COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
AM-2000-5479 |
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Cas : |
CM-2013-4352 |
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Référence : |
2014 QCCRT 0137 |
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Montréal, le |
10 mars 2014 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Pierre Cloutier, juge administratif |
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Yvon Parent
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Plaignant |
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c. |
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Syndicat des travailleurs(euses) du Centre de santé
et de services sociaux de Laval (CSN)
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Intimé |
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et |
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Centre de santé et de services sociaux de Laval
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Mis en cause |
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DÉCISION |
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[1]
Yvon Parent (le
plaignant
) a déposé une plainte en vertu de
l’article
[2] Sa plainte s’inscrit dans un conteste de harcèlement psychologique qu’il soutient avoir subi au travail. Sommairement, il reproche au syndicat de ne pas avoir fait enquête avec diligence après qu’il eut mis au courant ses représentants du harcèlement dont il était l’objet, d’avoir tardé à déposer un grief, de sorte qu’il était prescrit lorsqu’il l’a été, et de lui avoir menti au sujet du retrait de ce grief.
[3] Il lui reproche aussi de ne pas lui avoir donné un soutien adéquat et d’avoir omis de négocier une mesure d’accommodement raisonnable à la suite du rapport de son médecin mentionnant qu’il avait un handicap.
[4] Le syndicat nie tout manquement à son devoir de représentation. Il soutient qu’il était justifié d’attendre le rapport du consultant nommé par le Centre de santé et de services sociaux de Laval (le CSSS ) avant d’entreprendre sa propre enquête sur le grief, que celui-ci n’est par ailleurs pas prescrit, que c’est par erreur qu’il a été retiré, mais que cette erreur a été corrigée.
[5] Par ailleurs, il soutient que ses représentants ont passé beaucoup de temps dans le dossier du plaignant afin de trouver une solution et, par conséquent, conteste ne pas lui avoir donné un support adéquat.
[6] Le CSSS, qui était présent à l’audience, n’a soumis aucun argument.
[7] Le syndicat a-t-il manqué à son devoir de représentation envers le plaignant?
[8] La plainte fait 20 pages et est appuyée de 39 documents. Lors de son témoignage, le plaignant n’a pas repris chacun des faits relatés dans sa plainte et les documents. La preuve documentaire a cependant été déposée de consentement et le contre-interrogatoire du plaignant a porté sur certains des documents. La trame factuelle, dont la Commission fait ci-après la synthèse, est tirée des faits relatés dans la plainte, les documents et les témoignages.
[9] Le plaignant est employé du CSSS depuis 31 ans. À l’époque qui nous intéresse, il travaille au Service alimentaire. Environ 25 autres personnes travaillent dans ce service.
[10] En 2009, le plaignant dénonce au CSSS le harcèlement psychologique qu’un collègue, Réginald Charles, lui fait subir. Il fait aussi une réclamation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST ) qui sera rejetée. Éventuellement, sa plainte de harcèlement et sa réclamation à la CSST seront réglées à l’amiable avec le CSSS.
[11] Selon le plaignant, en avril 2012, il est de nouveau harcelé par le même collègue de travail. Il dénonce la situation à quelques reprises à la gestionnaire du Service alimentaire, Anastasia Roumbas, qui ne fait rien. Il informe aussi le syndicat de la situation, au début juillet 2012.
[12] Une rencontre a lieu entre le plaignant et des représentants de la Direction des relations du travail du CSSS, le 16 juillet, pour que des mesures soient prises. Une représentante du syndicat, Chantal Neveu, assiste à cette rencontre.
[13] À la mi-octobre 2012, le harcèlement persistant, le plaignant consulte le D r Martel, son médecin traitant. Celui-ci pose le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et le met en arrêt de travail.
[14] À la suite de cette consultation, le plaignant produit une réclamation à la CSST qui sera rejetée. Au moment des audiences, le dossier était pendant devant la Commission des lésions professionnelles (la CLP ).
[15] Le 22 octobre 2012, le plaignant, qui se dit encore harcelé par monsieur Charles, dépose une plainte au CSSS en vertu de la procédure appelée « Normes et pratique de gestion sur la violence en milieu de travail ».
[16] Il faut mentionner qu’à l’automne 2012, trois autres salariés, dont monsieur Charles, ont aussi déposé une plainte en vertu de cette même procédure. Deux de ces salariés prétendaient que monsieur Charles les harcelait, alors que ce dernier soutenait que ce sont les autres salariés, dont le plaignant, qui le harcelaient. C’est ce qu’on appelle dans le vocabulaire du milieu des plaintes croisées.
[17] Le 25 octobre, le syndicat dépose un grief réclamant pour le plaignant un milieu de travail exempt de harcèlement et 25 000 $ à titre de dommages moraux (le grief 12 - 176 ). Le lendemain, le CSSS répond que ce grief n’est pas fondé. Les autres salariés impliqués dans la situation de harcèlement ont aussi déposé des griefs.
[18] À la suite de la plainte déposée par le plaignant et les autres salariés, le CSSS nomme un consultant indépendant pour faire enquête. Un représentant syndical est présent chaque fois que le consultant rencontre un salarié de l’unité de négociation que représente le syndicat et il prend des notes. Le plaignant est rencontré deux fois. Line Beaudet du syndicat l’accompagne.
[19] Autrement qu’en assistant les salariés rencontrés par le consultant, le syndicat ne participe pas à l’enquête. Mais, de souligner la présidente Marjolaine Aubé, les personnes qui assistent les salariés informent les membres du comité de direction de ce qui se passe et, à chaque réunion de ce comité, il est question de l’enquête en cours.
[20] Le rapport du consultant est remis au CSSS le 19 février 2013. Le syndicat n’en reçoit pas copie, le CSSS considérant qu’il est confidentiel.
[21] Le plaignant soutient qu’il communique minimalement une fois par mois avec le syndicat pour connaître les conclusions de l’enquête du consultant et les prochaines étapes concernant son grief de harcèlement psychologique. Les représentants du syndicat lui répondent qu’ils n’ont pas de nouvelles et qu’ils communiqueront avec lui dès qu’ils auront les conclusions du consultant.
[22] Le plaignant apprend, le 22 avril, que le consultant a remis son rapport. Il en est informé par son collègue, Serge Brassard, qui a reçu une lettre du CSSS le suspendant cinq jours. Cette lettre a été transmise au syndicat, d’où la conclusion du plaignant qu’à partir de cette date les représentants du syndicat étaient au courant que le rapport avait été remis au CSSS.
