TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

 

N o de dépôt :

2014-1994

 

 

 

Date :

30 décembre 2013

 

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DEVANT L’ARBITRE :

Me Louise Viau

 

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SYNDICAT DES TRAVAILLEURS(EUSES) DES ÉPICIERS UNIS

MÉTRO RICHELIEU (CSN)

 

 

Ci-après appelé « le syndicat »

 

Et

 

 

MEtro Richelieu Inc.

 

 

Ci-après appelée « l’employeur »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Grief n o  :

 

T-001-2012

 

 

 

 

 

 

 

Convention collective :

Convention collective  de travail intervenue entre Metro Richelieu Inc., Secteur Bureau, Secteur Fruits et Légumes, Secteur Transport-Mérite 1 - et - Syndicat des travail-leurs(euses) des Épiciers unis Métro Richelieu inc. (CSN) 2011-2020

 

 

 

 

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SENTENCE ARBITRALE

 

(En vertu du Code du travail du Québec, art. 100)

 

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PRÉLIMINAIRES

 

[1]            La soussignée a rendu une sentence arbitrale le 7 janvier 2013 par laquelle elle a fait droit au grief T-001-2012 déposé par le syndicat qui se plaignait d’une violation de la convention collective et de la lettre d’entente n° 8 portant sur l’attribution du temps supplémentaire du samedi dans le cas des chauffeurs du Secteur Transport-Mérite 1. À la demande des parties, la soussignée a gardé compétence en cas de litige quant au quantum .

[2]            Les parties n’étant pas parvenues à s’entendre à ce sujet, elles ont demandé à être convoquées pour exposer à l’arbitre leurs prétentions respectives et obtenir une décision quant aux sommes dues par l’employeur en application de la sentence arbitrale du 7 janvier 2013.

[3]            Une première audience a été tenue à cette fin le 30 avril 2013. Lors de celle-ci, le président du syndicat, monsieur Yves Gaudreau, a été entendu comme témoin. Il a exposé au moyen de documents produits sous les cotes S-1 à S-3 le fondement de la réclamation du syndicat. Ces documents consistent d’abord en des horaires de travail des samedis visés par la réclamation, soit du 25 février 2012 au 29 décembre 2012 (pièce S-1 en liasse), puis le sommaire des feuilles de route pour ces mêmes samedis (pièce S-2 en liasse) et enfin, un document préparé par le témoin et intitulé «  Réclamation grief temps supplémentaire le samedi Décision arbitrale » (pièce S-3).

[4]            Le temps supplémentaire étant octroyé aux salariés qui se portent volontaires selon un principe de rotation, le témoin n’était cependant pas en mesure d’indiquer quel salarié, précisément, aurait dû effectuer tel ou tel voyage et conséquemment, de dire de combien d’heures de temps supplémentaire chaque salarié avait été privé. Il reste qu’il a tout de même pu expliquer comment le syndicat établissait sa réclamation selon le nombre de voyages et d’heures indiqués à son document de travail (pièce S-3) auquel il a toutefois apporté plusieurs corrections en cours d’audience.

[5]            Cet exercice s’est avéré long et ardu. Il était loin d’être terminé à la fin de la journée d’audience. En effet, le témoin avait passé en revue les documents concernant la période du 25 février 2012 au 6 octobre 2012. Il lui restait encore à témoigner relativement aux samedis restants jusqu’à la fin de l’année et à préciser à qui l’employeur devrait verser du temps supplémentaire pour chacun des samedis couverts par la sentence arbitrale. Deux autres journées d’audience ont donc été fixées afin que le syndicat puisse compléter son exposé et que l’employeur puisse également faire valoir ses prétentions.

[6]            Au début de la seconde journée d’audience, qui s’est tenue le 16 décembre 2013, le syndicat informait la soussignée de son intention de déposer un volumineux document qu’avait préparé monsieur Gaudreau pour asseoir la réclamation syndicale. Ce document intitulé « Tableau explicatif du travail le samedi » a été déposé sous la cote S-4. Le syndicat disait vouloir faire entendre l’auteur du document pour expliquer à partir de ce nouveau document, qui devait remplacer à toutes fins utiles le document produit sous la cote S-3, comment le syndicat avait procédé pour quantifier sa réclamation.

