07 paragraphe F, dûment informé l'Employeur de son état de santé dès le 14 juin 1991 en lui précisant qu'il y avait des possibilités que cette situation se prolonge au-delà du 25 juin 1991, de telle sorte que l'Employeur ne pouvait ensuite lui faire quelque reproche à ces égards sans agir de façon abusive et discriminatoire. L'Employeur estime pour sa part qu'il était en l'occurrence en droit de procéder à un congédiement puisque Monsieur Gagnon a manqué aux deux (2) obligations auxquelles le contraignait, dans les circonstances, la clause 14.07 paragraphe F en ce qu'il n'a d'aucune façon avisé de son absence au travail pour la période allant du 25 juin au 9 juillet 1991 et en ce qu'il n'a fourni aucune raison pour justifier son absence du 25 juin au 2 juillet 1991.
Compte tenu des termes dans lesquels se présente le litige, il s'agit pour l'arbitre de décider si l'Employeur était fondé de croire que Monsieur Gagnon s'était absenté de son travail pendant plus de trois (3) jours ouvrables consécutifs et ce, sans l'en avoir avisé ou sans faire preuve d'un motif valable, à telle enseigne qu'il en aurait découlé une perte d'ancienneté et d'emploi qu'il ne lui restait plus qu'à officialiser par l'imposition d'un congédiement. Pour ce faire, il est dans l'ordre des choses que le soussigné cerne d'abord avec précision le sens de la clause 14.07 paragraphe F, de manière à ce qu'il puisse ensuite en faire une application adéquate à la situation de faits mise en preuve.
On comprend d'une première lecture de la clause 14.07 paragraphe F qu'on a voulu sanctionner par la perte de l'ancienneté et du lien d'emploi le fait de s'absenter pendant plus de trois (3) jours ouvrables consécutifs lorsqu'il n'y a pas eu avis en conséquence de telle absence ou quand cette absence n'est pas associée à un motif valable. Cette façon de concevoir les choses laisse bien peu de marge de manœuvre à l'arbitre puisqu’elle ne lui reconnaît en définitive de possibilités d'intervention qu’aux fins de confirmer ou d'infirmer qu’on était en droit, dans une situation donnée, de s'en remettre à l’application de la clause 14.07 paragraphe F. À tout considérer l'exercice de cette compétence qui échoit à l'arbitre signifie, en termes pratiques, qu'il n'a qu'à évaluer s'il y a, d'une part, effectivement eu absence du travail pour plus de trois (3) jours ouvrables consécutifs et si, d'autre part, cette absence était appuyée d'une raison valable ou si elle avait vraiment été l’objet d'un avis à l’Employeur . (pages 10 et 11)
[…]
Aux fins de l'espèce, il faut donc comprendre que la clause 14.07 paragraphe F obligeait Monsieur Gagnon, du fait qu’il était appelé à être absent pendant plus de trois (3) jours ouvrables consécutifs, à aviser l’Employeur et à faire la preuve que cette absence s’expliquait par un motif acceptable. S’il s’avère qu’il a manqué à l’une ou l’autre de ces exigences, il faudra reconnaître qu’il s’en trouvait en état de se faire signifier par l’Employeur qu’il avait perdu son ancienneté et son emploi .[…] (page 13) (soulignement du procureur)
[174] L’employeur soumet que même s’il n’y a pas lieu d’exiger du salarié qu’il démontre n’avoir manqué ni à l’une, ni à l’autre des exigences posées, il lui incombe à tout le moins de faire la preuve d’une excuse raisonnable expliquant son absence. Le fait d’avoir avisé l’employeur de son absence ne dispense pas l’employé de fournir une excuse raisonnable pour expliquer cette absence. Et une pièce justificative comme un certificat médical constitue la façon habituelle de fournir une excuse raisonnable.
[175] L’arbitre Nathalie Faucher, pour sa part, interprète qu’il suffit que l’une ou l’autre des deux options soient rencontrées (A-5) :
[68] Analysons donc les conditions d'application négociées par les parties. En l'espèce, la convention prescrit que l'ancienneté sera perdue s'il y a absence sans donner d'avis ou sans excuse raisonnable excédant trois jours consécutifs de travail. L'usage du mot «ou» doit-il se lire de façon conjonctive ou alternative? Suffit-il que la preuve démontre que le salarié ait donné un avis à l'employeur pour éviter l'application de la clause? De même, s'il dispose d'une excuse raisonnable de s'absenter, mais qu'il n'a pas avisé l'employeur peut-il ainsi éviter l'application de la clause? (page 15)
[…]
[71] En d'autres termes, pour que la clause s'applique, il suffit que l'une ou l'autre ou les deux options soient rencontrées . Ainsi, la clause s'appliquera si la salariée s'est absentée pendant plus de trois jours de travail consécutifs sans donner d'avis ou si elle s'est absentée pendant plus de trois jours de travail consécutifs sans avis raisonnable ou encore si elle s'est absentée pendant plus de trois jours de travail consécutifs sans avis et sans excuse raisonnable. (page 17)
(soulignement du procureur)
[176] Un salarié ayant déjà été en arrêt de travail justifié par un certificat médical pour une période limitée doit en fournir un autre s’il n’entre pas travailler à la fin de cette période (A-6) :
[84] La preuve a révélé que la plaignante était en fait absente du travail depuis l’automne 2009. Cependant, il s’agissait d’une absence justifiée par des certificats médicaux transmis à l’employeur et qui n’ont manifestement pas été contestés par ce dernier. Le dernier de ceux-ci, daté du 25 février 2010 (pièce E-1) faisait état d’un arrêt complet de travail jusqu’au 4 avril 2010. L’employeur était donc en droit de s’attendre à ce que la salariée reprenne son travail la première journée ouvrable suivant la fin de son congé de maladie à moins qu’il ne soit avisé de la prolongation de celui-ci au moyen d’un certificat médical posant un diagnostic pouvant justifier une telle prolongation . (page 27)
(soulignement du procureur)
[177] L’arbitre Diane Fortier souligne l’importance pour un salarié qui se dit invalide d’aller voir son médecin et de procurer à l’employeur un billet médical attestant de cette invalidité. Dans cette cause, pour faire un parallèle avec le présent cas, l’arbitre note que la plaignante a attendu d’avoir été congédiée pour aller quérir un certificat médical sur les conseils de sa représentante syndicale (A-7) :
Les questions qui se posent donc sont de déterminer si la plaignante s'est absentée sans donner d'avis. Si elle n'en a pas donné, est-ce que cette absence d'avis était motivée par une excuse raisonnable ? Si elle en a donné un, est-ce que son absence était appuyée par une pièce justificative ? (page 21)
[…]
[…] L'ensemble de ces faits me permettent de déclarer sans hésitation que la plaignante n'a pas satisfait à son obligation d'aviser l'Employeur de son absence, comme l'exige la clause 13.06.
Si l'avis n'a pas été donné, la plaignante avait-elle une excuse raisonnable ? Je n'en vois aucune. Elle prétend qu'elle était incapable d'entrer au travail à cause de problèmes matrimoniaux lui causant des troubles d'anxiété et d'insomnie. Peut-être qu'à la limite on pourrait croire que son état l'empêchait d'entrer au travail, mais cela ne l'empêchait sûrement pas, d'une part, d'aviser l'Employeur de cette situation et, d'autre part, comme elle l'avait fait en juin précédent, d'aller consulter son médecin et obtenir, le cas échéant, un certificat d'invalidité. (page 22)
[…]
Sur cette dernière déclaration, je dirais que la plaignante, ayant l'obligation de fournir une pièce justificative si elle se sentait vraiment invalide, avait le devoir de se présenter chez son médecin, quitte à discuter avec lui du traitement. Ce n'est qu'après avoir reçu sa lettre de fin d'emploi et sur les conseils de sa représentante syndicale qu'elle va quérir un certificat médical. Sans remettre en cause ce certificat, on doit constater que le diagnostic ne peut que s'appuyer sur les déclarations de la plaignante (anxiété, insomnie).[…]
La plaignante avait le fardeau d'établir que son absence était justifiée ou appuyée par une pièce justificative. C'est la même chose. […]
Si elle avait été vraiment invalide, elle lui aurait dit, aurait consulté son médecin et aurait présenté une pièce justificative, comme elle l'avait fait le 1er juin précédent. Devant l'absence de la plaignante, les jours suivants, l'Employeur ne pouvait que supposer ceci : elle a vraiment démissionné ou elle s'est octroyé un congé sans solde non autorisé. À mon sens, l'Employeur n'avait pas à faire davantage d'investigations. C'est au salarié qu'appartient l'obligation de justifier son absence . (pages 22 et 23) (soulignement du procureur)
[178] À l’arrêt suivant (A-8), la Cour d’appel confirme l’exactitude de l’interprétation d’un arbitre, confirmée par la Cour supérieure, voulant qu’en présence d’une clause prévoyant la perte de l’ancienneté s’il y a « absence sans donner d’avis ou sans excuse raisonnable… », « l’avis de l’employé à l’employeur de son absence du travail ne suffit pas pour éviter la perte d’ancienneté; il faut également examiner si l’employé a une excuse raisonnable pour s’absenter du travail. L’existence d’une excuse raisonnable peut donc suppléer au défaut d’avis, mais non l’inverse » :
La première concerne l'interprétation que l'arbitre de grief et la Cour supérieure ont donnée à la clause 12.14 de la convention collective:
12.14 La personne salariée perd son ancienneté, sans perdre son emploi, dans le cas suivant: absence sans donner d'avis ou sans excuse raisonnable excédant trois (3) jours consécutifs de travail.» (page 2)
«Selon l'appelante, cette clause de la convention collective exige de l'employé qui s'absente du travail plus de trois jours consécutifs qu'il ait donné un avis ou qu'il ait une excuse raisonnable. Il ne saurait y avoir perte d'ancienneté si l'avis a été donné ou s'il y a une excuse raisonnable justifiant l'absence du travail. L'interprétation de la clause 12.14 retenue par l'arbitre et par la Cour supérieure serait donc erronée et constituerait une modification de la convention collective. L'arbitre, contrevenant ainsi à la clause 11.11 de la convention collective, excédait sa compétence, comportement que la Cour supérieure aurait dû sanctionner. (page 3)
[…]
Interprétant la clause 12.14, l'arbitre et la Cour supérieure concluent donc que l'avis de l'employé à l'employeur de son absence du travail ne suffit pas pour éviter la perte d'ancienneté; il faut également examiner si l'employé a une excuse raisonnable pour s'absenter du travail. L'existence d'une excuse raisonnable peut donc suppléer au défaut d'avis, mais non l'inverse; le fait d'avoir avisé l'employeur de son absence ne dispense pas l'employé de fournir une excuse raisonnable pour expliquer cette absence . L'arbitre poursuit son raisonnement en estimant que l'employée n'avait pas fait la preuve d'une excuse raisonnable d'absence, étant incapable d'établir qu'elle était invalide à la date où elle devait reprendre le travail.