[23] En ce qui concerne monsieur Brassard, le consultant retient qu’il a été l’un des acteurs clés dans le processus de « mobbing » dirigé contre monsieur Charles. Il en arrive à la même conclusion en ce qui concerne le plaignant, comme on le verra plus loin.
[24] Le plaignant rencontre les représentants du syndicat, le 29 avril 2013, à sa demande. Outre lui, participent à la rencontre Sébastien Parent, fils du plaignant, étudiant en 3 e année en droit, qui le représente aussi à l’audience du présent recours, ainsi que madame Aubé et Gilles Tremblay, conseiller syndical à la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN (la Fédération ). Le plaignant enregistre les échanges à l’insu des représentants du syndicat. Des extraits de l’enregistrement sont déposés en preuve.
[25] Au moment de cette rencontre, le syndicat n’a pas encore fait enquête à la suite des griefs de harcèlement, dont il va sans dire, celui du plaignant. Selon ce dernier, monsieur Tremblay lui dit que le comité de griefs doit se rencontrer prochainement pour décider « quel membre sera défendu en arbitrage ». Il est étonné que le comité de griefs puisse prendre position en regard des griefs de harcèlement alors que le syndicat n’a pas encore fait enquête.
[26] Selon le plaignant, la priorité du syndicat, d’après ce qu’expose monsieur Tremblay lors de la rencontre, est plutôt d’obtenir le congédiement ou le déplacement de madame Roumbas, en raison de ses lacunes dans la gestion du Service alimentaire, et non de faire enquête au sujet du harcèlement dont il est l’objet. Monsieur Tremblay dit ignorer à ce moment-là que le consultant a déposé son rapport. Pourtant, d’ajouter le plaignant, le CSSS en fait mention dans la lettre transmise à un employé, dont le syndicat a reçu copie.
[27] Toujours selon le plaignant, lors de cette rencontre, il est question de la possibilité que le CSSS l’oblige à reprendre le travail. Monsieur Tremblay lui dit qu’en cas de retour forcé au travail son médecin peut indiquer qu’il ne peut pas être en contact avec l’employé qui le harcèle et que le CSSS devra respecter l’avis de son médecin parce que c’est une mesure d’accommodement. Madame Aubé a ajouté que cet avis de son médecin permettra au syndicat de mieux le défendre.
[28] Au début mai 2013, le plaignant obtient du CSSS une copie du rapport du consultant en invoquant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et des renseignements personnels , c. A-2.1. Il en transmet une copie à monsieur Tremblay, le 21 mai.
[29] Pour expliquer la démarche du syndicat, monsieur Tremblay précise d'abord qu’au moment où le consultant débute son enquête, toutes les personnes visées sont absentes du travail pour cause de maladie. En cours d’enquête, le syndicat s’est rendu compte qu’il y avait un problème de gestion au Service alimentaire. C’est pour cette raison qu’un grief réclamant le congédiement ou le déplacement de la gestionnaire a été déposé. Le syndicat n’a pas fait lui-même enquête tout de suite, il a préféré attendre le résultat de celle commandée par le CSSS et voir ce que celui-ci ferait par la suite.
[30] Au sujet de la rencontre du 29 avril 2013, monsieur Tremblay affirme avoir expliqué au plaignant et à son représentant que le syndicat en était à l’étape de colliger les informations pour défendre ses membres. Le plaignant a donné sa version de ce qui s’était passé avec monsieur Charles, version qui correspond à ce que l’arbitre médical rapportera dans son avis de la fin mai 2013 et dont il sera question plus loin.
[31] Madame Aubé corrobore qu’à la rencontre du 29 avril le plaignant leur explique ce qui s’est passé avec monsieur Charles. Comme il soutenait qu’il ne pouvait plus être en contact avec ce collègue, elle lui a dit qu’il faudrait que son médecin le dise.
[32] À cette date, le syndicat n’avait pas le rapport du consultant en main, mais il avait une bonne idée de son contenu, vu que des représentants avaient assisté à l’interrogatoire de ses membres. Mais, selon madame Aubé, le syndicat ne pouvait pas agir avant que le CSSS prenne position.
[33] Le 30 mai 2013, le plaignant est évalué par une psychiatre qui agit comme arbitre médical, procédure prévue à la convention collective. Celle-ci doit donner son avis au sujet de la capacité du plaignant à reprendre le travail à la suite de l’arrêt de travail du 16 octobre 2012. Sa conclusion est la suivante :
On ne peut, au présent examen, identifier de pathologie psychiatrique invalidante à l’axe I du DSM-IV chez monsieur Yvon Parent. Théoriquement, dans ce contexte, il est apte à un retour au travail et l’était lorsque l’employeur a demandé un retour au travail le 3 mai 2013.
Les problèmes d’ordre administratif au travail, selon le récit rapporté par le travailleur, demeurent pour lui entiers toutefois. Il apparaît que le risque de rechute est présent si monsieur retourne travailler dans les mêmes conditions auprès du collègue cuisinier avec lequel il a des conflits depuis plusieurs années, un règlement de cette problématique par des voies administratives étant souhaitable.
On ne peut toutefois objectiver la présence de limitation fonctionnelle ou de restriction permanente d’ordre psychiatrique comme telle chez le travailleur.
[34] Dans son avis, l’arbitre médical fait état des problèmes vécus par le plaignant au travail en rapport avec ses allégations de harcèlement psychologique.
[35] Le syndicat a reçu copie de cet avis, qui lie les parties, selon la convention collective.
[36] Le médecin du plaignant, qu’il voit le même jour que l’arbitre, lui remet un certificat médical sur lequel il écrit : « M. Yvon Parent ne doit pas être en contact avec M. R. Charles pour raison médicale. » C’est en se référant à ce que le médecin écrit sur ce document que le plaignant fonde sa prétention qu’il a un handicap.
[37] Le plaignant transmet ce certificat médical à monsieur Tremblay et à madame Aubé, le lendemain. Il déplore qu’aucun représentant du syndicat n’ait communiqué avec lui pour avoir des précisions concernant son handicap, ni pour l’informer de la situation, des récents développements et des étapes à venir.
