Éthier c. Commission des lésions professionnelles |
2014 QCCS 1092 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° : |
200-17-018864-132 |
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DATE : |
22 avril 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
LOUIS DIONNE, j.c.s. |
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MARIE-EVE ÉTHIER |
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Requérante |
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c. |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES Intimée et COMPAGNIE DE CHEMINS DE FER NATIONAUX et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL |
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Mises en cause |
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JUGEMENT RECTIFICATIF |
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[1] CONSIDÉRANT le jugement prononcé le 23 janvier 2014;
[2] VU qu’une erreur d’écriture s’est glissée au paragraphe 5 du jugement;
[3]
VU
l’article
[4] Il y a lieu de rectifier le jugement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[5] RECTIFIE le jugement prononcé le 23 janvier 2014 afin que le paragraphe [5] se lise comme suit :
[5] 5 septembre 2011, l’employeur de la requérante, par lettre, l’informe que son poste ne peut être modifié et qu’elle ne peut être réaffectée à un autre poste. La requérante s’est, par la suite, prévalue du retrait préventif de la femme enceinte prévu aux articles 132, 205(6) et 205.1 du C.c.t.
[6] LE TOUT, sans frais.
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__________________________________ LOUIS DIONNE, j.c.s. |
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M e Martin Savoie M e Stéphane Lacoste Verge Bernier Procureurs de la requérante |
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M e Mark Phillips Borden Ladner Gervais Procureurs de la mise en cause (CN) |
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M e Pierre-Michel Lajeunesse Vigneault Thibodeau Bergeron Procureurs de la mise en cause (CSST) Casier 187 |
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Date d’audience : |
6 décembre 2013 |
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Éthier c. Commission des lésions professionnelles |
2014 QCCS 1092 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° : |
200-17-018864-132 |
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DATE : |
23 janvier 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
LOUIS DIONNE, j.c.s. |
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MARIE-EVE ÉTHIER |
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Requérante |
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c. |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES Intimée et COMPAGNIE DE CHEMINS DE FER NATIONAUX et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL |
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Mises en cause |
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JUGEMENT |
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[1]
Marie-Eve Éthier dépose une requête en révision judiciaire, en vertu de
l’article
CONTEXTE
[2] La requérante est chef d’équipe à la gare de Charny. Son employeur, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), est une entreprise de transport de juridiction fédérale.
[3] Le 9 août 2011, la requérante présente une demande à la CSST en vertu du programme « Pour une maternité sans danger ». Elle est alors enceinte depuis environ sept semaines.
[4] Le 10 août 2011, un médecin recommande l’affectation de la requérante à des tâches ne comportant pas de danger physique, en raison de son état ou son retrait préventif, à compter de la vingtième semaine de grossesse.
[5] Le 15 septembre 2011, l’employeur de la requérante, par lettre, l’informe que son poste ne peut être modifié et qu’elle ne peut être réaffectée à un autre poste. La requérante s’est, par la suite, prévalue du retrait préventif de la femme enceinte prévu aux articles 132, 205(a) et 205.1 du C.c.t..
[6] Le 30 septembre 2011, la CSST informe la requérante qu’elle n’est pas admissible au régime de retrait préventif prévu à la Loi sur la santé et sécurité du travail (LSST) [3] , car cette dernière ne s’applique pas aux travailleuses d’une entreprise de juridiction fédérale et qu’ainsi elle n’a pas le droit au versement de l’indemnité de remplacement de revenu.
[7] Le 13 octobre 2011, la requérante demande à la CSST la révision administrative de la décision rendue le 30 septembre 2011.
[8] Le 13 janvier 2012, la décision du 30 septembre 2011 est confirmée en révision administrative au motif que la requérante n’est pas admissible au retrait préventif prévu par la LSST, car les entreprises de compétence fédérale ne sont pas assujetties à cette loi.
[9] Le 1 er mars 2012, la requérante dépose à la CLP une requête contestant la décision rendue le 13 janvier 2012 en révision administrative.
[10]
Le 30 juillet 2013, la CLP rejette la requête du 1
er
mars
2012, confirme la décision rendue le 13 janvier 2012 et déclare que l’article
[11] C’est cette dernière décision qui est visée par la présente demande de révision judiciaire.
