Syndicat du personnel de soutien scolaire du Lanaudière (CSN) et Commission scolaire des Samares (M. A)

2014 QCTA 222

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2014-3823

 

 

Date :

Le  21 mars 2014

 

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DEVANT L’ARBITRE :

Me HUGUETTE APRIL

 

 

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SYNDICAT DU PERSONNEL DE SOUTIEN SCOLAIRE DE LANAUDIÈRE (CSN)

Ci-après appelé « le Syndicat »

 

 

Et

 

COMMISSION SCOLAIRE DES SAMARES

Ci-après appelée « l’Employeur »

 

 

GRIEF  : 2010-0001125-5320, le Plaignant 

 

NATURE DU LITIGE  : congédiement  - mise à pied

 

Procureur syndical : M. Sylvio Côté

Procureur patronal : Me Jean-Claude Girard

 

Dates d’audience sur le fond : 9 avril 2013, 29 et 31 janvier 2014

Date de la décision : 21 mars 2014

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

(art. 100 et suivants, C.T.Q.)

 

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[1]           Le 9 avril 2009, le Syndicat au nom de et pour le plaignant, a déposé un grief contestant son congédiement.

 

[2]           Ce grief (S-3) se lit comme suit :

 

« Nature du grief : congédiement

 

Faits et correctifs

 

En vertu de la présente lettre copie conforme, je conteste la lettre datée du 19 mars 2009 ainsi que la mesure de congédiement subséquente. Cette mesure est abusive et non fondée de plus, non valide et illégale aux fins de la convention collective.

 

RÉCLAMATION

 

Je réclame le retrait de ladite lettre et que cette mesure soit déclarée nulle et sans effet et qu’elle soit retirée du dossier du plaignant et tous les autres droits et avantages prévus à la convention collective, la compensation de tous les préjudices subis de quelque nature qu’ils soient incluant les dommages moraux et exemplaires ainsi que le préjudice fiscal. Le tout rétroactivement et avec intérêts au taux prévu au Code du travail, sans préjudice aux autres droits dévolus. » 

 

[3]            Cette lettre du 19 mars 2009 (S-4) se lit comme suit :

       

« Monsieur,

         

Compte tenu de votre incapacité physique à rencontrer les exigences de votre poste, nous désirons vous informer, par la présente, que le Comité exécutif sera saisi d’une recommandation de mettre fin à votre lien d’emploi.

 

Le Comité exécutif, lors de sa séance régulière du 6 avril 2009, à la salle des commissaires au 4671, Principale, St-Félix-de-Valois, procédera à votre fin d’emploi. Si vous désirez être entendu, vous ou votre personne représentante syndicale lors de cette rencontre, nous vous invitons à contacter monsieur Claude Coderre, secrétaire général au (...).

 

Nous vous rappelons que pour bénéficier des dispositions prévues à l’article 7-4.00, vous devez faire une demande écrite avant le 1 er avril 2009 à madame Hélène Cayer.

 

Finalement, nous vous informons que l’ensemble de votre dossier sera géré à la paie et vous recevrez, s’il y a lieu, les montants qui vous sont dus. »

 

[4]           Le 6 avril 2009, le Comité exécutif a adopté une résolution (S-5) intitulée « Mise à pied : personnel de soutien administratif ». Cette résolution se lit comme suit :

 « Considérant les dispositions de l’article 7-4.00 de la convention collective;

 

Considérant l’incapacité physique des personnes suivantes (le nom des personnes visées est indiqué dont celui du plaignant) de rencontrer les exigences de leur poste et de tout autre poste;

 

IL EST PROPOSÉ par monsieur (…) et résolu unanimement :

 

DE PROCÉDER à leur mise à pied. »

 

[5]           Les parties ont procédé aux admissions d’usage, à savoir que la procédure de règlement des griefs et d’arbitrage a été suivie, que l'arbitre est validement saisie du  grief et qu’elle a compétence pour le trancher. Elles ont demandé à l’arbitre de conserver sa compétence sur le quantum, s’il y a lieu.

 

[6]           Lors de la première journée d’audience [1] , ont été portées à l’attention de l’arbitre, les discussions entre les parties relativement au témoignage du Dr Édouard Beltrami. Le Syndicat voulait le faire entendre à titre d’expert alors que l’Employeur s’opposait, alléguant, notamment, l’absence de pertinence, eu égard au libellé du grief et au fait que ce médecin a vu le plaignant près de deux ans après les faits à l’origine du grief. Les parties se sont entendues pour demander une décision sur cette question.

 

[7]           Dans une décision rendue le 7 mars 2013 [2] , j’ai accueilli l’objection à la recevabilité du rapport du Dr Édouard Beltrami daté du 22 mars 2011 et de son témoignage sur ce rapport estimant que ce rapport d’expertise portait sur la situation du plaignant au moment où le Dr Beltrami l’a examiné, à savoir en mars 2011 et, partant, ne pouvait éclairer le Tribunal sur la situation prévalant en mars et avril 2009.

 

[8]            Il s’agit dans cette décision de décider du grief à son mérite.

 

LA PREUVE

 

[9]           Le Syndicat a fait entendre à nouveau le plaignant, son témoignage s’ajoutant à celui qu’il a fait lors de l’audience sur la recevabilité du rapport du Dr Beltrami.

 

[10]         Le Syndicat a annoncé au début de l’audience, sur le mérite du grief, le témoignage du Dr Major, psychiatre, lequel estimait le plaignant apte à un retour progressif au travail le 19 janvier 2009, selon son rapport médical du 20 décembre 2008 (S-15). Celui-ci n’a pas témoigné toutefois.

 

[11]        L’Employeur a fait témoigner le Dr Louis Legault, psychiatre, auteur du rapport à la suite de l’expertise effectuée à la demande de l’Employeur ainsi que Mme Sonia Coutu, directrice adjointe au Service des ressources humaines, secteur de la santé et du développement organisationnel jusqu’en 2009.

 

[12]        En plus de la preuve documentaire déposée lors de l’audience sur la recevabilité du rapport d’expertise du Dr Beltrami et de son témoignage, et dont la liste des pièces se retrouve à l’annexe A, ont été déposées les pièces suivantes : 

 

·         Le curriculum vitae du Dr Louis Legault (C-4);

 

·         Une lettre datée du 19 janvier 2009 de Mme Julie Bédard, conseillère en santé et sécurité au travail au Service des ressources humaines, adressée au Dr Legault (C-5);

 

·         Un extrait du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) (C-6);

 

·         Une lettre du 3 octobre 2006 du directeur et du directeur adjoint du Service de la technologie et de l’informatique adressée au plaignant ayant comme objet les attentes face à la tâche (C-7);

 

·         Une lettre du 23 novembre 2006 convoquant le plaignant pour une mesure disciplinaire (C-8);

 

·         Un avertissement disciplinaire adressé au plaignant daté du 29 novembre 2006 (C-9);

 

·         Un billet portant le titre « ordonnances médicales » daté du 14 janvier 2009 (S-18) pour un retour progressif au 1 er février et précisant les modalités du retour. L’Employeur s’est opposé au dépôt de cette pièce et elle a été prise sous réserve;

 

·         Un billet portant le titre « ordonnances médicales » daté du 24 février 2010 mentionnant que « le plaignant a été suivi à la clinique et qu’actuellement le plaignant ne présentait plus de symptôme de dépression » (S-19). L’Employeur s’est également opposé au dépôt de cette pièce et elle a également été prise sous réserve;

 

·         Un dossier de 24 pages contenant les différents documents remis par l’Employeur au Dr Legault pour son expertise (S-20).

 

[13]        Le rapport du Dr Beltrami (S-17) a, lors de l’audience sur la recevabilité de ce rapport, été déposé sous réserve. Malgré la décision du 7 mars dernier retenant l’objection à la recevabilité de ce rapport, les parties ont convenu que ce rapport demeure au dossier en ce qui concerne les déclarations du plaignant au Dr Beltrami en regard de la situation prévalent à la période contemporaine au litige.    

 

La preuve testimoniale  

 

Le plaignant

 

[14]         Le plaignant a été engagé à la commission scolaire en novembre 1999 comme technicien en informatique après avoir posé sa candidature sur un poste et avoir été rencontré en Comité de sélection composé de 5 personnes, dont le directeur du Service informatique et de directeurs d’école. Son expertise en télécommunication est apparue intéressante au comité et il a obtenu le poste.

 

[15]         Il a dû faire des démarches auprès d’anciens employeurs afin de se faire reconnaître ses années d’expérience aux fins de son classement salarial, ce qui a requis un certain laps de temps. Il a finalement obtenu l’ensemble des attestations requises. M. Jetté du Service des ressources humaines lui a reconnu 10 ans d’expérience sur ses 12 ans. Ce classement n’a pas été rétroactif.

 

[16]        Au début, il a travaillé avec 8 autres techniciens sur le « blitz du bogue » de l’an 2000, et ce, pendant environ 2 mois.

 

[17]        Par la suite, bien qu’il souhaitait travailler dans le secteur de St-Gabriel-de-Brandon et de St-Jean-de-Matha, un salarié détenant plus d’ancienneté ayant obtenu ce secteur, il a été assigné dans le secteur de Joliette où il desservait de 12 à 13 écoles primaires. Il y avait des anciens serveurs dans ces écoles. Son poste de travail était à l’Espace jeunesse et les serveurs à son bureau. Il y avait beaucoup de travail, car il fallait installer de nouveaux ordinateurs, réparer les vieux en plus de répondre aux demandes des professeurs et des directions d’école.  

 

[18]        Son horaire de travail était de 8 h 30 à 4 h 30. Il avait la clé de son lieu de travail. Aussi, il pouvait rester le soir pour travailler, pour s’améliorer ou récupérer les ordinateurs et les réparer pour les élèves.

 

[19]         Avant 2003, il a travaillé pendant 3 ans à l’installation de nouveaux ordinateurs. Il a aussi travaillé à l’élaboration de procédures d’installation plus homogènes. Il a été un des initiateurs.  

 

[20]        En 2003, il est tombé malade alors qu’il était en poste à l’Espace jeunesse. Il avait des grippes à répétition et, avec le médecin, il cherchait à cerner les causes. Il a subi une opération des sinus pour finalement découvrir qu’il faisait une mononucléose atypique et une infection à Coxsackie. Il a été absent près de deux ans et demi.

 

[21]         Il a demandé de revenir au travail à temps plein au mois d’avril 2005 . Le Dr Clermont lui a fait passer des tests et a émis des doutes sur sa capacité de revenir au travail. Aussi, étant donné que ce médecin avait des doutes pour sa santé, il a préféré ne pas revenir et attendre. Cet été là, il a fait beaucoup d’exercices pour se remettre en forme.

 

[22]        Son médecin traitant a émis un billet pour un retour à temps plein à la fin du mois d’août. La commission scolaire a demandé une expertise. Cela a pris au moins 4 semaines avant d’obtenir un rendez-vous. Il a finalement vu le Dr Clermont, lequel a recommandé un retour au travail en transmettant, dès l’après-midi, son rapport à la commission. Dès le lendemain, Mme Coutu fixait une rencontre pour son retour, rencontre qui a eu lieu une semaine plus tard. 

 

[23]        La rencontre avec Mme Coutu était prévue pour 9 h. Il est arrivé un peu plus tôt.     Elle était déjà avec M. Beaumier, son supérieur immédiat. Il a attendu 40 minutes. Le directeur, M. Fiset, est allé voir Mme Coutu et par la suite la rencontre a eu lieu au bureau de Mme Coutu. Elle ne semblait pas de bonne humeur. Il avait l’impression de revenir au travail après une mesure disciplinaire. Elle ne s’est pas informée de son état de santé. Elle lui a mentionné que le travail avait changé et qu’il ne répondait plus directement aux demandes des enseignants. Il avait droit à 5 semaines de vacances et elle voulait qu’il les prenne avant son retour. Il souhaitait les conserver afin de pouvoir s’absenter lorsqu’il se sentirait trop fatigué, car il était encore faible à la suite de sa mononucléose. Après discussion, il a dû finalement prendre 5 jours de vacances consécutifs, et par la suite 3 semaines. La dernière semaine a pu être morcelée en jours d’absence. 

 

[24]        Lors de cette rencontre, il a discuté de son expérience de travail et il a été question des orientations de la commission scolaire, de l’approche client et du travail d’équipe. Il a été assigné à la polyvalente de Saint-Gabriel dans le secteur Bermon où il devait s’occuper de 11 écoles de niveau primaire, 2 de niveau secondaire et une école d’enseignement pour adultes. Il avait informé M. Veillet qu’il aimerait avoir ce secteur, étant donné que M. Chevalier était assigné dans un autre secteur. Mme Coutu ne croyait pas qu’il était capable. Il a expliqué qu’il avait 15 ans d’expérience en informatique et il connaissait le système utilisé dans ce secteur. Il avait besoin seulement que M. Chevalier l’accompagne quelques jours pour l’informer de la routine et lui donner les mots de passe. Elle a refusé en lui disant que M. Chevalier n’ira plus jamais dans ce secteur. Elle était fâchée contre lui. Il a réitéré sa demande de pouvoir être accompagné quelques jours par M. Chevalier. M. Veillet lui a dit « tu as entendu la réponse de Mme Coutu ». Aussi, il ne s’est pas obstiné. Il n’a pas obtenu l’aide demandée. Il a commencé à travailler la même journée de la rencontre. Il a été plutôt jumelé à un technicien temporaire, M. Bodella, lequel avait travaillé quelques jours avec M. Chevalier.

 

[25]        M. Bodella l’a présenté dans les écoles en disant que c’est lui qui vole mon emploi, et ce, pendant deux jours. Il ne trouvait pas ces commentaires appropriés. M. Bodella ne connaissait pas les mots de passe et il n’était pas vraiment aidant. Il a demandé à nouveau à M. Veillet l’aide de M. Chevalier et cela a été refusé à nouveau. 

 

[26]        Lors de la rencontre avec Mme Coutu et M. Veillet, il a discuté aussi de ses besoins de mise à jour, de certains ajustements au niveau de la nouvelle plateforme informatique. M. Veillet l’a informé par courriel une semaine après la rencontre que cette demande de mise à jour lui était refusée. Il a dû se former lui-même. Il a suivi une formation d’une journée à Montréal sur le système « Active Directory ». Ce système n’était pas encore implanté dans les écoles. L’achat des ordinateurs dans les écoles se faisait de façon disparate. Avec deux autres techniciens, Serge et Éric, ils ont été les premiers à écrire les procédures pour tous les autres techniciens, afin de pouvoir uniformiser et faciliter le montage des ordinateurs et installer les menus souhaités sur les disques durs.

 

[27]        L’implantation de la nouvelle plateforme informatique s’est poursuivie sur plusieurs mois au cours de l’année 2006. Il avait adopté une façon de procéder. Une école peut avoir plus d’une bâtisse, aussi il installait le nouveau système dans toute l’école.

 

[28]        Au printemps 2006, M. Beaumier a envoyé M. Bodella dans des écoles de son secteur. Il passait avant lui et le travail n’était pas fait au complet ou correctement. Il fallait, en conséquence, qu’il retourne, ce qui a occasionné des retards. M. Beaumier planifiait le travail une semaine à l’avance et cette planification ne fonctionnait pas.  Ainsi, il devait passer une journée à St-Zénon, une journée à St-Michel et le lendemain, 2 jours à la polyvalente. Dès la première journée à St-Zénon, il a informé M. Beaumier qu’il avait besoin d’aide et ce dernier a envoyé deux autres techniciens. Trois jours et demi ont été requis pour faire le travail à St Zénon. Le retard ne lui était pas imputable. La semaine suivante, il a aussi eu de l’aide. Beaucoup de travail a été effectué en temps supplémentaire. Le travail allait bien, mais M. Beaumier n’était pas content et il mettait de la pression.

 

[29]        À l’été 2006, il a pris deux semaines de vacances. Il lui restait deux autres semaines de vacances qu’il voulait garder pour des jours de maladie, mais cela lui a été refusé.

 

[30]        En octobre 2006, il a été convoqué à une réunion avec Mme Coutu et M. Beaumier. Cette rencontre a duré entre 2 h 1/2 et 3 heures et il lui a été fait des réprimandes pour des « peccadilles ». Ainsi, une école n’était pas contente à cause de cartouches d’encre. On lui reprochait d’avoir terminé dans une école primaire à 3 h 30  et d’être arrivé après 8 h 30 dans une école située à St-Michel, ignorant que cette école était beaucoup plus loin. Il a demandé s’il fallait partir plus tôt et réclamer du temps supplémentaire. Mme Coutu n’était pas contente et M. Boisclair était assez raide. Le ton était plus conciliant avec M. Beaumier. 

 

[31]        Quelques jours avant cette rencontre, il avait fait une gastroentérite. Sa santé était moins bonne. Il avait eu deux jours d’absence. Il a appelé son médecin et elle lui a dit d’arrêter de travailler. Il a informé Mme Bourgeois, la responsable, qu’il devait appeler le matin lorsqu’il s’absentait.

 

[32]        Il a reçu un appel de la commission scolaire, M. Veillet demandait un billet médical. Quand il en avait un, M. Veillet disait que cela n’était pas le bon formulaire. Il a demandé à Mme Vincent le formulaire et celle-ci refusait de lui donner.

 

[33]        Il est allé voir son médecin la Dre Desroches et celle-ci a rempli un billet médical (S-6) qu’il a envoyé à Mme Bourgeois et à M. Veillet par courriel le 25 novembre. Il est possible que l’original ait été remis le 27 novembre, selon ce qui est écrit sur le billet.  Ce billet a été refusé par Mme Bédard ou Mme Coutu, car il n’y avait pas de diagnostic (S-17.1, p. 2).

 

[34]        Sur ce billet, il est écrit : « Arrêt de travail les 13, 14, 15, 17, 20, 21, 22 et 23 novembre. Arrêt de travail à partir de ce jour 23/11/2006 au vendredi 8/12/2006 inclusivement » (S-6 ou S-17.1, p. 1).

 

[35]        Il a été convoqué à la fin du mois de novembre 2006, pour une mesure disciplinaire. Il a reçu par la suite un avis disciplinaire, la lettre lui a été envoyée chez lui. Il aurait fait quelque chose d’incorrect, selon la directrice adjointe, mais il ignore quoi et à l’égard de qui.

 

[36]        Cette absence pour maladie a été prolongée le 6 décembre par la Dre Desroches jusqu’à la fin du mois de janvier 2007. Sur ce billet médical, la Dre Desroches a écrit « Je n’inscris les diagnostics que sur les feuilles d’assurance » (S-7 ou S-17.1, p. 3).

 

[37]        Le 18 janvier 2007, un autre billet médical a été émis par la Dre Desroches. Il y est écrit : « Arrêt de travail pendant deux autres mois, il sera revu dans 6 semaines » (S-8 ou S-17.1, p. 4). Il n’a pas reçu le formulaire d’assurance et il n’est plus payé, car ce billet n’indique pas de diagnostic. Il doit payer son assurance médicaments en plus de payer les médicaments. Il redemandait le formulaire d’assurance et obtenait toujours un refus.

 

[38]        Il y avait eu une légère amélioration de son état de santé pendant le temps des Fêtes. À force de se battre, il se sent toutefois en janvier de plus en plus fatigué. Il ne peut dire s’il y a un lien avec sa mononucléose ou sa dépression. Il ressent une extrême fatigue, de la lassitude, un manque d’estime de soi et a le sentiment qu’on ne l’aime pas. Il a mal partout, a le sommeil agité et cri même la nuit. Il avait des difficultés avec sa digestion et souvent des diarrhées. Il estime que les représentants de l’Employeur ne se sont pas comportés en bon père de famille et qu’il y a eu du harcèlement.  

 

[39]        Il a revu la Dre Desroches au début du mois de février 2007. Elle a rempli un formulaire d’assurance sur lequel le diagnostic est indiqué : dépression d’intensité modérée (S-9 ou S-17.1, p. 5). Il ne voulait pas le croire et elle lui a expliqué ce diagnostic en décrivant comment il se sentait : fatigue, tristesse, sentiment de dévalorisation, voit tout en noir. Le prochain rendez-vous était fixé à la fin du mois de février.

 

[40]        Au cours de cette période, il ne faisait pas grand-chose dans sa journée. Il écoutait la télévision. Alors qu’il aimait aider les gens, ce n’était pas le cas, il s’isolait plutôt. Il filtrait ses appels téléphoniques. Son sommeil était agité. Il ressentait une faiblesse morale après avoir vécu une faiblesse physique. Il se demandait pourquoi on le détestait à ce point. Il s’agit de la période la plus morne de sa vie. Les symptômes sont écrits dans le formulaire d’assurance à la section 3 (S-9).

 

[41]        Une médication a été prescrite (S-9). Dans ce rapport médical, la case  « psychothérapie » est cochée et il est indiqué : « consultation en psychologie demandée ».

 

[42]        L’Employeur a demandé une expertise, car selon le plaignant, il n’acceptait pas les rapports médicaux de la Dre Desroches.

 

[43]        Le 17 avril 2007, à la demande de l’Employeur, il a rencontré le Dr Wolf, psychiatre. Ce fut une longue rencontre. Il a donné son autorisation à ce que celui-ci puisse consulter son médecin traitant, la Dre Desroches. Il a informé ce médecin de ses craintes quant à la confidentialité de son dossier médical, car Mme Vincent, du Service des ressources humaines, pouvant parfois faire des vérifications avec des gens au Ministère.

 

[44]        Il confirme que le résumé fait par le Dr Wolf de son dossier, du suivi, des antécédents et habitudes, de son histoire de la maladie actuelle et de son histoire personnelle est conforme. Il se reconnaît dans cette description, sauf en ce qui concerne le nombre d’années qu’il fréquente sa copine.

 

[45]        Le rapport du Dr Wolf a été envoyé à l’Employeur. Mme Vincent l’a informé que le rapport était analysé. Elle l’a appelé, le 10 mai 2007, pour l’informer que le diagnostic était accepté et qu’il y aurait paiement de son assurance salaire rétroactivement au mois de février. L’Employeur refusait de verser les prestations pour le mois de janvier, car les billets médicaux étaient incomplets.