[38] Le 27 juin 2013, une représentante du CSSS communique avec le plaignant pour lui dire qu’il devra bientôt reprendre le travail, vu que selon l’arbitre médical il est apte à travailler. À la suite de cet appel, il communique avec le syndicat pour obtenir de l’aide. Il n’a pas de réponse lors des trois appels qu’il fait et laisse un message de le rappeler.
[39] C’est ce que monsieur Tremblay fait en fin de journée le même jour. À cette occasion, selon le plaignant, monsieur Tremblay lui dit qu’il a demandé au CSSS de faire trois propositions d’entente en relation avec sa condition médicale. Il lui dit aussi qu’il recevra des prestations d’assurance-salaire en attendant qu’une mesure d’accommodement soit déterminée.
[40] Toujours d’après le plaignant, monsieur Tremblay lui mentionne que le certificat médical que son médecin lui a remis, le 30 mai 2013, n’est plus valide, vu l’avis de l’arbitre médical.
[41] Lorsqu’il est question du grief de harcèlement psychologique, de dire le plaignant, monsieur Tremblay ne peut pas lui préciser la date de son dépôt. À ce moment-là, le syndicat n’a pas encore fait enquête au sujet des griefs de harcèlement et, par conséquent, le comité de griefs ne s’est pas encore rencontré pour en discuter.
[42] Le 1 er juillet 2013, Sébastien Parent, qui agit pour le plaignant, envoie un courriel à monsieur Tremblay pour faire le point sur la notion d’accommodement raisonnable et les obligations d’un employeur, selon la jurisprudence.
[43] Le 4 juillet, le plaignant, cette fois, envoie un courriel à monsieur Tremblay afin d’être mis au courant des récentes négociations avec le CSSS et savoir s’il continuera à recevoir des prestations d’assurance-salaire.
[44] Le 5 juillet, monsieur Tremblay laisse un message dans la boîte vocale du plaignant disant qu’il lui téléphonera lorsqu’il aura de nouvelles informations et lui mentionne qu’il tente de régler tous les problèmes de la cuisine.
[45] Le plaignant téléphone au bureau du syndicat, le 16 juillet, pour parler à monsieur Tremblay. On lui apprend qu’il est en vacances pour un mois. Le plaignant déplore de ne pas en avoir été informé.
[46] En ce qui concerne les démarches qu’il a faites à la suite de l’arbitrage médical, monsieur Tremblay précise qu’il prend connaissance de l’avis de l’arbitre médical, le 13 juin 2013. Il se dit qu’il a une côte à remonter parce que l’arbitre médical statue que le plaignant est apte à reprendre le travail depuis le 3 mai 2013. Il a plusieurs conversations avec le plaignant et des représentants de l’employeur, par la suite. Il en ressort que le plaignant considère qu’il est harcelé par monsieur Charles et que, pour ce dernier, c’est le plaignant qui le harcèle.
[47] Ce constat fait, il s’enquiert auprès de France Morin, la représentante du syndicat qui agit pour monsieur Charles, de l’intention de ce dernier. Est-il prêt à quitter son poste l’interroge-t-il? Il demande à l’employeur s’il y a un autre poste disponible pour le plaignant et de continuer, en attendant, à lui verser des prestations d’assurance-salaire, jusqu’à son retour au travail.
[48] Lorsqu’il part en vacances, le 12 juillet, il n’a pas encore de réponse de madame Morin ou du CSSS. Toutefois, avant de quitter, il transfère le dossier à Jean-Pierre Daubois, un conseiller d’expérience. Il n’en informe cependant pas le plaignant.
[49] Le 23 juillet 2013, Diane Gagnon, du bureau de santé du CSSS, dit au plaignant, à l’occasion d’un appel téléphonique, qu’il doit reprendre le travail le 31 juillet. Elle lui demande d’en informer le syndicat.
[50] Le même jour, le plaignant essaie de joindre un représentant du syndicat, mais en vain. Il en déduit qu’on le fuit parce qu’on ne répond pas au téléphone pendant une journée et qu’on ne retourne pas les messages qu’il laisse dans la boîte vocale.
[51] Toujours le 23 juillet, le plaignant transmet un courriel à monsieur Tremblay pour savoir à qui demander de l’aide et pour qu’il lui fasse part de ce qui a été convenu avec le CSSS avant son départ en vacances. Il écrit notamment ce qui suit :
J’ai donc besoin de savoir ce qui a été convenu entre l’employeur et vous avant votre départ en vacances, car je ne comprends pas pourquoi l’employeur veut me forcer à retourner au travail sans accommodement raisonnable et contrairement à ce que vous étiez en train de négocier .
(soulignement ajouté)
[52] Le mercredi 24 juillet, le plaignant téléphone au bureau du syndicat à 8 h 30 et demande qu’un conseiller syndical communique avec lui d’urgence. On lui répond que quelqu’un le rappellera sans faute avant 9 h 30.
[53] À 9 h 50, comme personne ne l’a rappelé, il téléphone de nouveau au bureau du syndicat et parle à monsieur Daubois. Le plaignant lui explique sa situation. Monsieur Daubois lui dit qu’il doit se renseigner auprès d’une certaine dame Gagnon et s’engage à le rappeler avant le vendredi.
[54] Le 25 juillet, monsieur Daubois laisse un message dans la boîte vocale du plaignant à 9 h 30 disant qu’il veut le rencontrer à 11 h. Le plaignant ne peut le joindre qu’à 10 h 30. Il lui dit qu’il se rend immédiatement au bureau syndical. Selon le plaignant, monsieur Daubois lui répond d’un ton sec et agressif qu’il a déjà commencé autre chose, « qu’il n’a pas juste cela à faire ».
[55] Malgré tout, ils essaient de fixer un rendez-vous en après-midi. Selon le plaignant, il questionne monsieur Daubois au sujet de l’objet de la rencontre. Celui-ci lui répond qu’ils en parleraient plus tard, « qu’il n’a pas juste cela à faire ». Lorsqu’il mentionne à monsieur Daubois que son cas est trop important et qu’il ne veut pas qu’il soit traité entre deux dossiers, celui-ci raccroche.
[56] À cause de cet incident, le plaignant refuse de se présenter à une rencontre, ce jour-là. Il porte plainte contre monsieur Daubois auprès de la coordonnatrice des conseillers syndicaux à la Fédération. Cette dernière n’a jamais recommuniqué avec lui.
