Patrick Latulippe inc. c. Gestions Lahaina inc. |
2014 QCCQ 2610 |
|||||||
COUR DU QUÉBEC |
||||||||
|
||||||||
CANADA |
||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||||
DISTRICT DE |
QUÉBEC |
|||||||
LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
|||||||
« Chambre civile » |
||||||||
N° : |
200-22-064534-126 |
|||||||
|
||||||||
|
||||||||
DATE : |
7 avril 2014 |
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
SUZANNE VILLENEUVE, J.C.Q. |
||||||
|
||||||||
|
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
|
||||||||
PATRICK LATULIPPE INC., personne morale dûment constituée et régie en vertu de la Loi sur les sociétés par actions du Québec (RLRQ., c. S-31.1), ayant son siège social au 1204, boulevard Bastien, bureau 104, Québec (Québec) G2K 1K2 |
||||||||
Demanderesse |
||||||||
c. |
||||||||
GESTIONS LAHAINA INC. , personne morale dûment constituée et régie en vertu de la Loi sur les sociétés par actions du Québec (RLRQ, c. S-31.1), ayant son siège social au 8360, avenue du Plateau-de-Charlesbourg, Québec (Québec) G1G 4L3 |
||||||||
Défenderesse |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
JUGEMENT |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
[1] Patrick Latulippe inc. réclame 69 714,98 $ pour vices cachés affectant l’immeuble commercial acheté le 30 avril 2010 au prix de 375 000 $.
[2] Elle se plaint plus précisément de vices cachés affectant la dalle de béton du garage, pour laquelle elle réclame 36 792,92 $, ainsi que les fondations de l’immeuble et de l’entrée du sous-sol, pour lesquelles elle réclame 7 910 $ et 2 012,06 $.
[3] Alléguant que les vices étaient connus du vendeur, elle réclame des dommages-intérêts totalisant 23 000 $.
[4] Gestions Lahaina inc. conteste la demande parce qu’elle soutient que les vices allégués ne rencontrent pas les critères pour être qualifiés de vices cachés.
[5] Elle ajoute que Patrick Latulippe inc. n’a pas agi en acheteur prudent et diligent en ce qui concerne la dalle de béton du garage et qu’elle l’a privée de son droit à une défense pleine et entière en ce qui concerne la réparation de deux fissures dans le solage ainsi que la démolition et la reconstruction de l’entrée du sous-sol.
LE LITIGE
[6] Le litige porte essentiellement sur la qualification des vices dont se plaint Patrick Latulippe inc. à savoir s’il s’agit de vices graves, antérieurs à la vente et occultes.
[7] Pour répondre à ces questions, il faut s’en remettre aux faits pertinents établis de façon prépondérante par la preuve ainsi qu’aux deux expertises produites au dossier.
LES FAITS PERTINENTS
[8] Patrick Latulippe inc. est une entreprise familiale qui œuvre dans le domaine de l’électricité.
[9] Actionnaire et vice-président de la compagnie, Louis Latulippe a racheté la compagnie à son père Patrick Latulippe et, au printemps 2010, il a décidé d’installer la place d’affaires de l’entreprise ailleurs qu’à la résidence de son père.
[10] Dans cette perspective, les représentants de Patrick Latulippe inc. ont été amenés à visiter, faire une offre d’achat et acheter l’immeuble qui était la propriété de Gestions Lahaina inc., une entreprise de gestion immobilière.
[11] Avant de procéder à la signature du contrat de vente le 30 avril 2010, les représentants de Patrick Latulippe inc., Louis et Patrick Latulippe, ont procédé à une visite des lieux avec Claude Deschênes, représentant de Gestions Lahaina inc.
Inspection préachat
[12] Ils ont choisi de ne pas procéder à une inspection préachat, et ont consacré un avant-midi à effectuer la visite de l’immeuble qui comprend trois logements locatifs à l’étage, deux commerces au rez-de-chaussée ainsi qu’un sous-sol non aménagé à l’exception d’un petit bureau servant d’entrepôt, une salle de bain et trois lockers.