 

[46]        Il croit avoir parlé à Mme Fournier du Service des ressources humaines de l’attitude de l’Employeur qu’il estimait inhumaine. Il avait des difficultés financières. Il s’endettait avec sa carte de crédit, laquelle était parfois refusée à l’épicerie, par exemple. Il a alors dit que « s’il était père de famille, tout ce qui lui restait à faire c’est de se tirer une balle dans la tête ». Il ajoute que cela sortait du cœur. 

 

[47]        Quarante-cinq à soixante minutes après cette conversation, 4 véhicules de police entraient en trombe chez lui et une cinquième voiture bloquait la circulation. Il a demandé aux policiers ce qui se passait et un policier a référé à la conversation téléphonique qu’il venait d’avoir avec une personne de la commission scolaire. Il a répété aux policiers la teneur de la conversation et ils lui ont mis les menottes. Un officier s’est présenté environ 20 minutes plus tard et un policier l’a informé qu’aucune arme n’avait été trouvée sur place. Il a expliqué à l’officier qu’il n’avait pas formulé de menaces. L’officier lui a demandé s’il acceptait de rencontrer un psychiatre. Il a accepté. Les policiers sont partis un peu plus de 2 h à 2 h 1/2 après.

 

[48]        Il considère que cet incident a entaché sa réputation. Il a attendu des commentaires de ses voisins. Il a été très affecté, il était à terre. On le dévalorisait encore plus. Il s’est isolé encore davantage et a broyé du noir. Il ne pouvait entrevoir de futur et ses rêves de retraite à 55 ans n’avaient plus aucun intérêt pour lui.

 

[49]        Le 4 juin 2007, la Dre Desroches a signé un autre rapport médical (S-10 ou S-17.1, p. 23). Elle a formulé un commentaire quant à sa demande de psychothérapie pour le plaignant et déplore qu’il n’ait pas les moyens, car son salaire est retenu depuis plusieurs mois. Le plaignant reconnaît qu’au au point 3 de ce rapport la Dre Desroches a écrit ce qu’il lui a dit de l’incident avec les policiers.

 

[50]         Le 30 août 2007, il a vu le Dr Lapointe à la demande de l’Employeur dans les locaux de la commission scolaire dans un sous-sol. Il a attendu environ 40 minutes alors que Mme Coutu était avec ce médecin. Au début de la rencontre, le Dr Lapointe lui a dit « tu aurais pu te manquer et rester infirme ». Il lui a demandé de quoi il parlait et le Dr Lapointe a répondu de sa tentative de suicide. Il lui a raconté sa version de l’événement. Selon le plaignant, le Dr Lapointe a été informé de cet événement par Mme Coutu. Il nie totalement avoir fait une tentative de suicide. Il n’a pas aimé ce médecin, sa façon de faire en regard de la confidentialité notamment.

 

[51]        Le 28 octobre 2007, il a vu à nouveau la Dre Desroches. La prochaine visite est prévue pour la fin du mois de novembre. Dans son rapport médical, elle réitère que le plaignant a besoin de psychothérapie et qu’une consultation en psychiatrie est demandée depuis le mois d’avril 2007. Elle considère qu’il réussit à être un peu plus actif et sa concentration s’améliore, mais cela est largement insuffisant pour un retour au travail (S-11 ou S-17.1, p. 29).

 

[52]        Il explique qu’il allait mieux comparativement à avant. Il faisait de l’exercice et variait ses activités d’un jour à l’autre. Il pouvait être actif de 4 à 6 heures par jour.   

 

[53]        Il a eu recours au programme d’aide aux employés et a vu un psychologue à 4 reprises dans le cadre de ce programme.

 

[54]        Le 15 janvier 2008 à la suite de la visite des policiers, il a vu le Dr Major, psychiatre, à son bureau à Rawdon. La rencontre a duré environ 1 h 30. Il avait apporté le rapport de la Dre Desroches et, croit-il, le rapport du Dr Wolfe, mais pas celui du Dr Lapointe qu’il n’avait pas d’ailleurs. Le Dr Major a diagnostiqué une dépression unipolaire, car selon les explications que lui a données le médecin, il avait des hauts et non des bas.

 

[55]        Le 23 janvier 2008, il a revu la Dre Desroches. Dans son rapport, elle mentionne que le plaignant a consulté le Dr Major le 15 janvier et qu’il sera réévalué dans un mois. Le retour au travail est toujours indéterminé (S-12 ou S-17.1, p. 31).

 

[56]        Le 26 mai 2008, il avait un rendez-vous avec le Dr Major. Il a changé sa médication. Le prochain rendez-vous a été fixé au 18 juin (S-13 ou S-17.1, p. 33). Il était de plus en plus actif, bien qu’il était encore fragile. Il a effectué certains travaux extérieurs comme installer une nouvelle piscine et une clôture. Il se sentait moins fatigué et avait plus confiance en lui. Il commençait à penser à un retour au travail.

 

[57]        Il voyait le Dr Major au mois et le rendez-vous pouvait durer entre 45 à 60 minutes.

 

[58]        Il a reçu une lettre du Service des ressources humaines, en juillet, indiquant une possibilité de retour au travail pour le mois d’août sous réserve d’un rapport médical dans ce sens. Le rapport médical du Dr Major du 26 mai indiquait le 1 er août comme date approximative de retour au travail (S-13).

 

[59]        Le 3 septembre 2008, il a vu à nouveau le Dr Major. Il a discuté alors avec lui d’un retour au travail à la suite de la lettre du Service des ressources humaines. Le Dr Major a indiqué comme date approximative de retour au travail le 5 novembre 2008 (S-14 ou S-17.1, p. 35). À cette période, il avait des activités quotidiennes, vélo, ski nautique, kayak, entretien du terrain, coupe d’arbres, dressage du chien. Il recommençait à s’occuper d’informatique pour des amis ou clients personnels. Le Dr Major envoyait directement le rapport au Service des ressources humaines. Mme Vincent lui a mentionné qu’il n’avait plus le droit de recevoir une photocopie de ce rapport.

 

[60]        Il a revu le Dr Major le 3 décembre et ce médecin a signé son rapport médical le 20 décembre 2008. Il recommandait un retour au travail progressif pour le 19 janvier 2009 en raison de 2 jours la première semaine, 3 jours pour les 2 autres semaines et 4 jours pour 2 autres semaines. (S-15 ou S-17.1, p. 32). 

 

[61]        En interrogeant le plaignant, le Syndicat a voulu déposer un document intitulé « Ordonnances médicales » (S-18) daté du 14 janvier 2009. Ce document est une copie et sous le titre signature du médecin, une signature est illisible. Le procureur de l’Employeur s’est opposé au dépôt de cette pièce qui a été portée à sa connaissance que la journée précédant la journée d’audience et n’a jamais été remise à l’Employeur. De plus, il n’admet pas que ce document a été signé par le Dr Major. Ce dépôt a été accepté sous réserve et j’en disposerai ultérieurement dans la partie « Motifs et décision ».

 

[62]        À l’égard de cette pièce, le plaignant mentionne qu’elle lui a été remise alors qu’il était dans le bureau du Dr Major et que Mme Coutu a téléphoné pour discuter avec lui du rapport médical recommandant un retour progressif. Il ne l’a pas remis au Syndicat, mais il se souvient d’en avoir parlé au président, M. Smith. Il ajoute qu’il a présenté cette pièce à Mme Vincent le jour même, mais elle ne l’a pas accepté, car il ne s’agissait pas d’un formulaire d’assurance. Dans ce document, il est mentionné :  «Retour au travail à partir du 1 er février 2009, 2 jours / semaine X 2 semaines, puis 3 jours / semaine X 2 semaines, puis 4 jours / semaine X 2 semaines, puis 5 jours / semaine par la suite ».

 

[63]        Le Syndicat a déposé un document (S-19), lequel a également été pris sous réserve, le procureur de l’Employeur s’opposant à son dépôt et j’en disposerai dans la partie « Motifs et décision ». Ce document également intitulé « Ordonnances médicales»   est daté du 24 février 2010. Il s’agit d’une copie et sous le titre signature du médecin, la signature est illisible. Dans ce document on peut lire ce qui suit  : « Veuillez prendre note que M. (le plaignant ) a été suivi à la clinique et actuellement il ne présente plus de symptômes de dépression ».

 

[64]        Interrogé sur ce document, le plaignant explique qu’il a vu le Dr Major de façon plus régulière en février et mars 2009 alors que le Dr Major avait diminué sa médication et il le voyait dans le cadre du ce sevrage ou désintoxication. Il a revu le Dr Major un an après toujours relativement au sevrage de ses médicaments. Il n’a pas remis ce document à l’Employeur, car il savait qu’il le refuserait, il ne s’agit pas d’un formulaire d’assurance et il croyait que ce litige se règlerait rapidement. Il a remis cette pièce au Syndicat, le matin même de l’audience. Il avait oublié qu’il l’avait, il l’a trouvée en faisant du ménage.

 

[65]        Le 17 février 2009, à la demande de l’Employeur, il a rencontré le Dr Louis Legault, psychiatre, à son domicile dans un sous-sol qui sentait le moisi. Il est arrivé 30 minutes en retard. Il avait vérifié avant sur Google Maps le temps requis, mais cela a pris plus de temps qu’indiqué. C’est le Dr Legault qui l’a accueilli et fait descendre au sous-sol. Il a alors attendu de 10 à 15 minutes avant de revoir le Dr Legault. Celui-ci lui a expliqué pendant plusieurs minutes qu’il n’était pas poli d’arriver en retard. Le Dr Legault n’était pas content et il sentait la boisson. L’entretien a duré entre 30 à 45 minutes. Il ne lui a pas posé de questions sur sa capacité de concentration, mais il a posé beaucoup de questions sur le rapport du Dr Wolf.

 

[66]        Commentant le rapport du Dr Legault déposé sous la pièce C-3 ou S-17.1 (p. 38 à 46) et plus précisément la section « Révision du dossier » où il est indiqué que  «depuis 2001, il a des problèmes », et où la médication prescrite est aussi indiquée, il affirme ne pas avoir discuté avec le Dr Legault de ce qui est écrit sous la rubrique  « Révision du dossier ». Il a expliqué comment sa dépression avait commencé, à savoir qu’il avait alors eu plus de pression de la part de son Employeur et sa santé s’était dégradée. Il a décrit comment il se sentait il y a deux ans et non au moment de l’entretien où il allait mieux. Il déclare, faux, ce qui est écrit sous la rubrique « Antécédents personnels ». Il nie avoir dit, par exemple, qu’il avait toujours des maux de tête imprévisibles, très intenses qui pouvaient durer 2-3 jours. Il soutient que ces éléments ont été tirés du rapport du Dr Wolf tout comme ce qui est mentionné sous la rubrique « Problématique en cause ». Il déclare ainsi, totalement faux, l’extrait où il est écrit « monsieur me dit que malgré sa médication, il n’a pas le goût de se lever le matin, il n’a pas d’intérêt. Ses deux chiens le forcent à se lever un peu (…). Il en est de même pour toute cette section (pages 4 et 5 de C-3) [3] . Il ajoute que l’extrait voulant qu’il ait dit « qu’il serait surpris d’être capable de retourner à temps plein, mais il voudrait essayer à temps partiel, bien qu’il en doute aussi [4] », est incompatible avec la raison même de son rendez-vous chez le Dr Legault. Ce rapport est, dit-il, pratiquement du plagiat avec le rapport du Dr Wolf.

 

[67]        Il affirme qu’au mois de février 2009 il n’avait plus de symptôme. Il avait repris ses activités de la vie quotidienne et était très actif. Il a ainsi déménagé sa mère, coupé beaucoup de bois, dépanné des amis ou connaissances ayant des problèmes en informatique. En somme, depuis le mois de janvier 2009, il est comme maintenant, poids en moins.

 

Le Dr Louis Legault

 

[68]        Le Dr Legault a témoigné à titre de témoin expert et il a été reconnu comme tel par les parties.

 

[69]        Le Dr Legault exerce comme psychiatre en pratique privée depuis 1983. Il est membre depuis 2002 de la Société des experts en évaluation médico-légale du Québec (SEEMLQ) et est le directeur de l’éducation médicale continue de cette société depuis 2007. Il a d’ailleurs accumulé entre 2000 et 2010 plus de 800 crédits de formation, rencontrant ainsi les critères d’accréditation du Collège Royal des Médecins et Chirurgiens du Canada (CRMCC). Depuis 1999, il exerce des activités d’expertises au civil en psychiatrie, dont notamment en appréciation de l’invalidité, et ce, à la demande d’Employeurs ou de Syndicats notamment. Il a témoigné, au cours de ces années, à titre de témoin expert devant différentes instances, dont la Cour supérieure, la Commission des lésions professionnelles (CLP) et le Tribunal administratif du Québec (TAQ), et depuis 2011 il est arbitre médical (psychiatrie) pour l’Association des établissements de santé et des services sociaux (région ouest).

 

[70]        Le Dr Legault, à la demande de la commission scolaire, a examiné le plaignant en 2009. Un premier rendez-vous avait été fixé au 20 janvier et, pour une raison qu’il ignore, il n’a pas vu le plaignant à cette date. Un autre rendez-vous a été fixé le 17 février à 15 h 30 (S-20).

 

[71]        En contre-interrogatoire, il explique que la commission scolaire fait affaire avec Médigestal Inc. et c’est ainsi qu’il a été désigné parmi les autres psychiatres.

 

[72]        Son bureau se situe, et ce, depuis 1985, au sous-sol de son domicile à Notre-Dame-de-Grâce. L’entrée se situe sur le côté. Il y a un vestibule, une salle d’attente, une salle de bain, un bureau fermé où il classe des dossiers et son bureau où il reçoit les gens. Il a une réceptionniste à temps partiel et une secrétaire qui travaille à distance.

 

[73]        Il reçoit généralement deux personnes par jour, parfois 3, mais pas plus, une le matin, entre 10 h et 12 h, et une autre, entre 14 h et 17 h parfois 18 h, s’il reçoit une troisième personne. Une évaluation requiert au moins une heure avec la personne.

 

[74]        Avant de recevoir la personne, il prend connaissance des éléments dans le dossier et dicte un résumé. Lors de l’entretien, il prend des notes et, par la suite, immédiatement après, il dicte intégralement les notes qu’il a prises et formule ses observations et conclusions. Il pourra, par la suite, effectuer des corrections de style, d’orthographe ou de syntaxe, mais pas plus.

 

[75]        Il ne consomme jamais de boisson alcoolisée avant un rendez-vous ou entre deux rendez-vous. Une expertise demande une très grande concentration et nécessite d’être attentif à tout. La personne expertisée ne l’a généralement pas choisi, elle peut être méfiante ou irritée, par exemple. Aussi, il faut être vigilant, extrêmement attentif et éviter toutes les situations susceptibles de susciter des difficultés.

 

[76]         Il n’accepte pas de recevoir de directives de la personne qui a sollicité l’expertise autre que le mandat écrit. En l’espèce, son mandat se retrouve dans la lettre datée du 19 janvier 2009 de Mme Julie Bédard, conseillère en santé et sécurité au travail au Service des ressources humaines de la commission scolaire (C-5).

 

[77]        Il décrit ainsi sa démarche lors d’une évaluation : il se présente et indique son champ d’expertise, il précise qui a requis l’expertise et à qui le rapport sera transmis. Il présente les questions posées dans le cadre de son mandat et demande à la personne si elle a des questions à formuler. 

 

[78]        Commentant de façon générale la rencontre avec le plaignant, il mentionne que cela s’est bien déroulé, car sinon il l’aurait noté, parce qu’une expertise peut faire l’objet d’une plainte en déontologie et il est important de tout noter, si la rencontre a été difficile ou ne s’est pas bien déroulée.

 

[79]        Quant au retard du plaignant, il explique que cela arrive que des gens soient en retard particulièrement l’hiver. Il estime que cela n’est pas la faute des personnes. Il essaie de se laisser du temps, aussi, un retard ne porte pas à conséquence sur le temps requis pour une évaluation. Le plaignant a été courtois et a bien collaboré. Il n’a pas formulé de commentaires sur le retard du plaignant et il estime qu’il n’avait pas à en faire.

 

[80]        Il avait, dans le dossier qui lui a été transmis, le rapport médical du Dr Major de décembre 2008. Il reprend dans son rapport, dans la section révision du dossier, les observations du Dr Major. Ainsi, il écrit : « le Dr Major parle de dépression majeure en rémission partielle avec des traits obsessionnels et personnalité évitante ». Les symptômes invalidants sont l’asthénie (fatigue), troubles de concentration, et ce qui pourrait être de la dysphorie (trouble d’humeur).

 

[81]        Interrogé sur la signification des axes I à V, que l’on retrouve dans les rapports médicaux sous la rubrique « diagnostic », le Dr Legault donne les informations suivantes en se référant au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux , communément appelé DSM, et à cette période c’était le DSM-IV (4 e édition). Il s’agit du manuel de référence en santé mentale utilisé au Canada et aux États-Unis notamment.

 

·         L’axe I est utilisé pour des maladies mentales comme la schizophrénie ou des troubles bipolaires de type 1;

·         L’axe II réfère à des traits de personnalité;

·         L’axe III réfère à des maladies physiques, celles-ci pouvant parfois avoir une incidence sur les troubles mentaux;

·         L’axe IV réfère à des éléments « stresseurs » comme un divorce, une mortalité, perte d’un enfant, problèmes au travail, etc.;

·         L’axe V décrit l’échelle de fonctionnement global (EGF). Cette échelle est graduée de 0 à 100. Le DM-IV indique la signification des chiffres. Ainsi, sous le chiffre 50 de cette échelle, il est écrit : Symptômes importants (p. ex., idéation suicidaire, rituels obsessionnels sévères) (…).

 

[82]        L’EGF est utilisée devant les tribunaux, par exemple pour quantifier les dommages en déficit. C’est un indicateur du niveau fonctionnel. Dans les formulaires d’assurance salaire, l’EGF reflète la situation dans l’année et au moment où la personne est évaluée. Ainsi, dans son rapport d’expertise, il a situé l’axe V autour de 55-60. Dans son rapport, en décembre 2008, le Dr Major la situe à 55-55 (S-15).

 

[83]        En psychiatrie, une évaluation pour invalidité se situe rarement en bas de 50. En fait, avec une évaluation de l’EGF en bas de 60, la personne est considérée en invalidité. Entre 50 et 55, la personne est très malade, en dépression, elle est inapte au travail. Une EGF qui s’approche du 60 indique une amélioration. La personne est considérée en rémission lorsque son EGF atteint 70 (quelques symptômes légers). Avec une EGF se situant entre 50 à 60, une personne est généralement considérée inapte au travail. Si on estimait que, malgré ces chiffres, la personne est apte à retourner au travail, il faudrait expliquer cette discordance. L’échelle d’évaluation globale est également connue par les omnipraticiens.  

 

[84]        Interrogé sur le diagnostic apparaissant dans le rapport médical du Dr Major, le Dr Legault mentionne qu’à l’axe V, il est indiqué 55-55. Il constate par rapport à sa cote qu’il y a eu une légère amélioration au moment de l’entrevue.

 

[85]        Le Dr Major a écrit sous les autres axes ce qui suit :

 

·       Axe I : dépression majeure, rémission partielle

·       Axe II : traits obsessionnels et évitant

·       Axe III : (aucune mention)

·       Axe IV : difficultés au travail, maladie chronique (S-15)

 

[86]        Le Dr Legault explique qu’une personne en dépression majeure est affublée de 2 symptômes cardinaux ou de l’un des deux, à savoir la tristesse et/ou l’humeur dépressive. Ce sont là deux critères ou symptômes obligatoires pour qualifier une dépression majeure. Il y a aussi d’autres symptômes au nombre de 4 ou 5, à savoir le sommeil, l’appétit, le niveau d’énergie, la concentration ou plutôt son absence. On peut aussi ajouter la dévalorisation, la culpabilité et parfois des idées suicidaires qui peuvent être envahissantes. Les symptômes cardinaux ou obligatoires sont encore présents en décembre 2008. Dans son rapport, le Dr Major écrit au point 3, invalidité : symptômes invalidants : asthénie (fatigue), troubles de concentration et ce qui pourrait être de la dyspepsie ou dysphorie, c’est-à-dire troubles de l’humeur. De plus, il est indiqué rémission partielle, ce qui signifie que la maladie est encore active. Les risques de rechutes sont élevés même si les symptômes sont légers. 

 

[87]        Le Dr Legault décrit ainsi les caractéristiques de la personne ayant des traits obsessionnels : c’est une personne perfectionniste, exigeante, méticuleuse. Elle a de la difficulté à décider, car elle doute et cela devient de l’indécision. Quant à la personnalité évitante, autre trait indiqué dans le rapport du Dr Major à l’axe II, le Dr Legault indique que cela se manifeste dans ses modes de relations par une hypersensibilité au jugement des autres. La personne a tendance à se mettre en retrait et est réservée dans ses relations par crainte de rejet ou de critique.

[88]        Le médicament prescrit, à savoir de la Clomipramine, c’est un antidépresseur peu utilisé maintenant. Habituellement, il est prescrit lorsque d’autres médicaments ont été essayés sans succès. Alors, on retourne à des formules qui fonctionnent. Une dose de 200 mg est considérée comme une dose élevée. Une dose moins élevée se situe entre 25 à 50 mg.

 

[89]        Interrogé sur son rapport d’expertise, il explique que les antécédents sont importants pour comprendre les problèmes de santé. Lorsqu’il aborde ce volet, il pose des questions et s’assure que les réponses reposent sur des éléments actuels. À la page 5 de son rapport, il est indiqué au deuxième paragraphe que le plaignant « devient émotif facilement. Il ne se reconnaît pas lui-même et il se dit lassé de se battre (…) ». Il confirme que c’est ce que lui a déclaré le plaignant et cela était très actuel. Il souligne que le plaignant se perçoit comme marqué par son milieu de travail. Il cherche en somme une motivation extrinsèque à sa démotivation intrinsèque. Il réitère qu’il a noté ce que le plaignant lui a dit.