[57] Cependant, le 25 juillet, à la suite de l’incident avec monsieur Daubois, Sylvie Cormier, qui remplace madame Aubé pendant ses vacances, écrit une lettre au plaignant qu’il reçoit le même jour. Elle écrit :
Le mercredi 24 juillet vous avez téléphoné au syndicat et avez eu l’occasion de vous entretenir de votre dossier avec le conseiller syndical Jean-Pierre Daubois qui agissait en remplacement du conseiller Gilles Tremblay qui est en vacances.
Vous avez demandé à ce que le règlement de votre dossier incluant les aspects concernant votre retour au travail soient réglé rapidement. Le conseiller Jean-Pierre Daubois a pris l’engagement de vous contacter avant la fin de la semaine.
Suite à cette discussion avons contacté immédiatement la Direction des ressources humaines et avons pris rendez-vous pour le 25 juillet à 9h00. Cette rencontre a bien eu lieu comme prévu et, y assistaient, Sylvie Cormier présidente du syndicat par intérim, Jean-Pierre Daubois conseiller à la FSSS, Mme Diane Gagnon et Mme Louise Beaudin.
L’employeur nous a fait part de sa position à l’effet que la décision de l’arbitre médical est sans appel et que vous devez revenir au travail. Nous avons suggéré certaines avenues à l’employeur pour vous éviter d’avoir à travailler avec une ou plusieurs personnes avec qui vous ne vous sentez pas en mesure de travailler.
L’employeur a pris l’engagement de tenter de chercher une solution. Suite à cette rencontre le conseiller syndical a immédiatement communiqué avec vous afin de vous rencontrer pour vous faire part de nos démarches ainsi que de l’état juridique de votre dossier.
Le conseiller vous a proposé de vous rencontrer au bureau syndical à 15h00, vous avez indiqué préférer 13h00. Le conseiller vous a alors dit qu’il appelait immédiatement le syndicat pour s’assurer de leur disponibilité et qu’on vous rappellerait d’ici 5 minutes pour confirmer l’heure de la rencontre.
Vous avez demandé si votre stationnement serait payé ce à quoi le conseiller n’est pas en mesure de répondre n’ayant pas d’autorité sur les politiques budgétaires internes de notre syndicat. Vous avez alors insisté et le conseiller vous a répété que le syndicat vous contacterait dans quelques minutes pour confirmer la rencontre de 13 heures.
Lorsque nous avons communiqué avec vous vous avez indiqué que vous refusiez de rencontrer le conseiller et que vous refusiez de vous présenter au rendez-vous de 13h00, rencontre qui fait pourtant suite votre demande de faire progresser votre dossier et, que nous avons cédulée à votre convenance.
Nous devons vous faire part de plusieurs éléments, notamment :
1) de l’état juridique de votre dossier
2) des démarches et avenues envisagées pour faciliter votre retour au travail selon vos souhaits de ne plus travailler en contact avec certaines personnes.
Votre refus de venir nous rencontrer nuit grandement à la résolution de votre dossier. Nous nous devons de vous rappeler que le syndicat détient, de par le certificat d’accréditation le droit, le devoir et le pouvoir de vous représenter ce que nous faisons avec toutes nos ressources. Pour votre part vous avez le devoir de collaborer avec nous dans la défense de votre dossier.
En conséquence nous vous demandons de bien vouloir nous contacter immédiatement afin que nous puissions fixer un rendez-vous le plus rapidement possible.
(reproduit tel quel)
[58] Après avoir pris connaissance de cette lettre, le plaignant répond, par écrit, à monsieur Daubois. Il reprend ce qui s’est passé et que la Commission rapporte plus avant. Il lui précise qu’il n’avait pas demandé que son dossier soit réglé rapidement, mais de l’aide devant l’ultimatum donné par le CSSS. En fait, de préciser le plaignant à l’audience, il voulait que monsieur Daubois demande au CSSS d’attendre le retour de vacances de monsieur Tremblay, pas qu’il négocie une entente.
[59] Sa lettre comporte le passage suivant :
Une entente avait été négociée le 27 juin 2013 entre Me Majeau, madame Brière et monsieur Tremblay . L’employeur était censé me soumettre trois propositions en lien avec ma condition médicale. De plus, monsieur Tremblay a demandé à ce que je sois payé en assurance-salaire en attente de mesures d’accommodement. J’ai donc de la difficulté à comprendre ce qui est advenu de cette entente et pourquoi le processus est accéléré alors que tous les acteurs impliqués dans le dossier sont présentement en vacances, soit monsieur Tremblay, madame Aubé, Me Majeau, madame Brière et même monsieur Philippe Benoît.
[ …]
(soulignement ajouté)
[60] Quoi qu’il en soit, le plaignant confirme dans sa lettre qu’il est disponible pour une rencontre le 26 juillet.
[61] Au sujet de son intervention dans le dossier du plaignant, monsieur Daubois raconte que lorsqu’il en prend connaissance, il note qu’il y a un grief de harcèlement psychologique en cours, qu’il est absent du travail pour cause de maladie mais que, selon l’avis de l’arbitre médical, il est apte au travail. Il en conclut que le CSSS peut lui demander de reprendre le travail.
[62] En plus de ce constat, avant de partir en vacances, monsieur Tremblay lui avait mentionné que le CSSS continuerait à verser des prestations d’assurance-salaire au plaignant, même si la convention collective lui permettait de cesser, vu l’avis de l’arbitre.
[63] Lorsqu’il lui parle, le 25 juillet 2013, le plaignant est émotif et veut discuter du harcèlement psychologique alors que, pour lui, ce qu’il est urgent de régler, c’est la demande de retour au travail du CSSS, compte tenu des conséquences possibles. C’est pour cette raison qu’une lettre lui est envoyée, le 25 juillet.
[64] Le 26 juillet 2013, une rencontre a lieu entre madame Cormier, monsieur Daubois, le plaignant et Sébastien Parent, qui est là pour s’assurer que le syndicat respecte son devoir de juste représentation.
[65] Selon le plaignant, monsieur Daubois exprime le point de vue qu’il n’était pas de la compétence de l’arbitre de recommander qu’il ne soit plus en contact avec le collègue qui le harcelait.