[13] Ils ont visité deux des trois logements à l’étage, ainsi que les deux commerces du rez-de-chaussée et le sous-sol en plus de procéder à l’inspection de la toiture, des composantes électriques et de l’extérieur de l’immeuble.
Inspection du garage
[14] Le local appelé « garage » est en fait un local du rez-de-chaussée loué à l’entreprise Ropaq inc., oeuvrant dans le domaine de l’entretien, la réparation et l’installation de machinerie industrielle, ses contrats étant majoritairement réalisés chez les clients et occasionnellement, dans les locaux loués qui servent principalement à l’entreposage d’outillage relativement léger occupant environ 65 % de l’entrepôt.
[15] Lors de la visite préachat, Patrick et Louis Latulippe sont restés environ quinze minutes dans le garage où se situe la dalle de béton faisant l’objet d’une réclamation totalisant 36 792,92 $.
[16] Robert Paquet, propriétaire et président de Ropaq inc., était présent sur les lieux et il se souvient qu’avec un ou deux employés, il procédait au montage d’un équipement mesurant 15 pouces de large par 20 pieds de long, installé à un mètre du sol sur un tréteau.
[17] Le croquis réalisé en salle d’audience et produit sous D-4 illustre le témoignage de monsieur Paquet établissant que cet équipement ne bloquait pas la vue du plancher.
[18] Aucune question particulière n’a été posée à monsieur Paquet relativement à l’état de ce local qu’il loue depuis novembre 1999 et qu’il occupe toujours à la date de l’enquête et audition en 2014.
[19] Outre la désuétude de la porte de garage en bois et de la porte d’entrée qui devaient être remplacées, ils n’ont remarqué rien de particulier dans la partie servant d’atelier et d’entrepôt, partie se situant au-dessus du bureau-entrepôt dans le sous-sol.
[20] Louis Latulippe affirme ne pas y avoir remarqué la présence des sept plaques d’acier couvrant 82 pieds carrés de la dalle de béton.
[21] Dans la section bureau, Patrick et Louis Latulippe ont noté que le tapis et les tuiles étaient usés et que le panneau électrique à fusibles était désuet.
Inspection du bureau-entrepôt dans le sous-sol
[22] Le bureau-entrepôt se situe dans le sous-sol, sous le garage. Il s’agit d’un local dans lequel Claude Deschênes entreposait divers produits de son entreprise de couvre-planchers.
[23] Ce local est muni d’un plafond suspendu composé de tuiles acoustiques soutenues par les poutrelles sous la dalle de béton du garage. Le plafond est situé à une hauteur d’environ 6 ½ pieds ou 7 pieds et toutes les tuiles acoustiques qui le composent sont amovibles et faciles à soulever pour avoir accès à l’espace se situant sous la dalle de béton.
[24] Lors de la visite, Claude Deschênes a précisé que ce local se situait sous la dalle de béton du garage. Les représentants de la demanderesse ont alors jeté un coup d’œil à la structure en regardant derrière une tuile acoustique et ils n’y ont rien remarqué de particulier.
[25] Ils ont noté la vétusté du vieux tapis recouvrant le sol et des deux châssis en mauvais état démontrant des signes d’infiltration d’eau. Ils ont également noté la présence de margelles dont ils ont constaté la vétusté lors de leur examen à l’extérieur de l’immeuble.
[26] Cette pièce leur a semblé servir de débarras parce qu’il y avait du matériel partout.
ACHAT, PRISE DE POSSESSION ET OCCUPATION
[27] Patrick Latulippe inc. a acheté et pris possession de l’immeuble le 30 avril 2010.
[28] La bâtisse était occupée par les trois locataires résidentiels à l’étage, les deux entreprises Ropaq inc. et le salon de coiffure Perfecto au rez-de-chaussée. Il n’y avait rien au sous-sol, à l’exception des biens laissés par Claude Deschênes dans le vieux bureau sous le garage.
[29] Dès la prise de possession de l’immeuble, Patrick Latulippe inc. a amorcé des travaux visant à enlever la cloison du bureau-entrepôt pour aménager deux locaux au sous-sol.
