Syndicat des employés de manutention et de services (SEMS) et Armoires Fabritec ltée (grief syndical) |
2014 QCTA 170 |
||||
TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
|||||
|
|||||
CANADA |
|||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||
|
|||||
N o de dépôt : |
2014-2913 |
||||
|
|||||
Date : |
Le 24 février 2014 |
||||
_____________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
DEVANT L’ARBITRE : |
Me MAUREEN FLYNN |
||||
_____________________________________________________________________ |
|||||
LE SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE MANUTENTION ET DE SERVICES (S.E.M.S.) Ci-après appelé « le Syndicat »
|
|||||
Et |
|||||
ARMOIRES FABRITEC LTÉE |
|||||
Ci-après appelée « l’Employeur » |
|||||
|
|||||
Numéro du grief syndical : 1206 Convention collective : Convention collective intervenue le 1 er septembre 2011 entre le Syndicat des employés de manutention et de services (S.E.M.S.) et Armoires Fabritec Ltée. Ci-après appelée « la convention collective » |
|||||
|
|||||
|
|
||||
|
|||||
SENTENCE ARBITRALE |
|||||
_____________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
|
|||||
|
|||||
1. LE GRIEF
[1]
Par le biais du grief collectif, le Syndicat
soutient que l’Employeur viole les articles 5.01 et 12.03 de la convention
collective ainsi que l’article
[2] Les parties ont admis que la procédure d’arbitrage et de nomination de la soussignée ont été respectées et que la soussignée a compétence pour disposer du présent litige.
2. LA QUESTION EN LITIGE
[3] Est-ce que la période de repas du midi inclut le temps de déplacement des employés entre leur poste de travail et la cafétéria ?
3. LA PREUVE
M. Pierre Gendron
[4] M. Pierre Gendron travaille principalement, depuis un an et demi, comme aide-opérateur sur sableuse. Il est également délégué syndical depuis deux à trois mois. Son poste de travail est situé dans la section de l’usine appelée « usinage bois » près de la réception.
[5] Il prend une pause tous les jours en matinée de 9 h 30 à 9 h 45. Il dine de 12 h à 12 h 30. Il précise que la cloche sonne à 12 h 27 et qu’il doit alors se rendre à son poste de travail pour 12 h 30. Lorsque la cloche sonne à 12 h, il se rend à sa voiture située à environ trente secondes de son poste de travail et se rend à la cafétéria pour compléter son lunch. Il mange dans sa voiture et retourne à la porte 108. Près de 830 pieds ou 252 mètres séparent la porte d’entrée 108 et l’entrée à la cafétéria. Il a mesuré le temps pour se rendre de son poste de travail à la cafétéria à pied. Il a enregistré 3 minutes et 47 secondes.
[6] M. Gendron estime qu’environ 50 à 75 personnes dinent de 12 h à 12 h 30. Enfin, à son avis la cloche sonne à 9 h 30 et à 9 h 45 pour la pause en matinée. En contre-interrogatoire, il se corrige et soutient que la cloche sonne à 9 h 30, 9 h 42 et 9 h 45.
Mme Yolande Lacasse
[7] Mme Lacasse travaille depuis deux ans et demi au déchargement. Elle prend également sa pause de matinée à 9 h 30. Elle soutient que la cloche sonne à 9 h 30, 9 h 42 et 9 h 45. Elle prend sa pause à l’extérieur de l’usine car elle fume.
[8] Le midi, elle quitte son poste de travail à 12 h, la cloche sonne à 12 h 27 et elle se dirige vers son poste afin d’y être pour 12 h 30. Elle doit compter trois à quatre minutes pour se déplacer de son poste de travail à la cafétéria.
[9] Mme Lacasse rapporte que l’Employeur a dans le passé fourni un petit train pouvant contenir une trentaine de travailleurs. Le train faisait la navette entre la section « usinage bois » et la cafétéria. [1] Ledit train s’arrêtait à deux endroits. Des employés de la section « usinage bois » conduisaient la navette. Ces derniers dinent en même temps que Mme Lacasse. Lorsque la cloche sonnait à 12 h 27, le chauffeur embarquait sur la navette et parcourait le trajet dans l’autre sens. Toutefois, le train est brisé depuis un certain temps. En contre-interrogatoire, elle reconnait qu’elle n’était pas obligée de prendre le train et que des employés marchent jusqu’à la cafétéria. Elle précise que les gens doivent se lever de table à 12 h 27 sinon ils seront en retard. Elle admet que le train est arrivé après son arrivée chez l’Employeur soit au cours de l’année 2012.