 

[90]        La description faite de l’état fonctionnel du plaignant, à la page 5 de C-3, reflète les propos du plaignant. Il en est de même pour ce qui est relaté à la page 6, ce sont là le reflet de la description faite par le plaignant du comment il se sentait.

 

[91]        Il a constaté que le plaignant avait un niveau d’autocritique très faible. Le plaignant, malgré toutes les difficultés rencontrées dans son milieu de travail, n’y voit aucune solution ou contribution personnelle. 

 

[92]        Après avoir observé et écouté longuement le plaignant, il lui apparaît que le plaignant a une personnalité passive agressive, selon la description faite dans le DSM-IV, à la page 856. Le plaignant était plus dans cette situation que dans la situation d’obsessif-évitant.

 

[93]        Le Dr Legault explique, qu’en regard de la question 2, à savoir la nature et la durée prévisible de son invalidité, il faut pouvoir avoir ou développer une relation de confiance avec les personnes avec qui il serait appelé à travailler. Or, il ne se reconnaît aucune imputabilité, il ne reconnaît pas qu’une partie de ses difficultés relève de lui.

 

[94]        Il n’a pas recommandé un retour au travail et il ne s’agit pas d’un rapport de complaisance. Il agit à titre d’expert depuis très longtemps et il est capable d’établir une distance avec l’instance qui lui demande une expertise.

 

[95]        En contre-interrogatoire, il mentionne que la prise de rendez-vous peut se faire par téléphone ou par courriel. Il faut compter environ de 4 à 6 semaines. La rencontre avec le plaignant a eu lieu en fin de journée. Il ignore pourquoi le plaignant ne s’est pas présenté la première fois en janvier. Il ne se souvient pas avoir eu d’autres conversations avec Mme Bédard que celle à laquelle il est fait référence dans sa lettre du 19 janvier 2009 (C-5).

[96]        Lors de l’évaluation du plaignant, le dossier qu’il avait comprenait les pièces suivantes (S-20) :

 

·       la demande d’expertise datée du 20 janvier ainsi que celle datée du 26 janvier adressée à Médigestal au soin du Dr Legault en remplacement du rendez-vous du 20 janvier;

·        les rapports médicaux du Dr Major datés du 20 décembre 2008, du 3 septembre 2008, du 25 mai 2008;

·        une lettre de Mme Bédard datée du 16 juin concernant un possible retour à l’automne 2008;

·       les rapports de la Dre Desroches datés du 23 janvier 2008, du 28 octobre 2007 et du 1 er février 2008;

·       l’expertise du Dr Wolf datée du 17 avril 2007.

 

[97]        Il n’a pas fait passer de tests cognitifs. Il fait passer de tels tests si la personne est confuse, désorientée ou incapable d’organiser les événements en séquences. Le plaignant est venu seul en auto. Aussi, il n’a pas observé de tels signes chez le plaignant.

 

[98]        Il lui est demandé si le plaignant était en processus de guérison, considérant que le Dr Major indique le 3 septembre 2008, à l’axe V, 50-50 et le 20 décembre, 55-55, alors que, lui, dans son rapport d’expertise, il indique pour cet axe autour de 55-60. Le Dr Legault répond qu’on ne peut conclure ainsi, car la personne peut être plafonnée.

 

[99]        Quant à la question, est-il normal qu’un retour progressif soit recommandé pour une personne en rémission suite à une dépression, il répond que cela était précisément l’objet du questionnement de l’Employeur. Il ignore les déterminants du Dr Major, car il ne les a pas expliqués pour le retour au travail progressif. Son pronostic à lui est plutôt réservé, à savoir pas bon, défavorable, incertain. En somme, les chances sont faibles. Selon lui, il y a moins de 50 % des probabilités qu’un tel retour fonctionne. Les risques de rechutes sont élevés.

 

[100]     Il ne peut dire pourquoi, dans son rapport, il fait référence, dans la section Révision du dossier, à des problèmes depuis 2001. Il ne croit pas que cela soit indiqué dans le rapport du Dr Wolf, car il l’aurait mentionné.

 

Mme Sonia Coutu

 

[101]     Mme Coutu est directrice du Service des ressources humaines au Collège Lionel-Groulx, depuis le mois d’avril 2009. Elle occupait avant, et ce, depuis 2006, la fonction de directrice adjointe au Service des ressources humaines à la Commission scolaire des Samares, responsable du secteur de la santé et du développement organisationnel. Avant 2006, soit à compter de 2001, elle était coordonnatrice pour le personnel de soutien dans ce même service.

[102]     Elle explique que, dans les années 2001 à 2006, lorsqu’une personne était en congé de maladie pour une longue période et qu’un billet médical de retour au travail était remis, il était usuel pour le Service des ressources humaines de demander une expertise au Dr Clermont.

 

[103]     Au cours du mois d’août 2005, elle a communiqué avec le plaignant en congé de maladie, car un rappel devait être fait selon la durée de l’absence annoncée dans le billet médical au dossier. Le plaignant lui a alors mentionné que ses travaux de peinture et de rénovation étaient terminés et qu’il avait besoin d’argent. Il était prêt à revenir au travail. Elle a demandé une expertise au Dr Clermont et celui-ci a conclu que le plaignant était apte au travail. Elle précise que le plaignant avait déjà vu ce médecin par le passé et qu’il avait alors conclu qu’il n’était pas apte au travail. Le plaignant avait apprécié ce médecin au point de dire qu’il aimerait qu’il soit son médecin.

 

[104]     Lors d’un retour au travail d’un salarié après une longue absence, il est aussi usuel de le rencontrer lorsque son travail requiert des connaissances spécialisées pouvant demander une mise à jour, comme en informatique ou au niveau des procédures à suivre dans un secteur donné, si, pendant son absence, il y a eu des changements dans ces procédures. Il y a alors un plan de retour au travail de prévu pour soutenir le salarié.

 

[105]     Le plaignant travaillait au service informatique et, de plus, pendant son absence, un nouveau coordonnateur ou directeur adjoint au service de l’informatique, M. Beaumier, a été engagé. Le plaignant et M. Beaumier ne se connaissaient pas. Aussi, dans ce contexte, une rencontre avec M. Beaumier, elle-même et le plaignant, a été fixée pour son retour au travail.

 

[106]      Cette rencontre devait avoir lieu à 9 h, mais elle a commencé en retard. Elle a rencontré M. Beaumier avant, car celui-ci avait beaucoup de questions en regard du plan de retour au travail et du déroulement de la rencontre. Il s’agissait d’une nouvelle expérience pour lui. M. Beaumier était le supérieur immédiat du plaignant, aussi, il lui revenait d’expliquer au plaignant son assignation et les tâches à exécuter, le fonctionnement du service et les changements intervenus au cours de son absence. Elle n’avait pas à intervenir sur ces aspects ni à donner des directives à M. Beaumier, n’étant pas en lien d’autorité avec lui.

 

[107]     En contre-interrogatoire, appelée à préciser avec combien de minutes de retard la rencontre a débuté, elle explique avoir de la difficulté à répondre précisément. La réunion a commencé un peu en retard, peut-être environ 20 minutes, mais pas plus. Il ne lui semble pas que le retard a été plus long.

 

[108]     Lors de cette rencontre, elle devait, à titre de représentante du Service des ressources humaines, informer le plaignant qu’il devait, avant son retour au travail, prendre les jours de vacances qu’il avait en banque, selon la politique de gestion des vacances. Selon cette politique, laquelle s’applique à tout le personnel incluant les cadres, la personne qui revient au travail après une longue absence doit prendre les jours de vacances accumulés afin d’éviter que sa banque soit trop élevée. Elle devait donc s’assurer de la prise de ces vacances, d’une part, et d’autre part, qu’un plan adéquat de soutien au retour était prévu par le service informatique, seule consigne qu’elle avait d’ailleurs donnée à M. Beaumier sans interférer dans le contenu.  

 

[109]     En ce qui concerne la prise des vacances, le plaignant ne voulait pas les prendre, il estimait qu’il n’était pas approprié pour lui de les prendre à son retour. Après une très longue discussion, il a été convenu que les jours de vacances accumulés pouvaient être pris de façon morcelée. Elle précise qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle, elle ne se rappelle pas avoir fait une entente pour déroger à la politique de gestion des vacances avec d’autres employés.   

 

[110]     M. Beaumier a expliqué le plan de retour au travail. Le plaignant a posé beaucoup de questions parfois avec beaucoup de tonus. Il est très rare qu’une personne accompagne un salarié lors de son retour au travail. Dans ce cas-ci, étant donné la longueur de l’absence et afin de faciliter un retour moins stressant et plus fluide ainsi que dans un souci de qualité de service aux établissements, il avait été décidé qu’un autre technicien accompagnerait le plaignant dans ses tâches au début. Le plaignant n’acceptait pas la personne retenue, il demandait plutôt un autre technicien, et ce, avec insistance. Elle est intervenue à un moment donné pour dire que telle était la décision et qu’il n’y aura pas de changement dans le choix de la personne qui l’accompagnerait dans son travail.

 

[111]     Appelée en contre-interrogatoire à décrire ce que peut contenir un plan de retour au travail, elle explique qu’un tel plan peut indiquer les lieux où les tâches doivent être exécutées, les horaires, la formation ou mise à jour si requise. Elle ne connaît pas plus que cela M. Bodella, le technicien que M. Beaumier avait désigné pour accompagner le plaignant dans le cadre de ce plan de retour au travail. Elle ignore depuis combien de temps ce technicien travaillait pour la commission scolaire, c’était le choix de M. Beaumier et elle croit que c’était la bonne personne pour offrir ce support. M. Chevalier avait changé de secteur.

 

[112]     Elle a assisté à une autre rencontre au début du mois d’octobre 2006 avec le plaignant, afin de lui faire part de difficultés dans l’exécution de son travail, difficultés que M. Beaumier ou M. Veillet avait observées et des plaintes de directions d’école à son endroit. Assistaient également à cette rencontre, M. Beaumier, M. Veillet, directeur du Service informatique et M. Landry, président du Syndicat. À cette occasion, une lettre signée par M. Beaumier et M. Veillet, précisant les attentes face à sa tâche, lui a été remise après avoir été lue. Le plaignant a refusé de signer la feuille jointe à cette lettre afin d’attester qu’il l’avait reçue.

 

[113]     Dans cette lettre datée du 3 octobre 2006, des attentes lui sont signifiées relativement au respect des horaires établis, à l’efficacité de son travail, à ses communications verbales et écrites et au respect des politiques de la commission scolaire (C-7). Afin d’assurer un suivi sérieux de son travail, des rencontres sont prévues avec le directeur adjoint et les dates sont mentionnées dans cette lettre.

 

[114]     En contre-interrogatoire, elle mentionne qu’entre le mois de septembre 2005 et  cette rencontre du mois d’octobre 2006, elle n’a pas eu d’autres rencontres avec le plaignant et ses supérieurs. Il y a eu des rencontres de mises au point entre M Beaumier et le plaignant, mais elle n’y assistait pas.

 

[115]     Le 23 novembre 2006, un avis de convocation à une rencontre pour mesure disciplinaire lui a été envoyé (C-8). Cette rencontre a été convoquée parce que le plaignant avait tenu, à une personne employée de la commission, des propos impolis à l’encontre d’une directrice adjointe, conduite non conforme aux attentes signifiées. La rencontre était prévue pour le 29 novembre pour respecter le délai prévu à la convention collective. Ce délai n’est pas interrompu en cas d’absence du salarié. Or, un billet d’arrêt de travail du plaignant a été remis à l’Employeur le 27 novembre pour des absences passées et aussi à venir puisque le retour était prévu pour le 8 décembre 2006 (S-6 ou S-17.1, p. 1). Mme Coutu a parlé de cette convocation et de la situation avec le président ou vice-président du Syndicat. Il a été convenu de maintenir cette rencontre et un représentant du Syndicat se présenterait à cette rencontre pour recevoir cet avis disciplinaire à la place du plaignant. Le Syndicat devait informer le plaignant. Cette façon de procéder correspond à ce qui se faisait en pareilles situations. L’avertissement disciplinaire daté du 29 novembre a été remis à M. Landry, lequel a signé avoir reçu la lettre (C-9). 

 

[116]     Elle ne peut dire la teneur des propos impolis et inappropriés. Ce n’est pas elle qui a reçu cette plainte. Cet avis disciplinaire a été contesté par le dépôt d’un grief et a été retiré après l’écoulement du délai d’amnistie, comme c’est usuellement le cas.

 

[117]     Le billet médical daté du 23 novembre, remis le 27 novembre 2006, est pour justifier un arrêt de travail du plaignant les 13, 14, 15, 17, 20, 21, 22 et 23 novembre, lequel arrêt se poursuivait, selon ce billet, jusqu’au 8 décembre 2006 (S-6). Mme Coutu explique que ce billet soulevait deux questions, à savoir comment le médecin pouvait-il dire, le 23 novembre, que la personne était malade les jours précédents et pourquoi pas le 16 novembre, qui, pourtant, était un jour de travail. Par ailleurs, ce billet intitulé « arrêt de travai l » ne contenait aucun diagnostic. Or, le Service des ressources humaines demande toujours qu’un diagnostic soit écrit sur un billet médical. Lorsqu’un tel billet est remis, il est demandé au salarié de le faire compléter par son médecin. Un billet conforme était attendu vers le 8 décembre. Un rapport plus long entraîne des coûts, aussi, pour une seule absence, un billet médical peut être suffisant s’il contient un diagnostic. En l’espèce, le billet fourni ne contenait pas de diagnostic et il a été demandé au plaignant de fournir un diagnostic. Cette demande explique la note de Mme Vincent, à la page 45 de S-17.1 Il est indiqué que le plaignant demande un formulaire d’assurance et elle comprend que Mme Vincent lui a fait parvenir.

 

[118]     Dans un billet de la Dre Desroches daté du 6 décembre 2007, elle s’insurge contre le fait que le plaignant a été convoqué à une réunion alors qu’il est en arrêt de travail pour maladie. Elle qualifie ce geste d’intimidation comme non approprié et ne favorisant pas sa guérison (S-7). Mme Coutu ne comprend pas cette remarque, car le plaignant a été convoqué avant de recevoir le billet médical de la Dre Desroches du 23 novembre, mais reçu le 27 novembre. Elle a alors discuté avec un représentant du Syndicat et il a été convenu de tenir tout de même la rencontre du 29 novembre et un représentant du Syndicat viendrait à la place du plaignant. Ce dernier devait être informé de cette solution par le Syndicat. Selon elle, il s’agit d’une mesure de conciliation entre le respect de l’invalidité du plaignant et les dispositions de la convention collective, mesure convenue de surcroît avec le Syndicat.

 

[119]     Le 18 janvier 2007, le plaignant était toujours en arrêt de travail sans diagnostic (S-8) alors que le formulaire « rapport médical d’invalidité » avait été remis au plaignant. La commission scolaire est l’assureur et, en l’absence de diagnostic, elle cesse les paiements d’assurance salaire, car elle n’est pas en mesure d’établir s’il s’agit d’une invalidité au sens de la convention collective. Elle agit toujours ainsi, c’est sa pratique.

 

[120]     L’Employeur a reçu le 1 er février 2007 (S-9) un rapport médical pour le plaignant tel que requis. Il a demandé une expertise afin de faire valider ce rapport, ce qui a nécessité quelques semaines, bien que cette demande a été faite le plus rapidement possible. Un rendez-vous a été annulé occasionnant aussi un retard, elle ignore la raison de l’annulation. L’expertise a confirmé qu’il y avait invalidité et le paiement a été effectué rétroactivement au 1 er février, date où un rapport médical avec diagnostic a été fourni.

 

[121]     En ce qui concerne l’intervention du Service de police, elle explique que, le 16 mai, lors d’une conversation téléphonique avec Mme Fournier de son service, le plaignant a formulé des propos qui ressemblaient à ceci « Ce que vous m’avez fait n’a pas de sens, j’ai pris un fusil et j’ai appuyé 3 fois, mais le coup n’a pas parti. La prochaine fois ce n’est peut-être pas sur moi que je vais tirer ». Sa colère semblait être dirigée vers la directrice des ressources humaines. Mme Fournier est allée la voir, elle était nerveuse et inquiète de la situation. Il lui a semblé que c’était un appel de détresse du plaignant. Elle l’a informée qu’elle avait appelé le Service de police pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de violence d’exercée contre lui ou contre eux. Elle a demandé à Mme Fournier d’informer son médecin de cet événement. Elle ajoute qu’il est rare que l’on parle directement au médecin traitant. Il y a une note dans le dossier disant qu’effectivement son médecin a été informé. Elle croit qu’on lui a dit par la suite que le médecin avait apprécié recevoir cette information, elle avait à cœur la santé de ses patients.

 

[122]     Elle ne peut dire qui a initié l’appel téléphonique lorsque les propos mentionnés au paragraphe précédent ont été prononcés. Elle était, à ce moment-là, plus troublée par la teneur des propos que de savoir qui avait amorcé cette conversation téléphonique.

 

[123]     Elle a communiqué avec le Dr Major, à la suite de la réception de son rapport médical de décembre 2008, recommandant un retour progressif pour le 19 janvier 2009 (S-15). Elle a vu beaucoup de rapports médicaux et voulait comprendre ce rapport qu’elle trouvait atypique. Il est écrit dans ce rapport « dépression majeure, maladie chronique, symptômes invalidants, troubles de concentration notamment, réponse mitigée au traitement, arrêt prolongé avec régression » , et à l’axe V, 55-55. Comment concilier ces informations avec un retour au travail progressif ? Elle ne comprenait pas et elle voulait poser des questions au Dr Major pour essayer de comprendre. Lors de l’appel téléphonique, elle était avec Mme Bédard de son service. Elle lui a fait part de ses difficultés à comprendre son rapport et celui-ci ne l’a pas expliqué. Il a dit d’essayer le retour progressif et si cela ne fonctionnait pas le plaignant retournerait en absence maladie. Elle a alors mentionné qu’elle demanderait une expertise médicale et il a répondu qu’il aurait aimé le savoir avant. C’est la seule fois où elle a parlé au Dr Major.

 

[124]     Elle ignorait, lors de cette conversation téléphonique avec le Dr Major, que le plaignant était avec lui. Elle nie avoir pu dire que le plaignant n’était pas bon. Cela n’avait aucun lien avec sa compréhension du rapport médical. Il est possible qu’elle ait dit qu’elle n’arrivait pas à comprendre la recommandation de retour au travail avec un axe 55-55. Elle affirme être favorable à un retour au travail progressif après une longue absence, aussi, il est impossible qu’elle ait dit qu’elle n’était pas favorable au retour progressif. 

 

[125]     Un premier rendez-vous a été fixé avec le Dr Legault pour une expertise médicale et le plaignant a appelé pour demander d’annuler ce rendez-vous, car il était trop malade, il toussait beaucoup et avait une gastroentérite. Cette demande a été acceptée, mais on s’attendait à ce qu’il se présente à ce rendez-vous la prochaine fois.

 

[126]     Interrogée sur le Programme d’aide aux employés (PAE), elle explique qu’il est possible, dans le cadre de ce programme, pour un employé qui a des difficultés personnelles, par exemple, de recevoir de l’aide d’un psychologue ou d’un travailleur social. Ce programme offre 4 rencontres avec un intervenant. L’Employeur paie pour ce service offert à l’externe par un organisme distinct de la commission scolaire. Elle reçoit une facture globale et aucune information ne lui est donnée sur les personnes qui ont utilisé ce programme. Le recours à ce programme est totalement confidentiel.

 

[127]     Interrogée sur les motifs qui l’ont amenée à recommander au Comité exécutif la mise à pied du plaignant, elle explique qu’elle devait s’interroger sur la capacité physique du plaignant de reprendre le travail. Or, selon les conclusions du rapport d’expertise du Dr Legault, quant au pronostic de retour au travail et les limitations fonctionnelles (C-3), elle n’entrevoyait pas de retour au travail du plaignant.

 

[128]     Une démarche est prévue à la clause 7-4.01 de la convention collective nationale. Elle a rencontré, dans un premier temps, les représentants du Syndicat pour discuter de cette clause et voir s’ils partageaient la même compréhension de cette clause. Ils ont discuté des étapes prévues à cette clause et discuté également s’il y avait un accommodement raisonnable de possible. La compréhension commune était qu’il n’y en avait pas. Une rencontre avec le plaignant a eu lieu immédiatement après, et ce, en présence des représentants du Syndicat.    

 

[129]     Lors de cette rencontre avec le plaignant, il a aussi été question d’accommodement raisonnable. Celui-ci alléguait que, selon le rapport du Dr Major, il était apte à revenir au travail. Elle lui a mentionné que le Dr Major recommandait plutôt un retour progressif et que le Dr Legault était d’avis qu’il n’était pas apte à revenir au travail. Il a demandé alors de voir ce rapport et elle lui a expliqué qu’il devait aller voir Mme Ladouceur Vincent pour signer un consentement, et ce rapport sera transmis à son médecin.

 

[130]     Le plaignant ne lui a jamais formulé de commentaires relativement à sa rencontre avec le Dr Legault. Elle n’avait jamais vu dans les rapports médicaux du plaignant, une référence à la bactérie C. difficile, alors qu’elle était à l’emploi de la commission scolaire. 

 

[131]     En contre-interrogatoire, elle explique la formation qu’elle a suivie en lien avec la gestion des dossiers médicaux. Elle a participé à deux sessions sur la gestion des invalidités offertes par la Fédération des commissions scolaires et plusieurs autres formations sur le même sujet offertes par différents organismes. 

 

[132]     Interrogée sur les inquiétudes du plaignant en regard de la gestion de son dossier médical et la confidentialité, elle explique que le plaignant ne lui en a jamais fait part. Elle a lu dans un rapport de la Dre Desroches des commentaires dans ce sens. Elle précise que le suivi administratif des dossiers médicaux relève de la conseillère de son secteur, soit de Mme Fournier, puis après son départ, de Mme Bédard. Elle supervisait le secteur. La conseillère allait la voir s’il y avait un lien à faire avec la convention collective ou s’il y avait un problème plus spécifique. Cela a été le cas à la réception du rapport du Dr Major de décembre 2008. Elle ajoute qu’elle ne voit pas les billets ou rapports médicaux généralement.