QUESTION EN LITIGE
[12]
Le régime d’indemnisation de la LATMP est-il constitutionnellement
applicable à la travailleuse enceinte, oeuvrant pour une entreprise fédérale,
qui se prévaut du droit au retrait préventif en vertu des articles
PRÉTENTIONS DES PARTIES
[13]
Selon la requérante, une travailleuse enceinte, oeuvrant pour une
entreprise fédérale, doit bénéficier du même avantage qu’une travailleuse
enceinte oeuvrant pour une entreprise provinciale en ce qui a trait à
l’indemnisation subséquente au retrait préventif et doit avoir droit à une
indemnité de remplacement du revenu considérant que l’article
[14]
Selon le CN et la CSST, les articles
NORME DE CONTRÔLE
[15] Le 7 mars 2008, la Cour suprême rendait sa décision dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick [5] et émettait les principes devant désormais guider les tribunaux dans l’analyse relative à la norme de contrôle en matière de révision judiciaire, soit la norme de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. L’analyse relative à la norme de contrôle consiste donc en l’examen de quatre facteurs contextuels identifiés par la Cour suprême dans l’arrêt Pushpanathan [6] , soit :
- la présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel;
- l’expertise relative du tribunal par rapport à celle de la cour de révision sur le point en litige;
- l’objet de la loi et de la disposition particulière en cause;
- la nature de la question de droit, de fait ou mixte de droit et de fait.
[16] Dans l’arrêt Dunsmuir [7] , la Cour suprême rappelle qu’en général, la norme de la décision raisonnable s’impose en présence d’une clause privative, d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent être aisément dissociés, lorsque le tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat dont il a une connaissance approfondie, lorsqu’il s’agit de l’application d’une règle générale de common law ou de droit civil pour laquelle le tribunal administratif a acquis une expertise dans son domaine spécialisé et en présence d’une question de droit qui ne revêt pas une importance capitale pour le système judiciaire lorsqu’il existe une clause privative et que le décideur œuvre dans le cadre d’un régime administratif, distinct et particulier à l’égard duquel il possède une expertise particulière.
[17] Par contre, la norme de la décision correcte est applicable aux questions touchant au partage des compétences entre le Parlement et les provinces, aux véritables questions de compétence et de constitutionnalité, à une question de droit générale qui revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble tout en étant étrangère au domaine d’expertise du décideur et à la question de la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents.
[18] Quant aux quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle, la Cour suprême rappelle dans l’arrêt Khosa [8] , que l’accent doit être mis sur la nature de la question que le décideur est appelé à trancher.
[19] L’approche à préconiser doit être globale en permettant une analyse des motifs en corrélation avec le résultat afin de s’assurer que ce dernier s’avère être une solution possible, tel que le mentionne la Cour suprême dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’Union [9] .
[20] En 2011, dans l’arrêt Nor-Man Regional Health Authority Inc. [10] , la Cour suprême campe assez catégoriquement les questions assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte par rapport à la norme de la décision raisonnable en ces termes :
[35] La décision
d’un tribunal administratif est assujettie à la norme de la décision correcte
si elle soulève une question constitutionnelle; une question de « droit
générale "à la fois, d’une importance capitale pour le système juridique
dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise de l’arbitre″ »;
une « question touchant véritablement la compétence »; ou une question
portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux
spécialisés concurrents (
Dunsmuir,
par. 58-61;
Smith
, par. 26;
Toronto
(Ville)
c.
S.C.F.P., section locale 79
, 2003, CSC 63,
[36] En revanche, la norme de la raisonnabilité l’emporte généralement lorsque la décision du tribunal administratif touche aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique; lorsque les faits et le droit s’entrelacent et ne peuvent être facilement dissociés; ou lorsque le tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une « loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » ( Dunsmuir , par. 51 et 53-54; Smith , par. 26).
[21] Dans l’arrêt Dunsmuir [11] , la Cour suprême, traitant de la nécessité de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle, s’exprime ainsi :
[57] Il n’est pas toujours nécessaire de se
livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle. Là
encore, la jurisprudence peut permettre de cerner certaines des questions qui
appellent généralement l’application de la norme de la décision correcte (
Cartaway
Resources Corp. (Re)
,
[58] À titre d’exemple, il a été établi que la
norme de contrôle applicable aux questions touchant au partage des compétences
entre le Parlement et les provinces dans la
Loi constitutionnelle de 1867
est celle de la décision correcte :
Westcoast Energy inc.
c.