[…]
CONSIDÉRANT, quant au premier moyen d'appel, que l'interprétation de la clause 12.14 de la convention collective retenue par l'arbitre de grief, et confirmée par la Cour supérieure, est correcte: l'existence d'une excuse raisonnable peut justifier l'absence d'avis, mais la remise d'un avis à l'employeur ne peut pas justifier l'absence d'excuse raisonnable pour expliquer une absence du travail se prolongeant au-delà de trois jours consécutifs; (pages 4 et 5)
(soulignement du procureur)
[179] Revenant à la sentence de l’arbitre Jean-Guy Ménard (A-3), on constate une variante à l’interprétation précédente. L’avis à l’employeur seul ne suffit pas en l’absence d’une excuse raisonnable et l’excuse raisonnable doit être précédée d’un avis à moins que cette excuse puisse elle-même justifier l’absence d’avis :
Les arbitres se sont à maintes reprises penchés sur cette discussion en rapport avec des dispositions semblables à la clause 14.07 paragraphe F. L'extrait suivant tiré de l'affaire Hôpital Ste-Croix et Syndicat des employés de l'Hôpital Ste-Croix [(1983) T.A. 207] exprime fort bien le consensus auquel on semble en être finalement venu:
En premier lieu, nous devons indiquer que, en toute déférence pour son opinion, nous ne pouvons partager la décision rendue par Maitre Claude Larouche dans l'affaire Hôpital de Chicoutimi précitée. Celui-ci a écrit que même si la plaignante n'avait aucune excuse raisonnable pour son absence de plus de trois (3) jours consécutifs de travail, elle n'était pas sujette à perdre son ancienneté parce qu'elle avait avisé son employeur de son absence. À son avis donc, cet article ne doit recevoir application que dans le cas où il n'y a ni avis, ni excuse raisonnable.
À notre avis, cette interprétation est erronée parce qu'elle a pour effet de donner au mot "ou" le sens du mot "et". Le premier a un sens conjonctif et le second un sens alternatif . Si les parties avaient écrit qu'il y a perte d'ancienneté lorsque l'absence a eu lieu "sans donner d'avis et sans excuse raisonnable", il est clair que celles-ci auraient exigé la présence des deux (2) conditions pour mettre en œuvre le mécanisme de la perte d’ancienneté. Mais les parties ont écrit que l'absence "sans donner d'avis ou sans excuse raisonnable" entrainait la perte d'ancienneté. Le mot «ou» doit recevoir son sens commun de «ou bien» et rien ne nous permet de restreindre la portée de cet article à la présence conjointe de chacune des deux (2) branches de l’alternative. Il s’agit d’une absence sans donner d’avis ou bien d’une absence sans excuse raisonnable .
À ce sujet, nous référons les parties à la décision précitée dans Centre Hospitalier J. Henri Charbonneau. Le tribunal, au prise avec le même article, écrivait:
Pour interpréter logiquement l’article 12.16, il faut en venir à la conclusion que le seul fait de donner un avis à l’employeur d’absence de plus de trois (3) jours consécutifs de travail n’est pas suffisant s’il n’est accompagné d’une excuse raisonnable. De plus, l’excuse raisonnable pour justifier une absence de trois (3) jours consécutifs au travail doit être précédée d’un avis, à moins que cette excuse puisse elle-même justifier l’absence d’avis .
Nous sommes d’accord avec cette interprétation, qui, selon nous, à l’avantage principal de coller au texte de la convention collective, particulièrement à la portée du mot «ou» de l’article 14.12 . (pages 11 et 12) (soulignement du procureur)
[180] L’employeur soumet ensuite que la transmission d’un certificat médical postérieurement au congédiement pour justifier son absence ne constitue pas une excuse raisonnable si le salarié n’était pas dans l’impossibilité d’agir au moment opportun. Le salarié ne doit pas avoir fait preuve de négligence (A-5) :
[83] Avec égard, la soussignée ne peut retenir cette prétention. En effet, il faut rappeler qu'au 4 janvier 2007, le dernier billet médical au dossier date du 28 novembre 2006 et motive l'absence de Mme André jusqu'au 28 décembre 2006. Il y a absence totale de motivation par la suite . La fourniture d'un billet médical ne sert pas uniquement au paiement des prestations d'assurance-salaire, c'est aussi une autorisation médicale pour s'absenter du travail laquelle établit prima facie une excuse raisonnable au sens de la clause 12.15 . Le fait que la plaignante se soit elle-même autorisée à travailler ne change pas cette situation.
[…]
[87] La plaignante a allégué qu'il ne lui avait pas été possible de le faire en raison des vacances de son médecin traitant. De l'avis de la soussignée, la plaignante n'était pas dans l'impossibilité absolue d'agir . Son employeur lui avait suggéré plusieurs options telles que de consulter un autre médecin de sa clinique ou d'une autre clinique voire même à l'hôpital.
[88] Plusieurs médecins avaient eu l'occasion de traiter Mme André que ce soit à l'hôpital Santa Cabrini, à l'hôpital Fleury et même le Dr Assal qui pratique à la même clinique que son médecin traitant. Tous ces intervenants possédaient le dossier de la plaignante où son histoire était connue. Rien n'indique qu'il lui aurait été impossible de consulter l'un d'entre eux . Mme André n'a pas fait état de démarche en ce sens et s'est limitée à prendre un rendez-vous avec son médecin. Elle savait pourtant que son employeur considérait son absence comme étant injustifiée et elle connaissait les conséquences rattachées à cet état de fait. Elle savait qu'elle risquait de perdre son ancienneté. Malgré tout, elle ne fait pas preuve de diligence . (pages 19, 20 et 21)
(soulignement du procureur)
[181] Revenant à l’arrêt A-6, l’arbitre Louise Viau renforce cette compréhension :
[98] La preuve établit que plus de trois jours ouvrables se sont écoulés depuis la date à laquelle la salariée devait se présenter au travail et la date où elle a donné signe de vie à l’employeur pour l’aviser de la raison de la prolongation de son absence. Au vu du certificat médical soumis postérieurement, la soussignée ne peut conclure, avec la preuve qui a été administrée, que l’employeur a agi d’une manière déraisonnable en ne revenant pas sur sa décision d’appliquer à la salariée la règle stricte de l’article 10.06 8) de la convention collective .
[99] Bref, même si l’employeur n’a pas soulevé cette question, il reste qu’on p eut s’interroger quant à savoir s’il pouvait s’agir d’un certificat de complaisance émis en faveur de la plaignante, cette dernière n’ayant manifestement pas l’intention de reprendre le travail avant l’automne suivant .» (page 33)
[105] Dans le cas qui nous occupe, compte tenu du libellé de la clause de fin d’emploi, la question à trancher consiste simplement à décider si, au moment de sa fin d’emploi, la salariée avait été absente pendant plus de trois jours ouvrables consécutifs sans avoir avisé l’employeur ou sans motif valable. Le libellé de cet article requiert du salarié qu’il avise l’employeur des raisons de son absence afin que ce dernier puisse en apprécier le sérieux. Sauf s’il est dans l’impossibilité de le faire pour cause d’incapacité, le salarié est donc tenu de communiquer avec l’employeur dans ce délai. Si le salarié ne communique pas avec l’employeur, il est déraisonnable que l’arbitre puisse s’autoriser à intervenir pour annuler le congédiement au motif que le salarié avait un motif valable pour s’absenter, et ce, sans égard au fait que ce motif n’a pas été communiqué à l’employeur en temps utile .
[106] Bref, s’il est vrai que l’employeur ne peut se contenter de constater une absence pendant plus de trois jours ouvrables consécutifs pour mettre fin à l’emploi d’un salarié sans prendre en considération les motifs d’absence qui lui ont été communiqués, à l’inverse, si aucun motif d’absence ne lui a été communiqué dans ce délai, l’arbitre n’a pas à évaluer a posteriori si les motifs qu’aurait pu communiquer le salarié auraient dû amener l’employeur à les considérer comme un motif valable d’absence.
[107] Vu la preuve qui a été administrée, la soussignée est convaincue qu’à la date de son congédiement, la plaignante était absente du travail depuis plus de trois jours ouvrables consécutifs, et ce, sans avoir avisé l’employeur des raisons de son absence (alors qu’elle n’était pas du tout dans l’incapacité de le faire) et que, conséquemment, aucun motif valable d’absence n’avait été communiqué à l’employeur au moment où a pris effet sa perte d’ancienneté et d’emploi. L’employeur a également rempli son obligation d’en aviser la salariée à la dernière adresse qui lui était connue. (page 36) (soulignement du procureur)
[182] Pour sa part, l’arbitre Diane Fortier (A-2) s’en remet à l’interprétation donnée par la Cour d’appel (A-8) en s’exprimant comme suit :
[94] D’entrée de jeu, je précise que ce type de disposition comme 11.8 c) a déjà fait l’objet d’une jurisprudence abondante et la Cour d’appel a eu à se prononcer à quelques reprises sur l’interprétation d’une clause semblable. Je m’en tiendrai aux propos de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Grenier c. Lussier, rapportée par la partie patronale dans son argumentation (par. 87.1 de la présente). En voici un extrait :
CONSIDÉRANT, quant au premier moyen d'appel, que l'interprétation de la clause 12.14 de la convention collective retenue par l'arbitre de grief, et confirmée par la Cour supérieure, est correcte: l'existence d'une excuse raisonnable peut justifier l'absence d'avis, mais la remise d'un avis à l'employeur ne peut pas justifier l'absence d'excuse raisonnable pour expliquer une absence du travail se prolongeant au-delà de trois jours consécutifs; (page 20)
[103] J’estime que le témoignage de la docteure Berthiaume est incontestable, incontournable. Le plaignant l’a vue le 13 octobre, soit après son congédiement et deux jours avant le dépôt de son grief, le 15 octobre.
[104] Confronté aux contradictions entre son témoignage et la réalité des faits, le plaignant dit s’être fié au certificat daté du 3 octobre (E-4) pour donner ses explications. Cette prétention m’apparaît tout à fait invraisemblable : le plaignant, sans conteste, a vu la docteure Berthiaume le 13 octobre et, deux jours plus tard, il a déposé un grief. (page 22)
[…]
[112] Le certificat médical de la docteure Berthiaume ne peut pas servir d’appui, à mon avis, à la prétention du Syndicat voulant que le plaignant, dans la semaine du 5 jusqu’au 9 octobre, avait une raison valable d’être absent. (page 23)
(soulignement du procureur)
[183] La Cour supérieure (A-9) interprète sévèrement l’obligation du salarié de démontrer qu’il a une raison valable de s’être absenté surtout s’il le fait en obtenant un certificat médical subséquent au congédiement et uniquement basé sur ce que le salarié rapporte au médecin, d’autant plus que le médecin n’est pas venu s’expliquer :
[10] L’arbitre conclut que le médecin aurait dû venir s’expliquer sur l’écrit qu’il a émis.
