Syndicat des employées et employés des bibliothèques de l'Université Concordia (CSN) et Université Concordia (Christine Mullin et grief syndical) |
2014 QCTA 147 |
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2014-3297 |
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Date : |
11 MARS 2014 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me CAROL JOBIN |
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SYNDICAT DES EMPLOYÉ(E)S DES BIBLIOTHÈQUES DE L’UNIVERSITÉ CONCORDIA (CSN) |
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- Partie syndicale |
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Et |
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UNIVERSITÉ CONCORDIA |
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- Partie patronale |
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Plaignant-e-s : |
Syndicat et Christine Mullin |
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Griefs : |
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#46, 47 et 51 |
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Sujets : |
Congés de maladie et mesures disciplinaires |
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SENTENCE ARBITRALE |
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(Code du travail, L.R.Q., c. C-27, a.100) |
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I. LE LITIGE
[1] Je suis saisi de trois griefs à propos desquels il est admis que la procédure de grief a été respectée et que l’arbitre en est validement saisi.
[2] Le grief no 46 du 26 juillet 2012 est de madame Christine Mullin et il est rédigé ainsi (S-2) :
Nature of Grievance :
On July 19, 2012, the employer requested that Christine Mullin submit a medical certificate for a single day absence due to illness on July 18, 2012. Christine Mullin did not provide a medical certificate.
Subsequently, the employer filed a disciplinary measure against Christine Mullin by issuing a written notice entitled « disciplinary warning ». In addition to the disciplinary measure in the form of the written notice, Christine Mullin will not receive pay for July 18, 2012.
This violates, among others, articles 39 of the CULEU collective agreement, as well as the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms, and other laws.
Redress sought
That the disciplinary warning letter be removed from Christine Mullin’s personnel file.
That the salary due to Christine Mullin for July 18, 2012 be paid to her.
For Ms. Mullin, all rights provided by the collective agreement and compensation for prejudices suffered, including moral and exemplary damages, as well as negative tax consequences, with interest at the rate set under the Labor Code (Code du travail du Québec), and without prejudice to other acquired rights.
[3] Le grief no 47 du 23 août 2012 émane du Syndicat et il se lit ainsi (S-3):
Description du grief :
En vertu de la convention collective et des lois pertinentes en vigueur, le Syndicat conteste le fait que l’Employeur ait demandé à Christine Mullin, le 19 juillet 2012, de soumettre un certificat médical pour une absence d’une seule journée pour cause de maladie le 18 juillet 2012, et ce, contrairement à ce que la convention collective prévoit, notamment à l’article 39.
Réclamation :
Le Syndicat réclame que l’Employeur respecte les dispositions de la convention collective, entre autres, de l’article 39, des dommages punitifs de 200$ et tous les autres droits et avantages prévus à la convention collective, la compensation de tout préjudice subi, de quelque nature qu’ils soient, incluant les dommages moraux et exemplaires ainsi que le préjudice fiscal. Le tout rétroactivement et avec intérêts au taux prévu au Code du travail, sans préjudice aux autres droits dévolus.
[4] Le grief no 51 du 1 er octobre 2012 est de madame Mullin et il est rédigé comme suit (S-5) :
Nature of Grievance :
Christine Mullin received a notice of discipline dated September 25, 2012 and has been suspended from work without pay for one day, namely September 27, 2012, for not having provided a medical certificate for a single day of absence on September 13, 2012.
This violates, among others, articles 39 of the CULEU collective agreement, as well as the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms, and other laws.
Redress sought
That the notice of discipline be removed from Christine Mullin’s personnel file.
That the salary due to Christine Mullin for September 27, 2012, be paid to her.
For Ms. Mullin, all rights provided by the collective agreement and compensation for prejudices suffered, including moral and exemplary damages, as well as negative tax consequences, with interest at the rate set under the Labor Code (Code du travail du Québec), and without prejudice to other acquired rights.
[5] Le litige porte d’une part sur la conformité ou non à la convention collective de l’exigence de fournir un certificat médical à l’occasion d’absences d’une (1) journée pour maladie et, d’autre part, sur le bien-fondé des mesures disciplinaires (i.e. avis disciplinaire et suspension d’une journée) imposées.
II. RÉSUMÉ DE LA PREUVE
[6] Mme Mullin occupe un poste à la Bibliothèque Webster dans le titre d’emploi « Circulation / Stacks Clerk ». Son ancienneté remonte au 10 novembre 1997.
[7] À l’époque des faits pertinents au litige, elle relevait de M. Gheri Celin (Access Service Manager). Celui-ci relevait de M. David Thirlwall (Associate University Librarian, Personnal & Communication).
[8] Le 13 mai 2011, Mme Mullin fut rencontrée une première fois par M. Thirlwall au sujet de ses absences fréquentes et plus particulièrement des absences pour maladie indemnisées dans une certaine mesure en vertu de l’article 39 de la convention collective. M. Thirlwall explique que ce phénomène lui avait été signalé par M. Celin. On était préoccupé par les effets de ces absences, souvent d’une (1) journée à la fois, sur la gestion des horaires et sur la charge de travail des autres employés. Le nombre d’absences était élevé et s’étalait sur une assez longue période. On suspectait un problème de santé chronique et de long terme. M. Thirlwall a cru utile d’obtenir de Mme Mullin des informations sur son état de santé.
[9] Avant cette rencontre, M. Thirlwall avait consulté le dossier des absences de Mme Mullin pour les années antérieures.
[10] On a déposé une compilation pour la période de juin 2009 à mai 2010 (U-14). Elle révèle que Mme Mullin s’est absentée à 16 occasions pour maladie, ce qui représente un total de 149.5 heures. La banque de congés de maladie indemnisés s’élève à 105 heures ou 15 jours (art. 39.02 de la convention collective). Mme Mullin a donc excédé cette limite de 44.5 heures (142,38%).
[11] Une compilation pour l’année suivante, de juin 2010 à mai 2011 (U-6), révèle qu’il y a eu absence à 19 occasions (incluant le 26 mai 2012 qui est une absence postérieure à la rencontre du 13 mai). Le total d’heures d’absence pour maladie est de 168 heures, excédant la banque de 63 heures (160%).
[12] M. Thirlwall savait que Mme Mullin avait déjà eu une absence à long terme pour maladie (i.e. dépression en 2010-2011). Il ignorait si les absences ponctuelles de Mme Mullin avaient un lien avec cette condition antérieure.
[13] Après consultation du Service des ressources humaines, il fut donc décidé de rencontrer Mme Mullin pour obtenir d’elle des informations sur sa condition.
[14] Outre M. Thirlwall et Mme Mullin, la directrice (« Head ») de la bibliothèque et un délégué syndical furent présents à la rencontre du 13 mai 2011. M. Thirlwall déclare qu’à cette rencontre, il a exposé ses observations au sujet du nombre des absences pour maladie de Mme Mullin et qu’il a fait état des préoccupations de la direction, à savoir les problèmes de fonctionnement que ces absences posaient ainsi que les interrogations qu’elles suscitaient quant à l’aptitude au travail de Mme Mullin. Il lui a demandé si elle pouvait fournir des informations de nature médicale. Selon M. Thirlwall, Mme Mullin s’est dite consciente du nombre de ses absences. Elle a déclaré qu’elle éprouvait certains problèmes, qu’elle avait récemment obtenu de son médecin un diagnostic, qu’elle recevait des traitements et qu’elle croyait que dans l’avenir, elle ne s’absenterait plus aussi fréquemment. Quant à fournir des informations médicales, M. Thirlwall ne se souvient pas exactement de la réponse de Mme Mullin. Il croit qu’elle a dit qu’elle serait en mesure de fournir ces informations.
[15] Durant l’année qui a suivi (juin 2011 à mai 2012), Mme Mullin s’est absentée pour maladie en 22 occasions pour un total de 152.75 heures, excédant la banque de 47.75 heures (145%) (U-7).
[16] M. Thirlwall a considéré que la situation, contrairement à ce qu’avait évoqué Mme Mullin l’année précédente, était demeurée la même. Le nombre d’absences pour maladie demeurait inhabituellement élevé. Soit que le problème de Mme Mullin demeurait le même, soit qu’elle éprouvait un nouveau problème de santé. On ne pouvait tirer de conclusion en l’absence d’information médicale. Il a donc été décidé de rencontrer à nouveau Mme Mullin et de lui transmettre un message clair tout en lui demandant de fournir des informations.
[17] Cette rencontre a eu lieu le 5 juin 2012. M. Thirlwall en a rendu compte dans une lettre du 6 juin 2012 qui se lit ainsi (U-4) :
RE : Request for medical information
This letter is a follow-up to our meeting of yesterday, June 5th.
We met to discuss your occurrences of sick leave. Arnaldo Brunetti and Dr. Guylaine Beaudry were in attendance. I indicated that the meeting was addressing the matter of the unusually high number of individual sick days taken by you. The same matter had been discussed by you and me at a previous meeting in May 2011.
The number of sick days is unusually high, exceeding both the sick leave bank (as provided in Article 39.02 of the collective agreement) and the number of sick days which you took last year. In order to ensure that the University has adequate understanding of your condition to be sure that you are fit for work, and in order to be able to administer your sick leave provisions in due manner I am asking you to provide more information.
Specifically, I ask that, upon the next occurrence of your absence due to sickness, you provide a medical certificate. That certificate should be issued by a medical doctor, and should include both a diagnosis and prognosis, so as to provide the University with sufficient information. You may, as always, submit the certificate directly to the Indirect Compensation Office of the Human Resources Department, FB 1120, who will treat the document with all due confidentiality.
Thank you for your cooperation in this matter.
[18] Au sujet de cette rencontre, M. Thirlwall déclare qu’elle fut brève. Il a ouvert la porte à des explications de Mme Mullin sur sa condition, mais il considère qu’il n’en a pas reçu. Il a dit à Mme Mullin que l’information médicale recherchée n’avait pas à être détaillée, mais qu’elle devait provenir d’un médecin et qu’elle serait traitée confidentiellement tel qu’il appert de la lettre précitée. Il précise qu’il a expliqué ses préoccupations et que Mme Mullin lui a dit qu’elle les avait comprises.
[19] Mme Mullin déclare qu’on lui a demandé de révéler sa condition médicale, ce qu’elle n’a pas fait, trouvant cela gênant devant des personnes qu’elle côtoyait tous les jours.
[20] Le 21 juin 2012, madame Line Brisebois, membre de l’exécutif syndical, a écrit à M. Thirlwall la lettre suivante (U-10) :
This is CULEU’s reply to the letter you sent to Christine Mullin dated June 6, 2012 (copy attached). In that letter, you ask Christine that « upon the next occurrence of your absence due to sickness you provide a medical certificate ». According to the letter, this request is based on the number of individual sick days taken by Christine. The letter does not indicate that there are any issues with Christine’s aptitude or capacity to perform the tasks associated with her work while she is at work.
Article 39.02 c) of CULEU’s collective agreement stipulates that the University may require an acceptable medical certificate from an employee for any absence caused by illness of four (4) working days or more. Only in the case of short-term sick leave and long-term disability - Article 39.03 c): For any absence under short-term sick leave or long-term disability, the University reserves the right to require a medical certificate at any time during or at the end of this absence can the university ask for a medical certificate at any time. This is not the case here.
Consequently, after having analyzed this specific case, and according to CULEU’s contract, the University cannot request that Christine provide a medical certificate upon any occurrence of absence due to sickness of less than four days duration.