 

[133]     Il arrive que le Service des ressources humaines consulte un médecin lorsque des questions se posent à l’égard d’un rapport médical. Le service-conseil de la Fédération des commissions scolaires peut alors être consulté. Un médecin retenu par la commission scolaire pouvait aussi être consulté, il pouvait même rencontrer le salarié, comme cela a été le cas en 2005 pour le plaignant, alors qu’il a été vu par le Dr Lapointe (S-17.1, pp. 23 à 27).

 

[134]     Elle ne peut dire si les problèmes de santé du plaignant étaient d’ordre physique ou psychologique, en 2005. C’est Mme Vincent qui recevait les billets ou rapports médicaux.  

 

[135]     En contre-interrogatoire, il lui est demandé si la recommandation faite au Comité exécutif prenait en considération la longueur des absences du plaignant et le pronostic de retour. À cette question, elle répond qu’elle ne regarde pas tous les billets ou rapports médicaux. Elle a demandé au Dr Legault une expertise en regard de la capacité de travailler du plaignant et d’un retour prévisible.

 

[136]     Sa formation sur la gestion de l’invalidité lui permet de comprendre les aspects généraux d’un rapport médical, dont les axes, mais c’est le Dr Legault qui devait évaluer l’état de santé du plaignant et non pas elle.

 

[137]     Elle n’a pas de souvenir d’avoir communiqué avec le Dr Legault. C’est la conseillère, Mme Bédard, qui a fait cette démarche auprès d’un groupe de médecins qui ont déjà fait des expertises pour la commission scolaire. Elle ne peut dire si c’est la conseillère qui choisit le médecin ni pourquoi ce n’est pas le Dr Wolf qui a été retenu. Il y a eu un changement de conseillère, est-ce la raison, elle ne peut le dire. Elle sait que les services Médigestal sont utilisés, mais elle ne connaît pas la démarche suivie.

 

REPRÉSENTATIONS DU SYNDICAT

 

[138]     Le plaignant conteste la décision de l’Employeur de lui faire perdre son emploi de technicien en informatique à temps complet. Il s’agit d’une décision injuste qui le prive de sa prestation de travail et de la rémunération afférente.

 

[139]     L’objet du litige porte sur la capacité du plaignant d’effecteur son travail. Selon l’Employeur, le plaignant ne pouvait répondre aux exigences de son poste compte tenu de son incapacité physique. Cette constatation apparaît dans la lettre de Mme Coutu en date du 19 mars 2009 au plaignant (S-4) et de la résolution du Comité exécutif de la Commission scolaire des Samares du 6 avril 2009 (S-5).    

 

[140]     L’Employeur était-il justifié de déclarer que le plaignant avait des limitations professionnelles permanentes. Existe-t-il une expectative que le plaignant ne sera jamais capable de fournir une prestation de travail ? La question soulevée est d’ordre médical et peut être formulée comme suit : le plaignant est-il médicalement incapable de faire son travail, et ce, de façon permanente ?

 

[141]     Trois témoins ont été entendus, à savoir le plaignant, le Dr Legault et Mme Coutu. Cette preuve est contradictoire sur certains aspects importants et le Tribunal devra apprécier cette preuve. 

 

[142]     Il résume la preuve en faisant ressortir les éléments suivants :

 

·         Le plaignant a obtenu un poste de technicien en informatique chez l’Employeur en 1999, et ce, alors qu’il avait déjà plusieurs années d’expérience dans ce domaine.

·         Il participe grandement au blitz de l’an 2000.

·         En 2005, il est absent à la suite d’une maladie physique.

·         À son retour, commencent ses difficultés au travail. Ainsi, on l’oblige à prendre les jours de vacances qu’il avait accumulés et, alors qu’il revient d’une absence prolongée, il ne lui est offert aucune mise à jour. On lui offre comme seul support, alors qu’il est assigné dans un nouveau secteur et à de nouvelles écoles, un technicien inexpérimenté, et qui, de surcroît, a l’impression qu’il lui enlève son travail. 

·         De l’automne 2005 à 2006, il effectue son travail sans remarque négative de son supérieur. En octobre 2006, on le convoque à une rencontre avec ses supérieurs et Mme Coutu, et on le fait attendre longtemps dans le corridor. Il a même parlé au directeur général durant cette attente.

·         Il s’absente en novembre 2006 pour maladie pour une longue période. Il ne lui est pas versé d’assurance salaire, car il n’aurait pas fait remplir le formulaire de rapport médical par son médecin. Il n’a pas reçu toutefois ce formulaire, lequel, selon le témoignage de Mme Coutu, coûte plus cher, et ce, alors que c’est important pour lui de recevoir ses prestations d’assurance salaire.

·         Il est suivi régulièrement par son médecin traitant la Dre Desroches.

·         Au mois de mai, l’Employeur demande l’intervention policière chez lui sous prétexte qu’il aurait proféré des menaces, ce qu’il nie. Les policiers l’ont menotté pendant une longue période. Cet événement a porté atteinte à sa dignité. Il était désespéré, car il n’avait plus d’argent, faute de recevoir ses prestations d’assurance salaire. Il situe cet événement le 10 mai alors que Mme Coutu le situe le 16 mai.

·         Il est dirigé à la clinique psychiatrique et voit le Dr Major, psychiatre, en janvier 2008 (S-12).

·         Le 3 septembre 2008, le Dr Major indique à l’axe V : 50-50 (S-14) et envisage un retour au travail.

·         Le 20 décembre 2008, le Dr Major recommande un retour progressif au travail pour le 19 janvier 2009. Il indique à l’axe V : 55-55 (S-15).

·         En janvier 2009, le Dr Major recommande à nouveau un retour progressif pour le 1 er février (S-18).

·         Le 24 février 2010, le Dr Major confirme que le plaignant n’a plus de symptômes de dépression (S-19).

 

[143]     Le plaignant a fait une dépression. Il n’a pas d’antécédent et ne s’est pas absenté par le passé pour ce motif. Cette constatation doit être prise en compte dans l’évaluation de sa capacité de fournir une prestation de travail. 

 

[144]     Le rapport du Dr Legault doit aussi être analysé à la lumière de la preuve. Le plaignant nie avoir dit, par exemple, « qu’il serait bien surpris d’être capable de retourner au travail à temps plein, mais il voudrait essayer à temps partiel, bien qu’il en doute aussi (…) ». Dans son rapport, il est indiqué que depuis « 2001 des problèmes ». Le Dr Legault a toutefois été incapable d’expliquer d’où provient cette information. La crédibilité du Dr Legault doit être appréciée en regard du témoignage du plaignant. L’Employeur s’est basé sur l’opinion du Dr Legault d’où l’importance d’apprécier sa crédibilité.

 

[145]     Le Dr Major a suivi le plaignant sur une longue période. Il possède une plus grande connaissance du plaignant que le Dr Legault qui l’a rencontré une seule fois. Partant, le procureur plaide qu’il doit être accordé plus de poids à l’opinion du Dr Major, qui recommande un retour au travail, qu’à l’opinion du Dr Legault, lequel base son opinion que sur une seule visite. Selon la jurisprudence, en présence d’opinion médicale contradictoire, il y a lieu de donner prépondérance au médecin traitant. À cet égard, il dépose une décision de l’arbitre Jean-François La Forge et une autre de l’arbitre Jean-M. Morency. Les références se retrouvent à l’annexe B [5] .

 

[146]     Selon le témoignage du Dr Legault, l’évaluation globale du fonctionnement (EGF) est un indicateur important à prendre en compte lors de l’évaluation pour un retour au travail. Cette EGF se retrouve à l’axe V dans les rapports médicaux du Dr Major et indique une amélioration, puisqu’elle est à 50-50 en septembre 2008 pour progresser à 55-55 en décembre, soit quelques mois plus tard. Dans le rapport d’expertise du Dr Legault, cette EGF s’est encore améliorée puisqu’elle se situe à 55-60.

 

[147]     Le plaignant a continué de voir le Dr Major en 2009, lequel indique, dans la pièce S-19, que le plaignant ne présente plus de symptômes de dépression en février 2010.

 

[148]     Les pièces S-18 et S-19 ont été déposées sous réserve, le procureur de l’Employeur s’opposant à tort, selon le procureur du Syndicat, à leur dépôt. Ces ordonnances médicales du Dr Major sont susceptibles d’éclairer le Tribunal sur la capacité du plaignant de fournir sa prestation de travail à une période contemporaine à la décision de l’Employeur, capacité qui a perduré dans le temps.

 

[149]     Le procureur du Syndicat plaide que le fardeau de la preuve appartient à l’Employeur, car c’est lui qui a refusé au plaignant la possibilité de fournir sa prestation de travail, alors qu’un rapport médical a été remis à l’Employeur attestant la capacité du plaignant de fournir sa prestation de travail. Il lui revient, dès lors, de convaincre le Tribunal que sa décision est bien fondée. Au soutien de ses prétentions, il dépose une décision de l’arbitre André Bergeron dans l’affaire Clean Harbors Inc. [6] .

 

[150]     Pour toutes ces raisons, il invite le Tribunal à faire droit au grief, à annuler la résolution du Comité exécutif du 6 avril 2009 et à réintégrer le plaignant dans son emploi de technicien en informatique.

 

REPRÉSENTATIONS DE L’EMPLOYEUR

 

[151]     D’entrée de jeu, le procureur de l’Employeur commente les décisions déposées par  le Syndicat lesquelles se distingue la situation présente et s’avère en conséquence non pertinente.

 

[152]     Il rappelle que le plaignant a été mis à pied étant donné son incapacité de répondre aux exigences de son poste et il lui a été rappelé qu’il peut, dès lors, bénéficier des dispositions prévues à l’article 7-4.00 de la convention collective en faisant une demande écrite avant le 1 er avril 2009.

 

[153]     Telle est la situation. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que prétend le Syndicat, de déterminer si le salarié sera éventuellement, dans un avenir prévisible, capable de fournir sa prestation de travail.

 

[154]     L’Employeur a appliqué la clause 7-4.01 de la convention collective. L’Employeur pouvait-il procéder à la mise à pied du plaignant ? Telle est la question en litige, selon le procureur de l’Employeur.

 

[155]     Il souligne que l’arbitre ne peut intervenir que si cette décision est déraisonnable. Le fardeau de la preuve appartient au Syndicat. À l’égard de ses prétentions, il dépose des décisions notamment des arbitres Michael H. Cain [7] , Jean-Guy Ménard [8] et Jean-Pierre Lussier [9] , ayant eu à interpréter la clause 7-4.01 ou une clause similaire. 

 

[156]     Il invite également le Tribunal à prendre connaissance de la jurisprudence qu’il dépose sur la compétence de l’arbitre en cette matière ainsi que sur ce qui constitue une conduite abusive, discriminatoire ou arbitraire [10] .

 

[157]     L’Employeur avait en main le rapport médical du Dr Major recommandant le retour progressif au travail pour le 19 janvier 2009 (S-15). Ce rapport a été déposé à ce titre sans qu’il fasse foi de son contenu. Il n’a pas de valeur intrinsèque. Il rappelle que le Syndicat avait annoncé que le Dr Major témoignerait, ce qui n’a pas été le cas. Or, il se devait de le faire témoigner pour établir son contenu.

 

[158]     La décision de l’Employeur a été prise à la lumière du rapport d’expertise du Dr Legault, lequel établit clairement que le plaignant est incapable de fournir sa prestation de travail et le témoignage du Dr Legault le confirme.

 

[159]     Le témoignage du Dr Legault ne peut être écarté. Le Syndicat s’interroge sur la crédibilité de cet expert en s’appuyant principalement sur le témoignage du plaignant. En fait, il serait le seul à dire la vérité, la crédibilité du témoignage de Mme Coutu étant également mise en doute par le Syndicat.

 

[160]     Il souligne qu’avant les audiences de 2013, l’Employeur n’avait jamais entendu parler que le Dr Legault relaterait dans son rapport des propos du plaignant qui sont faux, ou encore qu’il sentait la boisson lorsqu’il a rencontré le plaignant. Le Dr Beltrami reprend dans son rapport ce que le plaignant lui a dit. On ne trouve toutefois aucune mention voulant que le Dr Legault ait rapporté ses propos erronément ou encore inventé des propos, voire même qu’il sentait la boisson.

 

[161]     Lors de la première journée d’audience, le plaignant a mentionné que le Dr Legault lui avait fait la leçon pendant 10 minutes en lui disant que cela n’était pas poli d’être en retard, et après il lui a parlé pendant 15 minutes. Or, il est impossible que le Dr Legault puisse faire le rapport déposé en C-3, à la suite d’une évaluation de 15 minutes, cela est d’ailleurs contredit par le Dr Legault. 

 

[162]     Quant à l’argument du Syndicat soutenant qu’il y avait une amélioration puisque l’EGF est passée, selon ce qui est indiqué à l’axe V, de 50-50 (S-9) à 55-55, puis de 55-60, le procureur de l’Employeur invite toutefois l’arbitre à regarder l’ensemble des rapports médicaux. Ainsi, la Dre Desroches, en date du 23 janvier 2008, indique une EGF de 48 (S-12), alors que le 28 octobre 2007, elle indiquait 55-60, sans recommander pour autant un retour au travail (S-11).

 

[163]     Dans le rapport médical du Dr Major du 20 décembre 2008 (S-15), on peut lire « dépression majeure, rémission partielle, traits obsessionnels et évitants, difficultés au travail et maladie chronique, thérapie de support, symptômes : asthénie, troubles de concentration, dysphonie, réponse mitigée au traitement ». Malgré ce qui est écrit, le Dr Major recommande un retour progressif et il n’est pas venu témoigner pour expliquer ou justifier sa recommandation. Il ne peut non plus être soutenu que la décision de Mme Coutu, de demander une expertise avec un tel rapport, était déraisonnable. 

 

[164]     Il s’oppose au dépôt des pièces S-18 et S-19, deux ordonnances médicales. La pièce S-18 a été remise au Syndicat la veille de la journée de l’audience et surtout elle n’a jamais été portée à la connaissance de l’Employeur. Quant à la pièce S-19, elle n’est pas contemporaine, étant datée du mois de février 2010, et elle n’a pas non plus été portée à la connaissance de l’Employeur. De plus, elle contredit le témoignage du plaignant qui a témoigné avoir vu le Dr Major, en février et en mars, et peut-être en avril 2009, pour diminuer sa médication. Il n’a pas mentionné qu’il a été suivi par la suite par le Dr Major, comme le laisse entendre la pièce S-19.

 

[165]     Au soutien de ses prétentions, il dépose plusieurs décisions traitant de la compétence de l’arbitre, du fardeau de la preuve ainsi que de ce qu’il faut entendre par les notions d’abus de droit, de discrimination ou d’arbitraire, selon la jurisprudence. La liste de ces décisions se retrouve en annexe.

 

RÉPLIQUE DU SYNDICAT

 

[166]     Le procureur du Syndicat invite l’arbitre à relire le grief (S-3), la lettre de Mme Coutu (S-4) et la décision du Conseil exécutif (S-5), pour bien cerner la portée du litige.

 

LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION COLLECTIVE

 

[167]      Les dispositions pertinentes de la convention collective 2005-2010 ou de celle de 2010-2015, lesquelles sont similaires, se lisent comme suit :

 

« 7-4.00  Incapacité partielle

 

7-4.01 La personne salariée permanente qui doit être mise à pied à la suite de son incapacité physique de rencontrer les exigences de son poste et qui en fait la demande écrite à la commission bénéficie des dispositions suivantes :

 

1)   (…)

 

7-4.02 La personne salariée qui n’a pas obtenu de poste en vertu de la clause précédente est mise à pied. Elle peut obtenir d’être mutée, promue ou rétrogradée dans le cadre du sous-paragraphe h) du paragraphe B de la clause 7-1.11, à la condition qu’elle rencontre les exigences du poste désiré, que ce poste soit disponible et qu’elle pose sa candidature à ce poste. Elle reçoit alors le traitement prévu pour son nouveau poste.

 

La présente clause s’applique pour une période de vingt-quatre (24) mois à compter de la mise à pied. »

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[168]     Les parties ne s’entendent pas sur la nature du litige.

 

[169]     Le Syndicat plaide que l’Employeur a considéré que le plaignant était incapable de répondre aux exigences de son poste, et ce, pour des raisons de santé. Partant, la question à laquelle doit répondre l’arbitre est la suivante : le plaignant est-il incapable pour des raisons de santé d’exécuter son travail, et ce, de façon permanente ? Le fardeau de la preuve, selon le Syndicat, appartient à l’Employeur. Ce dernier, pour sa part, plaide qu’il a appliqué la clause 7-4.01 de la convention collective et a mis à pied le plaignant. L’Employeur pouvait-il procéder à la mise à pied du plaignant ? Telle est la question soulevée. Il ne s’agit pas de déterminer si le salarié sera éventuellement, dans un avenir prévisible, capable de fournir sa prestation de travail. Le fardeau de la preuve appartient au Syndicat. 

 

[170]     Comme on peut le constater à la lecture des représentations respectives des parties, elles ne s’entendent pas sur l’objet du litige, sur le fardeau de la preuve et l’étendue de la compétence de l’arbitre. Elles soulèvent, de plus, pour des raisons différentes, toutefois, des questions sur la crédibilité des témoins. Tels sont les différents sujets qui devront être traités dans la présente décision. 

 

[171]     Il importe d’abord de bien cerner la nature du litige, d’identifier et de qualifier la mesure prise par le Comité exécutif, afin de pouvoir se prononcer sur le fardeau de la preuve et l’étendue de la compétence de l’arbitre, avant d’analyser la preuve.

 

La nature du litige

 

[172]     Le Syndicat, dans le grief (S-3) déposé le 9 avril 2009 au nom du plaignant, conteste la lettre du 19 mars ainsi que la mesure subséquente qu’il qualifie de  congédiement.

 

[173]     Dans cette lettre du 19 mars (S-4), il est mentionné que l’Employeur a l’intention de formuler au Comité exécutif une recommandation de mettre fin à l’emploi du plaignant, considérant son incapacité physique de répondre aux exigences de son poste. Il lui est rappelé, de plus, qu’il peut, s’il le désire, bénéficier des dispositions de l’article 7-4.00 de la convention collective.

 

[174]     Le 6 avril 2009, le Comité exécutif de la Commission scolaire des Samares adoptait une résolution de mettre à pied huit salariés, dont le plaignant, étant donné les dispositions de l’article 7-4.00 de la convention collective et l’incapacité physique de ces personnes de répondre aux exigences normales de leur poste ou de tout autre poste (S-5).

 

[175]     Bien que le grief conteste le congédiement, et bien que la lettre du 19 mars fasse état d’une recommandation de mettre fin à l’emploi du plaignant, il ressort toutefois de la résolution adoptée par le Comité exécutif que le plaignant a été mis à pied, et non pas congédié. Comme le souligne l’arbitre Jean-Guy Ménard [11] , qui a analysé une résolution similaire à celle du 6 avril 2009, les mots « mise à pied », dans la résolution, ne portent pas à confusion.

 

[176]     Selon la clause 7-4.02 de la convention collective, la personne ainsi mise à pied peut notamment poser sa candidature sur un poste vacant et l’obtenir dans le cadre du sous-paragraphe h) du paragraphe B) à la clause 7-1.11. La clause 7-4.02 s’applique pour une période de 24 mois à partir de la mise à pied.

 

[177]     Le plaignant a d’ailleurs posé sa candidature sur un poste vraisemblablement en septembre 2010, selon la pièce S-17.1, et ne l’a pas obtenu, et ce, parce qu’il a échoué à l’examen, et non pour des raisons de santé. Cet élément confirme, en fait, qu’il n’a pas été congédié, mais mis à pied, le lien d’emploi étant maintenu pour une période de 24 mois [12] .

 

[178]     Il est également en preuve que Mme Coutu a rencontré, dans un premier temps, les représentants du Syndicat pour discuter de la clause 7-4.00 et voir s’ils partageaient la même compréhension de cette disposition. Ils ont discuté des étapes prévues à cette clause et discuté également s’il y avait un accommodement raisonnable de possible. La compréhension commune était qu’il n’y en avait pas. Une rencontre avec le plaignant a eu lieu immédiatement après, et ce, en présence des représentants du Syndicat.  L’accommodement raisonnable n’est d’ailleurs pas invoqué, et ce, de consentement.

 

[179]     Force est de constater que le plaignant a été mis à pied le 6 avril 2009, et non congédié. Il ne peut non plus être soutenu, selon la preuve qu’il s’agit d’un congédiement déguisé.

 

[180]     Cette mesure ne peut être qualifiée de disciplinaire. L’arbitre Ménard, dans l’affaire Commission scolaire de Charlevoix , a considéré qu’une telle mesure s’inscrit dans le cadre de la relation contractuelle Employeur-employé, et non dans un processus disciplinaire. Par la suite, les arbitres Jean-Pierre Lussier [13] et Michael H. Cain [14] , saisis de situations similaires, ont abondé dans ce sens. Cette conclusion n’est pas sans conséquence, quant à la compétence de l’arbitre.

 

Compétence de l’arbitre

 

[181]     L’arbitre Jean-Guy Ménard, dans l’affaire Commission scolaire de Charlevoix, alors qu’il s’interroge sur sa compétence, analyse la clause 7-4.01 et conclut ainsi :

 

« Il est à remarquer, toutefois, que l’exercice du droit de l’Employeur de mettre à pied pour incapacité physique n’est conditionné d’aucune façon, si on excepte qu’il en découle un droit pour l’employé d’être muté ou rétrogradé. La clause 7-4.01 ne fournit aucune indication pouvant servir de critère de décision ou de point de référence pour en juger. Il revient donc à l’Employeur d’exercer son jugement dans l’utilisation qu’il fait de son pouvoir de mettre à pied.

 

En pareilles circonstances, il apparaît à l’arbitre que sa juridiction doit se limiter à vérifier s’il n’y a pas eu exercice abusif, discriminatoire ou arbitraire du droit de mettre à pied. Compte tenu de la clause 7-4.01, il ressort également que l’arbitre ne peut substituer son jugement à celui de l’Employeur. Il ne peut que confirmer ou infirmer la décision patronale [15] . »

 

[182]     L’arbitre Michael H. Cain, quelques années plus tard, abonde dans le sens de la décision de l’arbitre Ménard, dans l’affaire Commission scolaire La Neigette . Il conclut lui aussi que sa compétence se limite à confirmer ou infirmer la décision de l’Employeur et il ne peut l’infirmer que s’il vient à la conclusion qu’il y a eu exercice abusif, discriminatoire ou arbitraire de ce droit [16] .