[7]            Constatant que la réclamation syndicale n’était plus la même que celle qui avait été présentée lors de la précédente audience, l’employeur s’est objecté à ce que toute la preuve déjà présentée par le syndicat soit mise de côté et qu’on recommence tout l’exercice. Après des discussions auxquelles la soussignée n’a pas été partie, l’employeur et le syndicat en sont arrivés à une entente sur une façon de procéder qui serait plus expéditive et qui rencontrerait les intérêts des deux parties.

[8]            Les parties ont convenu de soumettre à la soussignée un tableau récapitulatif présentant les données factuelles quant au nombre de départs (premiers et deuxièmes) et quant au nombre de salariés qui ont effectué du temps supplémentaire pour chacune des semaines en cause. Le tableau expose aussi les prétentions respectives des parties quant au nombre d’heures dues par l’employeur selon que le quantum doive être établi en retenant les prétentions de l’une ou l’autre des parties. Ce tableau est reproduit en annexe à la présente décision pour valoir comme partie intégrante de celle-ci.

[9]            Les parties ont également convenu entre elles des paramètres de distribution du temps supplémentaire que l’employeur devra payer, de telle sorte qu’il n’a pas été nécessaire d’administrer une preuve afin de déterminer, pour chacun des samedis visés par la présente décision, à quel salarié l’employeur devra verser une compensation et de quel montant. Les parties ont demandé à l’arbitre d’ordonner dans sa décision que le paiement des heures soit effectué selon ces paramètres qui ne lui ont par ailleurs pas été exposés lors de l’audience.

 

1.  QUESTION EN LITIGE

[10]         Il s'agit donc de décider laquelle des deux positions présentées dans le tableau récapitulatif est conforme à la sentence arbitrale rendue par la soussignée le 7 janvier 2013 et, conséquemment, si l’employeur doit verser aux salariés lésés un nombre d’heures correspondant à 239 voyages (1234,5 heures) ou à 398 voyages (2109,13 heures).

2.  L’ARGUMENTATION

[11]         Le syndicat explique d’abord que le document S-4 a été confectionné afin de faciliter la tâche de l’arbitre. Il reconnaît qu’il comporte des différences par rapport aux documents qui avaient déjà été produits en avril dernier, mais que celles-ci ne changent rien quant au nombre global d’heures réclamées. Il explique que le syndicat s’est fondé sur l’interprétation de la convention collective et sur la décision rendue par la soussignée pour établir sa réclamation en calculant non pas le nombre de départs, mais bien le nombre de deuxièmes voyages effectués par les sous-traitants.

[12]         S’appuyant sur les paragraphes 81 et suivants de la sentence arbitrale, le syndicat soutient que, dans l’attribution du temps supplémentaire, la préséance doit être donnée aux chauffeurs salariés. À partir du moment où il a été décidé que l’employeur doit faire appel aux chauffeurs salariés, jusqu’à concurrence de dix, ceux-ci peuvent faire un voyage ou deux voyages. Le syndicat soutient que l’employeur ne pouvait donc pas faire effectuer un deuxième voyage à des chauffeurs d’agence.

[13]         Le syndicat plaide qu’au-delà de la décision rendue, l’arbitre doit s’appuyer sur la convention collective et plus particulièrement sur l’article 12 de son annexe B qui traite du choix des voyages par les chauffeurs ainsi que sur l’article 12.11 C. 4 de la convention collective qui priorise les salariés plutôt que les chauffeurs d’agence. Il soutient que la lettre d’entente n° 8 ne rend pas caduques les dispositions de la convention collective touchant le temps supplémentaire. Ainsi, sauf pour les 25 premiers départs du samedi, les chauffeurs salariés ont priorité sur les chauffeurs d’agence. C’est à eux que l’employeur doit faire appel pour effectuer les deuxièmes départs. Il demande donc que l’arbitre fasse droit à la prétention syndicale et ordonne à l’employeur de payer 2109,13 heures à être distribuées selon les paramètres convenus.

[14]         L’employeur rappelle pour sa part que l’arbitre doit rendre une décision portant sur la seule question du quantum qui doit être payé en application de la sentence arbitrale déjà rendue. Il ne s’agit pas pour l’arbitre de revenir sur l’interprétation de la convention collective ou de la lettre d’entente.