[21] Cette position a également été exprimée lors d’une réunion du Comité des relations de travail le 21 juin 2012 (S-8).
[22] Il est admis que la lettre de l’Employeur du 6 juin 2012 (U-4 précité) n’a pas fait l’objet de grief.
[23] La position de l’Employeur était qu’il pouvait exiger un certificat médical dans le cas d’une absence pour maladie si le cas le justifiait.
[24] Par la suite, Mme Mullin s’est absentée pour maladie le 18 juillet 2012. À son retour au travail, elle a signé le formulaire d’absence (Annexe E de la convention collective) indiquant qu’elle avait pris un congé-maladie. Elle n’a pas remis de certificat médical.
[25] Mme Mullin déclare en témoignage qu’elle avait été affectée par une diarrhée et que cela ne nécessitait pas d’aller aussi loin que de consulter un médecin. Dans son second témoignage, elle parle plutôt d’une indisposition due au syndrome prémenstruel (PMS). Elle ajoute qu’elle estimait non nécessaire de fournir un certificat médical pour un motif de respect de la vie privée (« privacy issue »). Elle n’a pas informé l’Employeur du motif précis de son absence. En contre-interrogatoire, elle est incertaine du motif (diarrhée ou PMS ou combinaison des deux, ou dépression, certaines de ces conditions étant pour elle interchangeables ou interreliées).
[26] Mme Mullin a été rencontrée par M. Thirlwall le 20 juillet 2012. Le jour même, celui-ci a émis un avis disciplinaire se lisant comme suit (S-4) :
RE : Disciplinary Warning : medical information requested
This letter is a follow-up to our meeting of July 20 (in the presence of Gheri Celin and Kent Cluff)
In my letter to you of June 6, and in a previous meeting, I asked that you provide a medical certificate upon the next occurrence of your absence due to sickness. My understanding is that you took sick leave on July 18, and that when you returned on July 19 you did not provide a medical certificate.
I must therefore presume that on July 18 you were absent without cause, and consequently you will not receive pay for that day. Should you subsequently provide the requested medical certificate, you pay for that day will be restored.
I repeat here that upon the next occurrence of your absence due to sickness, you are required to provide a medical certificate. That certificate should be issued by a medical doctor, and should include both a diagnosis and prognosis, so as to provide the University with sufficient information. You may, as always, submit the certificate directly to the Indirect Compensation Office of the Human Resources Department, FB 1120, who will threat the document with all due confidentiality.
The number of your sick days is unusually high. In order to ensure that the University has adequate understanding of your condition to be sure that you are fit for work, and in order to be able to administer you sick leave provisions in due manner, I am asking you to provide sufficient medical information.
Your cooperation in this matter is essential. You are warned that failure to comply with the requirement established in this letter may result in disciplinary action.
[27] M. Thirlwall déclare qu’il a demandé à Mme Mullin si elle avait un certificat médical ou si elle avait l’intention d’en obtenir un. Elle a répondu par la négative dans les deux cas. Il signale que le représentant syndical, M. Kent Cluff, a voulu débattre de la question, mais qu’il a refusé étant donné que cela avait déjà été discuté en Comité de relations de travail. En contre-interrogatoire, il déclare qu’il n’a pas demandé à Mme Mullin si elle avait été malade le 18 juillet 2012.
[28] Mme Mullin déclare qu’à cette rencontre, M. Thirlwall ne lui a pas demandé le motif exact de son absence.
[29] L’avis disciplinaire (S-4, 20 juillet 2012, précité) a donné lieu aux griefs 46 et 47 (précités, voir plus haut) auxquels l’Employeur a répondu comme suit (U-1 et U-2, même texte) :
The Employer maintains that Christine Mullin has taken an usually high number of days of sick leave in the last years which justify our demand to provide a medical certificate for absence due to alleged illness. There has been no violation of the Collective Agreement, therefore the grievance is denied.
We maintain the right to raise any other arguments, either in fact or in law, in the event of a hearing of this grievance.
[30] Par ailleurs, le ou vers le 8 août 2012, Mme Mullin a consulté son médecin traitant depuis 20 ans, la Dre Catherine Lounsbury, à laquelle elle a exposé les problèmes qu’elle éprouvait au travail. La Dre Lounsbury a rédigé le document suivant qui a été remis par Mme Mullin à son superviseur pour être transmis ensuite au Service des ressources humaines (U-5) :
To Human Resources,
Ms. Mullin has had a diagnosis of depression which is currently in remission and well-controlled with medication. Today she has no signs or symptoms of depression. It is impossible to predict the future, however she is well at present. She also has irritable bowel syndrome and heavy menstruations and is pre-menopausal, however, these cause minor symptoms and should not impact her ability to attend work.
Yours truly,
[31] Mme Mullin déclare qu’en faisant cette démarche et en produisant ce document, son but n’était pas de se faire rembourser son absence du 18 juillet précédent, mais plutôt, comme le demandait l’Employeur, de fournir de l’information médicale sur sa condition.
[32] Ce document a été traité par Mme Cornelia Kupfer des ressources humaines (Advisor, Disability Management), qui a transmis le 7 septembre 2012 la note suivante à Mme Mullin avec copie à M. Thirlwall (U-11) :
Please note that I have received a letter from Dr. Catherine Lounsbury dated August 8, 2012.
According to your physician, « Ms. Mullin has had a certain diagnosis (specified in letter) which is currently in remission and well-controlled with medication. Today she has no signs or symptoms of such diagnosis. It is impossible to predict the future, however she is well at present. She also has some other conditions (listed in report), however, these cause minor symptoms and should not impact her ability to work.»
Please note that the information submitted does not justify your absence on July 18, 2012.
Should you have any questions regarding the above, please do not hesitate to contact me.»
[33] Cette position fut endossée par M. Thirlwall.
[34] Mme Mullin a pris des vacances les 8 et 9 août ainsi que du 13 au 24 août et les 27 et 28 août 2012.
[35] Elle s’est à nouveau absentée pour maladie le 13 septembre 2012. À son retour au travail, elle a signé le formulaire d’absence (Annexe E) indiquant qu’elle avait pris un congé-maladie. Elle n’a pas remis de certificat médical ni indiqué l’état de santé ayant causé son absence.
[36] En témoignage, Mme Mullin déclare comme raison de son absence qu’elle n’avait pas le moral (« I was feeling under the weather »). Elle n’a pas consulté de médecin. Dans son second témoignage, elle déclare qu’elle était affectée du syndrome prémenstruel. Elle ajoute qu’on ne va pas voir un médecin pour ce genre de malaise. Les cliniques font un tri des cas qui se présentent. Le sien ne revêtait pas un caractère d’urgence et elle risquait d’être refusée. En contre-interrogatoire, elle reconnaît que la clinique du centre-ville où pratique la Dre Lounsbury n’a jamais refusé de la recevoir.
[37] Mme Mullin a été rencontrée le 25 septembre 2012 par M. Thirlwall. Le même jour, il a avisé Mme Mullin qu’elle était suspendue pour une (1) journée en ces termes (S-6) :
RE : Notice of Discipline
This letter reflects the contents of our meeting of today, held with Gheri Celin and Kwabena Otchere also present.
In my letter to you of July 20, 2012, you were asked to provide a medical certificate upon the next occurrence of your absence due to sickness. You were warned that failure to do so may result in disciplinary action.
You were absent from work on September 13 and stated that it was due to sickness. However, you did not provide an adequate medical certificate upon your return to work. Consequently, as a disciplinary action, and taking into account that you did receive a letter of warning on July 20, 2012 for a similar event, the University suspends you from work without pay for one day, namely September 27, 2012. You are not to report to work on Thursday, September 27, 2012.
The number of your sick days is unusually high. In order to ensure that the University has adequate understanding of your absence, I am asking you to provide sufficient medical information. I therefore repeat here that upon the next occurrence of your absence due to sickness, you are required to provide a medical certificate. You may, as always, submit the certificate directly to the Indirect Compensation Office of the Human Resources Department, FB 1120, who will treat the document with all due confidentiality.
Your cooperation in this matter is essential. You are warned that failure to comply with the requirement established in this letter may result in further disciplinary action.
[38] Bien que cet avis ne le mentionne pas, l’absence du 13 septembre 2012 fut considérée comme une absence non autorisée, donc non indemnisée.
[39] M. Thirlwall déclare qu’à cette rencontre, il s’est assuré auprès de Mme Mullin qu’elle avait bien reçu la lettre de Mme Kupfer (U-11, précité), ce qu’elle a reconnu. À cette rencontre, elle était accompagnée de M. Kwabena Otchere, agent de grief. Ce dernier a demandé des précisions au sujet du genre de certificat médical qui était exigé et sur le genre de maladie qui pouvait justifier une absence. M. Thirlwall lui a répondu qu’un certificat devait donner la raison de l’absence et qu’il laissait à l’appréciation du médecin ce qui pouvait empêcher quelqu’un de travailler ou le rendre inapte à travailler. Constatant que Mme Mullin n’avait pas d’information médicale à lui transmettre, il l’a informée de sa suspension. M. Otchere a voulu poursuivre la discussion. M. Thirlwall a décidé de mettre fin à la rencontre.
[40] Le témoignage de M. Otchere concorde avec celui de M. Thirlwall.
[41] Mme Mullin déclare que M. Thirlwall ne lui a pas demandé le motif exact de son absence lors de cette rencontre. M. Thirlwall, répondant à une question de M. Otchere, a reconnu qu’il connaissait l’état de santé antérieur (i.e. dépression) de Mme Mullin.
[42] Suite à la suspension disciplinaire, le grief no 51 (S-5 précité) fut déposé. L’Employeur y a répondu comme suit le 17 octobre 2012 :
Based on an unusually high number of absences due to alleged sickness, Ms. Christine Mullin has been directed to provide a medical certificate to justify her absence due to sickness, and has been warned that failure to do so may result in disciplinary action. Ms. Mullin did not provide a medical certificate as directed, which justifies the application of disciplinary action. There has been no violation of the Collective Agreement by the Employer, therefore the grievance is denied.
Autres aspects
[43] À l’appui de son appréciation du nombre d’absences sous forme de congés-maladie, M. Thirlwall a comparé le cas de Mme Mullin à d’autres cas et au groupe de (20 personnes salariées) auquel elle appartient.
[44] Selon M. Thirlwall, un tiers environ des salariés utilisent pleinement leur banque de congés de maladie (15 jours ou 105 heures) et, en moyenne, les salariés utilisent 75% de cette banque.
[45] M. Thirlwall a déposé un document (U-9) recensant les congés de maladie pris par l’ensemble des salariés du groupe de Mme Mullin. Pour 2010-2011, on constate que cinq (5) personnes, dont Mme Mullin, ont épuisé leur banque (105 heures). Mme Mullin a à son compte 168 heures. Les autres ont, respectivement, 147, 145, 107 et 110 heures. La moyenne du groupe est de 77.86 heures. Pour l’année 2011-2012, sept (7) personnes dont Mme Mullin ont épuisé leur banque. Mme Mullin a à son compte 152.75 heures. Les autres ont, respectivement, 112.5, 137, 111.5, 112, 109 et 125 heures. La moyenne du groupe est de 85.91 heures.
[46] C’est sur la base de ces données que M. Thirlwall considère que le taux d’absences pour maladie de Mme Mullin est notablement et inhabituellement élevé.