[10] En contre-interrogatoire, elle reconnait que les gens n’ont pas le droit de manger à leur poste de travail. Elle précise qu’une majorité mange à la cafétéria et quelques personnes mangent dans leur voiture.
[11] Mme Lacasse souligne que si un employé n’est pas à son poste de travail pour 12 h 30, il est avisé.
M. Marcel Rousseau
[12] Il est conseiller syndical externe depuis l’accréditation. Il a agi comme porte-parole à la table de négociation. En contre-interrogatoire, M. Rousseau confirme que la date d’accréditation est le 19 mai 2011. Et, que les négociations de la première convention collective se sont déroulées au cours de l’été 2011.
[13] Vers la fin de mai 2011, le Syndicat et l’Employeur commencent à discuter au sujet de la durée des pauses et des périodes de repas, car ça n’allait pas. Le Syndicat est également informé de l’implantation de cloches au cours des négociations. Il a parlé de cette question avec M. Daniel Gendron, directeur des ressources humaines puis avec M. Pierre-Alain Rey et M. Tétreault.
[14] En appui à ses prétentions, il dépose un compte rendu d’une réunion du comité de relations de travail tenue le 25 avril 2012. Mme Myriam Beaulé-Marchand qui a écrit le compte rendu résume ainsi les échanges :
« Temps des pauses : Daniel Corbeil a pris la parole pour Marc-André St-Hilaire, ce dernier nous rapporte que les salariés se plaignent du temps de leur pause puisqu’ils perdent beaucoup de temps à marcher pour se rendre à la cafétéria.
Madame Josée Fréchette communique qu’il y a un projet de navette en cours (à suivre) ». [2]
[15] M. Rousseau qui participe à presque toutes les réunions de relations du travail soutient que le sujet des pauses a été à maintes reprises discuté dans le cadre du comité des griefs. Les employés se plaignaient du fait qu’ils n’avaient pas une pause pour le diner de 30 minutes.
[16] M. Rousseau a également calculé le temps requis pour se rendre à la cafétéria et il a noté trois à quatre minutes.
[17] Le 1 er septembre 2011, les parties signent la première convention collective. M. Rousseau admet en contre-interrogatoire, que le contenu de ladite convention reflète les discussions. Il ajoute qu’ils se sont dits, que s’il y avait problème avec les pauses, qu’ils trouveraient une solution avec l’Employeur.
[18] Puis, le sujet des pauses est encore soulevé à la rencontre du comité des relations du travail le 3 octobre 2012. Le compte rendu résume les échanges tenus à ce jour sur cette question :
« Temps des pauses : Daniel Corbeil a pris la parole pour Marc-André St-Hilaire, ce dernier nous rapporte que les salariés se plaignent du temps de leur pause puisqu’ils perdent beaucoup de temps à marcher pour se rendre à la cafétéria.
Madame Josée Fréchette communique qu’il y a un projet de navette en cours (à suivre).
25 avril 2012 : Monsieur Rousseau aimerait modifier l’article 12.03 de la présente convention collective. Il souligne que lors de la négociation de la convention, les parties avaient convenu que le temps des pauses serait revu en CRT.
Le syndicat demande donc à l’employeur de permettre 15 minutes de pauses assises aux salariés. Ce dernier parle qu’à l’heure actuelle, les employés des départements de finition et d’usinage perdent de 5 à 6 minutes à marcher pour se rendre à la cafétéria.
Josée Fréchette explique que le projet du chariot est toujours à l’étape de projet, pour l’instant tous nos efforts et nos ressources sont attribués à l’aménagement ainsi qu’à nos clients qui nous demandent de plus en plus de courts délais de livraison en plus de baisse de prix.
Pierre-Alain Rey souligne que jusqu’à maintenant, nous avons fait une application stricte de la convention collective, mais que l’exploration d’une solution peut être envisageable.
Marcel Rousseau souligne que la solution ne devra pas être discriminatoire.
4 septembre 2012 : Marcel Rousseau réitère sa demande pour que les salariés bénéficient de 30 minutes pendant lesquelles ils sont assis. Marcel Rousseau nous mentionne que les gens mettent au moins 3 minutes à se rendre à la cafétéria. Actuellement, il y a une cloche qui sonne à 12 :27 pour annoncer que la fin de la pause-dîner arrive bientôt à sa fin. La dernière cloche termine à 12 :30 et cette dernière clôture à la fin de la pause. Monsieur Rousseau mentionne qu’il a l’intention de lever un grief si la demande est refusée. Il s’appuie sur les normes du travail.
Pierre-Alain Rey réitère que le raisonnement doit être équitable pour tous les départements.
