COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

266529

Cas :

CM-2013-4095

 

Référence :

2014 QCCRT 0099

 

Montréal, le

21 février 2014

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Judith Lapointe, juge administrative

______________________________________________________________________

 

 

Olivet Orr

 

Requérante

 

c.

 

Vérité Chirurgie Esthétique inc.

 

Intimée

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]            Le 16 août 2013, Olivet Orr (la requérante ) dépose auprès de la Commission une requête en fixation d’indemnité en vertu de l’article 128 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ., c. N-1.1 (la LNT ).

[2]            Cette requête fait suite à la décision du 26 septembre 2012 ( 2012 QCCRT 0450 ) qui accueille la plainte déposée contre Vérité Chirurgie Esthétique inc. (l’ intimée ) en application de l’article 124 de la LNT. Dans cette décision, la Commission annule le congédiement de la requérante imposé le 16 août 2011 et réserve sa compétence pour déterminer les mesures de réparation appropriées.

 

 

[3]            Le 4 octobre 2013, l’intimée transmet à la Commission une lettre indiquant qu’elle conteste les sommes réclamées par la requérante.

[4]            L’audience sur la requête en fixation d’indemnités est fixée au 19 novembre 2013.

[5]            Au début de l’audience, les parties consentent à rencontrer un conciliateur de la Commission pour tenter de régler le litige à l’amiable. Seule l’intimée est représentée par procureur.

[6]            Au terme de la conciliation, la commissaire assignée pour entendre la requête rencontre les parties. La requérante, se disant incapable d’accepter l’offre qui lui est faite, demande de consulter un avocat. L’audience est donc reportée au 17 décembre 2013 pour permettre à la requérante de valider l’offre auprès d’un avocat. Profitant de la présence de son témoin et afin d’éviter de la faire revenir, le cas échéant, l’intimée fait témoigner Carole McLear, sa commis-comptable. Cette dernière est contre-interrogée par la requérante.

[7]            Le 29 novembre 2013, la requérante informe la Commission qu’elle refuse l’offre de règlement faite le 19 novembre. L’audience se poursuit donc le 17 décembre 2013.

[8]            La réclamation de la requérante est la suivante :

1. Indemnité pour perte de salaire

Du 16 août 2011 à aujourd’hui le 16 août 2013

Taux horaire : 19,23 $ de l’heure

40 heures par semaine X 52 semaines =19,23 $ x 40 x 52 = 39 998,40 $

Total pour deux ans = 39 998,40 $ x 2 = 79 996,80 $

2. Indemnité de vacances

    Août 2011 à août 2012 = 39 998,40 $ x 4% = 1 599,93 $

    Août 2012 à août 2013 = 39 998,40 $ x 4% = 1 599,93 $

    Total de 3 199, 87$

3. Perte de commissions

    Commissions payables pour 2009 =      950 000 $ x 2 % = 19 000 $

    Commissions payables pour 2010 =   1 000 000 $ x 2 % = 20 000 $

    Commissions payables pour 2011 =   1 000 000 $ x 2 % = 20 000 $

    Commissions payables pour 2012 =   1 000 000 $ x 2 % = 20 000 $     

    Commissions pour huit mois en 2013 = 666 000 $ x 2 % = 13 320 $

    Total de 92 320 $

 

4. Indemnité pour perte d’emploi

    Montant laissé à la discrétion de la Commission.

           (traduit de l’anglais)

les faits

la perte de salaire

[9]            Seules la requérante et Carole McLear sont entendues comme témoins.

[10]         Du 31 août 2008 au 16 août 2011, la requérante travaille à titre de responsable du bureau de l’intimée, une clinique de chirurgie esthétique, dont l’unique propriétaire est Dr Teanoosh  Zadeh.  Elle travaille avec ce dernier ainsi qu’une esthéticienne. Au moment de son congédiement, elle est âgée de 35 ans et détient un certificat en gestion de relations publiques de l’Université McGill. Elle a également débuté, à l’Université Concordia, un baccalauréat en Women’s Studies, qu’elle n’a pas complété.