[15]         Or, l’employeur fait le constat que le syndicat adopte maintenant une position différente par rapport à celle qu’il avait soutenue lorsqu’il a fait ses représentations lors de l’arbitrage et qui est résumée au paragraphe 58 de la sentence arbitrale. Aux fins d’établir le quantum de sa réclamation, le syndicat a modifié sa position non seulement en regard de ce qu’il a plaidé lors de l’arbitrage, mais également par rapport à la preuve qu’il a présentée lors de la première journée d’audience portant sur le quantum puisqu’il parle désormais en termes de voyages et non plus de départs.

[16]         L’employeur rappelle que la question qui devait être tranchée lors de l’arbitrage portait sur l’offre de temps supplémentaire qui devait être faite aux salariés à partir du 26 e départ. La question a été tranchée par la décision rendue en faveur du syndicat. Or, le syndicat ne peut avoir deux façons de compter le nombre de départs, l’une pour l’arbitrage et l’autre pour la détermination du quantum . Il établit en effet sa réclamation en adoptant la position qui était défendue par l’employeur lors de l’arbitrage et qui était à l’effet qu’un départ d’un employé peut impliquer plusieurs voyages au cours de sa journée de travail. Or, la prétention patronale n’a pas été retenue dans la sentence arbitrale. Dès lors, l’actuelle prétention syndicale va à l’encontre de la décision rendue. L’employeur en veut pour preuve l’analyse qui a été faite en ce qui a trait au samedi 10 mars et à la conclusion de l’arbitre au paragraphe 55 de la décision, à l’effet que le syndicat ne pourrait se plaindre du fait que des chauffeurs d’agence aient pu effectuer plus d’un voyage, puisque l’employeur avait rappelé onze de ses salariés pour effectuer du temps supplémentaire. Malgré l’affirmation claire de l’arbitre, le syndicat réclame pourtant six voyages pour ce samedi en particulier.

[17]         L’employeur soutient que la sentence arbitrale a statué que l’employeur pouvait confier les 25 premiers départs à des chauffeurs d’agence ou à des chauffeurs salariés travaillant à taux régulier, après quoi il devait nécessairement confier les dix départs suivants à des salariés travaillant en temps supplémentaire. Une fois que des départs ont été confiés à ces derniers, l’employeur a discrétion pour faire effectuer les départs suivants par ses salariés ou par des chauffeurs d’agence. L’employeur s’appuie sur les paragraphes 74, 75 et 76  pour justifier sa position selon laquelle il devait faire travailler dix salariés en temps supplémentaire pour les dix départs qui suivent les 25 premiers et qu’en conséquence il doit payer les heures qui correspondent aux départs qui, parmi ces dix départs additionnels, auraient dû être effectués par des chauffeurs salariés et qui l’ont été par des chauffeurs d’agence. C’est sur cette base que l’employeur a conclu qu’il devait payer les heures correspondant à 239 départs qui n’ont pas été offerts à des salariés alors qu’ils auraient dû l’être, et ce,  pour un total de 1234,5 heures.

[18]         L’employeur réitère qu’il ne s’agit pas pour l’arbitre de réinterpréter la convention collective, mais bien de déterminer le quantum de la réclamation à partir de la sentence arbitrale déjà rendue. Il soutient en outre que l’annexe B qu’invoque le syndicat traite de l’affectation des chauffeurs lorsqu’il y a un horaire de départ, c’est-à-dire lorsque le samedi fait partie de leur semaine régulière de travail. Ce n’est que dans ce cas que cette annexe trouverait application, comme cela est indiqué au paragraphe 68 de la sentence arbitrale.

[19]         En réplique, le syndicat plaide que les paragraphes 74 à 76 de la sentence arbitrale en constituent le cœur et que c’est sur cette base que le syndicat soutient, à la lumière de la convention collective, que l’on doit tenir compte des seconds départs dans le calcul du quantum de la réclamation.  

 

3.  DÉCISION ET MOTIFS

[20]         D’entrée de jeu, il y a lieu de rappeler que la soussignée étant saisie d’une mésentente portant sur la détermination du quantum de la réclamation faisant suite à sa sentence arbitrale du 7 janvier 2013, il s’agit donc simplement de décider des sommes qui sont dues aux salariés étant donné qu’il a été fait droit au grief.

[21]         Il n’y a donc pas lieu de reprendre ici toute l’analyse qui a conduit à cette décision qui, faut-il le rappeler, a été rendue en fonction de la preuve qui a été administrée lors de l’arbitrage et de la position prise par chacune des parties quant à l’interprétation qui devait être donnée à l’article 8 de la lettre d’entente n° 8..