 

[183]     Cette conclusion va dans le sens du courant dominant voulant que les tribunaux d’arbitrage ne peuvent que vérifier le caractère abusif, discriminatoire ou déraisonnable des mesures non disciplinaires imposées par l’Employeur. Ainsi, selon les auteurs de l’ouvrage Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail, « Le Tribunal d’arbitrage n’a pas à évaluer l’adéquation entre la mesure prise par l’Employeur et la situation du salarié, mais uniquement à vérifier le caractère raisonnable, soit la cause d’action de l’Employeur. Le Tribunal d’arbitrage ne peut réviser ni atténuer la sanction de l’Employeur, mais uniquement la maintenir ou l’annuler. Si le Tribunal d’arbitrage substitue sa propre opinion à la décision de l’Employeur, il commet un excès de juridiction justifiant une révision judiciaire [17] » .

 

[184]     Comme le soulignent ces auteurs, quelle que soit l’étendue du pouvoir du Tribunal, l’Employeur doit toujours respecter les droits des salariés protégés par la convention collective. Le Tribunal doit intervenir et annuler la décision de l’Employeur, lorsqu’elle est incompatible avec la convention collective applicable, et, plus précisément, en l’espèce, avec la clause 7-4.01. L’Employeur était-il en droit, comme l’a plaidé le procureur de l’Employeur, d’informer le plaignant, le 6 avril 2009, qu’il était mis à pied, étant donné son incapacité physique de rencontrer les exigences de son poste. Telle est la question à laquelle doit répondre le Tribunal.

 

 

 

 

 

Le fardeau de la  preuve

 

[185]     Pour pouvoir appliquer la clause 7-4.01, le Syndicat soutient que l’Employeur doit prouver que le salarié était incapable physiquement de fournir sa prestation de travail, puisque c’est l’Employeur qui décide de mettre à pied le salarié, et ce, pour le motif indiqué à cette clause. C’est dans ce contexte qu’il plaide que l’Employeur a le fardeau de la preuve et, au soutien de ses prétentions, il réfère le Tribunal à deux décisions, à savoir une de l’arbitre La Forge et une deuxième de l’arbitre Bergeron.

 

[186]     Dans l’affaire Commission scolaire des Navigateurs , l’arbitre La Forge était saisi d’un grief contestant la décision de l’Employeur de cesser de verser les prestations d’assurance salaire depuis le 5 avril 2011, estimant que le plaignant n’était plus invalide. Celui-ci recevait des prestations depuis un certain temps. Les parties ne s’entendaient pas sur qui doit supporter le fardeau de la  preuve. Le Syndicat plaidait que, vu l’acceptation de la réclamation en assurance salaire du plaignant par l’Employeur, ce dernier devait démontrer un changement dans la situation qui avait donné lieu au versement des prestations, et, dès lors, le fardeau revient à l’Employeur, selon l’article 2803 du Code civil du Québec , lequel stipule, au deuxième alinéa, que  « celui qui prétend qu’un droit est nul ou éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée ». L’Employeur s’appuyant, quant à lui, sur le premier alinéa de cette disposition du Code civil allègue que « celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention ».

 

[187]     L’arbitre partage le raisonnement de l’arbitre Francine Beaulieu, dans l’affaire Commission scolaire de la Capitale [18] , laquelle s’appuie sur le deuxième alinéa de l’article 2083 du Code civil . À cet égard, elle écrit ce qui suit :

 

« À tort ou à raison, l’Employeur a reconnu que le plaignant était invalide et lui a versé des prestations d’assurance salaire à l’automne 2007, et ce, à la suite du rapport d’expertise du docteur Blouin. L’Employeur reconnaissait alors ainsi que l’état du plaignant répondait à la définition d’invalidité de la clause 5-10.03 de la convention collective et respectait les trois conditions requises pour être invalide, soit qu’il était « dans un état d’incapacité résultant d’une maladie (…).

 

Je ne nie nullement le droit d’un Employeur de faire expertiser un de ses salariés pour vérifier s’il est toujours en état d’invalidité. S’il le fait, il lui revient de prouver qu’il y a eu changement dans l’état de santé de son salarié et qu’il doit revenir au travail [19] . »

 

[188]     Elle estime qu’il appartient à l’assuré (le plaignant) de prouver qu’il est invalide au sens de la loi habilitante. Une fois cet exercice fait et que l’assuré reçoit des prestations, il revient à l’assureur (l’Employeur) de prouver qu’il y a eu changement et que le droit de l’assuré a été modifié.

 

[189]     L’arbitre La Forge, après avoir analysé la jurisprudence déposée, dont la décision de l’arbitre Beaulieu, conclu que le fardeau de la  preuve repose entièrement sur les épaules de l’Employeur. Il y a lieu de souligner que, dans les décisions ainsi analysées, les plaignants contestent l’arrêt du versement des prestations d’assurance salaire.  

 

[190]     L’arbitre La Forge croit toutefois pertinent de rappeler que la question du fardeau de la preuve devient secondaire si une preuve est prépondérante. À ce sujet, il reproduit un extrait de l’ouvrage du professeur Perrot, extrait cité par le juge Gonthier de la Cour suprême dans l’affaire Caisse populaire de Maniwaki [20] . Ce passage se lit comme suit  :

 

« … l’enjeu pratique de la répartition du fardeau de la preuve n’apparaît que dans les seules hypothèses où une appréciation des éléments de preuve s’est révélée stérile. C’est alors, mais alors seulement qu’il est indispensable de trancher le problème. De telle sorte que, pratiquement, le juge ne se demande pas, d’abord, auxquels des deux plaideurs incombe le fardeau de la preuve et ensuite comment il devra faire cette preuve; il accueille d’abord tous les éléments de conviction qui lui sont apportés par les deux plaideurs indifféremment, et ce n’est que dans le cas où aucun de ces éléments ne lui paraît décisif qu’il est conduit à s’interroger sur la répartition du fardeau de la preuve, de manière à désigner lequel des deux plaideurs sera cru sur simple affirmation. »

 

[191]     En l’espèce, cette décision de l’arbitre La Forge n’est pas pertinente, à l’exception du rappel fait par l’arbitre de l’importance du fardeau de la  preuve en présence d’une preuve prépondérante. Je m’explique. La question soulevée est différente, il ne s’agit pas de déterminer, dans la présente décision, si le plaignant a droit de continuer de recevoir ses prestations d’assurance salaire. Par ailleurs, le plaignant est, à compter du mois de novembre 2006, incapable de fournir sa prestation de travail et il continue de l’être à l’hiver 2009, selon la prétention de l’Employeur du moins. En fait, c’est le plaignant qui veut, en quelque sorte, changer sa condition, à savoir celle d’être en arrêt de travail pour maladie, et ce, depuis novembre 2006, en alléguant qu’à compter du 19 janvier 2009, il est apte à revenir au travail.

 

[192]     Dans la seconde affaire [21] , le plaignant, par son grief, conteste « sa suspension du droit au travail pour raison de santé » imposée par l’Employeur le 29 juin 2009, décision que l’Employeur a maintenue malgré le certificat de retour au travail émis par le médecin traitant du plaignant. Comme le souligne l’arbitre Bergeron saisi de ce grief, le litige porte sur la raisonnabilité de la décision prise par l’Employeur de ne pas réintégrer le plaignant dans son poste de travail, malgré le certificat médical de son médecin et sur la preuve portant sur des faits postérieurs. Les faits révélés par la preuve sur l’état de santé du plaignant, en juin 2009, ne sont pas contestés; seules sont contestées les conséquences de cet état de santé sur le travail du plaignant.

 

[193]     Le Syndicat, dans cette affaire, a plaidé que le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l’Employeur, puisque c’est lui qui a retiré au plaignant le droit de travailler alors que ce dernier lui avait remis un certificat de retour au travail. Il revient, selon le procureur du Syndicat, dès lors, à l’Employeur, d’expliquer les motifs pour lesquels il a pris sa décision et de convaincre le Tribunal de son bien-fondé.

 

[194]      L’arbitre, après avoir mentionné que le fardeau de la preuve n’est pas statique et prête souvent à confusion, comme le rappelle l’arbitre Jean-Pierre Lussier, dans l’affaire Radio-Canada [22] dont il reproduit un extrait, mentionne que ce sont les faits à l’origine du grief qui déterminent la partie sur laquelle ce fardeau repose. Il fait l’analyse suivante :

 

« [155] En l’espèce, le Syndicat est le demandeur et il prétend que le plaignant est injustement privé par son Employeur de fournir la prestation normale de travail pour laquelle il a été embauché. Il revenait donc initialement au Syndicat de démontrer que l’Employeur refusait au plaignant le droit de fournir sa prestation normale de travail.

 

[156] Une fois cette preuve établie, il revenait à l’Employeur , soit de démontrer que la prétention syndicale était inexacte, soit d’expliquer les motifs pour lesquels il avait privé le salarié de son droit au travail et de démontrer la raisonnabilité de sa décision.

 

  [157] Par la suite, le fardeau se déplaçait de nouveau sur les épaules du Syndicat qui devait contrer la preuve de l’Employeur et miner le bien-fondé de ses prétentions.

 

[158] En l’espèce, le Syndicat s’est facilement déchargé de son fardeau initial, puisque l’Employeur a lui-même admis avoir refusé de réintégrer le plaignant, malgré le certificat de retour au travail émis par la D re Émond. Dès lors, l’Employeur devait donc expliquer les motifs de sa décision et démontrer qu’elle était justifiée . »

       

[195]     Il y a lieu de rappeler que, dans cette affaire, l’état de santé du plaignant n’était pas contesté, ce sont les conséquences qui le sont, l’Employeur estimant que les syncopes à répétition du salarié étaient susceptibles de mettre en danger sa sécurité et celle des autres travailleurs. Cette décision rappelle, à juste titre, que le fardeau de  la preuve n’est pas statique et que les faits à l’origine du grief doivent être pris en compte pour déterminer à qui incombe le fardeau de  preuve.

 

[196]     Le procureur de l’Employeur, après avoir rappelé que le Tribunal ne peut intervenir que si la décision de mettre à pied est déraisonnable, plaide que le fardeau de la preuve appartient au Syndicat. Il invite le Tribunal à aller dans le sens des décisions rendues par les arbitres Ménard, Lussier et Cain, lesquels ont interprété la clause 7-4.01 ou une clause similaire.

 

[197]     Cette clause accorde une compétence à l’arbitre qui, selon l’arbitre Ménard, peut se présenter sous 2 volets :

 

a) d’abord vérifier s’il est devant un « employé régulier permanent qui doit être mis à pied pour incapacité physique »;

 

b) et ensuite, déterminer si ce même employé remplit les conditions pour avoir accès à une mutation ou à une rétrogradation.

 

Une preuve concluante ou une admission qu’un employé ne remplit pas les conditions pour obtenir une mutation ou une rétrogradation n’enlève pas à l’arbitre la possibilité d’étudier s’il y a application complète de la clause 7-4.01, encore faut-il au préalable vérifier si on est en présence « d’un employé régulier permanent qui doit être mis à pied pour incapacité physique [23] . »

 

[198]     Selon cet arbitre, la compétence de l’arbitre doit se limiter à vérifier s’il n’y a pas eu exercice abusif, discriminatoire ou arbitraire du droit de mettre à pied. C’est dans ce contexte qu’il s’exprime sur le fardeau de la preuve comme suit :

 

« Cette notion d’abus, de discrimination ou d’arbitraire suppose nécessairement qu’il y a eu mauvaise foi, attitude excessive ou inexplicable dans l’exercice du droit. Il s’agit là de concepts qui ne se présument pas. Il faut les prouver. Et c’est à celui qui les allègue de les démontrer. En conséquence, il revient au Syndicat d’assumer le fardeau de la preuve [24] . » 

 

[199]     Dans cette affaire, le plaignant avait un dossier d’absences pour maladie fort important entrecoupé de retour au travail pour de courtes durées, depuis les 7 dernières années. Alors qu’il était en congé de maladie, après avoir subi une intervention chirurgicale au niveau lombaire, l’Employeur a décidé de mettre à pied ce salarié en raison de son incapacité de rencontrer les exigences de son poste. Le Syndicat déclare qu’il y a eu violation de l’article 7-4.01, en ce qu’il y a eu utilisation abusive et déraisonnable du pouvoir de mettre à pied, et ce, pour les trois motifs suivants : l’absence d’expertise de l’Employeur avant de décider de le mettre à pied, l’enclenchement du processus de mise à pied au moment où le plaignant se remettait d’une délicate intervention chirurgicale et le refus répété de l’Employeur de fournir au plaignant un équipement mieux adapté à sa condition. L’arbitre conclut que l’Employeur s’est déchargé de son fardeau de la preuve de le persuader qu’il était justifié de refuser de réintégrer le plaignant, malgré le certificat médical de son médecin.

 

[200]     L‘arbitre Cain s’est également interrogé sur la portée de la clause 7-4.01, dans l’affaire Commission scolaire La Neigette. Avant de rendre la décision déposée par l’Employeur [25] , il a rendu deux sentences interlocutoires. Dans la première sentence [26] , il lui a été demandé de déterminer qui avait le fardeau de la preuve. Le Syndicat, comme dans la présente affaire, prétendait que le fardeau reposait sur l’Employeur, alors que ce dernier soumettait le contraire.

 

[201]     L’arbitre s’interrogeant alors sur la clause 7-4.01 fait le raisonnement suivant :

 

« La lecture de la clause 7-4.-01 indique qu’un salarié permanent « peut être mis à pied par la suite de son incapacité physique de rencontrer les exigences de son poste (...) ». Cependant, pour qu’un Employeur puisse poser ce geste contre la « personne salariée permanente », il est nécessaire pour lui d’être dans une situation où il « doit » le faire parce que la capacité physique de son employé est telle que l’Employeur ne reçoit pas ou plus la prestation de travail à laquelle il a droit.

 

D’une façon générale, il est vrai de dire que les obligations de l’Employeur cessent lorsque son employé n’est plus en mesure de remplir son obligation qui est celle d’accomplir sa prestation de travail.

 

Il est vrai également que la doctrine et la jurisprudence font une distinction entre une mesure administrative ou non disciplinaire et une mesure disciplinaire.

 

Il est également vrai que l’exercice du droit de gérance est, fondamentalement, un droit discrétionnaire que l’Employeur peut exercer librement, n’ayant comme contraintes que les contraintes prévues par la convention collective, le tout à la condition bien sûr de ne pas agir d’une façon légère, arbitraire ou discrétionnaire.

 

Je n’ai aucune hésitation à venir à la conclusion, dans le présent cas, à tout le moins, il est nécessaire que j’aie la preuve que la décision, qu’a prise l’intimée, l’a été pour des motifs qu’elle a cru sérieux, non arbitraires et non discriminatoires.

 

Ceci exige, à mon sens, que l’intimée explique à l’arbitre les motifs pour lesquels elle a pris la décision qu’elle a prise. De plus, il n’est pas logique que cette preuve se fasse au début de l’enquête.

 

C’est donc en ce sens, mais en ce sens seulement, que je décide que l’intimée a le fardeau de la preuve.

 

Voilà, à mon avis, le sens à donner au mot « doit » que l’on retrouve à l’article 7-4.01. Ce mot ainsi utilisé veut dire que l’Employeur désirant obtenir la prestation de travail à laquelle il a droit doit croire que la mise à pied est nécessaire, l’employé étant, de l’avis de l’Employeur, incapable de fournir cette prestation de travail à cause de son incapacité physique.

 

C’est le mot « doit » dans l’article 7-4.01 qui est la base de la juridiction du Tribunal pour décider ainsi.

 

En rendant la présente décision, je ne me prononce aucunement sur la question de prépondérance de preuve. Je ne tranche pas du tout la question touchant la nature de la preuve que l’intimée doit soumettre afin d’avoir le droit de mettre à pied comme elle l’a fait.

 

Je décide tout simplement que, pour l’instant, l’intimée doit, en premier, mettre en preuve les faits qui ont motivé sa décision. Voilà « la procédure (…) que je juge appropriée (clause 9-2.10).

 

Je ne décide aucunement la question de savoir si je peux modifier ou changer la décision qu’a prise l’intimée si en effet la décision a été prise raisonnablement, non pas d’une façon abusive et en l’absence d’arbitrage ou de discrimination.

 

En rendant la présente décision, je ne substitue aucunement mon jugement au jugement ou à la discrétion de la partie patronale.

 

La partie patronale prétend en somme que sa décision ne peut être attaquée qu’à l’aide d’une preuve d’abus, de mauvaise foi, de discrimination ou d’arbitraire et que cette preuve c’est la partie syndicale qui doit la faire. Elle a peut-être raison. Je ne décide cependant pas maintenant.

 

Tout ce que je décide, c’est que c’est l’intimée, en premier, qui doit informer l’arbitre pourquoi elle est venue à la conclusion qu’elle devait mettre le plaignant à pied pour incapacité physique.

 

Par conséquent, c’est à l’intimée à commencer l’enquête en mettant en preuve, devant l’arbitre, les motifs de sa décision de mettre à pied le plaignant. »

 

[202]     Dans sa sentence finale, celle déposée par l’Employeur, cet arbitre, comme je l’ai déjà mentionné, abonde dans le sens de l’arbitre Ménard, pour ce qui est de sa compétence. Il en va de même en ce qui concerne le fardeau de la preuve. Ainsi, il écrit :

  

« Le Tribunal est d’avis que sa juridiction se limite à confirmer ou à infirmer la décision de l’intimée et il ne pourrait l’infirmer que s’il vient à la conclusion qu’il y a eu exercice abusif, discriminatoire ou arbitraire de ce droit.

 

Pour venir à cette conclusion, il est nécessaire que l’arbitre vienne à la conclusion qu’il y a eu mauvaise foi, ou une attitude excessive ou inexplicable dudit droit par l’intimée.

 

Le fardeau de la preuve de cette preuve repose sur les épaules du plaignant [27] . »  

 

[203]     L’arbitre s’interroge sur la décision de l’Employeur. Ainsi, il se demande si la décision qu’il a prise était justifiée dans les circonstances au moment où il l’a prise. Pour répondre à cette question, il prend en compte la preuve, laquelle révèle que l’Employeur avait en main plusieurs expertises et opinions médicales sur les problèmes de santé du plaignant, et, partant, il lui apparaît impossible de conclure que le plaignant a prouvé que l’Employeur a exercé de façon abusive, discriminatoire ou arbitraire ce droit qu’il avait de mettre à pied un salarié incapable de fournir sa prestation de travail.

 

[204]     Il ressort de cette longue analyse des décisions déposées par les parties les constatations suivantes :

 

·         Ce sont les faits à l’origine du grief qui déterminent la partie sur laquelle le fardeau de la preuve repose;

 

·         Le fardeau de la preuve n’est pas statique, il peut y avoir déplacement du fardeau de  preuve;

 

·         Pour qu’un Employeur puisse mettre à pied une « personne salariée permanente », il est nécessaire pour lui d’être dans une situation où il « doit » le faire parce que la capacité physique de son employé est telle que l’Employeur ne reçoit pas ou plus la prestation de travail à laquelle il a droit. Il doit établir la raisonnabilité de sa décision;

 

·         Il incombe au Syndicat le fardeau d’établir, qu’il y a eu, de la part de l’Employeur, un exercice abusif, discriminatoire ou arbitraire de ce droit de mettre à pied ;

 

·         Le fardeau de la preuve devient secondaire en présence d’une preuve prépondérante. Ce n’est que dans le cas où aucun des éléments de preuve ne lui paraît décisif que l’arbitre est conduit à s’interroger sur la répartition du fardeau de la preuve.

 

  Chronologie des événements

 

[205]     Les faits à l’origine du litige se sont présentés dans l’ordre suivant :

1)         Le plaignant est en absence maladie depuis le 13 novembre 2006, sans qu’un diagnostic soit précisé. Le 1 er février 2007, la Dre Desroches indique comme diagnostic une dépression d’intensité modérée et la date de retour au travail est indéterminée.

 

2)         Le 17 avril 2007, à la demande de l’Employeur, le plaignant voit le Dr Wolf, psychiatre, afin de déterminer notamment s’il est ou non en invalidité ainsi que la nature et la durée prévisible de cette invalidité. Le Dr Wolf indique comme diagnostic une dépression majeure d’intensité modérée et il considère que la durée de l’invalidité est indéterminée.

 

3)         La Dre Desroches produit un autre rapport médical, le 4 juin 2007. La durée de l’invalidité demeure encore indéterminée.

 

4)         Le 30 août 2007, le plaignant, à la demande de l’Employeur, voit le Dr Lapointe et son absence est prolongée.

 

5)         La Dre Desroches continue de voir le plaignant et signe des rapports médicaux le 28 octobre 2007 et le 23 janvier 2008 avec la mention : durée de l’invalidité indéterminée.

 

6)         Le plaignant est vu une première fois par le Dr Major en janvier 2008 et des rapports médicaux signés par ce dernier sont produits le 26 mai, le 3 septembre et le 20 décembre 2008, alors que celui-ci recommande un retour au travail progressif pour le 19 janvier 2009.

 

7)         Mme Coutu, responsable du secteur de la santé au Service des ressources humaines, s’interroge sur ce rapport médical du Dr Major, étant donné le contenu de ce rapport, et elle communique avec celui-ci pour obtenir des explications, et ce, sans succès.

 

8)         Une expertise est demandée par l’Employeur auprès de Médigestal et un rendez-vous est fixé avec le Dr Legault, lequel verra le plaignant le 17 février au lieu du 20 janvier, ce rendez-vous ayant été annulé.

 

9)         Dans la demande d’expertise au Dr Legault, il est mentionné que l’Employeur veut s’assurer que le plaignant est vraiment apte à travailler dans le cadre d’un retour progressif, comme le stipule son psychiatre (S-20).

