COMMISSION DE L’ÉQUITÉ SALARIALE

 

 

Dossier n o  :

16282

 

Québec, le :

4 février 2014

 

 

Membres :

Marie Rinfret, présidente

Sophie Raymond, commissaire

Lise Simard, commissaire

 

Personne salariée

 

Partie plaignante

et

 

Société en commandite Les Jardins du Campanile

 

Partie mise en cause

 

Résolution : CÉS-297-3.13-16282

 

 

DÉCISION

 

OBJET DE LA DEMANDE

[1]          La Commission de l’équité salariale (la Commission) est saisie d’une plainte alléguant que l’employeur Société en commandite Les Jardins du Campanile n’aurait pas réalisé dans l’entreprise la démarche d’équité salariale requise par la Loi sur l’équité salariale , L.R.Q., c. E-12.001 (La Loi).

LES FAITS

[2]          Société en commandite Les Jardins du Campanile est une résidence pour personnes âgées ayant débuté ses activités en mars 2007.

[3]            Lors de la période de référence qui lui est applicable, soit du 19 mars 2007 au 18 mars 2008, l’entreprise Société en commandite Les Jardins du Campanile comptait, en moyenne, entre 10 et 49 personnes salariées.

[4]            La plainte pour défaut de réalisation de la démarche d’équité salariale est déposée le 19 mai 2011 par une ex-personne salariée, en vertu de l’article 99 de la Loi.

[5]            Le 12 mars 2012, la Commission a fait parvenir aux parties un préavis de décision afin d’obtenir leurs observations. Seule la partie plaignante a soumis des commentaires et la Commission les a pris en compte aux fins de la présente décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La partie plaignante

[6]            La partie plaignante prétend que, bien que l’employeur lui aurait déjà mentionné qu’il comptait procéder à la réalisation d’un exercice d’équité salariale, elle n’aurait jamais vu l’affichage.

[7]            Elle ajoute que son employeur était le Groupe Maurice plutôt que Société en commandite Les Jardins du Campanile , parce que certains représentants de ce groupe prennent part aux évènements festifs organisés par la résidence et qu’ils sont présents lors de la tenue de certains évènements administratifs majeurs.

[8]            Dans ses commentaires au préavis de décision, la partie plaignante conteste le fait que la Commission ait considéré que son employeur ait été Société en commandite Les jardins du Campanile , plutôt que Groupe Maurice.

[9]            Elle mentionne que c’est le Groupe Maurice qui :

·         élaborerait, fixerait et rédigerait la mission de l’entreprise;

·         superviserait étroitement, surveillerait et règlerait tout problème délicat;

·         choisirait le directeur général de chaque établissement;

·         ferait les publicités dans lesquelles il mentionne qu’il s’agit de « ses résidences »;

·         aurait développé des studios de soins dans les résidences;

·         aurait assuré l’intérim de la direction de la résidence lors du départ d’une directrice de résidence.

[10]         De plus, elle explique que la direction des résidences serait liée par les décisions prises par le Groupe Maurice. Elle cite en exemple les augmentations salariales, qui seraient contrôlées par le Groupe Maurice, en tenant compte du budget alloué à chaque résidence.

DROIT APPLICABLE [1]

[11]         Dans le présent dossier, les dispositions applicables sont :

·         l’article 99 de la Loi sur l’équité salariale ;

·         les articles 4, 6 et 39 alors applicables de la Loi sur l’équité salariale .

ANALYSE

[12]         Société en commandite Les Jardins du Campanile fait partie du Groupe Maurice, qui compte plusieurs résidences pour personnes âgées.

[13]         La partie plaignante prétend que son employeur est le Groupe Maurice et que celui-ci était l’entité véritable qui possède, décide, contrôle et administre la résidence pour personnes âgées mise en cause.

[14]         Selon la jurisprudence applicable en matière de relations du travail, la théorie de l’osmose permet de considérer plusieurs entités distinctes comme étant l’employeur unique d’une personne salariée lorsque celles-ci sont liées et intégrées, à un tel point qu’elles ne constituent qu’une seule entreprise.