Le syndicat nous demande de leur donner une réponse avant la prochaine rencontre SST soit le 18 septembre 2012. »
[19] En contre-interrogatoire, M. Rousseau confirme ne pas avoir vu de mesure disciplinaire découlant de retard mais il a été témoin de contravention émise par l’Employeur.
[20] Le 20 septembre 2012, le Syndicat dépose un grief. Et, le Syndicat poursuit les discussions avec M. Rey et par la suite avec M. Tétreault mais rien n’aboutissait.
Mme Josée Fréchette
[21] Mme Josée Fréchette est directrice de l’usine de Bromont. Elle souligne que Fabritec est l’une des trois plus grosses entreprises de fabrication de meubles en Amérique du Nord. Elle est arrivée en mai 2011, à l’ouverture de l’usine. Avec le support des ressources humaines, elle a rencontré le personnel afin d’expliquer les attentes de production. Elle a alors souligné l’importance d’être à son poste de travail à l’heure prévue. Ainsi, à cet effet, une cloche sonne pour annoncer le début de la pause et une autre afin de les informer qu’ils doivent retourner à leur poste de travail. Les contremaitres assurent le respect des horaires de travail.
[22] Elle soutient qu’en mai 2011, l’Employeur avait la même politique qu’aujourd’hui.
[23] À l’automne 2012, un système de constats est implanté. À l’aide de ces derniers, les employés sont avisés d’un retard. Également, les employés sont régulièrement informés de l’importance d’être à l’heure.
[24] Mme Fréchette rappelle que le travail est automatisé et qu’une chaine ne peut partir la production si un employé n’y est pas. Tout temps d’attente signifie retard dans la production.
[25] Mme Fréchette explique que la navette a été implantée pour aider les employés à se déplacer mais que cette dernière est brisée et devrait être remise en fonction sous peu. En contre-interrogatoire, elle confirme que la navette est arrivée peu de temps après la rencontre du 3 octobre 2012.
[26] En contre-interrogatoire, Mme Fréchette confirme qu’il n’y a pas de pause en après-midi et ce afin que les employés puissent quitter plus tôt. Les employés travaillent donc 40 heures par semaine et ils sont payés jusqu’à 15 h 30 mais quittent à 15 h 15. Elle confirme également que le conducteur de la navette quitte son poste de travail un peu plus tôt que les autres. Il quitte environ cinq minutes avant et reprend le travail environ cinq minutes après.
M. Daniel Gendron
[27] M. Gendron a été directeur des ressources humaines de septembre 2010 à la fin du mois d’octobre 2011. Il explique que les installations ont débuté en janvier 2011 et les premières embauches remontent à février 2011. Au printemps 2011, une demande d’accréditation est arrivée. À ce moment-là, il n’y avait qu’un quart de travail de jour et les employés prenaient une pause en matinée et une autre en après-midi et 30 minutes pour le diner.
[28] Du mois de mai au mois de septembre 2011, il y avait un peu moins qu’une centaine d’employés. Les employés devaient respecter la durée du repas de 30 minutes. Puis l’usine s’est agrandie et une cafétéria a été construite. Des postes de travail sont ouverts à des endroits plus éloignés de la cafétéria et des employés commencent à revendiquer 15 minutes assis dans la cafétéria. M. Gendron a avisé les employés qu’il n’y a pas de pause à la Loi sur les normes et que l’Employeur pouvait limiter la durée des pauses à 15 minutes.
[29] M. Gendron participe aux négociations de la première convention collective. Ils ont convenu que la durée du diner serait de 30 minutes. Puis, vu la problématique concernant les pauses, ils ont copié la clause de la convention collective applicable à Saint-Jean-sur-Richelieu, en espérant que ça règlerait la question. Il ajoute qu’il était clair, net et précis que la durée des pauses ne pouvait dépasser 15 minutes et que la durée du repas du midi ne pouvait dépasser 30 minutes. Après la signature de la convention collective, les employés respectent les dispositions. De septembre à octobre 2011, il n’y a eu aucun problème.
[30] En contre-interrogatoire, il précise que la durée des pauses et du repas du midi inclut le temps de déplacement. Enfin, trois cloches sonnent pour le diner, soit à 12 h, 12 h 25 et 12 h 30.
Mme Isabelle Pagé
[31] Mme Pagé est contremaitre de finition. Elle a commencé en 2002 à l’usine de Saint-Jean-sur-Richelieu et a joint Bromont en février 2011. À son arrivée, il y avait peu d’employés.
[32] Vers les mois d’avril ou mai 2011, lors de retards, les contremaitres avisaient verbalement les employés. Et, de mémoire, Mme Pagé affirme que les cloches ont été installées à l’automne 2011.