 

10)      Au début de l’hiver 2009, la période maximale de 104 semaines de prestations d’assurance salaire est terminée pour le plaignant (clause 5-3.31).

 

11)      Le Dr Legault estime que le plaignant n’est pas apte à un retour au travail.

 

12)      Le rapport du Dr Legault est remis à l’Employeur dans les jours qui suivent.

 

13)      Dans une lettre datée du 19 mars 2009, Mme Coutu informe le plaignant qu’étant donné son incapacité physique à rencontrer les exigences de son poste, le Comité exécutif sera, le 6 avril, saisi d’une recommandation de mettre fin à son emploi.

 

14)      Le 6 avril 2009, le Comité exécutif adopte une résolution de mettre à pied huit salariés, dont le plaignant, en raison de leur incapacité physique de fournir leur prestation de travail, et ce, en référant à la clause 7-4.00 de la convention collective.

 

15)      Le Syndicat conteste, par son grief, la lettre du 19 mars ainsi que la mesure subséquente qu’il qualifie à tort de congédiement.

 

[206]     C’est dans ce contexte que se pose, comme le souligne le procureur de l’Employeur, la question suivante : L’Employeur était-il en droit, selon la clause 7-4.01, de mettre à pied le plaignant le 6 avril 2009 ? Comme le mentionne l’arbitre Cain, l’exercice du droit de gérance est fondamentalement un droit discrétionnaire que l’Employeur peut exercer librement, n’ayant toutefois, faut-il le souligner, comme contraintes, que celles prévues à la convention. Or, en l’espèce, selon la clause 7-4.01, l’Employeur peut mettre à pied un salarié en raison de son incapacité physique de répondre aux exigences de son poste. L’arbitre a compétence pour vérifier s’il est devant un tel salarié et il revient à l’Employeur de l’établir. Par la suite, si une telle preuve est faite, il appartiendra au Syndicat de prouver qu’il y a eu, de la part de l’Employeur, exercice abusif, discriminatoire ou arbitraire de ce droit de mettre à pied dans ces circonstances.

 

L’incapacité physique du plaignant de répondre aux exigences de son poste

 

[207]     La décision de l’Employeur a été prise après réception du rapport du Dr Legault, lequel ne croit pas que le plaignant puisse faire son travail régulier.

 

[208]     Lors de son témoignage, le Dr Legault a réitéré que son pronostic était plutôt réservé, à savoir pas bon, défavorable, incertain, et ce, même pour un retour progressif. En somme, selon lui, les chances sont faibles, il y a moins de 50% des probabilités qu’un tel retour fonctionne. Les risques de rechutes sont élevés.

 

[209]     Le Dr Major, qui a examiné le plaignant en décembre 2008, estime, quant à lui, selon son rapport médical du moins que le plaignant « pourrait reprendre son emploi en retour progressif à compter du 19 janvier 2009 ».

 

[210]     Le Syndicat plaide qu’en présence d’une preuve médicale contradictoire, il y a lieu de reconnaître un caractère prépondérant au diagnostic et pronostic du médecin traitant, selon la jurisprudence. De plus, il met en doute la crédibilité du rapport d’expertise et du témoignage du Dr Legault, ce dernier rapportant notamment des propos que le plaignant nie avoir tenus lors de cette expertise. Le procureur de l’Employeur soutient, quant à lui, que c’est plutôt à l’égard de la crédibilité du plaignant que le Tribunal doit s’interroger.

 

[211]     Avant d’examiner la preuve médicale, afin de distinguer les positions contradictoires et prendre une décision, il y a lieu de traiter, dans un premier temps, de la prétention syndicale à l’égard du médecin traitant et, dans un deuxième temps, d’apprécier la crédibilité des témoins, à la lumière des critères reconnus par la jurisprudence. 

 

  Une importance particulière au médecin traitant selon la jurisprudence

 

[212]     Au soutien de ses prétentions, le Syndicat a déposé deux décisions dans lesquelles les arbitres rappellent que de nombreux tribunaux d’arbitrage confrontés à une preuve contradictoire reconnaissent un caractère prépondérant au témoignage du médecin traitant et, partant, il m’invite à suivre cette approche.

 

[213]     J’ai lu très attentivement ces deux décisions. Dans l’affaire Commission scolaire des Navigateurs [28] , l’arbitre La Forge réfère à une décision de l’arbitre Rondeau, dans l’affaire Commission scolaire Jean-Chapais [29] . Dans cette décision, l’arbitre Rondeau, après une analyse de la jurisprudence, écrit ce qui suit :

 

« Nombreux tribunaux d’arbitrage, confrontés à une preuve médicale contradictoire, reconnaissent un caractère prépondérant au témoignage du médecin traitant, principalement parce qu’a priori, ce dernier connaît mieux le patient. Cependant, cette règle n’est pas absolue, il n’y a pas d’automatisme. Comme tout autre expert, le médecin traitant doit avoir agi médicalement, c.-à-d. avoir fait les examens médicaux appropriés, avoir posé un diagnostic, avoir dispensé un traitement médical, et avoir fait un suivi médical de son patient. Dans certains cas, le témoignage du médecin traitant est retenu comme prépondérant en l’absence d’une preuve médicale contradictoire, ou parce que la preuve médicale contradictoire fournie n’est pas appuyée par un examen médical, ou encore parce que l’examen médical à son appui n’est pas contemporain de la maladie alléguée. Dans d’autres cas, le diagnostic du médecin traitant est écarté parce que les renseignements fournis par le plaignant au médecin mandaté par l’Employeur sont plus complexes que ceux révélés à son médecin traitant. Enfin, il va de soi que le témoignage du médecin traitant ne suffit pas à établir l’existence d’un état d’invalidité résultant d’une maladie nécessitant des soins médicaux, lorsqu’il n’a pas fait d’examen médical et qu’il n’a pas donné de soins médicaux. » [ références omises ]

 

[214]     Force est de constater, à la lecture de cet extrait de la décision de l’arbitre Rondeau, qu’il ne s’agit pas, loin de là, d’une règle absolue et qu’il n’y a pas d’automatisme. Je note également que dans l’affaire Commission scolaire des Navigateurs (décision de l’arbitre La Forge), le médecin traitant suivait le plaignant depuis 1978, soit depuis 34 ans au moment du litige et que son témoignage allait dans le sens du médecin expert retenu par le Syndicat, et non pas dans le sens du médecin expert retenu par l’Employeur. De plus, l’arbitre a pris en compte le témoignage du médecin traitant et de ses notes évolutives, lesquelles, en regard de l’invalidité en cause, couvrent une période de près de 4 ans. L’arbitre souligne que les notes évolutives de ce médecin témoignent de la qualité du suivi et du besoin de soins médicaux. 

 

[215]     Dans l’affaire Commission scolaire catholique de Sherbrooke [30] , décision également déposée par le Syndicat, je note que le médecin traitant croyait que l’enseignante était en présence d’un symptôme du tunnel carpien, dû à une compression du nerf médian de la main droite. Il a recommandé un examen avec un neurologue, lequel prescrit une médication et le port d’une orthèse, et il a recommandé à son médecin traitant de faire le suivi à court et à moyen terme de son état, afin de vérifier si la situation se stabilise. Le médecin traitant a témoigné et l’Employeur a pour sa part fait entendre un médecin-conseil de la CARRA, lequel ne met pas en doute le diagnostic rendu, mais diffère d’opinion sur les effets de la maladie. Ainsi, il met en doute le bien-fondé de la recommandation faite par le médecin traitant de tenir la plaignante absente du travail pour une période aussi longue que celle accordée. Il se base pour ce faire sur la littérature médicale spécialisée en la matière. Il n’a pas examiné la plaignante ni fait une analyse des fonctions rattachées au poste d’enseignante à divers groupes d’étudiants au secondaire. L’arbitre Morency estime difficile de retenir l’approche de cet expert qui s’appuie sur la littérature médicale, laquelle est, par ailleurs, contredite par la littérature déposée par le médecin traitant, d’une part, et qui, d’autre part, n’a pas examiné la plaignante. De plus, il estime vraisemblable de penser qu’une personne incapable sans aide de mettre ses lentilles, de vaquer à ses occupations coutumières ou de conduire parce que ses doigts sont insensibles, puisse raisonnablement être empêchée d’exécuter ses tâches régulières et habituelles d’enseignante qui requièrent une dextérité manuelle et un degré de répétition élevé de mouvements.

 

[216]     Force est également de constater que, dans la présente affaire, la situation est différente. C’est la Dre Desroches qui est son médecin de famille et non le Dr Major, lequel a vu le plaignant une première fois en janvier 2008 et à quelques reprises par la suite avant de recommander son retour au travail de façon progressive. Par ailleurs, le Dr Major n’a pas témoigné, et ce, bien que son témoignage a été annoncé la première journée d’audience et qu’une journée d’audience a été annulée faute de disponibilité de ce médecin. Aucune preuve n’a été faite indiquant, par exemple, l’impossibilité de le faire témoigner. Aucune raison n’a été donnée, ce qui n’est pas sans nous laisser songeurs sur les motifs. Comme le souligne Louise Verschelden, dans «  La preuve et la procédure et arbitrage de griefs  », l’absence de témoignage peut également être appréciée par l’arbitre. Sur cette absence, elle écrit ce qui suit :

 

« Lorsqu’une partie aurait pu faire témoigner une personne et qu’elle ne l’a pas fait sans fournir aucune explication, l’arbitre pourrait conclure à l’existence d’une présomption à l’effet que cette personne ne serait pas venue appuyer les dires de cette partie. Une telle présomption pourrait être renversée si la preuve était faite à l’effet contraire [31] . »

 

La description de la tâche du plaignant

 

[217]     Le procureur du Syndicat a plaidé que le Dr Legault n’avait pas en main la description de la tâche du plaignant, information pourtant importante pour pouvoir se prononcer sur la capacité d’une personne de revenir au travail, tel que le démontrent les décisions de l’arbitre Morency dans l’affaire Commission scolaire de Sherbrooke et l’arbitre Bergeron dans l’affaire Clean Harbors . Cet argument ne m’apparaît pas convainquant dans la mesure où, dans ces deux décisions, il appert que l’enseignante souffrait d’un symptôme du tunnel carpien alors que l’autre salarié concerné faisait des syncopes à répétition et imprévisibles, et ce, alors qu’il pouvait conduire un camion ou pouvait effectuer une tâche avec des produits dangereux alors qu’il était seul. La nature de la maladie du plaignant n’est pas d’ordre physique.

 

La crédibilité du Dr Legault et du plaignant

 

[218]     Bien que l’appréciation de la crédibilité des témoins ne peut être enfermée à l’intérieur de règles fixes, différents arbitres ont dressé une liste de critères ou de guides permettant d’apprécier la crédibilité des témoins.

 

[219]     Ainsi, l’arbitre Marcheterre, dans la décision Casavant Frères Ltée et Syndicat de Casavant Frères Ltée [32] énonce les huit critères suivants  : il vaut mieux favoriser un témoignage affirmatif que de pure négation, la vraisemblance et la cohérence, la constance dans les déclarations, l’intérêt, la manière de témoigner, la réputation, le mobile, l’animosité, le coup monté, la probabilité.

 

 

 

 

 

[220]     À l’égard du critère de l’affirmation positive, certains arbitres [33] invitent à utiliser ce critère avec prudence, car une application simple et automatique menant à une conclusion basée principalement sur ce critère ne saurait qu’être défavorable à un plaignant qui conteste la survenance des faits invoqués au soutien d’une mesure disciplinaire en l’occurrence.

 

[221]     Dans l’appréciation des témoignages, il y a lieu également de prendre en considération le facteur temps, car la mémoire des événements peut s’estomper avec le temps menant parfois à des écarts dans des versions ou encore des hésitations sur des éléments non essentiels.

 

[222]     Selon l’arbitre Marcheterre, il faut porter une attention particulière à ces aspects, tout en reconnaissant que chaque cas est un cas d’espèce. L’un ou l’autre de ces critères peut avoir plus ou moins d’importance ou ne pas s’appliquer selon la situation à analyser.

 

[223]     Dans la présente affaire, eu égard à la preuve présentée, j’estime particulièrement importants les critères : intérêt, la cohérence et la constance dans les déclarations, ainsi que la vraisemblance et la probabilité.

 

Intérêt

 

[224]     Le plaignant a un intérêt certain dans la présente affaire. Il veut faire annuler sa mise à pied et réintégrer son emploi. Le Dr Legault est un témoin expert reconnu par les deux parties, qui fait des expertises depuis plusieurs années, et ce, à la demande d’Employeurs et de Syndicats notamment. Il n’agit pas de façon usuelle pour la commission scolaire comme c’est le cas pour le Dr Lapointe qui a vu le plaignant le 30 août 2007 (S-17.1, p. 23 et suivantes). La demande d’expertise a été adressée à Médigestal en tant que clinique effectuant de telles expertises et le Dr Legault a été désigné pour ce dossier. Certes, il peut être plaidé que le Dr Legault n’est pas un témoin totalement neutre dans la mesure où il a fait une expertise dont la conclusion diffère de celle du Dr Major et qu’il doit en quelque sorte défendre son rapport. Il faut toutefois souligner que cela aurait été également le cas si le Dr Major avait témoigné. Il n’y a aucune preuve que le Dr Legault avait de l’animosité envers le plaignant qu’il rencontrait d’ailleurs pour la première fois. Certes, le plaignant a mentionné qu’il était fâché, car il est arrivé en retard et a laissé entendre que son expertise a été teintée par cela. Il s’agit là d’une perception et non d’un fait. On ne peut conclure à de l’animosité envers le plaignant amenant une évaluation négative pour la seule raison d’un retard à un rendez-vous. Le Dr Legault note dans son rapport ce retard tout simplement, tout comme il note qu’il « s’excuse, il est poli, courtois et démontre une bonne disposition à procéder à cet examen. (...). Monsieur n’a jamais été négatif, hostile, irritable avec l’examinateur ».

 

La cohérence et la constance dans les déclarations

 

[225]     Le plaignant a témoigné à deux reprises, soit une première fois, dans le cadre de la preuve, pour obtenir une décision interlocutoire sur l’admissibilité du rapport du Dr Beltrami et, une deuxième fois, lors de la preuve au mérite. Des différences dans son témoignage ressortent ainsi avec ce qu’il a déclaré au Dr Beltrami, tel qu’il appert dans les prochains paragraphes.

 

[226]     Le plaignant a déclaré avoir vu le Dr Major à quelques reprises après le mois de décembre 2008, soit en février et en mars et peut-être en avril 2009 [34] , pour diminuer sa médication. Pourtant, lors de la troisième journée d’audience, il a voulu déposer une ordonnance médicale du Dr Major, datée du 24 février 2010, indiquant qu’il était suivi à la clinique et actuellement il ne présente aucun symptôme. Il a expliqué avoir oublié l’existence de ce document. Cette pièce a été acceptée sous réserve.

 

[227]     Lors de son témoignage du 9 avril 2013, le plaignant a expliqué qu’à son retour, en septembre 2006, une rencontre a été organisée avec Mme Coutu et M. Daniel Beaumier, son supérieur immédiat. La rencontre devait débuter à 9 h et il a dû attendre 40 minutes, Mme Coutu était avec M. Beaumier [35] . Lors de sa rencontre avec le Dr Beltrami, le 22 mars 2011, référant à cette rencontre, il mentionne qu’il a dû attendre assez longtemps, et ce, avec le nouveau directeur au nom de Daniel, lequel avait été engagé pendant son absence. Ils ont discuté ensemble alors qu’ils attendaient. Il lui a parlé de ses points forts et de ses points faibles, espérant que le nouveau directeur l’aiderait à s’améliorer et lui donnerait les outils pour rattraper le temps perdu. Plus tard, ces faiblesses lui ont été reprochées à son grand étonnement [36] .

 

[228]     Le plaignant a aussi reconnu, le 9 avril 2013, que, lors d’une conversation téléphonique, le 10 mai 2007, avec Mme Fournier du Service des ressources humaines, il lui a expliqué qu’il avait des difficultés financières et il a alors dit que « s’il était père de famille, tout ce qui lui resterait à faire c’est de se tirer une balle dans la tête ». Au Dr Beltrami, en 2011, référant à cet événement, il rapporte alors avoir dit qu’il avait des difficultés financières, cela le rendait malheureux et « quand il déballe sa nourriture, il a plus envie de se tirer que de manger » . Il est certain que ces propos ont été prononcés le 10 mai 2007, et non le 16 mai comme le mentionne Mme Coutu. Pourtant, il ne peut dire la teneur exacte des propos qu’il a tenus, propos, on en conviendra, peu usuels et dont on est plus susceptible de se souvenir que d’une date.

 

[229]     Relativement à son rendez-vous avec le Dr Legault, le plaignant, lors de son premier témoignage, mentionne que le rendez-vous a eu lieu à son bureau dans un sous-sol humide. Le Dr Legault lui a fait la leçon pour son retard pendant 10 minutes et lui a parlé pendant 15 minutes, et cette rencontre était terminée. Il évalue à 30 minutes la durée de ce rendez-vous. Lors de la preuve au mérite, le 9 avril 2013, le plaignant réitère qu’il a vu le Dr Legault dans un sous-sol qui sentait le moisi. Il réitère qu’il est arrivé en retard et explique que le Dr Legault n’était pas content, et ajoute alors qu’il sentait la boisson, et, de plus, l’a fait attendre de 10 à 15 minutes avant de le recevoir dans son bureau. La rencontre a duré entre 30 à 45 minutes. Il précise aussi que le Dr Legault lui a posé beaucoup de questions sur le rapport médical du Dr Wolf. Il ajoute même que le rapport d’expertise du Dr Legault est pratiquement du plagiat avec le rapport du Dr Wolf. Commentaires qu’il n’a pas cru opportun pourtant de faire lors de son premier témoignage en décembre et janvier 2013 ni voir même à Mme Coutu à une période contemporaine à ce rendez-vous, selon le témoignage de cette dernière. Ces déclarations aussi tardives ne peuvent que nous laisser songeurs, quant à la crédibilité du plaignant.

 

[230]     Le témoignage du Dr Legault est conforme à son rapport d’expertise. Il a, lors de son témoignage, expliqué sa démarche et confirmé l’évaluation faite le 17 février 2009.

 

La vraisemblance et la probabilité

 

[231]     Un témoignage peut être vraisemblable sans pour autant donner la version la plus probable. Ce qui est possible n’est pas pour autant probable. Ainsi, deux témoins peuvent avoir une version différente d’un événement et ces versions contradictoires peuvent tout de même être vraisemblables. Selon l’arbitre Marcheterre, la version des faits, pour être vraisemblable, doit pouvoir logiquement exister aux yeux d’une personne moyennement informée, elle doit être raisonnablement plausible. La version qui s’apparente le plus à la probabilité de la survenance des faits doit cependant être préférée.

 

[232]     Le procureur du Syndicat a plaidé que le rapport du Dr Legault et son témoignage doivent être appréciés en prenant en compte le témoignage du plaignant, lequel est en désaccord avec des propos que lui attribue le Dr Legault dans son rapport qu’il qualifie, par ailleurs, de plagiat du rapport du Dr Wolf.

 

 

 

[233]     J’ai lu attentivement le rapport du Dr Wolf et celui du Dr Legault, pris en compte les deux témoignages du plaignant [37] ainsi que celui du Dr Legault sur son rapport.

 

[234]     De cette lecture et des témoignages, il ressort ce qui suit en regard du rapport du Dr Legault :

 

1)      Dans la section « Révision du dossier », le Dr Legault résume le rapport du Dr Major et réfère très succinctement aux conclusions du Dr Wolf. Il est indiqué dans cette section que « Depuis 2001 des problèmes ». Le plaignant, lors de son deuxième témoignage, explique qu’il n’a pas discuté avec le Dr Legault de ce qui est écrit dans cette section et il ne comprend pas la référence à l’année 2001. Le Dr Legault est incapable de dire d’où il tient cette information. Elle n’apparaît pas dans le rapport du Dr Wolf ni dans les documents transmis par l’Employeur (S-20) ou dans la lettre de Mme Bédard du Service des ressources humaines lui précisant les questions pour lesquelles l’Employeur demande une expertise. Il ne se souvient pas avoir eu d’autres conversations avec cette personne que celle dont il est fait référence dans cette lettre. 

 

2)      Sous la rubrique « Identification », le plaignant est décrit : âge, statut social, son occupation professionnelle, et le début de son arrêt de travail, à savoir le 13 novembre 2006. Il y est également mentionné qu’il a une copine. Selon le témoignage du Dr Legault , il s’agit de la déclaration du plaignant. Cette identification ressemble à celle décrite dans le rapport du Dr Wolf avec la copine en moins cependant. Il s’agit toutefois d’éléments très factuels et constants. 

 

3)      Sous la rubrique « Antécédents », différents volets sont abordés dont les antécédents personnels psychiatriques, antécédents familiaux et personnels. Selon le Dr Legault , cette section a été remplie à partir des informations données par le plaignant. Sous le volet « Antécédents familiaux », l’âge de la mère est indiqué ainsi que le médicament qu’elle prenait, informations qui ne se retrouvent pas dans le rapport du Dr Wolf. Il en est de même par exemple pour la situation du frère, laquelle diffère quelque peu de celle décrite dans le rapport du Dr Wolf.

 

4)      Le volet « Antécédents personnels », reflète, selon le Dr Legault , les informations données par le plaignant, dont le fait qu’il présente toujours des diarrhées et a toujours des maux de tête très intenses qui pouvaient durer de 2-3 jours. Il est également mentionné que les vomissements du matin qu’il avait en 2007 se sont infléchis et il souffre toujours de son apnée du sommeil. Le plaignant, lors de son deuxième témoignage, nie avoir mentionné qu’il avait toujours des maux de tête et soutient que ces informations ont été tirées du rapport du Dr Wolf. Ce rapport mentionne effectivement les problèmes de diarrhées et de maux de tête. Le Dr Legault décrit ce qui en est au moment de l’examen en faisant les ajustements par rapport à 2007, comme l’indiquent les soulignés. Il a expliqué qu’en regard de l’axe III, ces maladies physiques pouvaient influencer, aussi il a posé des questions pour savoir ce qui en était. Je note que, dans le rapport du Dr Beltrami, il est indiqué migraines moins incapacitantes actuellement. Lors du premier témoignage, le plaignant, en regard de cette section du rapport, a mentionné qu’il a dit qu’il avait eu ces problèmes. Il référait en somme à une période passée et non à la situation prévalent au moment du rendez-vous.