[47] M. Thirlwall a été questionné sur le traitement qu’il a fait des cas où la limite de la banque avait été dépassée. Il déclare que, pour l’année 2010-2011, il a rencontré une des personnes qu’il identifie dans cette situation (en plus de Mme Mullin). À cette occasion, aucune information médicale n’a été demandée et, l’année suivante, cette personne n’a pas excédé ses crédits de congé. Pour l’année 2011-2012, une personne ne faisant pas partie du groupe de Mme Mullin a été rencontrée pour une problématique semblable. La personne a fourni de l’information satisfaisante.
[48] M. Otchere fait partie du groupe. Il déclare qu’il lui est déjà arrivé d’excéder ses crédits de congés de maladie. À une occasion qu’il situe à environ 10 ans, on lui a demandé de voir le médecin de l’Université pour vérifier s’il était apte au travail (« fit to work »). Par contre, durant les 4 ou 5 dernières années, il a excédé sa banque à une ou deux reprises et on ne lui a rien demandé. On ne l’a pas davantage rencontré à ce sujet. Les journées excédentaires n’ont tout simplement pas été payées.
[49] Contre-interrogé à ce sujet, M. Thirlwall reconnaît qu’il n’a pas demandé à Mme Mullin de se soumettre à un examen médical par un médecin désigné par l’Université. Cela ne lui a pas paru nécessaire, Mme Mullin lui ayant elle-même déclaré (mai 2011) qu’elle était suivie médicalement et qu’elle en avait obtenu récemment un diagnostic.
La convention collective (S-1)
[50] Je reproduis ci-après les dispositions auxquelles les argumentations ont fait référence :
ARTICLE 4 - DROITS ET OBLIGATIONS DE LA DIRECTION
4.01 L’administration des Bibliothèques de l’Université relève de l’Université et ne doit pas être exercée de façon à contrevenir aux dispositions de la convention collective.
(…)
17.02 Toute mention d’une mesure disciplinaire doit être retirée du dossier d’une personne salariée après qu’une période de douze (12) mois se soit écoulée sans qu’il n’y ait eu une mesure disciplinaire de la même nature.
De plus, tout avis disciplinaire ou partie d’un tel avis au sujet duquel une personne salariée a eu gain de cause, doit être retiré de son dossier.
ARTICLE - 39 CONGÉS DE MALADIE
39.01 Le but du programme
Le but du programme de congé de maladie est de compenser toute personne salariée qui ne peut accomplir son travail normal, pour sa perte de salaire, suite à une maladie ou un accident autre qu’un accident du travail.
Le coût du régime est défrayé entièrement par l’Université.
39.02 Banque de congés de maladie
a) Advenant un accident ou une maladie de courte durée (par exemple : cinq (5) jours ou moins), une personne salariée a droit à un maximum de quinze (15) jours ou cent cinq (105) heures de congé de maladie par année, (l’année étant calculée à compter du 1 er juin), payable au taux équivalent à celui qu’elle aurait gagné si elle était demeurée au travail. Le crédit annuel des jours de congé de maladie ne s’accumule pas d’une année à l’autre.
Après que les quinze (15) jours de congé de maladie sont utilisés, tout congé supplémentaire est considéré comme un congé sans traitement.
b) L’Université peut exiger qu’une personne salariée signe un rapport d’absence, tel qu’il apparaît à l’Annexe E, pour toute absence due à un accident ou une maladie, lors de son retour au travail.
c) Pour toute absence de quatre (4) jours ou plus pour cause de maladie, l’Université peut demander à une personne salariée de produire un certificat médical qu’elle juge acceptable.
d) Malgré ce que prévoit le présent article, une personne salariée peut reporter un maximum de cinq (5) jours (ou trente-cinq (35) heures) de congé de maladie non utilisés, d’une année à l’autre. Cependant, le nombre total de jours de congé de maladie à court terme ne peut excéder vingt (20) jours ou cent quarante (140) heures, dans une année. Les jours reportés doivent être utilisés pour fins de maladie à court terme.
39.03 Congé de maladie à court terme et invalidité à long terme
a) Dans le cas où la personne salariée est malade pour une période excédant cinq (5) jours ouvrables, elle est couverte par un régime de congé de maladie à court terme, c’est-à-dire qu’elle ne subit pas de perte de salaire pour une période de quatre (4) mois, commençant avec le premier jour ouvrable d’absence.
Après quatre (4) mois, la personne salariée reçoit des prestations d’assurance-salaire (plan d’invalidité à long terme), tel que défini à l’article 38.
Salaire signifie le salaire que la personne salariée recevrait si elle était au travail.
b) Les bénéfices du congé de maladie à court terme sont rétablis un (1) mois suivant le retour à l’emploi actif pour une nouvelle incapacité et trois (3) mois suivant le retour à l’emploi actif pour une rechute; sinon, ils se poursuivent.
c) Pour toute absence due à un congé de maladie prolongé à court terme ou à une invalidité à long terme, l’Université se réserve le droit d’exiger un certificat médical, en tout temps, au cours ou à la fin de l’absence.
Autres unités et conventions collectives
[51] La partie syndicale a déposé en preuve des extraits de conventions collectives d’autres unités de négociation en matière de congés de maladie.
[52] Ces dépôts ont fait l’objet d’une objection quant à leur pertinence. J’y reviendrai dans mon analyse.
[53] La convention collective s’appliquant à l’unité des employés de soutien comporte les dispositions suivantes (S-9) :
ARTICLE 36 - CONGÉS DE MALADIE
36.01 Le but du programme de congés de maladie est de compenser pour la perte de salaire, toute personne salariée qui ne peut faire son travail habituel suite à une maladie ou un accident autre qu’un accident de travail.
Le coût du régime est défrayé entièrement par l’Université.
36.02 a) La personne salariée qui devient invalide suite à une maladie ou un accident a droit à des congés de maladie payés n’excédant pas quatre (4) mois. Après quatre (4) mois, elle est protégée par les dispositions du régime d’assurance pour invalidité à long terme prévu à la clause 37.01.
b) La personne salariée atteinte d’une maladie grave et nécessitant des visites chez des professionnel-les de la santé pour des traitements peut, avec un rapport médical certifiant le nombre de jours nécessaire à ces traitements, ainsi que le repos qui s’en suit, utiliser les jours prévus au paragraphe 36.02 a) pour ce faire.
c) Les périodes successives d’invalidité dues à une rechute, et séparées par un retour au travail de trois (3) mois ou moins, sont réputées faire partie de la même période d’invalidité, c’est-à-dire que le paiement du salaire n’est versé que pendant quatre (4) mois au maximum.
Les périodes successives d’invalidité dont les causes n’ont aucun lien entre elles (nouvelles incapacités) sont également réputées faire partie de la même période d’invalidité si elles sont séparées par un retour au travail d’un (1) mois ou moins.
d) Pour toute absence due à un congé de maladie prolongé, l’Université se réserve le droit d’exiger un certificat médical n’importe quand durant ou après l’absence.
36.03 Pour toute absence, la personne salariée a la responsabilité de prévenir sa ou son superviseur immédiat le plus tôt possible.
36.04 Normalement, les personnes salariées ne sont pas tenues de présenter un certificat médical pour toute absence de cinq (5) jours ouvrables consécutifs ou moins. Néanmoins, l’Université se réserve le droit de demander un tel certificat en tout temps dans les cas d’absences répétées, quelle qu’en soit la durée, ainsi que de faire examiner la personne salariée par un autre médecin.
[54] La convention collective s’appliquant au secteur technique du Syndicat des employés de soutien comporte les dispositions suivantes (S-10) :
ARTICLE 33 - CONGÉ DE MALADIE
33.01 Le but du régime de congé de maladie est de compenser les pertes de salaire de toute personne salariée qui n’est pas en mesure d’exécuter ses tâches habituelles, en raison soit d’une maladie, soit d’un accident autre qu’un accident du travail.
Le coût du régime est assumé en entier par l’Université.
33.02 a) La personne salariée qui est incapable de travailler à cause d’une maladie ou d’un accident a droit à un congé de maladie payé jusqu’à un maximum de quatre (4) mois. Après quatre (4) mois, la personne salariée reçoit des prestations du régime d’invalidité à long terme.
b) Les bénéfices prévus à la présente clause sont rétablis un (1) mois suivant le retour à son emploi régulier pour une nouvelle incapacité, et trois (3) mois suivant le retour à son emploi régulier suite à une rechute, sinon ils se poursuivent.
c) Pour toute absence due à un congé de maladie prolongé, l’Université se réserve le droit d’exiger un certificat médical, en tout temps au cours ou à la suite de cette absence.
33.03 Il incombe à toute personne salariée de prévenir la personne superviseure immédiate de son absence, et ce, le plus tôt possible.
33.04 Règle générale, une personne salariée n’est pas tenue de présenter un certificat médical pour toute absence de cinq (5) jours ouvrables consécutifs ou moins. Cependant, l’Université se réserve le droit d’exiger un tel certificat en tout temps, dans les cas d’absences répétées, qu’elle qu’en soit la durée, ainsi que de faire examiner la personne salariée par un autre médecin.
III. ARGUMENTATIONS
Partie patronale
[55] La procureure commente le contenu des griefs. Elle relève que les griefs 46 et 47 sont de même nature, à savoir qu’ils portent essentiellement sur le cas individuel de Mme Mullin. Le grief 46 (S-2) réclame le retrait de l’avis disciplinaire ainsi que le remboursement de la journée d’absence du 18 juillet 2012. Elle signale qu’en vertu de l’article 17.02 de la convention collective, la mesure n’est plus au dossier étant donné que plus de 12 mois se sont écoulés depuis la dernière mesure de même nature (i.e. suspension S-6 du 25 septembre 2012). Quant au grief 47 (S-3), il réclame des dommages punitifs (200$) au sujet duquel aucune preuve de dommages subis par le Syndicat n’a été offerte.
[56] Quant au grief 51 (S-5), il ne réclame pas le remboursement de la journée d’absence du 13 septembre 2012 mais seulement celui de la journée de suspension.
[57] La question est de savoir s’il y a eu faute et, si c’est le cas, si la sanction est disproportionnée.
[58] La faute en est une d’insubordination face à une directive de l’Employeur. Celui-ci avait le droit d’exiger un certificat médical. La directive était claire. Il est admis qu’on ne l’a pas respectée. Le principe « obey first, grieve later » s’appliquait.
[59] La preuve est ensuite passée en revue et commentée. On considère qu’elle établit que M. Thirlwall avait raison de considérer que le niveau d’absence pour maladie (congés maladie) était inhabituellement élevé. Cette situation durait depuis trois ans. Une directive claire fut donnée le 6 juin 2012 (U-4) de fournir un certificat médical lors de la prochaine absence pour maladie et elle n’a pas fait l’objet d’un grief. Les motifs de cette directive ont été expliqués à Mme Mullin. Peu après, le 18 juillet 2012, elle s’est de nouveau absentée et, sciemment, elle n’a pas remis de certificat médical. M. Thirlwall n’avait pas à lui demander si elle avait été malade. Mme Mullin avait signé le formulaire d’absence (Annexe E de la convention collective), indiquant que l’absence était pour cause de maladie. Elle connaissait les conséquences du non-respect de la directive.
[60] En août 2012, l’Employeur a reçu de Mme Mullin un certificat de la Dre Lounsbury (U-5). Ce certificat atteste que Mme Mullin ne souffre pas d’une condition qui l’empêcherait de travailler. L’Employeur était donc en droit de s’attendre à une amélioration et à ce que sa demande de produire un certificat pour justifier la prochaine absence soit respectée.