[11]         À titre de rémunération, la requérante est payée 19,23 $ de l’heure et travaille 35 heures par semaine et non pas 40 heures comme indiqué dans sa requête. Elle réclame le salaire perdu du 16 août 2011, date de son congédiement, au 16 août 2013, date de la présente requête et date à laquelle elle arrête la période visée par sa réclamation. Au moment de l’audience du 17 décembre 2013, elle ne travaille pas.

[12]         La requérante reconnaît que tout le salaire qui lui était dû jusqu’à son congédiement, incluant le 4 % d’indemnité de vacances, lui a été payé. Elle a également reçu deux semaines de salaire à titre de délai-congé.

Les commissions

[13]         La requérante réclame aussi ses commissions pour les années 2009 à 2012 ainsi que pour les 8 premiers mois de 2013 soit jusqu’au 16 août 2013.

[14]         Elle affirme que dès leur premier contact par téléphone avant son embauche, Dr Zadeh lui parle de commissions, sans plus de précision. Lors de leur première rencontre, qui se tient au restaurant, Dr Zadeh lui précise qu’en plus du salaire, la commission consiste en 1 % des ventes de divers produits et des interventions chirurgicales qu’il fait. Elle n’a pas demandé plus de détails sur le sujet.

[15]         Après 6 mois de travail, la requérante contacte Patricia Ruck, la précédente responsable de bureau, pour s’enquérir du moment où elle peut demander sa commission. À la suite des informations de cette dernière, la requérante demande une commission à deux reprises en 2009, mais ne reçoit rien. Elle dit avoir également demandé une commission deux fois en 2010. Au cours de son emploi, elle ne reçoit qu’une seule commission de 2 431 $, le 9 septembre 2010.

 

[16]         Madame McLear explique que les 2 431 $ représentent la commission reçue pour l’année 2010. Elle dit que ce montant représente certaines ventes, moins les dépenses, et a été calculé avec Dr Zadeh. Elle dit savoir qu’il y avait un pourcentage, mais ignore le chiffre exact. Selon son interprétation, le terme « commission » n’est pas exact, c’était plutôt une prime pour encourager la requérante à faire plus de ventes. Elle affirme que le paiement de la seule commission reçue par la requérante s’est fait en deux ou trois fois parce que la clinique n’avait pas assez d’argent pour la verser en une seule fois.

[17]         Contrairement aux propos de madame McLear, la requérante affirme qu’elle a reçu ce montant par un seul chèque. Elle dépose à l’appui copie d’un chèque pour la somme totale de la commission.

[18]         La requérante indique qu’après la remise de ce chèque, Dr Zadeh lui a dit qu’il n’y aurait plus de commission.

[19]         En réponse à une question de la Commission, la requérante indique n’avoir en aucun temps fait de démarche en cours d’emploi auprès de la Commission des normes du travail ou des tribunaux civils pour réclamer cette commission. Elle affirme l’avoir réclamée lors du dépôt de sa plainte en harcèlement psychologique. La Commission n’est pas saisie d’une telle plainte.

[20]         Afin de justifier les montants demandés à titre de commissions pour les années 2009 au 16 août 2013, la requérante indique qu’elle a consulté, en 2010, le système informatique de l’employeur, Nextech, dans lequel toutes les ventes sont inscrites. Les ventes totales pour 2010 seraient d’un peu plus de 1 million $. Pour 2009, les ventes seraient d’un peu moins de 1 million $. Aucun montant n’est mentionné pour les ventes de 2011, 2012 et jusqu’au 16 août 2013. Aucun document n’est déposé pour appuyer les montants réclamés par la requérante.

[21]         Madame McLear dit ne pas avoir le relevé de toutes les ventes sur lequel le calcul de la commission a été déterminé. Ce relevé existait lorsque le chèque a été émis, mais ce document n’a pas été conservé.

miNIMISATION des dommages

[22]         Entre son congédiement survenu le 16 août 2011 et le 16 août 2013, la période visée par la requête, la requérante a envoyé trois curriculum vitae. Elle explique qu’après le congédiement, elle a senti un poids s’enlever de ses épaules et admet avoir pris une pause pour se remettre mentalement et émotionnellement de ce qu’elle avait vécu avec Dr Zadeh.