 

5)      Sous la section « Problématique en cause », au premier paragraphe, il est mentionné que « monsieur lui a dit que la Clomipramine a baissé à 150 mg et que les effets ne sont pas forts selon son expression (…) ». Le plaignant a reconnu avoir fait cette déclaration lors de son premier témoignage . Il est aussi mentionné que : « monsieur me dit que malgré sa médication, il n’a pas le goût de se lever le matin, il n’a pas d’intérêt. Ses deux chiens le forcent à se lever un peu. Monsieur n’est jamais de bonne humeur et n’a jamais d’entrain ». Le Dr Legault souligne qu’il a repris les mots de monsieur. Lors de son premier témoignage, le plaignant a déclaré que c’était ainsi au début de la maladie, mais pas lorsqu’il a vu le Dr Legault. Il déclare, lors de son second t émoignage, que cet extrait est totalement faux. Aucune référence de cette nature ne se retrouve dans le rapport du Dr Wolf.

 

6)      Aux pages 4 et 5, il est écrit « Depuis sa mononucléose, il y a cinq ans, sa vie a chamboulé. Il a tout le temps chaud, il sue à « grandes gouttes ». Il m’a décrit sa perception ensuite très négative de son milieu de travail. Il revient sur la mononucléose précisant que cette maladie l’a rendu faible, l’obligeant à quatre heures par jour en moyenne à dormir en plus de ses dix heures de nuit ». « Monsieur dort plus de temps qu’il ne reste éveillé ». Le plaignant a déclaré lors de son premier témoignage que c’était la situation au début, soit 4 à 5 ans avant. Il déclare lors de son deuxième témoignage que cela est totalement faux. Le Dr Legault atteste, quant à lui, que la situation décrite était encore celle-là en février 2009. Dans le rapport du Dr Wolf, il est effectivement fait référence à sa mononucléose et à sa très grande faiblesse. Il dormait alors, selon ce rapport, jusqu’à dix-huit heures par jour, là se limite les ressemblances.

 

7)      À la page 5, il est écrit « Avec la médication, il reconnaît quand même qu’il dort mieux. Il devient émotif facilement. Il ne se reconnaît pas lui-même et il se dit lassé de se battre ». Le plaignant a reconnu lors de son premier témoignage qu’il était émotif au début, mais pas en 2009. Quant aux médicaments, toujours lors du premier témoignage, il dit que cela valait la peine au début de la maladie, il en prenait encore, mais il diminue en vue de les laisser tomber. Le Dr Legault atteste que ce qui est relaté est toujours actuel en 2009. Il y a lieu de souligner que le Dr Legault, dans son rapport à la page 7 sous la rubrique « Examen mental et objectif », indique que le plaignant « ne pleurait pas et n’était pas émotif comme en 2007 ». Aucune mention de cette nature ne se retrouve dans le rapport du Dr Wolf et il en est de même pour les alinéas qui suivent.

 

8)      À la page 5, il est écrit « Paradoxalement, monsieur me dit que sa principale motivation de travailler est le fait que quelque chose puisse le forcer à s’activer. En même temps, il se reconnaît assez prompt en situation d’autorité, mais maintenant il se trouve un peu trop mou à son goût, selon son expression ». À l’égard de ce passage, le plaignant répond, lors de son premier témoignage, qu’il est possible qu’il ait dit cela et, comme tout le monde, il a besoin de motivation pour se lever. Lors du second témoignage , il déclare que cela est totalement faux. Le Dr Legault confirme que c’est le plaignant qui a prononcé ces propos.

 

9)      À la page 5, il est écrit « monsieur serait bien surpris d’être capable de retourner à temps plein, mais il voudrait essayer à temps partiel, bien qu’il doute aussi. Il ne serait vraisemblablement pas capable de travailler plus de deux jours, m’explique-t-il. Il n’est pas encore en forme. Il voudrait surtout qu’on lui fiche la paix, un fort sentiment exprimé d’injustice et, me demande même, à cet entretien, si je ne pourrais pas faire enquête sur ce milieu ». Le plaignant déclare, lors de ses deux témoignages, que cela est faux. Il ne peut avoir dit cela, car il allait le voir pour revenir au travail. Le Dr Legault atteste que c’est ce que le plaignant lui a dit en février 2009.

 

10)   À la page 5, il est écrit « monsieur se décrit comme très affecté. Dès le début de la journée, il se lève fatigué, même avec le C-PAP. Une extraction dentaire récente n’a rien réglé. À 13 heures, il doit se recoucher et va dormir jusqu’à l’heure du souper pratiquement. Il se lève à 8 h, parfois 9 h, peut faire un peu de ménage, tombe dans la lune la plupart du temps devant la télé et, par conséquent, plutôt convaincu que ça ne fonctionnera pas au travail ». Selon le premier témoignage du plaignant , il dormait plus au début de sa maladie. L’appareil C-PAP lui permet de dormir mieux la nuit. Quant au reste de cet extrait, il déclare que c’est faux. Il nie avoir dit cela au Dr Legault. Lors de son deuxième témoignage, il déclare que ce qui est écrit aux pages 4 et 5 est totalement faux. Le Dr Legault soutient que cela reflète ce que le plaignant lui a dit.

 

11)   À la page 6, il est écrit « La disposition demeure négative. Il se dit déçu, lassé, triste et irrité. Il essaie vainement de faire des activités de la vie domestique, mais remet toujours à plus tard. Il craint encore les attaques de son milieu de travail ». Selon le premier témoignage du plaignant, cela était vrai au début de sa maladie. Le Dr Legault déclare que c’est la déclaration du plaignant.

 

12)   À la page 6 de ce rapport, il est écrit « La fin de semaine, il voit des amis, jase, prend quelques bières, 4-5 par semaine au plus. Il voit sa copine qu’il connaît depuis 17 ans avec qui il passe les fins de semaine ». Le plaignant, lors de son premier témoignage , a reconnu que cela est conforme à ce qu’il a dit, sauf pour le nombre d’années, car il voit sa copine depuis 27 ans.

 

13)   À la page 6, il est également écrit « Donc, petit ménage, télé en se levant, ne lit pas beaucoup, ne travaille pas beaucoup, n’a pas le goût et remet au lendemain depuis pratiquement deux ans. Son bureau est en désordre, il commence, mais ne finit pratiquement pas ce qu’il entreprend. Il finit par le faire quand il n’a plus le choix, comme l’épicerie l’oblige à sortir et les amis ». Le plaignant, lors de son premier témoignage, a reconnu que cela était vrai au début seulement. Le Dr Legault , quant à lui, déclare que c’est ce que le plaignant lui a mentionné lorsqu’il lui a demandé de décrire son fonctionnement quotidien.

 

[235]     De cette comparaison des rapports et des témoignages, il est possible de dégager les constatations suivantes :

 

·         L’allégation, voulant que le rapport du Dr Legault soit du plagiat du rapport du Dr Wolf, ne tient pas la route.

 

·         Selon le plaignant, la situation décrite, aux points 4 à 13 du paragraphe précédent, reflète la situation au début de sa maladie ou est totalement fausse.

 

·         Il est difficile de retenir que la situation décrite est totalement fausse. Ainsi, par exemple, il est indiqué au point 5 « monsieur me dit que malgré sa médication, il n’a pas le goût de se lever le matin, il n’a pas d’intérêt. Ses deux chiens le forcent à se lever un peu ». Le Dr Legault ne peut avoir inventé cela. Comment pouvait-il savoir que le plaignant avait deux chiens ? Ou alors, comment aurait-il pu savoir, tel qu’indiqué au point 10, que le plaignant a eu une extraction dentaire, si ce n’est pas le plaignant qui lui a dit. En fait, selon cette thèse, le Dr Legault, à partir des informations reçues du plaignant, aurait déformé ses propos et aurait inventé ces descriptions. Est-ce vraisemblable ?

 

·         Quant à l’explication voulant que la situation décrite reflète la situation au début de sa maladie, pour retenir cette thèse, il faudrait conclure que le plaignant a, soit parlé de cette situation sans décrire d’aucune façon comment il se sentait en janvier 2009, ce qui serait surprenant, ou bien il en a parlé également, mais le Dr Legault a choisi d’ignorer cette partie des propos du plaignant, sauf à quelques occasions, à savoir lorsqu’il mentionne, par exemple, au point 4, que ses vomissements du matin se sont infléchis ou encore qu’il est moins émotif qu’en 2007 (point 7). Encore là, la question se pose, est-ce vraisemblable et pourquoi le Dr Legault aurait ainsi modifié les situations décrites ?

 

·         Le plaignant reconnaît néanmoins que certaines descriptions sont conformes ou du moins qu’il est possible qu’il ait dit cela. Il en est ainsi pour le point 5, alors qu’il est question des médicaments [38] , au point 8, alors qu’il est fait référence à la motivation de travailler, ou encore, au point 12, relativement à ses activités la fin de semaine. Il faut comprendre alors, dans ces situations, qui, en fait, ne lui sont pas vraiment défavorables, le Dr Legault comprend bien les propos du plaignant et les reflète correctement sans fausseté. 

 

·         Le Dr Major, dans son rapport médical, sous la rubrique invalidité, indique comme symptômes invalidants : Asthénie, troubles de concentration et dysphorie . Il est raisonnable de penser, dès lors, que ces symptômes sont tout de même significatifs. Le vocable « asthénie » signifie, selon le dictionnaire Larousse , état de fatigue et d’épuisement alors que le vocable « dysphorie » signifie trouble psychiatrique caractérisé par une humeur oscillant entre la tristesse et l’excitation. Pourtant, le plaignant affirme que ces symptômes étaient présents au début de la maladie, mais pas à l’hiver 2009 ou encore, faut-il comprendre, en décembre 2008 malgré ce qu’a écrit le Dr Major.

 

·         Force nous est de constater que le plaignant n’est pas d’accord avec le rapport d’expertise du Dr Legault et il le manifeste en décrivant négativement l’endroit où a eu lieu le rendez-vous, l’attitude du Dr Legault qui l’aurait sermonné pour son retard, alors que, de surcroît, il sentait la boisson, et en soutenant que le Dr Legault a fait un rapport qui plagie celui du Dr Wolf, en plus de relater des propos qui, selon le plaignant, sont totalement faux. On ne peut plus difficilement être dans la négation.

 

·         Le procureur du Syndicat a soulevé le fait que, dans la section « Révision du dossier », il est écrit : « depuis 2000 des problèmes », sans que le Dr Legault puisse expliquer l’origine de cette information. Certes, cela peut surprendre, mais pas de là à mettre en doute toute son expertise qui ne repose d’aucune façon sur cette mention, selon la preuve.

 

·         La mention, dans ce rapport, des propos du plaignant relatés au point 9 surprend, surtout dans un contexte où le plaignant veut revenir au travail. Mais pourquoi le Dr Legault aurait-il fait cette mention si elle était erronée. S’il voulait produire à tout prix un rapport négatif, cela était bien malhabile de sa part de faire une telle mention qui n’est pas essentielle pour cette fin.

 

·         Il y a lieu d’ajouter que le Dr Legault, à l’axe V, a indiqué EGF autour de 55-60, soit une EGF légèrement plus élevée que celle indiquée par le Dr Major dans son rapport du 20 décembre 2008. On ne peut y voir là une manifestation de faire un rapport négatif ou de non-retour au travail à tout prix.

 

·         Lorsque l’on considère le témoignage du Dr Legault et du plaignant ainsi que les critères intérêt, cohérence et la constance dans les déclarations ajoutées aux observations faites ci-devant, il m’apparaît que le Dr Legault est plus crédible que le plaignant, et ce, en tout respect pour toute opinion contraire. 

 

La preuve médicale

 

[236]      Le Syndicat a déposé, lors de la dernière journée d’audience, deux documents intitulés « Ordonnances médicales », ne portant aucun entête de clinique médicale, comme c’est le cas, par exemple, des billets de la Dre Desroches (S-6 et S-7), et dont la signature est illisible, mais qui aurait été signées par le Dr Major. Une de ces ordonnances est datée du 14 janvier 2009 (S-18) et la deuxième du 24 février 2010 (S-19). Le procureur de l’Employeur s’est opposé au dépôt de ces documents qui n’ont jamais été portés à la connaissance de l’Employeur, contrairement à la pièce S-15, et qui, de surcroît, pour ce qui est du deuxième, est postérieur à la décision de l’Employeur, et ce, de plusieurs mois.

 

[237]      Il convient, à ce moment-ci, de disposer de l’objection au dépôt. Je rappelle que, le 7 mars 2013, j’ai rendu une sentence interlocutoire sur une objection au dépôt du rapport d’expertise du Dr Beltrami, expertise réalisée plusieurs mois après la décision de l’Employeur. Il aurait été pertinent que la pièce S-19 soit également déposée pour disposer de l’objection en même temps, puisqu’il s’agit aussi d’un document postérieur à la décision de l’Employeur. Contrairement au rapport du Dr Beltrami, l’Employeur ne reconnaît pas que ces deux documents proviennent du Dr Major, et ce dernier, n’ayant pas témoigné, il n’a pas pu le confirmer. Comme mentionné ci-devant, ces deux rapports n’ont été portés à la connaissance de l’Employeur que lors de l’arbitrage. De plus, dans la pièce S-19 datée du 24 février 2010, il est indiqué que, « le plaignant a été suivi à la clinique et actuellement , en février 2010, faut-il comprendre, il ne présente plus de symptôme de dépression ». Ce document est non seulement postérieur à la décision de l’Employeur, il réfère, en outre, à l’état de santé du plaignant à une date également postérieure et non contemporaine à la décision en litige. Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il y a lieu d’accueillir l’objection de l’Employeur et refuser le dépôt de ces deux pièces.

 

[238]     Dans sa demande d’expertise au Dr Legault, l’Employeur formule les questions suivantes :

 

1)   Déterminer si la personne est ou non en invalidité, référant à la définition de l’invalidité de la convention collective;

2)   Si oui, déterminer la nature et la durée prévisible de son invalidité;

3)   Le pronostic;

4)   La nature, la nécessité et la durée des traitements;

5)   L’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles;

6)   Peut-il faire son travail régulier ?

7)   Toute autre mention que vous jugerez utile.

 

[239]     Les réponses à ces questions, dans son rapport (C-3), se lisent comme suit :

 

« Je constate à ce jour que monsieur me semble encore présenter un état d’invalidité par le fait qu’il me semble peu fonctionnel, il prend peu d’initiative dans sa vie quotidienne, même chez lui il a de la difficulté à se mobiliser. Il dort au total davantage qu’il reste éveillé. Il lit peu. La concentration est de courte durée. Difficulté à planifier les activités, persister et les finir.

 

Monsieur se décrit comme maussade la plupart du temps. Il se décrit très fatigable, ayant peu d’intérêt et peu de motivation dans l’ensemble. Par conséquent, j’ai la conviction que monsieur va demeurer en difficulté vraisemblablement et il aura de probables et rapides difficultés à fonctionner au travail.

 

Axe I : Infléchissement vraisemblable de sa dépression majeure. Monsieur semble présenter des symptômes dysphoriques atypiques chroniques : perte d’intérêt, fatigabilité, troubles de concentration qui m’apparaissent reliés à du déconditionnement, une démotivation générale et à ses traits de caractère.

 

Axe II : Je conclus plutôt maintenant à une probable et prépondérante problématique de personnalité passive agressive. Il est possible qu’il ait eu aussi des traits compulsifs et évitants, mais je n’ai pas pu les objectiver à mon examen.

 

Axe III : Côlon irritable, Apnée du sommeil, Céphalées connues.

 

Axe IV : Stresseurs reliés à des conflits de travail.

 

Axe V :  EGF autour de 55-60.

 

À la deuxième question , à mon avis, il demeure difficile de circonscrire la durée de l’invalidité d’autant que monsieur n’a pas et ne semble pas motivé à adresser les problématiques relevant de ses relations interpersonnelles dans son milieu de travail et relevant de la problématique de l’Axe II.

 

Le pronostic m’apparaît plutôt réservé considérant les éléments susmentionnés et la notion soulevée par monsieur de mauvaise foi et son sentiment d’être marqué par son Employeur.

 

Quant au traitement , je crois qu’il nécessite le suivi psychiatrique et le traitement actuel, mais évidemment monsieur gagnerait à questionner une partie, si petite soit-elle, de sa contribution dans la persistance des problèmes dans le cours d’une psychothérapie, mais monsieur n’en démontre aucune ouverture, compréhension ou motivation.

 

Les limitations fonctionnelles , à la question 5, relèvent de ce que j’ai mentionné à l’invalidité. Monsieur n’est pas motivé, monsieur n’a pas confiance en son Employeur, il se sent marqué. Il prévoit lui-même vraisemblablement avoir des difficultés avant d’avoir commencé. Il est fatigable et démontre peu de réactivation fonctionnelle convaincante même dans sa vie personnelle. Je ne crois pas que monsieur puisse faire son travail régulier et je n’ai pas d’autre mention à faire que je juge utile dans ce dossier. »

 

[240]      Dans le rapport médical du Dr Major daté du 20 décembre 2008, on peut lire les informations suivantes :

 

·       Sous la rubrique : « Diagnostic  » :

·      Axe I :    Dépression majeure en rémission partielle

·      Axe II :   Traits obsessionnels et évitants

·      Axe III :

·      Axe IV : Difficulté au travail, maladie chronique

·      Axe V :  55-55

·       Sous la rubrique : « Traitement »

·        Médical : Clomipramine 200 mg thérapie de support

·       Sous la rubrique : « Invalidité retour progressif », à la question, en quoi la maladie décrite plus haut rend-elle la personne incapable d’occuper son emploi inscrit à la partie A, il est écrit : Symptômes invalidants : Asthénie , troubles de concentration, dysphorie.

·       Sous la rubrique : « Date de la fin de la période acceptée par l’Employeur et s’il y a prolongation au-delà de la date de fin de période acceptée par l’Employeur décrivez les complications ou les raisons médicales qui la justifient », il est écrit : réponse mitigée au traitement arrêt prolongé avec régression.

·       La date approximative de fin d’absence indiquée est le 19 janvier 2009.

·       Sous la rubrique « Retour progressif », il est indiqué oui avec la mention 2 jrs pour 1 semaine, 3 jrs pour 2 semaines et 4 jrs pour 2 semaines, et ce, à compter du 19 janvier 2009.

 

[241]      Le Dr Legault a expliqué les 5 axes que l’on retrouve sous la rubrique  « Diagnostic », lesquels sont définis dans un manuel de référence en santé mentale intitulé Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) utilisé au  Canada et aux États-Unis par les médecins, et ce, même devant les tribunaux. Je note d’ailleurs que, dans l’affaire Commission scolaire des Navigateurs , les deux psychiatres qui ont témoigné, l’un pour le Syndicat et l’autre pour la Commission, ont utilisé cette classification aux fins de leur expertise [39] .  

 

[242]      L’axe V de cette classification indique un pointage tiré de l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement ou EGF selon son acronyme. Référant au DSM-IV, le Dr Legault a expliqué qu’une personne ayant une EGF de moins de 60 est considérée inapte au travail en précisant qu’entre 50 et 55 la personne est très malade et a des symptômes importants de dépression. Elle est considérée en rémission lorsque son EGF atteint 70, les symptômes sont alors légers. Il reconnaît qu’une EGF qui s’approche de 60 indique une amélioration, certes, mais cela ne signifie pas que la personne est apte au travail, car elle peut stagner à ce niveau.

 

[243]      L’EGF est  indiquée dans tous les certificats médicaux déposés et il n’est pas sans intérêt de voir ce qui en est :

 

·         Quatre rapports médicaux de la Dre Desroches, médecin traitant du plaignant, ont été déposés. Dans ces rapports, elle prolonge l’absence maladie :

 

Ø 1 er février 2007, celle-ci indique sous l’axe V : 50 à 60 (S-9);

Ø  4 juin 2007, l’EGF est de 55 à 60. Elle souligne que le plaignant a besoin d’aller en thérapie (S-10);  

Ø 28 octobre 2007, l’EGF est de 55-60. Elle écrit malgré cette EGF, sous la rubrique « Symptômes », réussit à être un peu plus actif et à se concentrer un peu mieux, mais largement insuffisant pour un retour au travail (S-11);

Ø 23 janvier 2008, l’EGF de 48 et au niveau des symptômes, elle réfère à son rapport précédent (S-12).

 

·         Le 17 avril 2007, le Dr Wolf, psychiatre, indique une EGF de 55. Il suggère un suivi psychologique intensif et estime qu’il n’est pas apte à un retour au travail (S-17.1).

 

·         Le 30 août 2007, le Dr Lapointe indique dans son rapport une EGF de 50-60 et recommande une absence prolongée (S-17.1, p. 27).

 

·         Trois rapports médicaux du Dr Major sont déposés :

 

Ø Le 26 mai 2008, il indique une EGF de 50-50. Il prolonge l’absence maladie (S-13);

Ø Le 3 septembre 2008, il indique une EGF de 50-50 et prolonge l’absence maladie (S-14);

Ø Le 20 décembre 2008, il indique comme EGF 55-55 et recommande un retour au travail progressif pour le 19 janvier 2009 (S-15).

.                  

[244]      Force est de constater qu’avec une EGF se situant entre 50 et 60 dans ces différents certificats médicaux, l’absence en maladie du plaignant a été prolongée depuis le 13 novembre 2006, et ce, par différents médecins. Le 20 décembre 2008, avec une EGF de 55-55, le Dr Major recommande un retour au travail sans plus d’explications, il refuse même d’en donner lorsque Mme Coutu lui en demande. Selon le Dr Legault, si on estimait qu’une personne est apte au travail avec une EGF se situant entre 50 et 60 il faudrait expliquer cette discordance. Or, cette discordance n’a pas été expliquée, le Dr Major n’ayant pas témoigné.