Canada
(Office national de l’énergie),
[59] Un organisme administratif doit également statuer correctement sur une question touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité. [...]
[22] En l’espèce, le litige soulève essentiellement des questions de droit touchant à l’applicabilité constitutionnelle de certaines dispositions de la LATMP aux travailleuses enceintes ayant exercé leur droit de retrait préventif d’une entreprise fédérale.
[23] La question en l’espèce touchant le partage des compétences entre le Parlement et les provinces est donc soumise à la norme de la décision correcte.
ANALYSE ET DISCUSSIONS
[24] Après avoir entendu les arguments de part et d’autre, le juge administratif Sansfaçon dispose des arguments de la requérante dans sa décision du 30 juillet 2013 de la façon suivante :
[33] À la lumière de ces développements récents, le
représentant de la travailleuse est d’avis que l’arrêt
Bell Canada c. Québec
(CSST)
ne fait plus autorité et il invite la Commission des lésions
professionnelles à se prononcer sur l’applicabilité de l’article
[34] La Commission des lésions professionnelles ne peut donner suite à cette demande.
[35] Même si, de toute évidence, la Cour suprême du Canada prend ses distances par rapport à certains aspects de la décision Bell Canada c. Québec (CSST) , il ne s’ensuit pas pour autant qu’elle rejette ce qui y a été jugé. Les passages suivants de la décision Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta portent à croire que la Cour n’entend pas remettre en cause la règle du stare decisis eu égard aux situations déjà traitées dans la jurisprudence :
Nous tenons à rappeler que la doctrine de l’exclusivité des compétences reste d’une application restreinte, et qu’elle devrait, en général, être limitée aux situations déjà traitées dans la jurisprudence . Concrètement, cela signifie qu’elle ne sera principalement destinée qu’aux chefs de compétence qui concernent les choses, personnes ou entreprises fédérales, ou encore qu’aux cas où son application a déjà été jugée absolument nécessaire pour permettre au Parlement ou à une législature provinciale de réaliser l’objectif pour lequel la compétence législative exclusive a été attribuée, selon ce qui ressort du partage constitutionnel des compétences dans son ensemble, ou qu’à ce qui est absolument nécessaire pour permettre à une entreprise d’accomplir son mandat dans ce qui constitue justement sa spécificité fédérale (ou provinciale). Si une affaire peut être décidée en appliquant l’analyse du caractère véritable, et la doctrine de la prépondérance fédérale au besoin, il sera préférable d’emprunter cette voie, comme l’a fait notre Cour dans l’arrêt Mangat .
En définitive, si en théorie l’examen de l’exclusivité des compétences peut être entrepris une fois achevée l’analyse du caractère véritable, en pratique, l’absence de décisions antérieures préconisant son application à l’objet du litige justifiera en général le tribunal de passer directement à l’examen de la prépondérance fédérale.
[36]
Le soussigné considère que l’affaire
Banque
canadienne de l’Ouest c. Alberta
ne permet pas une remise en question de ce
qui a été expressément décidé dans
Bell Canada c. Québec (CSST)
. Il est
utile de préciser qu’il s’agit d’un arrêt unanime
9
dont l’effet est
de déclarer les articles
[37] Par ailleurs, il est difficile de voir en quoi les nouvelles dispositions du Code canadien du travail en matière de retrait préventif modifient quoi que ce soit au ratio decidendi de la décision Bell Canada c. Québec (CSST).
[38] Il est bien connu que la Cour suprême du Canada peut écarter ses propres décisions, mais elles ont toujours une force obligatoire à l’égard des juridictions inférieures 10 .
[39]
Le représentant de la travailleuse prétend également que l’article
131. Le fait qu’un employeur ou un employé se soit conformé ou non à quelque disposition de la présente partie n’a pas pour effet de porter atteinte au droit de l’employé de se faire indemniser aux termes d’une loi portant sur l’indemnisation des employés en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, ni de modifier la responsabilité ou les obligations qui incombent à l’employeur ou à l’employé aux termes d’une telle loi.