[66] Puis, monsieur Daubois lui dit qu’il a demandé au CSSS de lui trouver un poste ailleurs et de conclure une lettre d’entente pour qu’il puisse conserver le même salaire. Il lui explique que si le CSSS ne lui trouve pas un poste ailleurs, on lui demandera de rentrer au travail.
[67] Mais, de dire le plaignant, il y a aussi été discuté de postes qui pourraient être disponibles ailleurs au CSSS. Il s’est montré intéressé par celui de magasinier à un autre site que le sien. Les représentants du syndicat se sont alors engagés à en discuter avec ceux du CSSS. Madame Cormier lui a téléphoné le 29 juillet 2013, pour lui mentionner qu’elle avait laissé un message à ce sujet à Louise Beaudin, chef du Service santé, sécurité et mieux-être au travail. Il n’y a pas eu d’autre suivi à cette ouverture.
[68] À cette rencontre, le plaignant trouve monsieur Daubois intimidant. Il a l’impression d’être devant un représentant du CSSS.
[69]
Selon monsieur Daubois, le plaignant lui reprochait de prendre position
pour l’employeur. Il a essayé de lui expliquer que ce que son médecin avait
inscrit sur le au certificat médical n’était pas un diagnostic qui pouvait
donner ouverture à l’application de l’article
[70] Puis, le plaignant et lui ont regardé les conditions de travail reliées au poste que le CSSS proposait à la Cité-de-la-Santé. Le plaignant jugeait que c’était trop loin et qu’il perdait de l’argent. Devant ce constat du plaignant, il ne pouvait cependant pas lui dire de rester chez lui, vu la Charte, parce que cela aurait été irresponsable.
[71] Le 1 er août 2013, madame Beaudin écrit la lettre suivante au plaignant :
À la suite de l’arbitrage médical ayant eu lieu le 30 mai dernier, le médecin arbitre a rendu la décision à l’effet que votre invalidité n’est pas reconnue depuis le 3 mai 2013.
Suite à différentes discussions dans le cadre de votre dossier et considérant le contexte actuel, nous désirons vous offrir deux possibilités quant à votre retour au travail, soit :
1- Dans le contexte d’une entente particulière et sous réserve de l’accord de votre syndicat, nous serions ouverts à vous octroyer un poste vacant au titre d’emploi de préposé aux magasins à temps complet sur le quart de jour. Votre nouveau port d’attache serait donc situé à la Cité-de-la-Santé. Par conséquent, aucuns frais de kilométrage ni de temps de transport ne vous serait versé. Ce titre d’emploi comporte trente-cinq (35) heures par semaine. Nous maintiendrons votre taux horaire de préposé au service alimentaire, lequel est plus élevé que celui de préposé aux magasins.
2- Votre deuxième option est d’intégrer le poste que vous détenez actuellement de préposé au service alimentaire à l’installation CHSLD Ste-Dorothée et ce, dès le 7 août 2013.
Considérant que l’arbitrage médical constitue une décision finale et exécutoire, tel que prévu à la convention collective, et qu’il s’est écoulé une période considérablement importante depuis la reconnaissance de votre capacité de travail, nous devons envisager un retour au travail à court terme. Par conséquent, prenez note que nous vous laissons un délai de quarante-huit (48) heures ouvrables suivant la réception de la présente afin de nous communiquer votre choix via votre syndicat.
À défaut d’accepter l’une ou l’autre de ces options, nous n’aurons d’autres choix que de vous considérer comme étant en absence non autorisée.
(reproduit tel quel)
[72] Une copie de cette lettre est transmise au syndicat par le CSSS. Son contenu est communiqué au plaignant par téléphone, le 2 août 2013, par Marie-Hélène Brousseau, conseillère en relations du travail au CSSS. Le plaignant appelle aussitôt au bureau du syndicat dans le but de parler à madame Cormier. Il n’y a pas de réponse.
[73] Plus tard dans la journée, madame Cormier laisse un message dans la boîte vocale du plaignant lui mentionnant qu’elle veut le rencontrer au sujet de la proposition que lui a faite le CSSS.
[74] Le plaignant, madame Cormier et monsieur Daubois ont une conversation téléphonique en après-midi, ce 2 août. Le plaignant leur fait part qu’il est en désaccord avec l’offre du CSSS parce qu’il perd beaucoup. Aux dires du plaignant, monsieur Daubois lui rétorque que « c’est une offre et [qu’il a] le droit de ne pas l’aimer, mais c’est une offre pareil ». D’avis que tout ce qu’ils veulent c’est avoir sa décision en regard des choix proposés par le CSSS et qu’ils n’ont rien négocié, le plaignant refuse de les rencontrer.
[75] À la suite de cette conversation, madame Cormier écrit notamment ceci au plaignant, le 5 août :
Nous vous écrivons pour faire suite à notre conversation téléphonique du jour (2 août) lors de laquelle nous avons tenté de céduler une rencontre avec vous et le conseiller syndical pour lundi le 5 août en P.M.
Vous avez indiqué à maintes reprises votre refus catégorique de venir nous rencontrer pour discuter avec vous :
1) des démarches qui ont été faites auprès de l’employeur
2) des démarches entreprises par l’employeur pour restaurer le climat aux cuisines
3) de l’état juridique de votre dossier
4) des options qui s’offrent à vous suite à la lettre que l’employeur vous a fait parvenir le 1 er août intitulée RETOUR AU TRAVAIL.
Lors de la conversation téléphonique vous avez déclaré « je vous demande de déposer une plainte aux Droits de la personne et si vous le faites pas je vais faire un 47.2 ». Ensuite vous avez raccroché sans laisser au conseiller syndical Jean-Pierre Daubois la chance de vous expliquer ceci :
[…]
(reproduit tel quel)
[76] Dans le reste de sa lettre, madame Cormier lui explique que le syndicat ne peut pas déposer une plainte à la Commission des droits de la personne à sa place parce que cet organisme n’accepte que les plaintes individuelles. Elle lui mentionne que, dans son cas, c’est un grief qui doit être déposé. Elle finit par lui réitérer qu’il est impératif qu’il rencontre les représentants du syndicat pour qu’ils lui expliquent « les tenants et aboutissants juridiques » de sa situation, notamment parce que le CSSS attend une réponse.