[11] En effet, il adopte la thèse que le fardeau de la preuve repose sur les épaules du salarié.
[12] Son interprétation de l’article 12.03 est à l’effet qu’une absence de trois jours de travail n’est pas sanctionnable si elle est autorisée ou si elle est justifiée, l’employé devant cependant fournir dans cette dernière situation une raison valable de son absence.
[13] L’un des motifs d’une absence peut bien apparaître d’un rapport ou certificat d’un médecin, mais en autant que l’employeur l’admet comme suffisant.
[14] Aussi, c’est au salarié de prouver que le certificat du médecin comportant diagnostic constitue une raison valable . L’arbitre s’appuie sur la jurisprudence pour en décider.
[15] Il constate que ce document est émis lors d’une consultation où c’est le patient qui décrit son état , en précisant qu’il prend déjà des médicaments.
[16] De plus, il constate que le billet est rétroactif en ce sens que l’opinion qu’exprime le médecin est basée sur ce que lui rapporte le patient pour justifier son absence à compter du 28 février alors que son écrit est du 5 mars. » (page3)
[…]
[23] (…) En l’espèce, il est logique de considérer que le simple avis du salarié n’équivaut pas à une autorisation en regard de cet article, surtout que l’employé comprenait son obligation « de fournir une raison valable de son absence » comme l’a interprétée l’arbitre puisqu’il se proposait de consulter un médecin et de fournir un billet . (page 4) (soulignement du procureur)
[184] Même dans le cas d’un salarié disposant de 18 années d’ancienneté, l’interprétation stricte de ce genre de disposition peut être maintenu comme le démontre l’arbitre Ménard (A-10) :
Quoiqu'il en soit, il reste un fait indéniable que Monsieur Arsenault a avoué avoir compris qu'il devait reprendre son travail le 11 janvier 1993 . C'est d'ailleurs ce qui explique qu'il ait décidé de rencontrer à nouveau son chiropraticien le vendredi, 8 janvier 1993. Il appert également de la preuve que Monsieur Arsenault n'a pas jugé opportun d'aviser l'Employeur du fait qu'il a dû s'absenter de son travail à compter du 11 janvier 1993 avant le matin du 14 janvier 1993, soit au même moment où il a voulu informer ce dernier de son intention de revenir au travail le lundi suivant 18 janvier 1993. Même si le motif de ces deux (2) absences successives était le même, Monsieur Arsenault était le seul à avoir l'obligation conventionnée d'informer l'Employeur de l'existence d'une prolongation de son arrêt de travail, sous peine de perdre son ancienneté, si tel défaut perdurait plus de trois (3) jours consécutifs de travail .
En l’occurrence, il y a effectivement eu absence d'avis d'absence pendant plus de trois (3) jours consécutifs de travail. Pour pareille situation, la clause 12.14 de la convention collective laisse bien peu de marge de manœuvre en édictant qu'une telle conduite emporte invariablement la perte de l'ancienneté. Bien qu'il considère qu'il s'agit là d'une mesure sévère et lourde de conséquences, tout particulièrement pour Monsieur Arsenault qui a vu en un seul coup disparaître dix-huit (18) années d'ancienneté, l'arbitre ne voit pas de quelle autorité il pourrait intervenir en l'espèce pour modifier la mesure imposée. (page 17)
(soulignement du procureur)
[185] Enfin, l’arbitre Ménard conclut dans une autre sentence (A-3) qu’il n’est pas suffisant pour un salarié de présumer que l’employeur devait être au courant du motif de son absence puisqu’elle représentait la prolongation d’une absence qui la précédait immédiatement :
La seule disposition conventionnelle pertinente se lit comme suit :
Perte d’ancienneté :
[…]
f) s’il s’absente de son travail, sans en avoir avisé son Employeur ou sans motif valable, pour plus de trois (3) jours ouvrables consécutifs . (pages 7 et 8)
[…]
Peu importe l'angle dans lequel on les considère, on ne peut faire autrement que d'y voir une obligation pour le salarié concerné d'aviser pour toute période d'absence au travail en s'assurant qu’à chacune de ses composantes est associée une justification dite valable . S'il y a absence d'une durée supérieure à trois (3) jours ouvrables consécutifs et que telle absence n'a pas fait l’objet d'un avis ou n'a pas été légitimée par une cause acceptable, il ne reste de possibilité que de constater, en application de la clause 14.07 paragraphe F, qu’il y a eu perte d'ancienneté et d'emploi.
Si on en revient maintenant à la situation de faits mise en preuve, on en apprend que Monsieur Gagnon a avisé l'Employeur dès le 14 juin 1 991 qu'il détenait une attestation médicale l'autorisant à s'absenter de son travail jusqu'au 24 juin suivant. Quoiqu’il dise avoir, dès le 14 juin, informé l'Employeur qu'il était possible que cette absence se prolonge au-delà du 24 juin et bien que l’Employeur aurait été fondé de croire, dans une telle éventualité, que la cause d'invalidité était la même que celle qui a entraîné l'absence du 14 au 24 juin 1991, il reste que la clause 14.07 paragraphe F devait recevoir la même application pour les suites de l'absence du 14 au 24 juin que celle qu’on lui a assurée pour l'absence du 14 au 24 juin comme telle. Or, la preuve révèle que, si Monsieur Gagnon a bel et bien rencontré les exigences stipulées à la clause 14.07 paragraphe F pour éviter la perte de son ancienneté et de son emploi quant à son absence du 14 au 24 juin 1991, il en a été tout autrement pour ce qui touche une bonne partie du reste de sa période d'invalidité qui a duré, à proprement parler, jusqu'au 15 juillet 1991 .
[…] Tel qu’on l'a déjà indiqué, la clause 14.07 paragraphe F obligeait Monsieur Gagnon à justifier toutes ses absences aussi bien qu'à aviser l'Employeur en conséquence . Il ne pouvait, compte tenu du libellé et de la finalité de cette stipulation, considérer que cette obligation était dans les circonstances rencontrée du moment qu’il a informé l'Employeur de l'absence qui couvrait la période du 14 au 24 juin 1991. Puisqu'il n'était empêché par aucun état ou aucune situation lui rendant cette démarche à toutes fins pratiques inutile, il devait se plier à cette exigence s'il voulait éviter la perte de son ancienneté et de son emploi. En négligeant de le faire, à tout le moins pour l'absence qui a suivi celle devant se terminer le 24 juin 1991, il a automatiquement placé l'Employeur en situation de réclamer, à juste titre, l'application de la sanction agréée par les parties, laquelle apparaît du texte de la clause 14.07 paragraphe F . (pages 15 et 16) (soulignement du procureur)
[186] L’employeur passe alors en revue la preuve en dégageant certains aspects particuliers de celle-ci.
[187] Nous avons ici un premier grief en 15 ans, l’employeur étant une coopérative axée sur l’entraide et non un employeur quérulent. Le plaignant a souvent dû s’absenter et l’employeur l’a accommodé à plusieurs occasions. Lors d’une première infraction à l’article 7.07 c), l’employeur lui a donné une chance, se limitant à un avis. Il ne s’agit pas ici d’une situation exigeant l’application du principe de la gradation des sanctions. La longue absence du plaignant l’été précédent était justifiée par un état psychique n’ayant rien à voir avec son genou et, par la suite, l’employeur s’est vu remettre des billets médicaux établissant la capacité du plaignant à effectuer un retour au travail progressif. Le dernier de ces billets date du 10 octobre et est émis par son médecin traitant pour justifier d’intensifier ce retour progressif et le plaignant s’absente définitivement à compter du 13 octobre suivant.
[188] Le lendemain, 14 octobre, il appelle Grimard pour dire qu’il a mal au pied et ne peut entrer travailler. Il y a ici contradiction quant à la date (le plaignant prétendant que c’est le 16 octobre) mais Grimard, un témoin neutre puisqu’elle n’est plus au service de l’employeur, se dit certaine de la date. En plus, Picard confirme que c’est le lendemain matin, lundi 15 octobre, qu’il a trouvé le billet de Grimard et d’autres témoins confirment la suite qui a été donné à ce billet ce même jour. L’employeur a par la suite avisé plusieurs fois le plaignant à quel point il importait qu’il fournisse un billet médical à l’appui de son absence et ce, même s’il n’avait aucune obligation de pourchasser son salarié pour qu’il réponde aux exigences de la convention collective à son égard.
[189] Le plaignant a reconnu ses troubles de mémoire et il est le seul, avec son ex-conjointe, à prétendre avoir appelé Grimard le 16 octobre et à avoir parlé à Daigle le 23 octobre après avoir pris un message de Boisvert, étant à nouveau contredit à la fois par Boisvert et par Daigle, ce dernier ayant pris des notes à l’occasion de ses implications lors d’échanges téléphoniques avec le plaignant. Lors de cet échange avec Daigle le 19 octobre, le plaignant dit ne pas vouloir aller attendre 8 hrs à l’urgence. S’il soumet alors être également prêt à ce que son absence soit considérée comme un congé sans solde plutôt que de consulter son médecin, c’est qu’il sait être apte au travail.
[190] Dans ces circonstances, comment prétendre que l’employeur s’est comporté à l’égard du plaignant de façon abusive, discriminatoire ou autrement arbitraire. Suite à l’absence du plaignant les 16, 18 et 20 octobre, l’employeur aurait à nouveau pu le congédier mais lui a plutôt à nouveau laissé une chance, tout comme au début de 2012. C’est plutôt le plaignant qui démontre un comportement fautif alors qu’il lui aurait été possible de se rendre à Arthabaska pour voir son médecin, comme il l’a fait le 29 octobre, ou de se rendre à l’urgence de l’hôpital situé à 750 mètres de chez lui.
[191] Après avoir ainsi passé en revu les grandes lignes de la preuve, l’employeur conclut avoir démontré qu’il remplissait les conditions d’application de la clause 7.07 de la convention et que le grief doit être rejeté puisque :
Ø L’employé a été absent pendant trois jours cédulés consécutifs soit les 20, 23 et 24 octobre 2012;
Ø L’employé n’a pas motivé cette absence, ni fourni de raison valable ;
Ø L’employé ne pouvait raisonnablement penser que son absence était justifiée ou acceptée par l’employeur; à maintes reprises l’employé a clairement été avisé qu’il devait obtenir et transmettre son billet médical justifiant un report de date de son retour au travail;
Ø Rien dans le dernier certificat médical délivré le 10 octobre 2012 ne permettait à l’employeur de penser que l’employé n’était pas rétabli et apte à revenir au travail le 15 octobre 2012;
Ø L’employé a été avisé que son absence n’était pas justifiée et à quelle mesure il s’exposait;
Ø L’employé n’était pas dans l’incapacité de se rendre chez le médecin afin d’obtenir le certificat médical requis; ce n’est que par négligence et entêtement qu’il n’a pu fournir ledit certificat; il n’avait aucune excuse raisonnable pour justifier son inaction; il n’a pas agi en personne raisonnable et est l’artisan de son propre malheur;
Ø Au surplus, en convenant que la perte d’emploi et d’ancienneté surviendrait « Pour une absence sans raison valable ou non motivée excédant trois (3) jours de travail cédulés consécutifs », les parties ont convenu qu’une seule des raisons mentionnées est en elle-même suffisante pour provoquer cette perte d’ancienneté et d’emploi; le fardeau de démontrer une telle absence incombant à l’employé;
Ø Les nouveaux certificats médicaux obtenus les 29 et 31 octobre 2012, transmis plusieurs jours après le congédiement, semblent davantage être des certificats de complaisance émis en faveur de l’employé et ce, d’autant plus que ce dernier avait clairement manifesté le désir de ne pas vouloir reprendre le travail avant l’intervention prévue pour le 31 octobre 2012.