L.R. (1985), ch. L-2, art. 131; L.R. (1985), ch. 9 (1 er suppl.), art. 4; 2000, ch. 20, art. 10.
[40] La technique du renvoi est bien connue des légistes. Les lois d’interprétation provinciale et fédérale contiennent d’ailleurs des dispositions à ce sujet 11 . Comme l’explique monsieur Pierre-André Côté dans son ouvrage Interprétation des lois 12 , « il y a renvoi lorsqu’une disposition d’un texte législatif oblige expressément le lecteur à se reporter à une autre disposition ».
[41]
L’article
25. Les droits conférés par la présente loi le sont sans égard à la responsabilité de quiconque.
__________
1985, c. 6, a. 25.
[42]
L’article
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il est versé une indemnité :
a ) aux agents de l’État qui sont :
(i) soit blessés dans un accident survenu par le fait ou à l’occasion de leur travail,
(ii) soit devenus invalides par suite d’une maladie professionnelle attribuable à la nature de leur travail;
b ) aux personnes à charge des agents décédés des suites de l’accident ou de la maladie.
(2) Les agents de l’État visés au paragraphe (1), quelle que soit la nature de leur travail ou la catégorie de leur emploi, et les personnes à leur charge ont droit à l’indemnité prévue par la législation — aux taux et conditions qu’elle fixe — de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions en matière d’indemnisation des travailleurs non employés par Sa Majesté — et de leurs personnes à charge, en cas de décès — et qui sont :
a ) soit blessés dans la province dans des accidents survenus par le fait ou à l’occasion de leur travail;
b ) soit devenus invalides dans la province par suite de maladies professionnelles attribuables à la nature de leur travail.
(3) L’indemnité est déterminée :
a ) soit par l’autorité — personne ou organisme — compétente en la matière, pour les travailleurs non employés par Sa Majesté et leurs personnes à charge, en cas de décès, dans la province où l’agent de l’État exerce habituellement ses fonctions;
b ) soit par l’autorité, judiciaire ou autre, que désigne le gouverneur en conseil.
(4) [Abrogé]
(5) L’indemnité est versée à l’agent de l’État, aux personnes à sa charge ou autres personnes que désigne l’autorité qui a été saisie du cas; celle-ci a, pour accorder les frais, la compétence que confère, en droit privé, la législation de la province où l’agent de l’État exerce habituellement ses fonctions.
(6) Peuvent être payés sur le Trésor :
a ) les indemnités et frais accordés au titre de la présente loi;
b ) les avances comptables — à toute autorité habilitée par la législation d’une province ou sous le régime de la présente loi à trancher les cas d’indemnisation — jugées utiles par le Conseil du Trésor pour couvrir les indemnités et frais qui peuvent être accordés sous le régime de la présente loi;
c ) pour les provinces où les frais de fonctionnement de l’autorité compétente sont assumés par la province ou couverts par les cotisations des employeurs, ou par les deux à la fois, la fraction de ces cotisations que le Conseil du Trésor estime juste et raisonnable;
d ) pour les provinces où l’autorité expose des dépenses en vue d’aider les victimes à se réadapter ou à faire disparaître tout handicap résultant de leurs blessures, la fraction de ces dépenses que le Conseil du Trésor estime juste et raisonnable;
e ) les avances comptables — à toute autorité —, pour les dépenses visées aux alinéas c ) et d ), que le Conseil du Trésor juge utiles.
L.R. (1985), ch. G-5, art. 4; 1996, ch. 10, art. 229.3.
[43] Pour toutes ces raisons, la requête de la travailleuse est rejetée.
(Références omises)
[25] Dans l’arrêt Tessier [12] , la Cour suprême, en 2012, soit plusieurs années après qu’elle ait décidé que la LSST ne s’appliquait pas aux entreprises fédérales et bien après les modifications apportées en 2000 au C.c.t., traite à nouveau du partage des compétences et des relations de travail dans le but de déterminer si les employés d’une société de débardage, dont les activités d’exercent toutes au Québec, sont régis par la législation fédérale ou par la législation provinciale en matière de santé et sécurité au travail. La juge Abella s’exprime ainsi :
[5] La
loi du Québec en cette matière s’intitule
Loi sur la santé et la sécurité du
travail
, L.R.Q., ch. S - 2.1 (
LSST
).