[77]
Mais la lettre du 5 août de madame Cormier croise une mise en demeure que
le plaignant envoie au syndicat le même jour. Il y écrit qu’en l’absence de
mesure réelle d’accommodement, il se sent contraint de retourner travailler à
son poste habituel. Il met aussi le syndicat en demeure de déposer un grief
afin de contester le comportement discriminatoire du CSSS et le refus de lui
trouver un accommodement raisonnable. Il donne deux jours ouvrables au syndicat
pour exécuter ses obligations, sans quoi il déposera une plainte en vertu de
l’article
[78] Selon le plaignant, à la suite de sa lettre, madame Cormier lui dit qu’ils n’ont plus besoin de se rencontrer et l’informe qu’elle préfère attendre le retour de vacances de monsieur Tremblay avant de déposer un second grief.
[79] Devant des offres qu’il qualifie de déraisonnables, le plaignant reproche au syndicat de s’être rangé du côté du CSSS plutôt que de faire des démarches additionnelles pour le forcer à respecter ses obligations légales.
[80] Le 7 août 2013, madame Cormier accompagne le plaignant à une rencontre avec madame Tadros, chef du Service alimentaire. Selon le plaignant, ce 7 août, madame Cormier lui mentionne à plusieurs reprises que le lendemain, jour de son retour au travail, Richard Després, qui est délégué syndical, sera présent pour s’assurer que tout se passe bien et pour faire du « coaching ». Le 8 août, jour de son retour au travail, aucun délégué syndical ne s’est présenté.
[81] Le 9 août, le plaignant est rencontré par le directeur des ressources humaines du CSSS qui l’avise qu’à la suite du rapport d’enquête du consultant, une suspension d’une semaine lui est imposée. La lettre qui lui est remise fait mention que la plainte de harcèlement psychologique, qu’il a déposée à l’encontre de monsieur Charles, n’est pas fondée et qu’à l’opposé celle de monsieur Charles est bien fondée.
[82] Madame Cormier, qui est présente à cette rencontre, s’engage à déposer un grief pour contester cette suspension, ce qui est fait le 15 août 2013.
[83] À son retour de vacances le 15 août, monsieur Tremblay reprend le dossier. Il prend connaissance de l’offre du 1 er août du CSSS, constate qu’elle ne respecte pas ce que le plaignant gagnait et se dit qu’il la refusera. C'est pourquoi il rencontre la Direction des ressources humaines du CSSS pour en discuter. Ils s’entendent pour que, si le plaignant accepte le poste de magasinier à la Cité-de-la-Santé, il ait le même salaire et les mêmes conditions de travail qu’avant.
[84] À ce moment-là, madame Roumbas n’est plus responsable du Service alimentaire. Monsieur Charles est en congé de paternité et tous les autres salariés impliqués dans le dossier de harcèlement sont de retour au travail.
[85] Selon le plaignant, lors d’une conversation téléphonique qu’ils ont le 28 août 2013, monsieur Tremblay admet que le CSSS avait une obligation d’accommodement envers lui et avoue qu’il y a eu des faiblesses majeures dans la négociation de cet accommodement. Il lui offre de déposer un grief si c’est ce qu’il souhaite.
[86] Encore selon le plaignant, lors de cette conversation, monsieur Tremblay soutient avoir porté à l’arbitrage, en décembre 2012, son grief de harcèlement psychologique. Il est surpris puisqu’à la rencontre du 29 avril 2013, il lui avait dit qu’il attendait le résultat de l’enquête du CSSS avant de le déposer au greffe des tribunaux d’arbitrage. Monsieur Tremblay prétend même alors que le grief sera entendu en janvier 2014, à la suite d’une entente particulière avec le CSSS.
[87] Le 30 août, le plaignant demande à monsieur Tremblay de lui transmettre un document officiel confirmant le dépôt du grief au greffe des tribunaux d’arbitrage et la date où il sera entendu.
[88] Le 3 septembre, le plaignant communique avec le greffe des tribunaux d’arbitrage. On lui dit que le grief 12-176, son grief de harcèlement psychologique, est réglé depuis le 7 février 2013. En effet, dans une lettre transmise à l’arbitre Francine Lamy le 7 février 2013, on peut lire le passage suivant : « La présente est pour aviser que le grief constituant le susdit mandat d’arbitrage a fait l’objet d’un règlement entre les parties. » Cette lettre est signée par la collaboratrice de monsieur Tremblay.
[89] Le 4 septembre, monsieur Tremblay transmet la description de tâches du poste de préposé aux magasins au plaignant. Il lui précise qu’indépendamment de ce qui est écrit au sujet des conditions salariales, le CSSS respectera celles de son poste d’origine. Il lui mentionne aussi que l’affichage de ce poste est suspendu jusqu’à ce qu’il prenne une décision.
[90] Avec le même envoi, il lui transmet une preuve du dépôt du grief de harcèlement (12-176) au greffe des tribunaux d’arbitrage et lui mentionne que, selon une entente tacite avec le CSSS, il devrait être entendu en janvier 2014.
[91] Finalement, il lui confirme qu’un grief sera déposé pour contester le comportement discriminatoire du CSSS, selon les balises indiquées dans sa mise en demeure, et lui précise qu’il le produira en janvier 2014 avec tous les griefs touchant son dossier dont il lui envoie copie. Un troisième grief, au profit du plaignant, sera effectivement déposé le 4 septembre 2013.
[92] Le plaignant dépose la présente plainte, le 9 septembre 2013.
[93] Le 25 septembre 2013, madame Beaudin écrit au plaignant pour faire le point à la suite de la lettre qu’elle lui avait envoyée le 1 er août 2013 et aux propositions qui lui étaient faites. Les passages suivants sont pertinents :
Conséquemment à cette proposition, vous avez exprimé via vos représentants syndicaux que cette proposition présentait une perte monétaire substantielle puisque cela engendrait un manque à gagner de 3.75 heures par semaine considérant que le poste de préposé aux services alimentaires que vous occupez actuellement dans votre titre d’emploi actuel est un emploi de 38.75 heures par semaine.
(reproduit tel quel)
[94]
Tenant compte de cette différence, le CSSS offre de lui payer la
différence de 3,75 heures pour qu’il ne subisse pas de perte de salaire.
L’offre est cependant conditionnelle à ce qu’il retire la plainte en vertu de
l’article
[95] Le 1 er octobre 2013, monsieur Tremblay confirme au plaignant que ses griefs seront entendus par un arbitre le 25 février 2014. L’arbitre est saisi de 8 griefs, dont les 3 griefs du plaignant et ceux de 3 autres salariés des cuisines impliqués dans les plaintes croisées de harcèlement psychologique.
