Créations Sylvain Lavoie inc. c. Gagnon |
2014 QCCQ 2099 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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LOCALITÉ DE |
LAVAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
540-32-025600-121 |
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DATE : |
21 mars 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
YVAN NOLET, J.C.Q. |
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CRÉATIONS SYLVAIN LAVOIE INC. |
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Partie demanderesse |
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c. |
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SANDRA GAGNON |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Créations Sylvain Lavoie inc. (« Créations Lavoie ») réclame 1 721,75 $ à Sandra Gagnon pour des travaux impayés de fabrication et d'installation d'armoires de cuisine et de salles de bain.
[2] En défense, Sandra Gagnon refuse de payer la somme réclamée alléguant de nombreuses déficiences aux travaux de la partie demanderesse. Elle considère que les travaux de Créations Lavoie n'ont pas été exécutés selon les règles de l'art.
[3] Se portant demanderesse reconventionnelle, elle réclame 7 000 $ à Créations Lavoie pour les nombreux troubles et inconvénients subis.
LES FAITS
[4] En mars 2012, madame Gagnon signe une entente avec Créations Lavoie concernant la conception, la fabrication et l'installation d'armoires destinées à deux cuisines et quatre salles de bain.
[5] Madame Gagnon explique que les armoires sont destinées à leur nouvelle résidence intergénérationnelle.
[6] Des plans et devis sont préparés et approuvés par madame Gagnon.
[7] Les armoires sont fabriquées à l'aide des plans et devis et livrées à la défenderesse en avril 2012. Lors de la livraison, les travaux à la résidence ne sont pas complétés de telle sorte que les armoires sont entreposées dans le garage de la résidence.
[8] Madame Gagnon fait valoir que lorsque livrées, les armoires ne sont pas protégées par un emballage adéquat et que toutes les portes sont déjà installées. Elle considère cette façon de faire comme étant peu professionnelle.
[9] Lors de l'installation des armoires, de nombreuses déficiences sont constatées. Celles-ci sont suffisamment nombreuses pour que Création Lavoie accepte de reprendre toutes les portes des armoires afin de faire le nécessaire pour les réparer ou de les remplacer.
[10] Madame Gagnon est ainsi privée de portes à ses armoires pour une période d'environ deux semaines avec les inconvénients esthétiques qui en résultent. Et cela, c'est sans compter les problèmes pratiques que la situation lui cause en tant que mère d'un « petit trésor » de 8 mois à la découverte de son monde.
[11] D'autres déficiences sont constatées par madame Gagnon. Il est question de coupes mal effectuées qui laissent voir, aux extrémités des tablettes, de nombreuses échancrures à la surface. Il y a aussi certaines largeurs déficientes pour l'installation des électroménagers et des panneaux qui s'ajustent mal aux murs et qui laissent voir une ouverture plutôt que d'être directement collés sur le mur.
[12] Le représentant de la demanderesse admet certains des problèmes et tente de résoudre ceux-ci à la satisfaction de madame Gagnon, mais ne parvient pas à tout corriger.
[13] Madame Gagnon est déçue, car encore aujourd'hui, elle fait remarquer que certaines portes d'armoires et panneaux ne sont pas ajustés de manière adéquate. Il y a aussi des trous, des marques ou inscriptions sur des tablettes et panneaux qui altèrent l'esthétisme de l'ensemble.
[14] Dans l'appartement des beaux-parents de la demanderesse, des déficiences sont également constatées. Monsieur Leblanc a mentionné des déficiences avec l'ilot central de sa cuisine et le fait que certains panneaux sont mal ajustés.
[15] Quelques mois après l'installation des armoires, un panneau servant à couvrir un néon tombe. Selon la preuve présentée lors de l'audience, ce panneau n'a pas été collé et les clous utilisés n'étaient pas assez longs.
[16] Bref, malgré les tentatives visant à corriger les nombreux problèmes, les photos produites en preuve permettent de constater que plusieurs déficiences existent toujours. Ces déficiences concernent des problèmes survenus soit lors de la fabrication, soit de l'installation des armoires.
[17] Pour sa demande reconventionnelle, madame Gagnon produit en preuve une facture de matériaux qui doivent être remplacés, une facture pour des lunettes brisées lors de la chute d'un module cache-néon. Cette paire de lunettes appartient cependant à sa belle-mère. Enfin, elle produit sans plus de détails, une liste de panneaux défectueux.
[18] Sa réclamation concerne également des dommages moraux pour les troubles et inconvénients que la situation lui a causés.