[23]         Après son congédiement et ses deux semaines de délai-congé accordées par l’intimée, elle reçoit des prestations d’assurance-emploi jusqu’au 21 juillet 2012. Durant cette période d’assurance-emploi, elle travaille le mois d’octobre 2011 pour une compagnie de promotions, Reef Moxie, pour lequel elle reçoit 1 000 $.

 

[24]         La requérante dit avoir été active, mais pas dans un cadre de travail rémunéré. Elle a plutôt consacré son temps à du bénévolat à l’église qu’elle fréquente ainsi que dans des services communautaires ou auprès des jeunes. En février 2012, par le biais d’un contact à la même église, elle envoie son curriculum vitae pour un poste de responsable de bureau. Mais cette démarche ne donne aucun résultat. Au début du mois d’août 2012, elle travaille deux semaines dans une autre compagnie de promotions et reçoit 600 $.

[25]         Le 28 août 2012, elle débute des études dans le domaine de la santé. Au moment de l’audience, elle est toujours aux études.

[26]         Du mois d’octobre 2012 à août 2013, elle a obtenu des prestations de l’aide sociale. En août 2013, elle reçoit des prêts et bourses pour ses études.

La réintégration et L’indemnité pour perte d’emploi

[27]         L’employeur et la requérante n’ont eu aucun contact après la décision annulant le congédiement. La requérante ne veut pas être réintégrée parce que l’environnement de travail lorsque Dr Zadeh est présent est stressant, notamment, à cause de ses menaces de congédiement ou de coupures sur la paie lorsque les choses ne vont pas comme il veut. Pour appuyer son témoignage, la requérante dépose une série de reçus pour des traitements en ostéopathie et chiropractie reçus entre juillet 2009 et avril 2011 pour gérer le stress ressenti à travailler avec Dr Zadeh.

[28]         En contrepartie de sa non-réintégration, la requérante demande une indemnité pour perte d’emploi. Elle s’en remet à la discrétion de la Commission pour déterminer le montant de cette indemnité.

dommages moraux

[29]         À l’audience, la requérante ajoute à sa demande initiale une indemnité pour souffrances et douleurs. Elle mentionne la somme de 20 000 $. Elle ne présente aucune preuve à l’appui de cette demande.

Prétentions des parties

la requérante

[30]         La requérante soumet qu’elle a droit aux montants réclamés. Elle souligne que le problème n’était pas de travailler chez l’intimée, mais de travailler avec Dr Zadeh. Les reçus déposés à l’audience démontrent comment il était stressant de travailler avec ce dernier.

L’intimée

[31]         Essentiellement, l’intimée avance que, vu le défaut de la requérante de minimiser ses dommages en ne déposant que trois curriculum vitae, jumelé au fait qu’elle lui a versé deux semaines de délai-congé, aucune indemnité pour perte de salaire ou indemnité pour perte d’emploi ne lui est due.

[32]         Quant aux commissions, la preuve indique que la requérante a reçu un seul chèque le 9 septembre 2010. Elle n’a aucunement prouvé qu’elle avait droit à d’autres commissions.

ANALYSE  et DISPOSITIF

[33]         Les pouvoirs de réparation de la Commission, en matière de congédiement sans cause juste et suffisante sont précisés à l’article 128 de la LNT :

128. Si la Commission des relations du travail juge que le salarié a été congédié sans cause juste et suffisante, elle peut :

ordonner à l’employeur de réintégrer le salarié;

ordonner à l’employeur de payer au salarié une indemnité jusqu’à un maximum équivalant au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

rendre toute autre décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire […]

indemnité pour perte de salaire

[34]         La Cour d’appel dans l’affaire Standard Radio inc . c. Doubeau , [1994] R.J.Q. 1782 , indique :

L’employé qui porte plainte après avoir été congédié doit minimiser les dommages que lui cause son congédiement. Cette obligation de minimiser son préjudice comporte deux volets. Le premier emporte celle de faire un effort raisonnable pour se retrouver un emploi dans le même domaine d’activités ou dans un domaine connexe; le second est de ne pas refuser d’offres d’emploi qui, dans les circonstances, sont raisonnables.