[192] Le syndicat se dit d’accord avec les principes dégagés par l’employeur à partir de la jurisprudence citée mais ajoute qu’ils doivent également pouvoir prendre appui sur des éléments de preuve.
[193] S’appuyant tout d’abord sur le libellé de la lettre de congédiement, le syndicat soumet qu’il s’agit d’un congédiement pour insubordination puisqu’il y est mentionné que « (l)e ou vers le 19 octobre dernier, vous avez (dit) que vous refusiez de travailler malgré… » (soulignement du syndicat). Un peu plus loin, on réfère à son « refus de travail ». En cours d’audition, l’employeur a parlé de faute grave et on comprend qu’il est exaspéré. La raison donnée pour le congédiement est l’absence excédant trois jours de travail cédulés consécutifs mais la preuve démontre que l’employeur a tenu compte de l’absentéisme préalable du plaignant, du fait qu’on l’avait accommodé et que c’est comme cela qu’il le remerciait, qu’il était quelqu’un qui ne retournait pas l’ascenseur. En fait, l’employeur a prétexté du 3 jours d’absence pour régler un cas problématique.
[194] Or, lorsqu’il y a une dimension disciplinaire, l’arbitre a toute latitude et n’est pas limité à s’assurer que la mesure n’est ni arbitraire, discriminatoire ou autrement abusive.
[195] Le premier arrêt cité par le syndicat (B-1) ne traite pas de l’application d’une clause semblable à celle qui nous concerne ici mais établit qu’une lettre adressée à un employé peut comporter à la fois une dimension disciplinaire et administrative.
[196] Les dispositions conventionnelles liées au deuxième arrêt (B-2) cité diffèrent également du type de clause dont il est question en l’instance; contrairement à la prétention du syndicat, nous n’y avons trouvé aucune disposition prévoyant une fin d’emploi automatique après un certain nombre de refus. Il se dégage uniquement de ce cas qu’une lettre de congédiement peut constituer une mesure mixte, à la fois disciplinaire et administrative.
[197] Le troisième arrêt cité par le syndicat (B-4) implique une clause prévoyant la perte automatique d’ancienneté —et non de l’emploi— mais selon une formulation particulière : « S’il s’absente plus de deux (2) jours ouvrables consécutifs sans permission ou avertissement » (notre soulignement). À cette occasion, la Cour supérieure révise une sentence où l’arbitre s’est penché sur la portée du terme « avertissement » avant de conclure que même si l’employé n’avait pas averti l’employeur de la prolongation de son absence, celui-ci savait qu’il était déjà absent du travail auparavant, quelle était la cause de cette absence et était à même de déduire la cause de la prolongation de cette absence, d’autant plus qu’il n’avait d’aucune façon tenté de confirmer cette déduction. La Cour conclut prudemment comme suit :
[50] En l’espèce, la clause ne prévoit pas expressément la perte d’emploi comme conséquence à une absence sans avertissement et n’ouvre pas la porte à une « cause raisonnable », ce qui impose davantage qu’on soit relativement certain de l’intention des parties de couvrir le comportement adopté par le salarié victime d’un congédiement ».
[51] L’arbitre a donné à la clause une interprétation différente de celle suggérée par Saint-Casimir et l’a appliquée « dans les circonstances de l’espèce ».
[52] Le tribunal est d’avis que cette décision est justifiée dans les circonstances. Un autre arbitre, s’en tenant, comme le suggère Saint-Casimir, à une interprétation plus littérale de la clause en litige, aurait pu conclure différemment. La réponse de l’arbitre formulée à la suite d’une approche contextuelle et téléologique n’est pas pour autant déraisonnable. Elle constitue une « issue possible acceptable pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
[198] Ce dernier cas se distingue du nôtre mais démontre qu’une interprétation littérale n’est pas la seule pertinente face à ce genre de clause et qu’il est possible de s’assurer « de l’intention des parties de couvrir le comportement adopté par le salarié ».
[199] Le syndicat cite alors un autre arrêt (B-8) pour faire valoir le cas d’un employé qui s’est vu refuser des vacances mais qui décide de les prendre quand même et en avise l’employeur. La clause invoquée par l’employeur se lit :
[2] …
L’ancienneté de tout salarié se perd, et le lien d’emploi est rompu :
V) pour absence du travail de quatre (4) jours ouvrables consécutifs sans avoir avisé l’employeur ou son représentant, sauf si le salarié a un ou des motifs raisonnables;
[200] Comme on peut le constater, il s’agit d’une disposition qui, encore une fois, se distingue tout à fait de celle qui nous concerne, ce qui permet à l’arbitre de conclure que cet employé « ne s’est pas placé dans la situation décrite à cette clause ». En effet, l’employé s’est bien absenté du travail quatre jours ouvrables consécutifs mais il en a avisé l’employeur. « Cela veut dire que, si le salarié avise de son absence, il ne perdra pas son ancienneté en vertu de cette clause, même si le motif de son absence n’est pas valable ». L’arbitre a d’ailleurs bien pris soin de préciser :
[38] Une telle clause concernant la perte d’ancienneté apparaît dans la plupart des conventions collectives, bien qu’avec des textes (qui) sont différents d’une à l’autre convention. Il faut donc s’assurer de l’appliquer selon le texte précis que les parties ont choisi.
[201] Le parallèle que tente ici de faire le syndicat en voyant une similitude avec le cas du plaignant, étant donné que ce dernier a avisé l’employeur qu’il s’absentait et était prêt à prendre un congé sans solde, ne tient pas dans la mesure où le texte conventionnel concerné ne se limite pas à exiger que l’absence soit motivée. Comme le dit l’arbitre Gagnon, soulignant la particularité de la disposition qu’il étudie :
[39] (…) Contrairement à ce que l’on retrouve dans d’autres conventions, la justification de l’absence n’est pas en cause. Le motif raisonnable n’est en cause seulement si le salarié n’a pas avisé.
[202] Le syndicat soumet ensuite que, même si une clause semblable à celle qui nous concerne était jugée strictement de nature administrative dans les circonstances, pour pouvoir l’invoquer à l’appui d’un congédiement, il faut que le salarié ait été absent en toute connaissance de cause. Or, dans le présent cas où la mesure est plutôt de nature disciplinaire, la preuve démontre que même si l’employeur a plusieurs fois contacté le plaignant, jamais l’a-t-il avisé qu’il était sujet à une perte d’ancienneté et d’emploi s’il ne se présentait pas au travail ou ne présentait pas un billet médical justifiant son absence.
[203] L’employeur se limitait à exiger un billet médical, poursuit le syndicat. Or, il était au courant de l’état de santé du plaignant et des absences répétées auxquelles cet état avait donné lieu. Il cite alors l’extrait suivant de l’arrêt B-3 :
[52] Cependant, connaissant la situation, c’est-à-dire la maladie, les prolongements répétitifs de l’absence, l’Employeur n’aurait-il pas pu, dans les circonstances, tenter de joindre le salarié pour lui faire part, au moins, des répercussions possibles de l’absence d’un tel avis? Évidemment, la convention collective ne l’y oblige pas mais il aurait été facile de le faire sans pour autant éliminer la responsabilité du salarié d’aviser.
[204] Il s’agit ici de la sentence ayant donné lieu au jugement de la Cour supérieure invoqué plus haut (B-4).
[205] Le syndicat invoque un autre arrêt (B-5) où il est reproché à l’employeur de ne pas avoir fait « les démarches appropriées pour s’enquérir du sort réel d’un salarié et des motifs qui pouvaient expliquer son silence » (p.17) avant de mettre fin à son service continu. À la différence de notre cas, il s’agissait tout d’abord d’un salarié déjà en absence autorisée ayant raison de croire que l’employeur avait été avisé de la prolongation de celle-ci. L’arbitre saisi de l’affaire a également dû, pour conclure à l’accueil (partiel) du grief, se référer à l’économie générale d’un appendice de la convention contenant la disposition invoquée par l’employeur :
Cependant, par l’économie même des dispositions de l’Appendice A, il m’apparaît que la modification du statut de salarié absent avec autorisation jusqu’à ce jour, aurait dû être dénoncée, à défaut de demande de prolongation connue et avant de considérer le Plaignant comme ayant le statut d’absent sans autorisation et alors, d’appliquer le paragraphe N de l’article 6. (p.12)
[206] La clause concernée dans cette affaire traitait d’un employé qui s’absente sans permission pendant 5 jours normaux de travail et non d’un employé déjà en absence autorisée qui ne réintègre pas le travail à la date prévue :
n) si un employé s’absente sans permission pendant cinq (5) jours normaux de travail consécutifs, son service continu doit normalement se terminer à compter du sixième jour normal de travail d’une telle absence. La Société peut toutefois maintenir le service continu de l’employé à compter du dernier jour normal de travail pendant lequel il a travaillé. (p.10)
[207] Comme on peut le constater, les parties ont pris la peine d’atténuer le caractère draconien de ce genre de disposition en stipulant que son application n’était pas automatique mais pouvait faire l’objet de la clémence de l’employeur. L’arbitre tient également compte de la formulation particulière de cette disposition qui, tel que déjà mentionné, traite d’un employé qui s’absente sans permission et non d’un employé déjà en absence autorisée qui ne réintègre pas le travail à la date prévu :
Je considère donc, pour une application logique et conforme du paragraphe N de l’article 6, que cette disposition n’a d’application qu’à l’égard du salarié normalement cédulé ou dûment appelé et qui fait défaut de se présenter, en toute connaissance de cause, pendant cinq jours consécutifs. (p. 14)
[208] C’est uniquement à partir des particularités de ce cas que l’arbitre a pu reprocher à l’employeur de s’être borné à constater l’absence prolongée du salarié (p.17) et « croire que le plaignant pouvait présumer que l’Employeur le considérait toujours en absence autorisée ». (p. 18) Dans notre cas, la clause invoquée ne parle pas d’un salarié qui s’absente mais stipule plutôt : « Pour une absence sans raison valable ou non motivée… ».