[15]         Ainsi, pour qu’il y ait osmose entre les entreprises, il ne suffit pas qu’elles soient la propriété ou sous le contrôle des mêmes personnes. Il faut qu’elles soient intégrées l’une à l’autre, de manière à former une entreprise dans les faits [2] .

[16]         À l’inverse, l’osmose entre deux entreprises ne peut être constatée, même si les actionnaires sont les mêmes et que la gestion supérieure est identique, lorsque :

·         les moyens de production ne sont pas utilisés de manière indistincte;

·         la gestion est autonome et le fonctionnement individuel;

·         elles ont des activités propres et des clientèles distinctes;

·         l’équipe de direction et les activités sont distinctes et il n’y a pas d’interchangeabilité des employés, même si certains services sont communs;

·         chacune a sa mission et un ensemble de moyens qui lui est propre [3] .

[17]         En l’espèce, l’analyse de la structure organisationnelle de Groupe Maurice permet de constater que les nombreuses sociétés du Groupe Maurice sont liées d’une manière ou d’une autre, soit par le biais d’actionnaires, des administrateurs, des investisseurs, des commandités ou des commanditaires. Toutefois, elles ne sont pas imbriquées ou intégrées l’une à l’autre de manière à former, dans les faits, une seule et même entreprise.

[18]         En effet, toutes les résidences ainsi que les autres entités du Groupe Maurice fonctionnent de façon autonome pour la réalisation de leur mission et il n’y a pas interchangeabilité de moyens de production.

[19]         En ce qui a trait au personnel, même si Groupe Maurice s’assure d’une certaine uniformité dans les pratiques et les conditions de travail, chaque résidence est responsable de l’embauche des personnes salariées, des évaluations de rendement et d’accorder les augmentations salariales.

[20]         Ensuite, chaque résidence dispose d’une comptabilité distincte. Elles ont chacune un registre de paie distinct et procèdent au versement des salaires de leurs propres personnes salariées.

[21]         Aussi, un pourcentage du budget de chaque résidence est versé annuellement au Groupe Maurice pour les services-conseils qui sont donnés aux résidences. Le montant facturé est différent pour chaque résidence selon son chiffre d’affaires.

[22]         Société en commandite Les Jardins du Campanile est autosuffisante et opère ses activités de manière autonome. Elle constitue donc une entreprise distincte aux fins de l’application de la Loi.

[23]         La Loi sur l’équité salariale s’applique à tout employeur dont l’entreprise compte 10 personnes salariées ou plus [4] .

[24]         En vertu de l’article 6 de la Loi tel qu’il s’appliquait alors, l’entreprise Société en  commandite Les Jardins du Campanile comptait, en moyenne, entre 10 et 49  personnes salariées pendant la période de référence qui lui est applicable, soit du 19 mars 2007 au 18 mars 2008.

[25]         L’article 39 de la Loi prévoyait alors que :

«  Dans le cas d'une entreprise qui commence ses activités durant la période de 12 mois qui précède le 21 novembre 1997 ou après cette date, le délai prévu aux articles 37 et 38 s'applique à compter de la date qui suit d'un an la date du début de ses activités.  ».

[26]         Ainsi, le délai qui est prévu pour la réalisation de la démarche d’équité salariale dans l’entreprise Société en commandite Les Jardins du Campanile est le 18 mars 2012.

[27]         La plainte ayant été déposée le 19 mars 2011, celle-ci était donc prématurée.

[28]         De plus, comme la partie plaignante n’était plus à l’emploi de l’entreprise Société en commandite Les Jardins du Campanile au moment où l’employeur devait réaliser la démarche d’équité salariale, soit le 18 mars 2012, elle n’est pas visée par celle-ci.

[29]         La partie plaignante n’a donc pas l’intérêt requis pour déposer une plainte contre l’employeur Société en commandite Les Jardins du Campanile .