[61] Peu après, le 13 septembre 2012, elle s’est de nouveau absentée pour maladie. Toujours sciemment, elle n’a pas produit de certificat médical. Elle déclare aujourd’hui que sa condition ne justifiait pas qu’elle rencontre le médecin.
[62] En l’absence de certificat et en présence d’une lettre du médecin disant que la salariée ne souffrait pas d’une condition l’empêchant de travailler (U-5), que pouvait faire l’Employeur ? Il a imposé une mesure disciplinaire progressive (suspension d‘une journée) et il n’a pas remboursé la journée d’absence étant donné qu’il n’y avait pas preuve de maladie.
[63] Le but de l’article 39 concernant les congés de maladie est de compenser la personne « qui ne peut accomplir son travail (…) suite à une maladie ». La salariée doit démontrer qu’elle remplit cette condition pour être compensée.
[64] La question est de savoir si l’Employeur est forclos d’exiger un certificat médical compte tenu que l’article 39.02 c) prévoit que pour toute absence de 4 jours ou plus pour cause de maladie, il « peut demander à une personne salariée de produire un certificat médical ».
[65] On soutient que si l’Employeur a des doutes ou s’il y a abus, il peut, en vertu de ses droits de gérance, vérifier le motif de l’absence. Un absentéisme abusif est un absentéisme plus élevé que la moyenne sur une longue période (voir JE-5), ce qui est le cas en l’espèce.
[66] À l’appui, on se réfère à la sentence arbitrale Société canadienne des postes (JE-3 en Annexe) établissant certains principes qui ont été largement suivis en jurisprudence arbitrale (voir JE-4, JE-5, JE-7 entre autres). Le fait qu’une convention collective comporte un régime de compensation des absences pour maladie ne dispense pas l’employé de justifier les motifs du congé réclamé.
[67] On voudra plaider que l’Employeur aurait pu requérir un examen médical. Dans le présent cas, il était plus approprié de demander un certificat médical que d’envoyer la salariée en expertise chez un médecin autre que le médecin traitant. Une telle mesure aurait exposé l’Employeur à un grief pour abus et non-respect de la vie privée alors qu’une méthode moins invasive (demande de certificat) était possible. Mme Mullin avait déclaré être suivie par son médecin et elle avait collaboré en déposant un certificat attestant de sa condition (U-5).
[68] L’exigence d’un certificat médical n’est pas une atteinte à la vie privée. Lorsque l’on invoque la maladie, on se soumet implicitement à une possible vérification constituant un exercice des droits de gérance (à l’appui JE-2).
[69] En conclusion, on soutient qu’il y a eu faute (insubordination) et que la sanction était méritée, proportionnée et progressive. Il n’y a aucun motif d’intervention. Les griefs devraient être rejetés.
Partie syndicale
[70] À son tour, la représentante du Syndicat récapitule la preuve. Elle fait ressortir que, jusqu’en mai 2011 (1 ère rencontre de la salariée avec M. Thirlwall), l’Employeur n’a posé aucune question à Mme Mullin au sujet de ses jours de maladie bien que dans les années antérieures, elle ait excédé la banque de ces congés. Le 5 juin 2012 (2 ème rencontre), la situation fut la même, à savoir que l’Employeur n’a contesté aucune des absences. Il n’a pas payé les journées excédant la banque, conformément à l’article 39.02 a). Le Syndicat n’a pas contesté alors l’exigence du certificat médical parce qu’elle visait le futur. Il s’agissait d’un projet. Le Syndicat a néanmoins souligné que l’interprétation que faisait l’Employeur de l’article 39 était nouvelle. Comme le démontre le tableau U-9, d’autres salariés ont aussi excédé la banque en 2010-2011 et en 2011-2012. Seule une autre employée du même groupe a été rencontrée par M. Thirlwall et cette autre employée n’a fait l’objet d’aucune mesure, contrairement au cas de Mme Mullin à qui on a demandé (1) de l’information sur son état de santé et (2) de produire un certificat médical lors de sa prochaine absence pour maladie.
[71] Lors de la troisième rencontre consécutive à l’absence du 18 juillet 2012, l’Employeur n’a pas demandé à Mme Mullin le motif de cette absence. Il a réitéré ses demandes d’information et de certificat. Dans une situation semblable, l’Employeur avait demandé à M. Otchere de subir un examen médical et cela ne fut pas l’objet d’un grief. Cette demande n’a pas été faite à Mme Mullin.
[72] Celle-ci a déposé une lettre de son médecin traitant (U-5) qui atteste qu’elle est apte au travail. L’Employeur a considéré que cette lettre ne justifiait pas l’absence du 18 juillet 2012. On souligne que la lettre du médecin ne se voulait pas un certificat justifiant cette absence, mais répondait plutôt à l’autre demande de l’Employeur, à savoir de fournir une information émanant d’un médecin afin que l’Employeur ait une compréhension adéquate de la condition de la salariée pour s’assurer qu’elle était apte au travail.
[73] Lors de la quatrième rencontre consécutive à l’absence du 13 septembre 2012, l’Employeur n’a pas davantage demandé à Mme Mullin le motif de cette absence. De plus, il a réitéré sa demande d’information émanant d’un médecin alors qu’il était déjà en possession de la lettre (U-5) de la Dre Lounsbury. Dans une telle situation, M. Otchere a insisté pour clarifier les exigences de l’Employeur. M. Thirlwall a mis fin à la rencontre.
[74] L’article 4.01 de la convention prévoit que les droits de gérance ne doivent pas s’exercer « de façon à contrevenir aux dispositions de la convention collective ».
[75] L’article 39.02 b) prévoit qu’en cas d’absence, l’Employeur « peut exiger qu’une personne salariée signe un rapport d’absence, tel qu’il apparaît à l’Annexe E ». C’est ce qui fut fait par Mme Mullin à chaque absence.
[76] L’article 39.02 c) prévoit que l’Employeur « peut demander (…) de produire un certificat médical », et ce, « pour toute absence de 4 jours ou plus pour cause de maladie ». On ne saurait être plus clair.
[77] Et s’il faut s’assurer de la volonté des parties en matière d’exigence de certificat médical, on peut aussi lire à l’article 39.03 c), concernant le « Congé de maladie à court terme et invalidité à long terme », que : « Pour toute absence due à un congé de maladie prolongé à court terme ou à une invalidité à long terme, l’Université se réserve le droit d’exiger un certificat médical, en tout temps, au cours ou à la fin de l’absence ».
[78] En vertu des règles reconnues d’interprétation (JS-1), il faut en conclure que la convention collective est claire : un certificat médical n’est exigible qu’après une absence qui dure plus de 4 jours. La directive de l’Employeur viole la convention collective et, pour cette raison, la maxime « obey first, grieve later » ne s’applique pas.
[79] Si les parties avaient voulu stipuler un droit plus étendu au sujet de l’exigibilité d’un certificat médical, elles l’auraient fait comme en a convenu l’Employeur dans des conventions s’appliquant à d’autres unités de négociation (S-9 et S-10). Ce fut le cas dans la convention des employés de soutien où l’on peut lire (S-9) :
36.04 Normalement, les personnes salariées ne sont pas tenues de présenter un certificat médical pour toute absence de cinq (5) jours ouvrables consécutifs ou moins. Néanmoins, l’Université se réserve le droit de demander un tel certificat en tout temps dans les cas d’absences répétées, quelle qu’en soit la durée, ainsi que de faire examiner la personne salariée par un autre médecin.
[80] Il en fut de même dans la convention collective du secteur technique où l’on peut lire (S-10) :
33.04 Règle générale, une personne salariée n’est pas tenue de présenter un certificat médical pour toute absence de cinq (5) jours ouvrables consécutifs ou moins. Cependant, l’Université se réserve le droit d’exiger un tel certificat en tout temps, dans les cas d’absences répétées, qu’elle qu’en soit la durée, ainsi que de faire examiner la personne salariée par un autre médecin.
[81] L’Employeur prétend que, malgré l’article 39.02 c), il peut exiger un certificat médical comme il l’a fait dans le cas de Mme Mullin. La jurisprudence arbitrale balise l’exercice des droits de gérance en cette matière. L’exigence ne doit pas servir d’instrument de contrôle des présences au travail et l’Employeur doit d’abord à tout le moins démontrer une apparence d’abus, c’est-à-dire de détournement du système de la part d’un employé (à l’appui JS-2). L’Employeur doit avoir des raisons à tout le moins sérieuses et dont la preuve lui incombe, pour demander des précisions sur l’état de santé d’un employé lors d’une absence de court terme. Il doit en démontrer la nécessité et quel préjudice il subirait (à l’appui JS-3). Il a été reconnu que ce n’est pas parce que le nombre d’absences d’un salarié excède la moyenne du groupe que ces absences sont automatiquement injustifiées. Il ne peut y avoir « abus » que lorsque le salarié fait un mauvais usage des congés en les utilisant en dehors de leur finalité (à l’appui JS-4). Or, en l’espèce, il n’a jamais été suggéré que Mme Mullin n’était pas malade lors de ses absences. L’Employeur ne lui a d’ailleurs jamais demandé le motif de ses absences.
[82] La personne salariée a droit au respect de sa vie privée lorsqu’il n’y a ni abus, ni fraude, ni excès ou dépassement d’un seuil raisonnable, ni absence de longue durée (JS-2 et JS-6). Ces situations ne se rencontrent pas en l’espèce.
Réplique patronale
[83] Au sujet des conventions collectives d’autres unités (S-9 et S-10) comme outils de comparaison et d’interprétation, on signale que les régimes en cause ne sont pas les mêmes que celui qui nous intéresse. En effet, ces conventions ne comportent pas de banques de congé de maladie.
[84] Du fait que l’Université a convenu d’une chose ailleurs et qu’il ne l’ait pas fait ici, on ne peut tirer la conclusion qu’il aurait ainsi renoncé par omission à certains de ses droits. Seule la convention collective applicable et à interpréter peut valablement restreindre les droits de gérance.
[85] S’il y a un taux d’absence excessif, l’Employeur peut exiger un certificat médical.
[86] L’interprétation syndicale voulant qu’un certificat ne soit pas exigible dans le cas de toute absence de moins de 4 jours priverait l’Employeur de tout droit de contrôle sur des absences fréquentes et répétitives.
IV. ANALYSE ET DÉCISION |
[87] Les griefs no 46 (S-2) de Mme Mullin et no 47 (S-3) du Syndicat originent des mêmes faits, à savoir le défaut de Mme Mullin de produire un certificat médical exigé par l’Employeur pour justifier son absence du 18 juillet 2012.
[88] Tel que le prévoit l’article 39.02 b) de la convention collective, l’Employeur a demandé à Mme Mullin de signer un rapport d’absence (Annexe E de la convention collective) indiquant la maladie comme motif de l’absence.
[89] N’eût été de l’exigence non satisfaite de produire un certificat médical, cette absence pour le motif de maladie allégué aurait été indemnisée en vertu de l’article 39.02 c) de la convention étant donné qu’il s’agissait, pour l’année de référence, d’une deuxième journée d’absence pour maladie (U-8) par rapport à sa banque qui en comporte quinze (15).