[209] Le syndicat rappelle toutefois que la jurisprudence soumet l’employeur à un test sévère puisque toutes les conditions de la clause doivent être rencontrées et la mesure ne doit pas être abusive. En l’occurrence, on ne peut dire que le plaignant s’est désintéressé de son travail. Le 13 octobre, il téléphone à Barrette et, le 16 octobre, il laisse un message à Daigle le matin, ce que ce dernier ne nie pas et que Houle confirme. Quant à l’appel à Grimard le soir même, Houle le confirme également et il faut se rappeler que Grimard a évoqué qu’il y avait eu un deuxième appel qu’elle ne pouvait situer dans le temps et dont elle ne se souvenait pas de la teneur. Or, elle agissait bien comme superviseure le soir du 16 octobre. Bref, on ne peut conclure que le plaignant se désintéresse de son travail et il a avisé l’employeur de son absence.
[210] La jurisprudence impose une interprétation restrictive de ce genre de clause.
[211] L’arrêt B-6, notamment, évoque clairement ce principe :
Il convient d’apprécier la validité du congédiement du plaignant, à la lumière d’un principe fondamental d’interprétation, lequel oblige un arbitre à appliquer de façon restrictive toute disposition faisant perdre automatiquement l’ancienneté et l’emploi à un salarié qui s’absente du travail pendant un certain nombre de jours.
Pareille application stricte se conçoit aisément lorsqu’on tient compte du but poursuivi par une telle disposition : les parties entendaient manifestement faire perdre l’ancienneté et l’emploi à un salarié qui, dans des circonstances précises, négligeait de fournir sans raison sa prestation de travail ou d’aviser l’Employeur de son absence, parce qu’elles présumaient qu’il abandonnait son emploi. (pp. 11-12)
[212] L’arrêt B-7 évoque également ce principe :
[41] La jurisprudence arbitrale est également d’avis que ce genre de disposition doit être interprétée de façon restrictive et qu’il faut être très rigoureux dans l’analyse de la preuve, lorsqu’il s’agit de vérifier si les conditions prévues sont remplies ou non et ce, en raison des effets draconiens que cette mesure avait sur les droits de la salariée. Certains vont encore plus loin en imposant à l’employeur l’obligation supplémentaire suivante : il doit aviser explicitement la salariée des conséquences possibles de son absence non autorisée et non motivée, faute de quoi l’arbitre pourra intervenir en jugeant que l’employeur à appliqué cette disposition de façon arbitraire ou inéquitable.
[213] Enfin, à l’arrêt B-8, même s’il interprète une disposition différente de la nôtre, l’arbitre évoque lui aussi ce principe dans les termes suivants :
[41] De plus, la jurisprudence établit qu’une clause de cette nature doit être interprétée d’une manière restrictive, notamment parce qu’elle est une exception au pouvoir de l’arbitre d’apprécier la présence d’une cause juste et suffisante.
[214] Le syndicat passe ensuite certains éléments de la preuve en revue en regard des deux questions à se poser en l’instance : le plaignant avait-il une raison valable de s’absenter et son absence était-elle motivée?
[215] Or, le plaignant a été en arrêt de travail une partie de l’été, entamant un retour progressif à l’automne. Houle est toujours en compagnie du plaignant et constate que le le plaignant avait de la misère à compléter ses heures; son genou enflait, l’empêchait de bien dormir la nuit et exigeait l’application d’une crème à tous les jours. Houle précise également que ce n’est pas la dépression qui est à l’origine de ses absences mais le problème de genou qui est, lui, à l’origine de la dépression. Le plaignant s’inquiète des conséquences de son absence.
[216] Si Dre Garand a prévu le retour au travail du plaignant suite à son absence estivale, c’est qu’elle ne voulait pas contredire l’expertise du psychiatre. Quant au plaignant, s’il ne s’est pas déplacé au CSSS ou à l’hôpital près de chez lui, c’est parce qu’il était déjà arrivé qu’il doive attendre 7 à 8 heures pour se faire dire qu’il fallait aller voir son médecin traitant pour obtenir un billet justifiant son absence au travail. Et si le plaignant ne s’est pas déplacé plus tôt voir son médecin à Arthabaska, c’est à cause du problème mécanique dont Houle a fait état avec leur automobile. Et s’ils se sont rendus à Drummondville le 29 octobre, c’est parce qu’ils n’avaient pas le choix, ayant été avisés du congédiement.
[217] Le témoignage de Dre Larochelle représente une pierre angulaire de la preuve. Elle fait valoir qu’il a fallu procéder au remplacement complet du genou, l’état de ce dernier étant pire que ce qu’elle anticipait. Elle considère que, étant donné l’état du genou qu’elle a constaté, le plaignant n’était pas en mesure de travailler le 15 octobre. Enfin, elle croyait que la plaignant était alors en arrêt de travail à cause de son genou; si elle avait su que tel n’était pas le cas, elle l’aurait mis en arrêt de travail en considération de l’état de son genou.
[218] Enfin, même si l’employeur dit que cela ne le lie pas, les assurances se sont sûrement basé sur des documents médicaux pour considérer le plaignant en invalidité du 15 octobre au 30 novembre 2012 (pièce S-14).
[219] L’imagerie médicale du 29 juin 2011 évoque une « perte pratiquement complète du cartilage fémoral et tibial compatible avec de l’arthrose modérée à importante. Dre Larochelle parle d’une gonarthrose interne modérée en novembre 2011. Le 26 juin 2012, le plaignant est déjà en arrêt de travail pour dépression mais Dre Garand le réfère à Dre Larochelle puisque le plaignant demeure dysfonctionnel malgré les injections de cortisone. Dre Larochelle priorise le plaignant parce qu’elle le croit en arrêt de travail à cause de son genou et le rencontre le 10 juillet. Elle dira que si elle avait su qu’il n’était pas en arrêt de travail à cause de son genou, elle l’aurait prescrit un arrêt de travail étant donné l’état de son genou.
[220] Informée du congédiement du plaignant, Dre Larochelle est surprise d’apprendre qu’il avait repris le travail. Même si elle reconnaît que le médecin traitant du plaignant était la mieux placée pour évaluer sa capacité au travail, Dre Larochelle dira qu’elle ne le croyait pas apte à compléter 24 heures par semaine mais tout au plus 12 heures.
[221] Si l’employeur n’avait pas été contrarié par le comportement du plaignant et déjà décidé de son sort, il savait depuis le 11 octobre que l’opération du plaignant avait été devancée au 31 octobre et il aurait pu demander à parler à Dre Larochelle.
[222] Conclusion : le plaignant avait bel et bien un motif raisonnable pour justifier son absence au travail et il en a avisé l’employeur.
[223] La Cour d’appel (B-9) a bien indiqué l’obligation pour un arbitre de « se prononcer sur le caractère raisonnable de ce que l’on pourrait qualifier de cause véritable de l’absence » (par. 56). Or, une telle analyse doit :
14 …faire l’objet d’une analyse contextuelle et être appréciée selon le standard de la personne raisonnable, prudente et diligente (voir : Linda BERNIER, Guy BLANCHET, Lukasz GRANOSIK et Éric SÉGUIN, Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail, éd. à feuilles mobiles, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc. (mise à jour novembre 2005), paragr. 2.248). (note de bas de page 14 liée au par. 61)
[224] À l’arrêt B-10, après avoir estimé qu’une clause prévoyant la perte d’ancienneté et d’emploi après une absence sans permission de trois jours ouvrables consécutifs constitue une mesure administrative qui doit être appliquée avec rigueur et de façon raisonnable, l’arbitre apprécie que l’employeur se devait, considérant les conséquences grave d’une telle mesure, de faire preuve de prudence et de s’assurer que le plaignant sache clairement à quoi il s’exposait. À défaut de l’avoir fait et tenant compte des faits propres à ce dossier, l’arbitre conclut que l’employeur a voulu profiter de la situation pour se débarrasser du plaignant.
[225] Le syndicat soumet qu’une telle conclusion devrait s’appliquer en l’instance.
[226] Quoique les faits propres à cette dernière cause (B-10) soient différends de ceux ici concernés, deux passages méritent d’être cités puisqu’ils évoquent des responsabilités applicables en l’instance :
Le rôle de l’arbitre est cependant de contrôler la rigueur du processus suivi, de vérifier si la décision de l’employeur a été discriminatoire, arbitraire ou déraisonnable. Il importe donc d’analyser le comportement de l’employeur dans le traitement du cas de monsieur Blais. Il m’apparaît que le comportement de l’employeur devait être raisonnable étant donné la gravité de la mesure prévue à la clause 8.01 c), soit la perte d’ancienneté et d’emploi d’un employé ayant 10 ans d’ancienneté. (page 25)
[…]
Dans les circonstances révélées par la preuve, il aurait été aussi raisonnable que l’employeur avise le délégué syndical que l’absence de monsieur Blais n’avait pas été autorisée et qu’il se plaçait dans une situation de perte d’emploi s’il ne revenait pas au travail. (p. 27)
[227] À l’arrêt B-11, l’arbitre casse le congédiement d’un salarié qui a fourni a posteriori un certificat médical attestant qu’il avait une raison valable de s’absenter. La clause alors impliquée se lisait : « Un salarié régulier perd son ancienneté et voit son lien d’emploi définitivement rompu dans les cas suivants : (…) c) s’il s’est absenté du travail pour plus de deux (2) jours ouvrables sans permission et sans raison valable » et un tel raisonnement devrait également pouvoir s’appliquer en l’instance, soumet le syndicat :
[…] Quant au motif valable, la preuve révèle, par le témoignage du Dr Sabourin qu’il y avait un motif valable. Il s’agit d’une preuve a posteriori mais il n’en reste pas moins que le motif était valable.
[…]
Dans ce contexte, il faut considérer que l’employeur est responsable de la décision d’appliquer la clause 15.04 c) 3 mais, il y a eu mésapplication (sic), erreur de l’employeur puisque la preuve démontre qu’ a posteriori il y avait raison valable. La rupture du lien d’emploi ne peut donc tenir.
[228] À l’arrêt B-12, l’arbitre apprécie le cas d’un salarié préalablement en absence autorisée par certificat médical mais qui ne réintègre pas son emploi à la date prévue pour son retour au travail. Le salarié appelle toutefois l’employeur dès le lendemain pour l’aviser qu’il est toujours sous traitement et doit voir son médecin deux jours plus tard. Il fournit éventuellement un certificat justifiant a posteriori son absence mais l’employeur refuse d’en prendre connaissance. L’arbitre conclut que, dès lors qu’il a été avisé par le salarié, l’employeur ne pouvait raisonnablement décider que ce dernier était absent du travail sans raison suffisante, sous réserve de pouvoir éventuellement vérifier la suffisance de cette raison. Une telle réaction n’aurait-elle pas dû être celle de l’employeur en l’instance, demande le syndicat?