[96] Dans son courriel, monsieur Tremblay souligne au plaignant qu’il attend toujours sa réponse à l’offre du CSSS.
[97] Au sujet du retrait du grief de harcèlement psychologique, monsieur Tremblay écrit :
Je vous invite à communiquer avec moi pour mieux comprendre l’imbroglio concernant le retrait de votre grief en février 2013. Si vous m’aviez appelé au lieu de porter plainte, je vous aurais expliqué que plusieurs griefs avaient été mis au rôle du greffe et retirés par erreur et que la partie syndicale et patronale avaient une entente pour le maintien de plusieurs griefs dont le vôtre.
[98] À l’audience, il précise qu’en novembre 2012, la responsable des griefs, qui était nouvelle, a commis une erreur et a envoyé tous les griefs au greffe des tribunaux d’arbitrage pour que des audiences aient lieu et un arbitre a été nommé. Le grief de harcèlement psychologique du plaignant en faisait partie.
[99] En décembre 2012, ajoute-t-il, il a discuté du problème que cette situation posait avec le représentant du CSSS. Ils ont convenu de modifier la liste des griefs envoyés à l’arbitrage. Pour éviter que l’arbitre facture des honoraires, le syndicat a retiré les griefs que les parties ne voulaient pas soumettre tout de suite à l’arbitrage.
[100] Le plaignant ne croit pas qu’il y a eu imbroglio.
[101] L’enquête du syndicat à la suite des griefs de harcèlement psychologique de salariés du Service alimentaire est faite les 30 et 31 octobre 2013. Le plaignant refuse d’y participer.
[102] À la suite de l’enquête du syndicat, il est décidé à une rencontre du comité de direction que monsieur Tremblay n’agira comme procureur dans aucun des dossiers, qu’un conseiller de la Fédération représentera monsieur Charles et qu’un avocat de l’extérieur représentera le plaignant.
[103]
Selon
l’article
[104]
Le Code ne
précise pas le sens qu’il faut donner aux mots mauvaise foi, arbitraire,
discrimination et négligence grave. Ce sont les tribunaux qui en ont déterminé
le sens ou la portée, notamment la Cour suprême dans
Noël
c.
Société
d’énergie de la Baie-James
,
[105] Selon la jurisprudence, la mauvaise foi suppose une intention de nuire, un comportement malicieux, frauduleux, malveillant ou hostile.
[106] La discrimination comprend toutes les tentatives de favoriser un individu ou un groupe sans que le contexte des relations du travail dans l’entreprise ne le justifie. Mauvaise foi et discrimination impliquent toutes deux un comportement vexatoire de la part du syndicat. L’analyse se concentre alors sur les motifs de l’action syndicale.
[107] La conduite arbitraire concerne la qualité de la représentation du syndicat. Elle signifie notamment qu’il ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci et examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables.
[108] Cependant, selon ce qu’écrit la Cour suprême dans l’affaire Noël :
[…] le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée possible. On devrait aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. L’association jouit donc d’une discrétion importante quant à la forme et à l’intensité des démarches qu’elle entreprendra dans un cas particulier.
[109] La négligence grave implique la commission d’une faute grossière, par exemple dans le traitement du grief d’un salarié. On est au-delà de l’incompétence. La Cour suprême précise notamment ceci au sujet de cet élément :
Le quatrième élément retenu dans l’art.
[110] Il faut ajouter à ce qui précède que la Commission ne siège pas en appel des décisions d’un syndicat. Elle n’a pas pour mandat de réévaluer une situation pour, après coup, substituer sa décision à celle qui a été prise parce qu’il lui semble qu’une autre aurait été préférable.
[111] En l’espèce, quoi qu’en pense le plaignant, la preuve ne permet pas de conclure que le syndicat a agi de mauvaise foi, de manière arbitraire ou discriminatoire envers lui, ni qu’il a fait preuve de négligence grave dans le traitement de son dossier, donc envers lui.
[112] On peut considérer que la trame actuelle comporte deux volets : le harcèlement psychologique et les demandes de retour au travail.
[113] Les parties, soit le plaignant, le syndicat et le CSSS, sont impliquées dans des plaintes de harcèlement psychologique croisées. Il s’agit d’une situation particulière qui n’est facile pour personne. Pour les salariés, dont le plaignant, parce qu’ils ont des droits, mais aussi pour le CSSS et le syndicat qui ont tous les deux des obligations envers les salariés, de façon générale et individuellement.
[114] Devant cette situation délicate et complexe, le CSSS choisit de mandater un consultant externe pour faire enquête. À l’époque, tous les salariés impliqués, dont le plaignant, sont absents du travail.
[115] Le syndicat décide, avant de faire sa propre enquête à la suite des griefs qui ont été déposés par les salariés, dont par le plaignant, d’attendre les conclusions du consultant et de voir ce que le CSSS fera.
[116] Les salariés rencontrés par le consultant sont accompagnés par des représentants du syndicat. Les rapports que ceux-ci font aux membres du comité de direction permettent à ces derniers de suivre l’enquête.
[117] Le plaignant aurait préféré que le syndicat agisse autrement, qu’il soit plus proactif comme il le dit et fasse enquête dès le dépôt de son grief, mais il n’y a rien dans l’approche adoptée par le syndicat qui peut être considéré comme un manquement à son devoir de représentation.
[118] Le consultant remet son rapport au CSSS en février 2013. Le plaignant est informé de son dépôt par un collègue qui a été sanctionné par le CSSS. La lettre suspendant ce collègue est transmise au syndicat, d’où l’argument du plaignant que le syndicat devait être au courant du dépôt du rapport. Or, le syndicat n’en a pas obtenu copie parce que le CSSS estimait qu’il était confidentiel.
[119] Que fait le syndicat à la suite de ce rapport? Il rencontre le plaignant le 29 avril 2013. Il importe peu que ce soit à la demande de ce dernier. Selon madame Aubé et monsieur Tremblay, lors de cette rencontre, le plaignant leur décrit ce qui s’est passé avec monsieur Charles.
[120] À ce moment-là, en ce qui concerne le harcèlement psychologique, le syndicat attend la suite que le CSSS donnera à la conclusion du rapport du consultant. Mais, le grief de harcèlement psychologique du plaignant, qui est un élément important dans la défense de ses droits, est toujours pendant.