[90] L’Employeur a considéré qu’en ne satisfaisant pas à l’exigence de produire un certificat médical, Mme Mullin (1) s’était absentée sans motif et n’avait donc pas droit d’être indemnisée et (2) avait fait preuve d’insubordination, d’où un avis disciplinaire porté à son dossier (S-4).
[91] Le grief no 46 de Mme Mullin (S-2), tout en admettant qu’il n’y a pas eu production d’un certificat médical, conteste le bien-fondé de ces deux décisions de l’Employeur en invoquant, entre autres, l’article 39 de la convention collective et la Charte des droits et libertés de la personne .
[92] Le grief no 47 (S-3) du Syndicat reprend en partie le grief no 46 en contestant spécifiquement l’exigence de fournir un certificat médical pour l’absence du 18 juillet 2012, la considérant comme contraire à l’article 39 de la convention collective. Le grief réclame, pour le Syndicat, des dommages punitifs de 200$.
[93] Quant au grief no 51 (S-5) de Mme Mullin, il vise des faits qui sont en quelque sorte une répétition ou un prolongement du même litige. Mme Mullin s’étant absentée le 13 septembre 2012 en invoquant comme motif la maladie et en faisant défaut de produire un certificat médical, fut à nouveau l’objet d’une mesure disciplinaire, plus sévère cette fois, à savoir une (1) journée de suspension (S-6).
[94] Bien que cet avis de suspension ne le mentionne pas expressément, cette absence fut considérée comme non autorisée (U-8) et, en conséquence, elle ne fut pas indemnisée en vertu de l’article 39.
[95] Le grief no 51 ne mentionne pas spécifiquement que le remboursement de l’absence est réclamé. Toutefois il allègue la violation de l’article 39 de sorte que ce serait faire preuve d’un formalisme indu que de considérer qu’il y a renonciation à ce remède qui m’apparaît nettement implicite.
[96] Comme on peut le constater, le litige comporte deux dimensions. De façon immédiate, il s’agit d’une contestation de mesures disciplinaires. De façon fondamentale, il s’agit d’une mésentente relative à l’interprétation de l’article 39.02 traitant du programme de congé de maladie.
[97] En effet, la preuve démontre que, dès juin 2012, l’Employeur a demandé à Mme Mullin de fournir, entre autres, un certificat médical lors de sa prochaine absence pour maladie (U-4) et que, le Syndicat a soulevé que, selon lui, une telle exigence était contraire à l’article 39.02 c) de la convention collective sans, toutefois, faire grief. Je ne tire aucune conclusion juridique de cette situation. Il reste que c’est dès ce moment que l’on voit poindre le véritable litige qui oppose les parties au plan de l’interprétation et que cela aura des répercussions sur l’attitude adoptée par Mme Mullin lors de ses absences subséquentes. Elle considérait, comme son Syndicat, que l’Employeur ne pouvait, sans violer l’article 39.02, lui imposer l’obligation de fournir un certificat médical en cas d’absence de moins de 4 jours. Il est déplorable qu’il ait fallu se rendre à l’imposition de mesures disciplinaires pour insubordination pour que le litige se cristallise. Il nous faut maintenant, comme le veut l’expression populaire, « faire avec ».
[98] J’estime qu’on ne peut équitablement et logiquement décider du bien-fondé des mesures disciplinaires sans disposer d’abord de la validité de l’exigence de fournir un certificat médical en regard de l’article 39 de la convention collective.
[99] L’exigence de fournir un certificat médical participe de l’exercice des droits de la direction sous réserve de ce que peut par ailleurs prévoir la convention collective. À ce sujet, l’article 4.01 énonce que l’Employeur ne doit pas exercer ces droits « de façon à contrevenir aux dispositions de la convention collective ».
[100] L’article 39 institue un programme de congés de maladie. Son but est exprimé à l’article 39.01. Il sert à « compenser toute personne salariée qui ne peut accomplir son travail normal, pour sa perte de salaire, suite à une maladie ou à un accident autre qu’un accident du travail ». Le coût de ce régime est entièrement à la charge de l’Employeur. Il revient à ce dernier d’administrer ce programme, ce qui implique un contrôle au plan du respect de ses finalités. Le programme ne sert à compenser que des absences pour une maladie qui empêche la personne salariée d’accomplir son travail normal.
[101] L’article 39.02 élabore les modalités du programme. Chaque personne salariée a droit à une banque de congés de maladie de 15 jours ou 105 heures par année de référence (para. a). Une fois cette limite atteinte et sous réserve de reports d’une année à l’autre [para. d) qui n’est pas en cause ici], les journées d’absence pour maladie sont sans traitement (para. a).
[102] Dans le cadre de la gestion du programme, l’Employeur peut exiger que la personne salariée signe un rapport d’absence que l’on retrouve à l’Annexe E de la convention (para. c). Ce « formulaire d’absence » sert à plusieurs types d’absences dont celles ayant trait aux congés de maladie. En le signant, la personne salariée atteste du motif de son absence. La preuve a démontré que ce formulaire est utilisé systématiquement. Ainsi, si la personne salariée signe un formulaire où la mention « congés maladie / Sick leave » est cochée, elle déclare s’être absentée pour ce motif.
[103] Enfin, au paragraphe c), il est question du certificat médical en ces termes (S-1) :
c) Pour toute absence de quatre (4) jours ou plus pour cause de maladie, l’Université peut demander à une personne salariée de produire un certificat médical qu’elle juge acceptable.
[104] C’est ici que se noue le litige en matière d’interprétation. Pour la partie syndicale, cela signifie que, pour toute absence de trois (3) jours ou moins, l’Employeur ne peut pas demander de produire un certificat médical.
[105] L’argument est a contrario . On considère qu’en convenant des cas où un certificat médical est exigible, c’est-à-dire à l’article 39.02 c) (précité) ainsi qu’à l’article 39.03 c) (pour le congé de maladie prolongé à court terme ou pour une invalidité à long terme), l’Employeur a renoncé à cette exigence dans les autres cas.
[106] On en veut pour preuve supplémentaire, et toujours a contrario, que, dans des conventions collectives conclues pour deux autres unités syndicales, l’Université a convenu en matière de congés de maladie du texte suivant (S-9, art. 36.04 et S-10, art. 33.04) :
Règle générale, une personne salariée n’est pas tenue de présenter un certificat médical pour toute absence de cinq (5) jours ouvrables consécutifs ou moins. Néanmoins, l’Université se réserve le droit de demander un tel certificat en tout temps dans les cas d’absences répétées, quelle qu’en soit la durée, ainsi que de faire examiner la personne salariée par un autre médecin.
[107] La partie syndicale en déduit que l’Employeur ne s’est pas réservé le droit de demander en tout temps, dans les cas d’absences répétées (ce qui est allégué par l’Employeur en l’espèce à l’égard de Mme Mullin), un certificat médical dans le cadre de la convention collective ici en cause. Il y aurait donc renoncé conventionnellement.
[108] La partie patronale s’est objectée à la mise en preuve des conventions collectives des autres unités syndicales au motif de leur non-pertinence. J’ai pris cette objection sous réserve.
[109] Après analyse, je fais droit à cette objection. Ces conventions collectives constituent de la preuve extrinsèque qui, en principe, n’est recevable que si on convainc l’arbitre au préalable que l’on est en présence d’une clause vague ou ambigüe au plan de l’interprétation. Ce n’est certainement pas le cas ici où, au premier chef, la partie syndicale plaide la clarté de l’article 39.02.
[110] Par ailleurs, Morin et Blouin ( Droit de l’arbitrage de grief, 6 e éd., p. 419-420) nous apprennent que c’est « exceptionnellement » qu’une convention collective liant une autre unité d’accréditation dans la même entreprise peut être admise en preuve. Il est notamment exigé, en pareil cas, que l’autre Syndicat se voit reconnaître un droit d’intervention puisque ses droits et/ou l’interprétation de sa convention collective sont éventuellement en jeu. Les autorités auxquelles les auteurs font référence ne sont pas des cas où l’on tentait de se servir de la convention collective d’une autre unité comme des aides à l’interprétation de la convention sous l’empire de laquelle le grief était soumis. Ces autorités font plutôt référence à des situations où la convention collective de l’autre unité avait une incidence éventuelle sur le litige principal.
[111] À ceci, j’ajoute que les conventions collectives S-9 et S-10 ne comportent pas un programme de congés de maladie sous forme de banque, ce qui rend précaire toute comparaison. Enfin, je note que, si on suivait le raisonnement syndical, du fait que ces conventions prévoient aussi le « droit de faire examiner la personne salariée par un autre médecin » et du fait que la convention collective ici en cause ne le prévoit pas, il faudrait déduire que l’Employeur y aurait renoncé. Or la partie syndicale soutient entre autres, en prenant pour exemple le cas de M. Otchere, que l’Employeur aurait pu demander un tel examen dans le cas de Mme Mullin.
[112] Pour tous ces motifs, j’écarte de la preuve les conventions collectives des autres unités (S-9 et S-10).
[113] Je reviens à la convention collective qui nous intéresse. C’est à partir de ce qu’ont négocié les parties entre elles qu’il faut décider de l’argument central, selon lequel l’article 39.02 c) comporterait la renonciation à exiger un certificat médical pour une absence pour maladie de 3 jours ou moins.
[114] La jurisprudence arbitrale s’est déjà, à maintes reprises, prononcée sur cet argument.
[115] Une banque de congés de maladie constitue un bénéfice attribué à la personne salariée lui garantissant, dans une certaine mesure, son salaire lorsqu’elle se trouve, pour cause de maladie, dans une situation d’incapacité de fournir sa prestation normale de travail. C’est à l’égard de cette finalité qu’est organisé un régime ou programme dont l’administration est confiée à l’Employeur qui en assume les coûts. L’administration du programme implique un contrôle en fonction de sa finalité. À cet égard, les parties peuvent prévoir certaines modalités. En l’espèce, on note que la personne salariée peut être appelée à remplir un formulaire où elle indique ou confirme simplement que le motif de son absence est la maladie, sans plus de détails. Toutefois, dans le cas d’une absence pour maladie de 4 jours ou plus, l’Employeur peut exiger un certificat médical qui le satisfasse.
[116] Peut-on en déduire, comme le suggère ici la partie syndicale que, du seul fait que l’on ait stipulé cette dernière modalité, l’Employeur a renoncé à une telle exigence pour des absences de 3 jours ou moins ? Unanimement, la jurisprudence arbitrale, du moins les décisions qui m’ont été soumises, répond par la négative. Ces décisions ayant à interpréter des clauses et programmes similaires où les parties rendaient le certificat médical exigible après un nombre déterminé de jours (3, 4, 5) sont les suivantes :
- Société canadienne des Postes -et- Syndicat des postiers du Canada (JE-3 en annexe)
- Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 307 -et- Ville de Longueuil (JE-5 en annexe)
- Hudon et Deaudelin ltée -et- Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 (JE-7 en annexe)
-
Société canadienne des Postes -et- Syndicat des travailleurs et
travailleuses des Postes
,
-
Teamsters Québec, section locale 931 -et- Médis, services pharmaceutiques
et de santé inc
.,
-
Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce,
section locale 503 -et- Société des Casinos du Québec inc
.,
-
Union des employées et employés du transport local et industries
diverses, section locale 931 c. Frumkin
(C.S.),
- Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’alimentation en gros de Québec inc. (CSN) -et- Épiciers unis Métro-Richelieu inc. (JE-6 en annexe).