Son application relève de la Commission de la santé et de la sécurité du
travail (CSST). Celle-ci est financée par des cotisations versées
par les employeurs qui relèvent de sa compétence et établies en fonction de
taux fixés par la CSST.
Cette loi ne s’applique pas aux entreprises
fédérales :
Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la
sécurité du travail)
,
( Le Tribunal souligne)
[26] Il est clair que la Cour suprême n’a pas remis en question le principe de la non-application de la LSST aux entreprises fédérales établi dans son arrêt Bell Canada (1988). De plus, la règle du stare decisis ne permet pas de remettre en question cette décision de la Cour suprême, comme le souhaite la requérante.
[27] Dans leur traité fédéral sur le droit du travail [13] , les auteurs Coutu, Bourgault et Desjardins s’expriment ainsi au sujet de l’arrêt Bell Canada (1988) [14] :
Par contre, il a été jugé par le Conseil privé que l’indemnisation des accidents du travail en vertu d’une loi provinciale pouvait validement s’appliquer à une entreprise fédérale, cette loi ne faisant qu’en régir les obligations civiles 54 . On doit donc distinguer ici, pour ce qui concerne la santé et la sécurité au travail, entre les aspects préventifs et compensatoires d’un régime d’indemnisation des salariés. Les premiers, tels le refus d’exercer un travail dangereux, le retrait préventif de la femme enceinte ou la formation de comités paritaires de santé-sécurité, relèvent directement de la dimension « conditions et relations de travail », donc d’un élément vital pour l’entreprise : c’est pourquoi la Cour suprême du Canada a décidé, dans l’arrêt Bell Canada c. CSST 55 , que la Loi sur la santé et la sécurité du travail 56 ne pouvait s’appliquer aux entreprises fédérales.
(Le Tribunal souligne)
(Références omises)
[28]
L’article
Le fait qu’un employeur ou un employé se soit conformé ou non à quelque disposition de la présente partie n’a pas pour effet de porter atteinte au droit de l’employé de se faire indemniser aux termes d’une loi portant sur l’indemnisation des employés en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, ni de modifier la responsabilité ou les obligations qui incombent à l’employeur ou à l’employé aux termes d’une telle loi.
[29] Cet article réfère au régime applicable en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle et non à un risque lié à une grossesse qui n’est ni un accident du travail ni une maladie professionnelle.
[30]
Selon le régime québécois, la travailleuse qui
exerce son droit au retrait préventif est indemnisée en vertu de l’article
[31]
L’article
[32]
C’est donc dire que l’article
[33]
L’article
132. (1) Sans préjudice des droits conférés par l’article 128 et sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employée enceinte ou allaitant un enfant peut cesser d’exercer ses fonctions courantes si elle croit que la poursuite de tout ou partie de celles-ci peut, en raison de sa grossesse ou de l’allaitement, constituer un risque pour sa santé ou celle du foetus ou de l’enfant. Une fois qu’il est informé de la cessation, et avec le consentement de l’employée, l’employeur en informe le comité local ou le représentant.
(2) L’employée doit, dans les meilleurs délais, faire établir l’existence du risque par le médecin — au sens de l’article 166 — de son choix.
(3) Sans préjudice des droits prévus par les autres dispositions de la présente loi, les dispositions de toute convention collective ou de tout autre accord ou les conditions d’emploi applicables, l’employée ne peut plus se prévaloir du paragraphe (1) dès lors que le médecin en vient à une décision concernant l’existence ou l’absence du risque.
(4) Pendant la période où l’employée se prévaut du paragraphe (1), l’employeur peut, en consultation avec l’employée, affecter celle-ci à un autre poste ne présentant pas le risque mentionné à ce paragraphe.
(5) Qu’elle ait ou non été affectée à un autre poste, l’employée est, pendant cette période, réputée continuer à occuper son poste et à en exercer les fonctions, et continue de recevoir le salaire et de bénéficier des avantages qui y sont rattachés .