[30] En juin ou juillet 2010, il y a eu un problème d’infiltration d’eau au sous-sol en provenance des deux châssis dans le bureau-entrepôt car les margelles étaient remplies d’eau. Ce problème a été corrigé par l’installation de drains avec des conduits et, au cours de cette première année d’occupation, les galeries et les fenêtres de l’immeuble ont également été changées.
[31] En novembre 2010, alors qu’il aménageait les bureaux dans le sous-sol, Louis Latulippe allègue avoir vu de l’eau dégoutter dans le sous-sol, sous le garage.
[32] C’est à cette occasion que, pour la première fois, Louis Latulippe aurait constaté l’état de la structure : il dit avoir pris la peine de lever les tuiles acoustiques dans le bureau-entrepôt où il n’a vu aucun conduit; il serait ensuite monté dans le local de Ropaq inc. où il n’y avait pas d’eau avant de redescendre dans le bureau au sous-sol pour vérifier et constater que le « steel deck » était pourri à l’endroit où l’eau avait coulé. Il aurait enlevé les tuiles du plafond suspendu et remarqué la présence de morceaux de bois empilés recouvrant un trou dans le plancher du garage. C’est alors qu’il aurait compris que les plaques d’acier installées dans le garage et nivelées avec du béton servaient à corriger le problème, laissant cependant infiltrer l’eau entre le béton et le « steel deck ». C’est du moins l’interprétation qu’il en a faite.
[33] Louis Latulippe explique que l’eau qui s’est infiltrée dans le sous-sol provenait d’un véhicule rentré dans le garage pour le faire dégeler.
[34] Le 29 novembre 2010, les premiers procureurs de Patrick Latulippe inc. ont adressé une mise en demeure à Gestions Lahaina inc. lui réclamant 80 694 $, soit 25 000 $ en dommages-intérêts et 55 694 $ à titre d’indemnité pour avoir changé les margelles et installé de nouvelles fenêtres ainsi que pour les travaux éventuels sur la dalle de béton du garage.
[35] Gestions Lahaina inc. a fait procéder à une expertise le 29 mars 2011 et les résultats de cette expertise de même que ceux de l’expertise réalisée pour la demanderesse en date du 23 novembre 2011 seront traités plus loin.
[36] En 2011, la porte de garage et la porte d’entrée piétonne pour le garage ont été changées alors qu’en 2012, deux des trois appartements ont été rénovés et le recouvrement extérieur de l’immeuble a été refait au complet ainsi que l’asphalte du stationnement et l’aménagement du terrain.
[37] Dans les faits, Patrick Latulippe inc. a investi 400 000 $ dans l’immeuble pour le remettre au goût du jour et y ajouter deux locaux commerciaux dans le sous-sol, soit un local pour Patrick Latulippe inc. et un autre pour une couturière.
[38] Le 17 février 2012, les nouveaux procureurs de Patrick Latulippe inc. ont adressé une mise en demeure à Gestions Lahaina inc. faisant état d’un dégât d’eau survenu au rez-de-chaussée suite au bris récent d’une conduite d’eau ayant causé un déversement important au sous-sol, nécessitant la réalisation prochaine de certaines ouvertures en surface de la dalle de béton à partir du rez-de-chaussée. La preuve révèle qu’aucune ouverture n’a été pratiquée par les experts de la demanderesse tel qu’annoncé.
[39] C’est lors de la réalisation des travaux en 2012 visant à refaire le recouvrement extérieur de l’immeuble ainsi que le réaménagement du terrain incluant l’enlèvement des boîtes à fleurs, de l’asphalte et des murs de pruche, que serait apparu un problème d’infiltration d’eau par des fissures dans le solage et que des problèmes auraient également été découverts au niveau du mur en «U» de la descente d’escaliers extérieure car il était fendu.
[40] Aucune dénonciation ni aucune mise en demeure n’ont été adressées à Gestions Lahaina inc. relativement aux problèmes constatés lors des travaux sur le revêtement extérieur de l’immeuble ainsi que sur le terrain.