[229] L’arrêt suivant (B-13) va encore plus loin en traitant des exigences de bonne foi et de l’ordre public pour qualifier la portée de l’obligation qui échoit à l’employeur envisageant d’appliquer une disposition semblable à celle qui nous concerne ici et même pour remettre en question la validité même d’une telle clause :
[…] Le Tribunal croit néanmoins opportun d’ajouter une remarque incidente sur les exigences de la bonne foi et de l’ordre public en rapport avec une stipulation dont l’effet serait de faire perdre son emploi à un salarié en congé de maladie du seul fait qu’il néglige, pendant plus de trois jours, de communiquer à son employeur le certificat médical qui prolonge sa période d’invalidité.
En premier lieu, une telle stipulation ne saurait avoir l’effet soit disant automatique que l’on attribue aux mesures administratives ni contraindre l’arbitre à l’appliquer dans toute sa rigueur, sans discernement. Le droit qu’elle attribuerait à l’employeur devrait être exercé en respectant les exigences de la bonne foi. La bonne foi est le comportement qu’adopterait une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances d’exercice de ce droit. Cette obligation est inhérente à tous les contrats, y compris les contrats individuels et collectifs de travail. Elle n’a pas à être expressément stipulée pour lier les parties. Elle est reconnue dans le Code civil du Québec dans les termes suivants :
Art. 6. Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
Art. 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant à l’encontre de la bonne foi.
Art. 1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution et de son extinction.
Il en résulte que l’employeur qui voudrait mettre fin à l’emploi d’un salarié en congé de maladie pour défaut de justifier son invalidité par un certificat médical à jour devrait lui en faire la demande formelle, lui donner un délai raisonnable et le prévenir qu’à défaut, son inexécution sera sanctionnée par la perte de son emploi. Les banques sont soumises à une obligation semblable, même lorsqu’un contrat de prêt autorise la résiliation immédiate du prêt, du simple fait que le débiteur soit en défaut de payer une mensualité.
En deuxième lieu, on pourrait même soulever un doute sur la validité d’une telle stipulation. En termes de droit civil, il s’agit d’une clause qui stipule la résiliation de plein droit du contrat de travail en raison du défaut du salarié d’aviser son employeur d’une absence légitime de plus de trois jours. Le Code civil du Québec édicte une règle qui vise une telle stipulation :
Art. 1604. Le créancier, s'il ne se prévaut pas du droit de forcer, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation contractuelle de son débiteur, a droit à la résolution du contrat, ou à sa résiliation s'il s'agit d'un contrat à exécution successive.
Cependant, il n'y a pas droit, malgré toute stipulation contraire, lorsque le défaut du débiteur est de peu d'importance , à moins que, s'agissant d'une obligation successive, ce défaut n'ait un caractère répétitif; mais il a droit, alors, à la réduction proportionnelle de son obligation corrélative.
La réduction proportionnelle de l'obligation corrélative s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances appropriées; si elle ne peut avoir lieu, le créancier n'a droit qu'à des dommages-intérêts.
Il s’agit d’une disposition d’ordre public, puisqu’elle s’applique malgré toute stipulation contraire . Même si elle est édictée au Code civil , elle reçoit une application universelle dans toute matière qui appartient à la compétence constitutionnelle de l’État provincial, y compris le droit du travail. Le même principe vaut pour les prescriptions de la Charte des droits et libertés de la personne . L’ordre public est indivisible. Le Tribunal d’arbitrage est compétent pour interpréter et appliquer une telle disposition, en faisant les adaptations qui s’imposent. Cela implique que le Tribunal d’arbitrage aurait le pouvoir d’apprécier la gravité de la faute du salarié, de refuser d’appliquer la résiliation de son contrat de travail, s’il juge qu’elle est de peu d’importance eu égard à toutes les circonstances, et de prononcer une sanction moindre. (p. 11)
[230] Enfin, à l’arrêt B-14, l’arbitre cite une sentence où un collègue arbitre explique pourquoi la jurisprudence invite à une interprétation restrictive d’une disposition similaire à celle qui nous occupe ici :
La jurisprudence enseigne qu’il y a lieu d’appliquer de façon restrictive une clause qui met fin automatiquement à l’emploi d’un salarié comme le prévoit l’article 16.05 e). Le tribunal fait sien les propos de l’arbitre Marc Boisvert dans Les Bateaux Princecraft Inc. [1] :
Il convient d’apprécier la validité du congédiement du plaignant, à la lumière d’un principe fondamental, lequel oblige un arbitre à appliquer de façon restrictive toute disposition faisant perdre automatiquement l’ancienneté et l’emploi à un salarié qui s’absente du travail pendant un certain nombre de jours.
… Je fais mienne les remarques suivantes émises par l’arbitre Jean-Guy Clément dans l’affaire Union des employés de commerce, local 503 - C.T.C. - F.T.Q. c. Provigo (Distribution) inc. :
« Malgré les automatismes que peuvent comporter ce genre de dispositions, il ne faut pas oublier que la finalité première du paragraphe e) de la clause 6.06 est d’arriver à éliminer la personne qui, par son comportement marqué d’un manque d’intérêt, donne des signes volontaires laissant croire à un refus d’accomplir ses obligations ou à une négligence grossière à assumer ses tâches. En d’autres termes, il faut se souvenir que cette disposition ne veut manifestement couvrir que les cas d’abandon déguisé de poste et non les autres situations qui échappent au contrôle du salarié bien intentionné. »
[231] Le syndicat termine ses représentations en rappelant que le plaignant est un employé de 30 ans d’ancienneté. Comme celui-ci est toujours en état d’invalidité au moment où se termine l’audition, il n’y a pas de problématique de quantum à trancher. Il soumet que, à la lumière des autorités citées, le tribunal devrait conclure à l’accueil du grief, rétablir le lien d’emploi du plaignant et ordonner la réintégration dans ses fonctions de commis dès que son état de santé le permettra.
[232] Le plaignant a été congédié en vertu de l’application des dispositions suivantes :
« 7.07 Accumulation, conservation et perte d'ancienneté
Dans tous les cas, le salarié ayant complété sa période probatoire conserve et accumule son ancienneté, sauf lorsqu'autrement prévu à la convention collective et sauf dans l'un des cas suivants où il la perd :
( ... )
(c) Pour une absence sans raison valable ou non motivée excédant
trois (3)
jours de travail cédulés consécutifs;
( ... )
La perte d'ancienneté entraîne la perte du lien d'emploi. »
[233] Les parties ont chacune cité une abondante jurisprudence que nous avons pris soin de passer en revue et d’analyser tel que rapporté plus haut au moment de faire état de leurs représentations. Il ressort de cette étude que les perspectives d’analyse, d’interprétation et d’application de dispositions similaires à celle qui nous occupe ici et les questions soulevées à ces occasions sont multiples et variées :
· Disposition de nature administrative, disciplinaire ou hybride?
· Présence requise d’un ou deux éléments (sans raison valable/non motivée)?
· Interprétation littérale, téléologique, restrictive ou contextuelle?
· Salarié doit-il avoir été mis au courant des conséquences de son défaut?
· Avis ou justification postérieure acceptable ou non?
· Implication des exigences de la bonne foi et de l’ordre public?
· Ce genre de disposition est valide ou non?
[234] Essayons de répondre à quelques unes de ces questions.
[235] À notre point de vue, la disposition ici sous étude serait de nature disciplinaire. Le fait de sanctionner un salarié pour une absence sans raison valable et non motivée émane du reproche fait à ce salarié pour un manquement volontaire, soit d’avoir omis de fournir sa prestation de travail alors qu’il n’avait aucune raison valable pour justifier cette omission ou d’avoir omis d’en aviser l’employeur. La sévérité de la sanction conforte également cette compréhension. En convenant ainsi d’une disposition disciplinaire aussi sévère, aussi draconienne ont dit certains arbitres, il y a lieu de comprendre que les parties visaient un salarié dont la négligence, l’irresponsabilité ou le désintéressement à l’endroit de son emploi se révèlerait tel que l’employeur serait dès lors justifié de conclure qu’il ne pourrait plus lui faire confiance et serait justifié de mettre un terme à son emploi ou, alors, qu’il pouvait raisonnablement présumer qu’il abandonnait son emploi. Autrement dit, si sévère soit-elle, une telle mesure ne peut faire abstraction du principe de base s’appliquant à toute situation disciplinaire et impliquant un nécessaire équilibre entre la gravité de la faute reprochée et la sévérité de la sanction imposée. Cette sévérité nous justifie de procéder à une interprétation à la fois restrictive et téléologique de cette clause, en recherchant l’intention des parties tout en tenant compte du contexte des relations de travail et des principes que les régissent.
[236] La jurisprudence conclut en ce sens. L’arrêt B-6, notamment, évoque clairement ce principe :
Il convient d’apprécier la validité du congédiement du plaignant, à la lumière d’un principe fondamental d’interprétation, lequel oblige un arbitre à appliquer de façon restrictive toute disposition faisant perdre automatiquement l’ancienneté et l’emploi à un salarié qui s’absente du travail pendant un certain nombre de jours.
Pareille application stricte se conçoit aisément lorsqu’on tient compte du but poursuivi par une telle disposition : les parties entendaient manifestement faire perdre l’ancienneté et l’emploi à un salarié qui, dans des circonstances précises, négligeait de fournir sans raison sa prestation de travail ou d’aviser l’Employeur de son absence, parce qu’elles présumaient qu’il abandonnait son emploi. (pp. 11-12)
[237] Étant donc en présence d’une disposition à partir de laquelle les parties ont convenu de la sanction à imposer en regard d’une faute donnée, les dispositions suivantes du Code du travail s’appliquent :
Pouvoirs de l’arbitre
100.12. Dans l'exercice de ses fonctions l'arbitre peut:
[…]
f) en matière disciplinaire, confirmer, modifier ou annuler la décision de l'employeur et, le cas échéant, y substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. Toutefois, lorsque la convention collective prévoit une sanction déterminée pour la faute reprochée au salarié dans le cas soumis à l'arbitrage, l'arbitre ne peut que confirmer ou annuler la décision de l'employeur ou, le cas échéant, la modifier pour la rendre conforme à la sanction prévue à la convention collective ;
(…)
[238] La marge de manœuvre du Tribunal est donc limitée à confirmer ou annuler la décision de l’employeur. Pour ce faire, on ne peut donc qu’apprécier si la situation révélée par la preuve et la gravité du ou des manquements dont elle fait état justifient ou non l’application des dispositions de la clause 7.07 c). Autrement dit, sommes-nous en présence d’un salarié dont la négligence, l’irresponsabilité ou le désintéressement à l’endroit de son emploi a été tel que l’employeur était justifié de conclure qu’il ne pouvait plus lui faire confiance et qu’il devait mettre un terme à son emploi ou de présumer qu’il abandonnait son emploi?