[35]         À la suite de son congédiement, la requérante a déposé trois curriculum vitae qui ont résulté en l’obtention de deux emplois de très courte durée. Mais, il y a plus. Candidement, la requérante admet qu’elle a pris une pause après le congédiement. Elle a plutôt privilégié le bénévolat. Après cette période de bénévolat, elle a entrepris des études.

[36]         La Commission s’est prononcée à plusieurs reprises sur l’obligation qu’a une salariée de minimiser ses dommages. Dans l’affaire Malette c. 3948331 Canada inc. (Allure Concept Mode) , 2007 QCCRT 0517 , elle s’exprime comme suit sur le sujet :

[27] En l’espèce, Tania Malette n’a pas suffisamment mitigé ses dommages pendant la période de sa réclamation. La preuve ne démontre pas qu’elle recherche sérieusement du travail.  Elle opte plutôt de se satisfaire du revenu des diverses prestations versées et de poursuivre des études dans le but de réorienter sa vie professionnelle.

[…]

[31] Manifestement, Tania Malette veut changer de genre de travail et de domaine d’activités. Il est louable qu’elle veuille améliorer son sort en poursuivant des études ou en se dirigeant vers de nouveaux horizons.  Mais, il ne revient pas à l’employeur de financer cette réorientation professionnelle.

[37]         Dans le présent dossier, la requérante a entrepris des études le 28 août 2012. Elle n’était donc pas disponible pour se chercher du travail. Aucune preuve ne vient appuyer la recherche d’emploi après son retour aux études.

[38]         Devant une situation similaire, la Commission écrit ce qui suit  dans l’affaire Archambault c. Clément Breault & fils inc ., 2005 QCCRT 0157  :

[5] La preuve soulève une première question. Quelle est la période visée par la présente requête? Tous conviennent qu’elle débute le jour du congédiement; mais quand se termine-t-elle? Est-ce à la fin de la présente enquête comme le soutient la requérante ou est-ce plutôt la journée où elle retourne aux études à plein temps, réorientant alors sa carrière?

[…]

[9] À partir du 18 octobre 2004, marquant le début de ses cours à plein temps, la requérante cesse ses démarches pour se dénicher un emploi. Quel est ici l’impact d’un tel arrêt de travail de la part de Manon Archambault? Dans une affaire quasi identique, décidée par la CRT sous la plume de Suzanne Moro, le 10 janvier 2001, cette question est non seulement abordée mais tranchée. Il s’agit de l’affaire Jean-Claude Georges c. ACF/Transportaide (1904357 Canada inc.). Il s’avère désigné ici de reproduire certains extraits de cette décision.

[27]     La preuve démontre que le requérant satisfait à cette obligation de minimiser ses pertes jusqu’au 11 février 1999, date de sa dernière demande d’emploi. À compter de cette date, il ne cherche plus de travail et consacre ses énergies à des démarches puis au suivi en cours en vue de compléter à temps plein, de jour, ses études secondaires et obtenir un diplôme de secondaire 5.

(Les soulignés sont ajoutés.)

[28]     Le requérant pouvait certes décider d’agir ainsi mais il ne peut aujourd’hui demander à l’intimé (l’employeur) d’en assumer le coût. Le calcul de l’indemnité doit donc s’arrêter au 11 février 1999.

[39]         Les auteurs, M es Georges AUDET, Robert BONHOMME et Clément GASCON, au paragraphe 20.5.7 du volume intitulé  Congédiement en droit québécois en matière de contrat individuel de travail , écrivent :

Le fait d’être aux études sans faire de recherche d’emploi constitue un manque à l’obligation de réduire ses dommages.

[40]         Vu ce qui précède, la requérante étant retournée aux études le 28 août 2012 et n’ayant fait aucune recherche d’emploi après cette date, l’indemnité pour perte de salaire s’arrête au 28 août 2012, soit 54 semaines.