[22]         En outre, vu l’entente intervenue entre les parties lors de l’audience du 16 décembre 2013 et qui visait notamment à éviter l’administration d’une longue preuve, l’arbitre n’a pas à procéder à un examen minutieux de tous les documents produits afin de tenter de comprendre pourquoi, pour un samedi en particulier, l’employeur prétend qu’il doit un nombre x d’heures, tandis que le syndicat prétend pour sa part qu’il en doit plutôt un nombre y. Les partie ont en effet convenu que l’arbitre doit simplement décider laquelle des deux prétentions est fondée, eu égard à la sentence arbitrale qui a été rendue dans le présent dossier, et ordonner à l’employeur de payer le nombre d’heures sur lequel les parties s’entendent selon que l’une ou l’autre des prétentions est retenue, à savoir 1234,5 heures selon la prétention patronale ou 2109,13 selon la prétention syndicale.

[23]         En tout respect pour le syndicat, ce dernier fait une lecture erronée de la sentence arbitrale rendue par la soussignée. Il faut la lire comme un tout en se rappelant quelle était la question qui devait en définitive être tranchée par l’arbitre et qui est résumée au paragraphe 75. Même si l’employeur avait conclu qu’il pourrait faire effectuer tous les voyages nécessaires sans faire appel à dix chauffeurs salariés travaillant en temps supplémentaire, puisque certains chauffeurs, d’agence ou salariés, parmi les 25 premiers à prendre la route pouvaient effectuer un second voyage au cours de ce qu’il considérait comme une journée normale de travail, la soussignée a conclu que la lettre d’entente garantissait à des chauffeurs salariés qu’ils pourraient effectuer du temps supplémentaire le samedi à partir du 26 e départ, et ce, pour un maximum de dix chauffeurs.

[24]         La soussignée a statué que les parties se sont entendues pour que l’employeur fasse appel à un maximum de dix chauffeurs salariés travaillant en temps supplémentaire à compter du 26 e départ du samedi, les 25 premiers étant attribués à des chauffeurs d’agence ou des chauffeurs salariés travaillant en temps régulier. Conséquemment, l’employeur a erré en ne faisant pas rentrer au travail en temps supplémentaire des chauffeurs salariés jusqu’à concurrence de dix chauffeurs avant de songer à faire effectuer un second voyage par un chauffeur d’agence lorsqu’il programme plus de 25 départs durant la journée du samedi.

[25]         Dès lors, l’employeur ayant interprété erronément la lettre d’entente, il doit compenser les salariés à hauteur des dix départs suivant les 25 premiers, pour autant bien entendu qu’il ait programmé au moins 35 voyages lors d’un samedi donné. Cela a été généralement le cas, mais pas toujours. En effet, il ressort du tableau récapitulatif qu’au cours de la période couverte par le grief, il y eut moins de 35 voyages le samedi 12 mai 2012 (34 voyages) et le samedi 17 novembre 2012 (33 voyages). Le nombre de salariés qui auraient dû être rappelés pour travailler en temps supplémentaire ces samedis-là s’en trouve réduit d’autant. Les parties s’entendent sur le nombre de départs qui auraient dû être payées par l’employeur pour ces deux journées. Il y a une divergence de 0,35 heure entre la position patronale et la position syndicale pour le 12 mai, tandis que les positions des parties sont identiques en ce qui concerne le 17 novembre. Vu l’entente intervenue entre les parties, il n’y a pas lieu de déterminer qui, de l’employeur ou du syndicat, a raison à cet égard, puisque la décision que doit rendre la soussignée doit disposer globalement de la totalité des heures réclamées.