En conséquence :

[30]         CONSIDÉRANT que l’employeur de la partie plaignante est Société en commandite Les Jardins du Campanile ;

[31]         CONSIDÉRANT que l’employeur Société en commandite Les Jardins du Campanile a débuté ses activités le 19 mars 2007;

[32]         CONSIDÉRANT que Société en commandite Les Jardins du Campanile comptait, en moyenne, entre 10 et 49 personnes salariées lors de la période de référence du 19 mars 2007 au 18 mars 2008;

[33]         CONSIDÉRANT que l’employeur Société en commandite Les Jardins du Campanile est devenu assujetti à la Loi en mars 2008 et que, de ce fait, il devait compléter une démarche d’équité salariale applicable à l’ensemble des personnes salariées de son entreprise au plus tard le 18 mars 2012;

[34]         CONSIDÉRANT que la plainte ayant été déposée le 19 mai 2011, celle-ci est prématurée;

[35]         CONSIDÉRANT qu’au 18 mars 2012, la partie plaignante n’étant plus à l’emploi de Société en commandite Les Jardins du Campanile , elle n’a pas l’intérêt nécessaire pour déposer une plainte contre l’employeur Société en commandite Les Jardins du Campanile ;

Après étude et délibérations, la Commission, à l’unanimité :

[36]         DÉTERMINE que la plainte contre l’employeur Société en commandite Les Jardins du Campanile est irrecevable.

Résolution prise à l’unanimité par la Commission de l’équité salariale à sa 297 e séance tenue le 4 février 2014 (résolution CÉS-297-3.13-16282).

La secrétaire générale,

 

__________________________

Johanne Tremblay

 


Annexe

Articles pertinents de la Loi sur l’équité salariale

Article 4 (alors applicable)

La présente loi s'applique à tout employeur dont l'entreprise compte 10 salariés ou plus.

Est un employeur quiconque fait exécuter un travail par un salarié .

Article 6 (alors applicable)

Pour l'application de la présente loi, le nombre de salariés d'une entreprise est la moyenne du nombre de salariés de cette entreprise au cours des 12 mois qui précèdent le 21 novembre 1997. Cette moyenne est établie en fonction du nombre de salariés inscrits sur le registre de l'employeur par période de paie.

Dans le cas d'une entreprise qui commence ses activités durant la période de 12 mois qui précèdent le 21 novembre 1997 ou après cette date, la période de référence est la période de 12 mois commençant à la date où le premier salarié est au service de l'employeur.

Article 39 (alors applicable)

Dans le cas d'une entreprise qui commence ses activités durant la période de 12 mois qui précède le 21 novembre 1997 ou après cette date, le délai prévu aux articles 37 et 38 s'applique à compter de la date qui suit d'un an la date du début de ses activités.

Article 99

Un salarié ou une association accréditée représentant des salariés d'une entreprise qui compte moins de 50 salariés peut, après l'expiration du délai prévu à l'article 37, porter plainte à la Commission s'il est d'avis que l'employeur n'a pas déterminé les ajustements salariaux requis.

Il appartient à l'employeur de démontrer que la rémunération qu'il accorde aux salariés faisant partie d'une catégorie d'emplois à prédominance féminine est au moins égale à celle qu'il accorde, pour un travail équivalent, aux salariés faisant partie d'une catégorie d'emplois à prédominance masculine. Le cas échéant, la Commission détermine les mesures qui doivent être prises par l'employeur et fixe leur délai de réalisation.

Le recours prévu au premier alinéa ne peut être exercé lorsque l'employeur a procédé à l'évaluation du maintien de l'équité salariale dans son entreprise conformément au chapitre IV.1.

Dans le cas où l'employeur a choisi d'établir un programme d'équité salariale, l'article 96.1 s'applique compte tenu des adaptations nécessaires.



[1]   Ces dispositions sont reproduites en annexe.

[2]   Syndicat des employés de Purdel Bic (CSN) c. Purdel, Coopérative Agro-Alimentaire , 2007 QCCRT 206 (CanLII).

[3]   Papiers de publication Kruger inc . c. Kruger inc. , 2012 QCCRT 129 (CanLII), par. (67), p. 16.

[4]   Art. 4.