[117] Pour synthétiser le raisonnement juridique élaboré compte tenu des droits de direction par rapport à la clause de congés de maladie, je retiens le passage suivant, que je fais mien, de la décision Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 307 -et- Ville de Longueuil (JE-5) qui traite de la thèse de la renonciation :
[65] La question que pose le grief est donc la suivante : Eu égard à l’article 27.05 a) de la convention collective et compte tenu des faits relatifs au dossier d’absentéisme de Dominic David, est-ce que l’Employeur pouvait exiger un certificat médical pour les absences de 2 jours et moins ?
(…)
[73] Dans le cas sous étude, les parties ont encadré le droit de gérance de l’Employeur. De façon plus spécifique, les parties ont prévu que l’Employeur pouvait exiger la production d’un certificat médical à partir de la troisième journée où un salarié s’absente pour maladie.
[74] La partie syndicale soutient que, ce faisant, l’Employeur a renoncé à pouvoir demander un certificat médical pour toute absence-maladie de deux jours ou moins. Sinon, dit-elle, l’article 27.05 a) n’a pas de portée, n’a pas de sens.
[75] Ce n’est pas la lecture que je fais de cet article de la convention collective.
[76] La rédaction de cet article 27.05 a) n’est pas ainsi construite qu’elle nie le droit à l’Employeur de demander en toute circonstance un certificat médical dans les cas d’absence-maladie de moins de trois jours. À titre d’exemple, ledit article ne dit pas que l’Employeur ne peut exiger, de toute personne salariée qui se déclare malade pour moins de trois jours, la production d’un certificat médical ou, encore, qu’en toute circonstance l’Employeur ne peut exiger la production d’un certificat médical pour toute absence-maladie de moins de trois jours.
[77] Je suis d’avis que l’article 27.05 a) empêche l’Employeur de requérir un certificat médical pour une absence de courte durée en situation normale, c’est-à-dire en l’absence d’absentéisme abusif ou en l’absence de motifs raisonnables de croire à fraude, supercherie ou tout autre motif s’apparentant à ce type de fautes.
(…)
[79] Compte tenu de l’article 4.01 de la convention collective, de la rédaction de l’article 27.05 a) et de la jurisprudence arbitrale ci-haut citée, on ne peut donc lire l’article 27.05 a) de cette même convention comme énonçant clairement une interdiction formelle et totale à l’Employeur d’exiger un certificat médical pour une absence-maladie de deux jours ou moins.
[80] Lesdits articles 4.01 et 27.05 a) de la convention collective se concilient parfaitement dans la mesure où il est compris que l’Employeur a renoncé à son droit d’exiger un certificat médical lors d’absence-maladie de moins de trois jours si le dossier d’absentéisme ciblé en est un normal, c’est-à-dire qu’il n’est pas abusif ou qu’il n’odore pas supercherie ou fraude.
[118] En conséquence, j’écarte l’argument syndical voulant que l’Employeur ne puisse exiger un certificat médical pour une absence pour maladie de 3 jours ou moins pour le motif qu’il y aurait renoncé en convenant de l’article 39.02 c) de la convention collective.
[119] L’Employeur peut exiger un certificat médical, en marge de l’article 39.02. Ce faisant, il exerce ses droits de direction. Mais cela ne lui procure pas toute licence comme, tout aussi unanimement, la jurisprudence dont j’ai fait état plus haut l’a décidé. L’Employeur peut exiger un certificat « pour cause » et selon les particularités du cas. Il ne peut en faire une exigence générale et systématique au mépris de l’article 39.02 c) qui représente la norme et la normalité des choses. En tout état de cause, les droits de direction ne peuvent être exercés de façon arbitraire, discriminatoire, abusive ou illégale.
[120] Les motifs reconnus par la jurisprudence pour justifier l’exigence d’un certificat médical sont exprimés diversement. On retrouve, non exhaustivement, les formulations suivantes :
- s’il a des motifs de croire que l’absence est due à des causes autres que la maladie;
- s’il existe un motif raisonnable de douter de la seule affirmation du salarié à l’effet qu’il était malade;
- si, en présence d’un piètre dossier d’assiduité, on constate un modèle (« pattern ») qui fait voir que les absences prolongent des jours de congé ou autre circonstance suspecte;
- dans le cas d’absences répétées, à causes multiples, anormales et difficilement explicables, après rencontre à ce sujet avec l’employé visé, lorsque les explications n’ont pas été offertes ou sont apparues douteuses et qu’il en est résulté une appréhension sérieuse d’abus du système s’apparentant à la fraude;
- en cas d’absentéisme abusif et/ou d’usage abusif de la banque de congés de maladie et/ou de « dépassement d’un seuil raisonnable » ou par rapport à la moyenne.
[121] En cette matière, il n’y a pas de formule toute faite et universellement applicable. Chaque cas est un cas d’espèce qui doit être analysé selon ses particularités.
[122] J’en viens à cette étape. Quels étaient d’après la preuve les motifs de l’Employeur de demander, entre autres, un certificat médical ? Ces motifs étaient-ils véridiques? Étaient-ils de quelque manière arbitraires, abusifs, discriminatoires ou illégaux, c’est-à-dire portant atteinte au droit à la vie privée ?
[123] D’après la preuve, l’élément déclencheur de l’exigence est le nombre d’absences de courte durée de Mme Mullin pour raison de maladie qui a été considéré comme important et inhabituel. En plus de poser des problèmes organisationnels, cette situation a suscité un questionnement sur l’état de santé et l’aptitude au travail (« fit to work ») de Mme Mullin.
[124] Le traitement de cette question fut évolutif. En un premier temps, en mai 2011, l’Employeur a voulu sensibiliser la salariée au sujet de son taux d’absentéisme et lui faire part de ses préoccupations tout en lui demandant de lui fournir de l’information sur sa condition de santé. On relève que Mme Mullin a reconnu qu’elle s’était absentée fréquemment, qu’elle a déclaré qu’elle venait d’obtenir un diagnostic et qu’elle était suivie médicalement de sorte que son dossier d’absentéisme devrait s’améliorer.
[125] À cette étape (mai 2011), en regard des prises de congé de maladie, le dossier de Mme Mullin était le suivant :
- pour 2009-2010, il y avait 149.5 heures d’absence pour maladie, soit un peu plus de 21 jours (U-14);
- pour 2010-2011, il y avait 168 heures d’absence pour maladie correspondant à 24 jours (U-6).
[126] Un (1) an plus tard (juin 2012), le dossier faisait voir 152.75 heures d’absence pour maladie, soit environ 22 jours (U-7). C’est à ce moment que l’Employeur avise formellement Mme Mullin qu’il considère qu’elle a un nombre important et inhabituel d’absences pour maladie (« unusually high number of individual sick days taken by you », U-4). Il lui demande de fournir des informations sur sa condition dans le but (1) « to be sure that you are fit to work » et (2) « to be able to administer your sick leave provisions in due manner » (U-4). Et, spécifiquement, il requiert que lors d’une prochaine absence pour maladie, elle fournisse un certificat médical tout en indiquant la procédure garantissant un traitement confidentiel de l’information.
[127] Sur l’aspect du nombre d’absences qualifié d’inhabituellement élevé, une preuve comparative a été offerte couvrant les années 2010-2011 et 2011-2012 (U-9). Pour ces deux années, Mme Mullin est celle qui a le plus d’absences. À l’intérieur du groupe de personnes salariées dont elle fait partie (20 au total), 4 autres ont excédé la banque (i.e. plus de 15 jours) en 2010-2011 et 6 autres en 2011-2012. La moyenne des heures d’absences pour maladie du groupe s’établit à 77.86 en 2010-2011 par rapport à 168 heures pour Mme Mullin. Pour 2011-2012, la moyenne est à 85.91 heures par rapport à 152.75 heures pour Mme Mullin.
[128] L’écart est significatif et permet de soutenir raisonnablement que Mme Mullin représentait un cas d’absentéisme élevé et se distinguant des autres. Bien sûr, elle n’est pas la seule à avoir excédé la banque de congés de maladie, ce qui peut être considéré comme une référence indicative. Mais une analyse plus approfondie des statistiques pour les années 2010-2011 et 2011-2012 démontre que Mme Mullin, avec une autre personne salariée, est la seule à avoir excédé la banque durant ces deux années. L’autre personne salariée qui l’a excédée s’est absentée 110 heures en 2010-2011 et 109 heures en 2011-2012 (le seuil étant 105) en comparaison de 168 heures et de 152.75 heures pour Mme Mullin. De plus, si on extrait le cas de Mme Mullin du groupe, la moyenne d’heures d’absences est de 73.12 heures pour 2010-2011 (vs 168 heures pour Mme Mullin) et de 82.39 heures pour 2011-2012 (vs 152.75 heures pour Mme Mullin).
[129] Cela explique pourquoi le cas de Mme Mullin fut traité de façon particulière et j’estime qu’étant donné sa singularité, on ne peut parler d’un traitement discriminatoire.
[130] Tel qu’exposé plus haut, la jurisprudence reconnaît qu’un certificat médical peut être exigé en cas d’absences répétées, au-delà d’un seuil raisonnable ou par rapport à la moyenne, qui permettent de douter raisonnablement que les absences soient réellement dues à la maladie, ce qui correspond à la notion d‘abus.
[131] La décision dans le dossier Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 307 -et- Ville de Longueuil en fournit un exemple (JE-5) :
[81] Incidemment, dans ces derniers cas, l’existence de motifs raisonnables de croire à supercherie ou fraude est assez facile à vérifier. Il en va par ailleurs autrement de la définition de ce qu’est un « absentéisme abusif ». En l’absence de définition à la convention collective, ce concept d’absentéisme abusif est plus fluide, plus difficile à cerner. Pour le soussigné, à titre de référence indicative, un taux d’absentéisme annuel qui serait le double du taux d’absentéisme moyen des cols bleus constituerait très certainement le déclencheur de l’exception au principe de l’article 27.05 a) à l’effet que l’Employeur ne peut exiger de certificat médical pour une absence-maladie inférieure à 3 jours. En termes plus concrets, les statistiques sur les absences pour cause de maladie de 2011 seraient l’assise sur laquelle l’Employeur serait justifié en 2012 de se prévaloir de son droit d’exiger un certificat médical pour une absence-maladie de moins de trois jours.
[132] Les préoccupations de l’Employeur face au dossier de Mme Mullin apparaissent raisonnables et légitimes. Il les manifeste dans sa lettre du 5 juin 2012 (U-4). Il demande de façon générale de l’information sur la condition de Mme Mullin en évoquant ses préoccupations sur sa capacité à fournir une prestation de travail régulière (« fit to work ») et ses responsabilités en matière d’administration de sa banque de congés de maladie en conformité de la convention collective, ce qui signifie qu’il désire s’assurer que les absences sont dues à la maladie. Puis, spécifiquement, il demande de fournir un certificat médical lors de la prochaine absence.
[133] Pour les motifs exprimés plus haut, j’en viens à la conclusion que cette demande de fournir un certificat médical, au moment et dans le contexte où elle a été formulée, n’était ni abusive, ni arbitraire, ni discriminatoire.
[134] Cette demande équivaut à une directive. Le fait de ne pas obtempérer à une directive peut donner lieu à un reproche d’insubordination et faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Il n’y a cependant pas d’automatisme à cet égard. Les circonstances entourant le manquement allégué doivent être prises en compte. Ceci m’amène à examiner le volet disciplinaire du dossier.