[26]         Pour d’autres samedis également, la divergence entre la position patronale et la position syndicale porte sur le nombre d’heures réclamées, les parties s’accordant sur le nombre de départs qui auraient dû être attribués à des chauffeurs salariés et, conséquemment, ils ne posent pas une question qui doit être tranchée par la soussignée dans le cadre de la présente décision. C’est le cas pour les samedis suivants : 17 mars, 6 octobre, 20 octobre, 27 octobre et 8 décembre  2012. Pour ces cinq samedis, le nombre maximal de départs n’a pas excédé 35. L’employeur a concédé qu’il aurait dû faire rentrer au travail dix chauffeurs salariés et reconnaît devoir payer des heures de temps supplémentaires pour compenser celles qui auraient dû être effectuées par des chauffeurs salariés et qui l’ont été par des chauffeurs d’agence. À l’examen du tableau récapitulatif, on constate que l’employeur a parfois reconnu devoir payer un nombre d’heures plus élevé que ce qui ressort de la réclamation syndicale. Or, la différence entre les positions des parties tient vraisemblablement à la question de savoir si les salariés qui, selon le principe de rotation, auraient dû être rappelés au travail, avaient droit à du temps supplémentaire payé à temps et demi ou à temps double. Ici encore, vu l’entente intervenue entre les parties, la soussignée n’a pas à s’attarder à ces divergences puisque la question doit être tranchée globalement.

[27]         Pour les mêmes raisons, la soussignée n’a pas non plus à s’attarder au samedi 28 juillet 2012 pour lequel l’employeur concède devoir plus d’heures que ce qui est réclamé par le syndicat, puisqu’il a calculé qu’il devait les heures correspondant à 7 départs, tandis que le syndicat lui en réclame pour 6 départs.

[28]         Là où les positions des parties s’écartent de façon marquée, c’est pour tous les autres samedis, ceux au cours desquels l’employeur a fait effectuer 36 voyages ou plus par des chauffeurs d’agence ou des chauffeurs salariés. Le syndicat réclame les heures correspondant à tous les voyages effectués après le 25 e départ, tandis que l’employeur soutient qu’il ne doit payer que celles qui correspondent aux voyages 26 à 35. C’est sur cette question précise que l’intervention de l’arbitre s’impose.

[29]         Après avoir analysé la preuve qui a été présentée en regard de la semaine du 10 mars 2012, la soussignée a écrit ce qui suit dans sa sentence arbitrale :

[54] En ce qui concerne le samedi 10 mars 2012, il se dégage de la pièce E-2 que 50 remorques ont quitté l’entrepôt, soit à l’arrivée au travail d’un chauffeur d’agence ou syndiqué, soit à la suite de leur retour d’un premier voyage. Onze chauffeurs syndiqués ont effectué du temps supplémentaire ce samedi-là, soit neuf à ce titre et deux à titre de commis ou de préposé à la cour. Ils ont tous débuté leur journée de travail à 6 h. Il y avait également un chauffeur, dont l’horaire régulier implique de travailler le samedi, monsieur J.P. Primeau, qui a travaillé à titre de préposé à la cour.

[55] Des 33 chauffeurs qui ont fait une première livraison ce samedi-là, 16 d’entre eux en ont fait deux. Quatre de ces 16 chauffeurs étaient des salariés travaillant en temps supplémentaire. Les autres chauffeurs syndiqués sont rentrés à l’entrepôt après le dernier départ de la journée. Ils n’auraient donc pas pu effectuer un second départ. Comme la lettre d’entente prévoit l’octroi de temps supplémentaire pour un maximum de dix chauffeurs, le syndicat ne pourrait se plaindre de ce que des seconds départs aient été octroyés ce jour-là à des chauffeurs d’agence plutôt qu’à des salariés réguliers .

[Soulignement ajouté]

[30]         En dépit de la décision rendue, le syndicat demande pourtant pour la journée du 10 mars 2012 que des chauffeurs salariés se voient octroyées 30,55 heures de temps supplémentaire pour des seconds départs qui auraient eu lieu au cours de cette journée au cours de laquelle onze chauffeurs salariés ont effectué du temps supplémentaire. C’est la même logique qui est à l’origine de la réclamation syndicale pour tous les autres samedis où 36 départs et plus ont eu lieu.

[31]         C’est à tort que le syndicat prétend, au moment de la détermination du quantum des sommes dues par l’employeur en regard du grief, que ce dernier doit payer du temps supplémentaires pour un nombre d’heures correspondant aux heures de travail qui ont été effectuées par des chauffeurs d’agence pour tous les voyages ayant été effectués à partir du 26 e départ. Ce n’est pas ce qui a été décidé par la soussignée.