[121] On peut déplorer l’imbroglio créé par le retrait de ce grief du greffe des tribunaux d’arbitrage, mais il demeure qu’il est toujours pendant et en attente d’être entendu. Le plaignant est d’ailleurs le seul à croire qu’il est prescrit. On peut aussi déplorer que monsieur Tremblay n’ait pas sécurisé le plaignant en lui précisant les dates de cheminement de son grief, mais il n’y a rien dans son comportement qui puisse être associé à un manquement au devoir de représentation.
[122] Les demandes de retour au travail du CSSS font suite à l’avis de l’arbitre médical qui a décidé que le plaignant était apte à reprendre le travail à partir du 3 mai 2013. Cet avis est concomitant au rapport de son médecin, selon qui il ne devait plus être en contact avec monsieur Charles.
[123] Le 27 juin 2013, le CSSS avise le plaignant qu’il doit reprendre le travail. Que fait le syndicat? Le jour même où le plaignant téléphone au bureau du syndicat, monsieur Tremblay communique avec lui. Certes dans l’état de détresse où il était, le plaignant aurait souhaité être rappelé plus tôt, mais on ne peut pas en faire le reproche à monsieur Tremblay.
[124] Quoi qu’il en soit, qu’a fait monsieur Tremblay après avoir pris connaissance de l’avis de l’arbitre médical? Il communique avec une collègue pour vérifier si monsieur Charles, le présumé harceleur du plaignant, a l’intention de quitter son poste. Il vérifie auprès du CSSS si un autre poste peut être offert au plaignant. Il s’assure aussi que, malgré l’avis de l’arbitre médical, le CSSS va continuer à lui verser des prestations d’assurance-salaire.
[125]
Lorsqu’il quitte
pour ses vacances, il n’a pas encore obtenu de réponse de sa collègue et du
CSSS. Il confie le dossier du plaignant à un collègue expérimenté, monsieur
Daubois. On peut lui reprocher de ne pas avoir eu la délicatesse d’en aviser le
plaignant, mais ce n’est pas ce type de manquement que vise le recours en vertu
de l’article
[126] Que se passe-t-il en l’absence de monsieur Tremblay? Le 23 juillet, le plaignant a un second appel du CSSS l’avisant qu’il doit reprendre le travail le 31 juillet. À la suite de cet appel, on peut comprendre son désarroi devant le fait qu’il ne savait plus à qui s’adresser pour obtenir de l’aide.
[127] Mais, cette aide était là. Elle n’est cependant peut-être pas venue aussi rapidement qu’il l’aurait souhaité. Monsieur Daubois le rappelle le lendemain matin pour le rencontrer. La lettre que madame Cormier lui envoie le 25 juillet est d’ailleurs éloquente au sujet de l’attention et de l’importance que le syndicat portait à sa situation et à son dossier.
[128] Le plaignant n’a peut-être pas aimé les propos ou le ton de monsieur Daubois ou ce qu’il lui a dit au sujet de ses droits, lors de la rencontre du 26 juillet 2013, mais cela ne constitue pas un manquement au devoir de représentation.
[129] Par la suite, le 1 er août 2013, le CSSS demande formellement au plaignant de reprendre le travail le 7 août et lui fait une proposition. Le plaignant en est informé par téléphone le 2 août. Le même jour, madame Cormier, monsieur Daubois et lui ont une conversation téléphonique. Encore là, le plaignant n’aime pas ce que monsieur Daubois lui dit et il leur reproche de n’avoir rien négocié et de n’être intéressés que par sa réponse à l’offre du CSSS.
[130] Or, il était tout à fait normal qu’ils souhaitent obtenir sa réponse à l’offre qui lui était faite, d’autant que c’était la première demande et offre formelle écrite. De plus, la prétention du plaignant apparaît plutôt contradictoire. D’une part, il soutient qu’il ne voulait pas que monsieur Dubois négocie avec le CSSS parce qu’il préférait attendre le retour de vacances de monsieur Tremblay. D’autre part, il lui reproche de n’avoir rien négocié.
[131] On ne peut pas reprocher au syndicat le fait que le CSSS ait pris l’initiative d’exiger que le plaignant reprenne le travail. En matière de rapports collectifs du travail, il appartient à l’employeur de prendre des décisions et au syndicat de les contester par grief, le cas échéant. C’est ce que le syndicat a fait.
[132] Insatisfait de ce que monsieur Daubois et madame Cormier lui disent au téléphone, le 2 août, le plaignant refuse de les rencontrer. Le 5 août, il préfère mettre le syndicat en demeure de déposer un grief et de reprendre le travail, comme le CSSS le lui demande.
[133] Cependant, à son retour de vacances, monsieur Tremblay poursuit sa démarche auprès du CSSS et obtient une offre qu’il transmet au plaignant le 4 septembre avec des explications au sujet de l’imbroglio concernant le retrait du grief de harcèlement psychologique.
[134] Le plaignant ne donnera jamais suite à cette offre et il ne collaborera pas à l’enquête du syndicat en rapport avec les griefs de harcèlement psychologique, préférant vraisemblablement s’en remettre au sort de sa plainte pour manquement au devoir de représentation qu’il dépose le 9 septembre 2013.
[135] Il ressort cependant du dossier que contrairement à ce que prétend le plaignant, le syndicat n’a pas manqué à son devoir de représentation envers lui. Les représentants du syndicat lui ont tantôt donné, tantôt offert du support, peut-être pas comme ou celui qu’il aurait souhaité, mais telle n’est pas la question.
[136] Même si à l’occasion le comportement de certains représentants n’est peut-être pas sans reproche, ce n’est pas ce que les dispositions portant sur le devoir de représentation ont pour but de sanctionner.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la plainte.
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__________________________________ Pierre Cloutier |
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M. Sébastien Parent |
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Représentant du plaignant |
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M e Robert Fuoco |
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LAROCHE MARTIN, AVOCAT-E-S (SERVICE JURIDIQUE DE LA CSN) |
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Représentant de l’intimé |
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M e Anne-Marie Bertrand |
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MONETTE, BARAKETT AVOCATS S.E.N.C. |
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Représentante du mis en cause |
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Date de l’audience : |
20 janvier 2014 |
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/ga