[239] Avant de répondre à cette question, plusieurs arbitres se sont demandé si la présence de la conjonction « ou » dans une disposition comme celle sous étude devait se lire de façon conjonctive ou alternative. Autrement dit, devrions-nous vérifier si l’absence du plaignant était à la fois sans raison valable et non motivée ou si l’un des deux manquements suffit? La Cour d’appel (A-8) s’est prononcée à cet égard d’une façon qui nous paraît particulièrement convaincante :
Interprétant la clause 12.14, l'arbitre et la Cour supérieure concluent donc que l'avis de l'employé à l'employeur de son absence du travail ne suffit pas pour éviter la perte d'ancienneté; il faut également examiner si l'employé a une excuse raisonnable pour s'absenter du travail. L'existence d'une excuse raisonnable peut donc suppléer au défaut d'avis, mais non l'inverse; le fait d'avoir avisé l'employeur de son absence ne dispense pas l'employé de fournir une excuse raisonnable pour expliquer cette absence. (page 4)
[240] En l’occurrence, le plaignant a bel et bien avisé son employeur qu’il n’entrerait pas travailler, qu’il s’absentait de son travail jusqu’à la date de son opération. Il l’a fait en s’adressant à Jessica Grimard ainsi qu’à Denis Daigle et Mario Gauthier. Il importe peu que soit survenue une confusion à savoir s’il a parlé de son pied ou de son genou à Grimard. Il a clairement évoqué à Daigle le fait que son genou lui faisait trop mal, que son opération avait été devancée pour se dérouler dans une quinzaine de jours et qu’il préférait attendre ne pas travailler en attendant d’être opéré. Houle a également voulu aviser l’employeur pour lui à deux reprises mais l’employeur a refusé de l’entendre. De toutes façons, le fait que l’employeur ait été avisé de l’absence du plaignant ne suffit pas. Le plaignant doit pouvoir attester qu’il disposait d’une raison valable pour justifier son absence.
[241] Le moyen habituel pour justifier une absence pour un motif relié à la santé est de produire un certificat médical. Or, malgré la preuve contradictoire, nous retenons que l’employeur a tenté à plus d’une reprise de contacter le plaignant, lui indiquant par voie de message et même directement qu’il était très important qu’il lui fournisse un tel certificat. Le plaignant était d’ailleurs au courant que telle était la procédure s’il devait s’absenter plus de trois jours et il a fait preuve de négligence en omettant de se rendre auprès de Dre Garand, son médecin de famille, ou même de se rendre à l’hôpital juste à côté de chez lui pour obtenir le certificat requis alors qu’il était capable de le faire.
[242] En pareil contexte et considérant que l’employeur, comme le souligne son procureur, n’est pas un employeur quérulent, considérant qu’on est plutôt en présence d’une coopérative animée par des valeurs d’entraide, ce que l’employeur a démontré de façon convaincante en accommodant le plaignant à diverses reprises sans y être obligé, comment alors croire qu’un tel employeur puisse avoir fait preuve d’arbitraire, de discrimination ou avoir été autrement abusif en invoquant la clause 7.07 c) à l’égard du plaignant?
[243] Mais il faut y regarder de plus près. Le procureur de l’employeur a invoqué que le plaignant avait été l’artisan de son propre malheur mais on pourrait tout aussi bien prétendre que l’employeur a été victime de sa gestion libérale, tolérante et généreuse.
[244] L’employeur a invoqué qu’il avait donné sa chance au plaignant au début de l’année 2012 en lui donnant un simple avis pour une absence de plus de trois jours au lieu de le congédier. Mais l’employeur n’a jamais fait valoir au plaignant qu’il faisait preuve de tolérance et qu’il aurait pu le congédier; il n’a pas davantage fait allusion aux dispositions de l’article 7.07 c), ni au plaignant, ni au représentant du syndicat. Au contraire, la politique de l’employeur, telle que révélée par Picard et confirmée par Boisvert, était de donner un avis en pareille circonstance. Questionné à ce sujet, Picard a même expliqué qu’un avis aurait de nouveau été donné au plaignant face à une deuxième ou même troisième récurrence. Ainsi, lorsqu’il affirme à l’audition qu’une absence de trois jours constitue une faute grave, Boisvert se contredit puisqu’il est difficile de comprendre qu’on puisse se limiter à un simple avis pour corriger une faute jugée grave.
[245] De plus, lors des messages laissés au plaignant, Boisvert ne l’a jamais avisé qu’il risquait de perdre son emploi alors qu’il aurait été facile de le faire. Tant qu’à être prévenant, pourquoi ne pas l’être de façon claire. Boisvert nie même avoir laissé entendre dans ses messages au plaignant que le fait de ne pas produire de certificat médical pourrait être interprété comme un refus de travail.
[246] L’arrêt B-7 évoque également cette jurisprudence qui impose à l’employeur l’obligation d’aviser le salarié des conséquences possibles de son absence :
[41] La jurisprudence arbitrale est également d’avis que ce genre de disposition doit être interprétée de façon restrictive et qu’il faut être très rigoureux dans l’analyse de la preuve, lorsqu’il s’agit de vérifier si les conditions prévues sont remplies ou non et ce, en raison des effets draconiens que cette mesure avait sur les droits de la salariée. Certains vont encore plus loin en imposant à l’employeur l’obligation supplémentaire suivante : il doit aviser explicitement la salariée des conséquences possibles de son absence non autorisée et non motivée, faute de quoi l’arbitre pourra intervenir en jugeant que l’employeur à appliqué cette disposition de façon arbitraire ou inéquitable.
[247] L’arrêt B-13 va dans le même sens :
Il en résulte que l’employeur qui voudrait mettre fin à l’emploi d’un salarié en congé de maladie pour défaut de justifier son invalidité par un certificat médical à jour devrait lui en faire la demande formelle, lui donner un délai raisonnable et le prévenir qu’à défaut, son inexécution sera sanctionnée par la perte de son emploi. Les banques sont soumises à une obligation semblable, même lorsqu’un contrat de prêt autorise la résiliation immédiate du prêt, du simple fait que le débiteur soit en défaut de payer une mensualité. (pp. 11-12)
[248] Ou, à défaut de préciser lui-même la conséquence possible de son absence au plaignant, l’employeur aurait pu s’adresser à son délégué syndical en ce sens, comme le soulignait l’arbitre à l’arrêt B-10 :
Le rôle de l’arbitre est cependant de contrôler la rigueur du processus suivi, de vérifier si la décision de l’employeur a été discriminatoire, arbitraire ou déraisonnable. Il importe donc d’analyser le comportement de l’employeur dans le traitement du cas de monsieur Blais. Il m’apparaît que le comportement de l’employeur devait être raisonnable étant donné la gravité de la mesure prévue à la clause 8.01 c), soit la perte d’ancienneté et d’emploi d’un employé ayant 10 ans d’ancienneté. (page 25)
[…]
Dans les circonstances révélées par la preuve, il aurait été aussi raisonnable que l’employeur avise le délégué syndical que l’absence de monsieur Blais n’avait pas été autorisée et qu’il se plaçait dans une situation de perte d’emploi s’il ne revenait pas au travail . (p. 27) (soulignement de l’arbitre)
[249] Il est donc raisonnable d’accorder une certaine crédibilité au plaignant et à sa conjointe quand ils disent qu’ils ne croyaient jamais que cela irait aussi loin (que le congédiement). Ils étaient justifiés de croire que le plaignant risquait tout au plus un autre avis disciplinaire. On lui dit qu’il doit absolument produire un certificat médical, que c’est important et que, sinon il va avoir des problèmes avec les assurances. Or, le plaignant communique alors avec les assurances qui ont d’ailleurs continué de lui verser ses prestations. Et quand le plaignant fait valoir qu’il est prêt à prendre un congé sans solde jusqu’à son opération, Daigle lui répond seulement que c’est uniquement Boisvert qui peut prendre une telle décision. Cela pouvait laisser entendre qu’un congé sans solde demeurait une possibilité.
[250] Il y a également un autre élément de la preuve à considérer, soit que le plaignant a avisé l’employeur qu’il produirait éventuellement un certificat médical. Il l’a dit à Grimard et à Daigle, ce que reconnaît d’ailleurs ce dernier. Le plaignant a peut-être été candide de croire qu’il était justifié de ne pas travailler étant donné qu’il allait être très bientôt opéré mais il était par ailleurs convaincu que sa condition lui permettrait d’obtenir un certificat médical justifiant rétroactivement son absence et, à cet égard, il n’était peut-être pas si candide.
[251] La jurisprudence a déjà reconnu la possibilité et la validité d’une justification rétroactive :
[…] Quant au motif valable, la preuve révèle, par le témoignage du Dr Sabourin qu’il y avait un motif valable. Il s’agit d’une preuve a posteriori mais il n’en reste pas moins que le motif était valable.
[…]
Dans ce contexte, il faut considérer que l’employeur est responsable de la décision d’appliquer la clause 15.04 c) 3 mais, il y a eu mésapplication (sic), erreur de l’employeur puisque la preuve démontre qu’ a posteriori il y avait raison valable. La rupture du lien d’emploi ne peut donc tenir.
[252] Quant à la preuve, elle permet de comprendre que l’état du genou du plaignant lui causait des problèmes majeurs. Il a été référé à la chirurgienne orthopédiste, Dre Larochelle, dès l’été 2011. Les traitements conservateur alors prescrit (cortisone) s’avèrent inefficaces et le plaignant lui est à nouveau référé au cours de l’été 2012. L’employeur a insisté sur le fait que l’absence du plaignant au cours de l’été n’était pas attribuable à son genou mais à une dépression. Or, le coexistence de ces deux problèmes a été démontrée, la preuve révèlant que le diagnostic de Dre Larochelle à l’été 2012 a été d’envisager l’installation d’une prothèse complète du genou. Elle constate que le traitement conservateur ne suffit pas et, comme il s’agit d’une pathologie dégénérative, il ne sert à rien d’attendre.
[253] Dre Larochelle croyait à l’époque que le plaignant était absent du travail à cause de son genou. S’il n’avait pas été en absence au travail, elle lui aurait alors prescrit un arrêt de travail. L’employeur a fait valoir que Dre Larochelle avait reconnu que Dre Garand était la mieux placée pour juger de l’état du plaignant et de sa capacité à accomplir son travail. Mais Dre Larochelle n’est pas la seule à avoir jugé opportun de prescrire rétroactivement un arrêt de travail au plaignant, Dre Garand lui ayant enboîté le pas à cet égard. Comme l’a fait valoir Dre Larochelle, il arrive souvent que lors de l’opération, l’intervention permette de constater une détérioration beaucoup plus poussée que celle indiquée par l’imagerie. Ce fut le cas. Si un expert risque de ne pouvoir évaluer avec justesse l’état d’un patient comme le plaignant, comment un omnipraticien aurait-il pu mieux le faire? D’ailleurs, Dre Garand avait déjà osé prescrire une absence au travail pour le plaignant sans même le voir.