[32]         Si l’employeur programme plus de 35 départs au cours d’un samedi donné, il lui est loisible de confier des deuxièmes départs à des chauffeurs d’agence, mais uniquement après avoir offert un premier départ à dix salariés appelés à travailler en temps supplémentaire. Telle est la position qui a été défendue par le syndicat lors de l’arbitrage et qui a été exposée aux paragraphes 23 à 30 et au paragraphe 41 de la partie consacrée au résumé de l’argumentation des parties ainsi qu’aux paragraphes 58 et 74 de la partie décision et motifs de la sentence arbitrale. Ce dernier réclamait en conséquence du temps supplémentaire pour dix départs à partir du 26 e départ.

[33]         Il va sans dire que la sentence arbitrale faisant droit au grief répondait à la question qui avait été soumise à l’arbitre par le syndicat. Or, la réclamation syndicale s’écarte de la position tenue lors de l’arbitrage, le syndicat l’ayant établie en comptabilisant tous les voyages effectués à partir du 26 e départ. Il ne saurait être question que, dans l’établissement du quantum , l’arbitre aille au-delà de ce qui avait été initialement réclamé par le syndicat et qui a servi de fondement à sa décision.

[34]         Il a été statué qu’aux termes de la lettre d’entente, l’obligation de l’employeur consiste à offrir du temps supplémentaire pour un maximum de dix chauffeurs à compter du 26 e départ programmé le samedi. Vu la preuve présentée et l’argumentation faite par le syndicat, la soussignée n’avait pas à statuer si l’employeur avait eu tort ou raison de faire effectuer un second départ par un chauffeur d’agence plutôt que par un chauffeur salarié, le débat ne se situant pas là selon ce qui a été plaidé lors de l’arbitrage.

[35]         Quant à la question de savoir si des chauffeurs, qui ne sont pas entrés au travail un certain samedi parce que l’employeur ne leur a pas offert de départ vu son interprétation erronée de la lettre d’entente, auraient dû effectuer un deuxième voyage ce même samedi, la question est purement hypothétique. Elle l’est également dans le cas des chauffeurs qui sont entrés au travail en temps supplémentaire et qui n’ont effectué qu’un seul voyage. En effet, il eut fallu que le syndicat fasse la démonstration que ces chauffeurs étaient disponibles sur place au moment où un second départ devait avoir lieu. Cela aurait supposé à la fois une preuve de concomitance entre l’arrivée du chauffeur salarié et le second départ et une preuve de l’acceptation par ce chauffeur salarié de poursuivre sa journée de travail, le temps supplémentaire s’effectuant sur une base volontaire. Or, la preuve qui a été présentée par le syndicat lors de l’arbitrage était nettement insuffisante pour qu’il puisse prétendre que la question du temps supplémentaire attribuable à des seconds départs qui auraient été octroyés en violation des règles prévues à la convention collective a été tranchée par la sentence arbitrale qui a été rendue. Pour cette deuxième raison également, faire droit à la prétention syndicale irait donc à l’encontre de la sentence arbitrale qui a été rendue. Ce faisant, la soussignée excéderait sa compétence étant simplement saisie d’une demande de fixation du quantum de la réclamation en regard de la décision déjà rendue.

[36]         Vu la preuve présentée et ce qui a été plaidé par le syndicat, la seule question qui a été tranchée de manière définitive porte, comme l’a bien compris l’employeur, sur le fait qu’il aurait dû offrir des départs en temps supplémentaire à des chauffeurs salariés à partir du 26 e départ, et ce, pour dix départs. Aux termes de la sentence arbitrale qui a été rendue, c’est cette omission qui doit être compensée par le paiement des heures dont ces salariés ont été privés.

[37]         Les parties ont convenu que les salariés ont été privés de 239 premiers départs et que cela représente 1234,5 heures à taux régulier que l’employeur devra payer selon le taux applicable et conformément aux paramètres de distribution convenus avec le syndicat.  

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL,

Ordonne à l’employeur de payer aux salariés lésés un total de 1234,5 heures au taux de temps supplémentaire applicable selon les paramètres de distribution qui ont été convenus entre les parties le 16 décembre 2013.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Louise VIAU

Arbitre de grief [ C.a.Q.]

 

 

 

 

 

 

Pour le syndicat :

 

 

 

Pour l’employeur :

Monsieur Jean Archambault

Syndicat des travailleurs(euses) des épiciers unis

Métro-Richelieu (CSN)

 

Monsieur Yves Girard

Metro Richelieu Inc.

 

 

 

 

 

Dates d’audience :

30 avril et 16 décembre 2013

 


Annexe