(Le Tribunal souligne)
[34] Il faut retenir, à la lecture de cet article, qu’il s’agit d’un droit unilatéral de cesser d’exercer ses fonctions courantes pour l’employée enceinte ou allaitant un enfant si elle croit qu’il y a risque pour sa santé ou celle du fœtus ou de l’enfant. À sa face même, cette disposition est incompatible avec toute forme d’indemnité de remplacement du revenu en vertu d’un régime provincial, car il y est prévu que l’employée continue de recevoir le salaire et les bénéfices rattachés à son poste.
[35] Dans son ouvrage sur l’ Interprétation des lois [15] , Pierre-André Côté écrit au sujet de la technique du renvoi qu’il y a renvoi lorsqu’une disposition d’un texte législatif oblige expressément le lecteur à se rapporter à un autre texte.
[36] Dans un article traitant de l’incorporation par renvoi dans l’exercice du pouvoir réglementaire à l’échelon fédéral, les auteurs Desjardins et Legault [16] mentionnent que la technique de l’incorporation par renvoi a été maintes fois reconnue par les tribunaux et bien qu’elle soit plusieurs fois centenaire, elle continue d’être un outil de prédilection dans le domaine de la réglementation fédérale. Ils s’expriment ainsi :
Le titulaire du pouvoir réglementaire a alors le choix de reproduire ces règles ou données intégralement dans son règlement ou d’utiliser la technique de l’incorporation par renvoi en incorporant ces règles ou données par un simple renvoi au document externe, sans les reproduire intégralement dans son règlement. 12 [...]
Des documents très divers peuvent ainsi faire l’objet d’un renvoi, notamment des lois ou règlements fédéraux, provinciaux ou étrangers et des documents contenant des normes établies par une autorité compétente. 15
[...]
Le titulaire du pouvoir réglementaire peut, selon l’effet recherché, utiliser la technique de l’incorporation par renvoi de façon statique ou dynamique. Ce faisant, il a avantage à exprimer clairement le caractère qu’il entend donner à l’incorporation par renvoi pour éviter de donner prise à une interprétation contraire à son intention par les tribunaux.
(Le Tribunal souligne)
[37]
Le Tribunal est d’avis que l’article
[38] Même en interprétant cet article de manière large et souple, le Tribunal ne peut considérer qu’il s’agit là d’un renvoi interlégislatif clair aux dispositions de la LATMP permettant l’indemnisation des travailleuses enceintes employées d’une entreprise fédérale.
[39] La réponse à la question en litige doit être négative. La décision rendue le 30 juillet 2013 par la CLP dans le dossier 463826-0313-1203 était non seulement correcte, mais également raisonnable.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[40] REJETTE la requête;
[41] LE TOUT , sans frais.
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__________________________________ LOUIS DIONNE, j.c.s. |
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M e Martin Savoie Me Stéphane Lacoste Verge Bernier Procureurs de la requérante |
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M e Mark Phillips Borden Ladner Gervais Procureurs de la mise en cause (CN) |
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M e Pierre-Michel Lajeunesse Vigneault Thibodeau Bergeron Procureurs de la mise en cause (CSST) Casier 187 |
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Date d’audience : |
6 décembre 2013 |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] L.R.C. 1985, c. L-2.
[3] L.R.Q., c. S-2.1.
[4]
Bell Canada
c.
Québec (Commission de la santé et de la sécurité du
travail)
,
[5]
Dunsmuir
c.
Nouveau-Brunswick
,
[6]
Pushpanathan
c.
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)
,
[7] Précité, note 5, par. 52, 53, 54 et 55.
[8]
Canada (Citoyenneté et Immigration)
c.
Khosa,
[9]
Newfoundland and Labrador Nurses’Union
c.
Terre-Neuve-et-Labrador
(Conseil du Trésor
),
[10]
Nor-Man Régional Health Authority Inc.
c.
Manitoba Association of Health Care Professionals,
[11] Précité, note 6, p. 224-225.
[12] Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail) , 2012, CSC 23.
[13]
Michel Coutu, Julie Bourgault et Annick Desjardins,
[14] Précité, note 4.
[15] Pierre-André Côté, Interprétation des lois , Éditions Thémis, Montréal, 4 e Édition, 2009 p. 92 et suiv.
[16] Jacques Desjardins et Josée Legault, « Incorporation par renvoi dans l’exercice du pouvoir réglementaire à l’échelon fédéral », Revue du Barreau Canadien, Vol. 70 , 1991, p. 247 et 248.