[41]         En l’espèce, le salaire perdu entre les 16 août 2011 et 28 août 2012, au salaire hebdomadaire de 673,05 $ (19,23 $ × 35 heures × 54 semaines), s’établit à 36 344,70 $.

[42]         Mais la requérante, qui se présente très bien et est très articulée, a fait peu d’efforts pour minimiser ses dommages et a consacré une partie de son temps à faire du bénévolat. La Commission juge ses efforts insuffisants et octroie le tiers de l’indemnité pour perte de salaire. Cette indemnité est donc fixée à 12 114,90 $ (36 344,70 $ ÷ 3).

[43]         La Commission doit soustraire de ce montant les gains d’emploi obtenus durant cette période soit 1 600 $. Doivent également être soustraites les deux semaines de délai-congé reçues de l’intimée, soit 1 346,10 $. Son indemnité pour perte de salaire s’établit donc à 9 178,20 $ (12 114,90 $ - 1 600,00 $ - 1 336,70 $).

les congés annuels

[44]        La requérante a également droit à une indemnité de 4 % pour les congés annuels puisqu’elle a moins de 5 ans de service continu. Par ailleurs, cette réclamation ne peut couvrir toute la période pour laquelle elle est indemnisée. En effet, l’indemnité pour le salaire perdu s’étend sur plus d’un an et la Commission considère que l’indemnisation pour 52 semaines représentant un an de salaire comprend les vacances. Ainsi, toute indemnité additionnelle à titre de vacances constituerait une double indemnité ( Brisson  c. 9027-4580 Québec inc ., [1999] R.J.D.T. 246 ).

[45]        Cependant, la requérante a droit à une indemnité pour vacances pour les deux autres semaines. Cette indemnité se calcule comme suit :

(2 semaines x 673, 05 $ par semaine)                            1 346,10 $

         1 346,10 ÷ 3 = 448,70 $ x 4 % = 17,94 $

                                                                     Total :              17, 94 $

[46]         L’indemnisation pour le salaire perdu et les congés annuels totalise donc 9 196,14 $.

les intérêts

[47]         La Commission doit ajouter des intérêts sur l’indemnité pour la perte de salaire et les congés annuels à compter du 23 août 2011, date du dépôt de la plainte, jusqu’à la date de la présente décision.

 

[48]        Ces intérêts sont calculés suivant la méthode établie par le Tribunal du travail dans l’affaire Laplante-Bohec c. Les publications Québécor inc ., [1979] T.T. 268. Ainsi, pour la période qui débute à compter du dépôt de sa plainte jusqu’à la date où elle retourne aux études, le taux d’intérêt est divisé par deux afin de tenir compte du fait que le salaire perdu et autres avantages se seraient graduellement accumulés. Le calcul de l’intérêt pour cette période est le suivant :

 


CALCUL DE L'INTÉRÊT

 

 

(taux d'intérêt divisé par 2)

 

 

 

 

 

 

 

Période 1

 

 

somme visée

9 196,14 $

 

début de la période

      23 août 11

 

fin de la période

      28 août 12

 

nombre de jours durant cette période

371

 

taux légal d'intérêt durant cette période

6 %

 

taux d’intérêt ÷ 2

3,0 %

   280,23 $

 

 

[49]        Pour la période après l’ordonnance de la Commission accueillant la plainte jusqu’à la présente décision, l’intérêt se calcule comme suit :

 

CALCUL DE L'INTÉRÊT

 

 

(taux d'intérêt non divisé par 2)

 

 

 

 

 

 

 

Période 1

 

 

somme visée

9 178, 20 $

 

début de la période

29 août 12

 

fin de la période

21 février 14

 

nombre de jours durant cette période

147

 

taux légal d'intérêt durant cette période

6 %

   815,67 $

 

                                                                                   Total      1 095,90 $

 

 

 

[50]        Les intérêts sur le salaire et autres avantages perdus totalisent donc 1 095,90 $.

les commissions

[51]         La requérante réclame des commissions non seulement pour la période visée à la suite de son congédiement, mais également pour les années durant lesquelles elle travaillait pour l’intimée soit pour 2009, 2010, et les huit mois avant son congédiement.