[41] Louis Latulippe justifie l’absence de dénonciation en disant que les fissures : « on les a fait réparer tout de suite parce qu’ils devaient revenir paver le stationnement ». [1] Pour le même motif, il fallait refaire le mur de béton : « ça pressait, le gars d’asphalte s’en venait ». [2]
[42] Le coût des réparations des fissures et de l’entrée de cave ont fait l’objet d’une réclamation totalisant 9 922,06 $ dans la requête introductive d’instance.
[43] En date de ce jour, la dalle de béton du garage n’a fait l’objet d’aucune réparation et un montant de 36 792,92 $ est réclamé pour procéder à la réparation de celle-ci.
[44] Finalement, des dommages totalisant 23 000 $ sont réclamés dont 3 000 $ à titre d’indemnité payable à Ropaq inc. pour des inconvénients futurs et 20 000 $ en troubles et inconvénients.
[45] La réclamation pour les fenêtres pourries du sous-sol présentée dans la première mise en demeure n’a pas été reprise dans la seconde mise en demeure ni dans la requête introductive d’instance.
LES EXPERTISES
L’expertise en demande
[46] L’ingénieur Louis Larouche a été mandaté par Patrick Latulippe inc. pour vérifier la dalle structurale du garage et évaluer si elle pouvait représenter un danger.
[47] Celui-ci a procédé à une visite de l’immeuble en novembre 2011 plus précisément dans le garage et au sous-sol où il a pu réaliser son expertise sans avoir à faire de travaux particuliers.
[48] On retient de son témoignage que la dalle de béton non armé constitue une installation non standard qui présente cependant une solidité adéquate pour l’utilisation actuelle du local par Ropaq inc.
[49] Les plaques d’acier couvrant la moitié de la superficie structurale de la dalle de béton jouent bien leur rôle d’assurer la solidité de la structure qui avait été endommagée par un trou dans le béton.
[50] À la date de l’audition, le 19 mars 2014, il témoigne que la dalle ne constitue pas un risque structural. Il a d’ailleurs autorisé l’usage des lieux.
[51] Il a conclu à l’utilité des plaques d’acier suggérant même de les prolonger à la grandeur de la partie excavée du garage pour augmenter la qualité portante de la structure.
[52] Si Patrick Latulippe inc. voulait se débarrasser des plaques d’acier, il faudrait enlever le pontage et refaire le béton. Dans ce cas, la soumission produite sous P-7, au montant de 32 000 $ plus taxes en date du 3 février 2012, pour refaire le plancher de garage en béton constitue une soumission conforme aux règles de l’art. Il précise cependant que pour obtenir une dalle étanche, il serait important d’utiliser un béton de première qualité.
[53] Bien que la situation actuelle ne constitue pas un danger, l’expert Larouche précise que les plaques d’acier ne règlent pas le problème de drainage soulevé par sa cliente. Il n’a cependant fait aucune recherche ni fourni aucune réponse sur les méthodes possibles pour rendre étanche la dalle actuelle avec les plaques d’acier.
L’expertise en défense
[54] L’ingénieur Stéphane Therrien a été mandaté par Gestions Lahaina inc. pour vérifier l’état de la dalle de béton.
[55] Il a procédé à une visite des lieux le 29 mars 2011 et il a pu réaliser son mandat, tout comme l’a fait l’ingénieur Larouche huit mois plus tard, par un examen visuel du plancher et des plaques d’acier dans le garage ainsi que du pontage au-dessus du plafond suspendu dans le sous-sol.
[56] Il a d’abord été surpris par la présence des plaques d’acier dans le garage puisqu’il s’agit de plaques généralement utilisées sur des trottoirs ou dans les rues pour sécuriser un trou béant. Il était alors évident pour lui que les plaques d’acier avaient dû être installées là pour assurer un renforcement du plancher.
[57] Il était alors important de vérifier l’état de la dalle qu’il a facilement pu inspecter derrière le plafond suspendu du sous-sol : il a pu constater l’absence d’armatures, la présence de corrosion sur certaines poutrelles de même que des cernes sur les tuiles du plafond, la présence de cages de bois mises entre certaines poutrelles et la composition de la dalle de béton sans armature.