L’avis disciplinaire du 20 juillet 2012 (S-4)
[135] Le 18 juillet 2012, Mme Mullin s’absente. Elle invoque la maladie. Elle le confirme en signant le formulaire prévu à cette fin. On lui demande si elle a un certificat médical et, sinon, si elle a l’intention d’en fournir un. Elle répond par la négative. Elle ne fournit aucune explication ou précision particulière. On lui impose un avis disciplinaire et on l’avise que sa journée d’absence ne sera pas compensée par sa banque de congés de maladie. Cette décision pourra être révisée si elle produit subséquemment le certificat médical requis. Enfin, l’Employeur réitère sa demande en cas de nouvelle absence, prévenant des conséquences disciplinaires d’un nouveau manquement.
[136] Mme Mullin et le Syndicat déposent les griefs nos 46 et 47. Le grief du Syndicat invoque que l’exigence du certificat violait l’article 39.02 c) de la convention collective. J’ai déjà décidé de cette question.
[137] Le grief de Mme Mullin reprend le même argument mais il allègue en plus que l’exigence violait la Charte des droits et libertés de la personne . En témoignage, Mme Mullin déclare qu’elle avait souffert d’un dérangement intestinal, que cela ne nécessitait pas une consultation médicale. Dans un second témoignage, elle parle d’un syndrome prémenstruel et invoque, à l’encontre de l’exigence, le droit au respect de sa vie privée. Enfin, on plaide que l’Employeur n’a pas demandé à Mme Mullin le motif de son absence.
[138] À cela, l’Employeur oppose que la directive était claire, que la faute est admise et que la maxime « obey first, grieve later » s’appliquait.
[139] En premier lieu, je considère que l’on ne peut valablement reprocher aux représentants de l’Employeur de ne pas avoir demandé à Mme Mullin le motif de son absence. Mme Mullin avait bel et bien attesté que le motif était la maladie en signant le formulaire d’absence. L’Employeur était donc justifié de prendre pour acquis que ce motif était invoqué.
[140] Par ailleurs, rien n’empêchait Mme Mullin de fournir certaines explications (comme elle l’a fait en témoignage) pour justifier qu’elle n’avait pas ou n’entendait pas fournir un certificat médical. Malgré qu’il ait émis sa directive, l’Employeur avait l’obligation de prendre en considération loyalement l’explication fournie avant de conclure à une faute et d’user de son pouvoir disciplinaire. Elle a choisi de ne pas le faire pour, semble-t-il, deux motifs. Le premier était, comme pour son Syndicat, que l’exigence contrevenait à l’article 39.02 c). Cette position était connue de l’Employeur et son désaccord également. L’autre motif qui fut précisé lors de son témoignage est que l’exigence violait son droit au respect de sa vie privée, ce qui revient à contester le bien-fondé de la directive en général.
[141] Cet argument est traité en doctrine au sujet de l’insubordination et des exceptions à la maxime « obey first, grieve later ». Brown & Beatty ( Canadian Labor Arbitration , 4 th ed., vol. 1) écrivent notamment : (mes soulignements) :
7:3600 Insubordination
7:3610 Refusal to follow instructions
One of the most basic and long-standing rules of arbitration law is that employees who dispute the propriety of their employers’ orders must, subject to the considerations that follow, comply with those orders and only subsequently, through the grievance procedure, challenge their validity. This general principle, which requires employees to « work first and grieve later », has been applied in industrial, educational and hospital settings, and to professional employees.
(...)
Employees may be found to have been insubordinate even when the refusal does not concern a work assignment. For example, the rule has been applied to a refusal by an employee to: answer a supervisor’s inquiry or request for information; desist from involvement in a charitable foundation potentially critical of his government’s policies, from reading a confidential letter and from participating in a sit-in during a lawful strike; undergo a medical exam and/or procure a medical certificate; (…)
(...)
7:3620 Exceptions
When the grievance and arbitration process cannot provide adequate relief to employees who obey orders that turn out to be unlawful or illegitimate in some way, the general principe of « obey now/grieve later » has no application. In these circumstances, arbitrators have consistently taken the view that the harm employees suffer in being required to comply with such orders is more compelling than the employer’s interest in maintaining its production and its managerial authority.
(...)
Over time, it has come to be accepted that when an employer’s direction affects the most personal and private parts of an employee’s life, he or she may also be excused from the strictures of the rule. To take advantage on any of these exceptions, however, employees bear the onus of proving that their circumstances fall within one of the exceptions and that they communicated to reasons for their refusal to the supervisor involved .
Arbitrators have often cautioned against unduly extending these exceptions to the point where they would swallow the rule. The presumption is that employees who wish to challenge the propriety of a particular work assignment, and more generally the employer’s right to manage its business, should do so directly through the grievance and arbitration process, rather than indirectly by way of a defence to a charge of insubordination. However, arbitrators have recognized that in certain circumstances, for example where the order unambiguously violates the collective agreement and is not simply of dubious validity, the rule ought not to apply. As well, some arbitrators use a balancing approach and invoke what has been characterized as the « disproportionate harm » exception, taking the view that when a refusal to comply does not seriously prejudice the employer’s ability to maintain production or challenge its symbolic authority, the conduct of the grievor should not be viewed as insubordinate.
(...)
For almost all arbitrators, a finding that the grievor did not intend to challenge the employer’s authority, that he or she did not act with a blameworthy state of mind and/or that the employer’s production was unaffected by the refusal, will affect the severity of the penalty imposed .
(...)
7:3625 Personal privacy
An important exception to the work first, grieve later rule recognizes that employees are justified in refusing to comply with orders that impinge too deeply on the personal and private parts of their lives. Here, arbitrators typically compare the nature of the invasion into the employee’s privacy with the reasons the direction was given. On this line of reasoning, arbitrators have generally taken the position that employees cannot be disciplined for refusing to submit to a physical search of their person or property unless the collective agreement authorizes such a procedure, or a practice of searching employees has made it an implied term of employment, or unless the employer has legitimate concerns about its security.
(...)
Even when a search is legitimate, it must be conducted reasonably. In balancing the interests of the employer and employee, arbitrators have required that all other alternatives must be exhausted, reasonable steps must be taken to inform employees, and the search must be conducted in a systematic and non-discriminatory manner. Indeed, the view has been expressed that where an employer has reasonable grounds to suspect an employee of theft, it ought to be prepared to ask for police assistance if its request to look into the employee’s personal effects is rejected.
The circumstances in which employees can refuse to undergo drug and alcohol testing, to provide medical information or be examined by a physician, to take a polygraph test, to be fingerprinted, or to undergo a criminal records check, are defined by the same balancing-of-interests approach noted earlier.
[142] De ces extraits, je retiens que l’intrusion dans les aspects les plus personnels de la vie privée figure parmi les exceptions à l’obligation d’obéir sur-le-champ à une directive. Par ailleurs, je remarque que la portée des exceptions se veut limitée, s’intéressant aux atteintes les plus profondes (i.e. « orders that impinge too deeply on the personal and private parts of their lives »). De plus, le fardeau de démontrer que le cas fait partie de l’exception repose sur la partie qui invoque cette exception. Surtout, on exige que les raisons du refus de se conformer à la directive (ici, le respect de la vie privée qui se trouverait enfreint par l’exigence du certificat médical) soit communiqué lors du refus. Il m’apparaît qu’il en est ainsi parce que ces raisons sont de nature à influer sur l’attitude de celui qui formule la directive, lui permettant de réévaluer sa position le cas échéant et d’ainsi éviter l’engrenage disciplinaire. L’état d’esprit de celui qui refuse de se conformer à la directive est également pris en considération dans la lourdeur de la sanction. Enfin, on applique une approche prenant en compte les intérêts de part et d’autre (« balancing-of-interests approach »). Notamment, on examine s’il y avait des solutions alternatives, si des informations avaient été données ou des étapes franchies de façon préliminaire et si on a utilisé l’approche la moins intrusive.
[143] Venons-en au cas qui nous occupe en nous plaçant au 20 juillet 2012. Requérir de l’information ou un certificat médical est certes de nature à porter atteinte au droit à la vie privée. L’exposé de Me Bich, alors arbitre dans l’affaire S.E.P.B., section locale 57 -et- Caisse populaire Saint-Stanislas de Montréal (JS-3) en constitue une éloquente démonstration. Il est toutefois reconnu que ce droit, en contexte d’absentéisme abusif, n’est pas absolu. C’est également le cas lorsque, alléguant la maladie, on réclame un bénéfice prévu à la convention collective qu’il s’agisse d’une compensation ou d’une simple autorisation d’absence. Le caractère non absolu ou relatif du droit à la vie privée par rapport au droit d’exiger un certificat médical qui satisfasse l’Employeur est incidemment reconnu par les parties puisque l’article 39 de la convention collective prévoit expressément des cas où le certificat médical peut être exigible.
[144] J’ai déjà déterminé plus haut que, dans le cas de Mme Mullin, cette exigence ne contrevenait pas à la convention collective et qu’elle était justifiée dans les circonstances. Je retiens de la preuve qu’elle a été précédée d’étapes préliminaires lors desquelles la salariée fut sensibilisée aux préoccupations de l’Employeur et invitée à fournir d’elle-même de l’information. Subséquemment, l’Employeur a communiqué plus formellement, verbalement et par écrit, ses motifs à l’appui de sa demande tout en déterminant une procédure de transmission de l’information requise garantissant un traitement confidentiel de ces renseignements dans le sens où ils ne seraient pas portés à la connaissance de ses supérieurs hiérarchiques. La directive était claire et comprise. Je relève que ni lors de ces étapes préliminaires, ni au moment où elle a indiqué qu’elle ne fournirait pas un certificat médical, Mme Mullin non plus que son Syndicat n’ont invoqué une atteinte à sa vie privée. Par ailleurs, je considère que l’exigence d’un certificat médical émanant du médecin de la salariée est beaucoup moins intrusive que ne l’aurait été celle de se soumettre à un examen médical par un médecin désigné par l’Employeur. Il s’agissait d’un moyen à la fois le plus approprié et non disproportionné compte tenu de la situation.
[145] Pour ces motifs, j’en viens à la conclusion que, dans les circonstances et compte tenu de l’état du droit tel que rapporté plus haut, l’exigence de fournir un certificat médical lors de l’absence du 18 juillet 2012 ne constituait pas une atteinte trop profonde au droit à la vie privée. Je considère que le refus de se conformer à la directive invoquant a posteriori ce motif n’entre pas dans les exceptions reconnues au principe « obey first, grieve later ».
[146] En conséquence, l’Employeur était justifié de considérer qu’il y avait faute d’insubordination et de recourir à une mesure disciplinaire corrective.
[147] Par ailleurs, je considère que le refus de Mme Mullin ne constituait pas un défi à l’autorité de l’Employeur et ne procédait pas d’un état d’esprit blâmable. Elle s’en tenait, de bonne foi, à la position de son Syndicat estimant, également de bonne foi, que cette exigence contrevenait à la convention collective. Pareille circonstance milite en faveur d’une sanction moins sévère. Ce fut le cas puisque l’Employeur a porté à son dossier un avis disciplinaire. Il n’y a donc aucun motif de réviser cette décision.
[148] Par ailleurs, l’Employeur était également justifié de conclure que le motif de maladie justifiant l’absence du 18 juillet 2012 n’avait pas été démontré. En conséquence, il pouvait valablement, en tant qu’administrateur de la banque de congés de maladie, refuser de compenser cette absence.