[254] En fait, ce qui importe, c’est de savoir si on peut connaître la gravité de l’état du genou du plaignant au moment des événements reprochés. Or, les Dres Larochelle et Garand n’ont pas hésité à l’affirmer à partir d’un diagnostic rétrospectif. Le plaignant avait déjà été jugé incapable d’accomplir son travail auparavant, par Dre Garand, et, encore une fois, à partir d’une pathologie dégénérative. Comment ne pas accorder de la crédibilité à l’énoncé de Houle lorsqu’elle fait valoir que le retour au travail du plaignant à compter du 18 septembre et réévalué à la hausse pour le 15 octobre était davantage motivé par les recommandations du psychiatre qu’à partir d’une évaluation de Dre Garand. Dre Larochelle a dit qu’elle aurait prescrit un arrêt de travail au plaignant lorsqu’elle l’a vu à l’été 2012 s’il n’avait pas déjà été en arrêt de travail (elle ne savait pas que c’était pour dépression). Lorsque Dre Larochelle accepte la suggestion que Dre Garand était mieux placée qu’elle pour apprécier l’état du plaignant lorsqu’elle lui prescrit un retour progressif au travail, elle fait preuve de beaucoup d’égard à l’endroit de l’autonomie professionnelle mais l’ensemble de la preuve nous indique que tel n’était pas nécessairement le cas.
[255] Revenant au plaignant, il est certain qu’il a fait preuve de négligence en ne faisant pas le nécessaire pour se procurer un certificat médical lorsqu’on l’enjoignait fortement et avec insistance pour le faire. Il a fait preuve d’un manque de considération à l’égard d’un employeur qui avait, de son côté, préalablement fait preuve de beaucoup de considération à son endroit. Mais cette apathie et cette négligence démontrent-elles que le plaignant se désintéressait de son travail au point de mettre à risque son lien d’emploi? Nous ne le croyons pas.
[256] Le plaignant est un individu particulier, renfermé, anxieux, dépressif et ce, au point où il se faisait représenter pas sa conjointe plus souvent qu’autrement dès qu’il lui fallait affronter une réalité qui le troublait. Il ne fait pas écho aux messages laissés par son employeur, du moins pas immédiatement. Son absence au travail lui paraît justifiée étant donné l’état de son genou et, croit-il, étant donné qu’il va bientôt être opéré. Il demande vraisemblablement à sa conjointe d’intervenir pour lui. Lorsqu’il prend ses messages ou lorsqu’il parle à Daigle ou à Grimard, rien ne lui indique qu’il est en train de mettre à risque son emploi, le seul défaut préalable de produire un certificat médical n’ayant entraîné qu’un avis disciplinaire. Il ne veut pas aller à l’urgence parce qu’il l’a déjà fait pour se faire dire qu’il lui fallait voir son médecin traitant pour justifier un arrêt de travail. Il ne veut pas prendre le risque de se rendre à Arthabaska étant donné l’état problématique de son auto. Il n’ose pas affronter la réalité sauf en parlant à Daigle.
[257] On peut questionner le caractère raisonnable de ce comportement mais peut-on tout autant prétendre qu’on est en présence d’un salarié qui se désintéresse de son emploi ou qui donne à croire qu’il entend quitter son emploi?
[258] Pour sa part, Boisvert reconnaît qu’il a été amèrement déçu de voir le plaignant s’absenter pour dépression au début du mois de juin 2012. « Notre constat, c’est qu’il ne veut pas travailler » dit-il. Il se dit déçu que le plaignant ne lui retourne pas l’ascenseur étant donné les accommodements qu’il lui a faits. Il semble considérer la dépression comme un prétexte alors que la preuve non seulement ne soutient pas cette impression mais nous apprend que le plaignant souffre tout ce temps de son genou au point de devoir à nouveau être référé à Dre Larochelle en juillet. Boisvert est également sous l’impression que le plaignant est de nouveau apte à travailler étant donné les prescriptions de retour progressif qui lui ont été communiquées. Il ne bénéficie pas des informations plus complètes qui nous permettent aujourd’hui non seulement de nuancer cette aptitude présumée mais d’en questionner le fondement. Boisvert n’a probablement pas envisagé le congédiement tout le long des événements du mois d’octobre, ce qui expliquerait pourquoi il n’a pas songé à mettre en garde le plaignant à cet égard lors des messages qu’il lui laissait. Mais profondément déçu par cette impression que le plaignant se foutait de lui alors qu’il lui avait manifesté et continuait de lui manifester autant d’égards, Boisvert en a eu assez et a perdu patience.
[259] Il aurait été plus prudent, dans les circonstances, d’attendre voir si le plaignant, tel qu’il le prétendait et l’annonçait, allait pouvoir démontrer qu’il pouvait vraiment justifier son absence et obtenir un certificat médical à l’appui. Ses problèmes psychiques et physiologiques étaient connus et permettaient de croire qu’il était possible que l’incapacité au travail soit réelle, autrement dit, que le plaignant avait une raison valable pour justifier son absence, une justification rétroactive n’étant pas impossible. Il s’agit aussi d’un employé de plus de 30 ans d’ancienneté qui n’a jamais été mis au courant des conséquences de son défaut, qui non seulement ne se désintéressait pas de son emploi mais, au contraire, se faisait beaucoup d’anxiété à cet égard.
[260] Pour ces motifs, même si l’employeur est loin de représenter un employeur quérulent, comme le soulignait son procureur, le congédiement du plaignant nous paraît avoir été abusif dans les circonstances révélées par la preuve et doit être cassé.
[261] Le congédiement du plaignant est donc annulé et ce dernier pourra ainsi réintégrer son emploi et ses tâches habituelles dès que son état de santé le permettra.
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________________________________ __ André Ladouceur, arbitre |
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Pour l’employeur : |
M e Alain Pard (Étude légale Alain Pard inc.) |
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Pour le syndicat : |
M e Sylvain Seney (Melançon Marceau) |
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Date(s) d’audience : |
23 mai, 12 septembre, 16 octobre et 14 novembre 2013 |
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Date(s) de délibéré : |
6 au 10 janvier 2014 |
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A.
AUTORITÉS CITÉES PAR L’EMPLOYEUR
1. Code du travail , L.R.Q., c. C-27, art. 100.12 f)
2.
Syndicat canadien des
communications, de l’énergie et du papier, section locale 180 c. Tecnickrome
aéronautique inc.
, Me Diane
Fortier, 1
er
novembre 2010,
3.
Syndicat des salariés du
bois ouvré de la Côte Sud (C.S.D.)
et
Fenêtres Montmagny inc.
,
Me Jean-Guy Ménard, 29
décembre 1991,
4.
Syndicat des employés du
Centre de services sociaux Ville-Marie de Montréal (CSN)
c.
Centre de services sociaux Ville-Marie et al.
, C.A. Mt. 500-09-000630-848, 29 octobre 1985, juges
Jacques, Nichols et Vallerand,
5.
Syndicat québécois des
employées et employés de service, section locale 298 (F.T.Q.)
et
CHSLD St-Jude
,
Me
Nathalie Faucher, 16 juin 2011,
6.
Syndicat des
travailleuses et travailleurs de Aramark (École Polytechnique) - CSN
et
Aramark Québec inc.
, madame Louise Viau, 2 juin 2011,
7.
Le syndicat des
salarié-e-s de l’industrie des pâtes surgelées (C.S.D.)
et
Pillsbury, division boulangerie et service
alimentaire, Ltée usine de Saint-Hubert
, Me Diane Fortier, 20 septembre 2002,
8. Grenier c. Me Jean-Pierre Lussier , C.A. Mtl 500-09-001341-924, juges Vallerand,, Chamberland et Biron, 10 septembre 1997, DTE. 97T-1234 (C.A.)
9.
Syndicat des
travailleuses et travailleurs de Aliments Vermont (CSN)
et
Me André Cournoyer et Les Aliments Vermont Foods
inc.
, juge Jules Allard, 22 mai
2003,
10.
Syndicat canadien de la fonction publique (F.T.Q.) -
Conseil provincial des affaires sociales
et
Centre François-Charon
, Me Jean-Guy Ménard, 27 mai 1994,
B.
AUTORITÉS CITÉES PAR LE SYNDICAT
1. Association des employées et employés d'Industries Taro inc. et Industries Taro inc ., T.A., 96-02942, 96T-l058, le 31 mai 1996, arbitre Ginette Gosselin;
2. Imprimerie Canada-Tournai et Syndicat des communications graphiques, local 509M-Québec et M. Claude Dubois , T.A, le 18 mars 2002, arbitre Nicolas Cliche;
3.
Contre-Plaqué
St-Casimir
et
Fraternité
des forestiers et travailleurs d'usine section locale
299
,
T.A, 2006-8959,
4.
Contre-Plaqué
Saint-Casimir inc.
c.
Fortin
,
CS.,
5. Le Syndicat national des employés de l'aluminium d'Arvida inc. et Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée (Arvida) et Walter Tames , T.A, 2951-H-860, le 31 août 1981, arbitre Jean M. Morency;
6. Les Bateaux Princecraft inc. et Syndicat des salariés des Pontons Princecra{t (CSD) , T.A., le 21 septembre 2004, arbitre Marc Boisvert (sentence arbitrale de grief déposée à la CR.T. le 2004-09-23 - No. certificat: DQ-2003-3433 - Accréditation: AQ-l005-1422);
7.
Syndicat des
travailleuses et travailleurs de Bacon Inter-America (CSN)
et
Aliments Prince, s.e.c.
-
division
Bacon America
-
Aliments Prince, s.e.c.
-
division Bacon
International
,
T.A, 2006-7252,
8.
Association des
employés des Investissements Yves Gagné ltée (section garage)
et
Les Investissements Yves Gagné ltée
,
T.A, 2010-0215,
9.
Montréal (Ville
de) (arrondissement Côte-St-Luc
-
Hampstead
-
Montréal-Ouest)
c.
Syndicat
canadien des cols bleus regroupés de Montréal
,
CA,
10.
Quali-Métal inc.
et
Syndicat des travailleurs de la
métallurgie de Québec inc. (CSD)
,
T.A, 1016-5977,
11.
Travailleuses et travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce, section locale 1991-P
et
Menuiseries Gosselin inc
.,
T.A., 2000-1741,
12.
Camfil-Farr inc.
et
Métallurgistes unis d'Amérique, section
locale 8990 (Stéphane Desmarais)
,
T.A, 2003-8534,
13.
L.A. Darling ltée et Métallurgistes unis
d’Amérique, section locale 7599
,
T.A.,
2002-0578,
14.
Syndicat démocratique des employés de Les
Industries Raleigh du Canada ltée (CSD) et Industries Raleigh du Canada ltée
(Derrick Jacobs)
,
T.A., 2006-8654,
[1] Les Bateaux Princecraft Inc. et Syndicat des Salariés de Pontons Princecraft (CSD), du 21 septembre 2004, pp. 11 et 12.