[58] Ses observations l’ont amené à conclure que la dalle de béton structurale de l’atelier avait présenté des dommages structuraux qui avaient été réparés de manière artisanale.
[59] Selon ses calculs et son évaluation de la situation, la dalle ne présente pas de problème structural pour l’usage existant du garage depuis 1999. Cependant: « si jamais des surcharges plus importantes devaient être appliquées sur cette dalle, il est probable que son intégrité en serait affectée. »
L’ANALYSE
La dalle de béton
[60] Ropaq inc. est locataire du garage depuis novembre 1999 et on comprend de son témoignage que son bail a été renouvelé le 1 er mai 2013 pour une nouvelle durée de trois ans avec possibilité de renouvellement de deux ans.
[61] La preuve révèle que les problèmes de dalle tels qu’identifiés n’ont jamais causé de déficit d’usage du local commercial : Robert Paquet témoigne que l’entreprise n’a pas changé de vocation depuis 1999 et il n’identifie aucun problème concernant l’usage du local aux fins de l’exploitation de Ropaq inc.
[62] Considérant la description des opérations de l’entreprise, le Tribunal comprend qu’on n’utilise pas de jet d’eau dans ce local et que les opérations qui s’y déroulent n’occasionnent pas de pertes d’eau ou de liquide sur le plancher.
[63] Le bris d’une conduite d’eau survenu au rez-de-chaussée au début de l’année 2012 ne découle pas d’un événement causé par l’utilisation du local de Ropaq inc.
[64] Ce seul dégât d’eau accidentel ne justifie pas nécessairement d’installer un système de drainage pour le plancher du garage. Il existerait sûrement une solution plus simple pour procéder à l’étanchéité de celui-ci.
[65] Quoi qu’il en soit, l’état actuel des lieux aurait facilement pu être identifié avant l’achat de l’immeuble.
[66] En effet, les deux experts ont procédé à leur analyse sans avoir à faire quelques travaux particuliers puisque la dalle et sa structure ont pu être expertisées facilement à partir du garage lui-même et à partir du bureau-entrepôt où le plancher suspendu permettait un accès facile à la structure.
[67] Louis Latulippe, qui a procédé à l’inspection préachat, avait dix-huit ans d’expérience sur les chantiers de construction à titre d’électricien au moment de la visite préachat et, s’il avait fait une inspection sérieuse du garage, il aurait dû voir les plaques d’acier sur le plancher du garage et être alerté par cette situation. Il aurait dû poser des questions mais il ne l’a pas fait.
[68] Ainsi, Louis Latulippe peut difficilement dire qu’il a été rassuré par le silence de Claude Deschênes concernant la réparation qui avait été effectuée sur la dalle de béton d’autant plus que la preuve n’attribue aucune compétence particulière à Claude Deschênes en matière de construction et ne fait état d’aucun problème qui se serait manifesté dans l’immeuble après la réparation artisanale de la dalle.
[69] Le Tribunal croit que Louis Latulippe a plutôt fait preuve d’aveuglement volontaire en ne vérifiant pas plus à fond cette partie de l’immeuble.
[70] En effet, sur d’autres aspects, il a procédé à une inspection très rigoureuse puisqu’il a pris la peine de monter sur la toiture, en observer les composantes tout comme il a pris la peine de vérifier le système électrique et poser des questions aux locataires résidentiels ainsi qu’à la propriétaire du salon de coiffure alors que, tel qu’en témoigne Robert Paquet, il a peu posé de questions dans les quinze minutes qu’il a passé dans le garage.
[71] Force est de constater qu’il n’a pas mis le même soin dans son inspection du local de Ropaq inc. et dans le bureau-entrepôt où il semble s’être fermé les yeux.
[72] Le Tribunal s’étonne que Louis Latulippe ait affirmé ne pas avoir remarqué la présence de plaques de métal sur le plancher du garage en raison du gros équipement qui s’y trouvait alors que le témoignage de Robert Paquet permet d’établir qu’il s’agissait d’un dérouleur installé perpendiculairement à la porte de garage, mesurant 15 pouces de large par 20 pieds de long, installé à 1 mètre du sous-sol sur des tréteaux et ne bloquant absolument pas la vue du plancher.