DISCUSSION ET CONCLUSION
[19] Le contrat intervenu entre Créations Lavoie et madame Gagnon constitue un contrat d'entreprise.
[20]
L'article
2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.
[21]
De plus, les obligations de l'entreprise devant fournir les services
sont plus amplement décrites, à l'article
2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
[22] D'autres dispositions du Code civil du Québec traitent de la question de la réception de l'ouvrage, des déficiences et du recours dont madame Gagnon dispose si les déficiences constatées ne sont pas corrigées.
[23]
Ce sont les articles
2110. Le client est tenu de recevoir l'ouvrage à la fin des travaux; celle-ci a lieu lorsque l'ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine.
La réception de l'ouvrage est l'acte par lequel le client déclare l'accepter, avec ou sans réserve.
2111. Le client n'est pas tenu de payer le prix avant la réception de l'ouvrage.
Lors du paiement, il peut retenir sur le prix, jusqu'à ce que les réparations ou les corrections soient faites à l'ouvrage, une somme suffisante pour satisfaire aux réserves faites quant aux vices ou malfaçons apparents qui existaient lors de la réception de l'ouvrage.
Le client ne peut exercer ce droit si l'entrepreneur lui fournit une sûreté suffisante garantissant l'exécution de ses obligations.
[24] La preuve démontre que madame Gagnon a accepté les travaux exécutés par Création Lavoie. Toutefois, elle a clairement informé son représentant que plusieurs corrections devaient être effectuées afin que les armoires et les comptoirs livrés soient exempts de déficiences.
[25] Le représentant de Création Lavoie admet l'existence de défectuosités et les photos déposées en preuve le confirment. En pareil cas, lorsque l'entrepreneur est clairement informé de nombreuses déficiences à corriger, il y a lieu de considérer que l'acceptation de l'ouvrage par madame Gagnon a été effectuée sous réserve.
[26]
Il en découle que madame Gagnon bénéficie alors du recours prévu à
l'article
2120. L'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur pour les travaux qu'ils ont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont tenus conjointement pendant un an de garantir l'ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou découvertes dans l'année qui suit la réception.
[27] Ainsi, madame Gagnon était bien fondée de retenir le solde contractuel dû à la demanderesse. Reste à savoir si le montant conservé est suffisant afin de corriger toutes les déficiences ou non.
[28] Lorsque les parties s'entendent sur une liste précise de déficiences à corriger, il est plus facile d'effectuer un suivi des travaux correctifs à réaliser. Lorsque les travaux prévus à la liste sont complétés, il est alors possible pour l'entrepreneur d'obtenir le paiement du montant qui lui reste dû en vertu de son contrat.
[29] Dans le présent dossier, aucune liste n'a été préparée. Il n'en demeure pas moins que plusieurs déficiences restent encore à corriger.
[30]
À cet égard, il revenait toutefois à madame Gagnon d'établir une valeur
aux travaux correctifs devant être complétés par Créations Lavoie. Dans l'appréciation
de la valeur de ces travaux, le Tribunal doit tenir compte des règles, dont
l'article
[31]
L'article
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[32] Cet article consacre le principe à l'effet que dans un procès civil, la prépondérance d'une preuve concernant un fait est suffisante afin de prouver l'existence de ce fait. Le Tribunal doit donc analyser l'ensemble de la preuve présentée par madame Gagnon en s'interrogeant sur l'existence d'une preuve prépondérante établissant le montant des travaux correctifs.
[33] Aucune expertise n'a été déposée par madame Gagnon afin d'établir le coût des travaux correctifs. Compte tenu de la preuve au dossier, le Tribunal arbitre le montant de ces travaux correctifs à la somme de 2000 $. Considérant le solde impayé au contrat, la demanderesse doit donc une somme de 278,25 $ à Madame Gagnon.
[34] De plus, madame Gagnon a également droit à des dommages découlant du défaut de la demanderesse de respecter ses obligations contractuelles. La preuve à cet égard a également été relativement sommaire. Ainsi, faute de meilleure preuve, le Tribunal lui accorde une somme de 550 $.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] REJETTE la demande de Créations Sylvain Lavoie inc.;
[36] ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle;
[37]
CONDAMNE
Créations Sylvain Lavoie inc. à payer à Sandra Gagnon la
somme de
828,25 $
avec intérêts au taux légal de 5 % l'an,
plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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__________________________________ YVAN NOLET, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
28 février 2014 |
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