[33] Mme Pagé explique qu’une dizaine de personnes travaillent en même temps sur une ligne de production et le retard d’une personne retarde le travail de toutes les personnes assignées sur cette ligne. Au début, les contremaitres acceptaient que les employés quittent un peu plus tôt. Toutefois, avant l’installation des cloches la tolérance a été arrêtée. À son avis, la tolérance a été arrêtée avant la signature de la convention collective. En contre-interrogatoire, elle précise qu’au cours de la période de tolérance, les employés pouvaient quitter leur poste de travail deux minutes avant le début de la pause et y retourner deux minutes après la fin de la pause.
[34] Le système de constats a été implanté afin d’avoir une preuve qu’un avis a été signifié. Mme Pagé note que ce système a entrainé une grande amélioration de la ponctualité.
M. Marck Paquin
[35] M. Paquin est directeur à l’expédition depuis septembre 2011. À son arrivée, les cloches étaient installées. Il estime qu’il n’y a pas de problème avec le temps des pauses à l’expédition. Rien n’a été changé à l’égard des pauses depuis son arrivée.
[36] Il note que l’importance de respecter les horaires a été souvent rappelée lors des « flash meetings » tenus avec les employés. Et, à la demande des contremaitres, le système des constats a été mis en place. Enfin, ces derniers ne sont pas considérés comme étant des mesures disciplinaires.
4. LES PRÉTENTIONS DES PARTIES
La partie syndicale
[37] Le procureur syndical souligne que le libellé de l’article 12.03 de la convention collective est clair. Les pauses de 15 minutes sont payées et le temps de déplacement est inclus. Le temps de déplacement n’est pas précisé pour la demi-heure du diner. La preuve a démontré que la taille de l’usine est problématique et que les salariés ne bénéficient pas des 30 minutes reconnues à la convention collective pour prendre leur repas.
[38] Puisque les dispositions de la convention collective doivent s’interpréter les unes par rapport aux autres [article 3.01 d)], l’interprétation défendue par le Syndicat devrait être retenue.
[39] En conséquence, le Syndicat demande que la cloche sonne à 12 h 27 et à 12 h 30 et que le travail reprenne à 12 h 33. Le Syndicat demande également que l’Employeur verse rétroactivement à chaque employé six minutes par jour travaillé au taux majoré de 50 % et ce à compter de la date de la signature de la convention collective.
La partie patronale
[40] Le procureur patronal soutient que la demande syndicale équivaut à un ajout à la convention collective.
[41] La jurisprudence arbitrale a bien établi que le temps de travail reprend au poste de travail et qu’ainsi le temps de déplacement est inclus dans le temps de pause. Ainsi, l’Employeur respecte le libellé de la clause et la jurisprudence rendue en pareil cas.
[42] Il invite également le tribunal à tenir compte de la définition de l’heure travaillée contenue à la convention collective aux fins de l’interprétation des clauses litigieuses. Enfin, le tribunal ne peut modifier l’application de la clause applicable aux repas et dont le libellé est courant en raison d’un texte particulier convenu entre les parties et qui vise à clarifier une problématique particulière.
5. ANALYSE ET DÉCISION
[43] Le litige soulève l’interprétation de la clause 12.03 de la convention collective. Cette clause édicte :
« Tout salarié bénéficie d’une période de repos de quinze (15) minutes payées lors de la première demi-journée de travail et de quinze (15) minutes lors de la deuxième demi-journée de travail. Cette période de repos est programmée par le responsable immédiat. Les périodes de repos de quinze (15) minutes incluent le temps de déplacement et le salarié doit être à son poste de travail prêt à travailler à l’intérieur de ces dites périodes.
Tout salarié bénéficie également d’une période de repas d’une demi-heure, non payée, qui est accordée vers le milieu de la journée de travail telle que programmée par le responsable immédiat. »
[44] Le Syndicat soumet que vu la taille de l’usine et du temps qu’il en résulte pour se rendre à la cafétéria, l’Employeur ne respecte pas le temps de repas prévu à la clause 12.03. Il demande donc que le tribunal accorde à tous les employés six minutes par jour afin que les employés puissent se déplacer de leur poste de travail à la cafétéria. Enfin, la demande syndicale découle essentiellement de la différence de rédaction entre le premier et le deuxième paragraphe de la clause 12.03 et aurait pour conséquence que la notion d’heure travaillée inclurait le temps de déplacement pour la période de repas. Or, après analyse de la convention et de la jurisprudence, j’estime que la demande syndicale n’est pas fondée. Je m’explique.