[73] De plus, l’interrogatoire préalable établit que Louis Latulippe a fait évaluer l’immeuble pour l’obtention de son prêt hypothécaire [3] . Pourrait-on en déduire qu’il n’a pas posé de questions parce qu’il connaissait la situation?
[74] Le Tribunal comprend que Louis Latulippe n’est pas un expert en structures, mais il existait suffisamment d’indices pour permettre à un électricien familier avec les chantiers de construction, de pousser plus loin son inspection et de demander l’avis d’un spécialiste comme il dit l’avoir fait lorsqu’il a découvert le tout en novembre 2010. Il aurait alors eu l’heure juste et appris que la dalle de béton ne présentait aucun risque structural pour Ropaq inc.
[75] Le Tribunal a peine à croire que la découverte du problème dont se plaint la demanderesse remonte seulement à l’histoire du véhicule qui dégèle dans le garage.
[76] En effet, le seul témoignage de Louis Latulippe sur l’écoulement d’eau dans le sous-sol en novembre 2010 ne constitue pas une preuve prépondérante de l’existence de ce problème avant l’achat.
[77] En effet, le témoignage non contredit de Francine Bertrand qui s’est occupée de l’entretien ménager dans la bâtisse avant l’achat établit qu’elle n’a jamais été témoin de la présence d’eau sur les tuiles acoustiques pas plus qu’elle aurait entendu parler de l’existence d’un tel problème par son conjoint de fait Claude Deschênes, représentant de Gestions Lahaina inc., qui est malheureusement décédé le 27 septembre 2010.
[78] Le Tribunal conclut que le vice dont se plaint Patrick Latulippe inc. n’est pas un vice caché parce qu’il aurait dû être découvert par un acheteur prudent et diligent.
[79] De plus, le vice allégué ne constitue pas un déficit d’usage pour les fins auxquelles le local du garage a toujours servi depuis 1999. Si la demanderesse avait eu des projets autres pour ce local, nécessitant une résistance plus grande de la structure, il lui aurait fallu faire les vérifications en conséquence compte tenu de la situation des lieux et de l’âge de l’immeuble construit en 1974.
Les fissures et la descente de cave
[80] Les problèmes de fissures et de descente de cave se sont manifestés à la fin du printemps 2012 pendant les travaux réalisés sur le terrain de l’immeuble.
[81] Avant cette date, il n’y avait aucune infiltration d’eau dans le sous-sol pouvant être reliée aux problèmes dont se plaint Patrick Latulippe inc. dans son recours.
[82] De plus, les motifs présentés par Louis Latulippe pour ne pas avoir dénoncé les vices avant de procéder aux travaux ne constituent pas une urgence justifiant de ne pas permettre à la demanderesse de procéder à une évaluation de la situation.
[83] En effet, il s’agit plutôt d’un choix économique de ne pas retarder les travaux d’asphaltage sur le terrain.
[84] Ainsi, l’absence de dénonciation a privé la partie défenderesse de son droit à une défense pleine et entière et ce seul motif justifie de rejeter la demande en diminution du prix de vente pour vices cachés.
[85] Qui plus est, la preuve ne permet pas d’établir l’âge et la cause des problèmes apparus pendant ou après de nombreuses transformations pouvant elles-mêmes être responsables des problèmes observés au printemps 2012.
[86] Concluant que l’ensemble des vices dont se plaint Patrick Latulippe inc. ne peuvent pas être qualifiés de vices cachés, le recours doit être rejeté avec dépens, incluant les frais d’expertise jugés utiles à la cause.
[87] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande avec dépens, incluant les frais d’expertise établis à la somme de 5 302,32 $.
|
||
|
__________________________________ SUZANNE VILLENEUVE, J.C.Q. |
|
|
||
KSA AVOCATS (23) |
||
(Me Anne-Marie Gagné) |
||
Proc. de la demanderesse |
||
|
||
PICARD SIRARD POITRAS (62) |
||
(Me Stéphanie Lafond) |
||
Proc. de la défenderesse |
||
|
||
Dates d’audience: |
19 et 20 mars 2014 |
|