 

[52]         La Commission ne peut faire droit à une telle demande puisqu’elle n’est pas le forum approprié. Elle ne peut ordonner le paiement de commissions que la requérante aurait gagnées, mais non reçues durant son emploi et pour lesquelles elle n’a fait aucune démarche de recouvrement auprès de la Commission des normes du travail ou devant les tribunaux civils. En effet, la Commission ne peut ordonner que le paiement du salaire que la requérante a perdu à la suite d’un congédiement sans cause juste et suffisante.

[53]         Qu’en est-il du paiement d’une commission pour la période du 16 août 2011 au  28 août 2012? Du propre aveu de la requérante, lorsque Dr Zadeh lui remet le chèque de commission en septembre 2010, il lui dit qu’il n’en paierait plus. Cela suffit pour disposer de cette demande.

la réintégration et l’indemnité pour perte d’emploi

[54]         La réintégration dans l’emploi est le premier remède prévu à la LNT lors d’un congédiement fait sans cause juste et suffisante. L’intimée n’a fait aucune représentation à cet égard. La requérante ne désire pas être réintégrée estimant que le climat de travail créé par Dr Zadeh est difficile. De plus, elle a réorienté sa carrière. Dans le contexte, considérant notamment que son travail implique une étroite collaboration avec Dr Zadeh, la Commission estime que la réintégration n’est pas souhaitable de sorte que la requérante doit recevoir une compensation à titre d’indemnité pour perte d’emploi.

[55]         En regard de la perte d’emploi, le juge Fraiberg dans l’affaire UPA inc . c. Commission des relations du travail, [2004] AZ-50222084 (C.S.), s’exprime comme suit :

[7] […] Bien qu’il soit nécessaire que cette loi s’harmonise avec le Code civil, l’on peut trouver à l’art. 128 (3) une base de réparation distincte de celle prévue au Code civil en cas de perte d’emploi.

[8]        Le Code civil ne vise qu’une indemnité tenant place d’un délai de congé raisonnable en cas de résiliation de contrat d’emploi par l’employeur, alors que la LNT envisage une réparation plus large. Cette loi assure, par le biais de l’art. 124, une sécurité d’emploi aux employés non cadres disposant d’au moins deux ans de service continu que l’on ne retrouvera pas au Code civil.

[9]        La réparation du préjudice prévue aux trois alinéas de l’art. 128 justifie cette perspective. Le premier vise la réintégration de l’employé, soit une exécution en nature, ce qui serait le choix prioritaire; le deuxième vise à remplacer le salaire perdu par l’employé jusqu’à sa réintégration, alors que le troisième vise une autre forme de réparation pécuniaire laissée à la discrétion du commissaire, advenant que la réintégration s’avère impossible pour une raison non attribuable à l’employé.

[…]

[11]      Le remplacement de salaire ne répare qu’un préjudice subi dans le temps réel, soit passé, soit prospectif. En tel cas il est tout à fait raisonnable d’attendre, comme prévu à l’art. 1479 du Code civil, que l’employé fasse un effort diligent de mitiger ses dommages, et qu’advenant qu’il réussisse à trouver d’autre travail, que sa rémunération soit appliquée en réduction de la réparation qui lui serait autrement attribuable pour perte de salaire. Donc, cette mitigation s’applique facilement au cas type de l’attribution d’un délai de congé raisonnable à l’employé qui n’a pas lui-même provoqué la résiliation du contrat d’emploi.

[12]      Cependant, la LNT dépasse cet encadrement par le biais de l’art. 128 (3). Cette dernière disposition vise à réparer le préjudice entraîné par la perte d’emploi en soi.

[13]      L’on peut apprécier qu’un employé qui, comme en l’espèce, dispose de 17 ans d’ancienneté auprès du même employeur subit un préjudice en cas de congédiement dépassant la simple perte de salaire dans l’immédiat. Il lui sera toujours impossible de rattraper cette ancienneté, même en trouvant un autre emploi rapidement.

[14]      Il ne peut donc jamais remplacer la valeur que son service auprès de son ancien employeur représente: une certaine sécurité sur le plan psychologique et l’attente normale d’avantages que son ancienneté comporte, et sur le plan de droit civil, et sur le plan de convention collective.