La suspension disciplinaire du 25 septembre 2012 (S-6)
[149] Avant d’en venir à cet événement, rappelons que le 8 août 2012, Mme Mullin a consulté son médecin. Sa démarche apparaît découler des demandes de l’Employeur visant à obtenir de l’information sur sa condition en regard de la préoccupation manifestée au sujet de son aptitude au travail ( « fit to work » ). Mme Mullin déclare qu’elle a relaté au Dr Lounsbury la situation qu’elle vivait par rapport aux demandes de l’Employeur. Le médecin lui a remis, à l’intention du service des ressources humaines, un document que l’on pourrait qualifier de « bulletin de santé » (U-5, précité). Ce document fut transmis à ce service qui en a conclu, tout en respectant la confidentialité de l’information, qu’il ne justifiait aucunement l’absence précédente du 18 juillet 2012 (U-11).
[150] La partie syndicale a raison de souligner que ce bulletin médical ne visait aucunement à justifier l’absence du 18 juillet 2012 mais qu’il visait plutôt à satisfaire la demande plus générale de fournir de l’information sur la condition de Mme Mullin au sujet de son aptitude au travail.
[151] À sa face même le document émis par le médecin ne fait aucune référence à des motifs médicaux ayant trait à l’absence du 18 juillet 2012. Il semble que, du côté de l’Employeur, il y ait eu méprise à ce sujet, ce qui est par ailleurs déplorable puisque cette démarche de Mme Mullin dénote plutôt un esprit de collaboration auquel l’Employeur avait déjà fait appel.
[152] Le 13 septembre 2012, Mme Mullin s’est absentée. Le scénario fut le même que pour l’absence précédente. Un formulaire invoquant la maladie comme cause de l’absence fut signé. Aucun certificat ne fut remis et aucune explication ne fut fournie. Une mesure disciplinaire (S-6) plus sévère, soit une suspension d’une (1) journée fut imposée, d’où le grief no 51 (S-5) de Mme Mullin reprenant les mêmes allégations que son grief (no 46, S-2) précédent.
[153] Étant donné la similitude des circonstances par rapport à la mesure précédente, je ne crois pas utile d’élaborer et de répéter ce que j’ai déjà écrit plus haut.
[154] Les seuls éléments quelque peu distinctifs au sujet de cet événement sont (1) qu’en témoignage, Mme Mullin a donné comme motif de son absence qu’elle n’avait pas le moral ( « feeling under the weather ») et (2) que l’Employeur a considéré que le bulletin de santé émis par la Dre Lounsbury attestant de son aptitude à offrir une prestation de travail adéquate rendait plus légitime son exigence de fournir un certificat médical pour justifier l’absence.
[155] Sur le premier élément, je réitère que le fardeau d’expliquer pourquoi un certificat médical n’était pas fourni incombait à Mme Mullin. Elle n’a fourni aucune explication. L’aurait-elle fait que l’Employeur aurait eu l’obligation de la considérer.
[156] Sur le second élément, j’estime qu’il serait déraisonnable de considérer que Mme Mullin aurait eu d’autant moins de motif de s’absenter pour maladie que son médecin avait émis un bulletin de santé attestant de sa capacité au travail sur un plan général. Il faut lire ce document pour ce qu’il dit. À l’égard d’une condition ayant déjà causé une absence de plus longue durée (dépression), il est écrit : « It is impossible to predict the future, however she is well at present » (U-5). À l’égard de certains syndromes, qualifiés de mineurs, on lit : « should not impact her ability to attend work ». En toute logique, on ne peut conclure de ces évaluations qu’une personne ne pourra pas connaître un problème l’empêchant ponctuellement d’accomplir son travail normal. C’est pour faire face à ces situations, souvent mineures et imprévisibles, qu’une banque de congés de maladie est instituée. En somme, ce n’est pas parce qu’elle est considérée comme apte au travail que Mme Mullin est plus à l’abri qu’une autre personne d’aléas sur le plan de la santé.
[157] Ces deux éléments n’ont pas ici de réelle incidence. Il n’en demeure pas moins que Mme Mullin devait se conformer à la directive ou fournir une explication justifiant qu’elle ne l’ait pas fait. Il y a eu faute et la sanction, peu sévère, respectait le principe de la gradation.
[158] Dans ce cas également et pour la même raison que celle que j’ai relatée plus haut au sujet de l’absence du 18 juillet 2012, l’Employeur pouvait valablement refuser de compenser l’absence du 13 septembre 2012.
[159] La mesure disciplinaire imposée mentionne en conclusion que la salariée est avertie que son défaut de se conformer à la directive de fournir un certificat médical à l’occasion de sa prochaine absence pour laquelle elle invoquerait la maladie pourra faire l’objet d’une nouvelle mesure disciplinaire.
[160] Ceci m’amène à préciser que la présente décision arbitrale vise deux événements spécifiques et ne se prononce pas au-delà. D’aucune manière on ne peut en tirer la conclusion que le bien-fondé de l’exigence de l’Employeur vaut de façon permanente pour la salariée. L’Employeur a l’obligation de considérer l’évolution de son dossier d’absence pour maladie. La jurisprudence arbitrale déposée fait voir des cas où l’Employeur délimite dans le temps son exigence. Par exemple, l’exigence peut valoir pour quelques mois. Si elle était permanente et systématique, il y aurait lieu de s’interroger sur sa raisonnabilité et sur la question de savoir si on ne se trouve pas dans le cas d’un régime de congé de maladie créé pour une seule personne en marge de celui qui est prévu à la convention collective. Dans le présent dossier, rien n’indique que l’exigence ait une durée délimitée. Elle fut plutôt renouvelée aux deux occasions où un certificat ne fut pas fourni. Je ne puis donc en déduire qu’elle est permanente. C’est pourquoi je n’en tire aucune conclusion au plan de la raisonnabilité. Je crois néanmoins utile de signaler cet aspect afin d’éviter que la portée de ma décision soit mésinterprétée.
V. DISPOSITIF
POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE :
REJETTE LES GRIEFS Nos 46 (S-2), 47 (S-3) ET 51 (S-5).
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____________________ Me Carol Jobin, arbitre |
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Pour la partie syndicale : |
Mme Hélène Madore |
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Pour la partie patronale : |
Me Virginie Vigeant |
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Nomination : |
par les parties, 11 décembre 2012 |
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Audiences : |
9 octobre 2013, 2 et 16 décembre 2013, 27 janvier 2014 |
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ANNEXE : COMPOSITION DU DOSSIER
A) Pièces
S-1 Convention collective en vigueur jusqu’au 31 mai 2009
S-2 Grief # 46, Christine Mullin (26-07-12)
S-3 Grief # 47, Syndicat (23-08-12)
S-4 Disciplinary Warning: medical information requested, Christine Mullin (20-07-12)
S-5 Grief # 51, Christine Mullin (01-10-12)
S-6 Notice of Discipline, Christine Mullin (25-09-12)
S-7 en liasse, David Thirlwall, Courriels, Agendas CULEU Labor Relations Meetings, annotations Irene Fernandez: 1 (27-10-11); 2 (02-12-11); 3 (24-01-12); 4 (14-02-12); 5 (12-03-12); 6 (23-03-12); 7 (16-05-12); 8 (17-07-12)
S-8 Kent Cluff, Courriel, Agenda CULEU Labor Relations Meetings (05-12-13)
S-9 Convention collective CUSSU-Université Concordia, 2002-2010 (extrait, art. 36)
S-10 Convention collective CUSTS-Université Concordia, en vigueur jusqu’au 31 mai 2009 (extrait, art. 33)
U-1 University response to Grievance #46, corrected copy (31-08-12)
U-2 University response to Grievance # 47 (05-09-12)
U-3 University response to Grievance # 51 (17-10-12)
U-4 David Thirlwall, lettre à Christine Mullin, re: Request for medical information (06-06-12)
U-5 Dre Catherine Lounsbury, Certificat médical, Christine Mullin (08-08-12)
U-6 Absence Record, Christine Mullin, 1 er juin 2010 au 31 mai 2011
U-7 Absence Record, Christine Mullin, 1 er juin 2011 au 31 mai 2012
U-8 Absence Record, Chirstine Mullin, 1 er juin 2012 au 27 septembre 2012
U-9 Webster Library Personnel, Sick, Leave (Article 39.02), Compilation, 2010-2011, 2011-2012
U-10 Line Brisebois, lettre à David Thirlwall (21-06-12)
U-11 Échange de courriels, Transmission de correspondance (10-09-12 et 11-09-12) et Lettre de Cornelia Kupfer à Christine Mullin (07-09-12)
U-12 Lettre de Me Edward Kravitz à David Thirlwall, objet : mise en demeure (03-10-12)
U-13 Lettre de Me Dan Goldstein à Me Edward Kravitz, objet : Christine Mullin et Université Concordia (15-10-12)
U-14 Absence Record, Christine Mullin, 1 er juin 2009 au 31 mai 2010
B) Témoins
Mme Christine Mullin, Circulation/Stacks Clerk et plaignante
M. David Thirlwall, Associate University Librarian Personnal and Communication
Mme Irene Fernandez, Inter-library Loan’s Supervisor et présidente du Syndicat
Mme Line Brisebois, Supervisor, Account Serials et vice-présidente aux griefs
M. Kwabena Otchere, Circulation/Stacks Clerk et agent de grief
C) Notes et autorités
Partie patronale
- Notes et autorités, 16 décembre 2013 (9 p.)
JE-1 Code civil du Québec, art. 2085
JE-2 Syndicat des travailleuses
et travailleurs du Pavillon St-Joseph (CSN) -et- Pavillon St-Joseph,
JE-3 Société canadienne des
Postes -et- Syndicat des postiers du Canada,
JE-4 McKesson Canada -et- Union
des employés de transport local et industries diverses, section locale 931,
JE-5 Syndicat canadien de la fonction
publique, section locale 307 -et- Ville de Longueuil,
JE-6 Syndicat des travailleuses
et travailleurs de l’alimentation en gros de Québec inc. (CSN) -et- Épiciers
unis Métro-Richelieu inc.,
JE-7 Hudon et Deaudelin ltée -et-
Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation
et du commerce, section locale 503,
JE-8 Syndicat des employées et
employés de la Société des casinos du Québec inc. -et- Société des casinos du
Québec inc.,
JE-9 TUAC, section locale 501 -et- Sobeys Québec inc., 2011 CanLII 280544 (S. Moro, arb.)
Partie syndicale
JS-1 Morin, Fernand et Blouin, Rodrigue, Droit de l’arbitrage de grief - 6 e édition , pages 497 à 504, Éd. Yvon Blais
JS-2
Ville de Montréal
-et-
Syndicat canadien de la fonction publique
, section locale 301,
[1993]
JS-3
Syndicat des employées
et employés professionnels-les et de bureau, section locale 57
-et-
Caisse
populaire Saint-Stanislas de Montréal,
JS-4
Ville de Sainte-Foy
-et-
Syndicat des policiers-pompiers de la Ville de Sainte-Foy,
JS-5 Syndicat des communications graphiques, section locale 41M -et- Montreal Gazette Group inc., A division of Southam Publications et CanWest Co. [2004] 2004-11-01 (C.H. Foisy, arb.)
JS-6 Syndicat des communications, de l’énergie et du papier, section locale 143 (FTQ) -et- Goodyear Canada inc., T.A. 2005-07-05. (D. Fortier, arb.)