 

[245]      Le Dr Legault a également expliqué qu’une personne en dépression majeure est affublée de 2 symptômes cardinaux ou de l’un des deux, à savoir la tristesse et/ou l’humeur dépressive. Ce sont là deux critères ou symptômes obligatoires pour qualifier une dépression majeure. Il y a aussi d’autres symptômes au nombre de 4 ou 5, à savoir le sommeil, l’appétit, le niveau d’énergie, la concentration ou plutôt son absence. Les symptômes cardinaux ou obligatoires sont encore présents en décembre 2008. Dans son rapport, le Dr Major écrit au point 3 « invalidité  »: symptômes invalidants : asthénie (fatigue), troubles de concentration et dysphorie, c’est-à-dire troubles de l’humeur. De plus, il est indiqué rémission partielle, ce qui signifie que la maladie est encore active. Les risques de rechutes sont élevés même si les symptômes sont légers. 

 

[246]     Il y a lieu de rappeler, tel que mentionné au paragraphe 208, et ce, au risque de me répéter que lors de son témoignage, le Dr Legault a réitéré que son pronostic était plutôt réservé, à savoir pas bon, défavorable, incertain, et ce, même pour un retour progressif. En somme, selon lui, les chances sont faibles, il y a moins de 50% des probabilités qu’un tel retour fonctionne. Les risques de rechutes sont élevés.

 

[247]      Comme le mentionne l’arbitre Rondeau, dans l’affaire Syndicat de l’enseignement du Grand-Portage , décision citée par l’arbitre La Forge, dans l’affaire Commission scolaire des Navigateurs [40] , l’arbitre effectue un arbitrage en relations de travail et non un arbitrage médical. Il n’a pas à se substituer aux experts médicaux. La preuve médicale est examinée à la lumière des faits et des circonstances pour déterminer si elle établit de façon prépondérante que le salarié est apte au non à reprendre le travail.

 

[248]      En l’espèce, j’estime que la preuve établit de façon prépondérante que le plaignant n’était pas apte pour un retour au travail à l’hiver 2009. L’Employeur pouvait, dès lors, le mettre à pied, conformément à la clause 7-4.01.

 

[249]      L’Employeur pouvait demander une expertise médicale à la suite de la réception du rapport médical du Dr Major. Cette décision ne peut être qualifiée de déraisonnable. D’ailleurs, en avril 2005, le plaignant, alors qu’il demandait de revenir au travail après une longue absence, a vu, à la demande de l’Employeur, le Dr Clermont, lequel a estimé qu’il n’était pas encore apte à un retour. Le plaignant a accepté, à ce moment-là, considérant que le médecin avait des doutes pour sa santé.

 

[250]      Il incombe alors au Syndicat d’établir qu’il y a eu, de la part de l’Employeur, un exercice abusif, discriminatoire ou arbitraire de ce droit de mettre à pied . Qu’en est-il  ?

 

Exercice abusif, discriminatoire ou arbitraire ou non du droit de l’Employeur de mettre à pied

 

[251]      Le Syndicat a invoqué différents événements survenus depuis le retour au travail du plaignant à l’automne 2005 tendant à démontrer une conduite inadéquate de l’Employeur à l’endroit du plaignant.

 

[252]      Voyons ce qui en est de ces événements, bien que, d’entrée de jeu, il est difficile de voir en quoi ces événements démontrent que l’Employeur agit de manière abusive, arbitraire ou déraisonnable, en mettant à pied un salarié qui ne reçoit plus de prestations d’assurance salaire à l’hiver 2009, car les 104 semaines où de telles prestations peuvent être versées sont écoulées.

 

[253]      Le premier événement a trait à son retour au travail en septembre 2005 après une longue absence. Le plaignant a déclaré avoir été convoqué à une rencontre avec Mme Coutu et M. Beaumier . À son arrivée, ces deux personnes étaient ensemble et il a attendu 40 minutes avant que cette rencontre commence. Il revenait d’une longue absence et il s’attendait à avoir de l’aide et du support. Il estime avoir été accueilli froidement, il a eu l’impression de revenir au travail après une mesure disciplinaire. Mme Coutu ne semblait pas de bonne humeur. Il lui a été demandé de prendre immédiatement ses vacances alors qu’il aurait préféré les garder pour s’accorder un peu de repos au besoin. Il a finalement pris des vacances accumulées, à raison de deux jours par semaine, se créant ainsi, en quelque sorte, un retour progressif. Il n’a pas, de plus, reçu l’aide demandée pour effectuer son travail après une longue absence, et ce, de plus, dans un nouveau secteur. On lui a donné l’aide d’un technicien temporaire qui ne connaissait pas le travail et qui, de plus, croyait qu’il lui volait son travail. Il voulait avoir l’aide de M. Chevalier, ce qui lui a été refusé. Ses besoins de mises à jour n’ont pas été pris en considération et il a dû voir par lui-même à cette mise à jour en suivant, par exemple, une journée de formation.  

 

[254]      La version de Mme Coutu de cette rencontre diffère. Elle reconnaît que la réunion a commencé en retard, car elle a vu M. Beaumier avant celui-ci étant nouveau et il s’agissait d’une nouvelle expérience pour lui. Elle évalue le retard à environ 20 minutes et non 40. Cette rencontre avait comme objectifs de parler du plan de retour au travail, ce qui relevait de M. Beaumier et de la prise des jours de vacances accumulés, sa responsabilité en tant que gestionnaire au Service des ressources humaines. Elle a expliqué qu’une politique existait en ce qui concerne la prise de jours de vacances accumulés lors d’un retour d’absence, politique qui a toujours été appliquée sans dérogation, sauf finalement pour le plaignant. Elle a mentionné de plus que pour faciliter le retour moins stressant et dans un souci de qualité de service qu’il avait été décidé qu’un autre technicien accompagnerait le plaignant, ce qui se fait très rarement. Elle a reconnu que le plaignant n’était pas d’accord sur le choix de cette personne et, après discussion, il lui a été mentionné qu’il revenait à M. Beaumier de désigner cette personne et non au plaignant.

[255]      Il n’est pas contesté qu’une telle politique sur les vacances était ainsi appliquée ni qu’il était inusuel qu’un autre salarié offre du support lors d’un retour d’un salarié après une longue absence, ni voire même qu’une telle aide a été offerte au plaignant. Celui-ci en fait n’était pas d’accord sur le choix de la personne. Certes, il y a une différence de perception sur le temps d’attente, soit 20 ou 40 minutes, mais je ne vois pas en quoi cela contribue à démontrer que l’Employeur s’est comporté de manière inadéquate, ni la pertinence avec la décision de ce dernier de mettre à pied le plaignant en avril 2009.

 

[256]      Il a également été mentionné que l’Employeur, à l’automne 2006, avait convoqué le salarié pour une mesure disciplinaire alors qu’il était en congé de maladie. Cette situation a même été déplorée par la Dre Desroches. Mme Coutu a expliqué le contexte et les démarches faites auprès du Syndicat (paragraphes 116 et 117), sans que ce dernier conteste la véracité de cette version. Encore là, je ne peux voir de lien avec la mise à pied en avril 2009.

 

[257]      Le refus de l’Employeur de verser des prestations d’assurance salaire au cours de la période de novembre 2006 au 1 er février 2007 s’explique par l’absence de diagnostic sur le billet médical. Par la suite, il y a eu une expertise de demandée au Dr Wolf, ce qui a occasionné un retard dans le versement des prestations. Cela est certes malheureux pour le plaignant. Ce retard a été expliqué, dans un premier temps, par l’absence de diagnostic, lequel est toujours demandé avant de verser des prestations, et cela n’est pas contredit. Le plaignant a mentionné que le service lui refusait de lui remettre les formulaires adéquats, ce qui est contredit par Mme Coutu. À tout événement rien n’empêchait la Dre Desroches d’indiquer son diagnostic sur le billet médical qu’elle signait. La responsabilité du retard à recevoir les prestations d’assurance salaire ne peut être imputable totalement ou voire même en grande partie à l’Employeur et, de surcroît, il n’y a pas de preuve que cette demande de diagnostic a été faite essentiellement à l’endroit du plaignant.  

 

[258]     Il a également fait état d’un événement fort perturbateur en mai 2007, à savoir l’intervention des policiers au domicile du plaignant. Ce dernier allègue avoir prononcé le 10 mai les propos suivants « s’il était père de famille, tout ce qui lui resterait à faire c’est de se tirer une balle dans la tête » ou « quand il déballe sa nourriture, il a plus envie de se tirer que de manger », selon que l’on se réfère à son deuxième témoignage ou à ce qu’il a mentionné au Dr Beltrami. Selon Mme Coutu, les propos que lui a rapportés Mme Fournier, et ce, le 16 mai, étaient de l’ordre de : « Ce que vous m’avez fait n’a pas de sens, j’ai pris un fusil et j’ai appuyé 3 fois, mais le coup n’a pas parti. La prochaine fois ce n’est peut-être pas sur moi que je vais tirer ».

 

[259]     Il y a une différence dans la date et la teneur des propos . Il n’en demeure pas moins que des propos tout de même inquiétants, ne serait-ce que pour sa santé, ont été prononcés par le plaignant. Celui-ci minimise ces propos et nie avoir eu des pensées suicidaires ou d’agressivité envers les autres. Pourtant, je note que le Dr Wolf, dans son rapport d’expertise daté du 17 avril, soit moins d’un mois avant, écrit que « le plaignant a nié avoir des idées suicidaires ou homicidaires actives actuellement, mais la question l’a bouleversé et il a pleuré un moment ». Il précise alors qu’il « a communiqué avec le médecin traitant , en raison de la réaction de ce travailleur, quand je l’ai interrogé sur d’éventuelles idées noires. J’ai suggéré à la docteure Desroches de faire un suivi sur ce point et d’être vigilante ».   

 

[260]     Par ailleurs, il n’y a pas de preuve sur les informations données par Mme Fournier au Service de police et on ne peut tenir l’Employeur responsable de la façon dont les policiers ont décidé d’intervenir au domicile du plaignant. On conviendra assez facilement que les interventions policières sont décidées par le Service de police et non par celui qui l’informe qu’il peut y avoir lieu d’intervenir.

 

[261]      En somme, il n’y a pas de preuve que l’Employeur a agi de façon déraisonnable, arbitraire ou avec mauvaise foi, en mettant à pied le plaignant en avril 2009.

 

POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE :

 

[262]      Après avoir analysé la preuve, les dispositions conventionnelles et légales pertinentes et la jurisprudence, soupesé les arguments soumis et sur le tout délibéré;

 

REJETTE le grief déposé au nom du plaignant contestant son congédiement.  

 

 

 

                                                                                          ______________________

                                                                                          Me Huguette April, arbitre

 

 

Procureur syndical : M. Sylvio Côté

Procureur patronal : Me Jean-Claude Girard


ANNEXE A

 

 Les pièces suivantes ont été déposées lors de l’audience sur la recevabilité du rapport d’expertise et du témoignage du Dr Beltrami et font partie de la preuve sur le grief au mérite :

 

·         Un rapport médical d’invalidité du Dr Lemelin daté du 24 janvier 2001 pour une septoplastie et amenuisation des cornets inférieurs (C-1);

 

·         Un rapport médical d’invalidité de la Dre Desroches daté du 1 er mai 2003 pour mononucléose, atteinte hépatique secondaire, pansinusite et fatigue. L’invalidité a débuté le 31 mars 2003 (C-2);

 

·         Un billet médical de la Dre Desroches daté du 23 novembre 2006 pour un arrêt de travail les 13, 14, 15, 17, 20, 21, 22 et du 23 novembre au 8 décembre 2006 (S-6);

 

·         Un billet médical de la Dre Desroches daté du 7 décembre 2006 pour une prolongation d’absence à la fin du mois de janvier avec mention qu’il sera revu au cours du mois de janvier 2007 (S-7);

 

·         Un billet médical de la Dre Desroches daté du 18 janvier 2007 prolongeant l’absence de deux mois (S-8);

 

·         Un rapport médical d’invalidité de la Dre Desroches daté du 1 er février 2007 pour une prolongation de l’absence pour une période indéterminée avec la mention qu’il sera revu à la fin du mois de février. Il est indiqué sur ce billet : dépression d’intensité modérée (S-9);

 

·         Un rapport médical d’invalidité de la Dre Desroches daté du 4 juin 2007 prolongeant à nouveau cette absence. Il y est indiqué dépression majeure d’intensité modérée avec la mention légère amélioration (S-10). Il est indiqué que de la psychothérapie est demandée depuis le début de l’année 2007;

 

·         Un rapport médical d’invalidité de la Dre Desroches daté du 28 octobre 2007 prolongeant l’absence pour une période indéterminée. Il y est indiqué dépression majeure peu améliorée à légèrement améliorée (S-11). Il y est mentionné que la psychothérapie est fortement recommandée;

 

·         Un rapport médical d’invalidité de la Dre Desroches daté du 23 janvier 2008 prolongeant l’absence pour une période indéterminée avec la mention dépression majeure de type unipolaire non améliorée (S-12);

 

·         Un rapport médical d’invalidité du Dr Major, psychiatre, daté du 25 mai 2008 prolongeant l’absence (S-13);

 

·         Un rapport médical d’invalidité du Dr Major daté du 3 septembre 2008 prolongeant l’absence (S-14);

 

·         Un rapport médical d’invalidité du Dr Major daté du 20 décembre 2008 recommandant un retour au travail progressif à compter du 19 janvier 2009 (S-15);

 

·         Un rapport d’expertise médicale du psychiatre Louis Legault daté du 17 février 2009, expertise demandée par l’Employeur (C-3);

 

·         Un rapport d’expertise médicale du psychiatre Édouard Beltrami daté du 22 mars 2011, expertise demandée par le Syndicat le 11 mars 2011 (S-17). Ce rapport a été déposé sous réserve de la décision sur l’objection formulée par l’Employeur quant à sa pertinence;

 

·         Le Plan d’effectif soutien administratif, technique et paratechnique pour l’année 2008-2009 (S-16).

 

 

 


ANNEXE B

 

 Doctrines et décisions déposées par le Syndicat

 

1)         Le droit du travail du Québec, Robert P. Gagnon et Langlois Kronström Desjardins, 7 e éditions , Éditions Yvon Blais, no 136;

 

2)         Commission scolaire des Navigateurs et Syndicat de l’enseignement des Deux-Rives, Jean-François La Forge, arbitre, S.A.E. 8604, 2012-09-10;

 

3)         Commission scolaire catholique de Sherbrooke et Syndicat de l’enseignement de l’Estrie, Jean-M. Morency, arbitre, SAET 6773, 1998-03-24;

 

4)         Clean Harbors Inc. et Teamsters Québec, section locale 106 , André Bergeron, arbitre, 13 janvier 2012, AZ-50825400 .


ANNEXE C

 

Décisions ou doctrines déposées par l’Employeur  

 

1)         Commission scolaire La Neigette c. Syndicat du personnel de soutien scolaire, Michael H. Cain, arbitre, S.A.E. 5358, 1991-04-04;

2)         Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 317 et la Commission scolaire de Rouyn-Noranda , S.A.E. 5984, Angers Larouche, arbitre, 21 octobre 1993;

3)         Commission scolaire des Draveurs c. Syndicat de l’enseignement de l’Outaouais, Rodrigue Blouin, arbitre, S.A.E. 6418, 1996-03-06;

4)         Syndicat des employés de la Commission scolaire Jérôme-Le Royer (SCFP) et Commission scolaire Jérôme-Le Royer, Angers Larouche, arbitre, S.A.E. 5370, 2 octobre 1986;  

5)         Syndicat du personnel professionnel du Collège Beauce-Appalaches et le Collège Beauce-Appalaches , S.A.E. 8155, Pierre A. Fortin, arbitre, 28 mars 2008;

6)         Syndicat des employés des commissions scolaires de la Régionale de Tilly c. Commission scolaire de la Régionale de Tilly , Laurent Cossette, arbitre, S.A. 5320-82-3241, 27 février 1984;

7)         Syndicat des employés des commissions scolaires de Charlevoix c. Commission scolaire Laure-Conan, Jean-Guy Ménard, arbitre , S.A. 5330-82-3184, 23 janvier 1984;

8)         Syndicat des employés de commissions scolaires, région Grand-Portage, c. Commission scolaire régionale Grand-Portage, Jean-Pierre Lussier, arbitre, S.A. 5320-82-3164, 10 janvier 1984;

9)         Syndicat des employés des commissions scolaires de Charlevoix c. Commission scolaire Laure-Conan, Jean-Guy Ménard, arbitre, S.A 2974, 1 er août 1983;

10)      Commission scolaire des Hauts-Cantons et Syndicat de l’enseignement de l’Estrie, Maureen Flynn, arbitre, SAET 8253, 2009-01-19 ;

11)      Marie-France Leroux c. Centre hospitalier Ste-Jeanne D’Arc, CS, 5 avril 1995, AZ-95021374 ;

12)      Le Procureur général du Québec c. Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, 2005 QCCA 311 , 31 mars 2005;

13)      Commission scolaire du Lac-Saint-Jean c. Syndicat de l’enseignement du Lac-Saint-Jean, Jean-François La Forge, arbitre, SAET 8679, 2013-05-15 .       



[1]    19 décembre 2012.

[2]    Décision portant le no SAET 8654, 2013 CANLII 12194 (QC SAT).

[3]     Aux pages 41 et 42 de S-17.1.

[4]    C-3, page 5.

[5]    Voir décisions nos 2 et 3 de l’annexe B.

[6]    Voir décision no 4 de l’annexe B.

[7]    Voir la décision no 1 de l’annexe C.

[8]     Voir la décision no 7 de l’annexe C.

[9]    Voir la décision no 8 de l’annexe C.

[10]   Voir notamment les décisions nos 9 et 10 de l’annexe C.

[11]   Voir la décision no 9 de l’annexe C, p. 325.

 

[12]   L’arbitre Jean-Pierre Lussier, dans l’affaire Commission scolaire, région du Grand-Portage , avait à interpréter cette clause et a conclu que la plaignante, après sa mise à pied, ne perdait pas les droits que la convention collective accorde à un salarié puisqu’elle conserve son lien d’emploi. Elle peut même déposer un grief si elle estime ne pas avoir pu bénéficier d’un de ces droits. On ne peut, dans un tel contexte, parler de congédiement; voir la décision no 8 de l’annexe C.

[13]   Voir la décision no 8 de l’annexe C, p. 937.

[14]   Voir la décision no 1 de l’annexe C.

[15]   Voir la décision no 9 de l’annexe C, p. 327; voir également la décision de Jean-Pierre Lussier, no 8 de l’annexe C.

[16]   Voir la décision no 1 de l’annexe C, p. 1672.

[17]   Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail , Linda Bernier, Guy Blanchet, Lukasz Granosik et Éric Séguin, 2 e édition, mise à jour 2013-04, no 1, p. 190.

[18]   Voir la décision no 2 de l’annexe B, par. 134. L’arbitre La Forge reprend des extraits de la décision de l’arbitre Beaulieu dans Commission scolaire de la Capitale et Syndicat de l’enseignement de la région de Québec , SAE 8436 (9 février 2011).

[19]   Supra note 18.

[20]   [1993] 1 R.C.S., p. 282, cité dans la décision no 2 de l’annexe B, par. 140. L’arbitre La Forge réfère alors à une décision de l‘arbitre André Ladouceur dans l’affaire Syndicat des professionnelles-ls en soins du Suroît (FIQ).

[21]   Clean Harbors inc ., voir la référence à l’annexe B, décision no 4.

[22]   Société Radio-Canada et Syndicat des technicien(ne)s et artisan(e)s du réseau français de Radio-Canada , 17 juin 2005, AZ-503220370, cité dans Clean Harbors , supra note 21, par. 154.

[23]   Commission scolaire de Charlevoix , voir la décision no 9 de l’annexe  C, p. 326.

[24]   Supra note 23, p. 327.

[25]   Voir la décision no 1 de l’annexe C.

[26]   Commission scolaire La Neigette et Syndicat du personnel de soutien scolaire , 1990-02-07, SAE 5083.

[27]   Voir la décision no 1 de l’annexe C, p. 1672 et 1673.

[28]   Voir la décision no 3 de l’annexe B, par. 379.

[29]   Commission scolaire Jean-Chapais et Syndicat de l’enseignement du Grand-Portage , 1996-03-12, SAE 6419, p. 8. Note : la référence dans la décision de Me La Forge est erronée, il ne s’agit pas de la référence SAE 6410, mais bien de SAE 6419.

[30]   Voir la décision no 4 de l’annexe B.

[31]   Louise Verschelden, La preuve et la procédure en arbitrage de griefs , Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 1994.

[32]   86T 634, 1986-06-26.

[33]   Institut universitaire de gériatrie de Montréal et Syndicat des travailleurs et travailleuses regroupés de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (SCFP - section locale 4880) Marie Alta Abelard , 28 janvier 2009, arbitre Me Claude Martin, 2009 CANLII 6851 (Q.C.A.G.), p. 14; voir également Institut universitaire de gériatrie de Montréal et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2680 (30 janvier 2002), arbitre Me Jean-Pierre Lussier; Syndicat des travailleurs et travailleuses de CSS du Sud de Lanaudière - CSN et Centre de santé et des services sociaux Lanaudière (11 septembre 2008), arbitre Me Richard Guay.

 

[34]   Sentence arbitrale du 7 mars, par. 17 et 31, et la présente sentence, par. 64 et 65.

[35]   La présente sentence arbitrale, par.  24.

[36]   Rapport du Dr Beltrami, S-17, par. 3.

[37]   Le plaignant a témoigné à deux reprises dont la première fois lors de la preuve sur l’objection à la recevabilité du rapport du Dr Beltrami et son témoignage. Les passages pertinents se retrouvent au paragraphe 26 de la sentence arbitrale du 7 mars 2013. Afin de faciliter la lecture, ces passages sont repris au paragraphe 235 de la présente.

[38]   Monsieur lui a dit que la Clomipramine a baissé à 150 mg et que les effets ne sont pas forts, selon son expression.

[39]   Voir la décision no 2 de l’annexe B,  par. 63 et 78.

[40]   Voir la décision no 2 de l’annexe B, par. 379.