[15]      Bien qu’il soit difficile de calculer le préjudice économique représenté par la perte d’emploi injustifiée sans possibilité de réintégration, il existe tout de même. Par ailleurs, les tribunaux sont souvent appelés d’arbitrer les dommages - intérêts difficiles à calculer dans d’autres domaines.

[56]         Pour déterminer la valeur de cette perte d’emploi, la Commission considère un ensemble de facteurs tel que précisé dans l’affaire Brisson c. 9027-4580 Québec inc ., [1999] R.J.D.T. 246  :

Comme, dans notre cas, il s’agit d’estimer la valeur de la perte de l’emploi comme tel par le plaignant, les critères à utiliser devraient essentiellement se rapporter à la disponibilité, sur le marché, d’un emploi semblable, et la possibilité pour l’employé d’en dénicher un, le cas échéant.

Ainsi, il apparaît pertinent de tenir compte essentiellement de la nature de l’emploi, ses caractéristiques, la disponibilité sur le marché d’emplois semblables, sans oublier le caractère plus ou moins précaire qui, aussi, en affecte la valeur.

La situation du plaignant apparaît tout aussi pertinente : son âge, son expérience, sa polyvalence, la possibilité de retrouver un tel emploi et à quelles conditions.

Par contre, les circonstances du congédiement, la recherche ou le refus d’emploi semblables ou différents ne contribuent que peu à évaluer la perte subie, c’est-à-dire l’emploi lui-même. Soulignons cependant qu’il sera difficile de convaincre de la rareté d’emplois similaires si le plaignant en a déjà refusé ou trouvé un, rapidement ou pas.

 

 

[57]         Le poste qu’occupait la requérante ne nécessitait pas d’habiletés spécifiques et elle avait une formation qui lui aurait permis de trouver assez facilement un emploi similaire. Cependant, en étant congédiée après plus de 2 ans de service continu, elle a perdu une certaine sécurité d’emploi et protection que lui conférait la LNT. Pour ces raisons, la Commission lui accorde 2 000 $ à titre d’indemnité de perte d’emploi.

les dommages moraux

[58]         Pour que des dommages moraux soient octroyés, la requérante devait prouver que le congédiement lui a causé un préjudice moral et que ce dernier était dû au congédiement. Or, en l’espèce c’est tout le contraire, la requérante dit qu’un poids s’est levé de ses épaules lorsqu’elle a été congédiée. Elle n’avait plus le stress de travailler avec Dr Zadeh. D’ailleurs, les seuls reçus déposés le sont pour des traitements reçus avant le congédiement. Aucun montant n’est donc accordé à ce titre.

[59]        En résumé, l’intimée doit à la requérante la somme de 9 178,20 $ pour la perte de salaire, 17,94 $ pour les congés annuels, 1 095,90 $ à titre d’intérêts et 2 000 $ pour l’indemnité pour la perte de son emploi, soit une indemnité totale de 12 292,04 $.

 

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

 

ACCUEILLE                   la requête;

DÉCIDE                           qu’il n’y a pas lieu de réintégrer Olivet Orr dans son emploi;

FIXE                                 à 9 196,14 $ l’indemnité pour le salaire perdu et les congés annuels dus à Olivet Orr ;

FIXE                                 à 1 095,90 $ le montant des intérêts dus à Olivet Orr en date de  la présente décision;

FIXE                                 à 2 000 $ l’indemnité pour la perte de son emploi;

ORDONNE                     à Vérité Chirurgie Esthétique inc. de verser à Olivet Orr la somme totale de 12 292,04 $ dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision;


DÉCLARE                      qu’à défaut d’être indemnisée dans les délais prescrits, Olivet Orr sera en droit d’exiger de Vérité Chirurgie Esthétique inc . pour chaque journée de retard, un intérêt sur l’indemnité due au taux fixé suivant l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale .

 

 

 

__________________________________

Judith Lapointe

 

 

M e Mathieu Delbuguet

Représentant de l’intimée

 

Date de la dernière audience :

17 décembre 2013

 

/ga