[45] La clause 2.01 h) de la convention collective définit l’heure travaillée comme étant :
« Heure travaillée
Signifie l’heure où le salarié accomplit physiquement son travail et exclut toute autre heure où il était plutôt réputé être au travail au sens de cette convention, au sens d’une loi ou d’un règlement en vigueur. »
[46] Et, la jurisprudence nous enseigne qu’une heure travaillée correspond essentiellement au temps au cours duquel le salarié travaille comme tel, ce qui exclut tout le temps préparatoire ou le temps requis pour se rendre à son poste de travail. Dans une affaire soulevant une question similaire au présent cas, l’arbitre Jean-Pierre Lussier résume ce que constitue du temps de travail par opposition à du temps de repos :
« De fait, le problème porte plutôt sur ce qu’est une période de travail par opposition à la période de repos. Le temps où les salariés, qui doivent le faire, revêtent leur équipement protecteur et retournent à leur poste de travail est-il du temps de travail ou constitue-t-il du temps de repos ?
À mon avis, ce temps ne constitue pas du temps de travail. Personne ne conteste, par exemple, que lorsque retentit la première sonnerie, la période de repos débute aussitôt. Et ce, même si certains salariés enlèvent alors leur équipement protecteur ou leurs tabliers, ou vont se laver les mains, etc. Pourquoi alors le temps pour se remettre en état de travailler (à la fin de la période de repos) ne devrait-il pas être considéré de la même façon que celui requis au début de la période de repos (avant d’aller à la cafétéria ou ailleurs) ?
La même chose se passe avant que les opérations ne débutent. Le salarié doit être prêt pour entreprendre son travail à l’heure dite. Et pour être prêt, il doit quitter son domicile, se rendre à l’usine, se préparer à prendre son poste etc. Tout ce temps préparatoire n’est pas du temps de travail. Le travail commence pour celui qui travaille à la chaîne de production, lorsque démarre la chaîne.
Une période de repos ne signifie ni plus ni moins qu’une période d’arrêt de travail. La période de repos cesse lorsque le travail reprend et pas avant. Il s’ensuit que le travail effectif ne peut reprendre à l’expiration de quinze minutes, la période de repos durera plus que ces quinze minutes, contrairement à ce que prévoit la convention collective. […] » [3]
[47] Il ressort de cette jurisprudence que la définition de l’heure travaillée contenue à la convention collective correspond à celle définie par la jurisprudence. Le temps de déplacement requis au cours des périodes de repas ou de repos ne constitue pas du temps travaillé à moins que les parties n’en conviennent autrement. En l’espèce, les parties ont clairement rappelé que le temps de déplacement requis durant les pauses était inclus dans les périodes de 15 minutes de repos. Et, la preuve a révélé que les parties se sont inspirées d’une clause convenue ailleurs et visant à clarifier la portée de la clause. Portée par ailleurs qui n’ajoute rien à la notion d’heure travaillée telle que définie à la convention collective et par la jurisprudence.
[48] En somme, vu la définition de la notion d’heure travaillée et de l’interprétation retenue par les arbitres de griefs, il serait pour le moins incohérent de retenir que les parties n’ont pas voulu inclure le temps de déplacement durant les périodes de repas et ce du seul fait qu’elles ne l’ont pas spécifié. Ainsi, avec égards, j’estime que la demande syndicale constitue un ajout ou une modification à la convention collective qui dépasse les pouvoirs de l’arbitre et ce tel que prévu à la clause 11.04 a) :
« a) L’arbitre n’a aucune juridiction pour altérer ou modifier l’une ou l’autre des dispositions de la présente convention, ni d’y substituer quelque nouvelle disposition, ni de prendre quelque décision qui peut entrer en conflit avec les termes et les dispositions de la présente convention. […] »
[49] Enfin, la demande syndicale représente une augmentation de la semaine de travail et s’oppose clairement à la durée édictée à l’article 12.01 et aux conditions d’ouverture à du temps supplémentaire prévu à l’article 13.01 de la convention collective.
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE le grief.
Me Maureen Flynn, arbitre
Procureur syndical : M. Jean W. Roberge
Procureur patronal : Me Jean-Benoît Hébert
Date d’audience : 11 décembre 2013
Date de délibéré : 11 décembre 2013
Notre dossier : MF-1303-30318-QP
Sentence n o 152-14
[1] La section « usinage bois » est la plus éloignée de la cafétéria.
[2] Mme Josée Fréchette est directrice de l’usine.
[3]
Turcotte & Turmet (Coopérative fédérée de Québec -
division des viandes)
c.
Syndicat des
travailleurs(euses) de l’abattoir de Princeville
(C.S.N.)
,